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Le Petit Chaperon Rouge

Niveau B2, C1

Illustration et récit

"En étant illustré, le conte est privé d'une grande partie de la


signification personnelle qu'il peut avoir" tranche Bruno Bettelheim dans
Psychanalyse des contes de fées.
Faut-il penser avec lui que l'illustration du conte est un "éteignoir
d'images" ? Ou au contraire avec Colette, qu'elle est un incitateur à la
parole narrative, à l'imaginaire ? Sans cependant sous-estimer
l'extrême difficulté à représenter ou à donner à voir le merveilleux.
"De livres enfantins, il n'en fut jamais question. Amoureuse de la
princesse en son char, rêveuse sous un si long croissant de lune, et de
la Belle qui dormait au bois, entre ses pages, prostrée ; éprise du
Seigneur Chat botté d'entonnoirs, j'essayais de retrouver dans le texte
de Perrault les noirs de velours, l'éclair d'argent, les ruines, les
cavaliers, les chevaux aux petits pieds de Gustave Doré ; au bout de
deux pages, je retournais, déçue, à Doré. Je n'ai lu l'aventure de la
Biche, de la Belle, que dans les fraîches images de Walter Crane. Les
gros caractères du texte couraient de l'un à l'autre tableau comme le
réseau de tulle uni qui porte les médaillons espacés d'une dentelle. Pas
un mot n'a franchi le seuil que je lui barrais." Colette, La Maison de
Claudine.

Dès le VIIe siècle, l'illustration occupe une fonction ornementale dans


les manuscrits enluminés. Meyer Schapiro souligne dans Les Mots et
les Images la relation intrinsèque entre les images et les textes qu'elles
sont censées illustrer. Mais cette relation prête à bien des distorsions,
écarts, déplacements, voire contresens. La tâche de l'artiste est de
traduire en termes visuels l'argument que propose le texte. L'image
éclaire-t-elle le texte (premier sens d'illustrare) en projetant sur le texte
une lumière nouvelle ? Ou bien l'artiste traduit-il le texte par son
interprétation subjective, en rajoutant des éléments absents du texte ?
En repérant les diverses modalités du lien entre l'image et le texte, nous
essaierons de dégager la part de l'interprétation littérale de
l'interprétation symbolique, en nous interrogeant non seulement sur le
sens de chaque image et sur ce qu'elle représente (en procédant par
application à partir d'un texte dont on ferait correspondre un à un les
termes avec des éléments de l'image), mais aussi en recherchant
comment elle fonctionne, au titre de dispositif signifiant. En considérant
avec Benveniste que le véritable problème est de rechercher comment
s'effectue cette transposition d'une énonciation verbale en
représentation iconique, nous étudierons quelles sont les
correspondances possibles d'un système à l'autre : comment
fonctionne la traversée réciproque du texte par l'image et de l'image par
le texte ?
Nous nous attacherons à démontrer que les techniques diverses de
reproduction peuvent aussi infléchir sur cette transposition, car la
fonction ornementale de l'illustration évolue lorsque le manuscrit, objet
unique destiné à un commanditaire devient un livre imprimé et qu'il est
possible de le reproduire à gros tirage et faible coût.
Le premier bois gravé est antérieur à l'imprimerie ; la xylographie
apparaît en 1370 une image est sculptée sur bois et encrée (image de
piété, roman de chevalerie). Mais c'est avec l'invention de l'imprimerie
au XVe siècle que des éditions bon marché de contes et de fabliaux
voient le jour. L'illustration sur bois est insérée dans une page
composée de caractères mobiles.
Les enjeux du frontispice
Le frontispice illustre la thématique de l'ouvrage, alors que la censure
religieuse et politique réduit la part de l'image dans le texte.
L'image se réfugie alors dans le frontispice "à cippe", dont le titre est
gravé sur un piédestal, une colonne ou un rocher ou sur un frontispice à
cartouche, dont les bandeaux à fleurons représentent de véritables
tableaux à eux seuls.
A l'exception du frontispice, l'image est soumise au texte ; elle l'illustre
en l'ornant d'images, dans les vignettes du titre ou en le rendant clair
par des exemples, disséminés dans le texte. Enfin, les culs de lampe
décorent le début et la fin des chapitres.

La première version de ces contes : des contes de "mies"

En 1953, la Pierpont Morgan Library fait l'acquisition d'une copie


manuscrite des Contes en prose de Perrault, jusque là ignorée.
Calligraphiée par une main anonyme, reliée en maroquin rouge aux
armes de la nièce de Louis XIV, la Grande Mademoiselle, à qui elle fut
offerte, cette copie porte le titre de Contes de ma Mère l'Oye et date de
1695.
Ornée d'un frontispice, d'un cartouche et de cinq vignettes gouachées
aussi anonymes que le texte, ce manuscrit est antérieur de deux ans à
l'édition originale, mais on relève une très forte influence de l'un sur
l'autre.
Dans l'édition originale de 1697, Clouzier s'inspire fortement des
dessins ornant la copie manuscrite de 1695 ; le recueil est illustré d'un
frontispice qui conserve l'inscription "Contes de ma Mère l'Oye",
disparue de la page de titre et de huit vignettes en tête de chaque conte
gravées par Antoine Clouzier, d'après les dessins du manuscrit.
Trois nouvelles histoires sont rajoutées au manuscrit de 1695 :
Cendrillon, Le Petit Poucet et Riquet à la houppe, ainsi que La Belle au
Bois dormant, qui a fait l'objet d'une prépublication dans Le Mercure
galant.

Le frontispice colorié dans l'exemplaire manuscrit et repris quasiment


intégralement dans l'édition originale est riche de sens : un espace clos,
délimité par une porte fermée, sur laquelle une inscription légende la
scène en identifiant le personnage principal, "Contes de ma Mère
l'Oye", qui reprend le titre d'origine. On peut y distinguer :
– un espace familier et familial, avec un chat qui se pelotonne au coin
du feu
– une scène nocturne éclairée par le rougeoiement du feu et une
bougie qui évoque les veillées rurales
– une conteuse, pouvant être identifiée comme une nourrice, file sa
laine, un fuseau à la main et une quenouille sous le bras
– l'auditoire comprend trois jeunes gens dont les habits attestent la
qualité (chapeau et vêtement bleu du jeune garçon, coiffure Fontanges
de l'une des filles, manchon)
– l'auteur, anonyme, s'efface devant cette conteuse en action, qui est
en train de filer sa laine, tout comme les fées, fileuses de destinées
humaines, Parques ou Moires de l'Antiquité.

A l'origine, les contes de Perrault ne sont pourtant pas destinés aux


enfants. Ils relèvent d'une tradition, celle du conte merveilleux
populaire, réimportée d'Italie via Basile et Straparole et la Commedia
dell'arte. Mais on voit ici très bien la volonté de leur auteur d'une
écriture à destination d'un nouveau public, celui de l'enfance. C'est
d'ailleurs ce que dévoile dans le manuscrit de 1695 une variante de la
dédicace, qui affirme "la simplicité enfantine de ces récits".

Pistes pédagogiques :
– Relever sur ce frontispice l'ensemble des éléments qui rattachent le
conte à l'oralité.
– Expliquer son titre. Pourquoi Perrault modifie-t-il ce titre dans la
première édition en transformant Les Contes de ma Mère l'Oye en
Histoires ou Contes du temps passé ?
– A quel public s'adresse-t-il ? A quelle classe ou ordre social ?
– On a souvent attribué Les Contes de ma Mère l'Oye au fils de
Perrault, Pierre Perrault Darmancour. Inventer un dialogue entre le père
et le fils réclamant la paternité des contes et se révoltant contre leur
attribution erronée. Faites intervenir le personnage d'une conteuse (une
"mie" ou nourrice) qui serait l'auteur réel de ces contes de fées.

Des vignettes illustratives

Publiée 45 ans après l'édition originale, cette nouvelle édition fait date
par son illustration, gravée en taille douce par le hollandais Simon
Fokke d'après des dessins de Jacques de Sève. Les huit vignettes en
tête de chaque conte se démarquent de l'illustration traditionnelle par le
sujet et par le style. Le Petit Chaperon rouge ouvre désormais le
recueil. Il est illustré par une scène de dévoration d'une grande
violence, alors que l'original représentait un "Petit" Chaperon Rouge
très mature avec un loup à l'aspect bien animal.

La gravure en taille-douce :
– le graveur trace un sillon à l'aide d'un burin sur une plaque de cuivre
polie puis on encre la plaque ;
– l'encre se dispose dans les creux et se dépose sur le papier au
moment de l'impression ;
– la gravure ne permet que quelques centaines d'exemplaires.

Pistes pédagogiques :
– Comparer cette scène de dévoration avec d'autres plus
contemporaines.
– Souligner le rôle des vignettes dans l'organisation du récit : précédant
celui-ci, quelle est sa fonction ? Pourquoi le choix de la scène
représentée est-il particulièrement important ?
– L'ordre des contes est-il significatif ? Pourquoi ?

Charles Perrault, un auteur de contes littéraires ?

Ce projet de frontispice n'a semble-t-il jamais été utilisé.


Il présente au centre le portrait de l'auteur d'après la célèbre gravure
réalisée en 1694 par Edelink. L'auteur, anonyme, s'est amusé à
modifier l'original en rajoutant dans les angles inférieurs du portrait
quelques objets caractéristiques des contes : une baguette de fée, un
petit pot (de beurre ? ), une galette, une pantoufle (de verre ? ), des
bottes (de sept lieues ? ) et la célèbre quenouille.
Le pourtour du frontispice est occupé par douze vignettes, une pour
chacun des onze contes et une vignette générale intitulée "contes de
fées". La majeure partie d'entre elles reprend l'iconographie
traditionnelle des vignettes précédant les récits.
Une seule fait entorse à la tradition, celle illustrant La Belle au Bois
dormant : la scène la plus couramment représentée est celle du baiser
du Prince réveillant la Belle. On voit ici la Belle en train de s'endormir la
tête reposant sur les genoux de la vieille fileuse après s'être piquée
avec la quenouille et, fait particulièrement insolite, la scène se déroule
en pleine nature et non dans l'antre de la vieille.
On peut observer également une méprise : l'attribution à Perrault du
conte de L'Adroite Princesse, qui est dû à Mademoiselle L'Héritier, ainsi
qu'un oubli, celui des Trois Souhaits.

Pistes pédagogiques :
– Pourquoi représenter l'auteur Charles Perrault au centre du
frontispice ? Comparer avec le manuscrit : que révèle cette présence ?
– Relever l'ensemble des objets présents sur le frontispice : à quels
contes se réfèrent-ils ? Pourquoi peut-on parler d'objets "conducteurs
privilégiés du Merveilleux" ? Ces objets sont-ils complices du héros ou
au contraire maléfiques ? En quoi peut-on dire qu'ils accélèrent ou au
contraire ralentissent le récit ? Analyser leur rôle dans le déroulement
des épreuves auxquelles le héros est confronté.
– Quelle scène illustre chacune des onze vignettes ?
– Par quoi est illustrée celle du titre ?

Au XVIIIe siècle, l'illustration est en général peu présente dans les


contes : beaucoup de contes ne sont pas du tout illustrés comme ceux
de Madame de Murat ou de Madame d'Aulnoy, même si Comenius
prône dès 1654 une certaine "pédagogie par l'image" dans son Orbis
pictus.
"Les images sont la forme du savoir le plus intelligible que les enfants
peuvent regarder". Mais il faut attendre le XIXe siècle pour que l'école
renoue avec cette pédagogie en insérant des images dans le texte
grâce notamment à la gravure "de bois de bout".

L'illustration populaire
Depuis le début du XVIIe siècle, des ouvrages de couleur bleue sont imprimés à Troyes par Nicolas
Oudot, imprimeur-libraire. Ils sont diffusés par l'intermédiaire des colporteurs, marchands-merciers et vont
appartenir à ce que l'on va appeler plus tard la "Bibliothèque bleue".
Vendus très bon marché (moins de 5 sols la douzaine, alors qu'un livre ordinaire coûte entre 10 et 20 sols
l'exemplaire), ils sont largement diffusés jusque dans les campagnes où ils servent de livres
d'apprentissage de la lecture. La Bibliothèque bleue n'étant pas soumise au dépôt légal institué en 1537,
on n'en connaît malheureusement ni les titres ni le lectorat. La part de l'image y est peu développée du
fait de son coût élevé : sur les 332 titres de l'inventaire Oudot, étudiés par Roger Chartier ("Livres bleus
et lecture populaire", dans L'Histoire de l'édition française), 20% possèdent une seule illustration et 20%
en ont plusieurs. Mais celles-ci sont très grossières, la gravure sur bois ne permettant pas une très
grande finesse d'exécution. Les traits sont mal encrés, le papier de mauvaise qualité et les couleurs
passées, la plupart du temps réservées à la seule couverture ainsi qu'à quelques vignettes et dessins.
Un bouleversement se produit au XVIIIe siècle d'abord en Angleterre où, comme en France, on trouvait
déjà des abécédaires illustrés. Une véritable littérature pour enfants à portée didactique prend naissance
avec Les Aventures de Robin des Bois, et surtout Jack, le tueur de Géants : les images sont nombreuses
et sont chargées d'une portée didactique bien marquée.

Une planche d'Epinal : un découpage structurel du conte

L'imagerie populaire ne prend véritablement son essor en France qu'à la fin du XVIIIe siècle et surtout au
début du XIXe avec la production des images d'Epinal par Jean-Charles puis Nicolas Pellerin entre 1780
et 1840.
Les feuilles sont gravées sur bois de fil, cela signifie que le bois est débité selon le fil de l'arbre, travaillé
au canif ou à la gouge (gravure large). Les images sont disposées en séries à l'intérieur de planches à
compartiments et légendées par un court texte qui explicite l'image non sans être souvent redondant. Au
milieu du XIXe siècle, de nombreuses planches s'inspirent des contes de fées traditionnels, en replaçant
parfois le héros dans des situations nouvelles, en récupérant simplement son nom, ou en reprenant
l'histoire originale comme c'est le cas ici avec le conte de Perrault. Ces planches témoignent également
des derniers feux de la gravure sur bois détrônée à partir de 1852 par la lithographie. Déjà, dès la fin du
XVIIIe siècle, l'anglais Thomas Bewick avait amélioré la qualité de la gravure sur bois en travaillant contre
le grain par la technique du "bois de bout" : le bois est débité perpendiculairement au fil et travaillé au
burin, ce qui permet d'affiner la gravure et surtout de rendre possible l'impression simultanée du texte et
de l'image sur une même page en autorisant des tirages à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires.
L'illustration double ici la mémoire narrative d'une mémoire visuelle : pendant longtemps, le texte est
disposé autour d'une image centrale, sans cesse reprise, montrant les protagonistes regroupés et tendus
dans un même instant dramatique, donnant à voir l'essayage de la pantoufle par Cendrillon ou la scène
de métamorphose de la citrouille en carrosse, ou des lézards en laquais.
Les planches d'Epinal vont déployer cette image unique et segmenter le texte en courtes unités ; elles
font du texte illustré un iconotexte et produisent un récit en images sous forme de 15 vignettes qui
proposent une représentation, une mise en images qui est aussi une ré- interprétation quasi théâtrale du
texte de Perrault.
Réalisée à un moment où la manufacture Pellerin s'oriente définitivement vers la production industrielle,
cette planche témoigne également des derniers feux de la gravure sur bois, détrônée petit à petit par la
lithographie.

Réécrire le conte
L'adaptateur réduit le texte de Perrault en déplaçant l'attention vers la seconde partie du récit, autour de
la scène du bal, alors que la première, concernant les malheurs de la pauvre Cendrillon est écourtée.
La langue est actualisée : "A Minuit, Cendrillon s'enfuit mais dans sa précipitation, elle perdit une
pantoufle". L'auteur efface tout double-sens et polysémies.
Le texte de Perrault est donc réduit et appauvri. Mais le texte n'est pas ici sa propre fin. Il est là pour
l'image et la planche s'émancipe du parrainage textuel.

Dessiner une planche


Le dessinateur comprend les spécificités de l'espace tabulaire. Il sait en exploiter les contraintes : la
planche à compartiments n'est pas une simple suite de vignettes, celles-ci sont regroupées par trois ou
quatre en une série de bandes successives, à la manière des strips de la bande dessinée.
Une appréhension globale de la planche est nécessaire et autorise des rapprochements verticaux ou
obliques.
Le récit découpé en cinq actes :
– exposition : la triste condition de Cendrillon
– médiation : la marraine fée intervient
– transgression : elle offre à Cendrillon les moyens de faire bonne figure au bal du prince
– affrontement : la scène de bal et perte de la chaussure
– dénouement : l'essayage de la pantoufle et le happy end La théâtralisation du conte institue le lecteur
en spectateur : l'adaptateur nous propose une représentation au sens iconographique et scénique.

Monter une pièce


La planche fonctionne comme un petit théâtre de papier avec des acteurs qui évoluent dans un décor,
avec un corps, des costumes, des accessoires, qui permettent de les reconnaître, ainsi la couleur bleue
de la robe de Cendrillon qui est rappelée par le bleu du costume du prince, dont le visage évoque celui
du père qui n'est présent que dans la première vignette.

Pistes pédagogiques :
– A travers une planche d'Epinal, retrouver la structure narrative du conte. Quels passages sont mis en
relief ? Quels passages sont au contraire occultés ?
– Comparer le texte et l'image : quelle est sa fonction par rapport à l'image ? Retrouve-t-on des éléments
du conte de Perrault ?
– Les personnages : comment sont-ils traités par le dessinateur ? Le personnage de Cendrillon est-il
conforme à la représentation traditionnelle ? Sinon pourquoi ?

L'image seule : une volonté didactique

Cette planche, tirée de l'imagerie populaire, privilégie la fonction d'avertissement du conte en


représentant sa fin brutale et en insistant sur la violence de la scène avec la chaise en déséquilibre qui se
renverse, et le loup qui saisit le bras de l'enfant dans sa gueule.
Cette image est fidèle à la vignette de 1742 : on y trouve le même rideau qui encadre la scène comme au
théâtre, le Chaperon peu prudent s'est mis au lit et se laisse dévorer par un loup qui n'a rien d'humain
telle la bête du Gévaudan. Le texte en dessous de l'image ne fait qu'accentuer l'entreprise de
distanciation :
– Mère-grand' que vous avez de grandes dents !
– C'est pour mieux te manger et en disant ces mots, le méchant Loup se jeta sur le petit Chaperon rouge
et le croqua.
L'auteur insiste donc sur le côté sauvage du loup qu'il qualifie de "méchant" tout en introduisant une
certaine distance avec le verbe "croquer".

Pistes pédagogiques :
– Sur cette image unique, décrypter la volonté de son auteur : quel message fait-il passer ? Sur quoi
insiste-t-il ?

Des images et un texte qui s'entrecroisent, à la manière des fils de l'intrigue

Réalisée à une époque où l'Imprimerie Pellerin subit la rivalité de sa concurrente Pinot & Sagaire, cette
planche témoigne de l'importante évolution que connaît l'imagerie populaire avec l'adoption de la
lithographie. Utilisée à partir des années trente, elle supplante peu à peu la gravure sur bois, car cette
technique autorise des tirages en grand nombre.
La lithographie :
– Technique inventée par Senefelder en 1796 et importée en France par Engelmann :
– on dessine avec un crayon gras sur une pierre,
– on attaque ensuite la pierre avec un acide,
– seules les parties grasses sont fixées,
– une pierre peut tirer à plusieurs milliers d'épreuves.

La chromolithographie mise au point par Engelmann en 1836, permet à l'aide de trois pierres ( une par
couleur primaire ) l'impression de toute la gamme chromatique, et se trouve à la base de la trichromie et
de la quadrichromie.
La lithographie permet par ailleurs d'obtenir un dessin plus fin, ce qui entraîne une modification du style
vers une manière plus académique. Cette délicatesse du trait se retrouve parfaitement dans ce Petit
Chaperon Rouge qui présente un coloris frais et raffiné, où domine le rouge du chaperon, de la jupe, des
fleurs en guirlande ainsi que du rideau du lit. A cette couleur semble répondre le bleu du rideau de scène
qui semble prêt à tomber à la fin du récit, et le jaune de la porte et du feuillage. Le loup, d'un gris estompé
paraît prêt à s'effacer, et ressemble à un bon gros chien qui n'a plus rien de sauvage.
La composition de l'ensemble est originale puisqu'au lieu d'aligner les vignettes et le texte en bandes
parallèles, ceux-ci s'entrecroisent et "s'anastomosent" à la manière des fils de l'intrigue, en une grande
croix de Saint-André.
Le récit se découpe en cinq moments :
– au centre, la rencontre du loup et de l'enfant
– en haut à gauche, les deux chemins
– en haut à droite, le loup arrive à la porte de la grand-mère
– en bas à gauche le Petit Chaperon Rouge arrive à son tour
– en bas à droite scène le Petit Chaperon Rouge et le loup au lit. Le texte par contre se répartit de part et
d'autre des images, sauf la phrase centrale qui résume l'idée centrale du conte : "Le loup lui dit : "Mets le
pot et la galette sur la huche et viens te coucher avec moi". Le petit Chaperon rouge se déshabille pour
se coucher avec sa grand'mère".

Pistes pédagogiques :
– Retrouver les cinq moments clés du conte. Les qualifier en reprenant la terminologie de Claude
Brémond (situation initiale, transgression, médiation, épreuve finale).
– Quelle scène se trouve au centre de l'action ? Que signifie ce choix par rapport au message du conte ?
Une planche de découpage : un véritable "jeu de Meccano"

Cette lithographie provient de la manufacture Pinot et Sagaire, fondée François-Charles Pinot en 1860 et
principale concurrente de la maison Pellerin, avant son rachat par cette dernière en 1888. Cette planche
de découpage pour enfant permet de mettre en scène sept moments clés du conte comme l'indique la
notice explicative :
– le petit Chaperon rouge va chez sa grand'mère
– le petit Chaperon rouge rencontre le loup
– le loup chez la grand'mère
– le loup dans le lit de la grand'mère
– le petit Chaperon rouge chez sa grand'mère
– le Petit Chaperon Rouge au lit avec le loup
– le loup mange le Petit Chaperon Rouge
Ici le texte du conte est réduit à néant ; ce qui compte, c'est la structure du récit, sur lequel l'enfant va
pouvoir broder, et on assiste à une véritable spécialisation enfantine de ce type de construction, qui n'est
pas du tout destinée aux adultes : on fait appel à l'initiative de l'enfant et à sa créativité. L'activité de
découpage tient une place importante liée au rôle accru de l'image dans l'éducation.
Le conte de Perrault y est décomposé en une "myriade" de motifs : personnages, épisodes et objets clés
du récit animent la surface du papier avec le Petit chaperon Rouge, le loup, la mère et la grand-mère, le
petit pot de beurre, le panier et le lit.
La mise en page de ces motifs dont certains sont dotés de deux têtes comme les cartes à jouer, est
commandée par leur forme, et il appartient à l'enfant d'en restituer le déroulement conformément à leurs
fonctions dans le récit.

Pistes pédagogiques :
– Classer les différents éléments du conte : les objets médiateurs, les personnages auxiliaires du héros,
le mandateur (celui qui envoie l'héroïne), l'opposant.
– Le conte populaire traditionnel fait intervenir un animal qui a pour rôle de mettre en garde la petite fille :
montrer sur la planche quel animal peut jouer ce rôle, alors qu'il est absent de la version Perrault.
– Expliquer le terme de "comédie" appliqué à ce découpage. - Quels personnages peuvent intervenir
pour sauver le Petit Chaperon Rouge ? Inventer une fin optimiste.

Au XXe siècle : une nouvelle esthétique


Ayant conscience de faire œuvre d'esthétisme, les illustrateurs de la fin du XIXe et du début du XXe
siècles vont entrer en résonance avec les grands courants artistiques du moment : impressionnistes,
préraphaélites, nabis etc. Dans le sillage d'illustrateurs anglais comme Walter Crane, les Français se
lancent dans l'aventure du livre d'artiste au tirage limité à quelques centaines d'exemplaires. Une
nouvelle relation texte/image s'instaure, l'image ne se contentant plus de "figurer" le texte mais s'en
détachant pour inaugurer une nouvelle recherche de sens. On retrouve ici le thème des "broderies"
chères à Perrault ou à Mme d'Aulnoy.
Après la première guerre mondiale, l'édition est contrainte de renouveler forme et contenu pour faire face
à la concurrence de la presse illustrée, dans un contexte de recomposition sociale et de démocratisation
de la culture ; c'est ainsi qu'Hachette, après la "Bibliothèque rose" du milieu du XIXe siècle, invente la
"Bibliothèque verte" et que Nathan fonde la collection "Contes et Légendes de tous pays".
Cette explosion de l'édition se déroule parallèlement à de nombreux perfectionnements techniques qui
vont favoriser les tirages et en améliorer la qualité :
– composeuses-fondeuses qui réinventent la composition
– impression sur rotative qui améliore la vitesse d'exécution
– travail à la chaîne pour le pliage, l'emboîtage et le brochage qui abaisse le prix de revient
– mécanisation des techniques de reproduction des images par la photogravure, l'héliogravure ou le
tirage sur offset.
Cependant, en réaction à l'industrialisation, certains illustrateurs reviennent à des techniques purement
artisanales de composition manuelle, coloriage au pochoir ou gravure sur bois.

Edgar Tijtgat : le texte et l'image dans un même jet

C'est le cas d'Edgar Tijtgat, à la fois peintre, imagier, typographe et conteur qui illustre ici Le Petit
Chaperon rouge en 1921, en gravant lui-même directement dans le buis des images simples et colorées
de façon grossière. Mais c'est précisément ce trait un peu grossier qui retrouve incontestablement la
candeur, la fraîcheur et la naïveté de l'enfance. Le texte est imprimé grâce à des caractères mobiles
taillés dans le même bois de buis que la gravure.
Trois éditions successives voient le jour en 1917-1918 et une quatrième sort de la presse de l'imagier à
Bruxelles en 1921. L'illustrateur montre ici la rencontre du petit Chaperon rouge et du loup, dans un bois
dont on ne voit que les troncs verts (couleur complémentaire du rouge). Un petit chaperon moderne, aux
bonnes joues rouges (rosies par l'émoi ?) avec jupe courte et socquettes, semble inviter le loup à
partager sa galette. A leurs pieds, le sol est jonché de points rouges (feuilles ou fleurs) comme autant de
tâches de sang dont il est très souvent question dans le conte populaire. Ces points rouges rappellent le
pelage du loup, qu'on attendrait gris ou noir mais qui ici répète la même couleur que le vêtement de
l'enfant. La posture du loup, qui se relève sur ses deux pattes de derrière comme s'il faisait le beau ne fait
que renforcer l'impression d'étrangeté et de candeur de la scène qui n'a plus rien de terrifiant.

Pistes pédagogiques :
– Montrer à travers cette illustration du Petit Chaperon rouge en quoi l'art d'Edgar Tijtgat épouse le
monde du conte merveilleux. Montrer comment l'artiste en utilisant une technique ancienne et
traditionnelle parvient à rendre l'émotion de la rencontre entre le loup et l'héroïne.
– Comment l'animal est-il représenté ? Chercher d'autres images de la rencontre afin de les comparer à
celle de Tijtgat.
– Comparer le texte, gravé dans le buis, et l'image : celle-ci est-elle un accompagnement ou une
réinterprétation du conte ?

Felix Lorioux (1872-1964) : le regard de l'enfance

D'abord graphiste de publicité (pour le compte d'André Citroën), Félix Lorioux rencontre Walt Disney et
collabore à La Semaine de Suzette. Il réalise ses premiers albums pour enfants en 1919 avec les Contes
de Perrault qu'il met en images sous la forme de petits albums de douze pages, "pour les petits qui
commencent à lire", dans lesquels le texte est réduit à de simples légendes en bas de planche. Ceux-ci
sont réédités en deux grands albums cartonnés dans lequel le texte des contes est repris intégralement à
l'intention des "petits qui savent lire".
Rivalisant sur le plan spatial avec le texte, voire en l'oblitérant complètement, ces illustrations en pleine
page proposent une lecture dédramatisée du conte. Remarquable coloriste, Lorioux joue avec les
couleurs et on peut y voir l'influence de l'Art nouveau et de sa tradition japonisante: les tons rouge et
orangé dominent en larges à-plats, la faune espiègle, la flore luxuriante, rivalisent avec un petit chaperon
déluré, aux bonnes joues rouges de paysanne, gambadant gaiement sous les yeux légèrement
larmoyants d'un bon loup à l'aspect humain (celui d'un gentleman farmer ?). Les personnages paraissent
sortir tout droit d'une représentation théâtrale et sont littéralement "croqués" par le dessinateur qui montre
ici son goût pour la parodie. La couverture opère comme une prolepse (figure de rhétorique par laquelle
on prévient une objection en la réfutant par avance) : le loup dévore de ses grands yeux jaunes un Petit
Chaperon déluré et sifflotant portant à sa Mère-Grand une galette du même beau jaune doré que les
yeux du loup. Finalement peut-être est-ce la galette que le loup convoite ? Les scènes choquantes ou à
métaphores sexuelles directes ne sont pas représentées (le partage du lit et les dévorations), le début du
conte étant privilégié et le drame cède alors au comique pour un album à destination des enfants.

Pistes pédagogiques :
– Quels éléments de l'illustration de Lorioux permettent de parler de "version optimiste" du conte ?
– Caractériser chacun des personnages présentés sur la couverture : taille, aspect général, éléments du
costume. Pourquoi peut-on parler d'un loup à "caractère humain" ? Est-ce conforme à la version de
Perrault ?
– En étudiant le jeu des regards, quels peuvent être les liens entre les deux personnages principaux du
récit ?
– Le décor : le décrire et montrer ce qu'il évoque (saison, temporalité). A quel moment de la journée nous
trouvons-nous ?

Une nouvelle esthétique contemporaine : une réalité effrayante

L'effort des artistes contemporains va porter sur leur volonté de transposer le conte de Perrault dans la
réalité quotidienne.
C'est le cas de Sarah Moon, photographe de mode, qui réalise en 1983 pour le compte des éditions
Grasset-Jeunesse, dans la collection "Monsieur Chat" une terrifiante interprétation du Petit Chaperon
rouge égaré, ainsi que le lecteur, dans une jungle urbaine nocturne, moderne transposition de la forêt des
contes, lieu de toutes les initiations.
En alternant les pages de texte et de grandes photos en noir et blanc, Sarah Moon nous plonge dans une
ambiance lourde, pleine de connotations sexuelles, grâce au clair-obscur et aux fantastiques ombres
chinoises, comme ici pour le loup : celui-ci se précipite sur le petite fille en illustrant la dernière phrase du
conte, placée en dessous de l'image, telle une légende : "Et en disant ces mots, le méchant loup se jeta
sur le Petit Chaperon rouge, et l'avala".

Quelques modifications mineures du texte actualisent le récit : le terme de "Mère-Grand", déjà tombé en
désuétude au temps de Perrault, est ainsi remplacé par celui de "grand-mère". Et surtout à la suite de
cette image, une dernière prise de vue montre un lit froissé qui évoque de façon très crue des ébats
amoureux.
Le Chaperon qui ne peut être rouge du fait du choix de la photographie en noir et blanc disparaît dans les
derniers clichés, happé par l'ombre noire du loup et la blancheur crue des draps brodés du lit de la grand-
mère, blancheur mise à mal par le creux laissé par les corps du loup et de l'enfant. C'est une vision
particulièrement dure du conte de Perrault qui nous est offerte ici, sans morale puisque celle-ci est
absente du recueil.

Pistes pédagogiques :
– En quoi la scène de la dévoration est-elle ici particulièrement inquiétante ?
– Montrer en quoi l'utilisation de l'ombre portée sur le mur ne peut que renforcer l'angoisse de la scène.
Quels éléments du décor sont particulièrement effrayants ? De quelle manière la photographe rend-elle
l'antinomie intérieur/extérieur ? En quoi le cadrage de la scène accroît l'impression générale d'instabilité ?
– Quel est le rôle des citations-légendes ?

La tentation de l'abstraction : le livre, support de l'oralité ?


Dès les années trente, un renouveau se fait sentir concernant l'intérêt porté à l'enfant par des
pédagogues ou des chercheurs tels Decroly, Freinet ou Montessori. L'enfant devient un sujet de la
relation pédagogique et son image, dans les livres qui lui sont destinés, se transforme.
L'oralité acquiert une nouvelle importance comme le montre la vogue des multiples spectacles à son
intention ("L'heure du conte"). Les Albums du père Castor participent pleinement de cette nouvelle
pédagogie : fondés par Paul Faucher chez Flammarion en 1931, ils sont d'abord dévolus à des jeux ou
des activités de découpage (Je découpe, Je fais des masques) et le conte y occupe une grande place
(Baba Yaga, la sorcière des contes russes populaires sort en 1932).

Autre version contemporaine particulièrement intéressante : celle que Warja Lavater donne en 1965 aux
éditions Maeght. Il s'agit ici d'un livre d'artiste, un véritable livre-objet, premier d'une série d'adaptations
des Contes de Perrault ou de Grimm qui comprend Blanche-Neige, Cendrillon, Le Petit Poucet et La
Belle au bois dormant.
L'éditeur n'est pas spécialisé dans les livres de jeunesse et il s'agit d'une véritable expérience
pédagogique, puisque l'ouvrage ne comporte aucun texte, hormis la légende. Les personnages sont
symbolisés par des points de couleur, dans un processus qui tend à l'abstraction : le petit Chaperon
rouge est représenté par un rond rouge, sa mère par un rond jaune, le loup par un rond noir, qui grossit
au fur et à mesure que la petite fille se rapproche et la grand-mère par un rond bleu qui devient la planète
terre matricielle lorsque celle-ci est absorbée par le loup, et enfin le chasseur est vu à travers un rond
brun. La forêt se démultiplie en de nombreux points de couleur verte et la maison est représentée sous la
forme d'un rectangle brun. Enfin le lit devient une berceau marron.
Cette démarche s'apparente sans conteste à l'œuvre de Léo Lionni dans Petit Bleu et Petit Jaune. Le
livre se compose d'une seule page de 4 m 74 à déplier en accordéon, ce qui permet à la fois
d'appréhender toute l'intrigue d'un seul coup d'œil ou de la déplier pas à pas au gré de son inspiration.
L'enfant peut ainsi de lui même se raconter sa propre histoire en partant de l'image qui sert alors de
support à l'oralité et on assiste à un véritable renversement de l'image par rapport au texte : celui-ci est
absent du livre et l'illustration fonctionne selon un code spécifique qui lui est propre. Il ne s'agit plus d'
"illustrer le texte" mais de le recréer à partir de l'image soit en l'exploitant intégralement, en déployant le
livre sur son horizontalité, à la manière des rouleaux de papyrus égyptiens, soit en progressant pas à
pas, "page après page" en respectant le déroulement (au sens premier) du récit.

Pistes pédagogiques :
– En évitant de montrer la légende, inviter les élèves à entrer dans le récit, soit pas à pas en déroulant le
livre progressivement, pour ménager le suspens, soit tout d'un coup en le dépliant sur l'ensemble de sa
surface. Réfléchir au sens du substantif "un dépliant".
– Peut-on parler d'"illustration" en ce qui concerne cet ouvrage ? Sinon pourquoi ? trouver un autre terme
plus significatif.
– Que penser du choix des couleurs opéré par l'illustrateur ?
– Découper le récit en séquences narratives : combien en trouve-t-on ? Quelles sont-elles ?
– Qu'évoque l'image de la grand-mère dans le ventre du loup ? Pourquoi le peintre l'a-t-il représentée de
cette manière ?
– Quelle est l'image centrale ? pourquoi est-elle placée à cet endroit ?
– Peut-on distinguer une phase ascendante et une phase descendante ?
– Comment l'illustrateur représente-t-il la situation initiale du conte et la situation finale ?

Le conte détourné ou continué : les joueurs d'images


Comme tout genre fortement codé, le conte de fée est vite parodié, dans les contes licencieux ou les
satires politiques.
Dès la fin du XIXe siècle, des auteurs s'amusent à travestir les contes de fées : c'est le cas de Timothée
Trimm (pseudonyme de Léon Lespès, journaliste au Petit Journal) qui invente une "Belle au bois veillant"
ou un "Petit Chaperon rouge après sa mort".
Au XXe siècle ces jeux d'adultes sont poursuivis par Pierre Gripari dans Les Contes de la rue Broca qui
contiennent un pastiche des Fées de Perrault : La Fée du robinet. Destinés à un public d'adultes, ces
contes vont être transmis aux enfants par l'intermédiaire des bibliothécaires de quartier. D'autres auteurs
reprennent le genre , mais à destination d'un public enfantin : c'est le cas d'Yvan Pommaux, adepte d'une
ligne claire, ronde et épurée, qui réinterprète les contes de fées à la lumière du roman noir américain
dans trois albums quasiment sans texte : John Chatterton détective (1993), variation sur le thème du
Petit Chaperon rouge, Lilas, d'après Blanche-Neige, et enfin Le Grand Sommeil, d'après La Belle au Bois
dormant. Parmi ces "joueurs d'images", il faut faire une place à part à Jean Claverie qui réinterprète de
façon tout à fait originale le texte de Perrault aux éditions Albin Michel-Jeunesse.

Dans cette version revue et corrigée par Claverie, le loup est devenu un sympathique garagiste qui est
propriétaire d'une "casse automobile", M. Wolf. La forêt a été mangée par la ville (comme dans la version
photographique de Sarah Moon) mais une ville accueillante et fort peu angoissante. Le petit Chaperon
rouge porte un blouson de cuir et un blue-jean et tente de réconforter un loup qui se cache le museau en
remontant pudiquement les draps sur lui (renversement par rapport à la version de Gustave Doré).
Au lieu du traditionnel bonnet de nuit, il porte un Walkman sur les oreilles (comme s'il refusait d'écouter
ce que lui dit la petite fille et de grandes lunettes à l'américaine qui évoquent celles arborées par la
femme du général Tapioca dans Tintin et les Picaros, autre célèbre parodie. Le dentier dans son verre
est une métaphore de la perte de pouvoir du loup qui a déposé ses dents comme on dépose les armes
(même s'il s'agit en réalité de la prothèse de la grand-mère). Cette impuissance du loup est soulignée par
le texte : "le loup essayait désespérément depuis qu'il était couché de se souvenir de la formule de la
grand-mère".
Le loup parvient malgré tout à manger la petite fille et sa grand-mère, mais, victime d'une indigestion, il
les régurgite pour se reconvertir en livreur de pizzas, que vend la mère du petit Chaperon rouge, Gina.
Parodie pleine d'humour et de tendresse, avec de nombreux détails contemporains qui évoquent les
célèbres illustrations antérieures, ce conte est replacé dans l'enfance et dans le présent mais un présent
intemporel. La technique d'illustration au fusain et au crayon renforce la douceur du trait et des coloris.
Seul le rouge émerge des teintes grises et bleutées comme pour opposer la vivacité et la gaieté de
l'enfance à la froideur du monde des adultes.
Pistes pédagogiques :
– Etudier l'aspect des personnages mis en scène par Claverie. L'héroïne : comment est-elle habillée ?
Quel rôle jouent ses vêtements par rapport au récit ? Le loup : Comment s'y prend-il pour imiter la grand-
mère ? Y réussit-il ? Quel est le but recherché par l'illustrateur ? Que porte-t-il aux pieds ? Pourquoi ?
– Quel est le rôle du dentier sur la table de nuit ? A qui est-il censé appartenir ? Par quoi le Petit
Chaperon rouge est-il effrayé ?
– Qu'apporte-t-il à manger à sa grand-mère ? Pourquoi ?
– Observer les couleurs et la technique employées par l'artiste : quelles couleurs dominent et
s'opposent ? Que peut-on en déduire sur le rôle de la couleur dans l'illustration du conte. Cette version du
conte est-elle destinée à faire peur ? Trouver tous les éléments qui démontrent le contraire.

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