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algré la crise récente, nous continuons à l’entreprise. Cette nouvelle attitude, axée sur l’humain, n’est
nous diriger tout droit vers une guerre pas du tout un signe de faiblesse. Elle doit faire s’épanouir et
ayant pour enjeu les talents. Elle a même prospérer le noyau dur de ses activités.
déjà éclaté pour tout un éventail de professions et
de compétences. Beaucoup trop de seniors quit- Dans ce dossier, vous découvrirez comment des dirigeants
tent le marché du travail et trop peu de jeunes d'entreprise et de nombreux responsables RH ont évolué
aptes y entrent. C’est ce qui explique pourquoi avec succès sur cette voie. Ceux qui, demain ou après-de-
les rapports entre employeur et salarié s’in- main, veulent enregistrer de bons résultats y trouveront cer-
versent. Quelle est la portée concrète de tainement matière à réfléchir. Entre autres sur le message fon-
cette tendance pour la politique RH damental, qui est que l’humain est votre meilleure arme.
des entreprises ?
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“proches
travailler pour une noble cause. Les scientifiques peuvent con-
Les collaborateurs se sentent très tribuer à lutter contre les malades du monde entier et apporter
une immense aide aux pays en voie de développement. Pour le
de nos valeurs. Nous devons
personnel de production, l’ambiance de travail est cruciale.
notre réussite au développement de Nous sommes exigeants, mais justes à leur égard. Notre rému-
leurs compétences” nération est 'convenable à attrayante'.”
Jean Stéphenne (GSK Biologicals)
La clé ? Une vision partagée
Le chef d’entreprise ne doute pas un seul instant de l’importan-
prend en charge l’ensemble de la trajectoire, de la recherche ce du personnel pour le bon fonctionnement de l’entreprise.
au marketing, ce qui représente un chiffre d’affaires de plus “Les collaborateurs se sentent très proches de nos valeurs.
de 4 milliards EUR. Nos effectifs ont doublé au cours des qua- Nous devons notre réussite au développement de leurs com-
tre dernières années. Nous avons recherché beaucoup de tra- pétences.” Le résultat : une rotation d’à peine 1 à 2%. La forte
vailleurs en production au niveau local et nous avons atti- croissance des années précédentes a permis tant d’intégrer de
ré des chercheurs de toute
l’Europe.”
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nouveaux venus que de faire évoluer les collaborateurs actuels. La société pharmaceutique propose d’ailleurs à ses meilleurs sta-
“Mais c’est un mariage difficile. Les jeunes veulent vite évoluer giaires et à tous ses cadres une formation polyvalente. “On ne
dans leur carrière. Si l’on ne leur offre pas de perspectives de devient cadre que lorsque l’on a accompli un parcours varié. Les
carrière suffisantes, ils partent au bout d’un an ou deux. Il faut nouveaux venus doivent également se faire une vision complète,
donc vite ancrer les connaissances acquises.” se créer un réseau et suffisamment de points de référence.”
Une lourde tâche pour les RH, donc. Mais une tâche que GSK
Biologicals ne confie plus uniquement aux professionnels des Sauver des vies est une motivation
RH. “Le chef hiérarchique doit aider son personnel à évoluer et Jean Stéphenne ne se laisse certainement pas guider par les
créer un climat d’intégrité et de respect, sans être paternaliste. caprices de la mode en management. “Il faut sentir quelles sont
Un cadre doit faire en sorte que les choses se déroulent comme les véritables grandes tendances. Nous avons conçu des vaccins
il faut. On ne peut utiliser la ‘marque’ des collaborateurs que combinés pour plusieurs maladies, ce qui représentait un avan-
s’ils se sentent bien et appréciés à leur poste. Une entreprise ou tage concurrentiel. Nous avons très vite affiché nos ambitions
une équipe n’est pas une démocratie, bien sûr. Quelqu’un doit internationales. Comme GSK est leader de marché dans le do-
montrer la voie. Mais il faut le faire en concertation et en créant maine des vaccins, les collaborateurs apprécient la signification
de la solidarité. Une vision partagée, voilà la clé.” sociale des produits. Les gens savent qu’ici ils peuvent sauver
des vies partout dans le monde. Les scientifiques veulent sou-
Les RH concrétisent les valeurs vent sauver des vies.”
Les professionnels des RH ont, en revanche, un rôle bien clair à Ce n’est pas un hasard si GSK Biologicals a su convaincre un cer-
jouer, selon Jean Stéphenne. “Ils doivent garantir que les cad- tain Bill Gates d’investir une partie de ses 20 milliards de dollars
res sont à la bonne place, non seulement pour enregistrer des en dons de vaccins. “Nous sommes actuellement dans la der-
résultats, mais aussi pour concrétiser les valeurs. L’attitude est nière phase de développement d’un vaccin contre le paludisme.
aussi importante que le résultat. Les diverses fonctions sont par Le marché cible n’est pas ‘riche’, mais avec le soutien des auto-
ailleurs d’égale importance : chercheur, marketeur ou travailleur rités et des philanthropes, nous pouvons faire des choses très
de la production. Croyez-moi, cela ne marche pas si les uns raisonnables. Le travail de recherche est également rentable, car
gagnent beaucoup plus ou si l’on fait beaucoup plus appel à nous avons tiré de cette recherche des médicaments pour la
certains qu’à d’autres. On accorde la même valeur à tous. Il doit lutte contre le cancer. Dans cette société ouverte, les jeunes ai-
également y avoir un respect mutuel entre les services et les ment visiblement mettre à profit leur talent”,
personnes. Cela manque fréquemment dans les constate Jean Stéphenne.
organisations. Elles sont dominées par le mar-
keting par exemple.” Cette attractivité sur le mar-
ché du travail donne une
Laisser évoluer forme concrète aux valeurs
Les compétences font ici office de passerelles en- fondamentales de transpa-
tre les services. “Les cadres ne doivent pas avoir rence, d’intégrité et de confian-
peur de permettre les transferts. Les mouvements ce. “Ces valeurs sont étroitement
latéraux vers un environnement totalement liées à la qualité et à la sécurité de
différent au sein de l’organisation constituent nos produits, afin que les autorités
la meilleure forme de développement. Le col- puissent être assurées de ce qu’elles
laborateur accroît ses connaissances et app- remboursent par le biais de pro-
rend à penser et à travailler dans une nouvelle grammes de soutien ou de la sécurité
optique. Mais il n’est pas évident de renoncer à sociale. Cela implique un impératif : ‘Walk
de bons éléments. S’il existe un véritable dialo- your talk!’ (Fais ce que tu dis !, ndlr). Sinon, la si-
gue entre les services, tous les cadres y gagnent.” tuation devient vite intenable.”
Willem De Bock
L’approche est à chaque fois différente en fonc- Il faut être cohérent deux gagnants d’une proposition de valeur pro-
tion des organisations, affirme Ans De Vos. Avec une ‘career value proposition’ ou proposi- fessionnelle. Appelons cela un nouveau contrat
“Chaque organisation cisèle sa proposition à tion de valeur professionnelle, les organisations psychologique.”
partir de sa stratégie, de son environnement et doivent tout de même choisir entre acquérir des
de ses fonctions, à partir de ses besoins spéci- compétences ou les développer en interne. Le professeur recommande désormais aux
fiques et de ses possibilités, afin de les concilier “On peut alors décider quel type de politique entreprises de baliser également une trajectoi-
avec chaque carrière. Prenez une importante RH est nécessaire. L’entreprise qui attire des re de carrière pour les plus de 40 ou 45 ans.
agence de conseils. Elle peut attirer un large éléments jeunes et plutôt inexpérimentés devra “Il est fondamental de tenir compte de l’'em-
éventail de talents dotés de profils similaires, élaborer en conséquence une politique de for- ployee life cycle' dans une organisation. Il faut
mais il y a ensuite une course d’obstacles. Seuls mation, offrir des perspectives dans sa politique aussi continuer à réaliser des entretiens d’évo-
les meilleurs restent. Cela ne fonctionne pas de carrière et adapter sa gestion de la rémuné- lution avec les collaborateurs plus âgés. Les
dans des organisations ayant des besoins beau- ration et des prestations. Il faut être cohérent. jeunes directeurs surtout doivent y prêter
coup plus hétérogènes.” L’organisation comme l’individu sortent tous attention.”
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Un intérêt durable
et approfondi pour le personnel
Les entreprises du bâtiment ont la réputation d’être ‘conservatrices’ dans leur
manière de penser et de travailler. Cette image contraste vivement avec l’at-
titude de Durabrik. Avec la hausse du chiffre d’affaires s’est imposée l’idée
que l’entreprise devait autant que possible s’impliquer auprès de ses collabo-
rateurs ainsi que dans son environnement social. Et cette implication a été
payante. La politique des RH a acquis un caractère durable. Grâce, notam-
© Martens
ment, à la pyramide de Maslow dressée par le chef d’entreprise.
C
’est lors d’une formation intense en leadership, il y a quel- la. “La compréhension que chacun acquiert pousse l’entreprise
ques années, que le CEO Joost Callens s’est mis à méditer vers l’avant. A douze managers, nous sommes partis à pied en pè-
sur une question existentielle pour l'entreprise. “Qu’est-ce lerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne, et, en rou-
qui explique qu’une entreprise fait ce qu’elle fait, me suis-je de- te, nous avons appris à connaître les valeurs de chacun. Nous
mandé. J’ai remis mon propre rôle en question. Dois-je unique- avons compris que chacun doit trouver en lui le ‘change agent’.
ment orchestrer les processus ou un bon leadership exige-t-il un Mais ensuite, il nous a aussi fallu le communiquer à nos collabora-
peu plus que cela ? Dans son ouvrage sur la valeur et les valeurs teurs. Cette notion évolue au sein de l’organisation.” Durabrik ne
d’une entreprise, Richard Barrett déclare tout de go que tout com- dispose pas d’une politique de recrutement définie qui mise sur
mence par la figure du chef d’entreprise. Il ou elle doit posséder des personnes ayant la bonne attitude, mais crée un terreau fertile
une conviction extrême. Sinon, on en reste aux recettes tradition- où seuls les candidats qui disposent de la bonne culture s’épanoui-
nelles.” ront. “Lors du recrutement, nous examinons le niveau d’autoré-
flexion dont une personne est capable. Dès que l’on a cette base,
Vers le septième ciel ? on peut très clairement désigner de qui on a besoin et de quoi. Le
Le chef d’entreprise Joost Callens a dressé pour lui-même ‘sa’ pyra- fait que nous nous préoccupions du bien-être de nos collabora-
mide de Maslow (il s’agit d’un classement hiérarchique des besoins teurs fait aussi de nous un employeur attrayant.”
humains, créé par Abraham Maslow en
1943, ndlr). “On crée tout d’abord une
base saine, après quoi on accorde da-
“ Nous essayons de créer une prise Construire pour vivre,
de conscience pour tout, également et pas l’inverse
vantage d’importance aux intéressés En tant qu’entreprise du bâtiment,
dans et autour de l’entreprise. Dans une lors de chaque formation que suit Durabrik n’a pas hésité à concrétiser
troisième phase, on enracine ce proces- un collaborateur” Joost Callens (Durabrik) ces nouvelles idées dans le concept
sus en impliquant les autres et en s’im- d’un nouveau bâtiment pour son siè-
pliquant vers eux. D’autres sociétés en font autant, mais il me sem- ge principal, le long de l’E40, entre Bruges et Gand. Joost Callens
blait qu’il fallait aller plus loin. Une quatrième étape consiste à don- parle avec enthousiasme de son slogan ‘Bien plus qu’une maison’.
ner aux collaborateurs la possibilité ou la marge nécessaire pour “Il faut d’abord et avant tout que l’entreprise soit bien plus qu’un
leur développement personnel. Dans une cinquième étape, tout le simple lieu de travail. Dans notre brochure ‘Travaillez comme vous
monde évolue en commun vers une vision et une mission uniques. vivez’, nous encourageons nos collaborateurs à être eux-mêmes.
Dans une sixième étape, on constate que l’on peut différencier l’or- Nous essayons de créer une prise de conscience pour tout, égale-
ganisation, quel que soit le produit ou le service proposé. Prenez ment lors de chaque formation que suit un collaborateur.”
l’exemple de Colruyt, qui réconcilie très concrètement économie Durabrik a connu une forte croissance ces dernières années ; l’en-
et écologie, ou Torfs Schoenen, dont le CEO accorde beaucoup treprise emploie aujourd’hui 200 salariés fixes pour un chiffre d’af-
plus d’importance au client ET au collaborateur qu’à son produit. faires de quelque 80 millions EUR. Vingt nouveaux employés ont
On arrive ainsi à un septième niveau, celui de la serviabilité désin- rejoint ses rangs au cours des derniers mois. Le CEO est convaincu
téressée ou de l’utilité sociale.” que sa vision des choses correspond aux sensibilités de la société et
aux attentes des candidats. “Ils sont de plus en plus à la recherche
L’instigateur du changement est d’une entreprise qui leur donne envie de travailler. Nous sommes
en nous loin d’y arriver, mais nous progressons et nous persévérons.”
Pour Joost Callens, le niveau de développement
humain est un élément fondamental dans tout ce- Willem De Bock
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S ecurex dispose d’un 'directeur des talents'. Ce titre montre On ne trouve par exemple plus de médecins du travail. Lorsque
combien l’organisation accorde d’importance au travail de l’on arrive à en dénicher un, on ne fait pas la fine bouche.
Frank Vander Sijpe et de son équipe. Ce dernier reconnaît L’employeur doit modérer ses exigences, alors que le candidat
que, auparavant, on se concentrait trop sur les défauts. Ce sont peut exiger toujours plus. Il ne s’agit souvent plus d’exigences
désormais les forces qui sont au cœur de toutes les attentions. Et, salariales. Les jeunes mamans, par exemple, exigent de pouvoir
dans ce domaine, il va loin. “On crée presque un emploi en fonc- travailler de chez elles pendant tous les congés scolaires. Si l’on
tion de la personne, un emploi unique. À cause de la pénurie de n’accède pas à cette demande, on n’a personne. En revanche,
ressources sur le marché du travail, on ne trouve plus la perle rare
“compétences,
qui répond à tous les souhaits. Il faut adapter les fonctions selon
la personne que l’on peut attirer.” Avec près de 30 agences, prin- L’ancienne façon d’envisager les
cipalement en Belgique, Securex compte près de 1.550 collabo- comme un fossé à com-
rateurs, dont bon nombre d’experts hautement qualifiés dans
toutes sortes de domaines, 70% de femmes et 27% d’emplois à
bler entre les compétences des colla-
temps partiel. L’organisation totalise 325 fonctions et engage borateurs et les exigences du poste, a
généralement 150 personnes par an, 100 cette année. À cause de fait son temps” Frank Vander Sijpe (Securex)
la crise, la rotation est retombée à près de 4%.
Les candidats posent leurs exigences si l’on y accède, on crée une inégalité par rapport aux collè-
Mais ce ne sont pas les fluctuations conjoncturelles du marché du gues. Les entreprises clientes chez nous sont confrontées au
travail qui occupent le plus Frank Vander Sijpe. “Auparavant, même problème. Elles confient parfois leur contrat à la premiè-
90% des nouvelles embauches aboutissaient à l’issue de la pé- re personne qui saura leur amener un médecin du travail.”
riode d’essai. Le marché du travail fournissait suffisamment de Aux États-Unis, le ‘job sculpting’, ou l’art de créer un emploi sur
qualité. C’est de moins en moins le cas. Les entreprises risquent mesure pour un individu, est devenu une réalité. “L’ancienne
même de ce fait de manquer des opportunités commerciales. façon d’envisager les compétences, comme un fossé à combler
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© D. Rys
chez SOS Villages d’enfants après 10 années de course de vitesse ?
Un arrière-ban fidèle
Kim a récemment mis un terme à sa carrière sportive pour chercher
INTO-Merit Award un emploi. “Cela n’a pas été facile d’aborder les choses en toute
confiance. J’avais vécu pendant 10 ans dans un autre univers. Ma
Le 28 octobre s’est déroulée la 20e dans un environnement atypique.”
chance, c’est peut-être de ressentir autant de passion pour le pro-
édition du gala de l’ambassadeur Les organisateurs ont également
RH flamand 2010. La FEB soutient décerné un prix supplémentaire. Le jet de SOS Villages d’enfants – qui entend donner aux enfants des
cette initiative et siège depuis toutes lien avec le développement de opportunités et un foyer chaleureux – que pour le sport.” Kim
ces années au sein du jury en la per- talents est clair, même si on est loin répète que son cercle familial enthousiaste et la confiance qu’il lui
sonne de Pieter Timmermans. “Une des activités RH traditionnelles. L’or- témoigne sans cesse l’aident à donner le meilleur d’elle-même.
bonne politique RH est une des ganisateur Rony Hoebeke: “Nous Conseil : Les gens doivent se sentir bien dans leur peau pour enre-
pierres angulaires du succès”, décla- avons attribué ce premier prix (quin- gistrer de bons résultats, quel que soit le domaine concerné.
re le directeur général de la FEB. quennal) INTO-Merit Award (INSPI-
“Cette année, Fons Leroy, adminis- RING & TOUCHING) à SOS Villages
Sofie Brutsaert
trateur délégué du VDAB, a décro- d’enfants, car l’organisation offre
ché la récompense grâce à une for- une chance aux enfants.”
44 midable politique RH mise en place www.sos-villages-enfants.be
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Selon Patrick Van Aeken (AXA Belgium), la gestion des talents commence
par une bonne répartition des rôles
I
l règne une certaine confusion autour de la signification de la tentiel de croissance et donc du talent. Si le talent est si impor-
notion de ‘talent’. En sa qualité de professeur de gestion des tant, c’est parce qu’il donne de l’énergie. Les talents sont des
talents et de directeur people learning & development chez capacités quasi innées, qui jaillissent spontanément. Parvenir à
AXA Belgique, Patrick Van Aeken se doit d’employer des défini- un haut niveau dans des domaines pour lesquels on n’a pas de
tions claires. Du point de vue de l’individu, il définit le talent com- talent demande beaucoup plus d’efforts. Les talents sont telle-
me le potentiel de croissance qui est, quant à lui, la somme de ment naturels pour un individu qu’il lui arrive de ne pas en être
l’aptitude, de l’ambition et de la motivation. Pour l’entreprise, le conscient lui-même. Une gestion des talents de qualité les fait
talent est une source d’énergie, car c’est lorsqu’ils peuvent plei- émerger et contribue à les développer. On part donc des points
nement déployer leurs talents que les travailleurs réalisent leurs forts de l’individu. Avec la gestion des compétences, on exami-
ne davantage ce qu’une personne ne sait ou ne peut
“
pas encore faire. Nous devons cependant abandonner
La qualité et le talent de vos cette notion de fossé à combler entre ce qu’une fonc-
tion exige et ce qu’une personne peut faire. Il faut neu-
employés déterminent ce que
traliser, éliminer les points faibles pour la tâche à accom-
votre organisation peut réaliser” plir.” Patrick Van Aeken traduit très concrètement cette
Patrick Van Aeken (AXA Belgium) approche dans les plans de développement personnel
des collaborateurs. “Autrefois, on y indiquait trois fai-
blesses à supprimer, aujourd’hui nous donnons à chacun
meilleures performances. La gestion des ta- un point fort à développer et un point faible à neutraliser.”
lents est donc l’effort accompli par l’organi-
sation pour attirer, développer et conserver Non plus évaluer, mais évoluer
ses collaborateurs habiles et précieux. Qu’en est-il des compétences qui restent tout de même néces-
saires ? Patrick Van Aeken: “Elles sont déterminées à l’aide du
“Notez que la gestion des talents est ici une responsabilité par- comportement visible. Les compétences étaient auparavant ré-
tagée et collégiale”, explique Patrick Van Aeken. “Le collabora- pertoriées de manière très analytique, au moyen de scores pour
teur a un point de vue personnel sur ce qu’il souhaite et il met lui- les différents niveaux de maîtrise. Nous renonçons de plus en
même les choses en mouvement. Il a surtout une relation privilé- plus souvent à ce type d’évaluations. Elles engendrent fréquem-
giée avec son supérieur direct, son chef hiérarchique. C'est ce ment des discussions oiseuses sur tel ou tel niveau. Il est bien
dernier qui connaît le mieux ses collaborateurs. Il développe chez plus important de savoir comment quelqu’un peut s’améliorer, et
eux le talent. Il est la figure-clé qui accompagne et guide son per- dans quels domaines. L’appréciation du chef hiérarchique ouvre
sonnel tout au long de l’année.” Le dernier maillon de cette ré- également la voie à un dialogue avec le collaborateur qui donne
partition des rôles est tenu par les RH. “Les RH doivent définir, également son avis sur son niveau dans certains domaines. Le
soutenir et suivre le processus de manière proactive. L’équipe des contexte est essentiel dans le développement de talents. Un
RH est experte dans le développement de carrière efficace. Elle talent peut s’épanouir dans un certain contexte et être étouffé
dispose d’une vision claire des parcours de carrière possibles et dans un autre. Le débrouillard trouvera sa place dans un milieu
des moyens disponibles pour évoluer au sein d’AXA.” qui lui offre beaucoup d’autonomie. Il faut que le courant passe
avec les collègues. La culture d’entreprise doit convenir.”
Le plein d’énergie
On est frappé d’emblée par le fait que Patrick Van Aeken accorde Les conséquences de cette approche axée sur le talent ne
aux talents un rôle bien plus essentiel qu’aux compétences. “Les sont pas négligeables pour la politique de recrutement. “On
compétences se rattachent à l’aptitude, un des trois piliers du po- n’engage plus de nouveaux salariés pour combler des manques
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à certains postes, mais parce qu’ils pourront mieux et plus large- en discuter. C’est un outil très visuel pour les individus, les équipes,
ment mettre à profit leurs talents dans l’entreprise. On ne peut les services ou les organisations. Des performances faibles et peu
bien sûr pas toujours embaucher quelqu’un indépendamment de potentiel exigent peut-être de déplacer quelqu’un.”
d’une fonction, mais il faut quand même tenir compte du poten-
tiel de croissance. C’est déjà un premier acte de rétention. L’or- Cette matrice est très utilisée au sein d’AXA. Le CEO belge l’a
ganisation doit ensuite continuer à observer ce qui intéresse les même emportée au siège principal français pour y évaluer ses cad-
employés dans leur travail, quelles sont leurs passions. Le supé- res. Mais une PME de dix salariés peut tout aussi bien l’employer.
rieur direct doit tâter le pouls et discuter avec les collaborateurs.” “Une fois l’identification faite, il faut bien sûr se mettre au travail.
Ceux qui ont un potentiel ont leur place dans une trajectoire d’é-
D’abord qui, ensuite quoi volution et un plan de relève. Qui est déjà prêt aujourd’hui à suc-
Mais, pour commencer, il faut embaucher les bonnes personnes. céder à quelqu’un, qui dans deux ou cinq ans ? Qu’est-ce que cela
“D’abord qui et ensuite quoi”, écrit l’auteur Jim Collins dans nécessite ? On en revient au plan de développement personnel,
‘Good to Great’. Patrick Van Aeken: “La qualité et le talent de vos avec ses forces et ses faiblesses.”
employés déterminent ce que votre organisation peut réaliser.
Willem De Bock
Pour des organisations à la structure lourde, il n’est pas évident
d’intégrer cette flexibilité. Il faut du temps pour qu’un paquebot
vire de bord. Il ne faut pas jeter brusquement son plan straté-
gique aux orties, mais commencer par faire entrer des person-
nes qui donneront une nouvelle impulsion à l’organisa-
tion. Les choses peuvent aller plus vite dans les
PME. Les classiques entretiens d’appréciation
peuvent servir à sonder ce qui botte les
collaborateurs, ce qui leur donne de l’é-
nergie dans leur travail.”
Neuf cases
Certains signaux révèlent aux entreprises qu’il
leur faut désormais procéder différemment
avec leurs talents. “La rotation est un bon in-
dice, tout comme le fait de ne pas avoir assez de person-
nes pour pourvoir les postes-clés vacants”, affirme l’expert en
talents. La matrice à neuf cases est un outil ultrasimple, et qui mar-
che selon lui à tous les coups. Elle est représentée par un axe pour
les performances et un autre pour le potentiel. Les performances
peuvent être faibles, suffisantes ou supérieures aux attentes. Le
potentiel de croissance, quant à lui, peut être inexistant, unique-
ment latéral ou grand. “On peut placer tout le monde dedans et
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a société est surtout connue pour ses chèques en tout gen- La politique des seniors s’inscrit bien sûr dans une approche plus
re. Mais Sodexo assure également la gestion des bâtiments large. “Une bonne politique RH commence par un bon recrute-
et a pour cœur de métier la restauration, avec des cuisines ment. Grâce à notre modèle de compétences, nous travaillons
entièrement pourvues en personnel et en équipement. Cet acteur avec de meilleurs profils qu’auparavant, ce qui améliore tant le
international, actif dans 80 pays, emploie rien qu’en Belgique 4.000 recrutement que l’avancement. Il faut donner des perspectives d’a-
personnes, dont environ 500 âgées de plus de 50 ans. “Nous som- venir aux collaborateurs, qu’il s’agisse de jeunes nouveaux venus
mes sans cesse confrontés à de nombreux départs en (pré)pen- ou de quadragénaires. Avec les jeunes, nous le faisons déjà en les
sion. 80% des seniors sont des travailleurs qui peuvent, et souvent contactant dans les écoles pour des contrats d’apprentissage.”
veulent, partir en prépension à 58 ans après une carrière difficile en
cuisines industrielles”, résume le directeur RH Guy Nouveaux, mais pas prêts à l’emploi
Callebaut. Pour améliorer l’accueil des nouveaux venus, Guy Callebaut a mis en
place un plan d’intégration à tous les niveaux, comprenant
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“E
n matière de recrutement, privilégiant l’équilibre entre travail et vie privée. Le combat est-il
nous étions et sommes perdu d’avance ? Pas forcément.
toujours confrontés à un
énorme défi. Nous avons besoin de chefs de projet chevronnés, Un salaire attrayant en fonction de l’âge
jouissant de préférence d’une expérience précise dans le domaine L’entreprise a cherché des solutions pour se rendre suffisamment
des études cliniques. Mais actuellement, la plupart d’entre eux pré- ‘attrayante’, tant dans le domaine financier qu’au niveau des condi-
fèrent rester là où ils sont. En tant que PME, il nous est très difficile tions de travail et de la réalisation des ambitions. L’entreprise a fait
d’améliorer leur niveau de rémunération”. Voilà l’état des lieux dres- appel à SD Worx. “La société de conseils SD Worx a élaboré une
sé par Bart Segers, le Managing Director de genae associates. politique de rémunération fortement axée sur les besoins des diver-
L’entreprise, qui emploie environ 30 personnes, propose ses services ses tranches d’âge des collaborateurs et des candidats potentiels.
dans la recherche clinique. Elle conçoit, contrôle et analyse des étu- Nous avons ainsi pu structurer davantage notre procédure de recru-
des concernant de nouveaux outils médicaux. Elle prend par exem- tement. C’était nécessaire, car notre croissance a été rapide pour
ple en charge la vérification des données médicales et joue un rôle une petite société. Il y a trois ans, nous comptions à peine dix col-
de passerelle entre les différentes parties concernées. laborateurs et, aujourd’hui, nous sommes 32. Les négociations sala-
riales atterrissaient à chaque embauche sur le bureau du chef d’en-
Les candidats expérimentés sont rares treprise, c’est-à-dire moi. Cela ne pouvait plus durer. Nous man-
et intraitables quions de lignes directrices.”
“Nous arrivons encore assez facilement à attirer de jeunes diplômés Des descriptifs de poste précis ont été rédigés, puis traduits en un
en biologie ou de jeunes doctorants pour une grosse partie de positionnement dans la banque de données de SD Worx, qui re-
notre travail, mais les chefs de projet plus âgés posent un sérieux groupe quelque 900.000 salaires. “Mais nous avons besoin de pro-
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fils rares. Nous avons donc dû comparer les responsabilités de no- Bonne ambiance de travail
tre personnel avec la banque de données. Nous avons ainsi défini La société essaie toutefois aussi d’être compétitive sur le marché du
des salaires de référence par tranche d’âge. Nous nous sommes recrutement au niveau des conditions de travail. Pour pouvoir héber-
situés à 10% au-dessus du percentile 50 pour nous différencier. ger son équipe grandissante de collaborateurs, genae associates
Nous avons utilisé une marge de 20% au-dessus et au-dessous de s’est récemment mis en quête de nouveaux bureaux. “Les collabo-
cet axe, ce qui laissait de quoi rétribuer plus ou moins en fonction rateurs ont été très impliqués dans ce processus”, raconte Bart
de l’expérience et de la rareté ou du manque d’expérience. Dans Segers. “Ils ont d’abord dû indiquer s’ils voulaient ou non rester à
cette rémunération, les avantages extralégaux et matériels, tels Anvers, puis dans quel quartier de la ville et enfin quelles étaient
que le véhicule de société et les assurances, sont presque aussi selon eux les conditions qu’un bureau agréable devait satisfaire.
importants que le salaire même.” L’architecte du nouveau bâtiment a tenu compte de ces exigences
dans ses plans. Neuf collaborateurs sur dix ont donné leur avis.”
Un boulot passionnant Le chef d’entreprise a également découvert grâce au questionnai-
Toutefois, genae associates était encore loin d’être un employeur re que l’ambiance de travail importait beaucoup pour ses collabo-
attrayant face à ses concurrents sur le marché du travail. “Mais nous rateurs. “Ils ont demandé très expressément une cafétéria sympa
ne pouvons pas offrir plus, car nos services deviendraient trop chers”, pour entretenir le contact avec leurs collègues dans un environne-
ajoute Bart Segers. Il a donc abattu d’autres atouts. “Les jeunes cher- ment agréable. Un consensus a vite vu le jour autour de l’idée: ‘les
cheurs s’intéressent à beaucoup de choses. Ils veulent souvent tra- huit heures que l’on passe entre les trajets depuis et vers le domi-
vailler dans les ‘sciences de la vie’, mais pas dans l’industrie pharma- cile sont vraiment importantes. Nous devons les rendre agréa-
ceutique. Notre force, ce sont les études de plus petite taille, mais bles’. Nous avons également inclus le télétravail et d’autres formes
innovantes et complexes. Chez nous, les jeunes comme les chefs de de flexibilité, qui peuvent s’avérer très importants pour une jeune
projet plus âgés travaillent directement en collaboration avec une maman par exemple.”
vingtaine de cardiologues et de chirurgiens qui comptent parmi les L’entreprise emploie en effet surtout des femmes. Mais il est arrivé
meilleurs au monde dans leur discipline. Ce club fermé exige beau- à plusieurs reprises que genae associates perde une collaboratrice
coup de ses interlocuteurs. C’est un véritable défi. Les collaborateurs parce que celle-ci trouvait à l’université davantage de facilités au
expérimentés sont souvent de la même génération que ces pontes niveau de l’équilibre travail-vie privée ainsi qu’une très bonne
de la médecine et ont évolué professionnellement avec eux. Bref, il rémunération. “Toutefois, nous ne nous contentons plus de consi-
est particulièrement agréable pour les gens qui travaillent dans ce dérer une université comme un concurrent sur le marché du travail.
domaine de côtoyer ces grands personnages mondiaux.” Pas éton- Nous envisageons désormais de mettre en place des diplômes
nant que genae associates place la qualité de ses chefs de projet au- postuniversitaires avec les universités pour soutenir les études
dessus de tout et fasse même parfois quelques entorses à sa nou- relatives aux instruments médicaux innovants.”
velle politique salariale pour appâter un gros et beau poisson. WDB
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