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Philippe
Claudel,
La petite fille
de Monsieur Linh
Le Livre de Poche
no 30831, 192 pages.
L’auteur Philippe Claudel a écrit de nombreux romans, parmi lesquels Les Âmes grises, qui a reçu en
2003 le prix Renaudot, en 2004 le Grand Prix des lectrices de Elle, et a été traduit dans trente
langues. La petite fille de Monsieur Linh est paru en 2005. Le Rapport de Brodeck a été couronné
du prix Goncourt des lycéens en 2007. Philippe Claudel a également écrit et réalisé le film Il y
a longtemps que je t’aime, avec Kristin Scott Thomas et Elsa Zylberstein, qui a été diffusé dans
une trentaine de pays.
L’œuvre M. Linh est un vieil homme qui doit quitter son pays que la guerre vient de dévaster. Il n’em-
mène avec lui, pour tout bagage, qu’une valise contenant quelques vêtements usés, un peu
de terre de son pays et une photo jaunie. Mais il n’est pas seul pour son voyage ; sa petite
fille l’accompagne. Elle est tout ce qui lui reste de sa famille. L’exil les conduit dans un pays
inconnu, dans une ville grisâtre, dans un dortoir sans âme où les autres exilés se moquent de lui.
Seul rayon de soleil dans cette solitude immense, une autre solitude : celle de M. Bark, un gros
homme que M. Linh rencontre sur un banc. Les deux hommes ne parlent pas la même langue
mais ils vont se comprendre. M. Bark saura accepter la différence de ce vieil homme, meurtri
par la guerre, qui ne vit plus que pour sa petite fille. Quant à l’issue de cette histoire simple,
émouvante et cruelle, on ne peut la raconter… Il faut la lire.
L’univers romanesque de Philippe Claudel est celui des gens du commun, à l’existence simple
mais si fragile. C’est aussi un univers qui montre la cruauté de la vie. Cependant, pour l’auteur,
la gravité de ses récits n’est pas sans espoir. Si le thème de la guerre est présent dans toutes ses
œuvres, il ne fait que le suggérer car ce n’est pas ce sur quoi il semble fonder ses récits. Ses his-
toires sont en effet avant tout celles de rencontres entre des êtres très différents. Ces rencontres
sont l’occasion pour l’auteur de peindre l’âme humaine dans ses tréfonds les plus effrayants mais
aussi dans son innocence la plus vertigineuse.
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À quelles classes La petite fille de Monsieur Linh est un conte moderne avec tous les ingrédients du conte mais
aussi de la nouvelle. Son écriture épurée et poétique se prête merveilleusement à l’étude pour des
s’adresse élèves de Troisième et de Seconde.
le texte ? L’étude de cette œuvre s’adapte aussi bien aux programmes actuels de la classe de Troisième
qui recommandent l’étude d’un roman ou d’une nouvelle du XIXe ou du XXe siècle qu’aux pro-
grammes qui rentreront en vigueur à compter de la rentrée 2012 en Troisième, et qui proposent
l’étude de romans et nouvelles des XXe et XXIe siècles porteurs d’un regard sur l’histoire et le
monde contemporains.
Mais le récit peut aussi être étudié en classe de Seconde générale et technologique, dont le
programme préconise l’étude d’une œuvre romanesque (roman ou nouvelle) du XIXe ou du
e
XX siècle.
Enfin, l’œuvre se prête également à un travail interdisciplinaire, notamment avec le programme
d’ECJS de Seconde, par exemple, qui porte sur la citoyenneté et l’intégration.
Présentation de la séquence
Problématique Quels sont les éléments qui font du récit de Philippe Claudel une nouvelle à chute ?
[De nombreuses problématiques sont envisageables en fonction du niveau de la classe. Celle-ci
s’adresse à des élèves de Seconde.]
Corpus Lecture au fil du texte avec analyses plus fouillées de certains passages.
- Pages 9-10 : du début à « Et l’enfant bien sûr »
- Pages 33-34 et p. 57-58 : La vie au dortoir
- Pages 44-45 : Les rapports grand-père/petite-fille
- Page 67 : Un moment de peur
- Pages 87-88 : Un moment de bonheur
- Pages 108-109 : Une scène en voiture
- Pages 115-116 : Le rêve de M. Linh
La découverte du texte se fera au fur et à mesure de la séquence afin que les élèves puissent com-
prendre tout le mécanisme de la nouvelle à chute mais aussi afin de solliciter leur imagination et
plus simplement les inviter à apprécier pleinement cette nouvelle.
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Un thème : l’exil
Il est possible d’établir un lien entre cette séquence et une séquence en histoire-géographie au
collège ou en ECJS au lycée ; cette dernière partie peut donc se faire conjointement avec le pro-
fesseur d’histoire-géographie qui, au préalable ou ultérieurement, travaillera avec les élèves sur
le thème de l’exil. Les élèves pourraient émettre quelques hypothèses sur l’origine ethnique de
M. Linh.
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En cours de français pourront être faites les recherches suivantes (éventuellement au CDI) :
- Recherche de vocabulaire autour de la notion d’exil, d’émigration et d’immigration.
- Que nous dit le texte sur le thème ?
- Que savent les élèves ?
- Étude éventuelle d’un document sur le thème.
Devoir
Lecture à la maison des pages 17 à 31.
Suite à ce tableau, les élèves s’interrogeront sur la fonction du personnage (fonction d’adju-
vant) et sur ce qu’il représente dans l’histoire (il est entre autres le symbole de l’amitié : les élèves
relèveront dans le tableau les éléments qui caractérisent cette amitié).
Devoir
Lecture des pages 33 à 59.
Lecture 3 – La vie
de M. Linh Objectif
Savoir repérer les focalisations. Cette séance va permettre non seulement de faire un rappel des
focalisations mais aussi de réfléchir à l’impact de celles-ci sur la perception que le lecteur a des
événements qui lui sont racontés.
Dans un second temps, les élèves en viendront à observer plus attentivement les conditions de
vie de M. Linh : des conditions particulièrement hostiles (la vie au dortoir) tempérées par les
relations du grand-père avec sa petite-fille et de l’espoir qu’il place en elle.
Les rapports grand-père/petite-fille (p. 44-45) : de « La petite fille a ouvert les yeux… » à
« couleurs merveilleuses ».
Cette étude, plus rapide que la précédente, doit avant tout permettre aux élèves de repérer les
focalisations et de comprendre que les passages en focalisation interne (lorsque le grand-père
regarde sa petite-fille et voit dans ses yeux se dessiner les yeux de toute sa famille disparue) met-
tent l’accent sur la nostalgie et l’espoir que le grand-père place en sa petite-fille. Cette lecture
trouvera tout son sens une fois que les élèves auront pris connaissance de la chute.
Devoir
Lecture des pages 61 à 99.
Un moment de bonheur (p. 87-88) : de « M. Bark pose la photo » à « Il espère que cela s’est
passé ».
Cette deuxième étape de la lecture 4 doit permettre aux élèves de réinvestir ce qu’ils ont appris
sur l’analyse des personnages. On leur demandera cette fois-ci d’analyser le portrait de la femme
de M. Bark en faisant un relevé de tous les éléments de la description physique qui seront en-
suite à analyser.
Cette étude sera suivie d’une réflexion sur la façon dont M. Linh envisage la mort et sur ce
que cela nous apprend sur lui. À ses yeux, la mort évoque un pays heureux (« pays des morts »
« pays lointain », associé au sentiment de « plaisir »). Cette façon d’envisager la mort montre la
propension au bonheur du personnage, son refus d’envisager la mort comme une fin (ceci est à
rattacher à la couleur verte de l’espoir qui encadre le visage de la femme de M. Bark, couleur qui
attire particulièrement le regard de M. Linh). Cette étude sera bien évidemment à relire une fois
que les élèves auront pris connaissance de la destinée tragique de toute la famille de M. Linh, y
compris de sa petite fille.
Cette lecture se terminera par une réponse plus précise à l’objectif initial : « comprendre pour-
quoi le récit est construit sur des contrastes ».
Cette construction du récit semble donner l’impression d’un manichéisme persistant dans tout
le texte, jusqu’à sa conclusion, et où chaque personnage, presque caricatural, est animé par des
actions très simples. Si cette première lecture trouve ses caractéristiques dans les schémas de la
nouvelle et encore plus du conte, une deuxième lecture, plus complexe, du texte peut être faite.
En effet, derrière cette vision simplifiée du monde qui fait sans cesse se confronter malheur et
bonheur se cache le portrait même de M. Linh : c’est le portrait psychologique d’un homme
sur lequel les élèves peuvent émettre une nouvelle fois des hypothèses : le personnage serait âgé,
sénile, aurait eu une vie difficile qu’il chercherait à oublier…
Cette construction peut aussi permettre aux élèves de s’interroger sur les motifs de l’auteur lui-
même : quelles représentations de la vie humaine nous livre-t-il ?
Devoir
Lecture des pages 101 à 136.
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Une scène en voiture (p. 108-109) : de « Une voiture les emmène » à « s’écraser bientôt ».
• Les élèves commenceront par revoir le travail sur les focalisations en s’interrogeant sur le choix
de la focalisation interne et de toutes ses stratégies narratives : discours indirect narrativisé dans
deux tournures interrogatives, emploi du pronom « on », choix du vocabulaire pour transmettre
la perception du monde environnant, verbe « paraître », « se souvenir », image de la voiture
« comme un coffre jeté du haut d’un pont »…
• L’étude suivante portera sur les contrastes, voire les oppositions entre les deux moyens de loco-
motion que sont les charrettes et les voitures.
Les élèves se demanderont ensuite ce que sont censées symboliser la charrette et la voiture (le
mode de vie occidental contre le mode de vie « oriental ») pour en tirer la conclusion que le
premier est présenté de façon plutôt effrayante car caractérisé par le bruit, la vitesse, le danger et
surtout par son individualisme.
Le rêve de M. Linh (p. 115-117) : de « Le vieil homme dort mal » à « comme un astre mort ».
L’étude pourra se faire sous la forme d’un court commentaire littéraire. Les axes de lecture sui-
vants seront alors donnés aux élèves :
Analyser le texte en observant la vision terrifiante qui est donnée de la guerre. Pour cela, observer
plus particulièrement :
- comment est décrite l’angoisse de M. Linh et de ses concitoyens ;
- les figures de style portant sur le soleil et la lumière.
Cette étude doit permettre de comprendre l’impact qu’a la guerre sur les hommes. Cet extrait
ne montre ni l’atrocité de la guerre ni les émotions crues que peuvent ressentir les êtres humains
en voyant leur famille innocente périr. Ce passage du texte cherche avant tout à mettre en évi-
dence la violence psychologique qui est faite aux hommes : des hommes « hébétés », déracinés,
ayant tout perdu (« les mains vides »), mus par la terreur à l’idée qu’on « leur couperait à tous la
gorge ». Ce passage montre aussi l’énergie humaine, cet éternel espoir qui fait que les hommes
supportent tout, même le pire, en s’évadant par le rêve, les « récits de trésors et d’héritages fabu-
leux ». Ce trésor, cet héritage fabuleux, M. Linh croit le tenir entre ses bras, « le sang de son
sang »… Mais c’est ne pas avoir encore lu la fin de l’histoire.
Ce passage pourra donc lui aussi être relu une fois la chute connue. Il permettra une nouvelle
fois de s’interroger sur le regard que porte Philippe Claudel sur l’humanité.
Devoir
Lecture des pages 137 à 178.
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- critique de la guerre qui détruit et peut conduire à la folie (car derrière la facilité d’interpréta-
tion – M. Linh est vieux donc sénile –, ne doit-on pas se demander s’il n’est pas devenu fou face
à l’atrocité de ce qu’il a vu – sa famille morte, le corps déchiqueté de sa petite fille) ?
Philippe Claudel fait une critique violente et poignante de la société et de l’homme, et plus
profondément de ce que la société pervertit l’humanité profonde de l’homme. M. Linh, à son
âge, incarne-t-il la sagesse ou la sénilité ? L’auteur nous invite-t-il à regarder le monde à travers
les yeux de M. Linh, de M. Bark ou à travers la terrible conclusion qui est faite à ce récit ? La
question reste posée, aussi bien dans ce récit que dans toutes les autres histoires de l’auteur qui
peuvent servir de lectures complémentaires aux élèves, et plus particulièrement Les Âmes grises
ainsi que Le Rapport de Brodeck.
Véronique MONTEILHET
Daniel
Philippe
Claudel
Le Bruit
des trousseaux