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104 Le cadre thérapeutique à l’épreuve de la réalité (Du cadre analytique au pacte)
ou répété, qui instaure une relation d’aide effective. Il peut être initial
(dès le premier contact), ou n’apparaître qu’après un certain temps. Il
nous paraît que cet événement appartient en fait à tous les modes
thérapeutiques, comme à toutes les relations intersubjectives qu’on
dira vraies.
Que ce soit dans l’intimité d’un cabinet de consultation, à deux ou
avec une famille, ou dans la confusion d’un service d’urgence par
exemple, il s’agit bien de réussir quelque chose qui est de l’ordre de la
rencontre. Il nous semble que cela repose sur un « regard » autant
qu’une écoute, et un état intérieur de l’intervenant, sans lesquels la
rencontre sera formelle et risque d’être vide de sens ou de ne pas tenir
ses objectifs. À charge du patient d’y répondre ou non..
On conçoit bien qu’il ne s’agit pas seulement d’une attitude,
sûrement pas d’une pose, ni d’un contre-transfert (c’est au-delà ou en-
deçà de celui-ci). On peut évoquer, comme comparaison et illustra-
tion, ce qui se passe quand la musique d’un film se tait et laisse les
acteurs dans le silence ou la force d’un lent dialogue, totalement
attentifs l’un à l’autre. Ce qui va se passer à ce moment, c’est sur quoi
repose toute l’histoire. Il faut cette suspension du contexte, du « bruit
des autres » et des « explications ». Suspension, comme on dit « je suis
1. Anzieu D., Les
suspendu à vos lèvres ». C’est aussi au-delà de la séduction : c’est une
enveloppes psychiques, attention absolument réservée, de l’un à l’autre, de l’un comme de
chap 2, pp 32-34. l’autre1.
Le cadre thérapeutique à l’épreuve de la réalité (Du cadre analytique au pacte) 105
Ainsi débute une relation, parfois après des prémisses longues, une
relation thérapeutique avec quelqu’un qui pose trois questions…
enveloppe protectrice, élaborée et garantie par le thérapeute qui a, Frencht T.M., Psycho-
thérapie analytique.
dans ses termes, le rôle « d’une seconde peau psychique, les Principes et applica-
pensées du sujet peuvent se déployer » et l’excitation, qu’elle soit tions, PUF, 1959.
d’origine interne ou externe, est limitée dans ses effets 5. Anzieu D., Cadre
analytique et envelop-
désorganisateurs.
pes psychiques, Journal
– Laplanche8 le compare à une sorte de « membrane, à double paroi, de la psychanalyse de
ou double limite, l’une représentant les conditions de la réalité l’enfant, n°2, pp 12-24,
extérieure [protectrice], l’autre tournée vers le monde psychique 1986.
6. Arfouilloux J-C.,
interne, avec ses exigences pulsionnelles [comme un écran où se
Cure-type : théorie et
projettent les représentations du sujet]. pratique, cadre et
– Bleger9 le considère comme « une institution dépositaire de la processus, Encyclopé-
relation symbiotique avec le corps de la mère », condition fonda- die Médico-Chirurgi-
cale, Psychiatrie, 37-
mentale donc, qu’il propose d’analyser 810-F-40, 10 p, 1996.
Insistance est ainsi faite sur le caractère enveloppant et rigoureuse- 7. Anzieu D., Le Moi-
peau, Dunod, 1985.
ment garanti du cadre. Au fond, nous n’aimons pas le mot « cadre » ;
Anzieu D., Les
« enveloppe » serait plus juste. enveloppes psychiques,
Dunod, spécial. p 39,
Une multiplicité de facteurs internes et externes vont aboutir à
1987.
autant de mises en question et d’évolutions de la notion de cadre. 8. Arfouilloux J-C.,
Cure-type : théorie et
pratique, cadre et
processus, Encyclopé-
Le cadre, d’un point de vue phénoménologique die Médico-Chirurgi-
cale., Psychiatrie, 37-
Défini comme précédemment, c’est une conception empirique, résul- 810-F-40, 10 p, 1996.
tat de l’expérimentation de la psychanalyse et des psychothérapies 9. ibidem
110 Le cadre thérapeutique à l’épreuve de la réalité (Du cadre analytique au pacte)
Dans cet ordre d’idées, l’éthique, ainsi que nous l’entendons, est
l’ensemble des signes, des conduites, des contenus verbaux et non-
verbaux qui signifient cette reconnaissance, attestent de cette relation
de respect. L’éthique se distingue ainsi de la morale, parce qu’elle
s’étaye sur un désir et non sur une loi.
On comprend qu’il ne peut y avoir de relation d’aide au sens où nous
l’avons entendu plus haut si cette position intérieure n’existe pas. Bien
sûr, il est possible d’aider de façon concrète, matérielle, ou même de
faire passer un état d’angoisse par une simple présence ou par un
produit. Mais nous avons parlé de rencontre et nous avons dit qu’elle
était nécessaire à quelque chose qui est à la fois prise de conscience,
processus de changement, prise de responsabilité, participation re-
trouvée à la famille, au groupe, retour au monde. Sinon à quoi sert la
rencontre, l’aide elle-même ? Ce serait une imposture, la finalité serait
uniquement centrée sur l’intérêt de l’intervenant ou de la société.
17. MisrahiII R., La Cette nécessité éthique est encore confirmée quand l’autre nous nie.
signification de l’éthique, Que peut-il encore se passer entre lui et nous s’il nous nie ? La relation
Synthélabo, Coll. Les
d’aide suppose une bienveillance, quelque chose de maternel et de
empêcheurs de penser
en rond, 1995. chaleureux, plus quelque chose de paternel et d’organisateur. Et si la
18. Ricoeur P., Avant la réponse que nous donne le patient est le refus : liberté à lui de
loi morale : l’éthique, l’affirmer. Mais si la réponse était destructrice de nous-mêmes, nous
Symposium, Encycl.
Universalis, pp 42-45, avons la liberté à notre tour de refuser, tout pacte devenant impossible.
1985.
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