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HEGEL

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Philippe Grosos

in Jérôme Laurent et al., Le Néant


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Presses Universitaires de France | « Épiméthée »

2011 | pages 433 à 451


ISBN 9782130582489
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/le-neant--9782130582489-page-433.htm
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H E GE L

Le texte ici présenté de Hegel est extrait du premier chapitre, pre-


mière section du premier livre de la Science de la logique, version 1812 :
L’Être, les deux livres suivants étant, comme l’on sait, consacrés à
L’essence et au Concept. Ce premier livre se subdivise lui-même en trois sec-
tions, la déterminité (ou qualité), la grandeur (ou quantité) et la mesure,
division dont Hegel justifie d’emblée la logique processuelle1. Quant à
cette première section, consacrée à la « déterminité » parce que l’être est
logiquement « d’abord déterminé en regard d’autre-chose »2, elle com-
prend elle-même trois chapitres intitulés « Être », « L’être-là » et « L’être-
pour-soi ». De ces trois chapitres, le premier est le plus bref (une ving-
taine de pages, là où les deux suivants en comportent une trentaine). Il est
même si bref qu’on peut soupçonner Hegel de l’avoir artificiellement
nourri en augmentant les cinq petites pages qui composent le corps du
texte de quatre remarques, soit d’une quinzaine (ou presque) de pages
supplémentaires. Cherchant à présenter l’approche hégélienne du rien,
nous nous sommes contentés de traduire les deux premiers moments de
ce premier chapitre, soit deux très brefs paragraphes intitulés « Être » et

1. Hegel, Wissenschaft der Logik, Das Sein (1812), Hambourg, Felix Meiner Verlag, 1986.
Dans cette édition, le texte traduit occupe les p. 47 à 59.
2. Ibid., p. 45-46.

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434 DE L’IDÉALISME ALLEMAND À LA FIN DE LA MÉTAPHYSIQUE

« Rien », puis la première subdivision du troisième moment, le devenir,


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consacré à « L’unité de l’être et du rien » ainsi que deux des quatre remar-
ques qui suivent, laissant ainsi les deux dernières subdivisions du troi-
sième moment ( « Les moments du devenir » et « Le dépassement du
devenir » ) à elles-mêmes.
Pourquoi ces textes consacrés à « l’être pur » et au « rien pur »,
comme dit Hegel, sont-ils, à proportion, si brefs ? Parce que de l’être pur,
qui n’est rien, comme du rien, qui n’est pas, il n’est spéculativement rien à
dire, ou si peu ! Aussi les pages qui suivent énoncent-elles essentiellement
deux problèmes : d’une part, elles justifient la pauvreté spéculative de ces
concepts en pensant d’emblée leur vérité et dépassement dans l’unité du
devenir ; d’autre part – et c’est là l’enjeu des remarques dont le propos,
simplifiant l’exposé par l’introduction d’un langage volontiers plus repré-
sentatif, est d’éviter toute mésinterprétation –, elles rendent compte du
fait que la tradition métaphysique antérieure s’est précisément égarée au
point d’accorder au rien, comme d’ailleurs à l’être, une importance onto-
logique.
C’est parce que du rien, il n’est rien (ou presque) à dire – et que Hegel
l’énonce d’emblée ainsi en jouant sur la forme pronominale et substan-
tive du terme (nichts, das Nichts) –, que nous avons choisi de rendre ainsi
en français ce terme plutôt, comme on le propose habituellement, que
par « néant ». Véra, l’un des tout premiers introducteurs de Hegel en
France et le premier traducteur, dès 1874, de la Logique, était à la fois plus
pragmatique et plus approximatif, lui qui, en note, donnait pour das
Nichts : « le néant, le non-être, le rien », mais choisissait finalement (et
malheureusement) de traduire dans le corps du texte ce terme par « le
non-être »1. Si « non-être », traduisant bien plutôt Nichtsein, ne saurait être
satisfaisant, « néant » n’est pas davantage un choix irréprochable. Conta-
miné, pour nous depuis, par ce que Sartre a pu nommer « la néanti-
sation »2, ce qui en fait dès lors un mode de la négation, la tentation est
grande de doter le néant d’une fonction fondamentale de médiation dans
l’advenue à soi des phénomènes, comme si chez Hegel le « néant » était la

1. Hegel, Logique, trad. A. Véra, Paris, Librairie Germer Baillière, 1874, p. 399.
2. Voir Sartre, L’être et le néant, première partie, chapitre premier.

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médiation conduisant l’être à sa vérité : le devenir. Or, il n’en est rien. Ici
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le rien ni ne « néantise », ni ne médiatise l’être en le faisant advenir au


devenir. La médiation relève de la logique réflexive de l’essence, laquelle
n’est pas encore présente. Aussi convient-il d’entendre à la lettre ce que
dit Hegel lorsqu’il affirme, pensant « l’unité de l’être et du rien », que
« l’être, non pas passe, mais est passé de l’être au rien et du rien à l’être ».
Le jeu de la processualité dialectique en lequel un terme, se renversant en
son contraire, produirait son propre dépassement, ne concerne pas
encore l’être et le rien. Car l’un n’est pas le contraire de l’autre : « L’être
pur et le pur rien sont donc le même. » La néantisation de l’être en deve-
nir par la médiation du rien n’est donc pas ici de mise et n’est nullement à
l’œuvre. Aussi, le sens de ces quelques pages introductives est-il tout
autre, et si elles nous font méditer le rien, c’est pour de tout autres
raisons.
Bien qu’ouvrant la section consacrée à la « déterminité » (ou « qua-
lité »), être et rien, dans leur pureté augurale, sont l’un et l’autre sans nulle
détermination. Qu’est-ce à dire ? Cela signifie tout d’abord, et Hegel y
insiste, qu’ils doivent être pris comme des abstractions, en deçà de toute
détermination empirique, et qu’ainsi ils n’ont nullement à être ontologi-
quement substantivés. La première remarque qu’ajoute Hegel, volontiers
plus didactique que le corps du texte, précise les enjeux d’une telle
approche. Il s’agit tout d’abord, pour le philosophe, de montrer en quoi
une telle compréhension du problème rompt avec la tradition méta-
physique ; aussi quelques grands noms et moments de cette tradition
sont-ils mentionnés : Parménide, Héraclite, « la métaphysique chré-
tienne » (c’est.à-dire médiévale), Kant. Bref, le panorama semble aussi
prestigieux que complet, lequel s’étend... des origines à nos jours ! Or la
métaphysique, selon Hegel, n’a cessé d’être victime d’une logique
d’entendement, c’est-à-dire d’une logique fixant les déterminations et les
opposant (naïvement) les unes aux autres. Le geste augural est ici effectué
par Parménide, instaurant une véritable différence ontologique entre
l’être (qui seul est) et le rien qui n’est pas. Bien que relevant du « pur
enthousiasme du penser », cette opposition confère à l’un et à l’autre une
importance qu’ils n’ont pas (car ce que l’être pur est n’est rien !) et
manque ainsi et plus encore leur unité. Cette unité, c’est au « profond

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Héraclite » qu’il revient le premier de l’avoir nommée en parlant du deve-


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nir. Et pourtant, comme pour la « métaphysique chrétienne » ultérieure,


ce passage du rien à l’être comme de l’être au rien ne parvient pas à être
pensé dans son abstraction. À chaque fois, un substrat est présupposé
qui, soit ramène ces termes à une temporalité originaire, soit présuppose
en eux un contenu explicitant leur propre devenir – en sorte que « le rien
ne reste pas rien, mais passe dans son autre, dans l’être ». Or, penser l’être
et le rien comme déterminités pures, ou pures abstractions, n’est précisé-
ment pas leur conférer « une détermination de contenu ». Là est ce qu’a
vu Kant, et c’est pourquoi Hegel convoque alors à la suite l’exemple
célèbre des 100 thalers1. Si Kant a bien vu que « l’existence n’est pas une
propriété ou un prédicat réel », il s’en est toutefois tenu là. Qu’est-ce à
dire, sinon que comme pour ses illustres prédécesseurs, et malgré sa clair-
voyance, il n’a pas su affirmer l’identité spéculative de l’être et du rien
dans l’unité du devenir ? Et là est précisément le sens de la proposition,
véritablement spéculative, à laquelle Hegel entend clairement amener son
lecteur au terme de la première remarque. Or une proposition spéculative
est, dit-il, une proposition « dont le mouvement est, par elle-même, de
disparaître ». Rapporté à l’être et au rien, cela signifie que leur égale insi-
gnifiance n’induit pourtant nullement une unilatérale équivocité. L’un et
l’autre se distinguent en le devenir qui les rassemble, en sorte que lui-
même « n’est que dans la mesure où ils diffèrent ». Ce qui dès lors est ici
mis en place est le mouvement spéculatif dialectique, dont on comprend
ainsi qu’il ne commence qu’avec le devenir, et nullement avec l’être et le
rien. C’est précisément son absence qui maintenait les pensées préalable-
ment envisagées dans une logique substantialiste d’entendement. En
outre, c’est bien cette capacité à concevoir l’antériorité du mouvement
dialectique qui dès lors peut mettre un terme aux différentes apories que
Hegel découvre chez ses contemporains. Le mouvement post-kantien, au
moins depuis 1789 et les premiers textes de Reinhold, s’est en effet tout
entier engagé dans la volonté de fonder en système la pensée kantienne,
et pour ce faire n’a cessé d’être en quête d’un Grundsatz, d’une proposi-
tion initiale à partir de laquelle il deviendrait possible de fonder en raison

1. Voir Kant, Critique de la raison pure, B 401.

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l’ensemble de la démarche de connaissance. Or, là où Fichte puis Schel-


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ling pensaient tout d’abord pouvoir disposer d’une intuition intellectuelle,


Hegel déclare que, dans l’être comme dans le rien, il n’est rien à intuition-
ner. Tout le sens de son propos, que la deuxième de ses remarques déve-
loppe, consiste alors à répondre à la question de savoir comment il est
possible de commencer en philosophie. La proposition spéculative, il est
vrai, dispense d’un point de départ, d’un Grundsatz, parce qu’elle vise à
montrer que dans l’ordre du penser (spéculatif) nulle immédiateté n’est à
soi seule sa vérité. Ni l’être ni le rien ne peuvent être des points de départ.
Toujours déjà unis dans le devenir qui seul les distingue, leur échec à fon-
der l’ontologie signe pour Hegel l’échec de toute métaphysique qu’avant
beaucoup d’autres il entend lui aussi dépasser.
Avec Hegel, nous sommes donc toujours déjà dans la dialectique, et
c’est pourquoi sa pensée ne relève pas davantage d’une ontologie de
l’Être que d’une ontologie du Rien. Refusant l’instauration de leur diffé-
rence ontologique, telle que Parménide croyait pouvoir la fonder, au pro-
fit d’une pensée de leur indétermination spéculative, Hegel ne s’est pas
non plus engagé au sein d’une différence ontologique qui distinguerait
l’être (indéterminé) de l’étant (déterminé). Hegel n’est pas un penseur de
l’Être. Pas davantage, car au fond cela relèverait d’une même perspective,
et en cela il a raison, n’est-il un penseur du Rien, comme l’est par exemple
et profondément Henri Maldiney. Chez Hegel, tout est déjà d’emblée
recouvert par la dialectique. Cette perspective hégélienne nous renvoie
alors à un choix décisif. Ou bien, convaincu par le génie hégélien, on par-
lera d’un dépassement irréversible des apories de la métaphysique au pro-
fit d’une processualité dialectique, ou bien, toujours attentif à la question
de l’Être (ou du Rien), on soulignera, en reprenant cette expression à
Henri Maldiney, que l’ouverture hégélienne de la Science de la logique relève,
tant elle conditionne la suite de l’analyse comme l’œuvre entière, de ce
que les sportifs nomment un « faux départ »1.
Philippe Grosos.

1. Voir Henri Maldiney, Regard Parole Espace, Lausanne, L’Âge d’homme, 1973, p. 254.

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BIBLIOGRAPHIE

Droz A., La logique de Hegel et les problèmes traditionnels de l’ontologie, Paris, Vrin,
1987.
Grosos P., Système et subjectivité. Fichte, Hegel, Schelling, Paris, Vrin, 1996.
Heidegger M., La Phénoménologie de l’esprit de Hegel, Paris, Gallimard, 1984.
— « Hegel et son concept d’expérience », in Chemins qui ne mènent nulle part, Paris,
Gallimard, 1962.
— « Hegel et les Grecs », in Questions II, Paris, Gallimard, 1968.
Jarczyk G., Système et liberté dans la logique de Hegel, Paris, Aubier, 1980.
Lécrivain A. et al., Introduction à la Science de la logique de Hegel, 3 vol., Paris,
Aubier, 1981.
Longuenesse B., Hegel et la critique de la métaphysique, Paris, Vrin, 1981.
Mabille B., Hegel, Heidegger et la métaphysique, Paris, Vrin, 2004.
Singevin C., Essai sur l’Un, Paris, Le Seuil, 1969, « La Démiurgie hégélienne »,
p. 192-234.

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SCIENCE DE LA LOGIQUE
I, L’ÊTRE, SECTION 1, CHAP. 1
WISSENSCHAFT DER LOGIK, DAS SEIN (1812)

Chapitre premier
Être

A. <Être>

[47] Être, être pur – sans nulle autre détermination. Dans son immé-
diateté indéterminée, il est seulement égal à lui-même et n’est en outre
inégal à rien d’autre, n’a aucune différence ni en lui ni hors de lui. Par
quelque détermination ou contenu que ce soit, qui poserait en lui une dis-
tinction ou par lequel il se poserait comme distinct d’un autre, il ne serait
pas retenu en sa pureté. Il est la pure déterminité et le pur vide. – Il n’est
rien en lui à intuitionner, si l’on peut ici parler d’intuitionner ; ou encore il
est seulement ce pur et vide fait d’intuitionner lui-même. Aussi y a-t-il
peu à penser en lui, ou de même n’est-il que ce penser vide. L’être,
l’immédiat indéterminé n’est en fait rien et ni plus ni moins que rien.

B. Rien

[48] Rien, le pur rien ; il est simple égalité avec soi-même, parfaite
vacuité sans détermination ni contenu ; incapacité à être distingué en lui-
même. – Pour autant que l’intuitionner ou le penser peuvent ici être men-
tionnés, alors cela fait une distinction si quelque chose ou rien est intui-
tionné ou pensé. Ne rien intuitionner ou penser a donc une signification ;
le rien est dans notre intuitionner ou penser ; ou plutôt il est lui-même

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440 DE L’IDÉALISME ALLEMAND À LA FIN DE LA MÉTAPHYSIQUE

l’intuitionner et le penser vides ; et ce même intuitionner ou penser en


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tant qu’être pur. Le rien est ainsi la même détermination ou plutôt


absence de détermination, et par là somme toute la même chose que ce
qu’est l’être pur.

C. Devenir

[1.] Unité de l’être et du rien


L’être pur et le pur rien sont donc le même. Ce qu’est la vérité n’est ni l’être
ni le rien, mais le fait que l’être, non pas passe, mais est passé de l’être au
rien et du rien à l’être. Toutefois la vérité n’est pas dans leur incapacité à
être distingués, mais dans le fait qu’ils se distinguent absolument, et que
pourtant chacun disparaît immédiatement en son contraire. Leur vérité
est donc ce mouvement consistant à disparaître immédiatement l’un dans
l’autre : le devenir, un mouvement en lequel tous deux sont distingués,
mais par une distinction qui s’est toutefois immédiatement dissoute.

Remarque 1
Le rien est habituellement opposé au quelque chose ; mais quelque chose
est un étant déterminé, qui se distingue d’une autre chose ; ainsi le rien
opposé au quelque chose, le rien de quelque autre chose, est un rien
déterminé. Mais ici le rien est à prendre dans sa simplicité indéterminée ;
le rien purement et simplement en et pour soi. – Le non-être contient le
rapport à l’être ; il n’est donc pas le pur rien, mais le rien tel qu’il est dis-
ponible dans le devenir.
[49] Parménide avait tout d’abord exprimé la pensée simple de l’être pur
comme absolu et comme unique vérité, et ce dans les fragments qui sont
restés de lui, avec le pur enthousiasme du penser qui se saisit pour la pre-
mière fois dans son abstraction absolue : seul l’être est, et le rien n’est absolu-
ment pas. – Le profond Héraclite, contre cette abstraction simple et unilaté-
rale, mit l’accent sur le concept total et plus haut du devenir, et dit : l’être
est aussi peu que le rien, ou encore que tout coule, c’est-à-dire que tout est

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devenir. – Les maximes populaires, particulièrement orientales, selon les-


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quelles tout ce qui est a, du fait de naître, le germe de sa disparition alors


qu’à l’inverse la mort est l’entrée dans une vie nouvelle, expriment au
fond la même unification de l’être et du rien. Mais ces expressions ont un
substrat, dans lequel se produit le passage ; être et rien sont maintenus
dans le temps, en vis-à-vis l’un de l’autre, représentés comme alternant en
lui, mais non pensés dans leur abstraction, et par conséquent non pas
comme étant en et pour soi la même chose.
Ex nihilo nihil fit – est une des propositions auxquelles, dans la méta-
physique de jadis, fut attribuée une grande signification. Mais ce qu’on
peut y voir, c’est ou bien seulement une tautologie vide de contenu : le
rien n’est rien ; ou bien si le devenir devait y avoir une signification effec-
tive, alors, pour autant que seul le rien provient du rien, il n’y a bien plutôt
en fait aucun devenir, car le rien reste le rien. Le devenir contient le fait
que le rien ne reste pas rien, mais passe dans son autre, dans l’être.
Lorsque la métaphysique ultérieure, particulièrement la métaphysique
chrétienne, désavoua la proposition selon laquelle le rien provient du
rien, alors elle affirma par là même un passage du rien à l’être ; que cette
proposition soit prise de façon synthétique ou simplement représenta-
tive, un point, fût-ce dans l’unification la plus incomplète, y est pourtant
contenu dans lequel être et rien se rencontrent et où leur capacité à être
distingués disparaît.
Si le résultat, selon lequel être et rien sont le même, surprend ou
semble paradoxal, alors il ne faut pas y prêter davantage attention ; il fau-
drait bien plutôt s’étonner de cet étonnement, qui se montre si nouveau
dans la philosophie et oublie que dans cette science adviennent de tout
autres vues que dans la conscience commune et dans le soi-disant [50]
bon sens. Il ne serait pas difficile de présenter cette unité de l’être et du
rien dans chaque exemple, dans chaque effectivité ou dans chaque
pensée. Mais en même temps, cette élucidation empirique serait de part
en part superflue. Vu qu’à présent cette unité se trouve une fois pour
toutes au fondement de tout ce qui suit et en constitue l’élément, alors,
outre le devenir lui-même, toutes les déterminations logiques ultérieures :
être-là, qualité, de façon générale tous les concepts de la philosophie, sont
des exemples de cette unité.

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442 DE L’IDÉALISME ALLEMAND À LA FIN DE LA MÉTAPHYSIQUE

L’embarras dans lequel se met la conscience commune à propos


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d’une telle proposition logique tient au fait qu’elle y rapporte des repré-
sentations d’un quelque chose de concret et oublie qu’il ne s’agit de rien
de tel, mais seulement des abstractions pures de l’être et du rien, et
qu’elles seules sont retenues en et pour soi.
Être et non-être sont le même ; c’est donc la même chose que je sois
ou que je ne sois pas, que cette maison soit ou qu’elle ne soit pas, que ces
thalers relèvent ou non de ma fortune. – Cette conclusion, ou
l’application de cette proposition, modifie complètement son sens. La
proposition contient les abstractions pures de l’être et du rien ; mais
l’usage en fait un être déterminé et un rien déterminé. Seulement, comme
l’on dit, il ne s’agit pas ici de l’être déterminé. Un être déterminé, fini, est
tel qu’il se rapporte à autre chose ; c’est un contenu qui se tient dans un
rapport de nécessité avec un autre contenu, avec le monde entier. Consi-
dérant la cohésion mutuellement déterminée du tout, la métaphysique
pouvait affirmer, au fond tautologiquement, que la destruction absolue
d’un grain de poussière entraînerait l’effondrement de tout l’univers. Mais
une fois qu’on a ôté au contenu déterminé sa cohésion avec un autre, et
qu’on se l’est représenté isolément, alors sa nécessité est surmontée, et il
devient indifférent que cette chose isolée, que cet homme isolé existe ou
n’existe pas. Ou, dès lors qu’est ressaisie cette cohésion totale, alors l’être-
là déterminé, se rapportant à un autre, disparaît pareillement ; en effet,
pour l’univers, il n’y a plus aucun autre, et qu’il soit ou ne soit pas, cela ne
fait aucune distinction.
Ainsi, que quelque chose apparaisse comme non indifférent au fait
d’être ou de n’être pas, cela n’est pas lié à l’être ou au non-être, mais
à [51] sa déterminité, à son contenu, lequel le met en rapport avec un
autre. Si l’on présuppose la sphère de l’être, et que l’on admet en elle un
contenu déterminé, un être-là déterminé quel qu’il soit, alors cet être-là,
parce qu’il est déterminé, est dans un rapport divers à un autre contenu.
Pour lui, il n’est pas indifférent qu’un certain autre contenu, avec lequel il
est en rapport, soit ou ne soit pas ; car il n’est essentiellement ce qu’il est
que par un tel rapport. Il en va de même dans le représenter (pour autant
que nous prenions le non-être dans le sens plus déterminé du représenter
par rapport à l’effectivité) ; l’être, dans sa cohésion, ou l’absence d’un

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contenu qui est déterminé en rapport avec un autre ne sont pas indiffé-
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rents. – Car en général, la distinction réelle ne commence tout d’abord


que dans la déterminité : l’être déterminé et le rien ne l’ont pas encore en
eux, mais n’ont que la distinction visée.
Cette considération contient cela même qui, dans la critique kantienne
de la preuve ontologique de l’existence de Dieu, constitue le moment prin-
cipal ; d’ailleurs, cette critique est avant tout plus précisément à considérer
à partir de l’opposition du concept et de l’existence. – Comme chacun sait,
dans cette soi-disant preuve, a été présupposé le concept d’un être auquel
parviennent toutes les réalités et donc aussi l’existence, laquelle est prise
comme une des réalités. La critique kantienne s’en est principalement
tenue au fait que l’existence n’est pas une propriété ou un prédicat réel, c’est-à-
dire pas un concept de quelque chose qui pourrait s’ajouter au concept de
quelque chose, au concept d’une chose. – Par là Kant veut dire que l’être
n’est pas une détermination de contenu. – Donc, poursuit-il, le possible ne
contient rien de plus que l’effectif ; 100 thalers effectifs ne contiennent
rien de plus que 100 thalers possibles ; – en effet ceux-là n’ont pas d’autre
détermination de contenu que ceux-ci. Pour ce contenu, considéré isolé-
ment, il est indifférent d’être ou de n’être pas ; il n’y a en lui aucune distinc-
tion entre être ou non-être ; cette distinction ne le touche somme toute pas
du tout ; les 100 thalers ne diminuent pas quand ils ne sont pas, et
n’augmentent pas quand ils sont. Il faut que la distinction vienne d’abord
d’ailleurs. – « En revanche, rappelle Kant, pour ce qui est de mon état de
fortune, il y a plus dans 100 thalers effectifs que [52] dans leur simple
concept ou dans leur possibilité. Car l’objet, eu égard à l’effectivité, n’est
pas simplement contenu analytiquement dans mon concept, mais s’ajoute
synthétiquement à mon concept (qui est une détermination de mon état), sans
que, par cet être extérieur à mon concept, ces 100 thalers pensés aient,
eux-mêmes, le moins du monde augmenté. »
Deux sortes d’états, pour s’en tenir aux expressions kantiennes, sont
ici présupposés, l’un, que Kant nomme le concept, et sous lequel il faut
comprendre la représentation, et l’autre, l’état de fortune. Pour l’un
comme pour l’autre, 100 thalers sont une nouvelle détermination de
contenu, ou, comme dit Kant, ils s’ajoutent synthétiquement ; et Je
comme possesseur ou non-possesseur de 100 thalers, ou encore Je comme

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se représentant ou ne se représentant pas 100 thalers, est un contenu diffé-


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rent. D’un côté, cela fait une distinction si je me représente seulement ces
100 thalers ou si je les possède, donc s’ils se trouvent dans l’un ou l’autre
état, parce que j’ai une fois présupposé ces deux états comme des déter-
minations différentes. D’un autre côté, ces états, chacun pris en particu-
lier, sont, en eux-mêmes, une détermination particulière de contenu qui
entre en rapport avec un autre et dont le disparaître n’est pas un simple
non-être, mais constitue un être-autre. Que nous reportions simplement le
fait que j’aie ou non 100 thalers à la distinction de l’être et du non-être est
une tromperie. Cette tromperie repose sur une abstraction unilatérale, qui
omet l’être-là déterminé, lequel dans de tels exemples est toujours présent, et
retient simplement l’être et le non-être. Comme on vient de le rappeler,
l’être-là est seulement la distinction réelle entre être et rien, entre un quelque
chose et un autre. – La représentation rêve de cette distinction réelle entre
quelque chose et un autre au lieu de l’être pur et du pur rien.
Comme le dit Kant, quelque chose vient par l’existence dans le
contexte de l’expérience d’ensemble ; nous recevons par là un objet de la
perception en plus, mais notre concept de l’objet n’est pas pour autant
accru. – Comme il résulte de ce qui a été expliqué, cela revient au moins
dans les faits à ce que [53] par l’existence, essentiellement parce que
quelque chose est une existence déterminée, il s’établisse une cohésion
avec un autre ou qu’elle y soit, et entre autres avec celui qui le perçoit. – Le
concept de 100 thalers, dit Kant, n’est pas accru par le fait de percevoir. –
Le concept, cela veut dire ici les 100 thalers isolés, représentés hors du
contexte de l’expérience et du percevoir. Dans ce mode isolé, ils sont
certes et assurément une très empirique détermination de contenu, mais
coupés de l’autre sans cohésion ni déterminité face à lui ; la forme de
l’identité à soi, de la simple déterminité ne se rapportant qu’à soi, les élève
au-dessus du rapport à l’autre et les laisse indifférents au fait d’être ou
non perçus. Mais si on les considère vraiment comme déterminés et rap-
portés à un autre, et qu’on leur ôte la forme du simple rapport à soi, qui
n’appartient pas à un tel contenu déterminé, alors ils ne sont plus indiffé-
rents au fait d’être ou de ne pas être-là, mais sont entrés dans la sphère où
est recevable la distinction de l’être et du non-être, non certes en tant que
telle, mais comme distinction du quelque chose et d’autre chose.

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Le penser ou plutôt le représenter, qui ne rêve qu’à être déterminé ou


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à être-là, dans quoi tombe la différence réelle de l’être et du rien, est à ren-
voyer au commencement de la science pure, celui que Parménide a
accompli, en semblant avoir été le premier parmi les hommes à avoir cla-
rifié son représenter et ainsi élevé le représenter de la postérité à la pensée
pure de l’être, créant ainsi l’élément de la science.
Mais, pour en revenir au principal, il faut se rappeler qu’imparfaite est
l’expression du résultat qui s’ensuit de la considération de l’être et du rien,
dans la proposition : être et rien sont un et le même. L’accent est en effet de
préférence mis sur l’être-un-et-le-même, et le sens semble ainsi être de nier la
distinction qui pourtant se présente immédiatement dans la proposition
elle-même ; car la proposition énonce les deux déterminations, être et
rien, et les contient comme distinctes. – Il n’est [54] toutefois pas pos-
sible de penser qu’il faille en faire abstraction et ne retenir que l’unité. Ce
sens ne serait qu’unilatéral, puisque ce dont on devrait faire abstraction
est néanmoins présent dans la proposition. – Dans la mesure où la pro-
position : être et rien sont le même, exprime l’identité de ces déterminations,
mais en fait les contient également comme distinctes, elle se contredit en
elle-même et se dissout. Considérée de plus près, une proposition est
donc ici posée dont le mouvement est, par elle-même, de disparaître. Par
là arrive en elle ce qui doit constituer son contenu propre, à savoir le
devenir.
La proposition contient ainsi le résultat, elle est en soi le résultat lui-
même ; mais ce n’est pas en elle-même qu’il est exprimé en sa vérité ; c’est
une réflexion extérieure qui le connaît en elle. – Dans la forme d’un juge-
ment, la proposition ne permet absolument pas, immédiatement,
d’exprimer des vérités spéculatives. Le jugement est un rapport d’identité
entre sujet et prédicat ; quand bien même le sujet a encore plusieurs
déterminités autres que celles du prédicat, et est donc quelque chose
d’autre que lui, elles ne s’ajoutent qu’en s’additionnant et ne surmontent
pas le rapport d’identité de ce prédicat avec son sujet, lequel reste son
fondement et son support. Mais si le contenu est spéculatif, alors la non-
identité du sujet et du prédicat est également un moment essentiel, et leur
rapport consiste dans le passage ou le disparaître du premier dans l’autre.
La lumière paradoxale et bizarre dans laquelle une bonne part de la philo-

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sophie moderne apparaît à ceux qui ne font pas confiance au penser spé-
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culatif, relève pour beaucoup de la forme du jugement simple, lorsqu’elle


est utilisée pour l’expression de résultats spéculatifs.
Le vrai résultat, qui en a ici résulté, est le devenir, lequel n’est pas sim-
plement l’unité unilatérale ou abstraite de l’être et du rien. Mais il consiste
en ce mouvement selon lequel l’être pur est immédiat et simple, en sorte
qu’également pour cette raison il est le rien pur, que leur distinction est
mais également se surmonte et n’est pas. Le résultat affirme donc égale-
ment la distinction de l’être et du rien, mais comme une distinction seule-
ment envisagée. – On envisage l’être plutôt comme le tout autre du rien, en
sorte qu’il n’y ait rien de plus clair que leur distinction absolue et qu’il
semble n’y avoir rien de plus aisé que de pouvoir l’indiquer. Mais il est
tout aussi aisé de se [55] convaincre que cela est impossible. Car si être et
rien avaient quelque déterminité, par laquelle se distinguer, ils seraient
alors, comme il a été rappelé à l’instant, être déterminé et rien déterminé,
non pas l’être pur et le rien pur, comme ils le sont encore ici. À cause de
cela, leur distinction est entièrement vide, chacun des deux est de la
même façon l’indéterminé ; elle ne consiste donc pas en eux-mêmes, mais
seulement dans un tiers, dans l’acte d’envisager. Mais l’acte d’envisager
est une forme du subjectif, lequel n’appartient pas à cet ordre de la pré-
sentation. Mais le tiers, dans lequel être et rien ont leur subsister doit ici
également advenir ; et il est advenu, c’est le devenir. En lui ils sont en tant
que distincts ; le devenir n’est que dans la mesure où ils diffèrent. Ce tiers
est un autre qu’eux ; ils ne subsistent que dans un autre, ce qui signifie
également qu’ils ne subsistent pas pour soi. Le devenir est le subsister de
l’être autant que du non-être ; ou encore leur subsister n’est que leur être
en Un ; c’est précisément ce subsister qui est le leur qui surmonte tout
autant leur distinction.
On se représente aussi volontiers l’être sous l’image de la lumière
pure, comme la clarté d’une vision non troublée, et le rien comme la nuit
et on lie leur distinction à cette différence sensible bien connue. Mais en
fait, si l’on se représente cette vision plus exactement, alors se conçoit
facilement que, dans la clarté absolue, on voit autant et aussi peu que
dans l’obscurité absolue, qu’une vision pure vaut autant qu’une autre, qui
est vision de rien. La pure lumière et la pure obscurité sont deux vides, et

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sont les mêmes. C’est seulement dans la lumière déterminée – et la


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lumière se détermine par l’obscurité –, donc dans la lumière troublée, de


même c’est seulement dans l’obscurité déterminée – et l’obscurité se
détermine par la lumière –, dans l’obscurité éclairée, que quelque chose
peut se distinguer ; parce que seules la lumière troublée et l’obscurité
éclairée ont en elles-mêmes leur distinction et ainsi sont des êtres déter-
minés, des êtres-là.

Remarque 2

Parménide s’attacha à l’être et dit du rien qu’il n’est rien du tout ; seul
l’être est. Ce par quoi cet être pur fut mené jusqu’au devenir, ce fut la
réflexion selon laquelle il est égal [56] au rien. L’être même est
l’indéterminé ; il n’a donc aucun rapport à l’autre ; il semble par consé-
quent que, à partir de ce commencement, il ne soit plus possible de progresser, à
savoir à partir de lui-même, sans que de l’extérieur quelque chose
d’étranger n’y soit rattaché. La réflexion, selon laquelle l’être est identique
au rien, apparaît aussi comme un second et absolu commencement. D’un
autre côté, l’être ne serait pas le commencement absolu s’il avait une
déterminité, car alors il dépendrait d’un autre et ne serait pas en vérité
commencement. Mais il est indéterminé et par là véritable commence-
ment, aussi n’y a-t-il en effet rien par quoi il se fasse passer à un autre ;
ainsi est-il en même temps la fin.
Considérée selon le dernier aspect, cette réflexion selon laquelle
l’être n’est pas égal à soi, mais tout simplement inégal à soi, est assuré-
ment dans cette mesure un nouveau et second commencement, mais en
même temps un autre commencement, par lequel le premier est surmonté.
Comme on l’a déjà ci-dessus rappelé, c’est la vraie signification du pro-
gresser en général. En philosophie, le progrès à partir de ce qui est com-
mencement est en même temps le retour à ce qui est sa source, à son
véritable commencement. Ainsi, avec le dépassement du commence-
ment débute en même temps un nouveau commencement, et le premier
se montre ainsi comme n’étant pas véritable. Donc cet aspect est
accordé, selon lequel la réflexion qui pose d’une même façon l’être et le
rien est un nouveau commencement et, comme c’est clair, il est même

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nécessaire. Mais inversement, ce nouveau commencement, tout autant


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que le premier, n’est pas absolu ; car il se rapporte au premier. Mais pour
cette raison, il faut que tienne au premier lui-même le fait qu’un autre se
rapporte à lui ; il lui faut donc être déterminé. – Il est cependant
l’immédiat, encore tout simplement l’indéterminé. Mais précisément
cette indéterminité est ce qui constitue sa déterminité, car l’indéterminité
est opposée à la déterminité, elle est ainsi elle-même, en tant qu’opposé,
le déterminé ou le négatif, et même la pure négativité. Cette indétermi-
nité ou négativité, que l’être a en lui-même, est ce qu’énonce la réflexion
l’égalant au rien. Ou, on peut s’exprimer en disant : parce que l’être est
ce qui est vide de détermination, il n’est pas la détermination qu’il est,
donc n’est pas être mais rien.
Donc en soi, c’est-à-dire dans la réflexion essentielle, le passage n’est
pas immédiat ; mais il est encore caché. Ici n’est [57] présente que son
immédiateté ; parce que l’être n’est posé que comme immédiat, le rien
perce immédiatement en lui. – Une médiation plus déterminée est celle à
partir de laquelle la science elle-même, et son commencement, l’être pur,
a son être-là. Le savoir a atteint l’élément du penser pur par le fait qu’il a
surmonté en soi toute la diversité de la conscience multiplement déter-
minée. La sphère totale du savoir contient donc son moment essentiel :
l’abstraction et la négativité absolues ; l’être, son commencement, est cette
pure abstraction elle-même ou n’est essentiellement que le rien absolu.
Mais cette remémoration se place en arrière de la science, qui à
l’intérieur d’elle-même, à savoir à partir de l’essence, présentera cette
immédiateté unilatérale de l’être comme une immédiateté médiatisée.
Mais dans la mesure où l’on dédaigne ce jaillissement du rien et la
considération de l’être, lequel est en soi, alors rien d’autre que l’être pur n’est
présent. On s’attache à lui en tant qu’il est commencement et en même
temps fin, et, dans son immédiateté immédiate, en tant qu’il se refuse à la
réflexion, qui le conduit au-delà de lui-même, selon laquelle il est en effet
l’indéterminé, le vide. Dans cette pure immédiateté, rien ne semble pou-
voir faire irruption.
Puisque cette affirmation de l’être dépourvu de réflexion s’attache au
simple immédiat, à la façon dont l’être est posé ou dont il est présent,
alors il faut s’y arrêter et voir comment, par conséquent, cet être est pré-

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sent. Parce que maintenant l’être est le rien, il faut que cela se présente en
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son immédiateté.
Prenons l’affirmation de l’être pur a) dans la forme, qui ressort le plus
souvent de ce qui est envisagé, comme la proposition : l’être est l’absolu,
alors on dit de l’être quelque chose qui est distinct de lui. Ce qui est dis-
tinct de lui est un autre que lui ; mais l’autre contient le rien duquel il est
l’autre. Ce qui est ainsi présent dans cette proposition, ce n’est pas l’être
pur, mais tout aussi bien l’être en rapport à son rien. – L’absolu est distin-
gué de lui ; mais pour autant qu’on dit qu’il est absolu, alors on dit égale-
ment qu’ils ne sont pas distingués. N’est donc pas présent l’être pur, mais
le mouvement, lequel est le devenir.
[58] b) que l’être pur signifie maintenant autant que l’absolu, ou qu’il
en signifie seulement un aspect ou une partie et qu’il s’attache seulement
à celui-ci, est alors laissée de côté la distinction qui troublait la pureté de
l’être, et la différence disparaît comme n’étant que celle du mot ou
comme liaison avec une partie inutile.
La proposition signifie à présent : l’être est l’être. – De cette identité
dont il sera ci-dessous question, il appert tout aussi immédiatement que,
comme toute tautologie, elle ne dit rien. Ce qui est donc présent, c’est un
dire, qui est un ne-rien-dire ; c’est donc ici le même mouvement, le deve-
nir qui est présent, sauf qu’au lieu de l’être, c’est un dire qui le parcourt.
g) Le prédicat tautologique laissé de côté, reste alors la proposition :
l’être est. Ici l’être lui-même et l’être de celui-ci sont de nouveau distingués ;
par le est, quelque chose de plus et donc d’autre que l’être a dû être dit.
Mais si par le est n’a pas été posé un être-autre et donc pas un rien de l’être
pur, alors il faut également laisser de côté ce est comme inutile et ne dire
que : être pur.
d) Être pur ou bien plutôt seulement être ; dépourvu de proposition
sans affirmation ou prédicat. Ou encore : l’affirmation est revenue à ce
qui fait l’opinion. Être n’est plus qu’une exclamation qui n’a sa significa-
tion que dans le sujet. Plus est profonde et riche cette intuition intérieure
lorsqu’elle doit saisir en elle le sacré, l’éternel, Dieu, etc. – plus cet inté-
rieur tranche avec lui, tel qu’il est là, avec l’être vide énoncé, qui face à ce
contenu n’est rien ; il porte, en sa signification et son être, la distinction
d’avec lui-même.

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Considéré d’un autre côté, cet être sans rapport à une signification, tel
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qu’il est immédiatement et doit être immédiatement pris, appartient à un


sujet ; c’est quelque chose d’énoncé, il a somme toute un être-là empi-
rique et appartient ainsi foncièrement à la borne et au négatif. – Le bon
sens, quand il se dresse contre l’unité de l’être et du rien et qu’en même
temps il en appelle à ce qui est immédiatement présent ne trouvera préci-
sément dans cette expérience elle-même rien d’autre que l’être déterminé,
l’être avec une borne ou négation – cette unité qu’il rejette. L’affirmation
de l’être immédiat se réduit ainsi à une [59] existence empirique, dont elle
ne peut rejeter qu’elle se produise, parce que c’est à l’immédiateté vide de la
réflexion qu’elle veut s’en tenir.
Il en est de même avec le rien, mais seulement de façon opposée ; pris
dans son immédiateté, il se montre comme étant ; car selon sa nature il est
le même que l’être. Le rien est pensé, représenté ; on parle de lui ; il est
donc. Le rien tient son être du penser, du représenter, et ainsi de suite.
Mais cet être est distingué de lui ; on dit par conséquent que le rien est
certes dans le penser, le représenter, mais que ce n’est pas la raison pour
laquelle il est, cet être étant seulement dans le penser ou le représenter.
Mais pour autant, par une telle distinction, on ne peut nier que le rien se
tienne en rapport avec l’être ; mais dans le rapport, bien qu’il contienne
également une distinction, est présente une unité de lui à l’être.
Le pur rien n’est pas encore le négatif, la détermination de réflexion
en regard du positif, ni non plus la borne ; il a immédiatement dans ces
déterminations la signification du rapport à son autre. Mais le rien est ici
la pure absence de l’être, le nihil privativum, comme l’obscurité est
l’absence de la lumière. Si maintenant il s’ensuit que le rien est le même
que l’être, on s’attache en revanche au fait que le rien n’a pas d’être pour
lui-même, qu’il est seulement, comme l’on dit, l’absence de l’être, comme
l’obscurité est seulement l’absence de la lumière, laquelle n’a de significa-
tion qu’en rapport avec l’œil, en comparaison avec le positif, avec la
lumière. – Mais tout cela ne signifie rien d’autre que l’abstraction du rien
n’est rien en et pour soi, qu’elle n’est qu’en rapport à l’être ou, ce qui est la
même chose, que la vérité réside seulement dans son unité avec l’être
– que l’obscurité n’est quelque chose qu’en rapport avec la lumière,
comme inversement l’être n’est quelque chose qu’en rapport au rien.

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Même si le rapport est pris superficiellement et extérieurement et qu’en


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lui on en reste avant tout à la distinction, l’unité des termes est pourtant
essentiellement contenue en lui comme un moment et chacun n’est
quelque chose que dans le rapport à son autre ; ainsi est précisément énoncé
le passage de l’être et du rien dans l’être-là.

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