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CONSTITUTIONNEL MODERNE
Christophe de Aranjo
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2008/2 n° 74 | pages 239 à 261
ISSN 1151-2385
ISBN 9782130567806
Article disponible en ligne à l'adresse :
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dans le droit constitutionnel moderne
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CHRISTOPHE DE ARANJO
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pour partie. De cette méthode ont pu émerger des lois générales qui ont
donné naissance aux sciences biologiques, mathématiques, physiques
mais aussi sociales et notamment politiques. Tous les écrits de Platon et
d’Aristote, lorsqu’ils traitent de la Politique au sein de la Cité, sont axés
autour de la recherche de conciliation du un et du multiple4.
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en des termes un peu différents. Schématiquement, trois points de vue
s’affrontent.
Selon le premier point de vue, l’existence d’un État garant de l’inté-
rêt général est à bannir. Les individus doivent vivre librement sans la
présence oppressante d’une puissance publique : c’est le point de vue
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8. Sur les fondements de la philosophie politique libérale, voir F. A. von Hayek, Droit,
législation et liberté, tome I : Règle et ordre, PUF, 1985.
9. R. David, J. N. Hazard, Le droit soviétique, in Grands systèmes de droit contemporains, VII,
tome 1, LGDJ, Paris, 1954, p. 81 et s.
10. Voir J. Bodin, Les six Livres de la République, 1576, Livre I, chap. 9 et Hobbes, Lévia-
than, Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile, Londres,
imprimé au Dragon vert, au cimetière Saint-Paul, 1651, chap. XX, dernier §.
11. Cf. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 1789, article 16 : « Toute
société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs
déterminée, n’a point de Constitution ».
12. Le champ d’étude, axé autour de la conciliation de la souveraineté, de la démocratie
et des droits de l’homme, se borne à l’étude des Constitutions des États modernes européens
et des États-Unis d’Amérique.
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travers de la théorie de la séparation des pouvoirs ? Pour répondre à cette pro-
blématique, on opérera en trois temps :
— tout d’abord, on verra que la théorie de la souveraineté a justifié
la mise en place d’un pouvoir exécutif fort au sein des États modernes :
c’est l’État de police (I). Sa raison d’être sociale est de faire que l’intérêt
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particuliers (A).
Mais en pratique, pour que l’État lutte efficacement contre tout type
d’agressions, il doit disposer de moyens matériels et humains considéra-
bles mais aussi d’un centre décisionnel rapide, cohérent et efficace. C’est
dans cette perspective qu’est apparu l’État de police, dont l’objet est
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celle-ci existe naturellement dans la société des hommes. Son but est de
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faire que cette loi soit au service de l’intérêt « général », et non plus au
service d’intérêts « particuliers » de groupes organisés22. Par ce procédé,
la loi du plus fort qui était source d’injustice dans l’état de nature,
deviendra source de toute justice dans l’état civil23. C’est la raison d’être
social du Léviathan, ou État souverain.
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2 – Cette fin que permet d’atteindre l’État justifie les moyens consi-
dérables qu’il peut utiliser : le prélèvement de l’impôt, les droits de sou-
veraineté, le devoir d’obéissance civile des sujets24, etc. Mais en pratique,
l’État doit aussi organiser à son sommet un centre décisionnel efficace et
donc, une confusion des pouvoirs au profit du chef de l’exécutif. Dans le
cas contraire, l’appareil administratif perdra en efficacité d’action, cou-
rant le risque de ne plus être le plus fort. Il sera alors vite combattu ou
concurrencé par des groupes mafieux voire renversé par des armées étran-
gères. L’État souverain, qui dispose du monopole de la violence physique
légitime25, s’organise donc de manière pyramidale pour répondre au
mieux à sa mission sociale : garantir l’ordre civil et politique contre tout
type d’agressions26.
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que nous sommes en présence de personnes instituées pour cela »27.
En l’occurrence, la désignation d’un chef d’État ou de Gouvernement
à la tête de l’administration permet à l’État d’exister et de se maintenir28.
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en danger, les contre-pouvoirs doivent s’effacer partiellement et momen-
tanément, le temps pour le chef de l’exécutif de rétablir l’ordre36.
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Parallèlement, ils permettront aux individus de retrouver une sécurité
juridique et donc, une certaine liberté politique45. Le problème est de
déterminer quels contre-pouvoirs mettre en place au sein de l’État :
quelle loi opposer sociologiquement à la loi du plus fort ? Quel organe
politique opposer au pouvoir exécutif ?
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45. Sur la conception de la liberté politique chez Montesquieu, voir De l’Esprit des lois,
Livre XI, chap. VI et Livre XII, chap. I.
46. C. Grewe, H. Ruiz-Fabri, Droits constitutionnels européens, PUF, 1995, p. 191 et s.
47. J.-J. Rousseau, Du contrat social, Livre II, chap. VI.
48. O. Beaud, La puissance de l’État, PUF, Léviathan, 1994, p. 199 et s.
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DANS LE CONTRAT SOCIAL DE ROUSSEAU ET DE TOCQUEVILLE
est heureux et n’a besoin que de peu de choses pour vivre50. Toutefois, à
la rencontre des premiers hommes, l’état social se forme et avec lui appa-
raissent le jeu des regards et de la comparaison, les notions de propriété
et d’inégalité51. Des chefs s’affirment alors au nom de la loi du plus fort
et à ce titre, font régner la terreur sur l’ensemble de la population. Les
individus perdent ainsi la liberté, l’égalité et la tranquillité qu’ils
connaissaient dans l’état de nature.
Pour lutter contre cette évolution politique des sociétés humaines52,
Rousseau propose un nouveau contrat social par lequel l’homme
retrouve, dans l’état civil, une nouvelle forme de liberté. Il débute son
œuvre, « Du contrat social », en critiquant la loi du plus fort, estimant
qu’elle est source d’injustice même si elle est exercée par l’État. Le chef
qui gouverne selon la loi du plus fort n’est pas légitime53. Il finit tou-
jours par servir ses intérêts personnels au détriment de l’intérêt général54.
Il faut donc qu’il soit guidé dans ses actions par des lois que l’ensemble
des citoyens ont voulues55.
Si la loi est l’expression de la volonté générale, celui qui subit la loi
est alors celui qui la vote : le peuple se retrouve à la fois sujet dans l’État,
et souverain de l’État. Dans ce système, chaque individu est considéré
comme un citoyen56 et à ce titre, possède des droits politiques qui lui
permettent de retrouver une nouvelle forme de liberté.
Pour autant, le pouvoir exécutif n’a pas vocation à disparaître. Rous-
seau reconnaît l’utilité de cette institution. Mais il ne revient pas au chef
de l’exécutif de définir la loi car dans ce cas, c’est une volonté « particu-
lière » qui définit l’intérêt « général ». Or, il faut que ce soit le « géné-
ral » qui statue sur le « général » car le peuple est le mieux placé pour
savoir ce qui est bon pour lui57.
49. Voir J.-J. Rousseau, Discours sur les sciences et les arts, Flammarion, 1991 et Discours sur
l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Gallimard, 1969.
50. J.- J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, pre-
mière partie, Gallimard, 1969, p. 65.
51. J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes,
seconde partie, op. cit., p. 101.
52. J.-J. Rousseau, Du contrat social, Livre I, chap. VI, Flammarion, 1992, p. 38.
53. J.-J. Rousseau, Du contrat social, Livre I, chap. III, op. cit., p. 32.
54. Aristote, Éthique à Nicomaque, Vrin, Paris, 1967, V, 10, p. 248.
55. J.-J. Rousseau, Du contrat social, Livre I, chap. VI, op. cit., p. 40.
56. O. Beaud, La puissance de l’État, PUF, Léviathan, 1994, p. 201 et s.
57. « Aucune volonté particulière ne saurait légitimement lui faire face, car la volonté
particulière tend par sa nature aux préférences, et la volonté générale à l’égalité » :
J.-J. Rousseau, Du contrat social, Livre II, chap. I (op. cit., p. 51).
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un vent d’égalité qui, venu d’Amérique, envahissait progressivement la
mentalité des peuples européens58. Cette loi d’égalité, qui a eu une
influence considérable dans le domaine politique puisqu’elle a débouché
sur la Révolution française et l’abolition des privilèges, a permis à la
démocratie de se mettre en place. Mais l’engouement pour l’égalité a eu
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politique : une grande partie du peuple s’est retrouvée à avoir un intérêt
financier au bon fonctionnement de l’État.
Comme on vient de le voir, la loi d’égalité a permis au plus grand
nombre de prétendre au pouvoir dans le domaine politique (Rousseau),
et d’accéder aux richesses dans le domaine économique (Tocqueville).
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Une révolution politique et sociale a pu avoir lieu, qui allait abolir les
privilèges. Il en a résulté, institutionnellement, l’émergence d’un pou-
voir législatif au sommet de l’État. Son rôle est de représenter le Peuple
et de modifier l’ordre économique et social, afin d’en faire profiter le
plus grand nombre.
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voir législatif, les États modernes ont mis en place deux moyens com-
plémentaires : le contrôle juridictionnel du principe de légalité des actes
administratifs (ce rôle incombe à la justice administrative) et la respon-
sabilité politique du Gouvernement devant le peuple ou ses représentants.
Dans la théorie du droit constitutionnel, la responsabilité politique
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une certaine haine à leur égard. Ainsi, on a vu émerger au sein des
régimes parlementaires des partis ouvertement racistes, « antijuifs »,
« homophobes », etc.76 Ces partis ont pour programme politique notam-
ment de remettre en cause les droits civils et politiques de ces minorités,
allant jusqu’à prôner leur extermination dans des cas extrêmes. Hitler en
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76. Pour le cas de la France, voir X. Crettiez, I. Sommier, La France rebelle, éd. Michalon,
2002, p. 223 et s.
77. Sur les conditions d’accès au pouvoir d’Hitler, voir J. Droz, République de Weimar et
régime hitlérien, 1918/1949, coll. Histoire contemporaine, Hatier, Paris, 1973, p. 127 et s. ;
C. David, L’Allemagne de Hitler, Que sais-je ?, PUF, n° 624, 1963, p. 24 et s.
78. Voir L. Duguit : « si cette prétendue volonté sociale s’exerce directement, elle se
manifeste par une majorité et une minorité ; la moitié plus un des individus pourront impo-
ser leur volonté aux autres individus, parce qu’ils sont les plus forts, étant les plus nom-
breux », in L’État, le droit objectif et la loi positive, p. 244, cité par M.-J. Redor, De l’État légal
à l’État de droit, Economica, 1992, p. 107.
79. Ce point a été développé par A. Tocqueville, in Sur le paupérisme, éd. Allia, 1999,
p. 20 à 25.
80. A. Tocqueville, Sur le paupérisme, op. cit., p. 21.
81. R. Saleilles, « La représentation proportionnelle », RDP, 1898, p. 400.
82. J. Delpech, « Analyse et compte-rendu du livre de Ch. Benoist, Pour la réforme élec-
torale », RDP, 1908, p. 775.
83. Sur ces thèmes, voir M. -J. Redor, De l’État légal à l’État de droit, Economica, 1992,
p. 87 à 107.
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tion ne joue plus pleinement son rôle de contre-pouvoir à l’exécutif.
Malgré la séparation des pouvoirs, le Gouvernement agit assez librement
dans l’élaboration et la mise en œuvre de son programme politique. Plu-
sieurs facteurs y contribuent : le phénomène majoritaire (lié au mode de
scrutin), la discipline de vote des parlementaires (liée à la logique des
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pénal appliquaient les lois aux cas d’espèce soumis devant eux, on consi-
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dérait que ces « autorités » judiciaires n’avaient pas véritablement de
pouvoir. Ainsi, dans « De l’esprit des lois »89, Montesquieu affirmait que
« des trois puissances dont nous avons parlé, celle de juger est, en
quelque façon, nulle (…). Les juges de la nation ne sont (…) que la
bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n’en
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inaliénables et sacrés dans l’état social. Locke énonce lui même trois
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droits fondamentaux : le droit à la vie, le droit à la liberté, et le droit à
la jouissance de ses biens. Pour l’auteur anglais, ces droits sont d’origine
divine et doivent être découverts à l’aide de la raison94. L’État a la charge
de les garantir et les promouvoir en arbitrant les conflits entre les
hommes et en exerçant, si nécessaire, un droit de punir95. Les organes
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être respecté par le pouvoir politique et pour cela, une balance d’intérêts
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est effectuée par le juge entre ce que l’intérêt « général » exige, et ce que
les intérêts « particuliers » ne sauraient souffrir.
98. R. Dworkin, Prendre les droits au sérieux, 1977, Paris, PUF, traduit en 1995, p. 155 et s.
99. R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, Paris, Sirey, 1920,
tome 1, p. 492.
100. R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, op. cit., p. 489 et 490.
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qu’elle a été interprétée par les juges constitutionnels en 1971)102, de la
Loi fondamentale allemande de 1949, etc. Ce qui distingue ces régimes,
c’est la possibilité plus ou moins grande offerte à l’individu d’accéder au
juge des droits de l’homme. Formellement, le système le plus perfor-
mant dans ce domaine est celui de la justice diffuse aux États-Unis103. Il
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101. Voir l’arrêt Marbury v. Madison, 5 U.S. 137 (1803), in R. David, C. Jauffret-Spinosi,
Grands systèmes de droit contemporains, Dalloz, 9e éd., p. 494.
102. Voir la décision CC, 16 juillet 1971, Liberté d’association, 71-44 DC, Rec. 29, RJC I-
24 ; et F. Luchaire, Le juge constitutionnel en France et aux États-Unis : étude comparée, Paris,
Economica, 2002, p. 7.
103. C. Grewe, H. Ruiz-Fabri, Droits constitutionnels européens, PUF, 1995, p. 69 et s.
104. La justice constitutionnelle est diffuse lorsque les questions de constitutionnalité
sont des questions relevant de la compétence de n’importe quel juge, à l’occasion de tout
type de litiges. Voir M. Fromont, La justice constitutionnelle dans le monde, Dalloz, 1996, p. 9
et suivantes.
105. C. Grewe, H. Ruiz-Fabri, Droits constitutionnels européens, op. cit., p. 174 et s. ; M. Fro-
mont, La justice constitutionnelle dans le monde, Dalloz, 1996, p. 42 et s.
106. D. Capitant, Les effets juridiques des droits fondamentaux en Allemagne, LGDJ, 2001.
107. J.-C. Béguin, Le contrôle de la constitutionnalité des lois en République Fédérale d’Alle-
magne, Economica, 1982.
108. Des projets de recours individuel des particuliers devant le Conseil constitutionnel
sont nés, mais ils n’ont pas abouti à ce jour. Voir D. Maus, « Les forces politiques face à l’ex-
ception », in G. Conac et D. Maus, L’exception d’inconstitutionnalité. Expériences étrangères,
situation française, éd. STH, 1990, Rapport à la première journée d’étude du 1er décem-
bre 1989, p. 91 à 95.
109. Toutefois, il est important de préciser ici que les juges administratifs et civils en
France peuvent écarter une loi parlementaire à l’occasion d’un litige si cette loi contrevient
aux droits fondamentaux de l’individu. Mais ils ne peuvent le faire que sur la base des trai-
tés européens et non sur la base du texte constitutionnel français. Voir les arrêts du Conseil
d’État rendus le 6 novembre 1936, Arrighi, Rec. p. 966 et le 5 mars 1999, Rouquette, req.
n° 194658. Voir aussi B. Chaloyard, L’application du droit constitutionnel par le Conseil d’État,
Tribune de Droit public, 2003/1, VII, n° 13, p. 27.
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d’un pouvoir juridictionnel fort
a) La recherche d’un équilibre entre ce que le pouvoir politique peut
faire (en vertu des théories de la souveraineté et de la démocratie) et ce
qu’il ne doit pas faire (au nom des droits fondamentaux de l’individu)
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d’action de celui du Politique est difficile à cerner en raison des concepts
excessivement flous inscrits dans les déclarations des droits117. Leur pou-
voir d’interprétation est considérable dans ce domaine. Or, cette incerti-
tude dans le contenu même des déclarations des droits constitue un vice
intrinsèque à la théorie des droits fondamentaux : les juges risquent
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d’entrer, parfois malgré eux, sur le terrain réservé par nature au Poli-
tique118 et en contre-partie, les Politiques risquent d’utiliser à tort et à
travers la dénonciation de Gouvernement des juges, chaque fois qu’une déci-
sion rendue leur déplaît.
b) Enfin, on a vu que le rôle du juge est d’empêcher les bras droit et
bras gauche de l’État d’être trop violents. La théorie des droits fonda-
mentaux, qui vise à lutter contre les extrémismes politiques, oblige donc
les partis politiques à écarter de leurs programmes les réformes jugées
trop extrêmes (car attentatoires aux libertés). Un rapprochement des
idées se fait alors naturellement vers le centre. La justice des droits fon-
damentaux aplanit la dialectique politique droite/gauche, obligeant cha-
cun à modérer ses points de vue. Les extrêmes ainsi bannis, les pro-
grammes politiques fusionnent naturellement vers une synthèse, une
pensée unique (ce que l’on nomme communément le social-libéralisme ou
démocratie-libérale)119. Ce phénomène peut être observé dans tous les États
de droit. De nos jours, les divergences idéologiques droite/gauche ne
sont plus si tranchées qu’auparavant120. Il faut y voir là, notamment, un
effet de la théorie des droits fondamentaux121.
La fin de la dialectique classique entre libéralisme et socialisme était-
elle le signe d’un progrès ? Est-ce la fin d’un système et le début d’un
autre ? Dans tous les cas, le vice de cette évolution est d’uniformiser les
117. E. Spitz, « L’acte de juger », RDP, 1995, p. 296 à 298 ; J.-M. Carbasse, « Le droit
pénal dans la Déclaration des droits », Droits, 1988, n° 8, La déclaration de 1789, p. 123 et
suivantes.
118. Dworkin soutient pourtant que cela n’est pas envisageable, car le pouvoir juridic-
tionnel est lié intrinsèquement par certaines contraintes qui pèsent sur lui (Prendre les droits
au sérieux, op. cit., p. 155 et s.). Ces contraintes extérieures au juge sont, d’une part, la
logique institutionnelle du corps professionnel de la magistrature et, d’autre part, le
contexte économique et social (Prendre les droits au sérieux, op. cit., p. 121, et « Controverse
constitutionnelle », Pouvoirs, n° 59, 1991, p. 8). Dworkin soutient « la thèse d’un pouvoir
jurisprudentiel lié » (voir O. Beaud, « Pour une autre lecture de Ronald Dworkin, théori-
cien de la pratique juridique ». A propos de « Prendre les droits au sérieux », in Droits,
n° 25, 1997, p. 138 et 139). Mais ce point de vue est critiquable, à divers égards. Voir
G. Timsit, « Contre la nouvelle vulgate », Le nouveau constitutionnalisme, Hommage à
G. Conac, Economica, 2001, p. 31 et s. ; J. Meunier, Le pouvoir du Conseil constitutionnel, Essai
d’analyse stratégique, Bruylant-LGDJ, 1994, p. 70 et s. ; G. Calvès, L’affirmative action dans la
jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis. Le problème de la discrimination positive, LGDJ,
1998, p. 191 ; M. Troper, Pour une théorie juridique de l’État, PUF, Paris, 1994, p. 313 et s.
119. P. Bourdieu, Contre-feux, Liber, coll. Raison d’agir, 1998.
120. J.-F. Kahn, La pensée unique, Fayard, 2000.
121. Dans son œuvre Théorie de la justice, John Rawls a conceptualisé cette recherche
d’une synthèse politique nouvelle (Théorie de la justice, éd. Seuil, 1997).
260 Christophe de Aranjo
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débat politique de progresser, car on ne progresse dans le débat que par
l’effet dialectique122.
122. Hegel, Phénoménologie de l’esprit, 1807, trad. française 1939 et 1941, tome I, p. 30
et s.
123. R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, Paris, Sirey, 1920,
tome 1, p. 488 et s.
124. A. Rieg, M. Fromont, Introduction au droit allemand, vol. I : droit public, droit pénal,
Cujas, Paris, 1984.
Le droit constitutionnel moderne 261
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tionnelles de formation des États modernes en Europe continentale. Mais
aux États-Unis d’Amérique, la formation de l’État moderne s’est faite de
manière très différente. Les trois étapes étudiées (État de police, État
légal, État de droit) n’ont pas eu lieu. La Constitution américaine a
directement mis en place en 1787 et en 1803125 un système rationalisé
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125. Sur la portée de l’arrêt Marbury v. Madison, 5 U.S. 137 (1803), voir R. David,
C. Jauffret-Spinosi, Grands systèmes de droit contemporains, Dalloz, 9e éd., p. 494 et s.