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MANAGERIS Synthèse
L'intelligence
émotionnelle
Daniel Goleman

Ouvrage sélectionné par : Michael Brimm,

Professor of Organizational Behavior à l'INSEAD
I D É E S C L É S

D
e nombreuses études ont montré que le QI ne permettait
pas de prédire la réussite professionnelle ou sociale. Il
a par exemple été démontré que les "stars" des fameux
laboratoires de recherche Bell ne se distinguaient pas par leur
QI, mais par leurs capacités relationnelles.

7 Prenez conscience de l'importance clé Page 4, [a]

d'une forme d'intelligence sous-esti-
mée : l'intelligence émotionnelle.

7 Découvrez les 5 piliers de l'intelligen-

ce émotionnelle :

• la conscience de ses propres émotions ; Page 5, [b]

• la maîtrise de ses émotions ; Page 6, [c]

• la capacité de se motiver ; Page 7, [d]

• l'empathie ; Page 8, [e]

• la maîtrise des relations avec les autres. Page 8, [f]

7 Prenez conscience de l'impact de l'in- Page 9, [g]

telligence émotionnelle sur la perfor-
mance de l'entreprise.

Daniel Goleman, docteur en psychologie, est

aujourd'hui journaliste après avoir enseigné à
l'université de Harvard.

Editions Robert Laffont, 1997, 422 pages.

MANAGERIS N° 52-1 3
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S Y N T H È S E D E
1.Le QI ne suffit
pas pour réussir
La réussite professionnel-
le ou sociale est peu liée au
QI. Elle dépend surtout
d'une autre forme d'intel-
ligence : l'intelligence émo-
tionnelle.
[a] Notre système de sélection
traditionnel est largement fondé sur
le Quotient Intellectuel (QI). Le
succès dans les études repose en
effet en grande partie sur la maîtri-
se d'aptitudes mathématiques et lin-
guistiques. On constate de fait une
forte corrélation entre la réussite
aux tests d'intelligence et les per-
formances scolaires. Et la qualité
du diplôme conditionne souvent les
opportunités offertes à un individu
lors de sa vie professionnelle.
En réalité, de nombreuses études
montrent que le QI est un mauvais
indicateur du potentiel de réussite
professionnelle ou sociale. Des cher-
cheurs ont retracé la carrière de 90
étudiants d'Harvard des années qua-
rante, à une époque où le niveau
de QI y était plus disparate qu'il ne
l'est aujourd'hui. Ils ont constaté
que ceux qui avaient obtenu les
meilleurs résultats aux examens
n'avaient pas mieux réussi que les
autres en termes de revenus ou de
statut professionnel. Ils n'étaient
pas non plus plus heureux de leur vie
privée. Une autre étude a été menée
sur 81 majors et seconds de pro-
motion de collèges de l'Illinois, sor-
tis en 1981. Ceux-ci ont continué à
obtenir d'excellents résultats à l'uni-
versité. Mais à l'approche de la tren-
taine, ils n'avaient pas mieux réussi
que la moyenne de leurs pairs.
Comme l'explique l'un des cher-
cheurs qui a mené cette étude : "Le
fait qu'un individu soit parmi les
premiers de sa classe montre seule-
ment qu'il est particulièrement apte
à obtenir de bonnes notes. Cela ne
nous apprend rien sur sa capacité à
réagir face aux vicissitudes de la
vie."
MANAGERIS N° 52-1
4
L’ O U V R A G E
Figure A : Les 5 piliers de l'intelligence
émotionnelle
maîtrise des relations
avec les autres
conscience de Intelligence
ses émotions émotionnelle
maîtrise de
ses émotions
Les avancées récentes de la psy-
chologie et de la neurobiologie per-
mettent d'expliquer ce phénomène.
Et de mettre en évidence une autre
forme d'intelligence, non mesurée
par le QI : l'intelligence émotion-
nelle. Nous allons décrire en quoi elle
consiste et pourquoi elle est essen-
tielle à la réussite professionnelle,
sociale et personelle. Nous verrons
aussi comment la développer.
2.Les 5
composantes de
l'intelligence
émotionnelle
L'intelligence émotionnelle
repose sur 5 piliers, qui
vont de la conscience de
ses propres émotions à la
maîtrise des relations avec
les autres.
David Pologruto, professeur de
physique dans un lycée de Floride,
fut un jour frappé à coups de couteau
de cuisine par l'un de ses meilleurs
étudiants. Celui-ci fut acquitté par
le tribunal, qui considéra qu'il avait
connu une folie passagère. Rêvant de
empathie
capacité de
se motiver
faire des études de médecine à Har-
vard, l’étudiant avait été furieux de
recevoir une mauvaise note et avait
agressé son professeur. Après son
acquittement, il fut admis dans un
collège privé et reçut son bac avec
mention "très bien".
Comment un individu aussi intel-
ligent a-t-il pu commettre un acte
aussi stupide ? Tout simplement
parce qu'un QI élevé n'a que peu de
rapport avec notre aptitude à gérer
nos émotions. Le QI reflète l'intel-
ligence théorique. Mais pas "l'in-
telligence émotionnelle", qui
recouvre l'ensemble des facultés
essentielles à la maîtrise de soi et des
relations avec les autres. Cette forme
d'intelligence, critique pour la réus-
site professionnelle et sociale, est
composée de 5 grands domaines
(figure A) :
- la conscience de ses propres
émotions, fondamentale pour la
maîtrise de soi et des relations
avec les autres ;
- la maîtrise de ses émotions,
qui permet de réagir au mieux
aux circonstances ;
- la capacité de se motiver, à la
base de tout accomplissement ;
- la perception des émotions
des autres, essentielle pour l'in-
telligence interpersonnelle ;
L'intelligence émotionnelle
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1 LA CONSCIENCE DE SES ÉMOTIONS
Bénéfices
7 nécessaire pour maîtriser l'influence de ses émotions sur ses actes
7 accroît la qualité de ses décisions
Pour développer cette faculté
7 s'efforcer de détecter et de formuler ses émotions dès leurs premiers
signes
- la maîtrise des relations avec
les autres, qui repose sur la
capacité de gérer les émotions
d’autrui.
Nous allons décrire chacune de
ces facultés et les aptitudes à déve-
lopper pour les renforcer.
7 La conscience de
ses émotions
La conscience de ses émo-
tions est la base de l'in-
telligence émotionnelle :
elle est nécessaire à la maî-
trise des réactions ins-
tinctives dictées par
l'émotion.
[b] La conscience de ses propres
émotions est le fondement de l'in-
telligence émotionnelle : elle est en
effet le préalable à la maîtrise des
réactions parfois malheureuses dic-
tées par l’émotion. Nous allons voir
pourquoi.
On sait maintenant que le cer-
veau humain possède deux sièges dis-
tincts pour le domaine des émotions
et le domaine de la pensée :
- Le siège des émotions s'appelle
l'amygdale : c'est une partie du
cerveau apparue avec les pre-
miers mammifères. Ses fonc-
tions sont de générer les
émotions, avec pour faculté
d'apprendre en fonction de nos
expériences passées. Ainsi, si
quelqu'un a été mordu par un
chien, l'amygdale générera auto-
matiquement un sentiment de
peur lorsqu'il en croisera un.
L'intelligence émotionnelle
- Le siège de la pensée, dénommé
le néocortex, est apparu beau-
coup plus tard dans l'histoire
de l'évolution. Beaucoup plus
développé chez l'Homme que
chez toute autre espèce, c'est
lui qui donne naissance à ce qui
est spécifiquement humain. Pour
reprendre notre exemple, c'est
le néocortex qui nous permettra
de ne pas nous enfuir devant le
caniche de la voisine, en nous
conduisant à prendre des déci-
sions autres que le réflexe qui
nous est dicté par la peur.
Être conscient de ses propres
émotions signifie que le néocortex
est pleinement informé des mes-
sages générés par l'amygdale. C'est
ce qui se passe lorsqu'au lieu de se
laisser aveugler par une colère folle,
nous pensons "je suis en colère" tout
en étant effectivement furieux. Cette
surveillance de l'amygdale par le
néocortex est préalable à la maîtri-
se de nos émotions : c’est elle qui per-
met à la pensée rationnelle
d’intervenir pour éventuellement
modifier les actions que nous dic-
terait l’émotion.
La conscience de nos émotions
joue aussi un rôle très important
dans la prise de décision. Comme le
montre l'exemple qui suit. Elliot
était un avocat d'affaires réputé.
Atteint d'une tumeur au cerveau, il
fut opéré avec succès. Mais l'opé-
ration avait sectionné les liaisons
entre l'amygdale et le néocortex.
De ce fait, il était devenu entière-
ment inconscient des émotions qu'il
pouvait ressentir. Ses capacités intel-
lectuelles étaient intactes, mais il
est devenu incapable de prendre la
moindre décision. Par exemple, il ne
parvenait pas à fixer l'heure de ses
prochains rendez-vous chez le neu-
rologue : il dressait indéfiniment la
liste des avantages et des inconvé-
nients de chaque option, mais étant
incapable de "sentir" quel choix lui
convenait le mieux, il ne parvenait
pas à trancher !
Cet exemple illustre le rôle de la
conscience de nos émotions dans la
prise de décision. En effet, choisir
son associé ou son employeur, ou
encore décider de faire confiance à
quelqu'un, ne peut être entièrement
déterminé par la logique formelle.
Être conscient de notre ressenti per-
met de faire des choix plus en accord
avec nous-mêmes. De même, cela
permet de tirer parti de notre expé-
rience en tenant compte des infor-
mations que recèle notre mémoire
émotionnelle : nous pouvons alors
guider nos choix avec la connais-
sance que nous "sentons" un danger
ou au contraire une opportunité.
Il est donc précieux de permettre
à la pensée d'être informée de nos
émotions. Pour cela, il faut s'exercer
en cherchant à détecter et à formu-
ler nos ressentis dès leurs premiers
signes. En effet, à défaut de déve-
lopper cette capacité, beaucoup de
nos émotions restent inconscientes.
Ainsi, lorsqu'on montre la photo
d'un serpent à quelqu'un qui craint
les reptiles, des capteurs placés sur
la peau montrent que la personne
transpire, réaction caractéristique
de l'angoisse. Et cela même si la
photo a été montrée de manière si
furtive que la personne n'a pas
conscience d'avoir vu un serpent, ni
de ressentir la moindre peur ! La
conscience de ses émotions n'est
donc pas systématique : c'est une
faculté précieuse qui mérite d'être
développée.
7 La maîtrise de ses
émotions
La maîtrise de ses émo-
tions confère la faculté
d'agir de façon plus appro-
priée à la situation. Elle
permet aussi de conserver
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sa présence d'esprit en
toutes circonstances.
[c] Nous venons de voir que les
émotions sont indispensables à la
qualité de la prise de décision. Mais
des émotions excessives, mal maî-
trisées, peuvent être extrêmement
néfastes. Pour s'en convaincre, il
suffit de penser aux actes que l'on
commet ou aux paroles que l'on
prononce sous le coup de la colère
et que l'on regrette presque immé-
diatement après. Ou bien à l'an-
goisse qui paralyse les facultés de
certains étudiants lors des examens.
Ou encore à l'incapacité de réagir ou
de se battre qui frappe les personnes
atteintes de légère dépression.
Pour comprendre l'effet des
émotions mal maîtrisées sur notre
comportement, nous allons revenir
aux récentes découvertes sur le fonc-
tionnement du cerveau.
Traditionnellement, les spécia-
listes pensaient que les perceptions
étaient transmises par les organes
sensoriels (yeux, oreilles, etc.) au
néocortex, qui leur donnait un sens.
De là, des signaux étaient dirigés vers
l’amygdale, qui leur associait alors
une émotion nous incitant à l'action
(figure B). Dans la pratique, cela signi-
fiait que les émotions étaient une
conséquence de la pensée.
Des travaux récents ont montré
que cette théorie est inexacte. En
effet, on a découvert que les per-
ceptions peuvent parvenir directe-
ment des organes sensoriels à
l’amygdale, en court-circuitant le
néocortex. Celle-ci traite alors l'in-
formation beaucoup plus vite que le
néocortex, mais avec une bien
moindre précision. Cela signifie que
nos réactions émotionnelles peu-
vent court-circuiter nos réactions
rationnelles. Avec une réactivité
supérieure, mais sur la base d'une
appréciation très approximative de
la situation. Cela peut être précieux
à notre survie : par exemple lorsque
nous nous jetons instinctivement
en arrière pour éviter une voiture que
nous n'avions pas vue avant de tra-
verser la rue. Mais ce même méca-
nisme peut être néfaste dans notre
vie professionnelle et sociale. Par
exemple lorsque nous nous mettons
à tord en rage contre un collègue,
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6
parce que nous sommes prédisposés veau émotionnel possède aussi la
à interpréter ses propos de façon faculté de paralyser la pensée. Ainsi,
négative du fait d'une relation his- il a été montré que des émotions
toriquement difficile. fortes, comme l'angoisse ou la colè-
En plus de cette capacité de re, perturbent le fonctionnement
court-circuiter le néocortex, le cer- de la "mémoire active", c'est-à-dire
Figure B : Les émotions sont des incitations à
l'action
Les émotions constituent des incitations physiologiques à l'action.
Dans un lointain passé, les réactions qu'elles généraient ont eu une
valeur de survie. Mais elles sont maintenant parfois inadaptées dans notre
civilisation actuelle.
La colère
- entraîne un afflux de sang vers les mains, permettant de saisir plus
rapidement une arme ou de frapper
- entraîne une sécrétion d'hormones comme l'adrénaline, qui génère
un état de vigueur accrue
La peur
- dirige le sang vers les muscles du mouvement du corps, ce qui pré-
pare à la fuite
- paralyse le corps un instant, ce qui permet de décider s'il vaut mieux
fuir ou se cacher
- entraîne une sécrétion d'hormones qui fixent l'attention sur la mena-
ce imminente
Le bonheur
- accroît l'activité du centre cérébral qui inhibe les sentiments néga-
tifs
- génère un apaisement général qui permet de se remettre rapidement
de l'effet biologique des contrariétés et favorise l'envie d'agir
La surprise
- provoque un haussement des sourcils qui accroît la quantité de
lumière atteignant la rétine et élargit le champ visuel, permettant de
disposer de davantage d'information sur l'événement inattendu
La tristesse
- provoque une chute d'énergie et un manque d'enthousiasme en
particulier pour les distractions et les plaisirs, ce qui incite à un
repli sur soi permettant de tirer les conséquences d'un deuil ou d'un
espoir déçu et de projeter un nouveau départ
L'intelligence émotionnelle
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s'expose à une auto-excitation

1 LA MAITRISE DE SES ÉMOTIONS contre-productive.

Bénéfices Des techniques du même ordre

7 évite des actes irréfléchis provoqués par le court-circuitage de la pen- - consistant à adopter une attitude
sée par les émotions critique ou à se distraire des pensées
7 permet de conserver sa concentration et sa présence d'esprit en qui nourrissent l'émotion - permet-
toutes circonstances tent de lutter contre l'anxiété ou la
tristesse.
Pour développer cette faculté
7 Réagir dès les premiers signes d'apparition de l'émotion
7 combattre la montée en puissance ou la persistance de l'émotion en
adoptant une attitude critique face aux pensées qui la nourrissent
7 pratiquer des techniques de relaxation ou des activités qui aident à 7 La capacité de se
se détourner des pensées qui nourrissent l'émotion motiver

la capacité de garder en mémoire les
données nécessaires pour résoudre
un problème ou accomplir une tâche.
Ce qui explique que nous sommes
parfois "incapables de nous concen-
trer".
Compte tenu de cette faculté
du cerveau émotionnel de court-
circuiter ou paralyser la pensée, on
comprend bien l'importance de maî-
triser ses émotions. Or, le fonc-
tionnement du cerveau est tel que
nous ne maîtrisons pas ou peu le
moment où se déclenchent nos émo-
tions, ni leur nature. Mais, sauf dans
les cas pathologiques, nous avons la
faculté d'en limiter la durée ou l'in-
tensité. Nous allons l'illustrer en
prenant le cas de l'émotion négati-
ve la plus difficile à maîtriser : la colè-
re.
Le danger de la colère est qu'el-
le a tendance à s'auto-alimenter. En
effet, la colère entraîne une libéra-
tion de cathécholamine, génératri-
ce d'un afflux d'énergie pendant
quelques minutes, ainsi qu'une pous-
sée d'adrénaline plus durable. Cet
état d'excitation est séduisant et
explique pourquoi beaucoup ont
tendance à vouloir laisser libre cours
à leur colère. Mais le risque, en
ruminant ou en laissant aller sa colè-
re, est de générer d'autres libéra-
tions successives de cathécholamine,
qui accroît le niveau d'excitation et
conduit rapidement à une escalade
vers la fureur. Le cerveau pensant est
alors paralysé, et l'individu peut être
conduit à des actes qu'il regrettera
amèrement par la suite.
Pour lutter contre ce phénomè- La capacité de se motiver
ne, deux solutions ont été identi- est à la base de tout accom-
fiées : plissement. Elle repose sur
la maîtrise de ses pulsions
• Dès le déclenchement de la et la capacité de conser-
colère, faire l'effort de contes- ver une humeur positive
ter intérieurement les pensées et optimiste.
qui conduiraient à sa montée en
puissance. [d] La capacité de se motiver est
Cela permet de prendre le un atout précieux dans la réussite
contre-pied du phénomène d’auto- professionnelle. En effet, c'est elle
alimentation de la colère. Plus tôt cet qui permet de persévérer face aux dif-
effort a lieu, plus il est efficace : ficultés. Or, la différence entre l'ex-
passé un certain stade, le néocortex cellence et une performance
est en effet paralysé et nous sommes honorable s'explique souvent par
incapables de cet effort intellectuel. la persévérance. Plusieurs études
l'ont montré. Ainsi, on a constaté que
• Se distraire temporairement de les élèves de violon les plus brillants
l'objet de sa colère, afin de lais- du meilleur conservatoire de Berlin
ser passer la poussée d'adré- avaient pratiqué leur art pendant
naline. 10.000 heures, contre une moyen-
Par exemple, si une dispute s'en- ne de 7.500 heures pour leurs col-
venime, il est conseillé de l’inter- lègues. Les champions internationaux
rompre pour partir faire une d'échecs ont commencé à jouer à 7
promenade, pratiquer des méthodes ans, alors que les joueurs de classe
de relaxation ou se distraire par la nationale n'ont commencé qu'à 10
télévision ou la lecture. Quelle que ans. De même, les élèves d'origine
soit la méthode choisie, il faut veiller asiatique obtiennent en moyenne
à ce qu'elle détourne la pensée du de bien meilleurs résultats scolaires
sujet de colère, faute de quoi on que leurs camarades : une étude a
montré que cela n'est pas dû à une
1 LA CAPACITÉ DE SE MOTIVER
Bénéfices
7 confère la persévérance essentielle à tout accomplissement
Pour développer cette faculté
7 développer la maîtrise de ses pulsions
7 entretenir son optimisme en recherchant la cause des échecs dans la
situation et non dans sa propre personnalité

L'intelligence émotionnelle MANAGERIS N° 52-1

7
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différence de QI, mais de motivation
et de dédication à leur travail sco-
laire.
La capacité de se motiver repo-
se sur deux facultés, qu'il faut s'ef-
forcer de développer :
• Savoir maîtriser ses pulsions
en vue d'atteindre un objectif
à plus long terme.
Une expérience frappante a per-
mis de mettre ce phénomène en
évidence. Des enfants de 4 ans ont
été mis devant le dilemme suivant :
s'ils acceptaient de patienter le temps
que l'expérimentateur fasse une cour-
se, ils recevraient deux bonbons ; à
défaut, ils avaient le droit de prendre
le bonbon placé en face d'eux, mais
n'auraient pas droit au deuxième
bonbon. Ces enfants ont été suivis
jusqu'à la fin de leurs études secon-
daires. Il s'est avéré que ceux qui
avaient su résister étaient de bien
meilleurs élèves que les autres : le
résultat au test du bonbon prédi-
sait 2 fois mieux que le QI le résul-
tat aux examens d'entrée à
l'université !
• Savoir entretenir une humeur
positive et optimiste.
Nous allons illustrer cela par
une expérience réalisée sur une
population de vendeurs de polices
d'assurances. Un chercheur a consta-
té que, sur leurs 2 premières années
d'activité, les vendeurs optimistes
réalisaient 37 % de ventes de plus
que leurs collègues pessimistes. Il a
alors convaincu une compagnie d'as-
surances d'embaucher des candi-
dats qui avaient de bons résultats aux
tests d'optimisme, mais avaient
échoué aux autres tests d'admission.
Au cours de la première année, leur
chiffre d'affaires a dépassé de 21 %
1 L'EMPATHIE
Bénéfices
7 facilite les relations avec les autres
Pour développer cette faculté
7 apprendre à déchiffrer les signaux non verbaux
7 renforcer la conscience et la maîtrise de ses émotions
MANAGERIS N° 52-1
8
1 LA MAITRISE DES RELATIONS AVEC LES AUTRES
Bénéfices
7 précieux pour toute activité s'appuyant sur des relations interpersonnelles
(la vente et le management, bien sûr, mais aussi la R&D, comme le montre l'exemple
de Bell, cité en partie 3)
Pour développer cette faculté
7 apprendre à se "synchroniser" sur ses interlocuteurs (mêmes expressions
du visage, mêmes rythmes de gestes, même ton de voix, etc.)
celui des pessimistes. Et de 57 % au
cours de la deuxième année !
Cette différence de performan-
ce s'explique par une attitude "émo-
tionnellement intelligente" face à
l'échec. Suite à de multiples refus, les
optimistes ne se laissent pas aller
au défaitisme ("je ne vaux rien, je ne
parviendrai jamais à vendre"). Ils
considèrent au contraire que c'est la
situation qui est responsable de
l'échec, et non eux-mêmes. Ils ana-
lysent donc leur façon d'agir, et
cherchent à la modifier pour pro-
gresser. Et atteignent ainsi de
meilleurs résultats.
7 L'empathie
L'empathie est à la base
de la maîtrise des rela-
tions avec les autres. Elle
repose sur la capacité de
déchiffrer des signaux non
verbaux.
[e] L'empathie - la faculté de
percevoir les émotions des autres -
est une qualité clé de l'intelligence
émotionnelle. Elle est particulière-
ment précieuse pour la vente ou le
management des hommes.
L'empathie consiste principa-
lement à savoir déchiffrer les signes
non verbaux dans la communica-
tion avec les autres : gestes, expres-
sions du visage, intonations de la
voix. En effet, il est rare que les
individus expriment verbalement
leurs émotions. Pour percevoir les
émotions d'autrui, il faut donc com-
prendre les signaux non verbaux.
Un test, réalisé auprès de 700 per-
sonnes dans 19 pays, a montré que
savoir déchiffrer les sentiments à
partir de tels signaux permet de
mieux adapter ses émotions à la
situation et d'être plus apprécié des
autres.
Ici encore, la conscience et la
maîtrise de ses propres émotions
sont clés. En effet, il a été montré que
la sensibilité à ses propres émotions
accroît la capacité de déchiffrer
celles des autres. Et que lorsque
nous sommes sous l'emprise d'une
forte émotion, nous sommes moins
réceptifs à celles des autres.
7 La maîtrise des
relations avec les
autres
La maîtrise des relations
avec les autres est renfor-
cée par la capacité de syn-
chroniser son attitude sur
celle de son interlocuteur.
[f] L'art des relations avec autrui
est fondé sur la capacité de connaître
les sentiments de l’autre afin de pou-
voir les influencer. Cela repose bien
sûr sur l'ensemble des facultés que
nous avons précédemment décrites.
En particulier, il faut savoir maîtri-
L'intelligence émotionnelle
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ser ses émotions pour pouvoir com-
muniquer celles que l'on juge appro-
priées.
La capacité d'influencer l'émo-
tion des autres repose principalement
sur le phénomène de "synchroni-
sation" des émotions. Celui-ci consis-
te à transmettre ses émotions par
mimétisme, en se plaçant en quelque
sorte sur la même "longueur d'onde"
que ses interlocuteurs. En effet :
- D'une part, il a été observé que
nous imitions inconsciemment
l'expression émotionnelle de
nos interlocuteurs : lorsque nous
voyons un visage souriant ou
en colère, de légers mouvements
de nos muscles faciaux, imper-
ceptibles à l'œil nu, montrent
que nous adoptons une expres-
sion similaire. Ce mimétisme
conduit à recréer en nous l'hu-
meur de l'autre.
- D'autre part, cette transmission
d'émotion se fait d'autant mieux
que le comportement des inter-
locuteurs est synchrone : mêmes
gestes au même moment, même
ton de voix, même expression du
visage, etc. Cet ajustement réci-
proque d'attitude reste d'ailleurs
généralement inconscient pour
les interlocuteurs.
Ainsi, pour influer sur les émo-
tions de ses interlocuteurs, il faut
dans un premier temps parvenir à se
synchroniser sur eux, puis progres-
sivement faire passer les émotions
que l'on souhaite transmettre.
3.Implications
pour le
manager
L'intelligence émotionnelle
joue un rôle clé dans la
performance de l'entre-
prise.
[g] Compte tenu des qualités
qu'elle confère, il est clair que le
manager a tout intérêt à développer
son intelligence émotionnelle, ainsi
qu'à la rechercher chez ses colla-
borateurs ou partenaires.
Les deux exemples qui suivent
permettent d'illustrer à quel point
cette faculté est précieuse pour la
performance de l'entreprise :
• Merlburn McBrown était
un patron autoritaire. Il intimidait ses
collaborateurs. Il en est mort.
En effet, McBrown était pilote
de ligne. Un jour de 1978, alors
qu'il approchait de l'aéroport, il se
rendit compte que le train d'atter-
rissage fonctionnait mal. Il se mit à
décrire des cercles, tout en tentant
de remédier au problème. Pendant
ce temps, la jauge du carburant se
rapprochait de zéro. Mais le copi-
lote redoutait tellement la colère
de son supérieur qu'il n'osa rien
dire. L'avion s'est écrasé, faisant 8
morts.
Il s'agit bien sûr d'un cas extrê-
me. Mais il illustre bien les dys-
fonctionnements qui peuvent se
produire dans l'entreprise en l'ab-
sence de maîtrise des facteurs émo-
tionnels. On comprend l'effet néfaste
que peut avoir sur ses collègues l'in-
capacité d'un collaborateur à maî-
triser sa colère ou à comprendre ce
que ressentent les autres. En parti-
culier, comme nous l'avons vu, des
émotions négatives trop fortes per-
turbent fortement la capacité de
raisonner.
• Une étude sur les cher-
cheurs du laboratoire Bell à Prince-
ton met clairement en évidence
l'effet bénéfique de l'intelligence
émotionnelle sur la performance
des collaborateurs.
L'étude a montré que les "stars"
de ce centre de recherche réputé
ne se distinguent pas des autres
chercheurs par leur QI, mais par
leurs capacités relationnelles. Les
meilleurs travaillent plus efficace-
ment car ils cultivent des relations
avec un grand nombre de personnes
dont ils pourraient avoir besoin à des
moments critiques. Quand ils ont
besoin d'une aide ou d'un conseil, ils
obtiennent la réponse immédiate-
ment. Tandis que leurs collègues
perdent un temps précieux à contac-
ter les divers spécialistes et à attendre
qu'ils veuillent bien leur venir en
aide.

Dans l'ouvrage, vous trouverez aussi...

Les synthèses MANAGERIS visent à mettre en évidence les ensei-

gnements clés de l'ouvrage du point de vue d'un cadre dirigeant. Et non
à proposer un simple condensé du livre.

Dans le cas de L'intelligence émotionnelle, le choix de privilégier

l'exposé des idées importantes pour un manager nous a conduit à écar-
ter des passages intéressants d'un point de vue personnel. Par respect pour
l'auteur et l'éditeur, ainsi surtout que pour vous-mêmes, il nous semble
important d'attirer votre attention sur leur existence. Ainsi, dans l'ouvrage,
vous trouverez aussi des chapitres sur :
- la vie de couple ;
- la santé ;
- la guérison des traumatismes émotionnels ;
- l'éducation des enfants.

L'intelligence émotionnelle MANAGERIS N° 52-1

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C R I T I Q U E D E
Par Michael Brimm
Professor of Organizational Behavior à l'INSEAD
BIBLIOGRAPHIE :
• FRAMES OF MIND, Howard
Gardner, éd. Basic Books, 1983.
• LEADING MINDS : AN ANATO-
MY OF LEADERSHIP, Howard
Gardner, éd. Basic Books, 1995.
Publication mensuelle composée de deux
synthèses, éditée par MANAGERIS,
SARL au capital de 50 000 F,
RCS B 388 524 290
135, rue du Mont-Cenis • 75018 Paris
Tél : (33) 01 42 57 70 67
Fax : (33) 01 42 57 70 38
Directeur de la publication :
Marie-Caroline Lambert.
Relations avec les abonnés :
Sabine de Virieu
Copyright 1997.
Commission paritaire : 74245
ISSN : 1243-3462
Prix de l’abonnement (22 synthèses) :
France : 3 981,90 F TTC ;
dont TVA : 2,10 %.
Belgique : 19 117 FB
Suisse : 852 FS
Prix de la synthèse :
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Prix du numéro mensuel :
- tarif abonné : 387,98 FTTC
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Tarifs groupés : nous consulter
MANAGERIS N° 52-1
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L’ O U V R A G E
D
aniel Goleman, journaliste au
New York Times, a suivi pendant
de nombreuses années les pro-
grès de la recherche en sciences sociales.
Il regroupe dans cet ouvrage les résul-
tats des principales études sur l’intelli-
gence émotionnelle et met à profit
son talent de journaliste pour nous les
présenter de façon lisible sans pour
autant sacrifier à la rigueur. Il nous
offre ainsi une excellente introduction
à la compréhension du rôle des émo-
tions dans la performance des indivi-
dus.
N
otre compréhension de
l’influence des émotions sur
le comportement humain a
radicalement évolué ces dernières
années, au point de remettre totalement
en cause les théories classiques. Les
récentes recherches sur le cerveau ont
donné des explications physiologiques
à ce que nous interprétions comme un
phénomène social. C’est ainsi que la
pharmacologie remplace de plus en plus
la psychothérapie comme remède aux
problèmes psychologiques.
D
e même, les théories tradi-
tionnelles sur l’intelligence ont
été fortement remises en cause.
Depuis longtemps, elles sont criti-
quées pour l’absence de lien observé
entre l’intelligence et la performance
individuelle. Et plusieurs groupes eth-
niques ou nationaux ont accusé les
tests traditionnels d’être biaisés par des
préjugés culturels. C’est ainsi que le psy-
chologue Howard Gardner a avancé
l’existence de multiples formes d’intel-
ligence, non réductibles à la seule
mesure par le QI. Gardner a en parti-
culier montré l’existence d’une « intel-
ligence interpersonnelle », qui a ensui-
te été reprise par d’autres chercheurs
pour aboutir à la notion « d'intelli-
gence émotionnelle ».
L
’ouvrage est parfaitement adapté
à un public de managers. Les dif-
férentes composantes de l’intel-
ligence émotionnelle reflètent en effet
les qualités que l’on retrouve chez les
leaders. En premier lieu la maîtrise de
soi : conscience de ses émotions, maî-
trise de son comportement et auto-
motivation. Mais aussi l’aptitude à gérer
les émotions des autres ainsi que ses rela-
tions avec les autres.
L
’intelligence émotionnelle pour-
rait s'appeler “compétence émo-
tionnelle”, dans la mesure où il
s’agit d’une faculté qui peut s’acquérir
et se développer. Les méthodes pro-
posées pour renforcer son intelligen-
ce émotionnelle sont malheureusement
inspirées d’exemples uniquement amé-
ricains, ce qui demandera au lecteur de
les adapter au contexte européen. Tou-
tefois, elles reposent sur une réalité
psychologique qui transcende les fron-
tières : tout lecteur pourra donc aisé-
ment en tirer parti.
D
ans les prochaines années,
d’autres études sur le cerveau et
les fondements de l’intelligen-
ce vont certainement conduire à faire
évoluer les idées présentées dans cet
ouvrage, voire les remettre en cause.
Mais celui-ci constitue une façon
agréable de prendre en marche le train
rapide de la recherche sur ce sujet fas-
cinant.
L'intelligence émotionnelle