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Hypnose et neurologie
Hypnosis and neurology
D. Varin*, S. Baroukh-Liebskind**, L. Vadrot***
D
ans le cadre des soins apportés à une relation, une communication “sur mesure” avec un
personne souffrante, l’hypnose est une individu. Les ressources ainsi mobilisées sont elles-
pratique ancienne. Il est difficile de la consi- mêmes à l’origine de nouvelles potentialités.
dérer comme universelle ; toutefois, son utilisation L’hypnose est, depuis toujours, l’objet de craintes
en ce domaine est attestée dans de nombreuses et de fascinations, largement entretenues par
cultures. Le chamanisme, ancien et actuel, l’utilise le “spectacle”, qu’il s’agisse du cinéma ou du
en partie. Franz-Anton Mesmer (1734-1875), avec le cabaret. Cela contribue à la suspicion du public
magnétisme, est un représentant de cette pratique et des soignants, médecins et non médecins.
au XVIII e siècle (1). Jean-Martin Charcot (1825- Cette suspicion est en partie liée à cette “hypnose
1893) lui redonne une audience, ainsi que Sigmund spectacle” mettant en scène des prestidigitateurs
Freud (1856-1939) à ses débuts. Tombée dans et n’ayant rien de commun avec l’hypnose médicale
l’oubli, elle suscite un nouvel intérêt avec Milton et clinique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, au
Erickson (1901-1980) [2] et son approche non mythe du “pendule” conduisant à une amnésie totale
dirigiste, inaugurant ce qui prendra le nom, en et ainsi à la toute-puissance de “l’hypnotiseur” ou
France, de “nouvelle hypnose” (3, 4). Elle est actuel- encore à une perte de contrôle d’un patient à qui
lement utilisée dans de nombreux domaines, de nous pourrions faire faire ou faire dire n’importe
la psychologie à l’analgésie chirurgicale (5) pour quoi… voire quelque chose ! L’hypnose médicale est
ne citer que ces, peut-être, 2 extrêmes. Elle doit un acte soignant, très éloigné de la représentation
être pratiquée par des professionnels formés à cette spectaculaire. Elle vise à accompagner et à aider un
discipline, qu’ils soient infirmiers, psychologues ou patient en difficulté.
médecins, chacun ayant sa spécificité.
préfrontal s’avérant largement impliqué durant dont il aura pu être convenu lors de l’entretien
celle-ci. H.J. Crawford conclut de l’ensemble de préalable ou que le patient choisit lors de la transe.
ces études que l’hypnose est associée à une forte En fait, il vit ce souvenir, le sien, plus qu’il ne le revit.
capacité perceptive cognitive et attentionnelle. L’hypnose a ceci de particulier qu’elle est source de
Ces données s’intègrent parfaitement avec le fait distorsion du temps : ce souvenir devient le moment
que l’hypnose est un processus actif permettant au présent. Dans le vécu de ce souvenir, il (re)trouve
patient d’être acteur, accompagné d’une pratique où tous les éléments qui y sont associés (mobilisant
il n’est plus “simplement pris en charge”. ainsi la mémoire) : la vue, les sons, les contacts, les
odeurs, les goûts, afin que cette expérience soit la
plus accomplie possible. Par exemple, ce patient
Déroulement d’une séance présentant des crises comitiales, anxieux, envahi
par la maladie, fatigué et qui ne peut envisager
La séance a lieu, en fonction des circonstances, “une sieste imposée” : il choisit une escapade en
dans la chambre d’hospitalisation du patient ou montagne qui lui permettra de retrouver sensations
à l’occasion d’une consultation spécifique (15). physiques et émotions, améliorant sa qualité de vie
Un élément important, comme pour tout acte et réduisant la fréquence de ses crises. Cette étape,
soignant, est d’établir une relation fiable, confiante outre l’approfondissement de la transe, permet la
et sécurisante avec la personne. Lors de la séance mobilisation de ressources positives, d’instituer
initiale, l’hypnothérapeute vérifie l’indication de le patient dans un bien-être et une confiance
l’hypnose et l’absence de contre-indications ou de en lui-même, nécessaires, voire indispensables,
traitements mieux adaptés. Il s’enquiert des repré- au travail hypnotique. Peut commencer alors la
sentations qu’a le patient concernant l’hypnose, résolution d’un problème, la réalisation d’un soin,
souvent associée à la notion de manipulation, de le patient assurant le pilotage pour le mener à bon
perte de contrôle, d’influence. En fait, chacun de port. À l’aide des métaphores de l’hypnothérapeute,
nous a vécu un moment hypnotique. Lorsque, par il choisit et crée ses propres armes pour maintenir
exemple, nous sommes concentrés sur une tâche, la le cap, à l’allure qui lui convient.
lecture d’un livre ou la vision d’un film passionnants, La visualisation, également très allégorique, est un
nous sommes sans le savoir dans un état hypnotique. outil de l’hypnothérapeute. Elle permet notamment
La présence du praticien a pour fonction d’aider à d’associer une sensation à une image, à une couleur.
retrouver cet état et à l’approfondir. L’hypnose est Dans le domaine de la douleur, par exemple, celle-ci
un état, rappelons-le, évolutif, de concentration et est volontiers associée par les patients au rouge et à
d’abstraction, abstraction paradoxale car restant la chaleur. Le bleu est plutôt associé au froid, l’effet
ouverte, présente à l’extérieur. Lors de la transe potentiellement analgésique du froid peut être
hypnotique, le patient conserve le contrôle, il dirige retrouvé sur une zone douloureuse en y associant cette
sa transe et peut en sortir à tout moment si tel est coloration bleue. C’est ce que nous avons proposé à
son désir : le capitaine du navire reste maître à bord ! cette jeune femme présentant des douleurs neuro
Lors de cet entretien, il est utile de s’enquérir des pathiques d’origine centrale du membre supérieur.
sources d’intérêt et de plaisir de la personne. Cela Dans un premier temps, le soulagement est obtenu
permettra de construire ou de choisir des métaphores durant la séance d’hypnose avec la réapparition de
adaptées. Ces préalables visant à expliquer ce qu’est la douleur au décours de celle-ci. Après 5 séances et
et ce que n’est pas l’hypnose permettent de rassurer la réalisation de suggestions post-hypnotiques, le
le patient, de créer une relation de confiance. Lors de contrôle de la douleur, bien qu’incomplet, lui permet
cet entretien, le nombre de séances souhaitables est de reprendre une vie plus adaptée à ses souhaits.
également envisagé dans cette situation particulière, Une remarque s’impose toutefois : il ne doit pas y
encore une fois en tenant compte des souhaits du avoir de généralisation abusive car, comme nous
patient, de sa connaissance de lui-même, en relation le signalions, le travail hypnotique repose sur une
avec les connaissances de l’hypnothérapeute. approche individuelle. Tout comme la personne a
Le patient est assis ou allongé selon ses possibilités vécu un souvenir, il est possible de lui proposer de
et ses souhaits. Il est invité à se concentrer sur ses vivre, pendant la transe hypnotique, un moment du
sensations présentes (par exemple, une douleur futur, moment où elle pourrait être confrontée au
envahissante) et, partant de celles-ci, il peut en problème en question (par exemple, une exploration
découvrir, en expérimenter d’autres. La personne appréhendée), et de le vivre avec toutes les ressources
est conviée à revivre un souvenir agréable, souvenir dont elle dispose maintenant, pour son déroulement
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