sa v o i rs e t p ra t i q u e s

coaching

Le coaching à l’hôpital,
quelle nouvelle donne managériale
pour le cadre de santé ?
❚ Le coaching ne parvient pas à se faire une place à l’hôpital, soit par méconnaissance
de ses personnels, soit par crainte ❚ Dans un cas comme dans l’autre, il importe de le
démystifier ❚ Ni idéologie ni mouvement sectaire, sa pratique devrait, avec les différentes
réformes hospitalières en cours, se généraliser ❚ Quelles sont les multiples facettes
du coaching applicables en secteur hospitalier ? ❚ Comment différencier sans les opposer
la gestion des ressources humaines et le management par le coaching ? ❚ Enfin, comment
le coaching peut-il interpeller les cadres de santé dans leur pratique managériale ? PASCAL BARREAU

INTÉRÊTS DU COACHING ❚ Le coaching d’affirmation de soi

Lou plutôt
e terme “coaching” vient à
l’origine du français “cocher”
“coche”, qui lui-même
proviendrait du mot hongrois
“kocsi”, nom d’une bourgade où
furent construites au Moyen-Âge
des diligences à la fois solides et
confortables, autorisant les longs
voyages.
Au milieu du XIXe siècle, le mot
“coach” désignait celui qui prépa-
rait l’étudiant en vue d’une
épreuve. Aujourd’hui, il est cou-
ramment utilisé dans le monde
du sport, car il est fortement
connoté par la recherche de la
performance.
Passé de l’enseignement au sport,
et plus récemment au manage-
ment, le coaching s’inscrit dans
une longue tradition d’accompa-
gnement et de dépassement de
soi. L’hôpital cultive également la
tradition de l’accompagnement
thérapeutique. Faut-il y voir un
frein à l’introduction d’un accom-
pagnement différent, rien de
moins sûr ?
En quoi le coaching innove-t-il en
matière de management hospita-
lier ? Existe-t-il une typologie des
différentes formes de coaching ?
Enfin, comment distinguer la ges-
tion des ressources humaines du
À L’HÔPITAL
Le coaching à l’hôpital demeure
rare. Pourtant, compte tenu des
enjeux socio-économiques aux-
quels il est confronté, ce dernier
devrait s’y développer, car il y
répond pleinement. Pour ce faire,
il convoque le sujet dans sa réalité
en l’aidant à :
• atteindre ses objectifs ;
• attribuer du sens à son action ;
• externaliser son potentiel ;
• surmonter les obstacles ;
• collaborer dans le respect de
l’autre ;
• s’autonomiser ;
• se responsabiliser ;
• renforcer son estime de soi.
TYPOLOGIE DU COACHING
Parce que les sujets n’éprouvent
pas tous les mêmes besoins d’ac-
compagnement, le coaching se
décline et s’adapte1. Celui-ci est
avant tout une histoire de ren-
contre, et sa réussite réside en par-
tie en la capacité du coach à
répondre de façon singulière aux
besoins du “coaché”. Pour cela, il
a à sa disposition une pluralité de
coaching qui dessinent les grands
contours du cadre tout en laissant
la liberté au coach de personnali-
aide le sujet à développer sa
confiance, à promouvoir son
MOTS CLÉS
• Accompagnement
potentiel. Il amène à analyser et à
• Cadre de santé
gérer les inhibiteurs de la prise
d’initiative. • Coaching
❚ Le coaching d’intégration, plus • Encadrement
connu sous le vocable de “coa- • Gestion
ching de prise de poste”. Proposé des ressources
aux nouveaux arrivants, il permet humaines
de les sécuriser dans un univers • Hôpital
professionnel qui peut leur appa-
• Management
raître hostile, car étranger. Le
par le coaching
coaching d’intégration aide à éla-
borer et à personnaliser sa pos-
ture.
❚ Le coaching d’évolution apprend
à gérer le changement. L’hôpital
n’a jamais eu dans son histoire à
relever autant de défis, le dernier
en date étant la nouvelle gouver-
nance. Cette réforme bouleverse
en effet l’organisation et entraîne
des restructurations en cascade.
Un coaching individuel ou d’é-
quipe (team-building) peut aider à
lever des résistances qui émer-
gent. Pour Dominique Genelot,
« la conquête que nous avons à faire
est une conquête mentale : passer du
concept de changement à celui d’évo-
lution permanente, passer de la vaine
et fébrile conception d’un modèle idéal
à la patiente construction d’un deve-
nir idéalisé »2.
▲

management par le coaching. ser son accompagnement.

SOiNS CADRES DE SANTÉ - Supplément au n° 66 S17

 sa v o i rs e t p ra t i q u e s

❚ Le coaching de résolution LE DÉFI DES CADRES DE SANTÉ :

▲
plus à mener à bien son travail. Sa
NOTES de conflit s’emploie à instaurer compétence n’est pas discutée, PASSER DE LA GESTION DES
1. Hevin B, Turner J. un climat propice à une commu- mais pour des raisons qui lui RESSOURCES HUMAINES AU
Manuel de coaching. nication assertive, c’est-à-dire res- échappent, il ne réussit plus à MANAGEMENT PAR LE COACHING
Paris : InterÉditions, pectueuse de soi et de l’autre. Il remplir sa mission. Cela peut être Lorsque le cadre de santé inscrit
2007.
s’agit d’estomper les efforts imputable notamment à une dans sa fonction d’encadrement le
2. Genelot D. Manager déployés à l’énergie de cohésion usure dans la fonction ou à une management par le coaching, il
dans la complexité :
au profit de celle de production, nouvelle politique de l’établisse- réhabilite le professionnel dans son
réflexions à l’usage des
dirigeants. Paris: Insep
en mobilisant la règle de la co-res- ment avec laquelle le “coaché” se statut de personne. Il impulse une
consulting, 2001. ponsabilité. trouve en désaccord. dynamique managériale qui
3. Lenhardt V.
❚ Le coaching de développement ❚ Le coaching d’étayage s’adresse dépasse les contours réducteurs de
Coaching. Paris: Dunod, professionnel permet aux person- aux agents qui arrivent à un virage la gestion des ressources humaines.
2006. nels désireux de booster leur par- existentiel. Ce genre d’interroga- En assurant au bénéficiaire le res-
4. Halbout R-M. cours professionnel, de clarifier tion survient vers le milieu de la pect de son identité, de ses souhaits
La place des outils dans leurs désirs d’évolution de car- vie. Au moment de cette crise de et de sa cohérence, il crée les condi-
le coaching. In Actualité rière et de faire le point sur leurs la quarantaine, le sujet mesure le tions favorables à la mise en œuvre
de la formation, mai- compétences. temps devant lui et des choix sont des compétences collectives.
juin 2002 ; 178. ❚ Le coaching des potentiels vise à à prendre. ❚ Qu’adviendrait-il si le coaching
préparer à de nouvelles responsa- ❚ Le coaching de soutien est en venait en lieu et place de la ges-
bilités, soit managériales, soit dans quelque sorte un coaching pré- tion des ressources humaines
une optique de reconversion. ventif, en ce sens qu’il s’opère (GRH) pour y substituer une ges-
❚ Le coaching de remédiation quand tout se passe bien. Il s’ap- tion humaine des ressources
consiste à accompagner un salarié parente à une veille intellectuelle (GHR) ? La première s’entend au
qui traverse des difficultés spora- ne requérant que très peu d’éner- travers d’une prise en compte glo-
diques. Le “coaché” ne parvient gie cognitive. balisante des personnels, tandis
que la seconde se distingue
FIGURE 1
par une prise en considéra-
Transposition de la gestion des ressources humaines vers le management par le coaching tion du sujet au travail. En
ce sens, la GHR s’apparente
à la philosophie humaniste
Critères Gestion des ressources humaines Management par le coaching du coaching, qui invite le
Attitude Position haute1 : montrer l’exemple, justifier. Position basse1 : guider les collaborateurs dans cadre de santé à prendre en
« De ma place, je vais résoudre le problème ». leurs initiatives. « Suis-je vraiment le mieux placé pour considération le sujet dans
résoudre le problème ? ». son statut de personne et
Valeur Garantir la loyauté hiérarchique. Garantir la loyauté envers les patients. « pas seulement dans son
Modalités Arrêter les choix politiques et stratégiques, Décider et négocier les scénarii, autorité de expression rationnelle mais
managériales puis décider des options tactiques, compétence, exercice hypothético-inductif du aussi dans ses émotions »3.
exercice déductif du pouvoir. pouvoir. Schématiquement, la trans-
Collaboration Proposer des axes délégataires : Accueillir les propositions : « Mon collaborateur peut- position de la gestion des
« J’apporte des bribes de solution, il (en partie ou en totalité) apporter une réponse à son ressources humaines vers le
ou la solution complète à mon collaborateur ». problème ? Que puis-je faire pour qu’à l’avenir mon management par le coa-
collaborateur trouve lui-même la solution ? ». ching se dessine comme
Performance Mobilisation de la performance par fonction Inscrire le sujet dans une dynamique de réussite par suit (voir figure 1).
ou poste. Primauté du résultat. une démarche projet, commune et signifiante. Si l’encadrement consiste
Créativité Formuler des idées. S’appuyer sur la force créative du groupe. effectivement en une série
Temps Temps “calculette” (chronos). Temps nécessaire (tempus). d’opérations (anticiper, pla-
Appréciation Mesure des objectifs en termes d’évaluation. Estimation des compétences mobilisées et de leur nifier, organiser, superviser,
efficience. contrôler…), toutes actions
Motivation Stimulus pavlovien. Analyse des souhaits du sujet au regard nécessaires à la gestion des
des contingences systémiques. ressources humaines, il ne
peut se réduire à elles
Source : Caudron L. Devenez manager coach. Paris : Éditions d’organisation, 2006.
seules. Lorsque l’art du
1. La question de la position fait référence à Socrate qui préconisait une position de même niveau pour débattre avec son inter- management par le coa-
locuteur. Par analogie, la position haute est l’attitude empruntée par la personne qui sait, et de ce fait s’élève au-dessus de tous ching dépasse l’espace for-
et tout. C’est la personne, qui ordonne et se place en situation de pouvoir. La position basse, a contrario, est la personne qui sait clos de la gestion des res-
qu’elle ne sait pas et par conséquent écoute. L’une et l’autre attitudes déterminent l’attention dévolue à l’interlocuteur. Dans la sources humaines, la
position haute, l’attention est égocentriste (déni de l’autre). Dans la position basse, celle-ci est altruiste (souci de l’autre). dimension gestionnaire s’es-

S18 SOiNS CADRES DE SANTÉ - Supplément au n° 66

 sa v o i rs e t p ra t i q u e s

tompe au profit de l’approche

holistique du sujet dans son
action.
❚ Le coaching n’est pas un simple
outil de gestion ; il repose sur des
méthodes managériales et des
outils humanistes éprouvés. Selon
Reine-Marie Halbout, « le coaching
est un processus qui favorise la prise de
conscience par une personne ou une
équipe de ses modes de fonctionnement
privilégiés, avec un objectif de dépasse-
ment de la situation dans laquelle cette
personne ou cette équipe se trouve »4.
❚ Avec le flot ininterrompu des
réformes, les hôpitaux doivent
faire face à des changements qui
n’épargnent personne. Dans ce
contexte en mutation perma-
nente, les personnels en perte de
repères ont besoin d’être accom-
pagnés. Le coaching peut les
aider à retrouver cette stabilité
ontologique qui leur fait défaut.
Ce coaching peut-il relever des
compétences du cadre de santé ?
Exemples de coaching
❚ M. P. est formateur en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi). Il a connu la mise en place
du dernier programme des études d’infirmier. Proche de la retraite, il souhaite concourir à la mise en
œuvre du nouveau référentiel. Son discours est résolument participatif, mais il se dit dépassé par une
réforme qui s’organise dans des sphères qui lui échappent. Après plusieurs rencontres, il émet l’idée
que l’indicateur de réussite de son coaching ne se situe plus dans une démultiplication forcenée du
nouveau programme, mais dans une mise à disposition de son savoir expérientiel. M. P. active deux
niveaux. Le premier consiste en un lâcher prise préparatoire à son départ à la retraite par la
transmission de ses savoirs. Le second vise à travailler son positionnement professionnel au sein de
l’équipe pédagogique. Le coaching s’apparente dans ce cas à un accompagnement au départ à la
retraite, en autorisant M. P. à apporter toute son expérience à ses collègues. Celui-ci appréhende ainsi le
nouveau programme comme une double opportunité : « Se retirer tout en restant dans le coup » (sic).
❚ Lorsque je rencontre pour la première fois Mme K., sa demande de coaching se présente
comme des poupées russes. Les problématiques se superposent, mais la plus profonde d’entre elles
reste indicible. Le cœur de la demande n’est pas formulé. Mme K. exerce le métier de cadre de santé de
proximité. Elle se dit en difficulté avec son équipe soignante, sans pour autant être en mesure
d’identifier clairement de quoi sont faites ces difficultés. L’adjectif démonstratif marque un mouvement
de réattribution causale des faits et par conséquent instruit une nécessaire objectivation des
événements. En outre, cette neutralisation de la personnalisation permet d’emblée de désaffectiver
l’urgence de la demande, en évitant au coach de se positionner en “couteau suisse de la solution”.
Mme K., comme souvent lors d’un premier entretien, ne sait pas par où commencer. Elle hésite et fait
preuve d’une grande prudence dans la prise de parole. Au terme de deux heures de rencontre, celle-ci
n’est pas parvenue à clarifier sa demande. Certes, le coaching s’inscrit dans une durée relativement
brève ; il ne s’agit pas pour autant de précipiter les choses au risque de malmener les personnes et de
passer à côté d’elles. Le temps conté devient alors un préalable à la co-construction.

LE CADRE DE SANTÉ-COACH
N’EXISTE PAS
❚ Le niveau de responsabilité du
cadre de santé s’opérationnalise
essentiellement sur le terrain. Les
grandes manœuvres lui échappent.
À lui les décisions tactiques, aux
décideurs les orientations straté-
giques. Sa place d’interface lui
confère une saisie globale du
système hospitalier sans jamais,
même s’il représente une réelle
force de proposition, impacter la
politique d’établissement. En
outre, c’est justement parce qu’il
ne participe pas directement aux
orientations politiques qu’il peut
investir pleinement sa fonction de
proximité, tant du côté des équipes
soignantes que des patients.
❚ Un regrettable amalgame véhi-
cule l’idée que la posture profes-
sionnelle n’est affaire que d’atti-
tudes. Il faut avouer que la
polysémie est facile, dans la
mesure où les dictionnaires les
donnent pour synonymes. Dans
ces conditions, seul un examen
approfondi des modalités d’ac-
tion du coach peut distinguer pos-
ture et attitude.
La posture du coach se situe au
niveau symbolique de l’interven-
tion. Son autonomie réside dans
son extériorité. Quant au cadre
de santé, en prise permanente
avec les problématiques internes,
il s’échine à changer d’attitudes
au gré des ordonnancements, à
l’image d’”un caméléon sur une
couverture écossaise”.
❚ Il arrive au cadre de santé d’en-
dosser en une situation donnée
l’attitude coach, mais il lui est
impossible de la tenir, et ce, pour
deux raisons. D’une part, il
baigne dans la subjectivité institu-
tionnelle, dans la mesure où il
incarne la culture d’entreprise. Il
ne peut par conséquent qu’être le
garant des valeurs collectives.
D’autre part, il n’a pas reçu de for-
mation spécifique de coach, et
n’accepte que timidement les
bienfaits d’une supervision de ses
pratiques. Certes, le cadre de
santé introduit ça et là des atti-
tudes de coach dans son manage-
ment quotidien. Reste que son
poste, fondé sur le commande-
ment, éloigne la notion partena- BIBLIOGRAPHIE
riale, si chère au coach. • Lenhardt V.
Les responsables
CONCLUSION porteurs de sens.
❚ Pour l’heure, le coaching reste Paris: Insep Consulting
Éditions, 2007.
confidentiel à l’hôpital. Gageons
qu’avec l’inéluctable adaptation • Moral M, Angel P.
Coaching : outils et
aux exigences en matière de qua-
pratiques. Paris: Armand
lité des soins, la culture hospita- Colin, 2007.
lière va évoluer et, avec elle, le
management. Les cadres de santé
sont bien sûr directement
concernés par ce mouvement,
comme toute personne en res-
ponsabilité de management.
❚ Parce que la vie hospitalière est
un mouvement perpétuel et com- L’AUTEUR
plexe, mieux vaut être unis pour y Pascal Barreau,
faire face. Une ère nouvelle du cadre supérieur
changement est à construire à l’hô- de santé, formateur-
pital, fondée sur l’épanouissement consultant et coach,
psychologue et diplômé
personnel et collectif, celle-là
en ingénierie de
même que propose le coaching. formation,
Cela suppose pour le coach de pôle formation,
s’arrêter sur lui-même, sur les plans Centre Hospitalier
personnel et professionnel, et de Sainte-Anne, Paris (75)
rêver aujourd’hui aux conditions p.barreau@ch-sainte-
de mise en place de ce futur. ■ anne.fr

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