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Histoire d’un livre.

En mémoire des Hereros et des Namas 26/03/2015 15:39

Histoire d’un livre. En mémoire des


Hereros et des Namas
Le Monde.fr | 26.03.2015 à 11h13 |
Par Virginia Bart

Soldats allemands et leurs prisonniers hereros, vers 1904. AKG-


IMAGES/INTERFOTO/SAMMLUNG

Elise Fontenaille-N’Diaye n’a pas pris la décision d’écrire ce ​livre. Il s’est imposé
à elle d’une façon « inexorable », alors qu’elle travaillait sur un tout autre sujet.
A l’origine de ce Blue Book, qui revient sur l’occupation par l’Allemagne, à la fin
du XIXe siècle, de l’actuelle Namibie, il y a en effet l’ouvrage qu’elle voulait
consacrer à son arrière-grand-père paternel : le général Charles Mangin (1866-
1925), officier colonial ayant théorisé, dans un livre de 1910 intitulé La Force
noire, le ​recours à des ​contingents venus d’Afrique, et ​héros de la Marne.

Des documents de première main

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Histoire d’un livre. En mémoire des Hereros et des Namas 26/03/2015 15:39

Une période de sa vie intéresse particulièrement son arrière​-petite-fille. En


1919, le général Mangin stationna en Rhénanie avec ses tirailleurs sénégalais,
provoquant les réactions outragées des Allemands qui craignaient que les «
nègres en rut » n’abâtardissent leur « race ». Au cours de ses recherches, elle
se demande si ​l’Allemagne, comme les autres pays européens, a possédé des ​-
colonies. Et, en effet, celle-ci a ​notamment ​occupé, de 1883 à 1916, le Sud-
Ouest africain, vaste territoire ​situé entre la colonie du Cap et la colonie
portugaise d’Angola.

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Sensibilisée au sujet depuis sa jeunesse par un père « communiste et


anticolonialiste », elle abandonne son projet initial et plonge dans l’histoire
namibienne. Pendant trois ans, elle ​ interroge spécialistes et chercheurs,
examine une masse ​impressionnante de textes. En l’absence d’ouvrages de
référence en français, elle se tourne vers des travaux en anglais, notamment
ceux du Suédois Sven Lindqvist – Exterminate All the ​Brutes, The New Press,
1996, dont la traduction (Exterminez toutes ces brutes !) est parue depuis,
en 2014, aux ​Arènes. Surtout, elle décortique des lettres (comme la
correspondance du chef des Namas, Hendrik ​Witbooi, publiée en 2011 au
Passager clandestin sous le ​titre Votre paix sera la mort de ma nation), des
photos et pièces administratives (mises en ​ligne par des historiens travaillant
sur le sujet), ainsi qu’elle l’avait fait pour deux précédents romans historiques,
Brûlements (Grasset, 2006) et Le Palais de la mémoire (Calmann-Lévy, 2011). «
Pour écrire des livres de ce type, je préfère me référer à des documents de
première main »,explique cette ancienne journaliste. Et ce qu’elle découvre
alors lui fait « perdre le sommeil » : travaux forcés, tortures, viols, tueries…
jusqu’au génocide planifié des deux principales ethnies, les Hereros et les
Namas, qui peuplent alors le pays.

Sur ce territoire du Sud-Ouest africain, les Allemands ont trouvé des populations
christianisées et « formées » à la culture européenne par les missionnaires
arrivés plusieurs dizaines d’années auparavant. Hereros et ​Namas ​refusent de
se soumettre et finissent par entrer en guérilla contre l’occupant. En 1904,
l’Allemagne de Guillaume II dépêche sur place le général Lothar von Trotha,
avec l’ordre de mener une « extermination totale ». Les rebelles sont traqués,
massacrés ou ​déportés et parqués dans des camps de ​concentration, dont celui

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de Shark Island, presqu’île glacée en face de la ville côtière de Lüderitz. 65 000


Hereros périssent, et près de 20 000 Namas.

Une préfiguration du nazisme


« Ce qui rend la colonisation allemande si particulière, c’est la ​volonté de vider
la terre du peuple noir. Les autres nations européennes occupaient les terres,
affrontaient les populations, réduisaient en esclavage, mais là, c’est encore le
niveau au-dessus », souligne Elise Fontenaille-N’Diaye, qui voit dans cet
épisode une préfiguration du nazisme : « Tant au niveau du ​vocabulaire que de
la méthodologie, on retrouve ce qui fera l’essence du IIIe Reich, qu’il s’agisse de
volonté d’exterminer un peuple ou des ​théories raciales. » Sont également ​-
présents en Afrique du Sud-Ouest des personnages qui annoncent ou inspirent
le nazisme, comme Heinrich Göring, premier gouverneur de la colonie et père
d’Hermann, le futur bras droit d’Hitler, ou Eugen Fischer, médecin et ​-
anthropologue venu étudier les populations noires pour étayer ses thèses
hygiénistes. Ses travaux ​seront une des sources de Mein Kampf, et il sera le
mentor de Josef Mengele.

Si cette page de l’histoire coloniale est restée si longtemps ​méconnue, c’est


parce que l’unique rapport officiel sur la question, le « Blue Book », qui donne
son nom au livre d’Elise Fontenaille- N’Diaye, fut soustrait à la connaissance du
public. En 1917, alors que l’Allemagne a quitté ce territoire l’année précédente,
le Royaume-Uni demande à un jeune juge irlandais, Thomas O’Reilly,
d’enquêter sur les exactions commises dans le protectorat. Il rédige 200 pages
terrifiantes. Mais en 1926, à la suite d’un accord entre l’Allemagne et les Alliés,
le Royaume-Uni rappelle tous les exemplaires du rapport et les ​détruit. A
l’exception d’un seul, dont Elise Fontenaille-N’Diaye ​découvre, une nuit, la
version ​microfilm sur le site Internet d’une bibliothèque de Pretoria (Afrique du
Sud). Elle décide alors de baser son roman sur le périple de Thomas O’Reilly,
mais, après 200 pages, jette tout. « On ne ​comprenait pas assez clairement ce
qui s’était passé », avance l’auteure, qui propose une version de cette histoire
destinée à la jeunesse (Eben ou les yeux de la nuit, Rouergue, 64 p., 8 €., dès
12 ans). Après une demi-douzaine de versions, elle opte enfin pour une forme
très classique, récit simple et chronologique dont les chapitres courts ​reviennent
de façon saisissante sur les épisodes et personnages clés de ce génocide
oublié.

Critique. Le livre noir d’une colonisation


Il se dégage une impression ​irréelle du livre d’Elise Fontenaille N’Diaye. Elle tient à la
juxtaposition de la beauté des paysages d’Afrique du Sud-Ouest, pays de Cocagne, et
de l’abjection des massacres perpétrés par l’occupant allemand contre les populations

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hereros et namas. D’une plume simple et évocatrice, l’auteure met en scène l’horreur
des tortures, les jeux sadiques – comme celui consistant, pour les officiers ​allemands,
à se lancer un bébé comme un ballon et à le rattraper, pour finir, à la pointe de la
baïonnette –, la rage de tuer qui anime les bourreaux.

Mais à vouloir dénoncer l’horreur, la démonstration manque parfois de hauteur. Ainsi


de la ​ dichotomie appuyée entre des ​populations locales ​héroïques, subtiles et
humanistes (qu’elle campe avec beaucoup de force) et des Allemands tous ​décrits
comme des brutes cruelles et ​ sanguinaires. Enrichi de photo​graphies d’époque et
d’extraits du « Blue Book » de Thomas O’Reilly (un rapport commandé par les
Britanniques sur les exactions ​allemandes et enterré par la suite), ce récit engagé,
vivant et sensible a cependant le mérite de réveiller et de mettre à la portée du plus
grand nombre une mémoire longtemps restée dans les replis de l’Histoire.

Blue Book, d’Elise Fontenaille-N’Diaye, Calmann-Lévy,


214 p., 17 €.

Extrait. « Blue Book »

« Les universités allemandes étant très demandeuses de crânes


nègres pour leurs études, on a trouvé un travail autre que la pose
de rails pour les prisonnières de Shark Island et de Swakopmund :
une fois que l’on a pendu les hommes, on leur tranche la tête, on
la confie aux captives, à charge pour elles de les faire bouillir, d’en
extraire les yeux, la langue et le cerveau puis de ​racler la chair
jusqu’à l’os avec des tessons de bouteilles – celles que les soldats
ont vidées la veille.

La plupart du temps, ces crânes sont ceux de leurs proches, de


leurs frères, de leurs fils, de leurs pères, de leurs cousins.

Shark Island devient l’île des mortes-vivantes. »

Blue Book, pages 145-146

Virginia Bart
Journaliste au Monde

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