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pauvreté qui y règnent, pressés d’atteindre les États- matelas à même le sol dans une église. Chaque jeudi
Unis avant que Trump ne mette à exécution ses et dimanche, il leur faut débarrasser leurs affaires pour
menaces récurrentes de fermer la frontière, plus de que la messe puisse s’y tenir. « Les enfants ne sont
520 000 migrants sont entrés au Mexique depuis pas scolarisés. Il n’y a pas de permis de travail ni de
janvier : quatre fois plus que les années précédentes. logement prévus. Je ne vois pas comment le Mexique
En mai, 132 000 migrants étaient interpellés à la pourra gérer d’ici quelques semaines le retour de
frontière sud des États-Unis – du jamais-vu depuis 1 000 personnes par jour. On s’avance vers une crise
treize ans. humanitaire », avertit l’activiste.
Un afflux qui a attisé la colère du locataire de Autre conséquence de cette mesure : les demandeurs
la Maison Blanche, qui a fait de la lutte contre renvoyés au Mexique sont de facto privés d’avocats.
l’immigration sa marque de fabrique politique. Celui Ceux que recommande l’administration américaine
qui doit bientôt annoncer sa candidature à la sont basés aux États-Unis, et leurs collègues mexicains
présidentielle de 2020 accuse le Mexique à coups sont débordés. Une présence pourtant essentielle au
de tweets rageurs de rester les bras croisés face à moment de convaincre les tribunaux du bien-fondé de
la situation. « Le Mexique a en réalité expulsé plus la demande d’asile. « Cela s’inscrit dans une stratégie
de Centraméricains que les États-Unis ces dernières globale pour restreindre le droit à l’asile », décrypte
années », rappelle Andrew Selee, directeur du Kizuka. « Au vu des bâtons qu’on leur met dans les
Migration Policy Institute, un think tank indépendant roues, la plupart abandonneront en cours de route ou
basé à Washington. « De manière non explicite, les seront déboutés », anticipe-t-il.
deux pays se partagent déjà la responsabilité de gérer 3 000 km plus au sud, le Mexique a promis de
le flux migratoire », ajoute-t-il. renforcer le contrôle de sa frontière avec le Guatemala
Pour apaiser Donald Trump, le Mexique a accepté en y déployant 6 000 membres de la garde nationale,
de prendre des mesures supplémentaires, comme cette police militarisée flambant neuve créée par le
l’expansion éclair du programme « Rester au Mexique président López Obrador pour combattre le crime
», en vertu duquel, depuis janvier, les Centraméricains organisé.
ayant déposé une demande d’asile sont renvoyés au Une militarisation de la région qui risque de provoquer
Mexique pour y attendre une réponse. « Sinon, une l’augmentation des violations des droits des migrants,
fois aux États-Unis, ils disparaissent dans la nature avertissent les associations du secteur. Ces derniers
», argumentait en décembre dernier l’ex-secrétaire à la mois déjà, les autorités migratoires ont multiplié les
sécurité américaine Kirstjen Nielsen. En moyenne, la coups de filet musclés dans le sud du pays, arrêtant
décision met en moyenne deux ans à tomber. plus de 80 000 personnes. « Le Mexique est réellement
Alors que la légalité de ce protocole est toujours en en train de devenir le mur dont rêvent les États-Unis »,
débat devant la justice américaine, les autorités ont grince Claudia Léon, coordinatrice du Service jésuite
déjà renvoyé plus de 11 000 demandeurs d’asile au aux Migrants.
Mexique. Et la cadence va s’accélérer : d’ici le mois L’arrivée de la garde nationale sonne aussi le glas
d’août, 60 000 de plus devraient les rejoindre. des caravanes. Depuis octobre 2018, les migrants
L’accord prévoit que le Mexique prenne ces avaient trouvé dans ces déplacements en masse un
demandeurs d’asile en charge pendant leur attente – moyen de progresser vers le nord relativement sûr
ce qu’il n’a pas fait pour les premiers arrivants. La et moins coûteux qu’un passeur. Mais les dernières
promesse laisse de marbre Kennji Kizuka, de l’ONG arrivées ont été démantelées par les forces de l’ordre
Human Rights First, qui rentre tout juste d’une visite en embuscade, renvoyant les migrants aux dangers de
à Ciudad Juarez, à la frontière nord du Mexique. la clandestinité.
Il y a rencontré des familles qui dorment sur des
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« S’il en a la volonté politique, le pays peut augmenter de longue date au Mexique, et qui leur permettrait de
les expulsions de migrants à court terme » pour refuser d’étudier les demandes d’asile des migrants
dégonfler les statistiques, estime Stéphanie Leutert, arrivés par le Mexique au prétexte que c’est un pays
à la tête du programme Mexico Security Initiative sûr.
de l’université d’Austin (Texas). « Mais je ne suis « C’est une ligne rouge que le Mexique a toujours
pas certaine qu’il puisse maintenir ce rythme sur le refusé de franchir », souligne Andrew Selee, du
long terme », ajoute-t-elle. « Le Mexique a cherché Migration Policy Institute, qui avertit : « Les États-
avant tout à gagner du temps », abonde le professeur Unis sont en train de sous-traiter leur politique
Humberto Garza, du Centre d’études internationales migratoire au Mexique. Ils font peser sur leur voisin
du Colegio de Mexico. « Il fallait éloigner la menace du sud le poids de leur système d’asile, que le manque
des tarifs douaniers d’abord, et réfléchir ensuite », de volonté politique a contribué à rendre défaillant. »
poursuit-il.
Dos au mur, le Mexique compte répliquer en proposant
Car le diable se cache dans les détails : le dernier un accord régional, similaire au « règlement de
paragraphe de l’accord signé début juin stipule que Dublin » en Europe qui délègue la responsabilité de
le Mexique a 45 jours pour obtenir des résultats l’examen de la demande d’asile d’un migrant au pays
concrets, sans quoi les négociations reprendront de de première entrée. L’accord inclurait d’autres pays
plus belle. Un deuxième volet que le Mexique, qui concernés par les mouvements migratoires, comme le
se targuait d’avoir « conservé sa dignité » à l’issue Guatemala, le Brésil ou le Panama. « Je ne vois ni le
des négociations, aurait bien passé sous silence. Mais Mexique ni le Guatemala, tous deux dotés de systèmes
c’était sans compter sur Donald Trump qui a multiplié d’asile sous-dimensionnés, capables de gérer l’afflux
les allusions à « une clause secrète très puissante » sans précédent de Honduriens et de Salvadoriens »,
qu’il appartiendrait au Mexique « de dévoiler en temps juge Kennji Kizuka. « Sans compter que la sécurité des
voulu ». migrants est loin d’être garantie dans ces deux pays
Embarrassé, le chef de la diplomatie mexicaine », ajoute-t-il.
a reconnu qu’en cas d’échec, le pays serait prêt Pendant ce temps, la garde nationale mexicaine
à discuter d’une réforme du droit d’asile : une entame une course contre la montre. Elle a un mois et
conversation qui va beaucoup plus loin que les demi pour prouver au président américain qu’elle peut
mesures actuelles. En ligne de mire : l’étiquette de « tarir le flux de migrants venu d’Amérique centrale, et
pays tiers sûr », que les États-Unis tentent d’imposer échapper au second round de négociations.
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