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Olivier Roy

Iran, schiisme et frontière


In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°48-49, 1988. pp. 266-280.

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Roy Olivier. Iran, schiisme et frontière. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°48-49, 1988. pp. 266-280.

doi : 10.3406/remmm.1988.2242

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1988_num_48_1_2242
Olivier ROY

IRAN, SHIISME ET FRONTIÈRE

II y a un espace iranien depuis le premier millénaire avant Jésus-Christ. La pre


mière définition de cet espace est à la fois géographique et ethno-linguistique :
c'est la zone des hauts plateaux entre l'Euphrate et l'Oxus, autrefois parcourus
et aujourd'hui peuplés en majorité par des groupes parlant des langues iraniennes
issues de l'« indo-iranien» (persan, kurde, baloutche, pashtou pour les grandes lan
gues modernes). Cet espace a été régulièrement, mais pas continûment, unifié par
des entités politiques centralisées se réclamant de la notion d'empire «iranien»
ou «perse»1. La plus grande dimension de l'empire au sens politique fut celle de
l'empire achéménide (559 - 331 av. J.C.) qui allait de la Méditerranée à l'Indus,
bien au-delà de l'espace ethno-linguistique. L'Iran actuel est circonscrit dans des
frontières réduites par rapport à la plupart des entités politiques précédentes.
Ces données peuvent-elles suffire pour définir l'entité iranienne comme un État-
nation, expression d'un groupe territorialement stable et dont l'identité perdure
à travers les siècles, déterminant ainsi la stratégie de tout État iranien ? Pas vra
iment car, d'une part, le territoire de l'Iran actuel ne recoupe pas le domaine ethno-
linguistique iranien (on parle le persan et d'autres langues iraniennes en dehors
de l'Iran; on parle turc et arabe à l'intérieur des frontières iraniennes), d'autre
part l'influence politique de l'Iran contemporain s'étend au-delà de l'espace ir
anien grâce au shiisme qui est étroitement associé à l'identité iranienne. Ce qui
caractérise la politique de l'Iran révolutionnaire, c'est sa trans-territorialité : c'est
parmi les minorités shiites, qui pour la plupart n'ont aucune frontière commune
avec l'Iran, que l'impact de la révolution iranienne est le plus marqué, et non parmi
les groupes ethno-linguistiques iraniens mais sunnites (kurdes, baloutches, tajiks,
pashtounes etc.). L'espace géo-politique du shiisme, où se déploie la révolution

RMMM 48-49, 1988/2-3


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islamique, entraîne une remise en cause des frontières par négation des États qui
englobent les minorités shiites (généralement arabes et/ou sunnites) et non par affi
rmation d'un «Grand Iran» à base ethnique.
Nous nous proposons donc d'étudier la notion d'espace iranien à travers ces trois
dimensions : politique (permanence d'un empire), ethno-linguistique (y a-t-il une
«iranité»?), et religieuse (shiite). En refusant toute perspective téléologique, où
la notion d'Iran moderne émergerait quasi naturellement de la fusion de ces trois
données, nous montrerons que l'identité politique iranienne s'inscrit dans une vision
spatiale formée de manière récurrente par ces trois cercles identitaires qui sont
loin d'être concentriques. C'est l'Histoire, et souvent sa réécriture, qui identifie
l'espace iranien à la permanence d'un centre politique persan et shiite. Pourtant
les empires ont souvent été dirigés par des non-Iraniens (des Séleucides grecs aux
Qajars turcs en passant par les Timourides mongols); l'espace sur lequel ces empires
ont régné n'a jamais inclus la totalité des groupes ethno-linguistiques iraniens et
comprenait au contraire d'immenses populations non-iraniennes (à peine la moit
iédes citoyens iraniens d'aujourd'hui ont le persan comme langue maternelle).
Enfin, le shiisme duodécimain ne s'est identifié à l'Iran qu'à partir du XVIe siècle,
au cours d'un processus d'iranisation et de cléricalisation du shiisme, dont nous
voyons l'achèvement partiel se faire sous nos yeux (Liban, Afghanistan et Pakistan).
L'Iran révolutionnaire acquiert sa dimension transfrontalière et sa puissance
d'action par la réactualisation d'un cercle impérial, fondé non sur des revendica
tions territoriales ou ethniques, mais sur la mise en avant d'une universalité shiite
vécue comme entité politique. L'« iranité», qu'elle soit ethnique ou linguistique,
ne joue qu'un rôle d'appoint par rapport à l'identité shiite. D'où l'étrangeté de
l'expansionnisme iranien, qui n'a rien de territorial2, mais qui prétend détenir la
clé de la légitimité des autres États.

L'ESPACE POLITIQUE DE L'EMPIRE IRANIEN

Les trois cercles (impérial, ethno-linguistique et shiite) n'ont qu'une intersec


tion : le haut plateau iranien, croissant fertile des oasis de piedmonts qui entoure
les deux déserts de Dasht-e Lut et Dasht-e Kavir. On y retrouve les grandes villes
de l'histoire iranienne (Persépolis, Suse, Shiraz, Isfahan, Qom, Ray, Kerman, Ghaz-
vin, Téhéran, Mashhad) ainsi quîune large majorité de persanophones shiites.
Au delà de ce noyau persan, l'histoire détermine un «grand Iran», celui des ter
ritoires qui ont été durablement, mais temporairement, sous administration ir
anienne, essentiellement lors des grands empires Achéménides, Sassanides (224-642)
et Safavides (1501-1722), jusqu'à ce que le déclin des Qajars (xixe siècle) ramène
l'Iran à sa dimension actuelle3. Ces quatre empires utilisaient explicitement la
notion d'Iran et étaient construits autour d'une dynastie et d'une administration
fortement centralisée, au lieu d'être de simples et éphémères additions de conquêtes.
Ce grand Iran fut le rêve des deux derniers Shah, Reza et Mohammad Réza
Pahlavi. Mais ils voyaient l'Iran comme État-nation et non comme empire, c'est
à dire que l'espace politique devait, pour eux, coïncider avec l'espace ethno-
linguistique sur le modèle des nationalités européennes modernes, alors que l'empire
admet la juxtaposition d'ethnies diverses liées par la fidélité monarchique. Ils visaient
donc la «persianisation» de l'espace inclu entre les frontières politiques. La poli-
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tique pahlavie s'articule en deux axes : création d'un État-nation centralisé et per-
sanophone à l'intérieur des frontières héritées des Qajars et extension de l'influence
de l'Iran sur l'espace historique de l'empire.
Pour persianiser l'empire, Reza Shah impose l'usage du persan et réprime la
pratique des autres langues. L'Histoire est chargée de légitimer cette nouvelle ident
ité : le nom choisi pour la dynastie (pahlavî) renvoie à la langue parlée sous les
Sassanides; le persan moderne est épuré d'une partie de son vocabulaire d'origine
arabe; les manuels d'histoire définissent une entité iranienne stable des Achémé-
nides aux Pahlavis, que met en valeur l'imposition d'un nouveau calendrier en
1975. L'apport islamique, donc arabe, est dévalué, la laïcité est support du natio
nalisme; l'ethnicité est systématiquement mise en avant, pour justifier par exemp
le l'interdiction de la langue azéri (turque) sous prétexte que les Turcophones
d'Iran ne seraient que des Iraniens ethniques, mais linguistiquement turquisés.
La politique régionale de Mohammad Reza Shah s'inscrit dans une vision «aché-
ménide» de l'espace iranien : contrôle du Golfe persique (occupation des îles de
Tumb et de Musa en 1971, revendication sur Bahrayn), intervention en Oman
(Dhofar), au Balouchistan pakistanais (hélicoptères iraniens aux côtés des troupes
pakistanaises en 1973 contre les tribus baloutches), soutien aux Kurdes irakiens
en 1974, revendication du contrôle du Shatt El- Arab, volonté de parrainer l'État
afghan par une aide économique massive (en 1977, l'Iran propose la création du
chemin de fer Mashhad, Herat, Kandahar, Kaboul). Mais les frontières auxquell
es le Shah se heurte sont plutôt celles de l'époque safavide ou qadjar qu'achémé-
nide : l'Euphrate (autrefois ottoman, aujourd'hui arabe), l'Afghanistan et le Pakistan
(anciennes marches de l'empire moghol), et le nord, Caucase et Turkestan où les
Russes ont remplacé Géorgiens et Ouzbeks. L'obstacle à l'affirmation régionale
de l'Iran vient aujourd'hui de la création d'États-nations nouveaux qui s'accro
chentà des frontières auxquelles ils essaient aussi de donner une signification eth
nique et historique (arabes contre persans par exemple). Ces États neufs ont une
légitimité souvent chancelante, sauf au Nord-est avec la Turquie, née en 1920,
mais héritière des Ottomans. L'État afghan, créé en 1747, s'est imposé difficil
ement.L'Irak a été créé en 1920 et le Pakistan en 1947.
La rivalité avec l'Irak est d'autant plus forte qu'elle recoupe le clivage Arabes
contre Persans, shiites contre sunnites, et que les deux pays ont vocation à être
des puissances régionales, donc à contrôler le Golfe persique. Par contre la situa
tion est plus complexe sur la frontière orientale, où une tradition persane s'est
développée depuis le Moyen-Age dans un cadre politique qui n'a jamais été celui
de l'empire iranien : des Ghaznévides au XIe siècle, jusqu'à l'empire Moghol (à
partir du xvr siècle), dont la capitale est New-Delhi, une nouvelle frontière s'est
inscrite qui coupait l'Afghanistan en deux, entre une partie occidentale avec Hérat
soumise à l'influence iranienne et une partie orientale tournée vers l'Inde4. Le
fait que toute la résistance afghane sunnite (y compris les persanophones) se soit
installée d'emblée en territoire pakistanais, et la résistance shiite en territoire ira
nien, marque la rémanence de la division entre empire safavide shiite et empire
moghol sunnite. Le retrait des troupes soviétiques pourrait créer un vide polit
iqueet déboucher sur une tripartition de fait de l'Afghanistan, avec le nord aux
Russes, successeurs des émirs ouzbeks, reconstituant ainsi la carte politique du
xvr siècle. La ville afghane de Hérat n'a été définitivement rattachée à l'Afgha
nistanqu'en 1856; c'est une ville profondément persane, par la langue, l'histoire
Schiisme, Iran et frontière I 269

et la culture, mais qui est restée finalement sunnite. C'est le cercle de la religion
qui exclut Hérat de l'Iran.

LE CERCLE ETHNO-LINGUISTIQUE

L'espace ethno-linguistique iranien est celui où l'on parle ou a parlé des langues
appartenant à la famille iranienne. Le concept de langues iraniennes n'a rien à
voir avec l'Iran comme entité politique : c'est une notion de linguistique compar
ée. L'Iran est un État multilingue, où une grande partie de la population parle
des langues non iraniennes (turc et arabe). Par contre l'on parle soit le persan,
soit d'autres langues iraniennes, dans d'autres États (Afghanistan et Tajikistan pour
le persan, Pakistan pour le baloutche et la pashtou, Turquie pour le kurde etc.).
Les langues iraniennes se divisent en groupes occidental et oriental. Les princi
pauxreprésentants du premier groupe sont aujourd'hui le persan (langue officielle
de l'Iran et de l'Afghanistan), le kurde et le baloutche. Au groupe dit «oriental»
appartient le pashtou. On a parlé des langues iraniennes très loin vers l'Est (le
sogdien jusqu'à l'an mille en Transoxiane), alors que l'Euphrate est toujours resté
la frontière linguistique vers l'Ouest. Vers l'Est, le persan était langue de cour
à New-Delhi sous les empereurs Moghols (de 1527 à 1857). C'est seulement en
1962 que la principauté du Chitral, en territoire pakistanais, abandonna le persan
au profit de l'ourdou (version persianisée du hindi) comme langue administrative.
Jusqu'à la création du Pakistan en 1947, qui imposa l'ourdou à son élite, les poè
tes musulmans du sous-continent indien, comme Iqbâl, maniaient volontiers le
persan.
Le nord de l'espace linguistique iranien a été largement turquifié au cours des
dix deniers siècles, de l'Azerbaïjan à la Transoxiane, soit par sédentarisation de
groupes ethniquement turcs, soit par turquisation linguistique de populations ir
aniennes. Peu à peu se créa un espace «turco-iranien» où les deux mondes s'inte
rpénétrent, soit par la communauté religieuse (shiites azéris), soit par la mixité des
populations (Nord-afghan, villes de Tashkent et Boukhara), soit par persianisa-
tion des langues turques locales (comme l'ouzbek)5. Ici l'aire culturelle «iranienne»
va au-delà des critères purement linguistiques6.
Le critère linguistique détermine un fort sentiment identitaire, quelles que soient
les sous-divisions tribales, ethniques ou dialectales : un tajik soviétique, comme
un Hérati ou un shiite hazara, se dira farsiwan (persanophone) comme critère ultime
de l'identité7. Quels sont les rapports entre cette aire linguistique et l'espace poli
tique iranien?
Le persan contemporain (farsî) est éclaté en trois centres politiques (Iran, Afg
hanistan, République soviétique du Tajikistan). C'est au xvie siècle, avec la cons
titution des sphères safavide chiite sur l'Iran, moghol persanophone sunnite sur
l'Inde, et ouzbek sunnite sur l'Asie centrale (sultanat des Shaybanides) que ces
trois centres sont définitivement séparés sur le plan politique. Aujourd'hui l'inter-
compréhension est parfaite pour la langue littéraire, mais, pour des raison politi
ques, chacun des États contemporains érige en langue nationale sa version dialec-
tisée du persan commun. En Iran, l'invention, au cours des années trente, de néo-
logismes archaïsants pour désarabiser le persan a introduit une rupture avec la
tradition du persan classique, restée très forte aujourd'hui en Afghanistan8. A
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Kaboul les grammairiens normalisent le dari moderne en s'appuyant sur l'usage


dialectal et non littéraire9. C'est encore plus net en URSS, où, pour couper le
Tajikistan du monde musulman, on a imposé l'écriture cyrillique et favorisé à la
fois la dialectalisation et la russification : on va jusqu'à nier la parenté entre le
tajik, le dari et le persan 10. Chaque État accentuant son particularisme linguisti
que, la notion d'espace persanophone est menacée. Cependant, le conservatisme
des Tajiks soviétiques, les migrations d'Afghans en Iran (travailleurs ou réfugiés)
comme l'audience des grandes radios (de la BBC en persan à radio-Téhéran) font
que la plupart des locuteurs persanophones passent, lorsqu'ils circulent en dehors
de leur communauté locale, à un niveau soutenu de persan iranisé, compréhensib
le sur l'ensemble de l'espace persanophone, de Tabriz à Doushambé.
Il y a donc une communauté persanophone, différenciée par le critère religieux
(les Afghans sont plus proches des Tajiks d'URSS, sunnites comme eux, que des
Iraniens shiites). Il n'y a pas, par contre, de communauté des locuteurs de toutes
les langues iraniennes. Les deux ethnies parlant une langue iranienne du groupe
occidental (kurde et baloutche) se heurtent à l'État iranien dans leur revendica
tion d'autonomie. Les Pashtounes sont politiquement plus proches du Pakistan
(où ils sont bien représentés dans l'armée) que de l'Iran.
Il n'y a pas intercompréhension entre pachtou et persan et l'opposition est forte,
en Afghanistan, entre persanophone {farsiwan), non tribalisés, et les pashtouno-
phones, s'appuyant sur l'expansion conquérante des tribus pashtounes du sud, dont
l'aire d'habitat ou de nomadisme va désormais de l'Amou Darya à l'Indus. L'expan
sion pashtoune qui a débuté au XVIe siècle est un trait dominant de la politique
afghane contemporaine, depuis que l'État central, des monarchistes aux communi
stes,joue la carte pashtoune (à partir de 1890). En Afghanistan un ouzbek tur-
cophone est plus proche d'un tajik persanophone que du nomade ou du fonction
naire pashtoune. Cependant, les pashtounophones sont inclus dans la même sphère
culturelle que les persanophones par opposition au sous-continent indien. L'Indus
est une frontière culturelle : le système des castes, sous tous ses avatars, y rem
place le tribalisme; vêtements, nourriture, habitat, tout change par rapport au monde
iranien.
Peu à peu la notion de groupes linguistiques remplace celle d'ethnies, d'une part
parce que la confusion des ethnogenèses rend impossible la définition de l'identité
sur des base purement ethniques (l'exemple le plus confus est celui des Hazaras
afghans : ils ont des traits physiques nettement mongoloïdes, mais parlent un dia
lecte persan et sont shiites dans un environnement sunnite); d'autre part dès que
l'on passe d'un cadre dynastique souple, qui permet à un jeu identitaire complexe
et fluide de se déployer11, à celui d'un Etat-nation, le critère de la langue rem
place les critères ethniques et recrée des identités communautaires antagoniques,
alors que les références culturelles et le mode de vie restent les mêmes12. Par exem
ple l'ambivalence des relations entre monde turc et iranien est symbolisé par l'Azer-
baïjan iranien : les Azéris turcophones sont-ils des Iraniens? Là encore c'est le
critère religieux qui joue : les Azéris, turcophones mais shiites, sont bien plus Ira
niens que les kurdes, « iranophones » mais sunnites.
Sous quelque aspect que l'on prenne l'espace iranien, sa définition politique passe
donc par le critère religieux.
Schiisme, Iran et frontière / 271

ESPACE IRANIEN, ESPACE SHIITE?

L'identification entre le Shiisme et l'Iran est récente et s'est faite en deux temps :
d'abord la shiitisation de l'Iran, œuvre des Safavides, ensuite l'iranisation des minor
ités shiites étrangères, par la mise en place progressive d'un clergé shiite hiérar
chisé, à dominante iranienne.

1) La shiitisation de l'Iran (xvie siècle et XVIIe siècle).


S'il y a toujours eu une influence shiite en Iran, le shiisme est un phénomène
arabe : il se réclame de la légitimité de la famille du Prophète, arabe par excel
lence; la langue des Imams, descendants directs d'Ali, est l'arabe, comme celle
de la littérature théologique; la plupart des hauts lieux du shiisme sont en terre
arabe; les grands Ayatollahs sont le plus souvent des sayyad, donc d'ascendance
arabe, et manient parfaitement la langue arabe, tout en «arabisant» leur persan.
La dynastie safavide qui prend le pouvoir en 1501 (entrée d'Ismail à Tabriz)
repose sur une confrérie religieuse, à l'origine sunnite. On ne sait quel chef de
la confrérie se déclara le premier ouvertement shiite13. Cette confrérie se trans
forma en puissance militaire par le ralliement, sur des bases religieuses, de guerr
iers pour la plupart Turkmènes et nomades, appelés dès lors qizilbash. Leurs croyan
ces religieuses sont hétérodoxes tant par rapport au sunnisme qu'au shiisme, car
ils divinisent leur guide spirituel. Ce qui les rapproche du shiisme c'est le culte
particulier rendu à Ali (c'est une constante dans tous les mouvements mystiques
sunnites). Ce mouvement n'est donc ni shiite duodécimain (car il ne s'arrête pas
au douzième Imam disparu) ni iranien : il est plutôt turc et syncrétiste. Sa zone
géographique est l'Anatolie de l'Est et 1' Azerbaijan actuel, loin des centres ir
aniens historiques. Mais lorque le premier souverain, Ismail, fut battu par les Otto
mans à Chaldiran (1514), le centre de gravité de l'empire se déplaça vers l'Iran.
Le processus sera achevé quand le Roi Abbas choisira Isfahan comme capitale en
1598.
Pour construire un État stable, les Safavides doivent s'émanciper de l'univers
tribal des qizilbash, tout en conservant un univers shiite, plus proche des croyan
ces de leurs troupes que le sunnisme. Ils font appel au clergé shiite duodécimain
arabe, pour créer un clergé d'État plus apte à encadrer et formaliser ces croyan
ces : ils nomment des fonctionnaires iraniens pour bâtir une administration et une
armée dépendants directement du roi et non des féodaux qizilbash. La shiitisation
de l'Iran s'inscrit dans le processus de construction d'un appareil d'État
territorialisé14. L'iranisation de l'appareil d'État safavide et la shiitisation du ter
ritoire iranien sont deux processus distincts mais parallèles, dont résulte l'identifi
cation d'aujourd'hui entre Iran et shiisme. Le shiisme était si peu iranien à cette
époque que les Safavides font appel à des théologiens arabes, venus de l'actuel
sud-Liban (Jabal Amil) et du Golfe persique (Bahrayn). Le roi Shabh Abbas épous
eramême la fille d'un alim libanais, Sheykh Lutfullah. Le chef religieux du clergé
iranien (le sadr) est un fonctionnaire et réside à la cour. Dans sa structure, le clergé
shiite n'est alors guère différent de son homologue sunnite : d'un côté les Oulé
masde cour, de l'autre les mollahs de village. Un clergé autonome ne peut se const
ituer, car la dynastie séfévide est en elle-même porteuse d'une légitimité religieuse.
La shiitisation de l'Iran ne se fera pas sans résistance ni massacres de clercs sun-
272 / O. Roy

nites, comme à Herat, et ne sera vraiment acquise que sous le roi Abbas (1587-1629).

2) La constitution d'un clergé shiite structuré et transnational (xvme et XIXe siècle).


La deuxième phase est celle de l'autonomisation du clergé shiite par rapport
à l'État iranien, ce qui lui permet de se construire des réseaux trans-nationaux
et trans-frontaliers à partir de Najaf et Kerbala (xvme siècle et XIXe siècle). Ce
sera aussi une phase de politisation du clergé. La troisième phase sera celle de
l'iranisation des minorités shiites hors de l'Iran et de leur mobilisation dans l'idéo
logie nouvelle de la velayat-e faqih.
Le XVIIIe siècle apporte une série de changement fondamentaux. D'abord les
nouvelles dynasties, zand puis qajar, n'ont plus de légitimité religieuse et sont donc
perçues comme purement séculières. Ensuite, les Oulémas persans, se sentant menac
és en Iran (invasion afghane de 1722, tentative de restauration du sunnisme par
Nader Shah), prennent l'habitude de s'installer dans les lieux saints du shiisme
en Irak : Najaf et Kerbala. Or ces deux villes sont sous juridiction ottomane depuis
1638. Ce n'est pas un obstacle à leur liberté, au contraire : l'empire ottoman, qui
n'est pas «national», accorde beaucoup plus facilement l'extraterritorialité aux grou
pesreligieux exogènes que l'Iran; les shiites sont persécutés seulement en tant
qu'ils apparaissent contestataires du pouvoir central (sud-Liban) et non en tant
que religion. Le premier alim iranien à s'installer ainsi définitivement à Najaf est
Mohammed Baqer Akmal Vahid Bahbahani (1705-1791)15. Cette extraterritorial
ité va durer jusqu'en 1978, lorsque l'ayatollah Khomeyni s'envole pour Neauphle
le Château.
Ce mouvement est concomittant du débat théologique entre akhbari et usuli qui
agite le clergé shiite au XVIIe siècle16. La victoire des seconds (en général iraniens)
ouvre la voie à la constitution du clergé shiite moderne : contre les akhbari, le
droit à Yijtihad est reconnu aux grands oulémas. Il s'ensuit que chaque fidèle doit
suivre un alim de son choix, puisque lui ne peut qu'imiter {taqlid). Les grands
oulémas constituent donc un groupe à part : la cléricalisation (constitution des clercs
en un corps autonome et séparé des laïcs) est une conséquence de la victoire des
usuli. Le xixe siècle sera celui de la hiérarchisation interne de ce groupe : hojjat-ol
islam, ayatollah, ayatollah ozma, ces derniers seuls pouvant être sources d'imita
tion (marja'-ê taqlid). Le XXe siècle sera celui de sa politisation, conséquence nécess
aire, même si elle n'a été ni immédiate ni majoritaire. Indépendance financière
(le croyant shiite donne directement au mujtahed de son choix) et géographique
(Najaf et Kerbala sont hors des frontières de l'empire iranien), droit d'interpréter,
voire d'innover, sur toutes les questions, délégitimisation de l'État (c'est nouveau
par rapport aux Safavides), hiérarchie et structures fortes : tous les éléments sont
réunis pour faire du clergé une force politique, surtout en cas de crise du pouvoir
(1890/1921, 1950/1953, 1978).

3) L'iranisation du shiisme moyen-oriental.


Dès l'époque safavide apparaît le thème du shiite agent de l'Iran : le sultan ott
oman Sélim entreprit une répression féroce contre les qizilbash du plateau anato-
lien en 1512 17. De même, les Safavides exigent la conversion au shiisme pour
preuve d'allégeance politique; ils envoyèrent des prédicateurs sur les «arrières»
de leurs ennemis, comme parmi les Hazaras en Afghanistan contre les Moghols18.
Schiisme, Iran et frontière I 273

Cependant c'est le clergé et non l'État qui iranisera progressivement les grou
pesshiites non-iraniens, dans une stratégie qui ne sera celle de l'État iranien qu'en
1979. Seuls les shiites duodêcimains seront réceptifs à cette clêricalisation (les autres
shiites soit n'ont pas de clergé, -Alévis; soit vivent en secte fermée, -Ismaéliens).
L'iranisation ne signifie pas la persianisation au sens des Pahlavis (le clergé sera
lui-même bilingue et arabo-persan).
A Najaf et à Kerbala se constitue, à partir du xvme siècle, un clergé lié à la
fois par des relations de parenté et par des allégeances d'élèves à maître, souvent
transformées à leur tour en liens de parenté, et qui tend à s'assurer du monopole
de la cléricature dans le monde shiite, grâce à la pratique de l'investiture (ijaze),
accordée à l'étudiant. Certaines familles, comme les Musavi, constituent des réseaux
internationaux, avec des branches au Liban, en Iran, en Irak etc. Najaf et Kerbala
sont le «cœur» du shiisme en ce sens qu'ils attirent, forment et renvoient en poste
les étudiants, tout en les maintenant dans un réseau d'allégeance hiérarchisé et
agissant à distance. De jeunes mollahs venus faire leurs études sont «exportés»
vers d'autres pays que ceux de leur passeport. Au début ce clergé est arabo-persan,
mais par suite de la désaffection des étudiants arabes, il devient de plus en plus
iranien, à partir du XIXe siècle, tandis qu'une forte population d'origine iranienne
s'installe dans les deux Lieux saints. En 1957 seulement 20 % des étudiants de
Najaf sont arabes contre 46 % d'Iraniens19. Les Britanniques, en 1922, puis le
régime baasiste, en 1979, expulsent vers l'Iran les ayatollahs contestataires de Najaf
et de Kerbala, ce qui a deux conséquences : la ville de Qom peut à partir des années
1920 revendiquer le rôle de capitale religieuse du shiisme, rapprochant ainsi le
centre religieux du centre politique (Téhéran); ensuite le haut clergé shiite, jusqu'ici
arabo-persan, s'iranise de plus en plus et identifie la cause du shiisme et celle de
la nation iranienne20. La proportion d'ayatollahs arabes ne cesse de baisser au prof
itdes Iraniens, sans que s'ensuive une baisse d'influence du clergé shiite en milieu
arabe, au contraire. En 1980, après l'exécution de Muhammad Baqer al Sadr, tous
les sept grands ayatollahs marja sont iraniens, y compris le seul qui réside encore
à Najaf, l'ayatollah khu'y. La guerre du Golfe, qui permet à l'Irak de casser l'extra-
territorialité de fait de Najaf et de Kerbala, marque la fin d'un certain shiisme,
iranisé sans être vecteur des intérêts d'État de l'Iran.
Un exemple illustre bien cette transterritorialité du clergé shiite : l'imam Musa
Sadr, animateur du mouvement shiite libanais amal, est iranien, mais son ancêtre,
Abdul Hussayn Amili (mort en 1577), faisait partie des oulémas du sud-Liban partis
rejoindre la cour des Safavides21. Le père de Musa Sadr était un ayatollah ira
nien mais dont les cousins, installés à Najaf, ont joué un rôle important dans la
politique irakienne entre les deux guerres. C'est le grand ayatollah (arabe) Muh-
sin al Hakim (mort en 1970 et dont le fils, Mohammed Baqer al Hakim, dirige
aujourd'hui le mouvement shiite irakien alDawa installé à Téhéran) qui l'enverra
au Liban en 1959. Par ailleurs, une fille de l'ayatollah al Hakim a épousé un frère
du président de la république iranienne, Khamene'y. Sheykh Fadlallah, dirigeant
spirituel du Hezbollah libanais, est né et a vécu à Najaf de 1934 au début des années
soixante. Le seul ayatollah afghan, Sheykh Mohseni, a étudié à Najaf en Irak, sous
la direction de l'ayatollah iranien Khu'y, dans les années soixante. On pourrait
multiplier les exemples.
L'Iran apparait comme parrain et caution de cette politique d'iranisation des
minorités shiites dès l'époque du Shah, qui réprime le clergé shiite à l'intérieur
274 / O. Roy

mais favorise son extension à l'extérieur : il aurait financé les débuts de l'Imam
Musa Sadr au Liban et de al dawa en Irak22. Mais c'est l'avènement de la répu
blique islamiste qui donnera son sens à l'identification entre shiisme et Iran.
Qu'est-ce qui pousse les minorités shiites à se reconnaître dans la révolution isl
amique ? Dans le cadre des États nationaux, elles étaient marginalisées et ne s'iden
tifiaient pas à l'État, mais se raccrochaient à des structures tribales et traditionnell
es. Lorsque l'extension de l'appareil d'État et la modernisation des structures éc
onomiques les ont obligées à sortir de leur ghetto (exode rural au Liban et en Irak,
émigration temporaire en Afghanistan) elles se reconnurent alors dans une ident
ité supra-étatique, le shiisme, qui nie l'État comme le faisait le tribalisme, mais
cette fois par en haut23. Ce passage d'un communalisme ethnique, sous direction
traditionnaliste, à un universalisme shiite ne peut se faire que sous direction cléri
cale. Or le clergé est très iranisé. L'iranisation est une conséquence, et non une
cause, de l'extension du mythe de la révolution islamique. Ici, les frontières du
monde sunnite sont niées, ainsi que la notion d'arabité, au nom non pas de l'ira-
nité mais de Yumma musulmane, dont le shiisme se pose comme l'avant garde,
jouant le rôle dévolu à la classe ouvrière chez Marx : groupe particulier porteur
de l'émancipation de l'humanité entière.
Il est extrêmement important de noter que la radicalisation islamique des minor
ités shiites a précédé la révolution islamique en Iran. Que ce soit l'apostolat socio-
politique de l'Imam Musa Sadr au Liban, la prédication de Sayyad Balkhi en
Afghanistan24 ou l'activisme politique et philosophique de Muhammad Baqer al
Sadr en Irak, la vague de fond islamiste a parcouru l'ensemble des communautés
shiites du monde à partir de Najaf et Kerbala, dès les années cinquante, sur des
bases et avec des cadres locaux et non par .suivisme de la révolution iranienne,
qui n'a fait que cristalliser et incarner ce mouvement. Le mouvement irakien al
dawah a été fondé vers 1960, le mouvement afghan sobh-i danesh à la fin des années
1960. L'ayatollah irakien Baqer al Sadr a écrit certains textes fondamentaux du
shiisme révolutionnaire dès I96025. Les acteurs du revivalisme shiite dont de jeu
nes clercs éduqués à Najaf et Kerbala, unis par une allégeance commune à un
mojtahed et regroupés dans des organisations politiques locales. Cette verticalité
de l'allégeance compte plus que la nationalité : les clercs afghans disciples de Kho-
meyni ne rejoindront pas les mêmes organisations politiques que les disciples de
khu'y. Musa Sadr n'est pas perçu comme étranger au Liban sud, malgré son fort
accent, car il y a été envoyé par Baqer al Sadr. Le terme «shiite» remplace les
identifications communautaires locales (Musa Sadr fait abandonner la dénominat
ion metwali au Sud Liban pour celle de shiite2^); la rupture avec la société tradi
tionnelle est marquée par une lutte souvent violente (déclin au sud Liban des za'im,
guerre civile en Afghanistan de 1982 à 1984 entre traditionnalistes de la shura et
islamistes shiites27). Le shiisme se veut non un mazhab minoritaire, mais la quin
tessence de l'islam révolutionnaire.
Il n'y a donc pas exportation de la révolution iranienne, mais révolutionnarisa-
tion préalable du shiisme moyen-oriental, selon des filières qui remontent vers Najaf
plus que vers Qom. Le rôle des Iraniens est cependant très grand (Khomeyni est
à Najaf depuis 1963, Chamran, futur ministre de la défense de l'Iran révolutionn
aire, travaille et se bat au sud Liban dans les années 1970). De nombreuses familles
shiites d'Irak ou du Golfe (Bahrayn) sont iraniennes ou d'origine iranienne28.
A partir des années 1970, on note l'iranisation du cadre de vie des shiites non-
Schiisme, Iran et frontière I 275

iraniens : coutumes (adoption du rituel de Yashura par les Libanais dans les années
1950 et par les Hazaras afghans29, vêtements (adoption du «look hezbullah» : bar
bes, parkas, tchadors noirs), noms (adoption des patronymes en i chez les Hazaras
afghans, -Tavasolli, Beheshti, Tavakolli etc., au lieu des «Mirza Husseyn» et autre
«Gholam Ali» de la génération précédente), drapeau (iranien pour les hezbullah
du sud-Liban), langue (les Hazaras afghans qui parlent un dialecte très particul
ier, le hazaragi, affectent désormais l'accent et les idiotismes iraniens30).
Ce processus d'iranisation des minorités shiites a des limites. Il se heurte au
maintien de structures traditionnelles tribales (paysans shiites en Irak du sud), au
nationalisme souvent laïcisant malgré la référence religieuse (Amal de Nabih Berri),
et à la résistance d'un clergé traditionaliste (la shura en Afghanistan) ou de forces
laïques progressistes (PPP au Pakistan), avec qui le mouvement entretient des rela
tions ambiguës31. Le thème de la révolution islamique s'implante avant tout parmi
les jeunes générations shiites récemment urbanisées ou émigrées, coupées des struc
tures traditionnelles et «resocialisées» par un clergé politisé et moderniste formé
à Najaf ou à Qom.
L'Etat révolutionnaire iranien va utiliser stratégiquement cette iranisation crois
sante des minorités shiites pour contourner le nationalisme arabe, principal obsta
cle à l'expansion de la révolution islamique au Moyen-Orient. Le troisième cercle
(la religion) rejoint de nouveau, après les Safavides, le cercle de l'empire politique.
La théorie du velayat-e fâqih joue un rôle en ce sens qu'elle permet le contour-
nement du nationalisme arabe et des idéologies laïques, où sunnites (et chrétiens)
ont l'initiative (les shiites fournissent par contre la base de nombreux partis com
munistes — Liban, Irak — ou maoistes — Afghanistan — qui apparaîtront soit
comme concurrents directs, d'où l'anti-communisme de Baqer al Sadr en Irak, soit
comme forces d'appoint, d'où les passages fréquents du Parti communiste au mou
vement islamique au Liban). La force de la révolution islamique est de ne pas se
présenter comme iranienne, transcendant ainsi le cadre des États nationaux : selon
la Constitution iranienne, l'Imam, contrairement au Président de la République,
peut ne pas être iranien.
L'Iran s'est donc efforcé depuis la révolution d'intégrer politiquement les minorités
shiites étrangères sous la guidance de l'Imam. Dans un premier temps, jusqu'en
1982, l'Iran soutient tous les mouvements spécifiquement shiites, comme Amal
au Liban. Puis elle exige à la fois la radicalisation, l'abandon des références natio
nalistes et l'intégration dans des structures proprement iraniennes (pasdaran, Bureau
de la propagande islamique à Qom sous la direction de l'ayatollah Montazeri). C'est
le moment où l'on voit apparaître des hezbullah tant au Liban qu'en Afghanistan,
où se crée un corps de pasdaran chez les Shiites. L'ambassade iranienne à Bey
routh devient le véritable état-major shiite au Liban où hezbullah et Amal islami
que (né en 1982) s'opposent à Amal, tout en prenant leurs distances avec le clergé
plus traditionnel (Sheykl Shamsuddin). Les shiites irakiens en exil à Téhéran sont
regroupés dans le «Conseil de la Révolution Islamique d'Irak» en novembre 1982,
sous la direction de Mohammed Baqer al Hakim. L'iranisation atteint son point
maximun en 1985-1986. Mais cette percée d'une part heurte une partie des shiites
locaux et d'autre part ne permet pas à l'Iran de jouer la carte de la solidarité ethno-
linguiste avec les sunnites de langues iraniennes, car la révolution iranienne apparaît
plus que jamais shiite. C'est au moment où l'Iran retrouve certaines visées impér
iales (les rives de la Méditerranée) que son expansion rencontre ses propres limites.
. 276 / O. Roy

L'ESPACE DE L'IRAN REVOLUTIONNAIRE : UN BILAN

Dans quelle mesure l'Iran peut-il compter sur la rémanence des solidarités eth
niques et religieuses pour déborder nationalisme arabe et solidarité sunnite et pour
étendre son influence au-delà de ses frontières?
La règle générale est que la connexion shiite l'emporte sur la référence à l'ira-
nité (les Azéris sont plus «iraniens» que les kurdes32) et même sur la communauté
de langue (parmi les afghans persanophones, seuls les Hazaras shiites se sentent
solidaires de l'Iran). L'usage du persan n'est pas un critère d'iranité du point de
vue des non-iraniens, alors qu'il l'est pour les Iraniens. Les seuls à s'identifier à
l'Iran sont les Shiites, — l'iranité ne fait alors qu'ajouter un facteur de loyalisme33.
Les groupes «iraniens» d'un point de vue ethno-linguistique, mais sunnites, ne
s'allient avec l'Iran que tactiquement face à un adversaire culturellement plus éloigné
(kurdes d'Irak face aux Arabes, persanophones d'Afghanistan contre Pashtounes
soutenus par le Pakistan). Malgré le rêve universaliste et tiers-mondiste qui anime
l'Iran islamique le shiisme est le ghetto de la révolution34, comme l'ont montré
les émeutes de la Mecque (31 juillet 1987) où les manifestants shiites iraniens n'ont
été rejoints que par des shiites pakistanais ou afghans. En même temps, dans ce
cercle shiite, l'Iran ne rencontre d'écho que là où la cléricalisation préalable a été effec
tiveet où le thème de la Révolution islamique tombe dans un milieu sociologique récept
if (urbanisation et paupérisation). C'est pourquoi les groupes shiites non clérica-
lisés (comme les Alévis de Turquie, qui, contrairement aux Turcs azéris, n'ont
jamais fait partie du cercle politique de l'iranité35) restent imperméables à
l'influence iranienne.
Cette règle vaut aussi bien à l'intérieur des frontières de l'Iran où les shiites
sont loyaux mêmes s'ils sont hors du cercle de l'iranité, — Turcs azéris et Arabes
du Khouzestan, par opposition aux sunnites appartenant au cercle ethno-linguistique
iranien, — Kurdes et Baloutches), qu'à l'extérieur de l'Iran, où les liens les plus
forts sont avec les shiites arabes (Liban, villes irakiennes et émirats du Golfe), les
shiites persanophones d'Afghanistan, les shiites du Pakistan et, dans une moindre
mesure, de l'Inde, étant entendu qu'aucun de ces groupes n'est intégralement pro
iranien. La puissance shiite, hors du plateau iranien, est donc centrée sur le Golfe
persique, dont 75 % des riverains sont shiites, «t dispose d'une tête de pont au
Liban et dans le sous-continent indien (de l'Afghanistan à l'Inde). Hors ces trois
points, la capacité de négation des frontières par l'universalisme shiite est très fai
ble, soit par absence de communauté shiite (Egypte), soit parce que celle-ci a échappé
à la cléricalisation venue de Najaf et Kerbala (Turquie). Reste un cas ambivalent :
1' Azerbaijan soviétique, où le nationalisme azéri, qui refuse toute tutelle propre
mentiranienne, intègre l'identité shiite duodécimaine (beaucoup de dignitaires du
parti communiste sont fils de mollahs). Mais la répression anti-religieuse des années
1920, suivie de la création d'un muftiyya indépendant par Staline, en 1941, ont
coupé ce clergé du revivalisme shiite du XXe siècle, preuve a contrario que l'irani-
sation des minorités shiites s'est faites au cours de ce siècle, par cléricalisation récente
à partir des centres arabo-persans de Najaf et de Kerbala.
A la différence du cercle religieux, le cercle ethno-linguistique iranien offre un
champ d'action plus limité pour l'Iran révolutionnaire, qui n'incarne aucune aspi
ration politique des populations sunnites appartenant à ce cercle. Quant au cercle
Schiisme, Iran et frontière I 277

de l'empire historique, s'il ne se traduit par aucune revendication territoriale à


l'heure actuelle de la part de l'État iranien, son souvenir entretient une nostalgie
de l'Iran comme grande puissance, qui ne saurait traiter sur un pied d'égalité avec
les «nouveaux» Etats de la région, nés de la décolonisation. Significativement la
«Conférence de solidarité de l'opposition irakienne» réunie à Téhéran en décem
bre 1986 a juxtaposé plus que réuni le cercle shiite et le cercle ethno-linguistique :
shiites arabophones, d'une part, et kurdes laïques, d'autre part. En était absente
l'opposition nationaliste arabe à Saddam Husseyn. Le nationalisme arabe laïc, sous
toutes ses formes, marque la vraie frontière de l'Iran36. Bahrayn est le seul terri
toire que l'Iran a pu revendiquer ouvertement : c'est aussi le seul pays arabe a
disposer d'une majorité écrasante de shiites (plus de 70 %), très iranisés : le cercle
impérial, toujours virtuel, n'est réactualisé que par rapport à la dimension shiite37.
La primauté du cercle shiite sur les autres fait que l'Iran n'a pas l'apanage du
radicalisme islamique, car les sunnites ne peuvent s'y reconnaître. L'activisme viru
lent des Frères musulmans et des Wahhabis est ouvertement anti-shiite (et
inversement38). Le cercle de l'influence révolutionnaire de l'Iran est celui du
shiisme et non celui du radicalisme islamique. Les États du Golfe ne s'y trompent
pas qui voient tous la communauté shiite locale comme une cinquième colonne
iranienne, mais ne craignent pas les activistes sunnites.
Il n'y a pas de place pour un pan-islamisme qui dépasserait l'opposition sunnite-
shiite. L'absence de solidarité des pays arabes par rapport aux Moujahidin afghans,
comme la curieuse complaisance de la Jordanie vis-à-vis de l'URSS en Afghanistan,
confirme que l'alliance de revers contre l'Iran, au nom de la solidarité arabo-sunnite,
est plus importante que la solidarité musulmane.

NOTES

1. «Iran» vient dUaryânâm, «pays des Aryens», «Perse» vient de la province du fars, lieu de
fixation de la tribu iranienne qui a fondé la dynastie achéménide et dont la langue est à l'origine
du persan actuel : la notion d'Iran est donc bien ethno-linguistique.
2. la révolution française a connu la conjonction d'une revendication territoriale traditionnelle
(les frontières «naturelles», ou plutôt stratégiques), soudainement légitimée par une idéologie
universelle (l'exportation de la Révolution), vite ramenée à la seule dimension impériale.
3. lors de l'intervalle considérable entre la fin des Sassanides et l'empire safavide, la culture ir
anienne classique s'est construite autour de Cours royales qui ne se réclamaient pas d'une iranité
politique : il s'agissait de sultanats ou de brefs empires, taillés par le sabre dans ce vaste ensemb
le et conservés quelques temps par une dynastie éphémère. L'iranité ici est culturelle : c'est
la langue, la culture mais aussi la compétence des élites urbaines qui assurent la continuité admin
istrative et économique entre deux invasions ou deux dynasties. Ces élites seront les propagat
eurs de l'Islam vers l'Est et dans les campagnes, elles s'arabiseront d'abord pour s'iraniser ensuite.
C'est à ce moment qu'apparaît le modèle de l'homme du sabre, arabe puis turc, face à l'homme
de la plume, le «vizir» persan. Le centre culturel de gravité se déplace vers l'Est : les populat
ionsafghanes du nord, que l'on appelle aujourd'hui «Tajiks», passent de langues iraniennes
de l'Est, comme le sogdien, au persan moderne. Des villes comme Samarqand et Boukhara sont
des phares de la culture persane.
4. Aujourd'hui encore la jeunesse de kaboul se passionne pour les chansons et les films en hindi,
et les néologismes en usage sont empruntés à l'anglais pakistanais (au franco-persan mashin pour
désigner la voiture correspond l'anglo-dari mutar, idem pour bilet et tiket, shôfor et drayvar,
tyâtr et sarkas c'est à dire «circus» etc.).
5. sur la confusion de la notion d'ethnie, voir Pierre Centlivres : «Problèmes d'identité ethni
quedans le nord de l'Afghanistan », in Iran Moderne, vol.l, l'Asiathèque, 1979.
278 / O. Roy

6. cette analyse n'est valable que pour les turcophones établis sur l'ancien espace ethno-linguistique
iranien. Ailleurs (Anatolie, Kirghizie) les Turcs ont gardé une «turcité» bien nette. Par exemp
lela langue ouzbek, parlée sur un espace autrefois iranien, s'est iranisée phonologiquement
(perte de l'harmonie vocalique) alors que le turc de Turquie, pourtant plus éloigné des centres
originels turcophones, est plus pur.
7. le cas des Baloutches est très particulier car le critère n'est justement pas linguistique : un
brahui d'Afghanistan se dira Baloutche et expliquera que les Baloutches parlent deux langues,
— le brahui et le rokhshani (ce que nous appelons le baloutche) (observation personnelle, Nim-
ruz, 1982).
8. Ainsi au tayyara dari pour dire «avion» correspond le néologisme iranien havapeyma', au sadr-i
azzattiy «premier ministre», autrefois commun, correspond le calque nakhost vazir; on trouve
donc toute une série de doublets, comme pour les emprunts modernes cités plus haut, dont les
deux éléments sont compris, mais un seul utilisé, tantôt par les Afghans, tantôt par les Iraniens.
9. voir Le persan parlé en Afghanistan de Rawan Farhadi, thèse dactylographiée de 1955 (Sorbonne).
10. Voir Oranskij (op. cit. p. 126) : «La distinction entre les parlers tadjiks d'Asie centrale et
les parlers de ce groupe (Afghanistan) est fondée non pas tant sur les caractéristiques linguisti
ques structurales de ces parlers, que sur des raisons historiques, sociales et culturelles... ». Manière
subtile de dire que le problème est politique et que l'URSS n'a pas encore décidé si le persan
d'Afghanistan est un appendice du tajik soviétique ou une langue autonome, car elle hésite entre
la reconnaissance d'un État afghan indépendant et multilingue et la revendication du nord-
Afghanistan comme prolongement naturel de l'Asie centrale soviétique. Ce problème de méthod
ologie linguistico-politique prend tout son sens dans la politique soviétique actuelle en
Afghanistan.
11. Ainsi le premier État safavide d'Ismail à Shah Abbas, où l'allégeance va à une dynastie per
çue comme incarnation d'une lignée religieuse et non comme représentation d'un groupe ethni
que. Voir le cas du passage de l'empire ottoman à l'État turc kémaliste, où la langue devient
critère de nationalité.
12. A une différence près, cependant : le maintien d'une musique typiquement turque, qui de
l'Azerbaijan au Badakhshan, se distingue de son homologue persane.
Inversement, il peut y avoir décalage entre l'identité linguistique avérée et la revendication
de l'ethnicité. Ainsi un groupe ethnique persanophone s'appelant «Tatar» dans la province afg
hane de Samangan se redécouvrira une identité «turque» lorsqu'un parti nationaliste «turc»
(ittihad e samt e shamali dirigé par Azad Beg, -notons que l'intitulé est en persan) disposant
de larges moyens financiers se proposera d'armer, à partir de 1985, tout groupe de mojahidin
afghans ethniquement turcs («az nezhad e turk» selon l'expression de son leader), selon deux
critères : soit on parle actuellement turc, soit on se réclame d'une origine raciale («nezhadi»)
turque (observation personnelle : interview avec Azad Beg, mars 1987, enquête sur le terrain
août 1987). Même problème pour les Pashtounes Nourzay persanophones de la frontière ira-
noafghane (observation personnelle, octobre 1982).
13. Voir The Cambridge History of Iran, et Jean Aubin, «La politique religieuse des Safavides»
in Le Shî'isme imâmite, PUF 1970.
14. Ali Shariati dans son livre Shi'a-é alavi, shi'a-é safavi, opposera le shiisme originel, porteur
de révolte et d'un message social, au shiisme safavide officiel, cléricalisé et conservateur.
15. Voir Pierre Martin «Chiisme» et «Wilayât al Faqîh» Cahiers de l'Orient, n.8/9 p. 148.
16. Sur le conflit akhbari et usuli, voir Yann Richard, Le Shi'isme en Iran, Jean Maisonneuve,
1980, pp. 43 sq. Ce conflit illustre comment un débat purement théologique peut avoir des
conséquences géo-stratégiques qui n'apparaissent pas dans les enjeux de l'époque. Le débat porte
sur les sources dafiqh : la porte de Yijtihad est-elle fermée depuis l'occultation du 12e Imam
(ce qui alors rapprocherait les shiites du monde sunnite)? Ou bien les «savants» ont-ils le droit
de reprendre à leur compte Yijtihad (thèses des usuli)} ce qui a deux conséquences : légitimer
la coupure clerc/laïc et donner aux clercs une possibilité d'intervenir dans la politique. La poli
tisation est une conséquence tardive de la cléricalisation : plus d'un siècle séparera les deux
moments.
17. The Cambridge History of Iran, P.222, mais c'est moins les shiites qui sont visés que les
qizilbash en tant que groupe ethnique et politique, soutien de la dynastie safavide.
18. La date de la persianisation et de la conversion au shiisme des Hazaras afghans est un mystère.
Babour ne les mentionne pas comme «hérétiques» lors de son passage mouvementé en 1507-1508
Schiisme, Iran et frontière I 279

et les qualifie souvent de «Hazaras Turkmènes» (Le livre de Babour, P.O.F. 1980, p.233). Il
est seulement probable que leur conversion date des Safavides, soucieux d'étendre le glacis pro
tecteur d'Hérat face aux Moghols et aux Ouzbeks. La volonté de prosélytisme des Safavides
est claire quand on sait qu'Ismail, après sa victoire de Marv contre les Ouzbeks en 1510, imposa
au très sunnite Babour le bonnet rouge des qizilbash et la frappe des monnaies au nom des douze
Imams (ibid, introduction p. 18).
19. H. Battatu, «Shi'i Organizations in Iraq...» in J. Cole et N. Keddie ed, Shi'ism and Social
protest, Yale UP 1986, p.189.
20. A partir de 1984, l'Imam Khomeyni parlera de la «nation d'Iran» alors qu'il ne mentionnait
jusqu'ici que Yumma.
21. Fouad Ajami, The vanished Imam, Tauris, Londres 1986, p. 30 sq.
22. Pour le Liban, A. Norton, « Shi'ism and Social Protest in Lebanon », in Shi'ism and Social
Protest, p. 163, pour l'Irak, H. Battatu, ibid p. 179. I
23. Le lien entre la détribalisation et la cléricalisation est systématique. Or c'est seulement la
cléricalisation qui permet à la minorité shiite de jouer un rôle politique. En Afghanistan, le pro
cessus est entamé dès 1892, lorsque l'Amir Abdurrahman écrase les tribus hazaras shiites : deux
groupes (qui ont une intersection commune importante) les sayyad et les sheykh éduqués à Najaf
vont occuper le vide (voir L.M. Kopecky, «The Imami Sayyed of the Hazarajat» in Folk, Copen
hague, Vol.22, 1984). Sur le Liban voir Cobban, «The growth of Shi'i Power in Lebanon...»
in Cole and Keddie, op. cit., pp 137 sq.
24. Sur la genèse du mouvement shiite, incarné dans les années cinquante par Sayyad Balkhi,
voir O. Roy, Afghanistan, Islam et modernité politique, Le Seuil 1985, chapitre 11, et Edwards,
«The evolution of Sh'i political Dissent in Afghanistan», in Shi'ism and social protest, p 201 sq.
25. Comme le traité d'économie Iqtisâdunâ paru en 1960, ainsi que le texte inspirateur de la consti
tution iranienne, Note préliminaire..., traduction et présentation par A. Martin dans Les cahiers
de l'Orient n.8/9, 1er trimestre 1988, pp. 157 sq.
26. Voir Ajami, op. cit., p. 155.
27. Voir Roy, op. cit., pp. 197-201.
28. Pour l'Irak voir H. Battatu, «Shi'i Organizations in Iraq», in Cole et Keddie, op. cit., pp.
179 sq.
29. Pour les Hazaras, voir Kopecky, op. cit. p. 91, qui note la circulation des prêches de muha-
ram sous forme de cassettes enregistrées à Kaboul, et Edwards «The Evolution of Shi'i Political
dissent in Afghanistan», in Cole and Keddie, op. cit. p. 214, qui note la nouveauté de ces prê
ches au xxe siècle. L'influence iranienne semble donc déterminante et récente.
30. Ainsi on désigne quelqu'un, dans le langage poli, par l'expression agha-yé folani, «Monsieur
untel», où untel est un patronyme, alors qu'un sunnite afghan dans les mêmes circonstances
usera d'un titre et d'un nom «islamique» ou personnel : ustaz Karim, mawlawi Khales, etc.
31. Citons l'exemple du quotidien The Muslim au Pakistan, pro-iranien et pro-soviétique à la
fois, d'où d'intéressantes contorsions quand il s'agit d'évoquer la guerre d'Afghanistan.
32. Deux des grands ayatollahs de 1980 sont azéris : Khu'y et Shariat-madari, bien que tous
deux soient opposés à Khomeyni. Le premier ministre Musavi est aussi azéri. Les Azéris sont
très représentés dans l'élite de la révolution islamique, comme ils l'étaient dans la parti Toudeh.
33. Sans vouloir être trop systématique, on ne peut s'empêcher de remarquer qu'au Pakistan,
où deux ayatollahs rivaux se partagent le contrôle politique de la communauté (Hosseyni et
Musavi), le champion de l'Iran (Hosseyni) est un pashtou (de la tribu Turi) alors que Musavi
est punjabi, donc «indien».
34. Les exceptions (sunnites jouant le jeu de la révolution iranienne) confirment la règle : le
Sheykh Shaban à Tripoli serait un ancien shiite converti au sunnisme. Les sunnites pro-iraniens
sont très minoritaires et isolés; bien plus, les radicaux sunnites s'opposent de plus en plus à
la prédication shiite. La tentative de l'Iran après les événements de la Mecque de créer une «Conf
érence internationale pour la sécurité et la sainteté du Haram» (dont le but est d'enlever le
contrôle des lieux saints aux Saoudiens) n'a rencontré aucun écho dans les milieux sunnites,
si l'on en juge par la non-représentativité des Sunnites qui y assistent (presse iranienne de décembre
1987).
35. La non cléricalisation, ou plus exactement la laïcité, des Alévis turcs, s'explique, comme
280 / O. Roy

voir
pour Gokalp
leurs homologues
: «Une minorité
alawis shiite
syriens,
en par
Anatolie»
le fait qu'ils
in Annales,
n'ont jamais
mai-août
été 1980,
shiitespp.
duodécimains,
748-763.
36. Sur cette conférence, voir C. Kutschera «Damas-Téhéran, Objectif Saddam Husseyn», in
Cahiers de l'Orient, n.8/9, p39.
37. Sur la revendication de l'Iran sur Bahrayn après la révolution islamique, voir Ramazani,
«Shi'ism in the Persian Gulf», in Cole et Keddie, op. cit., p.48.
38. Le journal jumhuri-yé islami, publie au cours du mois de mars 1988 une série (la deuxième
du genre) intitulée «Les Wahhabis» où le wahhabisme est défini comme une secte hérétique,
et non comme un mazhab, créée et manipulée par les services secrets britanniques. Les frontiè
res de l'Islam ne sont pas les mêmes vues de Téhéran, Ryad et Le Caire.

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