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RITUEL

Prise de vue
Pour définir la notion de rituel, l' anthropologie sociale éprouve une difficulté qui tient au moins à deux raisons. D'une part, cette notion est

associée à d'autres, dont l'usage est fluctuant, notamment celles de cérémonie, de coutume, d'étiquette, de rite, de ritualisation, d'autant plus
qu'on les rencontre ailleurs qu'en ethnologie, par exemple en éthologie ou dans les sciences religieuses. D'autre part, depuis les origines de

leur discipline, de nombreux anthropologues ont élaboré, pour cette notion, des définitions et fixé des emplois qui sont loin d'être homogènes.
Ils ont aussi proposé des explications très diverses du phénomène rituel selon des critères considérés comme déterminants, dont les plus
importants sont : le lien nécessaire ou non du rituel avec les domaines du sacré, du fait religieux et des pratiques de la magie  ; la

prééminence ou non des croyances et des mythes (des représentations) par rapport au rituel ; le contraste éventuel entre celui-ci et les
activités techniques, « profanes », ou le champ de la rationalité, tous ces domaines donnant lieu à des définitions qui sont elles-mêmes

problématiques.

Danse rituelle, E. S. Curtis


Edward S. Curtis, Danse rituelle, 1915. La danse exécutée par ces Indiens Kwakiutl a pour objet de conjurer les esprits pour obtenir le retour de la Lune disparue
pendant une éclipse.

Les théories présentent une semblable hétérogénéité. Tantôt le rituel a été analysé en fonction de la récurrence de ses structures
formelles dans les sociétés, comme l'ont fait J. G. Frazer et A. Van Gennep, lequel a construit avec les « rites de passage » un concept
universalisable sur la base d'analogies formelles ; tantôt l'accent a été mis sur les fonctions du rituel (« pourquoi », « à quoi ça sert » plus que
« comment »). Schématiquement, on a souligné soit la dimension individuelle, soit la dimension collective, et, plus ou moins corrélativement,
soit les processus psychologiques, soit les processus sociologiques, ou encore soit les mécanismes cognitifs et émotionnels, soit les

interactions sociales qui sont impliqués dans le rituel. Sous l' influence de la théorie de l'information et de la linguistique, le rituel est aujourd'hui

envisagé principalement comme fait de communication. Deux grandes tendances s'affrontent alors : les uns considèrent qu'avant tout l'action
rituelle « dit quelque chose » (elle a une fonction expressive, symbolique, productrice de signification) ; les autres estiment qu'elle « fait
quelque chose » (sa fonction est « instrumentale », « pragmatique », situationnelle). En fait, les études monographiques adoptent rarement

une position nettement tranchée ; et, le plus souvent, elles prennent en compte les approches les plus diverses, mais selon des dosages

variables.

I - L'approche fonctionnaliste
Le rituel fait classiquement référence à des séquences d'actes ordonnés et prescrits, répétitifs, « expressifs et dramatiques », à des

comportements standardisés qui, à première vue, ne peuvent être expliqués en termes de rationalité (de fins et de moyens) et qui semblent

donc s'appuyer sur des représentations symboliques, c'est-à-dire, au sens de R. Needham, des représentations qui « tiennent lieu d'autre
chose ». Mais, comme la rationalité, toujours actualisée dans des comportements culturels, n'est pas une catégorie facile à saisir, il est parfois
malaisé d'isoler l'activité rituelle comme telle (par exemple, d'isoler un repas d'une consommation cérémonielle, des ablutions d'une purification

). Au début du XXe siècle, on la reliait volontiers aux domaines de la religion, de la magie et du sacré. Mais les analyses contemporaines, plus

nuancées, ne prennent pas seulement en compte la présence de divinités ou d'entités inobservables. Dans les sociétés traditionnelles, le fait

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religieux est diffus et coextensif à l'ensemble de l' organisation sociale. Même dans les sociétés occidentales modernes, comme l'a montré

Marc Augé, il ne se réduit pas aux institutions qui représentent officiellement la religion : les grands rassemblements (par exemple, sportifs)

constituent de nouveaux rituels religieux qui expriment, à la façon dont l'entendait Émile Durkheim, des sentiments collectifs et grâce auxquels

une société s'unifie et « prend conscience de soi » dans l'action commune et la sensation de vivre à l'unisson, emblèmes et symboles ayant

pour fonction de faire perdurer les représentations collectives formées lors des « communions » d'un groupe.

Après William Robertson Smith, Durkheim a classé les phénomènes religieux en deux catégories : les croyances, ou représentations, et
les rites, ou « modes d'action déterminés », la relation entre les premières et les seconds étant celle qu'on retrouve entre la « pensée » et le « 

mouvement ». Le critère de la religion est qu'elle distingue les choses profanes et les choses sacrées, c'est-à-dire séparées et interdites : les
croyances religieuses « expriment la nature des choses sacrées » ; les « rites sont des règles de conduite qui prescrivent comment l'homme

doit se comporter avec les choses sacrées ». La religion est alors un « système solidaire » de ces croyances et de ces rites, unissant tous

ceux qui y adhèrent à « une même communauté morale ». Cette conception, qui devait avoir une grande influence sur les théories ultérieures
du rituel, se révèle inadéquate : comme le fait remarquer J. Skorupski, l'« autel monumental » qu'est une centrale nucléaire répond aux critères

durkheimiens du sacré (séparation, prescription, nécessité de purification lors du retour au « profane », etc.). De même, la typologie de
Durkheim selon laquelle les rites sont soit négatifs (tabous et interdits) soit positifs (le sacrifice ; les « rites mimétiques » – la « magie

homéopathique » de Frazer – ; les « rites représentatifs ou commémoratifs », tels que les cultes des ancêtres ; les « rites piaculaires », tels

que les rites de deuil) mène, comme le note E. Leach, à des contradictions, en particulier à propos de la magie, « classée » dans la sphère du
profane, malgré son caractère évident de « système de croyances et de rites », à la suite de la distinction établie par Frazer entre magie,

science et religion.

A. Van Gennep a fait une autre tentative typologique, fondée sur des critères formels. En élaborant la très féconde notion de « rites de
passage » à propos des rituels life crisis individuels (naissance, puberté, initiations, etc.) et des rituels cycliques, il a montré leur analogie

formelle : tous ces rituels manifestent une structure en trois phases – séparation, liminalité, réagrégation – et marquent un changement de rôle
et de statut, ou une ponctuation de la durée. Cette tentative ne répond cependant pas à la question de la raison d'être d'un appareil rituel
destiné à encadrer ces « passages » ou transitions. Quant à Frazer, son assimilation des croyances et des rites a surtout servi à étayer une « 
histoire conjecturale » qui plaçait aux origines de la religion et du rituel les personnages du magicien et du roi divin, repérés a posteriori dans
toutes les sociétés.

La réflexion sur les fonctions du rituel a été profondément marquée par Durkheim, qui, utilisant des variables à la fois psychologiques et
sociologiques (les « sentiments collectifs »), y a vu des expressions symboliques de l'unité d'une société et de ses valeurs fondamentales,
expressions par lesquelles les individus se représentent la société dont ils sont membres. La dimension psychologique a été bien plus

nettement soulignée par B.  Malinowski, qui, à propos des rituels magiques trobriandais, estimait que, dans un univers où le contrôle technique
de la nature est limité, ces rituels répondent à des efforts émotionnellement très investis en vue de réaliser des « désirs puissants et
irréalisables ».

C'est surtout A. R. Radcliffe-Brown, « fondateur » avec Malinowski du fonctionnalisme, qui a affirmé que le rituel ne caractérise pas

seulement des actions, mais aussi des attitudes, des croyances et des objets. Tout en s'inscrivant dans la filiation de Durkheim, il s'opposait à

la thèse de celui-ci sur la relation essentielle des rites avec le sacré, en considérant que certains objets sont « sacrés » en tant qu'ils sont
l'objet d'« attitudes », de « relations » rituelles construites par la tradition et marquées (ce qui est plus discutable) d'un certain respect. Les
objets qui ont une « valeur rituelle » et représentent le groupe (comme « les drapeaux, les rois ou les présidents ») ne sont pas n'importe

lesquels, mais les plus importants dans la vie quotidienne : ainsi, dans les sociétés de chasse et de cueillette, les espèces et phénomènes

naturels du totémisme. Ce sont les éléments essentiels de l'ordre social et, par là, ils engendrent une attitude rituelle et sont incorporés dans
un ordre social et moral « comme élément essentiel de cet ordre ». De même que pour Malinowski, cette valeur rituelle, pour Radcliffe-Brown,

se distingue de la valeur économique qui est seulement utilitaire ; elle s'attache à des objets et à des circonstances qui sont le « centre
d'importants intérêts communs unissant les personnes d'une communauté, ou qui représentent symboliquement de tels objets ». Ainsi la

nourriture – qui est d'une grande valeur sociale car elle constitue le lieu de la coopération agricole, donc de la cohésion du groupe – est-elle

fréquemment affectée de tabous. Ou bien les dieux et les animaux, tels la cigale chez les Andamanais, pour lesquels elle représente les
saisons de l'année, ou le dieu Baïame en Australie et le serpent arc-en-ciel, qui font l'objet d'un culte, car ils fixent « la valeur de la loi morale,

en particulier celle des lois relatives au mariage ». Radcliffe-Brown, en effet, souligne un point essentiel du débat : les rituels ne sont pas des
actes techniques dont le but fournit à lui seul une explication suffisante ; « dans tous les cas, ils comportent un élément expressif ou

symbolique ».

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Prenant aussi en compte la dimension psychologique, Radcliffe-Brown montre que le rituel crée et perpétue régulièrement des « 

sentiments collectifs » avantageux socialement et moralement, ainsi que les représentations qui leur sont liées, les uns et les autres assurant

la continuité de la société. Il insiste donc, comme Durkheim, sur le rôle avant tout intégrateur du rituel pour un groupe social. Cette idée fut

aussi partagée, malgré des différences, par Marcel Mauss : s'appuyant sur les exemples fameux des cycles rituels d'échange de la kula

mélanésienne et du potlatch du Nord-Ouest américain, Mauss a montré que les objets échangés sont investis, par le fait même du don, d'une
valeur « mystique » et non strictement économique.

Développant, au début des années soixante, la perspective fonctionnaliste – et durkheimienne – selon laquelle le rituel a une fonction

d'intégration et de perpétuation d'un groupe social, donc une fonction normative, un élève de Radcliffe-Brown, M. Gluckman, considère que les
normes et valeurs affirmées dans le rituel sont celles auxquelles les individus adhèrent de la façon la plus problématique. À propos des

cérémonies des « premiers fruits » des Zulu et du rituel de l' incwala dans la royauté swazi (Afrique australe), il décrit des « rituels de rébellion 

», dans lesquels les valeurs et normes semblent temporairement s'inverser et dont il montre qu'ils concernent les domaines où les conflits
d'intérêts entre les groupes en présence sont les plus vifs : ainsi, les femmes s'y comportent en hommes ; les esclaves « font » les rois,

comme dans de nombreuses cérémonies funéraires ou dans des rituels d'intronisation ; le souverain est insulté lors du rituel des premiers
fruits swazi ; certaines transgressions, ou obscénités, sont prescrites, etc. Ces rituels ont, pour Gluckman, une fonction de catharsis et servent

à réaffirmer de manière périodique la cohésion et les valeurs d'un groupe social traversé par des tensions.

À propos d'une catégorie différente, celle des « rituels relatifs aux relations sociales », Gluckman, « fonctionnalisant » la théorie des rites
de passage de Van Gennep, montre que, dans les sociétés traditionnelles où les rôles séculiers, peu différenciés, se superposent les uns aux

autres, pour le même individu, ces rituels permettent d'instituer une démarcation, une séparation sociale là où de tels rôles peuvent se
confondre du fait qu'ils coexistent de façon permanente au sein d'une même communauté. Ainsi s'expliquent : les interdits alimentaires propres
à certains statuts ; la ritualisation des activités agricoles, cynégétiques ou thérapeutiques et celle des activités relatives à la parenté, aux

ancêtres, etc. (ces multiples activités étant remplies par le même individu dans une société traditionnelle) ; les tabous, les initiations et rites de
passage en général, qui signalent l'adoption de nouveaux rôles et statuts. Les sociétés modernes, où les rôles sont nettement marqués, n'ont
pas besoin de rites de transition aussi spectaculaires que, par exemple, les rituels de puberté dans les petites communautés traditionnelles   :
de tels rites contribuent à l'édification de l'identité d'un individu et, en même temps, circonscrivent des conflits qui auraient des conséquences
dévastatrices pour la cohésion sociale, car ils affecteraient des relations englobant de multiples rôles juxtaposés (ceux de mari, d'agriculteur,

de thérapeute, de membre du lignage, etc.).

Rituel de passage
Une jeune fille apache accomplissant le rituel de passage de la puberté, en Arizona, États-Unis.

Cette corrélation entre le rituel et la prévention de conflits a été également mise en relief par V. Turner, qui, à propos des Ndembu de

Zambie, montre que, lorsque éclatent des « drames sociaux », des « schismes » et des clivages dans le groupe, le rituel sert la « réconciliation

sociale » et aide à transcender les conflits particuliers en focalisant les sentiments sur des valeurs rituelles d'un niveau supérieur, à exprimer
l'unité tribale « à l'intérieur d'une même communauté morale ». Chez les Ndembu, les tensions issues des règles sociales qui instituent la

succession matrilinéaire ou le mariage virilocal, et qui risquent de conduire à la fission au sein du village et à des conflits entre groupes
résidentiels et groupes de filiation, sont équilibrées par l'effet des rituels et objets symboliques exprimant, au-delà des antagonismes

intravillageois et intervillageois, les « valeurs possédées en commun par tous les Ndembu : à savoir la fécondité des femmes, des cultures et

des animaux, la chasse, la santé, le pouvoir qu'ont les ancêtres de donner ou de retirer ces bienfaits.

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II - L'approche symboliste : le rituel « dit quelque chose »
V. Turner, par ailleurs, a élaboré une théorie remarquable du symbolisme rituel, à propos de rites relatifs aux accidents de la vie individuelle (

maladies, infortunes, stérilité, etc.) qu'il appelle « rites d'affliction ». Il analyse leur signification ( meaning) et la « syntaxe » de leur symbolisme

en y distinguant trois niveaux : la dimension de l'exégèse indigène (pour l'arbre à latex blanc mudyi, l'association : latex, lait, matrilignage,
féminité, maternité ; pour l'arbre mukula – qui exsude une gomme rouge et sert dans des rituels de fécondité féminine –, l'association : rouge,

menstrues, maturation, continuité lignagère) ; la dimension opératoire, ou sens du symbole en fonction de sa récurrence dans d'autres rituels,
sa valeur situationnelle ; la dimension positionnelle ou la relation du symbole avec les autres symboles, son insertion dans un système de

symboles, que seul l'anthropologue peut appréhender.

L'importance qu'attache Turner à la compréhension du symbolisme inhérent aux actions et objets rituels, et qui fut déjà signalée par

Radcliffe-Brown, introduit à l'une des grandes théories contemporaines du rituel. Ce dernier a une fonction de communication et il sert à une

communication qui est essentiellement expressive et symbolique. Il « dit quelque chose » plutôt qu'il ne « fait quelque chose ». C'est E. Leach
qui a le plus clairement développé cette perspective. Dès son étude sur les systèmes politiques birmans, il a montré que le rituel n'est pas une

catégorie distincte de comportement, mais un aspect possible de toute activité humaine. Certaines activités servent à « faire des choses », à

altérer l'état physique du monde ; ou, comme le dit J. Goody, la relation entre les moyens et les fins est « intrinsèque » et rationnelle (ainsi, se

couvrir s'il fait froid). D'autres activités servent à « dire des choses » (ainsi, le type de vêtements choisi pour se couvrir) ; elles communiquent

de l'information, qui peut être comprise par autrui. Le premier aspect est l'aspect technique (« instrumental »), le second l'aspect esthétique ou
communicatif, lequel est dominant dans le rituel, même si le premier n'en est pas entièrement absent, comme on le voit à travers les rituels qui
, dans toutes les sociétés, encadrent les activités de subsistance (s'alimenter, produire, etc.). De nombreux autres auteurs ont insisté sur le

côté expressif du rituel, tels R. Firth – pour qui celui-ci est une « activité modélisée ( patterned), orientée vers le contrôle des affaires humaines,

avant tout de caractère symbolique » – et J. Beattie.

Leach affirme que comprendre la signification d'un rituel revient à comprendre celle des « règles grammaticales d'un langage inconnu » ; il
assimile nettement le rituel à un code de communication de type linguistique, impliquant de même une connaissance et une acceptation
partagées par les acteurs des règles de ce code. Même s'il ne nie pas que le rituel « fasse » aussi des choses dans l'esprit des participants (il

mentionne à ce sujet les rituels thérapeutiques et les « rituels de rébellion » cathartiques), même s'il admet que la persistance du rituel tient à
des conceptions relatives à des puissances inobservables ou séculières, l'analyse de Leach se réduit à une découverte des règles du code. En
cela, il n'est pas éloigné de la perspective de Claude Lévi-Strauss, lequel d'ailleurs ne s'est pas vraiment intéressé au rituel : dans le finale de
L'Homme nu, il compare les mythes à la musique, puis aux rites, dans lesquels il en vient à voir une « tentative de refaire du continu à partir du
discontinu », un « abâtardissement de la pensée » humaine telle qu'elle se manifeste dans la structure des mythes. Il analyse cette pensée, on

le sait, en y dégageant des oppositions distinctives structurales, des paires contrastives, comme celles que l'on peut repérer entre les
phonèmes de la langue. Leach, lui aussi, considère que les séquences rituelles doivent être analysées en termes de contrastes binaires, qui
font émerger la signification. Ainsi, il montre que, dans les représentations symboliques du temps et dans les rituels calendaires, apparaissent

trois types fondamentaux de comportements : le « formalisme » (ascétisme, respect), la « mascarade » et l'« inversion des rôles » (rites

extatiques) temporaire. Ces comportements ne peuvent être compris que si l'on y voit des « paires d'oppositions contrastées », partout

présentes puisque nécessaires d'un point de vue logique. Comme pour la langue, c'est le contraste entre ces phases opposées deux à deux
qui permet le fonctionnement du code communiqué par les séquences. Les « performances rituelles », les éléments de ce système de
communication non verbale n'ont donc pas de signification isolément, pas plus que les éléments d'une langue ; ils valent seulement en tant

que parties de systèmes ; un symbole n'a de signification que mis en contraste avec d'autres symboles. Ainsi fonctionnent les rites de passage

 : proclamant et induisant sous une forme mystique une discontinuité temporelle et un changement de statut, ils se présentent comme
comprenant trois phases caractéristiques, car ils sont fondés sur une logique des contrastes (entre position antérieure et position ultérieure ;

entre présence et absence de vêtements ; entre saleté et ablutions ; entre cheveux et tête rasée ; etc.).

L'approche « expressive-symboliste » du rituel, qui se rattache à la tradition durkheimienne et dont l'analyse « sémiotique » de Leach est

un des exemples les plus fameux, a été adoptée par bien d'autres auteurs, qui ont pour souci commun de considérer le rituel comme une sorte
de code linguistique, de découvrir, au-delà de la signification littérale des actes et croyances, leur signification « plus profonde » : les rituels

sont des « énoncés symboliques sur l'ordre social », sur les valeurs fondamentales d'une société, des énoncés non analysables en termes
rationnels, car ils se mesurent d'après d'autres standards et appartiennent à des registres cognitifs différents. Cette approche « herméneutique

 » du symbolisme rituel, en tant qu'il est porteur de « significations implicites » à décoder, est aussi celle de Mary Douglas et des auteurs qui

analysent les objets rituels à travers ce qu'ils figurent, essentiellement de manière métaphorique (J. Fernandez, C. Crocker, J. D. Sapir, par

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exemple) – les métaphores pouvant être univoques (Leach) ou multivoques (Turner). Ainsi, pour J. Beattie, la forme figurative des symboles

rituels est due à ce qu'ils expriment des idées abstraites de grande importance qu'on a de la peine à se représenter directement. Cependant,

selon lui, le contraste entre l'aspect symbolique-expressif et l'aspect instrumental ne doit pas être trop marqué, et il considère que les actes

rituels sont instrumentalement efficaces « parce que reconnus à un certain niveau comme symboliques ». Comme le dit J. Skorupski, malgré

la multiplicité des théories, de nombreuses questions restent obscures : qu'est-ce qui est symbolisé dans le rituel ? dans quel sens est-ce
symbolique ? qu'est-ce qu'une action symbolique ? Il ne suffit pas d'opposer le symbolique au « rationnel ». Les analyses des coutumes, des

habitudes, du code de la politesse, des « façons de faire » culturelles, des rhétoriques propres à chaque société rendent parfois difficiles des

définitions qui ne soient pas trop générales. J. Goody pense que les comportements symboliques sont ceux qui ne semblent pas soumis à la

rationalité des fins et des moyens, et qui donnent donc l'impression de tenir lieu de quelque chose d'autre que ce que leur apparence suggère :

les actes symboliques, non rationnels, sont donc une « catégorie résiduelle », à laquelle, par là, on assigne précisément une signification. Mais
, comme les acteurs d'un rituel ne sont pas, le plus souvent, conscients de ce qu'ils symbolisent dans leurs actes, et qu'ils fournissent rarement

un commentaire sur la signification de ce qu'ils font, on peut supposer que leurs actes ne sont pas des actions par accident et qu'ils ne

ressortissent pas au domaine de ce qu'exprime le langage. Où doit alors s'arrêter l'interprétation, la quête herméneutique, de la signification

ultime de ces actions expressives ? On peut privilégier d'autres aspects de la communication rituelle : pas seulement le message symbolique,

mais aussi l'émetteur et le destinataire – la situation concrète du rituel en tant qu'événement et action. Les tenants de la perspective
herméneutique (« cryptologique », comme dit D. Sperber) vont rarement jusque-là, ce qui indique les limites de cette dernière.

III - L'approche « pragmatique » : ce que « fait » le rituel


L'approche qui ne voit dans la communication rituelle que des valeurs expressives, des symboles assimilables à un langage, à un code digital
dont le sens provient des paires contrastées se trouve précisément mise en question par les auteurs qui estiment que le rituel « fait » quelque
chose et ne peut être comparé à un code verbal de communication. Il faut l'analyser dans la totalité de la situation qu'il instaure et qui
comprend : des messages, des émetteurs, des destinataires, un contexte. Dan Sperber remarque, à propos du structuralisme, que
l'anthropologie a tendance à penser séparément les « codes » et les « réseaux », alors que le rituel, de même que le politique, constitue

manifestement des phénomènes à appréhender simultanément en termes de codes et de réseaux, de messages et de canaux : dans la
politesse, par exemple, « ce qui est communiqué et la situation de communication sont intimement liés ». On peut séparer le langage de la
communication linguistique, mais un rituel ne peut être réduit à un code, car « la signification et la composition même d'un message [rituel]
dépendent des positions de celui qui l'émet et de celui qui le reçoit ». Le rituel subit les contraintes à la fois d'un système de signes et d'un
système d'échanges. Critiquant l'approche « sémiologique » d'un auteur comme V. Turner, D. Sperber montre que l'action symbolique n'est

pas un code assignant à un symbole une interprétation (il n'y a donc pas à décoder celle-ci) et que l'exégèse d'un symbole n'est pas son
interprétation, mais au contraire une de ses extensions – justiciable, elle aussi, d'une exégèse. Faute de la comprendre, l'approche
sémiologique peut produire des interprétations ad infinitum. Selon la perspective de Sperber, parfois jugée trop « cognitiviste », le symbolisme

n'est pas organisé par une grammaire (où des règles engendreraient des énoncés) ni doté de signification au sens où un petit nombre de

symboles s'y trouvent associés à une infinité possible de représentations (la fécondité, le matrilignage, la féminité, etc. dans l'exemple de

Turner). C'est un « mécanisme cognitif » qui éclaire un contexte (au lieu d'être éclairé par un contexte) consistant en une série d'opérations :
schématiquement, la « mise entre guillemets » d'une représentation conceptuelle défectueuse ; la focalisation sur la condition responsable de
ce défaut ; l'apparition d'une évocation dans le champ de la focalisation (« le lion est un animal » n'est pas un énoncé symbolique, tandis que «

 le lion est le roi des animaux » en est un).

Reprenant l'étude des rituels de l'incwala swazi, Pierre Smith, de son côté, a montré que les rites s'organisent « autour d'éléments

centraux focalisateurs », d'objets fonctionnant comme des « pièges à pensée » (ainsi les rhombes se retrouvent dans de très nombreux rituels
d'initiation), et à l'intérieur des divers systèmes rituels qui coexistent dans la même société. C'est donc en partant d'approches très différentes

que certains auteurs se rencontrent pour critiquer la perspective « symboliste-expressive » et pour préconiser une appréhension « 

pragmatique » et en totalité de la situation de communication rituelle (messages et réseaux). On peut mentionner à ce sujet le courant « 
intellectualiste », issu des travaux de Tylor et représenté par R. Horton, qui traite l'action rituelle de façon littérale, comme une tentative

rationnelle pour expliquer, prédire et contrôler le monde, sur un mode qui n'est pas si éloigné de la pensée scientifique. De même, G. Lewis, à
propos des Gnau de Nouvelle-Guinée, a fait remarquer que, plus que sa signification, ce qui est explicite dans le rituel, envisagé comme

séquence d'actions standardisées et prescrites, c'est « comment le faire ». Dans de nombreuses sociétés, les acteurs savent comment
effectuer correctement un rituel, mais ils fournissent rarement des explications sur ce qu'ils expriment et symbolisent ainsi, et l'on ne saurait

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imputer cela à un simple « oubli ». Le fait que les significations soient implicites ou paraissent passibles d'oubli montre combien le rituel diffère

de la communication verbale, et comment, selon G. Lewis, il se rapproche de l' art.

Une des tentatives les plus remarquables dans cette voie est celle de F. Barth, qui, à l'encontre de la position structuraliste adoptée
notamment par E. Leach et par M. Douglas, montre, à propos des Baktaman de Nouvelle-Guinée, que les objets et séquences rituels de l'

initiation masculine ne composent pas des messages à code digital comme les codes verbaux, mais que ces « messages rituels » ont, selon

une distinction empruntée à G. Bateson, une organisation de type analogique. Lors des étapes de l'initiation, ils sont volontairement de plus en
plus « cryptiques ». Barth a le grand mérite de faire remarquer que chacun, en fonction de son grade, participe à un rituel avec une

connaissance et selon des prémisses qui sont très différentes de celles des autres. Analysant « l'ensemble de ce qui se passe » dans ces
situations, il montre que les « idiomes rituels » sont des métaphores non arbitraires (et non plus des éléments contrastés à l'intérieur d'un

système), que le rituel est avant tout une activité collective, agrégat d'actions simultanées, de participants multiples et d'objets « sacrés »

divers. C'est un événement comportant des canaux et facettes variés, recouvrant des significations nécessairement ambiguës, constituant un
ensemble d'actes et de messages connectés dans un contexte qui n'est pas réductible à une glose, « disant différentes choses, avec une

clarté et des implications différentes ». La multiplicité des acteurs d'un rituel entraîne une « structure lâche » de messages, interprétés
simultanément par différents participants qui utilisent des « clés de décodage » différentes et se focalisent chacun sur des éléments

spécifiques du rituel : tel est le cas, par exemple, des femmes, des novices et des initiés, qui reçoivent des messages métaphoriques

complexes et en ont des compréhensions volontairement diverses. L'idée-force de cette théorie est que le rituel ne se borne pas à « asserter »
, mais « produit ». À propos de l'« épistémologie du secret » de l'initiation, de la transmission et de l'intégration du savoir, Barth émet l'idée tout

à fait originale que ce rituel est fondé sur la déception répétée (ce qui est un « vrai » symbole à un certain stade se révèle fallacieux au stade
suivant) et sur le secret et que, par là, il induit des attitudes cognitives telles que les secteurs de la réalité et du savoir qui sont concernés par
l'action constituent avant tout des « mystères » construits par le rituel, ces « mystères » donnant un sens à l'individu, au monde qui l'entoure et
qu'il transforme à travers ses activités : chez les Baktaman, qui sont chasseurs ou horticulteurs, il s'agit avant tout de la fécondité des êtres et
de la nature.

Bien d'autres anthropologues approchent de conclusions analogues à partir de prémisses très différentes. Ainsi, prenant pour référence
les théories pragmatiques relatives à la politesse, I. Strecker analyse la multivocalité intentionnelle du symbolisme des Hamar d'Éthiopie, en
considérant en même temps l'émetteur (la tradition), les transmetteurs et les récepteurs des messages symboliques au sein d'un processus

social – ici, des stratégies d'influence. Dans cette prolifération des théories contemporaines concernant le rituel, on repère un trait commun qui
les distingue des conceptions antérieures et qui consiste à recourir à des disciplines connexes et à « complexifier » l'analyse.

Nicole SINDZINGRE

Bibliographie

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© Encyclopædia Universalis France Page 6 sur 7


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