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Une conception qui ne s’applique qu’en lien avec la distribution des tâches selon s’il
s’agit d’un jeune, d’une femme ou d’un quelconque autre membre de la famille,
soumission d’un jeune frère à son aîné. L’esclavage permettait de se consacrer à des
activités plus prestigieuses comme chasser l’animal pour sa fourrure qui se négociait
très cher tandis que d’autres se consacraient à des taches importantes mais de
moindre portée. l'esclavage non lignager pouvait être la capture d’un ennemi transformé
en esclave. Corvée d’eau et de bois, réparation et construction de maison, préparation
du poisson et du gibier. Les nobles tâches et les tâches ingrates formaient d’une part
des « nobles » appartenant à la caste supérieure , et dont la plus noble des missions
consistait à personnifier les ancêtres et de ce fait devenaient les personnes les plus
importantes de la tribu, leur dimension spirituelle au sein de la communauté les conduit
au sommet du groupe. La répartition des rôles et l’importance du statut et selon l’animal
mythique qu’on représente place l’individu et détermine sa position.
Concernant les tribus amérindiennes vivant dans les forêts comme les Haïdas, la
répartition des tâches est une organisation économique en lien direct avec
l’environnement. Présenté pour la première fois en 1935 par une ethnologue russe I.P
Averkieva, par une thèse « L’esclavage patriarcal chez les Indiens d’Amérique du
Nord », on découvre une organisation sociale autour du travail créant des hiérarchies,
inhérentes à la distribution des tâches.
Ce qui paraît intéressant dans cette forme d’esclavagisme est la fluidité d’un passage à
l’autre, « libre »-« esclave » ce qui induit que les rapports domination/subordination ne
sont jamais figés car toujours en mouvement .
regardscroises.blog.tdg.ch/archive/2016/04/24/l-esclavagisme-chez-les-amerindiens-275698.html 2/2
06/05/2019 Esclavage des Autochtones au Canada | l'Encyclopédie Canadienne
Esclavage des
Autochtones au Canada
Article par Bonita Lawrence
Date de publication en ligne le 22 November 2016
Dernière modification le 22 November 2016
L’esclavage des Autochtones incarne, dans une très large mesure, ce qu’a
été l’esclavage au Canada. Au moins les deux tiers des esclaves de
Nouvelle-France, où l’esclavage a duré le plus longtemps et où ont vécu le
plus grand nombre d’esclaves, sont des Autochtones. Ces personnes ont été
asservies dans le cadre de la traite des esclaves qui a fleuri dans la plus
méridionale des 13 colonies britanniques à la fin du 17e siècle. C’est dans
cette région que les colons ont transformé l’esclavage déjà pratiqué par les
Autochtones en un cycle infernal d’événements qui ont ravagé les nations
autochtones et eu des conséquences sur toutes les colonies européennes en
Amérique du Nord.
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/slavery-of-indigenous-people-in-canada 1/7
06/05/2019 Esclavage des Autochtones au Canada | l'Encyclopédie Canadienne
Certaines normes établies par le Code noir, édicté par Louis XIV en 1685,
sont appliquées aux esclaves du Canada français. Ce texte législatif définit
les conditions de l’esclavage dans les colonies françaises des Caraïbes. Une
édition ultérieure du Code noir sera également publiée pour la Louisiane. En
particulier, la disposition prévoyant qu’un enfant né d’une mère esclave est
lui‑même esclave est appliquée au Canada français, et ce, bien que le Code
noir n’y ait jamais été officiellement adopté.
Vie en esclavage
Bien que l’on dispose de peu de témoignages sur la vie et les expériences
d’esclaves particuliers, d’une façon générale, on peut dire que les esclaves
autochtones au Canada sont essentiellement utilisés comme travailleurs
manuels et comme domestiques. La plupart sont plutôt jeunes et de sexe
féminin : l’âge moyen des esclaves autochtones au Canada est de 14 ans, et
57 % sont des jeunes filles ou des jeunes femmes. Contrairement à la
situation dans les colonies du Sud, il semble que l’esclavage
intergénérationnel soit peu présent, probablement du fait de l’absence d’une
économie de plantation. C’est pourquoi, lorsque l’approvisionnement en
nouveaux esclaves s’est tari, leur nombre a automatiquement diminué. En
effet, beaucoup d’esclaves au Canada meurent jeunes.
S’il est vrai que les esclaves autochtones sont plutôt traités comme des
travailleurs migrants, 60,6 % d’entre eux travaillant dans des centres urbains
et ayant une qualité de vie meilleure que leurs homologues des colonies du
Sud, il n’en demeure pas moins que l’arrachement à leur terre d’origine, à
leur famille et à leur communauté et l’obligation de travailler dans toutes
sortes d’emplois provoquent, chez un grand nombre d’entre eux, de graves
perturbations physiques, psychologiques et émotionnelles.
On sait peu de choses sur ce que deviennent les esclaves une fois libérés.
Un certain nombre de ceux ayant exercé un métier particulier lorsqu’ils
étaient esclaves poursuivent cette activité. D’autres se déplacent
constamment d’un endroit à l’autre à la recherche d’un emploi et d’un abri.
Les moins chanceux, incapables de trouver un domicile fixe, sombrent dans
l’itinérance et sont contraints de mendier ou de voler pour survivre.
Conclusion
Bien que ce soient essentiellement des Noirs qui aient été asservis durant
les 40 dernières années de l’esclavage au Canada, les colons américains
ayant introduit avec eux, après 1783, leurs esclaves africains sur les
territoires actuels des Maritimes, de l’Ontario et du Québec, il n’en demeure
pas moins que les esclaves autochtones ont représenté, sur une période
d’environ 150 ans, deux tiers des esclaves au Canada. Durant la majeure
partie de l’histoire canadienne, la très grande majorité des esclaves ont été
des Autochtones. Cependant, s’il est vrai que ces deux histoires, celle des
esclaves noirs et celle des esclaves autochtones, sont importantes, on
constate qu’au Canada, cette dernière a largement été éclipsée par la
première, l’asservissement des esclaves africains au sein des plantations
esclavagistes s’étant poursuivi dans toutes les Amériques longtemps après
l’abolition de l’esclavage au Canada.
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/slavery-of-indigenous-people-in-canada 6/7
06/05/2019 Esclavage des Autochtones au Canada | l'Encyclopédie Canadienne
Lecture supplémentaire
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/slavery-of-indigenous-people-in-canada 7/7
Esclavage parmi les Amérindiens aux États-Unis
L'esclavage chez les Amérindiens aux États-Unis comprend à la fois l'esclavage
« par » les Amérindiens ainsi que l'esclavage « des » Amérindiens au cours de
l'histoire dans un espace correspondant à l'actuel territoire des États-Unis. Les
limites des territoires tribaux et des lieux de commerce des esclaves ont plus varié
que ces frontières.
Usage de guerre
1
Des tribus amérindiennes prenaient souvent des prisonniers de guerre qu'elles employaient principalement pour des petits travaux .
1
Certains autres, cependant, étaient utilisés pour des sacrifices rituels . Bien que les connaissances du sujet soient minces, il y a peu
1
d'éléments pouvant appuyer la thèse que les esclavagistes considéraient leurs esclaves comme appartenant à une race inférieure . Les
Amérindiens ne faisait pas de commerce de captifs dans la période pré-coloniale de l'époque, mais il arrivait qu'ils les échangent en
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gestes de paix ou en rachat de leurs propres membres . Le mot « esclave » n'est pas approprié aux conditions de ces captifs ; ils
1
vivaient en marge de la tribu au début, puis y étaient peu à peu intégrés .
Autres pratiques
1
Plusieurs tribus pouvaient garder des captifs en otage comme caution de dettes . De nombreuses tribus imposaient aussi l'esclavage
pour le paiement des dettes ou l'imposaient à leurs membres ayant commis des crimes ; le statut tribal de ces derniers était restauré à
1
l'issue de ce travail forcé .
L'esclavage européen
Les colons européens provoquèrent un changement dans la pratique des captures et du travail forcé préexistants des Amérindiens en
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créant un véritable marché des prisonniers de raids .
Pendant des décennies, les colonies ont manqué de travailleurs ; en particulier celles du Sud, initialement développée pour
l'exploitation des ressources plutôt que la colonisation. Les colons achetaient ou capturaient des Amérindiens pour les employer au
1
travail forcé de la culture du tabac puis, à partir du XVIIIe siècle, du riz et de l'indigo . Afin d'acquérir des marchandises de commerce,
en particulier provenant du reste du monde, les indigènes commencèrent à vendre des prisonniers aux blancs plutôt que de les
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intégrer dans leurs propres sociétés comme ils le faisaient autrefois . Les marchandises acquises pouvaient être des haches, des
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ustensiles en cuivre, du rhum, des bijoux, des aiguilles, des ciseaux, mais surtout des fusils.
Les Anglais copièrent les Portugais et les Espagnols en considérant l'esclavage des Africains et des Amérindiens comme une
institution moralement, légalement et socialement acceptable ; la justification la plus rationnelle à cet esclavage était qu'il valait
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mieux employer les captifs ainsi que de les condamner à mort.
Les évasions d'esclaves amérindiens étaient fréquentes, parce qu'ils connaissaient les lieux ; c'était bien sûr plus rare chez les
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Africains. Par conséquent, les indigènes réduits en esclavage étaient souvent envoyés aux
Indes occidentales, ou loin de leur terres .
Arrivée de l'esclavage
Les premiers esclaves africains dont on a conservé l'enregistrement ont été placé à Jamestown ; avant les années 1630, la servitude
consentie était la forme dominante de l'esclavage dans les colonies. Cependant, en 1636, seuls les blancs pouvaient légalement
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recevoir des contrats de servants consentants . Le plus ancien document établissant le statut d'esclave d'un Amérindien avait pour
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sujet un homme originaire duMassachusetts réduit en esclavage en 1636 .
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En 1661, l'esclavage était devenu légal dans les Treize colonies . La Virginie déclarera « les Indiens, les mulâtres et les nègres
comme biens immobiliers », et en 1682, l'État de New York interdit aux esclaves africains ou amérindiens de quitter la maison de leur
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maître ou leur plantation sans autorisation .
Dans certains cas, les Européens distinguaient l'esclavage des Amérindiens et celui des Africains : bien que les Amérindiens et les
Africains soient tous deux considérés comme « sauvages », une croyance voulait que les Africains soient « brutaux » alors que les
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Amérindiens étaient idéalisés comme un peuple noble qui pourrait être éduqué dans la civilisation chrétienne
.
Le statut juridique précis pour certains Amérindiens, est difficile à établir dans certaines circonstances, comme la servitude forcée et
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l'esclavage étaient mal définis dans l’Amérique britannique du XVII siècle . Certains maîtres affirmaient être propriétaires des
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enfants de leurs serviteurs amérindiens, et cherchaient à les transformer en esclaves.
La constante historique de l'esclavage en Amérique était que les colons européens avaient tracé une stricte limite entre « les gens
comme eux qui ne pourraient jamais être réduits en esclavage » et les gens de couleur ou métis étrangers, « pour la plupart des
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Africains et Amérindiens qui pourraient être réduits en esclavage » . Une caractéristique unique entre les indigènes et les colons
était que progressivement, ils affirmèrent leur souveraineté sur les habitants autochtones au cours du XVIIe siècle ; les transformant,
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ironiquement, en sujets avec des droits et privilèges dont les Afro-Américains ne pourraient jamais profiter.
Dans les colonies espagnoles, l'Église attribuait des noms de famille espagnols aux Amérindiens et les enregistrait en tant que
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serviteurs plutôt que comme esclaves . À l'ouest, de nombreux membres de tribus amérindiennes étaient pris contre leur gré comme
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esclaves à vie . Dans l'est, les Amérindiens étaient systématiquement enregistrés comme esclaves.
Les esclaves des territoires indiens furent utilisés à de nombreuses fins à travers les États-Unis : travail dans les plantations de l'Est,
guides dans les régions sauvages, travail dans les déserts de l'Ouest, enrôlement comme combattants lors de guerres. Les esclaves
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amérindiens étaient touchés par des maladies européennes nouvellement introduites et souf
fraient de traitements inhumains .
Esclavage en Nouvelle-Angleterre
La conclusion de la guerre des Pequots de 1636 amena les Britanniques à faire des prisonniers de guerrepequots des esclaves presque
immédiatement après la fondation du Connecticut en tant que « colonie », initiant une part importante de la culture de l'esclavage en
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Nouvelle-Angleterre . La guerre des Pequots fut dévastatrice : lesNiantics, les Narragansetts, et les Mohegans ayant été persuadés
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d'aider les colons du Massachusetts, du Connecticut, et dePlymouth à massacrer les Pequots, dont au moins 700 individus périrent .
La majorité des esclaves pequots étaient constitués de femmes et d'enfants non combattants, dont la plupart servirent comme esclaves
pour le reste de leur vie ; certains dossiers de la cour montrent des primes sur des esclaves amérindiens évadés plus de dix ans après
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la fin de la guerre .
Le commerce d'esclaves amérindiens en Nouvelle-Angleterre et au Sud fut grandement aidé par le fait que les différentes tribus ne se
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reconnaissaient pas entre elles, et étaient donc incapables de s'unir contre l'envahisseur . Les Chicachas et les Westos, par exemple,
4
vendirent des captifs d'autres tribus sans faire de détail et simplement pour augmenter leur pouvoir politique et économique
.
Rhode Island a également participé à l'esclavage des Amérindiens, mais les archives officielles sont incomplètes ou inexistantes,
3
rendant le nombre exact d'esclaves impossible à chiffrer . Les gouvernements de la Nouvelle-Angleterre promettaient aux colons le
droit de piller comme paiement, et les commandants, comme Israël Stoughton, considéraient la prise de femmes et enfants
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amérindiens comme leur dû . En raison du manque de preuves, on ne peut spéculer pour savoir si les soldats demandaient ces
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prisonniers comme esclaves sexuels ou uniquement comme serviteurs . Peu de chefs colons remirent en question les politiques
coloniales de traitement des esclaves maisRoger Williams, qui a essayé de maintenir des liens positifs avec les Narragansetts, était en
conflit : en tant que chrétien, il se sentait que les assassins d'Indiens « méritaient la mort » et condamnait le meurtre de femmes et
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d'enfants indigènes, bien qu'il garda ses critiques privées .
Le Massachusetts conserva dans un premier temps la paix avec les tribus amérindiennes de la région, cependant cela changea et
l'esclavage des Amérindiens devint inévitable. On trouve des journaux de Boston mentionnant des évasions d'esclaves à la fin de
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l'année 1750 . En 1790, le rapport du recensement des États-Unis indiquait que le nombre d'esclaves dans l'État était de 6 001, dont
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une part inconnue d'Amérindiens, mais au moins 200 cités comme moitié indiens (c'est-à-dire métis amérindien-africain) . Comme le
Massachusetts avait pris de l'avance aux combats des deux guerres indiennes [pas clair], il est très probable que la colonie avait
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largement dépassé le nombre d'esclaves du Connecticut ou de Rhode Island .
Le New Hampshire s'est montré singulier en restant quasi-pacifique avec les tribus voisines durant la guerre des Pequots et la guerre
3
du Roi Philip, ayant de fait très peu d'esclaves . Les colons du Sud ont commencé à capturer et asservir les Amérindiens pour les
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exporter vers les « îles à sucre », ainsi qu'à destination des colonies du Nord . Ce commerce dévasta les populations natives du sud-
1
est .
Aux XVIIe et e
XVIII siècles, les Anglais à Charles Town (Caroline du Sud), les Espagnols en Floride, et les Français en Louisiane
cherchèrent des partenaires commerciaux et des alliés parmi les tribus amérindiennes, en proposant des échanges de marchandises,
tels que du métal, des armes à feu et outils, des munitions, de l'alcool, des perles, des tissus et des chapeaux en échange de fourrures
1
et d'esclaves .
Escalade esclavagiste
Les commerçants, les colons frontaliers et les représentants du gouvernement encouragèrent les Amérindiens à faire la guerre à
1
d'autres tribus pour vendre des esclaves capturés ou af
faiblir les tribus guerrières . À partir de 1610, les marchands hollandais avaient
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développé un commerce lucratif avec les Iroquois : les Iroquois donnaient aux Néerlandais des peaux de castor et recevaient en
4
échange des vêtements, des outils et des armes à feu, qui augmentaient leur puissance par rapport aux autres tribus voisines
.
Ce commerce permit aux Iroquois de mener des campagnes contre d'autres tribus comme les Hurons, les Pétuns, les Andastes, les
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Ériés et les Chaouanons . Les Iroquois ont alors pu commencer à prendre des prisonniers de guerre et à les vendre . Le pouvoir
4
écrasant des Iroquois combiné aux épidémies de maladies européennes dévastèrent de nombreuses tribus orientales
.
Esclavage en Caroline
La Caroline est unique par rapport aux autres colonies : en effet, les colons qui s'y étaient établis considéraient l'esclavage comme
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essentiel à la réussite économique .
Débuts prudents
En 1680, les propriétaires d'esclaves demandèrent au gouvernement de Caroline de s'assurer que les esclaves indigènes bénéficiaient
d'une justice égale, et qu'ils étaient traités mieux que des esclaves africains. Ces règles furent largement publiées, afin que personne
9
ne puisse prétendre les ignorer .
Ce changement politique en Caroline avait pour origine la crainte que les esclaves informent leurs tribus, entraînant encore plus
9
d'attaques dévastatrices sur les plantations, ainsi qu'une attention non désirée du gouvernement britannique . Cette tentative de
changement s'est avéré presque impossible car les colons et fonctionnaires locaux voyaient les Amérindiens et les Africains comme
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semblables, et l'exploitation des deux comme le moyen le plus facile de s'enrichir.
Justification de l'esclavage
En décembre 1675, le grand conseil de la Caroline publia une justification de l'esclavage et de la vente d'Amérindiens, affirmant que
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ceux qui étaient ennemis des tribus aillées au Royaume-Uni étaient des cibles privilégiés, n'étant pas d'« innocent indiens » . Le
conseil affirma également qu'il attendait des « alliés indiens » qu'ils prennent des prisonniers, et que ces captifs étaient prêts à
9
travailler dans le pays ou être transportés ailleurs.
Le conseil utilisa cette directive pour satisfaire les propriétaires, et pour confirmer l'affirmation traditionnelle selon laquelle personne
n'était réduit à l'esclavage contre sa volonté ni transporté sans son consentement hors de la Caroline, bien que ce ne soit bien sûr pas
9
le cas .
Échanges trans-coloniaux
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Dans d'autres colonies, l'esclavage se développa au fil du temps comme la principale force de travail . On estime que les
commerçants de Caroline àCharles Town livrèrent de 30 000 à 51 000 Amérindiens entre 1670 et 1715 à un fructueux commerce des
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esclaves avec les Caraïbes, l'Hispaniola, et les colonies du nord . Il était plus rentable d'avoir des esclaves amérindiens, car les
esclaves africains devaient être expédiés et achetés, alors que les Amérindiens pouvaient être capturés et immédiatement placés dans
1
les plantations. Les blancs des colonies du Nord préféraient avoir des esclaves femmes et enfants autochtones . Les Caroliniens avait
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une préférence pour les esclaves africains, mais cela ne les empêchait pas de faire commerce des Amérindiens.
Avant 1720, date de fin du commerce d'esclaves autochtones, la Caroline exportait autant voire plus d'esclaves amérindiens qu'elle
1 1
n'importait d'esclaves africains . Le taux d'échange habituel était alors d'un Africain pour deux ou trois Amérindiens . Dans le Sud-
Ouest, les colons espagnols et les esclavagistes amérindiens vendaient ou échangeaient les esclaves dans les nombreuses foires
1
commerciales le long duRío Grande .
Peter H. Wood constata qu'en 1708, la population de Caroline du Sud totalisait 9 580 individus, dont 4 100 esclaves africains et
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1 400 esclaves amérindiens .
Les hommes africains composaient 45 % de la population d'esclave, tandis que les femmes amérindiennes comptaient pour 15 % de
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la population adulte des esclaves de la colonie . En outre, les femmes autochtones étaient plus nombreuses que les hommes
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autochtones, et les hommes africains considérablement plus nombreux que les femmes africaines.
Ce déséquilibre a encouragé les unions entre les deux groupes, conduisant plus tard à ce que de nombreux anciens esclaves aient un
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ascendant amérindien notable à une ou deux générations avant eux . Ces unions aboutirent sur un grand nombre évident mais
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inconnu d'enfants métis afro-amérindiens . En 1715, la population d'esclaves amérindiens de Caroline était estimée à
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1 850 individus .
Pratiques usuelles
Dans le livre de John Norris Profitable Advice for Rich and Poor (1712), il est recommandé d'acheter dix-huit femmes autochtones,
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une quinzaine d'hommes africains et trois femmes africaines . Les marchands d'esclaves préféraient les captifs amérindiens ayant
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moins de dix-huit ans, censés être plus facilement formés à de nouveaux travaux .
Dans les colonies de l'Est, il était devenu pratique courante d'avoir pour esclaves uniquement des femmes amérindiennes et des
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hommes africains, en faisant augmenter parallèlement leur nombre . Cette pratique conduisit aussi à un grand nombre d'unions
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mixtes . Les femmes autochtones étaient en effet moins chères à l'achat que les hommes ou que les Africains ; de plus, il était
plus efficace d'avoir des femmes autochtones parce qu'elles étaient les plus compétentes en agronomie dans leurs communautés
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d'origines, où les hommes se consacrent à d'autres activités .
Durant cette époque, il n'était pas rare que les avis de recherche des journaux coloniaux mentionnent les esclaves en fuite parlant
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d'Africains, d'Amérindiens ou des métis .
Religions
Dans l'Illinois, les colons français baptisaient les esclaves amérindiens nouvellement acquis : ils estimaient qu'il était essentiel de les
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convertir à la foi catholique . Les registres des baptêmes incluent des milliers d'entrées d'esclaves amérindiens .
Beaucoup des premiers travailleurs, y compris ceux provenant d'Afrique, entraient dans les colonies sous contrat d'indenture et
pouvaient retrouver leur liberté après avoir repayé leur traversée. L'esclavage était réservé aux individus n'étant ni chrétiens ni
européens. En 1705, l'assemblée générale de V
irginie définit ces conditions :
« Tous serviteurs importés et amenés dans le pays ... n'étant pas chrétiens dans leur pays d'origine ... doivent être
comptabilisés et esclaves. Tous les nègres, mulâtres et les Indiens esclaves à l'intérieur du dominion ... sera tenu
pour l'immobilier. Si un esclave résiste à son maître ... corriger ces esclaves, fussent ils tués avec une telle
correction ... le maître doit être exempt de toute punition ... comme si l'accident n'était jamais arrivé. »
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— Déclaration de l'assemblée générale de Virginie, 1705
Précautions anti-soulèvement
Au milieu du XVIIIe siècle, le gouverneur de la Caroline du Sud James Glen commença à promouvoir une politique officielle visant à
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créer chez les Amérindiens une aversion pour les Afro-Américains, dans le but d'empêcher de possibles alliances entre eux . En
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1758, James Glen écrivit :« Il a toujours été la politique du gouvernement de créer une aversion entre les Indiens et les nègres. »
Déclin de l'esclavagisme
La domination du commerce d'esclaves d'Amérindiens n'a duré que jusqu'aux environs de 1730, quand il conduisit à une série de
1, 2
guerres dévastatrices parmi les tribus . Le commerce des esclaves créa des tensions qui n'étaient pas préexistantes entre les
différentes tribus, ainsi qu'un abandon à grande échelle de leur région d'origine pour échapper à la guerre et au commerce
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d'esclaves . La majorité des guerres indiennes se sont produites dans le sud .
Les Westos (en) vivaient à l'origine près du lac Érié jusqu'aux années 1640, mais ils durent se déplacer pour échapper à
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l'esclavagisme et aux guerres de deuil des Iroquois ; guerres ayant pour but de pour repeupler leur tribu . Les Westos allèrent en
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Virginie, puis en Caroline du Sud pour profiter des routes de commerce . Les westos contribuèrent fortement à la hausse de la
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participation des communautés natives du sud-est au commerce d'esclaves . L'augmentation des échanges esclaves contre armes à
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feu obligeait en effet toutes les tribus à y participer ou à en être victime .
Avant 1700, les Westos dominaient le commerce d'esclaves en Caroline, capturant des individus de toutes tribus du Sud sans
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discernement . Ils gagnèrent en puissance rapidement, mais les Britanniques et les propriétaires de plantations commencèrent à les
craindre, car ils étaient très bien armés du fait de leur commerce lucratif. Sans remords, les Anglais s'allièrent aux Savannahs à partir
1, 4
de 1680 tuèrent la plupart des hommes et vendirent les femmes et enfants qui pouvaient être capturés . Les Westos furent
1
complètement anéantis sur le plan culturel, ses survivants étant dispersés à travers les colonies, dont
Antigua .
Changements culturels
Peu à peu, du fait des raids de plus en plus lointains pour satisfaire les acheteurs britanniques, les tribus du Sud-Est intensifièrent les
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guerres et traques, ce qui remettait en cause leurs raisons traditionnelles de faire la guerre . La guerre était à l'origine basée sur
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une vengeance à but non lucratif . Les guerres des Chicachas ont repoussé la tribu Houma vers le sud, où elle avait des difficultés à
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se stabiliser . En 1704, l'alliance des Chicachas avec les Français s'était affaiblie et les Britanniques en profitèrent pour prendre leur
4
place en leur apportant douze esclaves taensa . Dans le Mississippi et le Tennessee, les Chicachas utilisaient à la fois les Français et
les Britanniques, les uns contre les autres, et chassaient les Chactas, qui étaient les alliés traditionnels de la France, ainsi que les
1
Arkansas, les Tunicas, et les Taensas, en créant des dépôts d'esclaves sur leurs territoires . En 1705, les Chicachas ciblèrent par
surprise les Chactas, bien qu'un accord d’amitié les unisse. La capture de plusieurs familles raviva la guerre entre les deux tribus et la
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fin de leur allégeance . Les Chicachas réussirent, en un seul raid en 1706 sur les Chactas, à capturer 300 autochtones pour les
1
1
Anglais . La guerre entre les deux tribus s'est maintenue jusqu'au début du XVIIIe siècle, le pire incident pour les Chactas survint en
4
1711, quand ils furent attaqués par les Britanniques, qui avaient peur qu'ils se soient alliés aux Français . On estime que cette guerre,
4
additionnée à l'asservissement et aux épidémies, que la population chicacha fut réduite de moitié entre 1685 et 1715
.
Changements sociaux
Comme les tribus du Sud continuèrent à s'impliquer dans la traite des esclaves, et donc dans le commerce, il accumulèrent peu à peu
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des dettes significatives vis-à-vis des colons . Les Yamasees avaient une dette importante due à l'achat de rhum en 1711, mais
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l'assemblée générale vota son annulation pour éviter une guerre . Le commerce d'esclaves par les Amérindiens entre eux commença
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à affecter négativement l'organisation sociale dans beaucoup de tribus, et notamment les rôles des genres . En interagissant avec les
individus de la société, les hommes guerriers furent très inspirés par l'organisation patriarcale, et voulurent l'instaurer dans leurs
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propres sociétés . Parmi les Cherokees, l'affaiblissement du pouvoir des femmes créa des tensions au sein de leurs communautés.
14
Par exemple, les guerriers consultaient moins les femmes pour déterminer du moment de faire la guerre . Seules celles qui avaient
prouvé leur valeur à la guerre étaient en droit de prendre pleinement part aux décisions ; cela conduisit les femmes à soutenir les raids
ayant pour but le commerce des esclaves.
Par exemple, les Creeks, une confédération de différents groupes qui avaient joint leurs forces pour se défendre contre les raids,
s'allièrent aux Anglais et s'installèrent sur les Apalaches en Floride espagnole, où il s'adonnèrent peu à peu eux aussi aux raids pour
1 1
capturer des esclaves . Ces raids ont également détruit plusieurs tribus de Floride, y compris les Timucuas . En 1685, les Yamasees
4
ont été persuadés par des marchands d'esclaves écossais d'attaquer les Timucuas, et l'attaque fut dévastatrice . Tous les indigènes de
1
Floride à l'époque coloniale finirent soit tués, soit réduits en esclavage, soit dispersés . On estime que les raids creeks-anglais en
1
Floride apportèrent 4 000 esclaves amérindiens entre 1700 et 1705.
Changements comportementaux
1
Quelques années plus tard, les Chaouanons conduisirent des raids sur les Cherokees de manière similaire . En Caroline du Nord, les
Tuscaroras, craignant entre autres que les Anglais aient prévu de les réduire en esclavage et de spoiler leurs terres, menèrent une
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guerre contre eux de 1711 à 1713 . Durant cette guerre, les blancs de Caroline, aidés par les Yamasees anéantirent complètement les
1
Tuscararas et firent des milliers de prisonniers qui furent réduits en esclavage. En quelques années, le même sort frappa lesYuchis et
1
les Yamasees eux-mêmes, qui n'était plus en faveur avec les Britanniques . Les Français armèrent la tribu des Natchez, qui vivait sur
1
les rives du Mississippi et de l'Illinois, contre les Chichacas . En 1729, les Natchez, alliés avec un certain nombre d'esclaves noirs
évadés et vivant parmi eux se soulevèrent contre les Français. Une armée composée de soldats français, de guerriers chactas, et
1
d'autres esclaves africains, remporta la victoire . Le comportement commercial de plusieurs tribus commença à changer pour revenir
à des méthodes plus traditionnelles d'adoption de prisonniers de guerre au lieu de les vendre immédiatement aux marchands
4
d'esclaves blancs ; certains prirent l'habitude de les détenir pendant trois jours avant de décider de les vendre ou pas . Cette règle fut
e 4
adoptée du fait des lourdes pertes dans de nombreuses tribus à cause des guerres qui continuèrent tout au long du
XVIII siècle .
Changements démographiques
La combinaison mortelle de l'esclavage, de la maladie et de la guerre diminua de manière spectaculaire la population d'Amérindiens
libres du Sud ; il est estimé que les tribus du Sud comptait autour de 199 400 individus en 1685, mais seulement 90 100 individus en
4, 14
1715 . Les guerres indiennes du début du XVIIIe siècle, combinées avec l'augmentation de la disponibilité des esclaves africains,
1
mirent peu à peu fin au commerce des esclaves amérindiens vers 1750 . De nombreux marchands d'esclaves coloniaux avaient été
tués dans les combats, et les groupes restants d'Amérindiens finirent par s'allier, déterminés à affronter les colons européens en
1, 14
position de force, plutôt qu'être réduits en esclavage . Bien que les Amérindiens ne pratiquent plus le commerce d'esclave, la
réduction en esclavage d'Amérindiens continua, les registres du 28 juin 1771 montrent que des enfants amérindiens étaient gardés
3
comme esclaves à Long Island . Des esclaves indigènes s'étaient aussi mariées, donnant naissance à d'autres esclaves indigènes, dont
10
certains étaient aussi d'ascendance africaine . Les évasions d'esclaves amérindiens, leur achat ou leur vente se trouve
3, 14
occasionnellement dans les journaux durant toute la période coloniale . Beaucoup des tribus restantes rejoignirent des
confédérations telles que les Chactas, les Creeks et les Catawbas pour se protéger, ce qui les rendait moins vulnérable face aux
1, 14 16
esclavagistes . De nombreux témoignages d'anciens esclaves mentionnent avoir un parent ou un grand-parent amérindien.
Réduction en esclavage après leXIXe siècle
Les enregistrements et récits d'esclaves obtenus par la Works Progress Administration (WPA) indiquent clairement que
16
l'asservissement des indigènes américains continua au XIXe siècle, principalement via des enlèvements . Un exemple documenté est
16
l'interview par la WPA de l'ancien esclave Dennis Subvention, dont la mère était une Amérindienne de pur sang ; elle a été
16
kidnappée enfant près de Beaumont dans les années 1850, faite esclave puis forcée de se marier à un autre esclave . Ces
e 16
enlèvements montrent que même au XIX siècle, peu de distinction était faite entre les Afro-Américains et les Amérindiens . Les
esclaves amérindiens comme les Afro-Américains étaient vulnérables aux abus sexuels des esclavagistes et des autres hommes blancs
22, 23
puissants . Les difficultés de l'esclavage donnèrent lieu à la création de colonies d'esclaves fugitifs associés à des autochtones
24
vivant en Floride appelés marrons .
Esclavage en Californie
L'esclavage des Amérindiens a été organisé dans la Californie coloniale et mexicaine par le biais des missions franciscaines, qui
disposaient théoriquement d'un droit à dix ans de main-d'œuvre des autochtones, mais qui les gardèrent en servitude perpétuelle,
jusqu'à ce que leur charge fut révoquée au milieu des années 1830. À la suite de l'invasion par les États-Unis entre 1847 et 1848, les
25
natifs californiens furent réduits en esclavage dans le nouvel État de 1850 à 1867 . L'esclavage nécessitait le dépôt d'une caution par
le titulaire de l'esclave et l'asservissement se faisait par le biais de raids et de quatre mois de servitude imposée comme punition pour
26
les Amérindiens tenus coupables de « vagabondage » .
Parce que les deux groupes étaient des non-chrétiens, les Européens les considéraient comme inférieurs. Ils firent en sorte que les
deux groupes soient ennemis afin de pouvoir mieux les contrôler. Dans certaines régions, les Amérindiens commencèrent à lentement
1
absorber la culture blanche .
Pratique de l'esclavage
L'adoption et l'adaptation des institutions euro-américaines par les Amérindiens, par une cruelle ironie, ne les protégea en rien de la
15
domination occidentale et créa des divisions au sein des tribus elles-mêmes . Benjamin Hawkins, surintendant des tribus au sud de
la rivière Ohio à partir de la fin du XVIIIe siècle jusqu'au début du XIXe siècle, encouragea les grandes tribus du Sud-Est à adopter des
cheptels d'esclavage, afin d'avoir de la main-d’œuvre pour leur plantations à grande échelle, dans le cadre de leur assimilation aux
20
pratiques euro-américaines .
La pression exercée par les Américains d'origine européenne à s'assimiler, la transformation de l'économie des fourrures, et les
tentatives soutenues du gouvernement de civiliser les tribus indigènes mena à l'adoption d'une économie basée sur l'agriculture
20
productiviste . Certaines des Cinq tribus civilisées avaient également acquis des esclaves afro-américains en tant que butin de la
20
20
guerre d'indépendance qui leur avaient été octroyés par leurs alliés britanniques . Les cinq tribus ont adopté certaines pratiques
qu'ils considéraient comme bénéfiques, ils travaillèrent à s'entendre avec les Américains afin de garder leur territoire.
Elles adoptèrent l'esclavage comme moyen de se défendre de la pression fédérale en croyant que cela leur permettrait de conserver
15
leurs terres méridionales . Les tensions étaient changeantes entre les Afro-Américains et les Amérindiens dans le Sud, sanctuaire
pour esclaves en fuite au début du XVIIIe siècle, il y avait 50 % de chances ensuite que les indigènes les capturent et les renvoient à
20
leurs maîtres blancs ou les gardent comme esclave pour eux-mêmes .
Contrairement aux esclavagistes blancs, les Amérindiens esclavagistes n'utilisaient pas de justifications à l'esclavage, ni ne
20
maintenaient de vue fictive des esclaves comme faisant partie de leur famille . Cependant, le statut des esclaves pouvait changer si
20
ses ravisseurs les adoptaient ou les épousaient . Bien que certains Amérindiens aient une forte aversion pour l'esclavage, ils leur
manquaient le pouvoir politique et la culture paternaliste qui imprégnait le sud non indien, où les hommes blancs étaient considérés
20
comme maîtres absolus .
20
Il est difficile de savoir si les esclavagistes amérindiens ont pu sympathiser avec leurs esclaves africains comme non blancs . Mais
le christianisme est apparu comme une ligne importante séparant certains Amérindiens des Afro-Américains : la plupart des Afro-
Américains du début du XVIIIe siècle avaient accepté les enseignements des missionnaires, alors que les Amérindiens, en particulier
20, 30
les Chactas et Chichacas dans le Sud continuaient à pratiquer leurs croyances spirituelles traditionnelles .
30
De nombreux Amérindiens voyaient les tentatives de conversion comme composante de l’expansion coloniale.
En 1832, les recenseurs commissionnés par le gouvernement en pays creek avaient de grandes difficultés à catégoriser les divers
groupes de personnes qui y résidaient, ne sachant pas comment comptabiliser les femmes afro-américaines des hommes creek, ni où
20
placer les métis .
L'expulsion des tribus Cherokees, Chichacas, Chactas et Creeks par le gouvernement fédéral conduisit à une croissance rapide de
l'esclavage dans les plantations à travers le Sud profond, et cette migration des Amérindiens repoussa aussi l'esclavage vers l'ouest,
15
préparant de futurs conflits .
Contrairement à d'autres tribus qui ont été physiquement contraintes de quitter le Sud profond, le gouvernement a activement cherché
15
à associer les nations chactas et chichacas de force sous son égide . Ces deux tribus se voyaient très différentes et avaient été des
15
ennemis acharnés durant le XVIIIe siècle, mais en 1837, un traité entérina l'unification des deux tribus . Elles y consentirent en partie
15
parce qu'un traité de 1855 les autorisait à employer deux gouvernements distincts.
Constitution cherokee
En 1827, les Cherokees promulguèrent une constitution, qui faisait partie de leur processus d'acculturation. Elle interdisait aux
esclaves et à leurs descendants (y compris métis) de posséder des biens, de vendre des biens ou d'en produire pour gagner de gent
l'ar ;
elle leur défendait aussi d'épouser des Cherokees ou des Américains d'origine européenne. Cette constitution prévoyait aussi de
1
lourdes amendes pour les propriétaires d'esclaves si ceux-ci consommaient de l'alcool.
Aucun Afro-Américain, même s'il était libre et d'ascendance partielle cherokee, n'avait de droit de vote dans la tribu, ni ne pouvait
1, 31
prétendre à un travail pour le gouvernement . Ces lois reflètent l'état des lois dans le Sud-Est, mais les lois cherokees n'imposent
1
pas autant de restrictions aux esclaves, et ne les appliquaient pas strictement.
Dans leur constitution, le conseil cherokee avait fait d'importants efforts en vue de réglementer le mariage des femmes cherokees
32
avec des hommes blancs, mais peu pour le contrôle des épouses des hommes cherokees. Il n'était pas rare, ni dégradant socialement
pour les hommes cherokees de se marier avec des afro-américaines, même esclaves, mais il y avait peu d'incitation pour eux à
légaliser l'union, comme les enfants nés de femmes esclaves ou de femmes d'origine africaine n'étaient pas considérés comme des
31, 32
membres citoyens de la tribu, en raison de la constitution .
L'absence d'interdictions légales sur de telles unions montre le manque de volonté des législateurs, dont beaucoup appartenaient aux
familles esclavagistes, d'empiéter sur les prérogatives des maîtres sur leurs esclaves ou pour contraindre le comportement sexuel des
32
hommes dans la tribu . Bien que peu d'éléments prouvent que de telles unions ont eu lieu, on trouve en 1854 un Cherokee nommé
32
Cricket et accusé d'avoir épousé une femme noire ; pour des raisons obscures, le tribunal le mit en examen puis l'acquitta.
Lois ultérieures
La Loi de 1855 ne fait pas de place à des relations formelles entre les Afro-Américains et les citoyens cherokee et dérive
partiellement de la Loi de 1839 prévenant l’amalgame des Noirs, qui était encore en vigueur, mais n'a pas empêché les unions de se
32
produire . En 1860, la population esclave des Cherokees représentait 18 % de l'ensemble de la population de la nation, avec la
31
plupart des esclaves culturellement Cherokee, ne parlant que la langue cherokee, et étant immergés des traditions cherokee . Les
Cherokees n'avaient pas établi de lois particulière de manumission des esclaves ; la manumission pouvait être accordée pour de
33
nombreuses raisons .
Constitution chacta
La constitution de 1840 ne permettait également pas aux Afro-Américains libres de s'installer dans la nation chacta, ce qui signifie
qu'ils n'étaient pas autorisés à posséder ou obtenir de la terre ; les hommes blancs pouvaient obtenir la permission écrite d'y résider de
15, 30
la part du chef ou de l'agent des États-Unis .
La nation chacta interdit la reconnaissance d'individus d'ascendance partiellement africaine comme citoyens, mais un homme blanc
15
marié à une femme chacta aurait été admissible à la naturalisation . En réponse à l'idéologie esclavagiste dans les nations
amérindiennes qui créait un climat d'animosité envers les Afro-Américains libres, le conseil chacta adopta en octobre 1840 une loi
30
qui mandatait l'expulsion de tous les noirs libres « sans lien de sang avec les Chactas et les Chicachas » avant mars 1841 . Ceux qui
30
resteraient seraient vendus durant une vente aux enchères et réduits en esclavage à vie.
Dans les entretiens de la WPA, les avis des anciens esclaves chactas varient : un ancien esclave, Edmond Flint, a affirmé que sa
servitude par les Chactas ne différait pas de l'esclavage dans un foyer blanc, mais il a indiqué qu'il y avait des maîtres chactas
20
humains et d'autres inhumains .
Rapport à la religion
30
Les Chactas n'autorisaient pas leurs esclaves à pratiquer le culte des missions chrétiennes . Pour les Africains, la reconstruction de
leur vie religieuse dans les nation natives américaines créait un sentiment de connexion aux parents et communautés qu'ils avaient
30
laissés en Afrique .
Les missionnaires étaient en mesure d'établir des églises et écoles dans les terres chactas avec la permission des dirigeants de la tribu,
30
mais la question de l'esclavage créa une animosité entre les Chactas et les missionnaires . Ces derniers faisaient valoir que la
servitude humaine ne reflétait pas la société chrétienne, et croyait qu'elle accentuait la paresse, la cruauté et la résistance à la
30
« civilisation » des Amérindiens .
Dans les années 1820, un débat houleux eut lieu pour permettre aux Chactas esclavagistes d'aller à l'église ; les missionnaires ne
voulant pas se les aliéner acceptèrent finalement de les recevoir aux offices avec l'espoir de les éclairer par la discussion et la
30
prière . À cette période, les missionnaires voyaient les Chactas et les Afro-Américains comme racialement et intellectuellement
inférieurs, mais les Afro-Américains convertis étaient au moins perçus comme plus sains intellectuellement et moralement que les
30
autochtones non chrétiens .
Cyrus Kingsbury, chef de file de l'American Board, croyait que lui et les autres missionnaires avaient apporté la civilisation aux
30
Chactas, qu'il considérait comme des gens civilisés . Certains esclavagistes chactas estimaient que si leurs esclaves apprenaient à
30
lire la Bible, ils seraient moins utiles, et cela augmenta la méfiance persistante des Chactas envers les missionnaires . Les Chactas,
fatigués par l'attitude condescendante des missionnaires, lesquels remettaient en question l'approche pédagogique de leurs élèves
amérindiens et des fidèles afro-américains, finirent par retirer leurs enfants, leurs esclaves et leur soutien financier aux écoles et
30
églises de la mission .
Les maîtres chactas, convertis ou non au christianisme n'utilisaient pas la religion comme moyen de contrôle sur leurs esclaves, mais
30
ils réglementaient les lieux où les esclaves pouvaient avoir des rassemblements religieux.
En 1850, le congrès fédéral édicta sa loi la plus forte contre les Afro-Américains aux États-Unis, le Fugitive Slave Act. En 1860, les
30
recenseurs de l'Arkansas documentèrent plusieurs ménages principalement afro-américains dans la nation chacta.
Les enlèvements d'Afro-Américains par les Blancs à des fins esclavagistes devint une menace sérieuse, même pour ceux qui vivaient
30
au sein des nations indigènes . Bien que le paternalisme motivait d'éminents Amérindiens à protéger les Noirs libres, les dirigeants
politiques et les esclavagistes considéraient généralement les Afro-Américains comme des aimants à voleurs blancs, et donc comme
30
une menace pour leur sécurité .
En 1842, le Chacta Peter Pitchlynn écrivit au secrétaire à la guerre pour se plaindre de « Texans armés » qui s'étaient introduits dans
30
leur territoire et avaient enlevé la famille Beams ; citant un mépris des Américains blancs pour la souveraineté des autochtones .
L'affaire de la famille Beams se poursuivit jusqu'en 1856, où la cour de justice statua qu'ils étaient en effet une famille de Noirs
30
libres .
En s'appuyant sur l'organisation politique de leurs ancêtres, les Séminoles accueillirent les Afro-Américains ; ce faisant, ils accrurent
leur isolation du reste du Sud et même des autres nations natives. Cela les conduisit à être vus comme une menace pour l'économie
34 34
des plantations . Les Séminoles sont aussi un cas à part car ils absorbèrent ce qu'il restait des uchis
Y .
Terre d'accueil
34
Les Afro-Américains en fuite commencèrent à se réfugier chez les Séminoles durant les années 1790 . Un propriétaire de plantation
en Floride, Jesse Dupont, déclara que ses esclaves avaient commencés à s'échapper vers 1791, quand deux hommes s'échappèrent, il
déclara aussi : « Un négro indien a volé une femme et son enfant, et depuis qu'elle est parmi les Indiens, elle en a eu un
34
deuxième » .
34
Le pays séminole est ainsi rapidement devenu le nouveau lieu de liberté noire dans la région . Alors que les autres grandes nations
d'Amérindiens du Sud commençaient à poursuivre l'esclavage des noirs, la politique de centralisation et la nouvelle économie ; les
Séminoles prolongeaient leur culture conservatrice et incorporaient les Afro-Américains comme membres à part entière de leurs
34 34
communautés . Ensemble, ils créèrent une nouvelle société, qui fut de plus en plus isolée des autres sudistes.
Comme les autres indigènes du Sud, les Séminoles cumulaient la propriété privée, et les élites transmettaient leurs esclaves à leurs
descendants. Les Séminoles entretinrent les pratiques traditionnelles de capture plus longtemps que les autres nations natives, mais la
34
plus importante différence est qu'ils capturaient aussi des Américains blancs . La pratique de la capture des occidentaux diminua au
34
début du XIXe siècle avec la Première Guerre séminole, qui leur apporta leurs derniers captifs blancs .
Préférence afro-américaine
34
Bien qu'ils continuèrent plus longtemps que les autres nations natives, les Séminoles réduisirent les captures . Ils devinrent de plus
en plus pessimistes au sujet de l'intégration des non-autochtones dans leur famille et ciblèrent ensuite presque exclusivement les
34
personnes d'ascendance africaine au cours duXIXe siècle durant les guerres contre l'expansion des États-Unis .
Lorsque le général Thomas Jesup énuméra les origines des Afro-Américains parmi les Séminoles au secrétaire à la guerre en 1841, il
a commencé par « descendants de nègres pris aux citoyens de la Géorgie par la confédération creek durant de précédentes
34
guerres » . Lorsqu'un groupe de guerrier seminole s'engagea à rejoindre les Britanniques durant la guerre d'indépendance
américaine, ils précisèrent que « les chevaux ou esclaves et bétail que nous prendrons, nous nous attendons à ce qu'ils nous
34
reviennent de droit » . Des soixante-huit captifs documenté durant la guerre Mikasuki (1800-1802), 90 % étaient des Afro-
34
Américains .
Tout au long de 1836, les guerriers séminoles continuèrent à être meilleurs que les soldats coloniaux, mais le plus alarmant pour les
Américains était la relation entre les Séminoles et les Afro-Américains : il était à craindre que cette alliance augmentait chaque
34
jour . Après avoir été témoin de l'agitation parmi les Creeks forcés d'émigrer, le général Thomas Jesup estima que la deuxième
guerre séminole pourrait enflammer l'ensemble du Sud dans un soulèvement général, durant lequel les gens de couleurs pourraient
34
détruire l'économie de la région .
Des voyageurs rapportent que les esclaves africains chez les Amérindiens vivaient « dans d'aussi bonnes conditions que leurs
35
maîtres » .
Esclagistes laxistes
Un agent indien blanc, Douglas Cooper, bouleversé par l'échec des indigènes à la mise en pratique d'une forme plus sévère de
35
servitude, insista pour qu'ils invitent des hommes blancs dans leurs villages pour
« prendre les choses en main » . Un observateur au
début des années 1840 écrivait : « L'indien de sang ne travaille que rarement lui-même, mais certains font travailler leurs esclaves.
15
Un esclave parmi les indiens sauvages est presque aussi libre que son propriétaire . » Frederick Douglass déclara en 1850 :
16
« L'esclave trouve plus du lait de la bonté humaine au sein de l'indien sauvage, que dans le cœur de son maître chrétien. »
Divisions internes
William Katz pensait que l'esclavage contribuait à briser l'unité entre les tribus du Sud-Est et installait une hiérarchie de classes basée
35
sur le « sang des blancs » .
Certains historiens pensent que la division de classes était davantage liée au fait que plusieurs chefs de clans acceptèrent des chefs
métis, qui étaient d'abord et avant tout issus de ces tribus, et que ceux-ci encourageaient l'assimilation ou les arrangements.
Les nations Chacta et Chichaca étaient également différentes des nations Cherokee, Creek et Séminole car ces tribus ont aboli
l'esclavage immédiatement après la fin de la guerre de Sécession alors que les Chichacas et les Chactas n'ont libéré tous leurs
15
esclaves qu'en 1866 .
Les tribus frontalières, en contact plus étroit avec les commerçants et les colons, devenaient de plus en plus assimilées, souvent
dirigées par des chefs qui croyaient qu'il fallait changer pour s'adapter à la nouvelle société.
Certains chefs de famille de race mixte avaient des relations familiales avec des responsables colons. D'autres avaient été éduqués
dans les écoles occidentales et connaissaient leur langue et leur culture. Ils étaient les plus susceptibles de devenir esclavagistes et
adopter d'autres pratiques européennes.
Les autres Amérindiens, souvent situés à une certaine distance, continuaient leurs pratiques traditionnelles. Ces divisions culturelles
furent la cause de la guerre Creek (1812-1813), et d'autres tribus du Sud-Est subirent des tensions similaires.
Ce conflit fut transporté en Territoire indien, où les opposants assassinèrent certains des signataires du traité de cession de terres. Les
tensions parmi les Amrindiens du Sud-Est portaient plus sur le sujet de la terre et de l'assimilation plutôt que celui de l'esclavage. La
1
plupart des chefs convinrent que la résistance armée était vaine.
Les Cinq tribus civilisées prirent tous leurs esclaves afro-américains avec elles lors de leur déportation en Territoire indien
(correspondant à l'actuelOklahoma).
Les Cinq tribus civilisées s'allièrent auxconfédérés durant la guerre de Sécession, en partie parce qu'ils en voulaient au gouvernement
de les avoir contraints à quitter le Sud-Est.
Les confédérés laissèrent entendre qu'ils pourraient établir un État amérindien en cas de victoire, mais les colons avaient été les
premiers à soutenir la déportation des Amérindiens et cette promesse ne se concrétisa jamais.
Notes et références
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en
anglais intitulé « Slavery among
Native Americans in the United States» (voir la liste des auteurs).
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York, Columbia University, 1913 (lire en ligne).
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06/05/2019 Indiens d’Amérique: un génocide tranquille et presqu'achevé | Marianne
Indiens
d’Amérique: un
génocide tranquille
et presqu'achevé
Publié le 26/04/2012 à 18:42
Un jour d'avril 1973, un militant noir américain pour les droits civiques, Ray Robinson,
qui a longtemps suivi Martin Luther King, débarque à Wounded Knee, dans le Dakota
du Sud. Il souhaite apporter son soutien à la cause des "Native Americans", ainsi que
l'on nomme les Indiens aux Etats-Unis, qui manifestent contre les injustices dont ils
sont victimes dans le pays. Wounded Knee est un lieu emblématique et de sinistre
mémoire. C'est là, en effet, que furent massacrés et jetés dans une fosse commune entre
150 et 300 hommes, femmes et enfants au matin du 29 décembre 1890, par le 7ème
régiment de Cavalerie du Colonel James Forsyth. Sitôt arrivé dans ces lieux où résident
toujours une petite communauté indienne, Ray Robinson appelle sa femme qui lui
demande de rentrer à la maison, inquiète car elle sait que la situation sur place est
explosive. Elle ne le reverra jamais. Après avoir reçue l'annonce de la mort de son
époux, Cheryl n'a jamais pu savoir ce qui était arrivé à son mari ni où son corps avait
été enterré.
Voilà quelques jours, quarante ans plus tard, Cheryl a fait le voyage de Détroit à Sioux
City pour témoigner de son histoire. Le gouvernement américain refuse toujours de
communiquer sur le sort de son mari, officiellement parce que le cas est toujours en
cours d'investigation par le bureau du FBI de Minneapolis. A Wounded Knee, plus
personne ne se souvient de Ray Robinson. Une épisode parmi tant d'autres dans
l'histoire des militants de la cause des Indiens d'Amérique, qui n'a jamais bénéficié d'un
large soutien populaire et que beaucoup voudraientt voir s'éteindre.
On ne va pas le nier, les Apaches, les Cheyennes, les Iroquois, les Sioux
ou les Esquimaux ne nous inspirent pas, la plupart du temps, un sentiment extrême
de culpabilité. Mais ce n'est rien comparé au pays du Western et de la Country. Pas plus
que le Jazz ou le Blues ne suscitent leur part de tristesse chez leurs amateurs et ne
réveillent chez eux les souvenirs tragiques des lynchages des Noirs,
ces genres populaires ne renvoient à la réalité d'un génocide toujours en cours dans
l'indifférence générale.
https://www.marianne.net/debattons/blogs/objectif-washington/indiens-d-amerique-un-genocide-tranquille-et-presqu-acheve 1/4
06/05/2019 Indiens d’Amérique: un génocide tranquille et presqu'achevé | Marianne
Lorsqu'un Américain de l'Illinois souhaite acheter ses cigarettes à bas prix (un paquet
coûte ici actuellement 10 dollars), il prend la route du sud de l'Etat ou de l'Indiana
voisin, pour s'approvisionner dans l'un des territoires octroyés aux tribus indiennes
locales. Là, il paiera son paquet de cigarettes 4 dollars en moyenne. Dans un certain
nombre de ces tribus, qui sont des milliers à travers les Etats-Unis, on peut également
se procurer de l'alcool à bon marché, jouer au casino (dans 452 d'entre-elles) ou, si l'on
se sent possédé par le mal (ce qui est très en vogue), consulter un shaman. Il
est toujours très exotique de s'offrir une escapade dans ces drôles d'endroits. Pourtant,
l'Américain moyen ne s'y risque pas trop.
En effet, 2,1 millions de ces Indiens, soit l'écrasante majorité, vivent largement sous le
seuil de la pauvreté. La vision offerte par bien des campements tient purement
du bidonville. Et une fois passé ses limites, c'est un voyage en enfer qui commence.
L'alcoolisme y prend des proportions catastrophiques. Le chômage y bat
tous les records du pays. La maladie s'y propage et tue comme dans les pires zones
de la planète. Le suicide, celui des jeunes en particulier, crève le plafond des
statistiques. Les Indiens vivant à l'extérieur des tribus n'y reviennent eux-mêmes que
pour se faire soigner lorsqu’ils n'ont pas, chose courante, accès au système de santé
américain.
Tel est le prix à payer pour les Indiens d'Amérique, afin de rester sur la terre de leurs
ancêtres, grâce aux concessions faites par le gouvernement fédéral. Pourtant,
les Etats abritant ces réserves n'ont de cesse de rogner ces droits et de tenter de
récupérer par tous les moyens ces espaces.
Pire, une certaine propagande laissant entendre que les Indiens d'Amérique auraient fait
le choix de vivre dans ces conditions a fort bien fonctionné dans l'esprit collectif. Or,
cela repose sur une contre-vérité historique.
https://www.marianne.net/debattons/blogs/objectif-washington/indiens-d-amerique-un-genocide-tranquille-et-presqu-acheve 2/4
06/05/2019 Indiens d’Amérique: un génocide tranquille et presqu'achevé | Marianne
En 2010, les Etats-Unis, dans la foulée du Canada, fut le dernier pays au monde à
ratifier la Déclaration des droits des Peuples indigènes aux Nations-Unies. Une des
rares concessions faites par un pays qui place souvent l'Histoire au dernier rang de ses
préoccupations, si ce n'est pour en offrir une version idéalisée. Mais en l'espèce, il
est impossible d'idéaliser la réalité sur laquelle s'est construite l'Amérique. En effet,
90% des tribus amérindiennes ont disparu à la suite de l'arrivée des Européens en
Amérique du Nord, la plus grande partie à cause des maladies, la partie restante par
les armes.
Mais ce n'est pas tant cette réalité historique qui rend ces jours-ci le rôle du Professeur
James Anaya complexe, en tant que Rapporteur spécial des Nations-Unies
sur les Peuples indigènes. Bien que, pour la première fois de leur histoire,
l'organisation se penche, du 23 avril au 4 mai, sur le sort des Indiens d'Amérique,
ce qui en soit est déjà un événement notable, c'est avant tout pour regarder en face
une réalité qui n'est pas celle du passé mais celle du présent.
Cette réalité concerne les 2,7 millions d'Indiens vivant actuellement sur le territoire des
Etats-Unis, et qui constitue l’un des cas de violation des droits de l'homme a grande
échelle le plus emblématique de toutes les nations développées.
Les Indiens d'Amérique se sont vus accorder la citoyenneté américaine en 1924. Mais
ils ont pour longtemps encore été exposes au même sort que les Noirs américains,
empêchés d'accéder à l'enseignement scolaire, victimes de la ségrégation.
Ce n'est qu'en 1969 qu'ils se sont organises, dans la foulée de la loi sur les Droits civils
des Indiens votée l'année précédente. C'est à cette époque qu'ils ont obtenu ce dont
les Américains blancs jouissaient depuis deux siècles: la liberté d'expression et
d'information, la protection contre les recherches et les arrestations arbitraires, le droit
d'engager un avocat pour se défendre, la protection contre les punitions inhumaines et
dégradantes, contre les cautions excessives, l'abolition de la peine systématique d'un an
d'emprisonnement ou de 5000 dollars d'amende quel que soit le délit commis, le
droit d'être jugé par un jury, et ainsi de suite.
Mais à l'heure actuelle, aucun Indien d'Amérique, citoyen des Etats-Unis, n'a accès à la
plénitude des droits des autres citoyens américains. Une réalité qui peut prendre des
aspects accablants pour l'Administration américaine. Ainsi, le 6 novembre 2008, le
Gouverneur du Dakota du Sud, Michael Rounds, décrète l'état d'urgence car son Etat
est recouvert par une épaisse couche de neige et de glace qui le paralyse. Mais les
réserves indiennes seront exclues du dispositif.
Mais le pire pour ces tribus à l'heure actuelle vient probablement de la pression des
Etats pour s'accaparer leurs terres. Les conflits sont nombreux à travers tout le pays. Ils
sont allumes sous divers motifs, comme la volonté du Gouverneur de New York, en
2007, d'étendre la taxation de l'Etat aux territoires de la Nation des Seneca, ce qui a
engendre une violente bagarre juridique. Et bien que les territoires laisses aux Indiens
soient pour la majorité pauvres en ressources et difficiles d'accès, leur contestation par
les Etats qui les abritent sont de plus en plus courantes.
https://www.marianne.net/debattons/blogs/objectif-washington/indiens-d-amerique-un-genocide-tranquille-et-presqu-acheve 4/4
Journal de la Société des
Américanistes
Berthe Jean-Pierre. Aspects de l'esclavage des Indiens en Nouvelle-Espagne pendant la première moitié du XVIe siècle. In:
Journal de la Société des Américanistes. Tome 54 n°2, 1965. pp. 189-209;
doi : https://doi.org/10.3406/jsa.1965.1294
https://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1965_num_54_2_1294
EN NOUVELLE-ESPAGNE
DU XVIe SIÈCLE
:
L'œuvre entière de Las Casas est un réquisitoire contre V encomienda et l'esclavage.
On peut lire son « Tralndo sobre la esclavitud », imprimé à Seville en 1552. Las Casas
y reprend, sous une forme particulièrement percutante, l'essentiel de ses arguments
contre l'esclavage. Il est accessible dans deux éditions récentes : la première, dans un
texte allégé des citations bibliques, patristiques et juridiques, a paru dans les morceaux
choisis de Las Casas publiés à Mexico sous le titre de «■ Doctrina ». Mexico. Riblioteca
del Estudiante Universitario, 2e édition, 1951. Texte complet dans Las Casas, Obras
Escngidas. Vol. V, Madrid 1958.
Le mémoire de Don Vasco de Quiroga, auditeur de Mexico, puis évêque du Michoacan
Injormacibn en Derrxho al Consejo de Tndias », de 1535, est un des textes
fondamentaux sur l'esclavage des Indiens. Publication dans la « Colección de. Documentes Inéditos
...de Indias » (Tome X, pp. 333-513), et réimpression par Rafael Aghayo Spencer. Don
Yasco de Quiroga. Documentes... Mexico, 1940.
Le P. Motolinia (Fray Toribio de Benavente) a répondu à Las Casas dans sa célèbre
« Caria al Emperador », du 2 janvier 1555. Nombreuses éditions ; parmi les plus récentes,
celle de Mexico, 1949. Motolinia donne de la condition des esclaves une peinture
assurément trop optimiste, qui contredit ce qu'il écrivait lui-même de l'esclavage en 1540
dans son « Historia de los Indios ».
2. La dernière biographie de Las Casas est celle de Ramon Menexdez Pidal. El Padre
Las Casas. Su doble persnnalidad. Madrid, 1963. Elle a suscité de très vives critiques
de Lewis Hanke. More Heat and some Light on the Spanish Struggle (or Justice in the.
Conquest of America. Hispanic American Historial Review, XLIV, pp. 293-340, et de
Manuel Gimenez Fernandez. Sobre Burtolomé de Las Casas. Anales de la Universidad
Hispalense, vol. XXIV. (Il en existe un tirage à part : Seville, 19H4, 61 p.)
3. Silvio Zavála. Ensoxjos sobre la colonizacion espaňola e.n America. Buenos Aires.
1944. L'esclavage y est étudié dans les chapitres V et VI, pp. 92-122.
ASPECTS DE L'ESCLAVAGE DES INDIENS EN NOUVELLE-ESPAGNE 191
Dans les années qui ont suivi la conquête du Mexique, la vie économique
de la Nouvelle-Espagne a reposé principalement sur le travail de la masse
indienne, dont l'exploitation avait été rendue possible par l'institution de
Yencomiendn et la pratique de l'esclavage.
L' encomienda a permis aux premiers colonisateurs de disposer des multiples
prestations dues par les Indiens au Litre du tribut : poudre d'or, produits
agricoles divers, étoiles de coton (manias), ainsi que du travail gratuit des
Indios de servicio. Elle a ainsi constitué le premier facteur d'accumulation
du capital dans l'économie coloniale naissante et il n'est guère d'entreprise
Du même auteur : Los esclavos indios en. Nueva Espana. Homenaje al Doctor Alfonso
Caso. Mexico, 1951, pp. 427-440.
— У uno de Guzmán г/ la csclavitud de l<>s indios. Historia Mexičana, Vol. I, n° 3,
janvier-mars 1952, pp. 411-428 ;
— Los esclavos indios en cl Nořte de Mexico, dans le recueil « El Sorte de Mexico i/ el Sur
de Eslados t.'nidos », Mexico 1944.
4. Charles Verlinden. L'esclavage dans l'Europe médiévale. Tome Г. Péninsule
ibérique. France, Bruges, 1955, 930 p.
5. Vicenta Cortes Alonso. La esciavitud en Valencia durante el reinado de los Reyes
Católicos (1179-1516). Valence, 1964.
Antonio Dominguez Ortiz. La esciavitud en Castillu durante la Edad moderna.
Madrid, 1952.
6. Sur l'esclavage indigène au Pérou, voir l'article récent de Marie Helmer. Notes
sur les esclaves indiens au Pérou fxvie siècle). TILAS V, pp. 83-90. Strasbourg 1965,
ainsi que quelques indications dans le livre de Rolando Mellafk. La introduction de
la esciavitud negra, en Chile. Santiago, 1959.
192 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
7. Sur ce sujet, l'article pionnier de José Miranda. La funciôn econômica del enco-
mendero m los origines del regimen colonial (1525-1531). Annies del Institute Nacionál
de Antropología e Historia. Vol. II (1941-46). Mexico 1947, pp. 421-462 et son livre « El
Tributo indlge.na en la Nueva Es pana durante el siglo XV I », Mexico, 1952.
Etude de deux cas concrets : Jean-Pierre Bekthe. Las Minas de oro del Marqués del
Valle en Tehuantepec (1540-1547). Historia Mexičana, VIII, I. Juillet-septembre 1958,
pp. 122-131, et « El cultiva del pastel en Nueva Espana. Historia Mexičana, IX, 3.
Janvier-mars 1960, pp. 340-367.
8. Traducciôn paleogrâfica del Primer libro de. Adas de. Cabildo. Mexico 1871, pp.
201-203.
9. Carlos Bosch Garcia. La esclavitud prehispânica entre les aztecas. Mexico, 1944,
117 p.
ASPECTS DE L'ESCLAVAGE DES INDIENS EN NOUVELLE-ESPAGNE 193
10. Sur les esclaves de rescate, Zavála. Nuňo de Guzmán... avec la reproduction (p. 421)
ria dessin représentant les esclaves vendus par les Indiens de Iluejotzingo.
Zavála transcrit, d'après Saco, une licence pour le rescate de 50 esclaves et mentionne
des livraisons d'esclaves au titre du tribut. On en trouvera d'autres dans Miranda. El
tribute... pp. 25t>-257.
Contre le principe même de l'esclavage de rescate, Vasco de Quiroga a écrit des pages
admirables dans son <• ínformación en der echo », op. cit. Elles sont reproduites dans
« Humanista s del sight XVI». Mexico, 1946, pp. 76-81.
Sur les indios mercaderes pratiquant le trafic des esclaves, texte de Bernai Diaz del
Castillo, cité par Zavála. Los esclaves indios... pp. 434-435.
La provision royale du 9 novembre 1526, Primer libro de Actas de Cabildo, édit. citée,
pp. 210-211.
11. Las Casas. Trafado sobre la r.sclavitud, dans Doctrina, p. 93.
12. Motolinia. Carta al Emperador, édit. cit., p. 92.
194 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
372 pesos pour le quinto d'un certain nombre d'esclaves provenant de Tutu-
tépec ; à 2 pesos chacun, la vente porterait sur 188 esclaves du quinto,
correspondant à un groupe de 940 esclaves, qui ne représentent sans doute
qu'une partie des captifs ramenés en 1521 et 1522 de la conquête des provinces
méridionales d'Oaxaca et de Tututépec16.
Pour les périodes postérieures, les livres des trésoriers de Nouvelle-Espagne,
tels qu'ils nous sont parvenus, ne comportent pas de relevé systématique
du quinto des esclaves. Dans les expéditions lointaines, les intérêts de la
Couronne étaient parfois représentés par un veedur, ou contrôleur, qui ne
rendait ses comptes que plus tard. A Mexico même, l'administration
financière s'était très vite alourdie et compliquée : la vente des marchandises
provenant du tribut et du quinto était assurée par un des officiers des finances,
le factor, qui tenait ses livres particuliers, indépendamment du trésorier17.
Toutefois, un cahier des comptes du trésorier Alonso de Estrada mentionne
un certain nombre de recettes au titre du quinto des esclaves : mais il s'agit
évidemment d'encaissements partiels ou de liquidations de comptes
antérieurs18. On peut en déduire la statistique suivante, qui ne concerne que
des sommes partielles, la date étant celle de la capture des esclaves :
1524 3025 esclaves 1528 2655 esclaves
1527 225 esclaves 1529 2155 esclaves
Ces esclaves provenaient de diverses régions du Mexique : province de
Pánuco, de Tututépec, de los Yopes ; Zacatlán, Coatzacoalcos, etc..
A ces éléments statistiques malheureusement incomplets, on peut ajouter
les renseignements fournis par les sources narratives. Dès avant la prise de
Mexico, Cortés et ses lieutenants avaient condamné à l'esclavage, pour
rébellion, de nombreux Indiens de Cholula, Texcoco, Cuernavaca, Oaxtépec, etc..
Il n'est guère possible d'en fixer le nombre exact, mais les dépositions des
témoins s'accordent à l'évaluer à plusieurs milliers1". Il faut y ajouter le
un peu plus élevés en moyenne : mais il s'agit de transactions entre particuliers et non
rie ventes aux enchères publiques, et les esclaves destinés au travail des mines sont
généralement vendus avec leur outillage individuel, dont le prix tient compte.
On peut ainsi considérer que le prix que nous adoptons comme base pour 1521-22 est
un prix élevé : notre calcul du nombre des esclaves aboutit donc à une évaluation
minimale. Un abaissement même faible du prix unitaire relèverait sensiblement les totaux.
16. AGI. Contaduria. 657-3.
17. Par exemple, AGI. Contaduna 658, 6G2, ( > 7 6 . Il ne nous a pas été possible de les
étudier.
18. AGI. Contaduria, 657-3. cahier 7. On y trouve quelques prix : en janvier 1528,
vente de 28 esclaves de Zacatlan, pour 58 pesos de oro cnmun ; en 1529, vente de ПУЛ
esclaves < chicos e grandes que se obieron... en la conquista de los Yopalzingos el aiïo
de 1528 ». pour 500 pesos de oro cnmún.
19. Zavála. Los esclaves indios... p. 428-429 résume ces dépositions d'après le procès
de résidence de Gortés. Elles émanent d'adversaires du conquérant, mais les faits eux-
196 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTKS
mêmes sont attestés par d'autres sources (lettres de Gortés lui-même. Bernai Diaz del
Castillo).
20. Zavála. Los eselavos indíos... p. 430, pour les expéditions d'Alvarado. Citons en
outre, d'après AGI. Contaduna 657-3, un raid de Bernardino Vazquez de Tapia, en 1524 ;
la entrada d'Alonso de Mendoza « en la provincia de Tanehipa que es cabe Panuco » en
1527 ; « la conquista de los Yopalzingos », en 1528, ainsi que les prises faites dans la
province de Chiapas de janvier 1528 à avril 1530.
21. On a parfois contesté l'existence de ce trafic pour la période antérieure au
gouvernement de Nuňo de Guzmán : voir en particulier, Manuel Toussaint. La conquista
de Pánuco, Mexico, 1948, p. 119. Relevons pourtant que divers témoignages évoquent
le rôle que jouait dans ce commerce Alonso de Mendoza (document cité par Zavála. Nuno
de Guzmán... p. 419) : or, nous retrouvons ce même personnage dans les comptes du
trésorier Estrada, c'est lui qui expédie à Mexico 200 esclaves capturés précisément dans
la province de Panuco.
La municipalité de Mexico interdisait le 31 août 1526 toute exportation d'esclaves
hors de la Nouvelle-Espagne ; ce qui semble bien témoigner de la réalité de cette
pratique. Primer libro de Adas de Cabildo, p. 92.
22. La documentation concernant les activités esclavagistes de Nuno de Guzmàn est
résumée et analysée dans l'article déjà cité de Zavála. Elle est publiée, pour l'essentiel,
dans Francisco del Paso y Troncoso. Epistolario de Nueva Espaha. Mexico, 1939-1942,
10 vol. notamment 1, document 78 ; XIV, Doc. 839.
L'estimation numérique de Fray Juan de Zumárraga est parfaitement acceptable.
Rile s'appuie en effet sur des précisions peu fréquentes en semblable matière : sa lettre
du 27 août 1529, adressée à Charles-Quint (reproduite en partie par Zavála, art. cit.,
p. 413) donne la liste des 21 navires qui ont chargé les, esclaves et jusqu'au nom de leurs
propriétaires et des marchands intéressés. Ses affirmations sont confirmées par un
rapport de Jeronimo Lopez, peu suspect de sympathie en faveur des religieux.
ASPECTS DE L'ESCLAVAGE DES INDIENS EN NOUVELLE-ESPAGNE 197
pour les horreurs qui raccompagnèrent, Nuilo de Guzmán les mit à Jeu et
à sang, en 1530 et 1531. Un de ses lieutenants, Gonzalo López, captura par
traîtrise et réduisit en esclavage plus de 3000 Indiens des villages d'Ahua-
catlán et de Zacualpa, pourtant pacifiés23. C'est à 4560 personnes, hommes,
femmes et enfants, que Las Casas, pour une t'ois précis, et probablement
en connaissance de cause, fixe le nombre des Indiens du Jalisco marqués
comme esclaves24. La même région subit encore dix ans plus tard une
nouvelle saignée peut-être plus forte : le vice-roi Antonio de Mendoza y réprima
avec une extrême dureté, en 1541, un soulèvement général des Indiens.
Plusieurs milliers d'indigènes pris en combattant furent marqués comme esclaves,
en vertu d'une proclamation officielle du 31 mai 1541, et distribués aux soldats
et aux colons, ou vendus au profit du trésor royal25.
Ces indications chiffrées, nombreuses mais toujours fragmentaires, ne
suffisent évidemment pas pour étayer des évaluations d'ordre général. Elles
renforcent cependant la thèse suivant laquelle l'esclavage a très largement
et très profondément atteint les populations indigènes du Mexique et de
l'Amérique centrale, entre 1520 et 1540. Il ne s'agit pas de départager Las
Casas et Motolinia. Mais les chiffres que ce dernier met en avant dans ses
écrits de 1555 paraissent beaucoup trop faibles, d'autant plus qu'ils devraient
couvrir une période d'une trentaine d'années. Ils s'accordent fort mal, de
plus, avec la description que le même Motolinia donnait vers 1540 de la
« huitième plaie » de la Nouvelle-Espagne, et avec révocation des « grands
troupeaux d'esclaves » qui « de toutes parts entraient à Mexico »26. Les
évaluations de Motolinia ne paraissent pas tenir compte des effets de l'esclavage
dans les provinces d'Amérique centrale et sur la côte de Terre Ferme, ni
de la diffusion et de la persistance, légale ou non, de la pratique du rescate2"7.
nissent des Indiens de même origine (dont huit couples de Tututépec) ; les
22 autres mariages représentent une sorte de métissage à l'intérieur même
de la société indigène. Encore faudrait-il tenir compte du fait que ces 115
Indiens, parmi lesquels il y avait une majorité de femmes (65 pour 50 hommes
seulement), cohabitaient avec un groupe d'esclaves noirs à forte
prédominance masculine : huit hommes pour une femme. Il serait surprenant que
ce double déséquilibre soit resté sans conséquences sur le plan du
métissage indo-africain30. La liste des esclaves travaillant en 1549 dans les domaines
agricoles du marquis del Valle à Cuernavaca n'offre pas moins de variété :
les nègres y sont au nombre de 130 ; les 193 esclaves indiens proviennent
des provinces déjà mentionnées dans l'inventaire de Taxco, ainsi que de
celles de Yanhuitlán et de Coatzacoalcos31.
Un tel brassage, renouvelé pendant plus d'un quart de siècle sur des
centaines de cas, ne pouvait pas ne pas agir comme un facteur de dissociation
des structures sociales traditionnelles.
Dans un des poèmes inspirés par la chute de Tenochtitlán, le plus
émouvant peut-être des témoignages que nous aient laissés les vaincus, l'esclavage
est bien ressenti comme le symbole de la défaite et de la destruction d'une
civilisation32 : tout indique qu'il l'a été en effet.
30. Inventaire des mines de Taxco, 1549. AGN. Hosp. Jes. 129-4, fol. 1000-1007.
31. Documentas Inédites relatives a Hernán (Portés y su familia. Mexico, 1935.
Inventaire des biens de (Portés en 1549, pp. 225-298.
32. Manuscrit anonyme de Tlateiolco, 1528. Vision de los Vencidos. 3e édition. Mexico,
1963, pp. 166-167. « On nous mit à prix ; on mit à prix le jeune homme et le prêtre ;
l'enfant et la jeune fille. H suffit deux poignées de maïs, étaient le prix d'un misérable...
:
200 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
que des sites d'orpaillage, des placers (lavaderos) où l'on lave à la bâtée les
sables aurifères. Tant que les dépôts superficiels ne sont pas épuisés, le
rendement d'une mine ne dépend guère que du nombre des esclaves qu'elle
utilise et du ravitaillement que lui apportent les prestations des Indiens
ď encomienda. Que l'un de ces deux éléments vienne à faire défaut, et
l'entreprise est aussitôt compromise. Cortés possédait six cuadrillas d'esclaves,
soit un total de 500 ou 600 travailleurs, qui exploitaient pour son compte,
en 1529, les gisements aurifères de la région de Zacatula, sur le littoral du
Pacifique, aux bouches du Rio Balsas ; ils lui rapportaient chaque année
6000 castellanos d'or, soit 3 millions de maravédis ; mais, pour assurer leur
ravitaillement, 800 porteurs ou tamemes partaient tous les huit ou dix jours
de son encomienda de Uchichila, dans le Michoacan, à plus de 200 km de
Zacatula et 2000 mètres plus haut, chargés de provisions et de marchandises
fournies par les Indiens. Lorsque Nuňo de Guzmán confisqua à son profit,
en 1530, les tributs de Uchichila, les mines de Cortés durent cesser leur
exploitation33.
Nous connaissons un peu mieux, pour la période 1538-1547, les mines d'or
que possédait Cortés dans la province de Tehuantépec. Elles employaient,
en 1543, 395 esclaves, en cinq cuadrillas ; au début de l'année 1545, 360
esclaves en quatre cuadrillas, ravitaillées et secondées dans les travaux annexes
par les Indiens de Tehuantépec et de Xalapa. La production, qui variait
de 8000 à 6000 pesos par an de 1540 à 1544, s'effondra brusquement à partir
de juillet 1545, lorsque les esclaves furent atteints par la grande épidémie,
de nature mal identifiée, qui frappa cette année-là la population indigène
du Mexique tout entier. L'exploitation fut abandonnée en juillet 1547 et
les esclaves survivants envoyés en 1548 dans les mines d'argent que
possédait le marquis del Valle à Sultépec et à Taxco34.
D'autres chiffres mettent en lumière la relation entre l'esclavage et
l'exploitation des mines. Dans les actes d'un seul notaire de Mexico, les transactions
de l'année 1527 concernent 1194 esclaves indiens, dont 919 travaillent dans
les mines d'or ; en 1528, les chiffres respectifs sont de 1799 et 1458. Pour
les deux années, sont donc mentionnés 2993 esclaves, dont 2377, soit 79,4 %,
destinés au travail sur les gisements aurifères35. Les délibérations de la
municipalité de Mexico font implicitement état d'une prépondérance analogue
du travail servile : les ordonnances sur l'exploitation des mines d'or édictées
le 31 juillet 1527 ne mentionnent pas d'autres travailleurs que les esclaves.
33. Juicio... contra los licenciados Matienzo y Delgadillo. Ano 1531. Boletïn del Archiva
General de la Nación. IX-3, pp. 339-407.
34. Sur l'exploitation de l'or à Tehuantépec : J.P. Berthe, art. cité en note 7, et les
compléments qu'y apporte I.E. Cadenhead. Some mining operations of Cortés in
Tehuantépec. The Americas (Washington) XVI-3, janvier 1960. pp. 283-287.
35. A. Millares Carlo et J.I. Mantecon. Indice y extracto de los protocoles del
Archive de Notarias de Mexico. Mexico, 1945, vol. I.
ASPECTS DE L ESCLAVAGEDES INDIENS EN NOUVELLE-ESPAGNE 201
36. Primer libro de Actas de Cabildo..., p. 23 et pp. 126-127. Segundo libro de Adas
de Cabildo... (Mexico, 1871) p. 133.
37. Millares-Mantegon, op. cit., vol. II, n«s 2051, 2052, 2053 et 2064.
38. A Tuxtla, sur la côte atlantique, au sud-est de Vera Gruz, il y a 30 Indiens sur
36 esclaves en 1538, 22 sur 25 en 1547. AGN. Hosp. Jes. 280-2 et 4.
39. Les inventaires formellement établis mentionnent 193 esclaves indiens à
Cuernavaca, 115 à Taxco, 92 à Sultépec. Nous savons par ailleurs que Tuxtla en avait 22 en
1547, et Tehuantépec 56 en 1554. Le total serait ainsi de 488. Mais la présence d'esclaves
indiens est également attestée dans les domaines proches de Mexico et à Oaxaca, dont
nous n'avons pas les inventaires à cette date.
40. Le licenciado Benavente vend en 1549, 18 esclaves, dont 13 nègres et 5 indiens.
AGN. Hosp. Jes. 273-5. C'est le même personnage sans doute qui loue à un marchand
flamand, Giles de Legay, 50 esclaves en 1536. Millares et Mantecon, op. cit., II, n° 1956.
Le Docteur Santilián vend en 1551 diverses propriétés avec 7 esclaves noirs et 18
202 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES
esclaves indiens, ainsi que des mines où se trouvaient des esclaves, noirs et indiens, en
nombre non précisé. Epistolario de Nueva Espcma, VII, Doc. 408.
Les esclaves indiens du cacique de Texcoco, condamné et brûlé pour idolâtrie, furent
vendus en 1539 sur le marché de Mexico. AGN. Inquisición. Vol. 2.
Sur Martin Ucelo ou Oceloti, poursuivi en 1536-1537, Procesos de indios idolâtras y
hechiceros. Mexico, 1912, pp. 37-38. Il possédait 12 esclaves, dont un homme, sept femmes
et quatre fillettes de 10 à 12 ans.
Le clérigo Diego Diaz, ancien curé des mines de Zumpango, était poursuivi en 1547
pour concubinage et meurtre ; il avait vendu 20 esclaves en 1532 et en possédait
quatre, des femmes, en 1542. Procesos de indios..., pp. 238-250.
Le cas des esclaves indiens de Zumàrraga est plus complexe. Le 2 juin 1548, peu avant
sa mort, il faisait donation à son neveu Martin de Aranguren, administrateur de ses biens,
de trois esclaves noirs, dont deux avaient d'ailleurs été payés par Aranguren lui-même.
Il en affranchissait deux autres, ainsi que son cuisinier, originaire des Indes orientales
« Indio natural de Calicut ». Et il ajoutait : » j'affranchis et libère et rends libres tous
les esclaves indiens et indiennes que je possède, aussi bien ceux qui portent la marque
« libre » sur les bras que ceux qui ne la portent pas ». Il est donc possible que ces
Indiens aient été des esclaves affranchis, ou dont les procès étaient pendants, que
l'archevêque aurait recueillis. Le texte est publié dans Garcia Lcazbalceta. Don Fray Juan
de Zumârraga. 2e édition. Mexico 1947, III, pp. 286-287.
41. Segundo libro de Adas de Cabildo, p. 180.
42. Protestation de la municipalité de la ville d'Antequera (Oaxaca) en 1531.
Epistolario de Nueva Espdna. II, Doc. 94, pp. 95-96.
Voir aussi la lettre de Nuno de Guzman citée en note 23.
ASPECTS DE L'ESCLAVAGE DES INDIENS EN NOUVELLE-ESPAGNE 203
48. La mise au point du procédé est de 1554-1555, à Pachuca. Dès 1563, 147
exploitations l'avaient adopté, sans compter les 35 qui fonctionnaient à Zacatecas.
Le prix du mercure est de 131 pesos de minas le quintal en 1559-1560 ; de 130 en 1562,
il passe à 160 en 1563 et atteint 194 en 1564. AGI. Contaduria 666.
49. Parmi les protestataires, la municipalité de Mexico, le 28 mai 1556 (Sexto libro
de Actas... Mexico, s.d., p. 227) ; la lettre de Bernai Diaz del Castillo au Conseil des Indes,
le 1er février 1549, au nom de la ville de Guatemala. Simpson, op. cit., pp. 32-36 et la
lettre d'une propriétaire de mines qui dit avoir perdu, en esclaves libérés, plus de 20 000
ducats. Epistolario... VIII, Doc. 514, 25 avril 1562.
Zavála. Ensayos... résume l'évolution juridique qui mène à l'abolition de l'esclavage.
ASPECTS DE L ESCLAVAGE DES INDIENS EN NOU VELJ.E-ESPAGNE 205
.
20 octobre 1554 28 juillet 1559
647 34
! [
30 décembre 155G 27 février 1560
225
14 janvier 1561
soit un total de 3205 esclaves libérés en dix ans50. Même si l'on y ajoute
les affranchissements décidés dans les provinces de Colima et de Nouvelle-
Galice par l'auditeur Lebrón de Quinones, le total paraît faible pour un laps
de temps aussi long. C'est sans doute que l'esclavage n'était plus que l'ombre
de ce qu'il avait représenté trente ans auparavant. La suppression d'une
institution en pleine vigueur eût présenté des difficultés autrement sérieuses.
Il est aussi très probable que les rapports de Melgarejo ne font pas état des
esclaves que leurs propriétaires, plutôt que d'affronter des procès perdus
d'avance, préférèrent affranchir sous condition. Ils se conformaient ainsi à
la lettre de la législation, tout en conservant aux moindres frais la disposition
de la main-d'œuvre. Ainsi procédèrent, dans les nombreux domaines de la
succession de Hernán Cor tes, les administrateurs du Marquisat del Valle.
Il faut d'ailleurs reconnaître que le recasement des esclaves affranchis
posait de nombreux problèmes : faute de pouvoir les renvoyer dans leurs
villages d'origine, il était nécessaire de leur donner les moyens de subsister.
Une solution originale fut mise en œuvre dans l'isthme de Panama, où le
gouverneur Sancho de Clavijo avait libéré plus de 800 esclaves en 1550-1551 :
la plupart furent installés, regroupés par affinité d'origine, dans trois villages
de colonisation, aux frais de la Couronne51. Cette expérience de
reconstitution de communautés indigènes paraît avoir réussi : les nouveaux villages
produisaient dès 1552-1553 assez de maïs pour leur propre subsistance et
pouvaient môme vendre quelques surplus sur le marché de Panama.
Rien d'analogue ne fut tenté, semble-t-il, en Nouvelle-Espagne : mais
nous ne connaissons guère que ce qu'il advint des esclaves du marquis del
Valle. Une fois affranchis, ils devinrent les salariés de leur ancien maître
dans les exploitations où ils travaillaient déjà. Un des contrats, ou conciertos,
établi à cette occasion nous est fort heureusement parvenu : nous en donnons
50. Lettres de Melgarejo. Epistolario de Nucva Espafia. VI, VII, VIII, IX.
51. Simpson. Studies... IV. The Emancipation of the Indian Slaves and the
Resettlement of the Freemen. 1548-155
206 SOCIÉTÉ DES AMERICA NISTES
52. AGN. 1 losp. Jes. 203. Doc. 87. El conçierto que se hizo con los csclavos yudios. »
53. AGN. Hosp. Jes. 247-1. Doc. 11, 12, 13. F.n septembre 1555, les dépenses
concernent 51 travailleurs.
54. AGN. Hosp. Jes. 98-6 D. Achat de vêtements, en août 1553, pour « los XX escla-
vos de Sultepeque con quien se tomó conçierto ».
A Oaxaca, en 1558, règlement du salaire d'une année. AGN. Hosp. Jes. 444-5.
ASPECTS DE L'ESCLAVAGE DES INDIENS EN NOUVELLE-ESPAGNE 207
APPENDICE
AGN. Hosp. Jes. 203. Doc. 87. « El conçierto que se hizo con los esclavos
Yndios ».
Sepan quantos esta carta vieren como nos goncalo herrero yndio çapo-
teca y pedro payo yndio çapoteca y domingo ayni yndio çapoteca e
Domingo yope yndio çapoteca e pedro yope yndio çapoteca e luis quejo yndio
çapoteca e juan lilana jono yndio çapoteca e juan guelo yndio çapoteca e
juan açatel y su muger luisa anbos mexicanos y tomas lilana çapoteca e
francisco yope yndio çapoteca e pedro tixi yndio çapoteca e francisco lape
yndio çapoteca e pedro lopa yndio çapoteca e juan quichino yndio çapoteca
e juan tixi yndio herrero çapoteca e bartolome yndio çapoteca e pedro Uni
y su muger angelina papanto mexicanos e catalina çaa yndia çapoteca e
angelina queçaa yndia çapoteca e francisco quiaucin yndio mexicano e her-
nando tetlecautli y su muger maria anbos mexicanos e alonso mexicoatl
yndio mexicano e juan mauzin indio mexicano e tomas со a tel vndio mexi-
L'esclavage
La Guerre de Sécession (VI)
Le programme de Lincoln représentait en réalité une mesure de guerre. Son but, écrivait-il, « est de sauver l'Union et ce n'est pas de
sauver ou détruire l'esclavage. Si je peux sauver l'Union sans libérer aucun esclave je le ferai, et si je peux la sauver en libérant tous les
esclaves je le ferai; et si je peux la sauver en en libérant quelques uns et en laissant d'autres seuls je ferai cela également ».
En 1861, Lincoln prit acte que les Etats Confédérés refusaient toute négociation et comprit qu'ils iraient jusqu'à l'affrontement pour
défendre leur système économique. Leur attitude conduisit Lincoln à déclencher la "Guerre de Sécession" (Civil war) qui opposa les Etats
du Nord, fidèles à la Constitution, aux Etats du Sud esclavagistes.
Les Nordistes se rassemblèrent autour de la bannière étoilée (comprenant alors 33 étoiles, à ne pas confondre avec le drapeau de l'Union
jack des Anglais) tandis que les Sudistes se rassemblèrent un temps autour de l'étoile du "Bonnie Blue Flag" (que portent encore certains
avions) puis du "The Stainless Banner" également appelé "Dixie flag", le drapeau croisé des Confédérés, symbole de la résistance et de la
tyrannie des Nordistes. Concernant les uniformes, les Nordistes portaient une tenue bleue foncée tandis que les Sudistes portaient une
tenue gris clair.
Soldats de l'Union (gauche) et Confédérés (droite) durant la Guerre de Sécession (1861-1865). Au centre
un affrontement autour des drapeaux. En 1861, les Unionistes se rassemblèrent autour de la bannière
étoilée. Les Confédérés portèrent le drapeau "Bonnie Blue Flag" de Floride, uni sous une seule étoile, puis
adoptèrent le "Stainless Banner" croisé porté à l'origine par l'armée du nord de la Virginie. Documents
sdsoldiers et nordstaterne.
Précision historique, c'est durant la Guerre de Sécession que l'armée américaine comprit le rôle essentiel du télégraphe inventé en 1844
par Samuel Morse. Cette invention a priori anodine constitua en effet l'un des principaux outils tactiques de l'US Army. Imaginez
l'avantage stratégique que détient un Etat-Major s'il peut recevoir en direct le statut de ses troupes et leur transmettre ses ordres par
télégraphie sans passer par des messagers. Aujourd'hui, une armée privée de moyens de communication est morte, d'où l'invention des
bombes électromagnétiques et à neutrons qui ne détruisent que les systèmes électroniques et le matériel.
Parmi les généraux qui défendirent l'Union, citons les généraux Ulysses S. Grant, George Meade et William T. Sherman, autant de noms
devenus célèbres associés aujourd'hui soit au monde politique soit à... des produits d'origine américaine (télescope, char, etc). Notons que
le général de brigade Stand Watie était un chef Cherokee et fut le seul général amérindien de la Guerre de Sécession.
Au début de la guerre, l'armée régulière Nordiste ne disposait que de 16367 hommes d'active et perdit plusieurs batailles face au général
Robert E. Lee. Les troupes de l'Union seront rapidement décuplées pour atteindre 186000 hommes au début de la guerre et seront équipées
de beaucoup matériel. Fin 1864, l'armée de l'Union comptait plus d'un million d'hommes contre 358000 chez les Sudistes.
Au cours de la guerre, les soldats de l'Union seront 2 à 3 fois plus nombreux que les Confédérés. Cette suprématie incita certains
généraux à mener de très sanglantes offensives qui décimèrent leurs troupes. Au total, les différents corps d'armée ont participé à près de
15 batailles dont celle de Spottsylvania (Va.) et de Gettysburg (Pa.), cette dernière ayant été particulièrement longue et sanglante.
En 1863, le général Lee conduisit ses quelque 70000 hommes (3 corps d'armée
comprenant chacun 3 divisions de 4 à 5000 soldats chacune, 1 corps de cavalerie et une
brigade) dans le Nord jusqu'en Pennsylvanie. Il se heurta à l'armée de l'Union commandée
par le général Meade et forte de 83000 hommes (7 corps d'armée comprenant chacun 2 à 3
divisions de 3 à 4000 soldats chacune et 1 cavalerie). Gettysburg sera le théâtre de la plus
grande bataille sur le sol américain. Chaque camp perdit plus de 3000 hommes, il y aura
plus de 14000 blessés de chaque côté et on dénombre plus de 5000 prisonniers ou disparus
dans chaque camp avec un peu plus de pertes chez les Confédérés. Après 3 jours de
combats au corps-à-corps, le 4 juillet, jour de la fête de l'Indépendance, les armées étaient à
nouveau face à face mais le général Lee fit évacuer le théâtre des opérations durant la nuit
et se replia en Virginie. Ce jour marqua la victoire de l'Union sur le front est. Au même
La "Bataille de Spottsylvania - Engagements" à
moment, le général Grant contrôla la vallée du Mississippi, coupant la Confédération en
Laurel Hill et NY River, Va, (8 au 18 mai 1864). deux.
Lithographie réalisée c1888. Copyright Kurz & Entre-temps, la Proclamation d'Emancipation abolissant l'esclavage fut écrite en 1862 et
Allison. Documents Library of Congress.
entra en application le 1 janvier 1863. L'idée de Lincoln de construire une Amérique
"blanche" a plus ou moins été abandonnée au milieu de la guerre (1863).
Les généraux Grant et Lee ainsi que Sherman et Johnston s'affronteront encore durant deux ans sur les champs de bataille avant que les
soldats de l'Union réussissent à vaincre les Sudistes. Le 3 avril 1865, le général Grant s'empara de Richmond (Va.), la capitale des
Confédérés. Le 9 avril 1865, le général Lee fut vaincu à Appomattox (Va.). Cet événement marqua la fin de la Guerre de Sécession.
Au total, la Guerre de Sécession mobilisa près de 2.8 millions d'Unionistes contre 750000 Confédérés sur une population totale de 31
millions d'habitants comprenant 9.5 millions de Noirs. Selon les chiffres officiels, il y eu 35% de désertion et d'absentéisme dans les rangs
de l'Union contre plus de 50% dans ceux de la Confédération.
Abraham Lincoln remporta la guerre puis fut réélu pour un second mandat présidentiel. Malheureusement, il sera assassiné d'une balle
tirée dans la nuque par John Wilkes Booth, un sympatisant sudiste, le 14 avril 1865. Deux jours plus tard, les dernières troupes rebellent
capitulèrent. Deux mois plus tard, les derniers Améridiens capitulèrent à leur tour.
www.astrosurf.com/luxorion/esclavage6.htm 1/2
06/05/2019 L'esclavage - La Guerre de Sécession
Le Président Lincoln reste l’un des présidents les plus admirés de l’histoire des Etats-Unis et le plus
influent de l'Histoire. L'Histoire retiendra qu'il a joué un rôle vital comme dirigeant en préservant l'Union
durant la Guerre de Sécession et en déclenchant le processus qui conduira à l'abolition de l'esclavage aux
Etats-Unis.
C'est également un personnage respecté pour son charisme, ses discours et ses lettres, un homme aux
origines humbles dont la détermination et la persévérance l'ont conduit au poste le plus prestigieux de la
nation.
Outre sa biographie qui occupera encore des générations d'étudiants et de chercheurs, en son hommage,
de nombreux bâtiments, institutions, monuments et objets portent son nom. Son nom a notamment été
donné à la capitale de l’Etat du Nebraska, sa statue figure à l'entrée du mémorial érigé à Washington, D.C,
son visage est sculpté sur le mont Rushmore (S.D., son portrait figure à l'extrême droite), son effigie
apparaît sur la pièce de 1 cent comme sur le billet de 5 dollars, plusieurs modèles de voitures de luxe Statue du Président Abraham
Lincoln à l'entrée de son
fabriquées par Ford portent son nom (les modèles Lincoln Continental, Cabriolet, Fairlane, MKR, Town, mémorial à Washington, D.C.
Zephyr, etc) de même qu'un porte-avion de classe Nimitz (CVN-72) dont voici les caractéristiques ainsi
qu'un émetteur CB parmi de nombreux autres objets.
Aujourd'hui, le drapeau de guerre des Confédérés (le Dixie flag) fait toujours l'objet de controverses et reste la cible des mouvements
antiracistes. Pour les habitants du Sud (Caroline du Sud, Mississippi, Alabama, Arkansas, Géorgie et Floride), ce drapeau représente leur
héritage historique mais pour les Noirs en particulier, il symbolise la ségrégation, l'esclavage et signe les crimes racistes du Ku Klux Klan.
Aucune personne connaissant l'histoire de l'esclavage ne peut donc rester sans réaction en voyant flotter un Dixie flag dans une
administration ou chez un particulier. Aujourd'hui, grâce à la pression des organisations des droits civiques, tous les Etats du Sud ont été
obligés de retirer leur drapeau Dixie des monuments publics et l'ont remplacé par un autre motif d'inspiration Dixie.
In Memoriam
Ainsi qu'on le constate, partout dans le monde l'époque des colonies est restée dans la mémoire collective comme une époque très
sombre de l'Histoire européenne et mondiale. Encore aujourd'hui, les descendants d'esclaves ont parfois du mal à avouer ou à assumer
leurs origines africaines tellement le mal est profond et a détruit jusqu'à leur identité.
Parmi les esclaves célèbres citons Agar (l’étrangère en hébreu) qui selon la Torah et l’Ancien Testament fut l'esclave égyptienne de
Sarah (la première épouse d'Abraham), le mercenaire campanien Spendios (fl. –238), le gladiateur d'origine thrace Spartacus (120-70
avant notre ère), le philosophe grec Epictète (50 de notre ère), le pape d’origine grec Calixte 1er (155 de notre ère) et le pape Marcel 1er
(~250-309), l’écrivain grec Esope (VIIe siècle) ainsi que sa maîtresse Rodophe tout deux esclaves à la cour d’un roi de Samos, le samuraï
d’origine congolaise Yasuke (c.1530-1582), Olivier Le Jeune originaire de Madagascar (1622-1654) qui sera esclave au Québec, le
gouverneur de Haïti (Saint-Domingue) Toussaint Louverture (1743-1803), le général Dumas (Thomas Alexandre Davy de la Pailleterie,
1762-1806) qui fut un acteur de la Révolution française, l’écrivaine afro-américaine Harriet Ann Jacobs (1813-1897), l’homme politique
tunisien Kheireddine Pacha (1822-1890) ainsi que le botaniste et un agronome américain George Washington Carver (1864-1943).
Venons-en à présent aux Temps modernes, au XXe siècle, qui présente également son lot d'esclaves et de souffrances.
Prochain chapitre
Du camp de redressement au goulag
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06/05/2019 L'esclavage - l'Union contre l'esclavage (USA)
L'esclavage
L'Union contre l'esclavage (V)
Les Etats-Unis représentent la plus grande nation démocratique au monde et le pays de
toutes les libertés. Mais ces principes élémentaires n'ont pas été acquis immédiatement ni
sans douleurs.
Les 39 millions soit 13% de Noirs qui vivent aujourd'hui sur le territoire et les
possessions américaines ont pratiquement tous une origine esclave. C'est vrai à New-York
comme en Alabama ou à Porto-Rico. Si leurs ancêtres ont été affranchis voici plus de 150
ans, les ghettos du Bronx ou du Sud témoignent que les blessures de l'esclavage et de la
ségrégation ne sont pas encore effacées ni même cicatrisées.
Dans ce contexte il est intéressant de se pencher sur l'évolution de cette société pour Le drapeau déchiré de Fort Sumter (Charleston,
S.C.) en 1861. Cette bannière étoilée est le
essayer de comprendre ce qui motiva tout un peuple à tout d'abord oppresser puis à drapeau des Nordistes, anti-esclavagistes.
affranchir les Noirs et les gens de couleur en général. Quelles sont les motivations qui ont
conduit les immigrés blancs à changer de mentalité envers les Noirs ?
A peu de choses près, on peut dire que la Guerre de Sécession qui opposa Nordistes et Sudistes résume à elle seule toute l'histoire des
Etats-Unis. Etudier les raisons de cette guerre et ses conséquences nous permettront de mieux comprendre le fonctionnement du système
politique et économique actuel des Etats-Unis et quel ressentiment peuvent encore avoir certains Noirs américains envers leurs
compatriotes blancs.
www.astrosurf.com/luxorion/esclavage5.htm 1/3
06/05/2019 L'esclavage - l'Union contre l'esclavage (USA)
nation les descendants des esclaves Noirs qui résident encore sur leurs terres. Les nations indiennes
bénéficiant d'avantages et de subventions du gouvernement américain, les critiques ne voient dans ce scrutin
qu'une façon pour les Cherokees de légaliser l'épuration ethnique. Bien entendu, les indiens natifs et même
les métisses de Baja Californie considèrent qu'ils ne font que protéger leur communauté. En fait, si l'argent
des subventions n'a pas d'odeur, il a bien une couleur.
A gauche, les Etats américains concernés par l'esclavage (brun-rouge) vers 1860, c'est-
à-dire 5 ans seulement avant son abolition. Document Slavery In America. A droite, une
annonce américaine de 1853. Un esclave noir adulte se vendait 1250$, une femme 800$
et un enfant de plus de 10 ans, 500$.
Bien que qualifié d'abolitionniste et condamnant la pratique de l'esclavage, Lincoln, tout comme Jefferson, favorisait en fait la
colonisation et donc la déportation des hommes de couleur. Son projet d'émancipation des Noirs ne s'appliquait qu'aux Etats "rebelles",
c'est-à-dire à ceux qui s'étaient retirés de l'Union et où l'esclavage n'était pas encore aboli.
Le mandat présidentiel de Lincoln n'allait pas être facile. Son administration était face à deux systèmes économiques incompatibles.
D'une part, dans le Nord, les jeunes patrons à la tête des industries naissantes souhaitaient développer leur marché intérieur. Ils avaient
besoin d'une politique protectionniste, de droits de douane et de prix élevés. Ils étaient également en faveur de l'égalitarisme. D'autre part,
dans le Sud, au contraire les propriétaires fonciers souhaitaient une politique de libre échange (absence de barrière douanière, liberté de
circulation des biens et service) afin d'écouler leurs produits agricoles vers l'Europe. Dépourvus d'industries, ils étaient en faveur de
l'esclavage.
Autrement dit, il était pratiquement impossible pour un industriel vivant dans le Nord de vendre ses machines dans le Sud. En outre, en
1832 déjà le Congrès à dominance Nordiste imposa une nouvelle taxe douanière que la Caroline du Sud (Confédérée) jugea dangereuse
pour son économie.
Les Etats Confédérés n'avaient pas d'autre alternative pour maintenir l'esclavage que de rallier à leur cause les nouveaux Etats et
territoires de l'Ouest. Mais ni l'Orégon ni la Californie ne l'acceptait. En revanche, le Nord voulait stopper cette hémorragie (sauf 4 Etats
du Midwest). La situation politique était donc tendue entre les Etats du Nord et du Sud, propice à l'éclatement d'une crise qui conduira à la
guerre civile.
Prochain chapitre
La Guerre de Sécession
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06/05/2019 L'esclavage - l'Union contre l'esclavage (USA)
[1] Nous ne nous étendrons pas sur la naissance des treize premières colonies anglaises d'Amérique du Nord (1583-1733) dont l'histoire est très bien
résumée sur le site Il était une fois le Nouveau Monde ainsi que sur Wikipedia.
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06/05/2019 L'esclavage dans le Nouveau Monde - 1. Dans les colonies portugaises et espagnoles
L'esclavage
L'esclavage dans le Nouveau Monde (IV)
Ecartelés entre l'Eldorado promis en Amérique du Sud, les plages paradisiaques des
Caraïbes, les terres vierge d'Amérique du Nord et la ruée vers l'Ouest, en quelques siècles des
dizaines de millions d'immigrants conquérirent ces nouveaux territoires en quête de richesses
et d'un avenir meilleur.
Dans ce contexte socio-économique de pleine croissance, les fermiers manquèrent
rapidement de main-d'oeuvre pour développer leurs affaires. C'est donc assez naturellement
qu'à partir du XVIe siècle le commerce négrier explosa dans le Nouveau Monde.
La traite s'est progressivement organisée depuis l'Europe, l'Afrique et les différents
comptoirs d'outre-mer, orchestré par le pouvoir en place et les lobbies coloniaux. La traite des
Noirs fut méthodique et participa à l'essor économie des colonies.
L'escalier de la "Maison des esclaves" sur l'île
Au début de la traite des Noirs les bateaux négriers partaient de l'île de Gorée située à de Gorée au Sénégal. Au bout du couloir, la
quelques brasses de Dakar, au Sénégal. L'île de Gorée fut découverte en XVe siècle par les "porte sans retour" où des chaloupes
Portugais. Durant plus de quatre siècles Gorée sera fréquentée par des bateaux venant du attendaient les esclaves. Ceux qui tentaient de
s'enfuir étaient tués soit au mousquet soit par
Portugal , d'Espagne, de France, d'Angleterre et même du Danemark. les requins. Document UNESCO.
Aujourd'hui l'île est évidemment mondialement connue pour sa "Maison des esclaves" et sa
fameuse "porte sans retour" donnant sur l'Atlantique... Pour mémoire, cette maison appartenait à Signare (déformation de senhora) Anne
Colas, une négrière métisse. Par la suite beaucoup de maisons du front de mer furent bâties sur ce modèle.
Entre le XVIe et le XIXe sècle, toutes les puissances maritimes participèrent au commerce négrier vers le Nouveau Monde. Après avoir
installé des comptoirs en Afrique puis en Amérique du Sud, les Portugais étendirent leurs routes commerciales jusqu'aux Indes. Puis ce fut
le tour des Conquisators Espagnols. Après avoir réussi la Reconquista (la reconquête du territoire d'Espagne sur les Maures et réunifier
leur territoire sous l'autorité des "Rois très Catholiques") ils partirent à leur tour à la conquête du Nouveau Monde grâce à Christophe
Colomb. Plus tard l'Angleterre puis la France les rejoignirent. On y reviendra.
Certains routes comme celles des Caraïbes, d'Amérique du Sud ou des Etats-Unis eurent une fréquentation inimaginable aujourd'hui.
Dans son livre sur l'histoire des Pygmées, Victor Bissengué estime qu'entre le XVIe et le XIXe siècle 50 millions d'esclaves noirs furent
envoyés dans les colonies. Si certains auteurs ont recensé 11 millions d'esclaves dans le Nouveau monde, pour l'UNESCO le nombre
d'esclaves et de déportés atteignit 100 millions de personnes !
Au XVIIIe siècle, on arriva au paroxysme de la traite des Noirs. Le commerce européen des esclaves donna naissance au "commerce
triangulaire" entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Des navires chargés de pacotilles quittaient les ports européens vers l'Afrique
(Sénégal, Guinée, Bénin, Congo, Zanzibar). Les denrées étaient échangées contre des esclaves. Ceux-ci étaient ensuite acheminés dans des
conditions inhumaines vers les colonies d'Amérique (portugaises, anglaises, hollandaises, espagnoles et françaises). Du Nouveau Monde,
les navires repartaient vers l'Europe avec des produits tropicaux et des métaux précieux. Parfois les navires revenaient avec des indigènes
qu'ils exhibaient à la Cour des Roi, dans les foires et parfois même dans les zoos (Angleterre, 1908).
Outre les documents administratifs, les photographies et la mémoire des peuples qui attestent de ce commerce, la seule preuve "vivante"
que nous avons de ce trafic qui dura parfois plusieurs siècles se lit aujourd'hui sur le visage des ressortissants de ces pays d'outre-mer qui
dans certaines îles des Antilles représentent une population à 95% noire (Haïti). Autre signe indéniable de la colonisation, au Brésil près de
la moitié de la population est métissée.
Voyons comment tout cela a commencé en distinguant trois routes commerciales et trois manières de réglementer le commerce des
esclave avant d'aboutir finalement à l'abolition de cette pratique :
- L'esclavage dans les colonies portugaises et espagnoles (Amérique centrale et du Sud)
- L'esclavage dans les colonies françaises (Antilles, Guyane, Réunion)
- L'esclavage dans les colonies anglaises d'Amérique du Nord (Etas-Unis).
Aux Antilles
Le 3 août 1492 Christophe Colomb affreta deux caravelles et une nef à destination des Indes. En fait il partit réellement des îles Canaries
car il dut réparer un gouvernail. Après une longue traversée et évité de justesse une mutinerie, le 12 octobre Colomb découvrit l'île de San
Salvador, ainsi baptisée car il estima que c'était le Christ, le Saint Sauveur, qui sauva son expédition. Puis il découvrit Cuba, la Dominique,
la Guadeloupe et Montserrat, bref les Antilles. Colomb était persuadé d'avoir atteint l'Asie.
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06/05/2019 L'esclavage dans le Nouveau Monde - 1. Dans les colonies portugaises et espagnoles
A gauche, réplique de la caravelle Niña affretée par Christophe Colomb en 1492. A droite,
arrivée de Christophe Colomb en Amérique, le 12 octobre 1492. Documents Anonyme et
Library of Congress.
Dès le deuxième voyage en 1493, des Noirs furent embarqués dans les caravelles. Christophe Colomb découvrit Saint-Barthémely,
Porto-Rico puis la Jamaïque.
A Hispaniola (l'île rassemblant aujourd'hui les Etats de la République Dominicaine et Haïti), les explorateurs espagnols firent prisonnier
1500 amérindiens Arawaks qui seront parqués comme des animaux. Les Espagnols tenteront de les ramener en Europe pour en faire des
esclaves mais la plupart succombèrent sous la maltraitance ou lors du voyage de retour.
Environ 300 Amérindiens survécurent et seront mis aux enchères en Castille après 1496. On raconte que Christophe Colomb vendit
chaque Améridien pour 5000 maravedis, presque rien. L'expression nous est restée : "Cela ne vaut pas un maravédis" pour signifier que
cela n'a aucune valeur.
Rapidement toutes les îles des Antilles seront colonisées par les Espagnols (Cuba,
Santiago, Porto Rico, Santa Crux, Guadalupe, Dominica, Martinina, etc) puis certaines
seront acquises par les Britanniques, les Français ou même les Danois.
En Jamaïque (Santiago) par exemple les Anglais boutèrent les Espagnols hors de la
colonie mais conservèrent leurs esclaves (les Marrons signifiant "fier et sauvage"). Après
le déclin de la population amérindienne, les Britanniques importèrent des esclaves
d'Afrique. Les Français coloniseront la Guadeloupe et la Martinique en 1635 puis
massacreront les Amérindiens. Santa Crux fut colonisée par les Danois en 1672 (Indes
occidentales danoises) puis passera sous protectorat américain en 1917 (U.S. Virgin
islands) contre la somme de 25 millions de dollars.
Après quatre voyages et passé huit années à explorer des dizaines d'îles, Colomb perdit
Le Belem en Martinique. Document M.Pabois. toutes ses illusions de mettre pieds en Inde. Pourtant, en atteignant le Vénézuéla puis
Panama il avait découvert un nouveau continent qui sera signalé à la même époque par le
navigateur italien Amerigo Vespucci.
Pour ne pas alourdir cet article, nous décrirons séparément cet événement historique à l'origine du nom de baptème de l'Amérique. Nous
verrons également qu'elles furent les conséquences économiques comme linguistiques du Traité de Tordesillas signé à la même époque.
En Amérique centrale
Au XVe et au XVIe siècle, il faut bien avouer que l'esclavage était devenu banal. En 1514, le juriste espagnol Jean Lopez de Palacios
Rubios (1450-1525) dû publier un "Requerimiento" (une sommation) pour éviter les abus commis par les Conquistadores dans l'esclavage
des Amérindiens et pour convertir ces derniers à la religion catholique si besoin par la force et la menace.
Le XVIe siècle fut marqué par de multiples tragédies humaines. Les expéditions de Cortès
et de Pizarro seront les plus sanglantes.
En 1519, Hernan Cortès débarqua à Tabasco, au Mexique. Une prophétie Aztèque
remontant à dix ans avait prédit qu'un feu enflammerait le ciel durant la nuit, annonçant qu'un
malheur allait s'abattre sur l'Empire. Signe prémonitoire que le temps était venu, l'année
précédent l'arrivée de Cortès, de grandes lueurs et même une comète auraient été observées
par les Aztèques.
L'empereur Moctézuma II n'y prêta pas attention et alla à la rencontre des Espagnols en
toute confiance, les invitant à Tenochtitlan (Mexico) en ses termes : "Bienvenus dans notre
L'empereur Moctézuma II observant une
pays, mes seigneurs !", estimant probablement que leur chef de file était un dieu. comète l'année précédent l'arrivée des
Les espions de Cortès lui avait déjà dit que l'Empereur avait la fierté d'un pharaon d'Egypte Conquistadors espagnols au Mexique. Mauvais
et disposait de centaines de serviteurs qui balayaient le chemin devant son passage. Cortès présage car il sera assassiné en 1520.
décida de se faire passer pour le dieu Quetzalcoatl.
Pour son expédition Cortès était accompagné d'une jeune femme métisse native d'Amérique appelée Doña Marina par les Espagnols et
La Malinche par les Aztèques qui lui servit d'interprète. Elevée à la vie de la Cour, diplomate et autoritaire, elle devint le bras droit de
Cortès dans toutes ses affaires militaires et influença fortement ses décisions. Elle deviendra sa maîtresse et lui donnera un enfant avant de
le quitter.
Cortès sera traité à l'égal d'un empereur par Moctézuma II. Devant la beauté de sa cité entourée de lacs et de
sommets enneigés, ayant apprécié la qualité des parures d'or et d'argent et ne voyant aucun signe d'hostilité et très
peu d'hommes armés, Cortès comprit vite qu'il était dans une sorte de Paradis et en territoire conquis.
La relation se passa bien mais en 1520, suite à des malentendus avec un autre explorateur qui tua le clergé
aztèque, les Aztèques massacrèrent une partie de l'armée de Cortès lors de la "Noche Triste". Cortès ne tarda pas à
répliquer et en 1525 ses troupes massacrèrent tous les Amérindiens. Mais le génocide n'alla pas s'arrêter là. Cortès
se lança à la conquête du pays qu'il baptisa la "Nouvelle Espagne".
Arrivés au Mexique armés jusqu'aux dents, portant des sabres en acier et des bouclés, équipés d'armes à feu, de
canons et d'arc à flèches - autant d'armes inconnues des Amérindiens -, les Conquisatores étaient pratiquement
invincibles. Par ailleurs, porteurs de maladies inconnues dans le Nouveau Monde, les Espagnols s'attaquèrent
également à un peuple qui n'avait aucune défense immunitaire. En l'espace de 20 ans les Conquistadors
Hernan Cortès. exterminèrent 95% de la population Mexicaine déjà estimée à 19 millions d'habitants !
En Amérique du Sud
En 1532, Francisco Pizarro arriva au Pérou avec 180 hommes et 37 chevaux. Digne héritier des méthodes sanglantes de Cortès, Pizarro
fit prisonnier l'Inca Atahualpa, prétendant au pouvoir impérial et provoqua un massacre parmi la population effrayée par les chevaux et
l'armement des Castillants. Pizarro contraignit les Incas à lui donner tous leurs trésors puis assassinat leur chef en 1533. Pizarro conquit
ensuite Cuzco puis Quito (grâce à Belalcazar) avant de fonder Lima (Ciudad de los Reyes).
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06/05/2019 L'esclavage dans le Nouveau Monde - 1. Dans les colonies portugaises et espagnoles
Mais pour coloniser un pays, trouver de l'or et des pierres précieuses (les Conquistadores
trouvèrent surtout de l'argent), abattre les arbres, bâtir des villes et cultiver la terre, les militaires
souvent issus de la noblesse, ne voulaient pas s'abaisser à effectuer de vil travaux. Ils avaient donc
besoin de mains-d'oeuvre. Pizarro comme Cortès et Cabral non seulement pillèrent et saccagèrent les
colonies mais firent souffrir des milliers d'Améridiens d'esclavage et exterminèrent certaines tribus.
Du moins à quelques exceptions près, car en 1530 pour la première fois l'Empereur Charles Quint
interdit l'esclavage des Amérindiens, position suivie sept ans plus tard par le pape Paul III. Toutefois,
la condamnation par l'Eglise romaine eut peu d'effet dans les colonies.
A son tour l'évêque espagnol Bartolomé de Las Casas prit la défense des Améridiens. En 1542, des
lois furent même promulguées pour protéger les indigènes mais elles furent également peu respectées
car elles entraient en conflit avec les intérêts des miniers. Atahualpa (1502-1533).
Finalement en 1550 Charles Quint affranchit tous les esclaves des Indes occidentales. Trois ans
plus tard l'Angleterre commença à pratiquer la traite.
En 1546, il y avait 600 Noirs dans les troupes de Pizarro. Les Espagnols (comme les Améridiens) les considéraient comme des
serviteurs. Mais une fois la colonisation terminée, les Noirs perdront leur prestige et redeviendront esclaves.
Suite à la colonisation des "deux Indes", les Noirs resteront en esclavage car ils résistaient soi-disant beaucoup mieux que les Blancs à la
chaleur des Tropiques. Les Noirs furent très nombreux à Saint Domingue (la République Dominicaine) où ils dépassèrent très tôt le
nombre d'indigènes (les Taïnos du groupe des Arawaks). On y reviendra. Ce fut également le cas en Amérique centrale où les Noirs seront
utilisés dans toutes les plantations. Localement ils seront même exploités par les indiens Caraïbes suite au nauvrage deux bateaux négriers
en 1635 et 1672 à Saint Vincent.
En 1713, suite aux traités d'Utrecht, les Hollandais et les Anglais obtinrent "l'Asiento", c'est-à-dire le
monopole du transport des Noirs d'Afrique vers les colonies espagnoles des Caraïbes et d'Amérique du Sud.
Au Surinam par exemple, ancienne Guyane hollandaise, l'influence de la colonisation et des flux migratoires
se lit sur le visage des habitants. Aujourd'hui 41% de la population (31% de Créoles et 10% de Marrons) soit
presque une personne sur deux est métissée et à des origines africaines. Les autres ethnies sont constituées
d'émigrants Hindustani (37%), Javanais (15%), Amérindiens (2%), etc.
Les Noirs furent également relativement nombreux au Mexique, au Pérou, en Argentine et au Chili. Selon le
recensement établi en 1775 par le cosmographe et explorateur Juan Lopez de Velasco dans son "Traité de
géographie", en 1570 « les Amériques espagnoles seraient peuplées de 9.3 millions d'habitants, dont la majorité
8.95 millions seraient des Indiens, 120000 des blancs et 2.3 millions des Noirs, des mulâtres et des métis ».
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06/05/2019 L'esclavage dans le Nouveau Monde - 1. Dans les colonies portugaises et espagnoles
punitions étaient synonymes de mutilation (oreille coupée, brûlure au fer rouge, jambe coupée), de pendaison ou de mort à la troisième
tentative.
Selon le philosophe français Louis Sala-Molins (1987), le Code Noir est « le texte juridique le plus monstrueux qu'aient produits les
Temps modernes ». Pire, dans certains familles bourgeoises françaises le sujet est encore tabou !
L'esclavage dans les colonies françaises et notamment aux Antilles fut tout aussi violent que dans les autres
colonies : objet de non-droit, les esclaves faisant l'objet de tous les commerces et de tous les abus. Comme les
Portugais, les Espagnols et les Américains avant eux, les colons français souvent d'ascendance noble, ont débarqué
dans les îles accompagnés de centaines d'esclaves. Une fois installé et devenus de riches propriétaires fonciers,
certains comtes et autres barons installés en Martinique ou en Guadeloupe trouvèrent un plaisir sadique à mutiler
les esclaves et abuser des femmes. La mise à mort des voleurs et autres criminels était aussi banale que les contrats
négriers.
Mais un siècle plus tard, la Révolution française de 1789 bouleversa ce régime "royal" accordé aux colonies. Le
15 mai 1791, l'Assemblée nationale accorda le droit de vote à certains hommes de couleur. Ce début
d'émancipation inquièta les colons blancs installés à Saint Domingue qui envisagaient de proclamer l'indépendance
de l'île pour préserver leur économie florissante. Cette demi-mesure instaurée par Paris ne satisfaisait pas non plus
les esclaves affranchis mulâtres tel François Ogé qui réclamaient une véritable égalité entre esclaves et colons.
Le 14 août 1791, au cours d'une cérémonie vaudou dirigée par le prêtre Boukman au Bois-Caïman, près de Morne-Rouge, les esclaves
qui avaient fui les plantations et s'étaient réfugiés dans les forêts (appelés esclaves marrons) revendiquèrent l'abolition de l'esclavage.
Un soulèvement populaire s'en suivi le 22 août 1791, dirigé par Boukman et ses lieutenants. Durant cette insurrection des centaines de
sucreries et de caférières (plantations de café) furent détruites. Des centaines de Blancs furent massacrés. Ce sera le début d'une longue
guerre qui conduira à l'indépendance de la colonie.
Les insurgés noirs reçurent le soutien des affranchis, dont le célèbre François Ogé. La révolte sera finalement organisée par François
Toussaint, un cocher âgé de 48 ans et affranchi depuis 15 ans. Il entra au service de François Biassou et ne tarda pas à faire la preuve de
son courage et de sa détermination pour abolir l'esclavage. François Toussaint sera surnomé "L'ouverture" (Louverture) en raison de sa
bravoure.
Le 28 mars 1792, l'Assemblée législative vota l'égalité de droit entre tous les hommes libres. Excluant les esclaves de tout droit, cette
nouvelle demi-mesure réattisa la révolte des esclaves à Saint Domingue.
A la même époque, les Espagnols envisagèrent d'envahir le territoire français de Catalogne. L'exécution de Louis XVI en 1793 marqua
le début de la guerre franco-espagnole dans les pyrénée orientales.
Dans les colonies, conformément au Traité de Tordesillas, les Espagnols occupaient la partie orientale de Saint Domingue (Santo
Domingo). Ayant eu vent de la guerre franco-espagnole, Toussaint Louverture et Biassou négocièrent avec les Espagnols le droit de
combattre les Français en échange d'une promesse de liberté pour tous les esclaves. Les insurgés acceptèrent et Toussaint Louverture fut
promu lieutenant général dans l'armée espagnole et reçut le commandement d'une bridage de 4000 hommes.
Devant l'ampleur de la révolte des esclaves et face aux menaces d'invasion anglaise et espagnole, les commissaires de la République
française Sonthonax et Polverel se résignèrent à proclamer la liberté générale des esclaves.
C'est ainsi que le 29 août 1793 la province du Nord de Saint Domingue fut libérée et le 4 septembre les
régions Ouest et Sud de l'île. La Convention généralisa ces décisions par le décret du 4 février 1794 abolissant
l'esclavage dans l'ensemble des colonies françaises. Mais en 1802, sous l’influence du lobby colonial,
Napoléon Bonaparte rétablit l'esclavage et la traite des Noirs.
Entre-temps, à partir de 1792 les puissances Françaises et Anglaises s’affrontèrent dans plusieurs parties du
monde et notamment aux Antilles. Plusieurs îles passèrent alternativement entre les mains des belligérants
jusqu'en 1815. Finalement, la Jamaïque et la Barbade par exemple passèrent définitivement aux mains des
Anglais tandis que la Guadeloupe et la Martinique parmi d'autres îles restèrent aux mains des Français.
Après avoir visité l'Amérique, certains Etats du Sud, le Mexique et Cuba, à partir de 1830 l'écrivain français
Victor Schoelcher d'origine alsacienne fut sensibilisé par la traite négrière. Dix ans plus tard il écrivit
plusieurs livres sur le sujet dans lesquels il exprima son désir d'abolir l’esclavage immédiatement et non de
Emancipation à la Réunion.
Huile sur toile d'Alphonse
manière progressive. Il décrivit notamment les effets bénéfiques de la suppression de l’esclavage dans les
Garreau. Le député Sarda colonies britanniques pour convaincre les esclavagistes français que la liberté du travail n’était pas synonyme
Garriga apporte à l'île de La de ruine pour les colonies.
Réunion, le 20 décembre
1848, le décret abolissant
En 1848, sous la IIe République, Victor Schoelcher fut nommé sous-secrétaire d'Etat aux Colonies
l'esclavage devant une foule françaises. Héritier des courants abolitionnistes, le 27 avril il parvint à faire signer le nouveau décret
calme et reconnaissante. A d'abolition de l'esclavage. Dans son article premier il stipule : « L'esclavage sera entièrement aboli dans
l'arrière-plan la statue de la toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret. A partir de
liberté. Tableau exposé au la promulgation du présent décret dans les colonies, tout châtiment corporel, toute vente de personnes non
Musée des Arts d'Afrique et
d'Océanie. Document
libres, seront absolument interdits ».
RMN/Photo Jean-Gilles Victor Schoelcher sera député de la Guadeloupe en 1849. Il mourut dans les Yvelines (F) en 1893.
Berizzi.
Aujourd'hui, la Martinique pour ne citer qu'une seule colonie française d'outre-mer est devenue une
destination de villégiature pour nombre de francophones. Mais les Européens doivent venir en Martinique sans préjuger et en acceptant
les gens tels qu'ils sont. Le peuple est chaleureux, il est simple mais il est susceptible car les Martiniquais comme tous les Antillais ont
conservé la mémoire du passé et de profondes blessures.
Après le Portugal, la France fut la deuxième grande puissance à abolir l'esclavage. L'Espagne attendra de subir les guerres séparatistes
Créoles et l'abolition de l'esclave aux Etats-Unis (1865) pour abolir à son tour l'esclavage en 1886.
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06/05/2019 L'esclavage dans le Nouveau Monde - 1. Dans les colonies portugaises et espagnoles
Mais ce n'était pas pour autant que l'esclavage n'existait plus dans les colonies, notamment en Afrique. Le commerce des esclaves
continua quelques temps, principalement à destination des pays musulmans (Afrique Noire, Europe, mer Noire).
Voyons à présent qu'elle fut la situation sur le sol américain, et notamment les raisons qui poussèrent ce pays à déclencher la Guerre de
Sécession (Civil War) qui conduira à l'abolition de l'esclavage.
Prochain chapitre
L'Union contre l'esclavage
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Rebecca Onion
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A LIRE AUSSI
«Captifs légitimes»
Une pratique qui remonte aux premières heures des
colonies européennes qui allaient devenir les États-Unis.
Prenez les Pequots, asservis en 1637 après leur conflit
avec les Anglais. Comme l'écrit Newell dans un livre paru
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La «fonction diplomatique» de la
capture d'esclave
Le fossé entre la pratique de l'esclavage par les
Amérindiens et la compréhension qu'en avaient les
Européens a été la source de nombreux malentendus. A
certains endroits, et la chose est assez ironique, des tribus
ont elles-mêmes initié le commerce de captifs avec les
Européens. Dans le Pays-d’en-Haut, selon les travaux de
Rushforth, les Amérindiens croyaient à «une fonction
diplomatique de la capture d'esclaves». Peu après l'arrivée
des Européens, beaucoup d'autochtones leur ont
spontanément offert des esclaves, en signe de confiance,
de paix et d'amitié.
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elle l'a toujours été. Seulement que vous aviez une petite
longueur d'avance pour reconstruire votre fortune».
Histoires imbriquées
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Nouvelle-Angleterre:
Margaret Ellen Newell: Brethren by Nature: New England
Indians, Colonists, and the Origins of American Slavery
Le sud-ouest:
James F. Brooks, Captives and Cousins: Slavery, Kinship,
and Community in the Southwest Borderlands
Pekka Hämäläinen, L'empire comanche
Andrés Reséndez, The Other Slavery: The Uncovered
Story of Indian Enslavement in America
Le Midwest:
Carl J. Ekberg: Stealing Indian Women: Native Slavery in
the Illinois Country
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Le nord-ouest pacifique:
Leland Donald: Aboriginal Slavery on the Northwest
Coast of North America
Robert H. Ruby et John A. Brown, Indian Slavery in the
Pacific Northwest
Territoires indiens:
Barbara Krauthamer, Black Slaves, Indian Masters:
Slavery, Emancipation, and Citizenship in the Native
American South
Tiya Miles, Ties That Bind: The Story of an Afro-Cherokee
Family in Slavery and Freedom
Celia Naylor, African Cherokees in Indian Territory: From
Chattel to Citizens
Fay Yarbrough, Race and the Cherokee Nation
Gary Zellar, African Creeks: Estelvste and the Creek
Nation
Le sud-est:
Robbie Ethridge et Sheri M. Shuck-Hall, eds, Mapping the
Mississippian Shatter Zone: The Colonial Indian Slave
Trade and Regional Instability in the American South
Alan Gallay, The Indian Slave Trade: The Rise of the
English Empire in the American South, 1670-1717
Alan Gallay, ed., Indian Slavery in Colonial America
www.slate.fr/story/125819/peche-originel-amerique 21/22
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Map of de Coronados expedition from 1540 till 1542 | Courtesy of the University of Texas Libraries, The
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HANS STADEN OU UN EUROPEEN CHEZ LES
TUPINAMBA
Grégory Wallerick
Résumé : Durant les tentatives de conquêtes initiées au cours du XVIe s., les Européens ont
l’occasion de découvrir cet Autre qui peuple un territoire empli de chimères et d’espérance.
Certains événements, relatés par des voyageurs à leur retour sur le Vieux Continent,
Staden en est un exemple : peu après son arrivée dans le Brésil portugais, il est fait
prisonnier du peuple tupinamba, qui le garde pour le manger. Au cours de sa captivité, il peut
décrire de l’intérieur le rite anthropophage. L’illustration qu’en a fait De Bry est criante de
e
réalisme et surprend les Européens de la fin du XVI s.
e
Mots clefs : Tupinamba ; Staden ; anthropophagie rituelle ; Théodore de Bry ; XVI s.
Abstract : When Europeans tried to settle in the New World, they met an other population
whom they didn’t know anything. Some of Europeans has been captured by the Amerindians
and related their adventure. One of them, Hans Staden, drew some pictures about his
th
captivity. At the end of the XVI century, Theodor de Bry engraved Staden’s travel with high
quality pictures and he showed to Europeans the horrible used of a native nation in actual
Sommaire :
Introduction
manière très scrupuleuse les rites anthropophages d’une tribu d’Amérique du Sud, dans
3
l’actuel Brésil, les Tupinamba . L’apport de ce texte est double : d’abord, la rigueur presque
4
scientifique de la description de ces cérémonies , qui fait de ce récit un témoignage encore
5
aujourd’hui considéré comme un des premiers essais ethnographiques ; ensuite, la richesse
documentaire des éditions aboutit à une représentation d’autant plus précise que les
6
Européens n’avaient côtoyé des Tupinamba qu’à de rares occasions , la plupart d’entre eux
ne connaissant cette tribu que de nom. Aussi, la description de ces peuples permet, dès
l’édition de 1557, de « contempler pour la première fois une série de cinquante gravures qui
7
donnaient à l’ensemble de l’œuvre un caractère de spectacle total. » Un théâtre
extraordinaire, pour l’époque, dans lequel « l’homme et la femme américaine cessent d’être
les portraits-mannequins du spectacle figé […] pour devenir les acteurs d’une vision
8
narrative vivante. » Ce miraculé de ces rites offre à l’Europe moderne un ouvrage relatif au
mythe anthropophagique richement illustré. L’attrait pour cette œuvre semble avoir été tel
qu’elle a été « souvent réimprimée, surtout en Allemagne et aux Pays-Bas où l’on compte
9
jusqu’à soixante-dix éditions » , mais elle a aussi été traduite en plusieurs langues. L’intérêt
e
porté à l’histoire de Staden se poursuit en cette fin de XVI s., par le biais de Théodore de
10
Bry, qui permet une survivance du récit. En effet, le troisième volume de sa vaste collection
11
Les Grands Voyages lui est presque intégralement consacré . De cette manière, De Bry a
12
nourri l’inspiration de « toute la vision de l’anthropophagie rituelle jusqu’à nos jours. » Il
modifie la vision de l’Indien par rapport aux gravures de Marbourg, mais surtout, il améliore
la qualité des images, et donc de l’événement représenté, bien qu’il n’ait pas « changé
l’ordre du récit car il a reconnu là un document unique de plus en plus apprécié du public qui
surprenantes à plus d’un titre. D’abord, elles nous permettent de brosser un panorama de
e
l’Europe en cette fin de XVI siècle. Il semble évident que le Liégeois s’est inspiré de son
continent à son époque, car il ne disposait probablement pas d’images sur l’Europe dans les
14
années 1550 . Ce sont surtout les représentations des Amérindiens qui surprennent, ces
populations ne sont plus décrites comme elles l’avaient été dans les volumes précédents :
un aspect nouveau fait son apparition. Dès le frontispice du troisième volume, un couple
d’Indiens (la tribu n’est pas encore révélée, mais il s’agit de Tupinamba) se délecte de
15
parties d’un corps humain, une jambe dans les mains de l’homme (le roi Conian-Bebe , à
gauche) et un bras pour la femme, à droite. Leur progéniture participe elle aussi au festin, la
tête d’un enfant pointe derrière l’épaule gauche de l’Indienne. Sous l’arche du premier niveau
de l’édifice constituant ce frontispice, figure une scène non moins étonnante : deux Indiens et
une Indienne cuisent à grande flamme des morceaux de corps humain, selon la technique
16
du boucan (barbacoa) . Certes, l’imaginaire européen avait déjà nourri, à plus d’une reprise,
le mythe des mangeurs d’hommes, mais il ne semblait pas encore avoir atteint le continent
américain. Le récit du voyage de Hans Staden apporte cette pratique des côtes américaines,
brésiliennes pour être plus précis, et sa mise en image l’amène jusque dans les milieux
- Mythe ou réalité ?
Avant de poursuivre sur le voyage-même, il convient d’abord d’évoquer les doutes qui
subsistent dans l’esprit des historiens concernant une hypothétique anthropophagie. Car les
débarque sur les côtes des Antilles, les habitants, les Arawaks, avaient pour usage de se
nommer carib. Par le biais de la prononciation phonétique, carib devient en espagnol canibi
lui-même décrit des actes de cannibalisme sur les côtes brésiliennes, lors de son expédition
avec Nicolas de Villegagnon : « Cette canaille [l’Indien] mange ordinairement chair humaine
comme nous ferions du mouton, et y prend encore un plus grand plaisir. Et je vous assure
19
qu’il est malaisé de lui oster un homme d’entre les mains quand il le tient. »
20
Toutefois, selon l’étude de l’Américain William Arens , le cannibalisme ne serait issu que de
21
« l’imagination fertile » des anthropologues et historiens . Georges Guille-Escuret précise
d’ailleurs, à propos des thèses de cet auteur : « que le phénomène de cannibalisme serait
pour l’essentiel soluble dans les fantasmes malveillants d’une civilisation soucieuse de
22
justifier la violence de ses colonisations. » Il est toutefois réel que l’étude d’un document,
notamment iconographique, comme il est de notre propos, peut poser des difficultés
le cas de Staden, W. Arens précise que les planches sont sortis sur les presses après que
- Un phénomène répandu ?
sièges de cités, les assiégés pratiquaient le cannibalisme, par manque de provisions : « nos
Mexicas, pratiquaient un banquet cannibale pour clôturer la grande fête d’Ecorchement des
peuple, ont été choqués de la manière dont cette pratique se déroulait : certes, ils n’ont,
32
semble-t-il, pas assisté à la fête de tlacaxipehualiztli, mais leurs alliés contre les Mexicas
pratiquaient aussi le cannibalisme « dès le champ de bataille, après (ou même peut-être
pendant) le combat et en dehors de tout contexte festif ou religieux – sauf, peut-être une
élévation par le vainqueur d’une partie du vaincu, son cœur par exemple, vers le ciel ou le
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soleil. »
34
Dans les cas présents, c’est donc bien d’un exocannibalisme qui caractérise
L’histoire de Hans Staden prend une place tout à fait originale dans le travail de De
Bry. Alors que le graveur liégeois n’a consacré aucun volume à un auteur unique, sauf en
36
fonction de ses sources , il n’en est pas de même pour Staden, dont le troisième volume lui
37 38
est presque entièrement consacré . Marin allemand originaire de Hombourg en Hesse ,
39
Hans Staden a reçu une formation d’arquebusier et est devenu un expert en artillerie pour
40
le compte de l’empereur Charles Quint. Il découvre les Indes en janvier 1548 par
41
l’intermédiaire des Portugais. Après un bref séjour à Pernambouc, puis Itamaraca , il rentre
au Portugal, puis retourne en Amérique avec les Espagnols. Il s'embarque en 1550 sur un
navire espagnol partant pour le Pérou, et intègre la flotte commandée par Diego de
42
Sanabria . Le voyage souffre de difficultés, et un naufrage causé par une tempête le jette
le contraint à rejoindre à la nage São Vicente. Là, il séjourne quelque temps comme artilleur
prisonnier par un groupe de guerriers Tupinamba. Dès lors, il tente de décrire de manière
aussi précise que possible ce qu’il observe. Ses hôtes le vendent aux Français après une
attente de neuf mois, durant lesquels il doit assister à la vie quotidienne et aux cérémonies
de ce peuple. En 1557, il publie alors une Véritable histoire et description d’un pays habité
par des hommes sauvages nus féroces et anthropophages situé dans le nouveau monde
nommé Amérique inconnu dans le pays de Hesse avant et depuis la naissance de Jésus-
43
Christ jusqu’à l’année dernière , ouvrage dans lequel il retrace ses pérégrinations. Ce récit
se compose de deux parties bien distinctes, la première évoque prioritairement son voyage
pour joindre l’Amérique et sa captivité, la seconde expose les différents aspects de la vie et
des coutumes de la tribu des Tupinamba. Cette tentative d’ethnographie permet à l’Europe
44
de découvrir une société jusqu’alors peu connue . Au-delà de cette société, dans toute la
complexité de son organisation, c’est surtout une habitude assez peu répandue en Europe,
et encore moins chez les chrétiens, qui retient l’attention : l’anthropophagie. Les Européens
ont oublié, ou tout du moins rejeté, ces périodes de cannibalisme que le vieux continent avait
lui-même connues, et considèrent dès lors qu’un être humain, car c’est ainsi que la Papauté
constitue-t-il pas une charge retenue par les Juifs à l’encontre des chrétiens primitifs, qui se
sacrifices, le sang était éliminé. Aussi, « l’invitation à boire du sang, même s’il s’agissait
d’une façon "symbolique" de boire du sang, devait représenter une abomination pour tout
juif. » Les chrétiens primitifs pratiquaient donc un cannibalisme, symbolique certes, mais
46
« scandaleux […] aux yeux de tout homme, qu’il soit juif ou non juif. »
e
Revenons dans l’Amérique du XVI s. Les Tupinamba font partie de la famille des
Indiens Tupi (venus de l’intérieur des terres, que les Portugais rencontrent sur les côtes, de
caractéristique perturbe les Européens, pour lesquels les vêtements apparaissent tels des
miroirs de leur condition sociale. Les nobles sont ainsi reconnaissables par leurs attributs.
Dans l’attente de sa propre exécution, Staden dessine et prend en note les rituels
observés par cette tribu, « transformant sa captivité en suspense haletant pour les lecteurs
européens. » Son texte fait rapidement autorité dans les sphères des érudits et même
50
aujourd’hui, chez les anthropologues , tant ses écrits expriment une expérience vécue.
Ayant été fait prisonnier lors d’une sortie imprudente du camp où il se trouvait (Saint
Vincent), il écrit : « Je priais en attendant le coup de la mort ; mais le roi, qui m’avait fait
prisonnier, prit la parole, et dit qu’il voulait m’emmener vivant pour pouvoir célébrer leur fête
avec moi, me tuer et, kawewi pepicke, c’est-à-dire faire leur boisson, célébrer une fête et me
51
manger ensemble. »
Sa situation lui permet d’observer attentivement la manière dont vivent ses geôliers,
tant pour chercher un moyen de s’enfuir de cette tribu que pour voir arriver le moment de son
exécution, car « tous les prisonniers […] étaient tués puis mangés selon un rite théâtral
52
invariable, après un temps de captivité plus ou moins long. » Il peut donc décrire de
l’intérieur les modes de vie d’un peuple amérindien avant l’acculturation, la société
tupinamba. Sa situation évolue, car de prisonnier, aux pieds et poings liés, Staden devient
53
rapidement écouté, prophète, sorcier . Fervent croyant, il se réfugie dans la prière, implorant
Dieu de lui rendre la liberté, psalmodiant les prières. Et d’éveiller la curiosité de ce peuple qui
ne connaît rien de la religion chrétienne. Le rapport de Staden à Dieu est d’ailleurs éloquent.
cheminement : « Moi, Hans Staden de Hombourg, en Hesse, ayant pris la résolution, s’il
54
plaisait à Dieu, de visiter les Indes […]. » Cette référence au Créateur est redondante
survécu à cette terrible épreuve, mais aussi comme une passerelle entre deux mondes, car il
57
est parvenu à utiliser et comprendre les croyances de ses bourreaux afin de survivre ; eux-
mêmes ont cherché cependant à utiliser la foi de Hans Staden pour tenter de guérir, ou de
sortir des dangers de la nature. Le rapport entre dominé et dominant s’estompe petit à petit,
pour aboutir à une mise à égalité des deux ensembles, ce qui n’empêche toutefois pas la
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vente de cet esclave pas comme les autres .
Moins de quarante années plus tard, quand Théodore de Bry publie sa troisième
59
partie , l’Europe se remémore ces scènes édifiantes, avec une réalité bien plus prégnante
que dans l’ouvrage original. La couleur et la finesse de la gravure sur cuivre, dans laquelle
De Bry est passé maître, rendent les croquis de Staden plus réalistes, et les mœurs des
Tupinamba plus cruelles. Le Liégeois parvient en effet à améliorer la qualité des gravures
sur bois réalisées par les éditeurs de Marbourg. La finesse de la gravure sur cuivre permet
avant tout une interprétation graphique, « selon la technique de la taille douce, avec un
60
grand souci de précision, [des] images et [des] textes des voyageurs. » La gravure sur bois,
aussi appelée gravure en « taille d’épargne », se réalise à l’aide d’un morceau de « bois
61
fruitier aux fibres serrées » à l’aide d’un canif, taillant le bois verticalement, afin de dégager
distinctes de celles qui marquent les blancs. On y applique ensuite l’encre d’imprimerie, puis
une « feuille de papier légèrement humectée » y est déposée. Le dessin inversé s’y imprime.
bois, rendant les traits de plus en plus imparfaits et flous. Pour la taille-douce, ou gravure sur
cuivre, le procédé est inverse, le trait étant « incisé au burin sur la surface d’une plaque de
épaisseur plus grande et plus variable. « Par des hachures, des entre-tailles, des pointillés
62
on arrive à reproduire les volumes les plus précis, les nuances les plus subtiles. » Ensuite,
une épaisse couche d’encre recouvre la plaque, puis est essuyée : les parties creusées s’en
les plaques s’usaient rapidement, obligeant le graveur à les retailler. Ainsi, de quelle manière
De Bry a-t-il permis la perpétuation de l’œuvre de Staden dans les milieux lettrés d’Europe ?
Liégeois. Mais la partie centrale ne s’axe pas principalement sur ce que les lecteurs avaient
63
découvert lors de la lecture du frontispice : le rituel anthropophage . C’est davantage la
captivité du protagoniste qui semble intéresser le graveur, les contacts ainsi que, semble-t-il,
les us et coutumes de ce peuple nouveau aux yeux des Européens. Aussi les images
toutefois que le spectacle que Staden observait dans l’attente de sa mort lui permette de
Mais surtout, De Bry nous permet de lire le déroulement de ce rite sous la forme d’une
Staden. Cette bande dessinée se décompose en trois parties principales, ainsi que l’a
65
démontré B. Bucher , dont deux concernent exclusivement les Tupinamba.
Dans un jeu de six planches, le Liégeois cherche à montrer aux lecteurs la rupture qui
existe entre les deux civilisations. D’un côté, les Européens, habillés, barbus, armés d’objets
brillants et bruyants, et de l’autre, les indigènes, imberbes et nus comme les hommes de
l’Eden. Fidèle à la méthode rotative évoquée précédemment, De Bry nous relate deux
moments différents, sur une même image. A l’arrière-plan de la planche III, 06, Staden quitte
soit pas visible, il est conduit vers les canots amarrés, alors que d’autres barques continuent
69
d’arriver. Rapidement, il doit faire face à un choix : alors que l’alerte a été donnée , les
Portugais et leurs alliés indigènes, les Tupininkin, tentent de le libérer, mais ses geôliers le
poussent à faire feu contre ses alliés : « Ils me délièrent les mains, mais resserrèrent encore
les cordes que j’avais autour du cou. Le chef du canot où j’étais avait un fusil et un peu de
poudre qu’un Français lui avait donné en échange du bois du Brésil ; il me força de le tirer
70
sur ceux [Portugais et Tupininkins] qui étaient sur le rivage. »
Dès lors, l’aventure de Staden se déroule uniquement chez les Tupi. D’abord, la vision
de ce peuple est très féminine : alors que les hommes vont à la guerre et amènent le butin,
71
les femmes gardent le « gibier » dans le village Wattibi . Il subit alors le sort de l’épilation,
72
mais elles lui laissent la barbe , qui le rend reconnaissable sur les images suivantes. Il est
ensuite conduit devant une cabane où le peuple adore ses idoles. Il s’agit dès lors d’un
témoignage de la religion chez les Tupinamba. Sur la planche III, 09, le captif arbore des
attributs indigènes, telle que la coiffe (arasoya) de plumes colorées, ou encore les grelots à
73
ses mollets. Cerné de toute part , la fuite ne semble plus une option à envisager. Encerclés,
Staden et ses geôliers le sont rapidement lorsque les Tupininkin attaquent Wattibi, qui
apparaît plus fragile. Les femmes sont apeurées au centre du village, alors que les hommes,
74
dont Staden, défendent le village, armés d’arcs et de flèches . Quelques cadavres jonchent
le sol. Cette première phase du voyage au cœur de la société tupinamba est très importante
jouissait d’une certaine liberté, pouvant aller et venir comme il le voulait. La conception de la
captivité chez les peuples tupi présentait la particularité d’être un don de soi à la tribu
victorieuse, et « si l’envie lui prenait de retourner dans sa tribu d’origine, il savait qu’il ne
76
pouvait attendre des siens que le mépris et la mort. » Dès lors que ces peuples capturent
développe pour conserver le prisonnier. Les Européens adoptaient en effet une attitude plus
montre une évolution de ce peuple, due aux contacts avec l’Ancien monde. Très rapidement,
La série d’images relatives aux mœurs de la société tupi est marquée par une rupture
autour de la planche III, 14. Alors que De Bry tente de nous brosser quelques portraits
recherche menée par les Portugais. Cette image permet d’appréhender des relations somme
toute plus variées qu’il était possible de l’imaginer, car les Amérindiens n’ont pas peur de se
rendre à proximité des navires (quatre canots chargés d’Indiens approchent des Portugais,
alors que l’un d’entre eux semble occupé à pêcher). Le troc remplace les armes, qui restent
77
cependant « prêtes à intervenir à la moindre alerte. » L’image suivante, intitulée par De Bry
Comment un esclave de ces Indiens me calomniait toujours et avait désiré me voir dévoré,
et comment il fut tué et mangé en ma présence, est une rupture dans le statut de Staden. En
78
effet, captif tout comme lui, un Indien Cario , le considérait comme un ennemi, racontant à
ses maîtres que « c’était moi qui avais tué un de leurs rois qui avait péri dans un combat
quelques années auparavant, et [il] les exhorta fortement à me faire mourir, assurant que
j’étais leur plus grand ennemi ; et cependant, tout cela était mensonge, car il était dans ce
village depuis trois ans, et il n’y en avait qu’un que j’étais arrivé à Saint-Vincent quand il
79
s’était sauvé. »
soins que l’Europe avait tendance à utiliser, à savoir la saignée. Ne parvenant pas à le
80
guérir, l’Indien Cario ne peut donc plus servir parce que malade . Dans ce cas-là, les
Tupinamba le tuent et le mangent. Sur cette planche (III, 14), l’histoire de son exécution se lit
depuis l’arrière-plan jusqu’au premier plan, selon la méthode rotative : d’abord, Staden tente
de le soigner ; ensuite, en raison de sa maladie, il est tué d’un coup de massue sur la tête,
81
« qui lui fit jaillir la cervelle » ; enfin, le corps est dépecé et les membres cuits, « à
82
l’exception de la tête et des entrailles qui les répugnaient puisqu’il avait été malade. » Dans
ce troisième volume, De Bry permet de différencier, au premier coup d’œil, l’Européen des
et quand il assiste à la consommation du corps rôti, où il apparaît comme tentant, par ses
84
conseils, de les empêcher d’accomplir cet acte . Car l’anthropophagie est, à double titre, un
« acte contre-nature, la transgression d’un double interdit : d’abord ne pas tuer […] et enfin
85
ne pas manger ses semblables. » Son visage est outré par cette coutume, mais il semble
aussi avoir peur, car il n’oublie pas qu’il est lui-même prisonnier, et que ce sort lui est fort
probablement réservé : il lui faut donc guetter pour éviter un coup de massue qui le
86
transformerait en nourriture pour les Tupis . Dès lors, cherchant à comprendre l’Autre, à
approuver plus ou moins les sacrifices, pour survivre, il doit devenir cet Autre et, de
87
« nourriture conquise et offerte » , il devient « prophète, sorcier, guérisseur, […] imploré
88
[voire est] Dieu. »
Plus choquant pour les Européens de la Renaissance est cet enfant qui joue avec la
tête, non consommable, du prisonnier exécuté, preuve que l’enfant participe aussi à cette
cérémonie, ainsi que l’indiquait le frontispice. Quel est donc le rôle de chacun des membres
extraordinaire. Certes, ce sont des idées de Staden qui sont traduites en image par le
Liégeois, mais ce sont surtout des images d’une telle qualité que les Européens qui avaient
l’occasion de les regarder devaient probablement les conserver à l’esprit pendant un certain
moment, et les considérer réelles. C’est d’ailleurs peut-être ces planches qui furent à l’origine
de cette image redondante de l’Amérindien qui ne voit en l’Autre qu’un repas potentiel.
89
« L’anthropophagie rituelle des Tupinamba » suivait un rythme immuable, qu’Alfred
capturer leurs ennemis. Le but des raids n’est donc pas de tuer, mais avant tout de prendre
aussi que le prisonnier soit offert en mariage aux femmes qui avaient perdu leur mari à la
guerre, pour « récompenser la perte de leur defunct mary, … qu’ils appellent en leur
93
barragouyn Paraoussouvots. Et cela les oste de detresse et ennuy. » Le prisonnier
94
possédait un statut particulier : bien qu’il soit en partie libre de ses mouvements , les
femmes le considéraient plus ou moins comme « un homme de leur village », mais il devait
toutefois s’acquitter de « certains travaux pour son maître » – défrichements, remise des
produits de la chasse et de la pêche –, ne possédait pas ses biens, et était « humilié dans
certaines fêtes. » Il nous faut toutefois prendre garde à l’analyse très poussée menée par
Alfred Métraux, car il s’appuie sur deux sources principales : d’abord des récits de
voyageurs, aussi variés que divers, de Hans Staden, Jean de Léry ou André Thevet, datant
e e
du milieu du XVI s., mais aussi des textes plus tardifs, du début du XVII s., comme les
ouvrages de Claude d’Abbeville et d’Yves d’Evreux. Or, notre propos est de relater les
éléments en rapport avec la manière dont Théodore de Bry a pu dépeindre un peuple qu’il
ne connaissait pas. Aussi, les textes plus tardifs, donc non connus de ce dernier, ne
précédents. Non que ces derniers soient erronés, mais il est possible que le contact plus ou
moins prolongé avec les Européens ait modifié les modes de vie de ces peuples
amérindiens.
La durée de captivité pouvait varier de quelques heures, pour les plus âgés, à près de
95
vingt années pour les jeunes . Le conseil des chefs de famille et des principaux chefs de la
tribu se réunissait pour déterminer la date de l’exécution, puis « des messagers étaient
96
envoyés dans les villages alliés pour […] inviter à la fête » les parents et les amis de la
famille qui sacrifiait le prisonnier. S’en suit une préparation du matériel destiné à servir lors
97
de l’exécution rituelle : la corde (mussurana ou massarana), la massue sacrificielle (iwera
98 99
pemme ) et enfin la boisson enivrante (caouin ou cahouin). De Bry n’a pas pris le soin de
100
développer ces préparatifs qui durent les cinq jours précédant l’exécution , et s’est
Sur la planche III, 20, le rôle des femmes apparaît relativement important dans ces
préparatifs, et elles semblent affairées, sans délaisser leur rôle : quatre d’entre elles ont
encore leur bébé sur le dos. L’auteur a respecté l’équilibre de cette image, avec sept
femmes qui encerclent le prisonnier, dans l’arrière-plan, dont deux avec un enfant, et sept
autres qui entourent celle qui prépare la massue sacrificielle101, dont aussi deux avec un
enfant. Elles semblent danser autour des personnages principaux, et « chantent autour de
qui est aussi attesté par la présence des jeunes enfants sur le dos, les plus âgées des
femmes ne pouvant plus avoir d’enfant. L’exécution présente un peuple nombreux, où les
hommes sont davantage représentés que les femmes. Le prisonnier occupe le devant de la
scène, retenu par des Indiens, et son propriétaire s’apprête à lui asséner le coup fatal de
l’iwera pemme, devant le feu qui le cuira. La corde apparaît elle aussi, mais sans paraître si
Les cérémonies commencent par l’arrivée des invités, accueillis par le chef qui leur dit :
104
« Vous venez nous aider à manger votre ennemi » et ils boivent jusqu’à être ivres. Durant
ces quelques journées préliminaires, des rites de préparation, de décoration des corps et de
105
l’iwera pemme, des orgies, danses, chants et mimes se succèdent . Dès lors, un échange
de parole, qui paraît aussi rituel, entre le bourreau et l’exécuté, se déroule sous les yeux de
106
la tribu assemblée . A aucun moment, la peur ne semble, théoriquement, envahir le
sacrifié, qui évoque la vengeance de son peuple, puis l’iwera pemme porte son coup fatal.
Chaque membre de la tribu semble dès lors trouver son rôle : les hommes paraissent
féliciter le bourreau, celui-ci réapparaît dans la partie gauche, « qui pose avec élégance,
Dans un second temps, le corps est lavé, par quatre « belles Indiennes » : « le contraste
entre leur beauté tranquille et l’horreur crée le sentiment de malaise de l’interdit majeur
109
transgressé. » La marmite sur le feu montre l’imminence d’un repas.
La scène du dépeçage mène le lecteur dans une horreur plus poussée encore. Alors
que les prémices de la boucherie se pressentaient sur l’image précédente, c’est dans la
planche III, 23 que les Tupinamba découpent et mettent à cuire les différentes parties du
corps. Deux moments se distinguent. Sur la partie gauche de l’image, deux Indiens
110
s’affairent à décomposer le corps du prisonnier, le tronçonnant à la hache , enfournant les
mains dans la poitrine pour en retirer tous les morceaux consommables. Derrière, les
femmes exhibent des pièces du corps : jambes et bras… Vient ensuite le deuxième temps
111
de cette image, la cuisson, alors qu’une Indienne apporte du bois . Dans une grande
marmite, sous un feu d’enfer, les morceaux sont plongés pour y être bouillis. Les viscères
sont amenées, alors que les femmes portant les membres semblent prendre une autre
direction : certaines pièces sont bouillies, d’autres rôties, comme le montre la planche 25.
Tous les membres de la tribu, y compris les enfants, prennent part à cette cérémonie. La
jeune génération participe activement aux différentes étapes de la préparation du corps pour
consommation de celui-ci, les prisonniers des Indiens tupinamba entrent dans le quotidien
de ce peuple. La présence des femmes et des enfants lors de ce rituel permet à De Bry de
montrer l’aspect quotidien, trivial de cette pratique. Les Européens peuvent être choqués par
la présence de cet enfant qui tient la tête du malheureux, tel un trophée, mais destinée elle
aussi à être bouillie. Cet enfant rappelle celui qui allait laver la tête de l’Indien Cario. Avides
de cette nourriture, les femmes profitent de transporter les membres pour se lécher les
doigts. A plusieurs reprises, durant cette « bande dessinée sur le rite cannibale », le lecteur
peut apercevoir les Amérindiennes se délecter de tous les morceaux ou du jus qu’elles
peuvent récupérer : elles se mordent les bras et les doigts avant l’exécution, se les lèchent
après avoir déplacé les morceaux. C’est d’ailleurs la part des femmes qui est représentée
déguste avidement les entrailles, disposées comme on trouverait des saucisses chez un
112
boucher . L’utilisation d’assiettes, pour, semble-t-il, boire le jus de cuisson, la bouillie,
rappelle aussi la manière de faire du vieux continent. De Bry nous montre, certes un repas
monstrueux aux yeux des Européens, mais la technique pour déguster ce mets se rapproche
banquet de centre de village, où les convives seraient nus (nues en l’occurrence) et le plat
centre de l’image : la tête du mort trône au centre d’une assiette, un regard d’effroi dirigé
vers le ciel. L’harmonie règne dans cette scène où huit femmes partagent le repas avec sept
enfants, toutes et tous appréciant le mets, elles se lèchent les doigts pour ne rien perdre de
cette délicieuse nourriture. La dernière planche relative au rite cannibale montre la part des
hommes, et leur méthode de cuisson. Quatre femmes, plus vieilles, parce qu’elles ont les
seins pendants, se lèchent goulûment les doigts, récupérant la graisse qui s’écoule des
membres cuisant : « elles léchaient la graisse qui coulait sur les bâtons du boucan en
113
répétant constamment Ygatou, "c’est bon" » . Les Indiennes deviennent plus inquiétantes,
« leur visage change, [devenant] grimaçant, leurs yeux brillent d’inquiétante façon, l’une
114
d’elles jette un regard menaçant sur le spectateur. » Tout au long de ces scènes qui
démontrent les formes les plus horribles, pour les Européens, du rite anthropophage,
l’aspect physique des Amérindiennes, plus que celui des Tupinamba mâles, change et
apparaît plus édifiant : elles semblent irrésistiblement attirées par l’odeur de la chair
humaine, de la nourriture, depuis la mise à mort, jusqu’à la cuisson, allant même jusqu’à se
lécher les doigts, évitant ainsi de perdre la plus infime goutte de nourriture humaine. Plus
que les hommes ce sont elles qui sont présentes sur les images relatives à cette pratique, et
Un personnage récurrent sur cette série de planches ne semble pas du tout acquiescer
à cette pratique : l’Européen prisonnier des Tupinamba. Staden a abandonné toute tentative
vénéré, lui interdit d’intervenir précisément dans un rite qui lui échappe, et dont il ne
comprend pas toute la complexité. Aussi, De Bry nous indique un Staden reconnaissable au
premier coup d’œil, par sa blancheur, contrastant avec les Tupinamba, burinés par le soleil.
Ce premier apparaît, dans ces images, tel un dieu chez les sauvages, se rapprochant ainsi,
par cette allure, des représentations médiévales du dieu chrétien. L’auteur a pris soin
cependant de ne pas intégrer le malheureux dans les « cérémonies avec lesquelles les
117 118
sauvages tuent et mangent leurs prisonniers. » Présent sur la moitié de ces images , son
attitude dénote un dégoût certain relatif aux scènes auxquelles il assiste. Les mains jointes
119
(III, 22), les bras croisés sur le torse (III, 23), en signe de prière , ou les bras levés, attitude
120
qui « traduit son impuissance à réfréner de tels débordements » , il se tourne d’abord vers
son dieu pour demander une éventuelle protection contre ces choses horribles qui se
déroulent devant lui, puis abandonne la prière, comme dépassé par les événements. La
121
présence récurrente de ce personnage permet d’attester l’authenticité de ces cérémonies :
122
« J’ai vu toutes ces cérémonies, et j’y ai assisté. »
De Bry fait d’ailleurs parler Hans Staden en utilisant des termes indiens, comme
massarana, pour désigner la corde, ou encore iwera pemme pour la massue. L’utilisation de
123
ces mots indigènes symbolise les échanges qui ont eu lieu entre le captif et ses maîtres . Il
est important de préciser que Théodore de Bry a pour beaucoup repris les images de
l’auteur original, qu’il a perfectionnées par les détails qu’il avait glanés, mais aussi par des
éléments de son invention propre. Le texte est lui aussi en partie le texte originel, celui de
Staden lui-même. L’utilisation régulière des mots amérindiens montre donc clairement une
L’étude, bien que non exhaustive, d’une partie de l’œuvre de Théodore de Bry nous
Europe. Le graveur liégeois évoque deux images principales des peuples d’Amérique qui
viennent d’être découverts par l’Europe. La première, qui apparaît dès les premières
leur stature, qui semblent presque proches des populations européennes, en raison de la
posture que l’auteur leur donne. En effet, suivant les règles observées depuis le
124
commencement de la révolution artistique caractéristique de la Renaissance , l’éditeur
dépeint les peuples d’une manière très proche de celle utilisée en Europe depuis près d’un
sont des mœurs considérées comme barbares, sauvages, qui sont décrites. Ainsi, devant la
manière dont les Indiens tupinamba préparent leurs victimes qui servent bientôt de repas à
l’ensemble de la tribu, les Européens tendent à considérer que les populations autochtones
documentaire portant sur une ethnie numériquement modeste va essaimer dans toute l’aire
Bibliographie
Sources :
De Bry Théodore, Théâtre du Nouveau Monde : les Grands Voyages, Découverte Gallimard
Albums, 1992, Paris.
Staden Hans, Nus, féroces et anthropophages, Métailié Suites, Trad. fr. Henri Ternaux
Compans, 2005, Paris.
Ouvrages :
Arens William, The Man-Eating Myth. Anthropology and Anthropophagy, Oxford University
Press, 1979, Oxford.
Bucher Bernadette, La sauvage aux seins pendants, Hermann, Collection savoir, 1977,
Paris.
Combès Isabelle, La tragédie cannibale chez les anciens Tupi-Guarani, PUF, 1992, Paris.
Duchet Michèle (s.d.), L’Amérique de Théodore de Bry, une collection de voyages
protestante du XVIe s. : quatre études iconographiques, Editions du CNRS, 1987, Paris.