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MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S.

Jousni – 2009-2010
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AVANT-PROPOS

Qu’est-ce que la littérature ? Quel est son rapport à l’auteur ? à la réalité ? au lecteur ? au
langage ? D’Aristote à Derrida, la question a, derrière les formes prises par ses diverses
déclinaisons, toujours la même pertinence.
Inséparable de la conception du texte qui l’informe, toute « théorie » sur la littérature est
aussi fille de l’Histoire. Cet enseignement vise à retracer les grandes étapes de la critique
littéraire, depuis sa première théorisation par les classiques grecs jusqu’à sa « remise en
cause » par la modernité et la post-modernité. Il prendra la forme d’un parcours
chronologique au cours duquel seront rappelés et interrogés les principaux concepts qui
permettent une réflexion sur la littérature, comme art ou comme technè, comme manifestation
et / ou comme vision du monde.
Définir ce qu’est la critique littéraire n’est pas aisé. Le terme est en effet source de
confusion, puisqu’il renvoie aussi bien :
 à la critique journalistique (en anglais : les book reviews des journaux et magazines)
 à la critique dite scientifique, qui répugne à porter des jugements (contrairement à la
critique journalistique) ; universitairement parlant, la critique littéraire recoupe toutes les
recherches sur la littérature, qui décrivent, analysent, interprètent, … et dépendent des
jugements littéraires des autres.
 à la critique (littéraire) des écrivains, qui ont, en dehors de leur fiction, produit des essais
théoriques sur la littérature en général. On peut citer Proust (son célèbre Contre Sainte-
Beuve), E.M. Forster, Henry James, J.L. Borges, Valéry, Mallarmé… sans distinction de
période ou de nationalité ni langue d’expression.
Ce cours, « Texte et Critique du Texte », s’intéresse en priorité à la seconde catégorie, qui
fait partie des outils indispensables à tout chercheur rentrant dans le deuxième cycle des
études universitaires (celui du Master). Il concerne le domaine littéraire, même si bien
souvent, des parallèles peuvent être établis et si de nombreux outils critiques peuvent s’avérer
communs à la littérature, la civilisation et la linguistique1.
« Texte et Critique du Texte » est un cours divisé en deux parties, rédigées par deux
enseignants-chercheurs différents. Cette première partie, générique, va de l’antiquité à la
critique contemporaine, d’Aristote à Paul Ricœur. La deuxième partie, assurée par le Pr
Francine Maier, se concentre plus particulièrement sur le modernisme et le post-modernisme
(soit le structuralisme et ses dérivés ou ses avatars, de Roland Barthes à Jacques Derrida –
entre autres théoriciens). Les deux parties se complètent pour proposer un panorama des
principales écoles critiques / écoles de pensée qui permettent de lire – c’est-à-dire
d’interpréter – un texte littéraire.
Cet « avant-propos » se poursuit (des pages 2 à 7) par :
1. une bibliographie
2. une liste de « modèles » épistémologiques.
La première, qui n’est qu’indicative, constitue une base structurée qui doit vous permettre
de travailler individuellement, en fonction des connaissances que vous possédez déjà ET des
choix / orientations critiques que vous avez déjà effectués au cours de votre cursus.
La seconde, qui pourrait être considérée comme un plan de cours, reprend sous forme
thématique, l’essentiel de la bibliographie. Toutefois, les regroupements en rubriques peuvent
vous apparaître différents. Cela tient à ce que la première section (la bibliographie) est
1
Pour ces deux derniers domaines, deux cours distincts vous sont proposés Voir la dernière section du document
pour trouver réponse à vos questions concernant l’examen.

1
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exclusivement chronologique, tandis que la seconde opère des synthèses d’ordre plus
théorique. Néanmoins, les deux démarches se rejoignent, comme vous le constaterez à
l’examen des auteurs / théoriciens convoqués de part et d’autre.
La suite du cours, à partir de la page 8, est subdivisée en 5 sections : n° 1 = « D’Aristote à
Proust », n° 2 = « du formalisme russe au structuralisme », n° 3 = « de Bakhtine à
l’intertextualité » ; le cours n° 4 est consacré à Michel Foucault et, plus brièvement, à Gilles
Deleuze, le cours n° 5 à Paul Ricœur. La dernière section (cours ou section n° 6) comporte un
« bilan » sous forme parodique, des précisions concernant l’examen et quelques conseils
méthodologiques et / ou lectures complémentaires.
Je vous engage, si ce cours vous intéresse (il est à visée méthodologique et comme son
intitulé le précise, traite de notions théoriques fondamentales à ce stade de votre cursus), à
me communiquer votre adresse électronique, accompagnée de vos nom et prénom et, surtout,
de votre filière d’origine et de l’intitulé de votre Master – et si possible votre sujet de
recherche – à l’adresse suivante : stephane.jousni@univ-rennes2.fr. Je suis par ailleurs
disponible, dans mon bureau (L 112), aux heures de permanence affichées (ou sur rendez-
vous)2.

S. Jousni (MCF – Département d’anglais – Université de Rennes 2


Responsable des enseignements mutualisés de Master 1 – Semestre 1)

2
Attention, l’année universitaire n’étant pas encore commencée au moment où sont écrites ces lignes, les heures
de permanence ne sont pas encore indiquées ou, si elles sont indiquées, sont susceptibles d’être changées. Merci
de vérifier.

2
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I. BIBLIOGRAPHIE

Cette liste d’ouvrages de référence ne doit pas vous effrayer par sa longueur. Il ne
s’agit nullement là de vous prescrire TOUS les ouvrages qu’il FAUT absolument lire, mais de
vous présenter le panorama le plus large possible des grandes tendances en matière de
critique littéraire, à la fois sur un plan historique (diachronique) et théorique.
Cette bibliographie constitue déjà à elle seule, en raison de sa subdivision en
rubriques, une forme de « cours ». Cela dit, reportez-vous néanmoins, bien entendu, à la
section II. de cet envoi, qui retrace de façon commentée le parcours et les avatars de la
critique littéraire au fil des siècles.
Un certain nombre de ces ouvrages sont en anglais. Lorsqu’ils ont été traduits en
français, c’est l’édition française qui est ici répertoriée. Pour les autres, malheureusement
non traduits en français3, il en existe des résumés plus ou moins et plus ou moins vulgarisés,
disponibles sur divers sites Internet, entre autres celui de l’ Encyclopedia Universalis4.

I. OUVRAGES GENERAUX

Baldick, C., Criticism and Literary Theory, 1890 to the Present, London : Longman, 1996.
Gengembre, G., Les grands courants de la critique littéraire, Paris : Seuil, coll. Mémo, 1996.
Maurel, A., La critique, Paris : Hachette, coll. Contours littéraires, 1994.
Meschonnic, H., Modernité, Modernité, Paris : Verdier, 1988.
Selden, R., The Theory of Criticism, from Plato to the Present, London : Longman, 1998.
Tadié, J-Y., La critique littéraire au XX siècle, Paris : Belfond, coll. Agora, 1987.
Compagnon, A., Le démon de la théorie, Paris : Seuil, coll. Points Essais, 1998.

II. L’EVOLUTION DE LA CRITIQUE LITTERAIRE DU XVIII A L’EPOQUE


CONTEMPORAINE

Auerbach, E., Dante, Poet of the Secular World, tr. R. Manheim, Chicago/ London : Chicago
U.P., 1961.
Bénichou, P. Morales du grand siècle, Paris: Gallimard, 1948.
Empson, W., Seven Types of Ambiguity, London, 1930.
Forster, E.M., Aspects of the Novel, London : E. Arnolds, 1927.
Leavis, F.R., The Great Tradition, London :Harmondsworth, Penguin, (1948) 1983.
Proust, M. Contre Sainte-Beuve, Paris : Gallimard, 1954.
Todorov, T. Critique de la critique, Paris : Seuil, 1984.

III. LES GRANDES TENDANCES DE LA CRITIQUE CONTEMPORAINE

A. Les analyses formelles

1. Les formalistes russes

Jakobson, R., Essai de linguistique générale, Paris : Minuit, 1963.


Jakobson, R., Questions de poétique, Paris : Seuil, 1973.
Propp, V., Morphologie du conte, Paris : Seuil, (1965) 1970.
Todorov, T., Théorie de la littérature, Paris : Seuil, 1965.
Todorov, T., Théories du symbole, Paris : Seuil, 1967.
3
Je m’adresse ici aux non anglicistes parmi vous.
4
Egalement à disposition sous forme papier à la Bibliothèque Universitaire.

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Ducrot, O., Todorov, T., Dictionnaire encyclopédique des Sciences du langage, Paris : Seuil,
1972.

2. Le structuralisme

a. Narratologie

Booth, W., The Rhetoric of Fiction, University of Chicago Press, 1961.


Frye, N., Anatomy of criticism: Four Essays, Princeton NJ: Princeton UP, 1957.
Genette, G., Figures II, Paris: Seuil, 1969.
Genette, G., Figures III, Paris: Seuil, 1972

b. Stylistique et poétique.

Leech, G., & M. Short, Style in Fiction, London : Longman, 1981.


Lejeune, P. Le pacte autobiographique, Paris : Seuil, 1975.
Lejeune, P., Je est un autre, Paris : Seuil, 1980.
Meschonnic, H. Pour la poétique, Paris : Galimard, 1970.
Riffaterre, M., La production du texte, Paris : Seuil, 1969.
Riffaterre, M., Essais de stylistique structurale, Paris : Flammarion, 1971.

c. Sémiologie

Barthes, R., Le degré zéro de l’écriture, paris : Seuil, 1953.


Barthes, R., S/Z, Paris : Seuil, 1970.
Barthes, R., Le plaisir du texte, 1973.
Barthes, R., L’aventure sémiologique, Paris : Seuil, 1985.
Culler, J., Structuralist Poetics : Structuralism, Linguistics and the Study of Literature, 1975.
Eco, U., L’oeuvre ouverte (L’Opera Aperta Milan: Bompiani, 1962), tr. Paris : Seuil, 1965.
Eco, U., La Structure absente, Milan : Bompiani, 1968 / Paris : Mercure de France, 1972.
Eco, U., Lector in Fabula, Paris : Grasset, 1985.
Greimas, A.J., Essais de sémiotique poétique, Paris : Larousse, 1972.
Sontag, S., Against Interpretation, New York, 1964.

B. Post-structuralisme, post- modernisme

Bakhtine, M., Esthétique et théorie du roman, Paris : Gallimard, 1978.


De Man, P., Allegories of Reading, Yale University Press, 1969.
Deleuze, G., Logique du Sens, Paris : Minuit, 1969.
Deleuze, G., Différence et répétition, Paris : PUF, 1968.
Derrida, J., De la grammatologie, Paris : Minuit, 1967.
Derrida, J., L’écriture et la différence, Paris : Seuil, 1967.
Derrida, J., La dissémination, Paris : Seuil, 1972.
Foucault, M., Les mots et les choses, Paris : Gallimard, 1966.
Holquist, M., Bakhtin and his World, London / Routledge, 1990.
Hutcheon, L., A Poetics of Post-Modernism, London : routledge, 1996.
Kermode, F., Essays on Fiction, 1983.
Kermode, F., The Classic : Literary Images of Permanence and Change, 1975.
Kristeva, J., Séméiotiké, recherches pour une sémanalyse, Paris : Seuil, 1969.
Kristeva, J., Le langage, cet inconnu, Paris : Seuil, 1981.

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Lyotard, J-F., Discours, Figure, Paris : Klinsieck, 1985.


Lyotard, J-F., Le post-modernisme expliqué aux enfants, Paris : Galilée, 1988.
Miller, J.H., Fiction and Repetition, Oxford, 1982.
Ricoeur, P. La métaphore vive, Paris : Seuil, 1975.

C. Analyse du discours, idéologie

1. La critique marxiste et idéologique

Barberis, P., La politique du texte, enjeux sociocritiques, Lille : PUL, 1992.


Eagleton, T., Criticism and Ideology, London : New Left Books, 1976.
Goldman, L., Pour une sociologie du roman, Paris : Gallimard, 1964.
Lecercle, J-J., The Violence of Language, London : Routledge, 1990 (tr. Fr. Disponible sous le
titre La violence du langage)
Lecercle, J-J., The Philosophy of Nonsense, London : Routledge, 1994.
Luckacs, G., La théorie du roman, Paris : Gonthier, (1920) 1963.
Luckacs, G., Le roman historique, Paris : Payot, 1965.
Macherey, P., Pour une théorie e la production littéraire, Paris : Maspero, 1966.

2. La critique historiciste (=« New Historicism »), les « Cultural Studies », la critique post-
coloniale

Greenblatt, S., Redrawing the Boundaries, the Transformation of English and American
Studies, New York, 1993.
Meschonnic, H., De la langue française, Paris : Hachette, 1997.
Tylliard, E.M.W., The Elizabethan World Picture, London : Chattoo and Windus, 1943.
--
Bhabha, H., (ed.), Nation and Narration, London : Routledge, 1990.
Loomba, A.., Colonialism/Postcolonialism, London: Routledge, 1998.
Mongia, P., (ed.), Contemporary Postcolonial Theory, London : Arnold, 1996.
Said E. The World, the Text and the Critic, 1983
Said, E., Representations of the Intellectual, 1994.

3. Féminisme et “Gender Studies”

Cixous, H., Entre l’écriture, Paris : Edition des femmes, 1986.


Cixous.H . et Clément, C., La jeune née, Paris : union générale d’édition, 1975.
Irigaray, L., Parler n’est jamais neutre, Paris :Minuit, 1985.
Moi, T., Sexual/Textual Politics; Feminist Literary Theory, London / Methuen, 1985.
Showalter, E., The New Feminist Criticism: Essays on Women, Literature and Theory,
London: Virago Press, 1986.

D. Autres voies

1. La critique thématique

Durand, G., Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris : Bordas, 1960 (reed.
Donod, 1992).
Richard, J-P., Littérature et sensation, Paris : Seuil, coll. Points, 1954.

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Starobinski, J., Jean-Jacques Rousseau, la transparence et l’obstacle, Paris : Gallimard, 1961


(coll. Tel, 1976).

2. La critique psychanalytique

a. Ouvrages généraux

Chemama, R., Dictionnaire de la psychanalyse, Paris : Larousse, 1993.


Freud, S., Introduction à la psychanalyse, Paris : Payot (date ?)
Julien, P., Le retour à Freud de Jacques Lacan, Paris : Seuil ( ?)
Kaufmann, P. (dir.), L’apport freudien : éléments pour une encyclopédie de la psychanalyse,
Paris : Bordas, 1993.
Laplanche, J. & Pontalis, J-B., Vocabulaire de la psychanalyse, Paris : PUF, 1967.
Miller, G. (dir.), Jacques Lacan, Paris : Bordas (date ?)
Roudinesco E. & Plon, M., Dictionnaire de la psychanalyse, Paris : Fayard, 1997.
Sauret, M-J. et Alberti, C., La psychanalyse, Toulouse / Milan, 1996.

b. Littérature et psychanalyse

Arrivé, M. Psychanalyse et linguistique, Paris : Méridiens/ Klinsieck, 1987.


Castanet, H., Le regard à la lettre, Paris : Anthropos, 1996.
Freud, S. L’inquiétante étrangeté et autres essais, Gallimard, coll. Folio Essais, (date ?)
Hassoun, P-L., Littérature et psychanalyse, Paris : Ellipse, 1996.
Lacan, J., « Le séminaire sur « La lettre volée » », in Ecrits, Paris : Seuil ( ?)
Lacan, J., Séminaire « Le sinthome », texte établi par J.A. Miller, in Ornicar ? , revue du
champ freudien (plusieurs numéros : 1976 &1977).
Lacan, J., « L’instance de la lettre dans l’inconscient », in Ecrits, Paris : Seuil, 1993.
Robert, M., Roman des origines, origine du roman, Paris : Gallimard (1972), 1977.

3. La critique génétique

Gresillon, A., Eléments de critique génétique, Paris : PUF, 1994.

4. Théorie de la réception et de la lecture

Iser, W., L’acte de lecture, théorie de l’effet esthétique, Bruxelles : Mardaga, 1985.
Jauss, H-R., Pour une esthétique de la réception, Paris : Gallimard, 1969.
Maingueneau, D., Pragmatique pour le discours littéraire, Paris : Hachette, 1992.
Picard, M., La lecture comme jeu, Paris : Minuit, 1986.

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II. QUELQUES MODÈLES

Ce qui suit peut être considéré comme un « squelette » de cours, sous forme de plan
qui combine chronologie et théorie. Tout en s’inspirant de travaux personnels et collectifs
(laboratoires de recherche), il doit beaucoup - notamment sa structure en rubriques – aux
travaux d’Antoine Compagnon5 . Je rappelle ici ce que j’ai déjà indiqué dans l’« avant-
propos » : vous ne trouverez ci-dessous que les grands titres des différentes sections
correspondant aux grandes ‘étapes’ historiques de la critique littéraire depuis Aristote. Ce
sont aussi des formes de modèles scientifiques, d’où l’intitulé ci-dessus.

I. LA CRITIQUE LITTERAIRE

Définir ce qu’est la critique littéraire n’est pas aisé. Le terme est en effet source de confusion,
puisqu’il renvoie aussi bien :
 à la critique journalistique (en anglais : les book reviews des journaux et magazines)
 à la critique dite scientifique, qui répugne à porter des jugements (contrairement à la
critique journalistique) ; universitairement parlant, la critique littéraire recoupe toutes les
recherches sur la littérature, qui décrivent, analysent, interprètent, … et dépendent des
jugements littéraires des autres.
 à la critique (littéraire) des écrivains, qui ont en dehors de leur fiction, produit des essais
théoriques sur la littérature en général. On peut citer Proust (son célèbre Contre Sainte-
Beuve), E.M. Forster, Henry James, J.L. Borges, Valéry, Mallarmé… sans distinction de
période ou de nationalité ni langue d’expression.

II. LES MODELES CONTEXTUELS OU EXPLICATIFS

Sont abordés là les deux grandes tendances ‘classiques’ (post-aristotéliciennes et qui


néanmoins lui doivent beaucoup), celle de la philologie et de l’histoire littéraire.
Les noms de Taine, Mme de Staël, Sainte-Beuve, Gustave Lanson et de maints philosophes
allemands (Schlegel, Durkheim…) seront les plus fréquemment cités.
Les outils fournis par la sociologie et la psychanalyse de la littérature, tout en étant plus
‘modernes’ que les deux précédents, font néanmoins partie sur le plan théorique, de la même
catégorie des modèles dits « contextuels ou explicatifs ».

III. LES MODELES PROFONDS OU INTERPRETATIFS

Il sera question dans cette sous-rubrique de :


 La critique créatrice : apparue avec le romantisme, elle renvoie essentiellement à
l’école française (Baudelaire, Flaubert, Taine, Bergson, Proust et Valéry, en Allemagne
Husserl et en Italie B. Croce)
 La critique thématique : nous y retrouverons Marcel Raymond, Georges Poulet et
surtout Jean Starobinski.
 La critique existentialiste : Sartre, après Nietzsche et Heidegger, sont les théoriciens
les plus notables, mais il faut aussi tenir compte de l’héritage de Saussure et de Lacan.

IV. LES MODELES TEXTUELS OU ANALYTIQUES


5
Voir : Le démon de la théorie (ouvrage cité dans la bibliographie) et l’article « Critique Littéraire » revu et
corrigé pour la dernière édition de l’Encyclopedia Universalis.

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« Contre l’histoire littéraire et la critique interprétative se sont violemment dressées en


France, à partir des années 1960, les critiques contestant l’empire du sujet et lui substituant le
primat du langage » (A. Compagnon). Nous aborderons là :
 La critique rhétorique et poétique
 La critique issue de la linguistique saussurienne, le formalisme russe et le « New
Criticism »
 Le structuralisme et ses dérivés : sémiotique, poétique, narratologie
 La stylistique et la tropologie

V. LES MODELES « GNOSTIQUES » OU INDETERMINES

Alors que les précédents modèles relevaient des trois paradigmes : explicatif / interprétatif /
analytique, le quatrième – et dernier en ce qui nous concerne- que l’on peut baptiser modèle
textuel relève de la textualité qui, en refusant l’histoire et l’herméneutique, se situe sur un
plan différent, qui s’intéresse moins aux textes réels qu’aux textes possibles.
Les concepts d’indéterminisme et les noms de Husserl, Nietzsche et Bloom seront
mentionnés, ainsi que ceux de Mallarmé et Barthes.
 L’esthétique de la réception
A la question « comment faire de l’histoire littéraire après Heidegger ? » la théorie de la
réception met l’accent sur le lecteur, sa relation au texte et le procès de la lecture (Jauss).
 La déconstruction : Derrida sera naturellement l’ « auteur-phare » en la matière6. Du
côté français, il faut aussi évoquer Maurice Blanchot.
 Dialogisme et intertextualité : c’est l’œuvre de Bakhtine qui fournira l’essentiel de la
réflexion. En France, ses travaux ont essentiellement été transmis par l’intermédiaire
de Julia Kristeva.
 Le féminisme : après l’œuvre séminale de Simone de Beauvoir (Le Deuxième Sexe),
Julia Kristeva, Hélène Cixous et Luce Irigaray continuent la réflexion en ce sens. Du
côté anglo-saxon (c’est-à-dire eu côté de ce que l’on nomme les gender studies), les
noms à retenir sont ceux d’Elaine Showalter ou de Toril Moi.
 Le matérialisme culturel : sous cette appellation quelque peu générique sont
regroupées les théories essentiellement anglo-saxonnes qui, sous la bannière de
Greenblatt aux Etats-Unis ou d’Althusser en France, créent le courant néo-historiciste
qui se déclinera plus tard en cultural studies ou en études post-coloniales.

6
Il ne sera pas traité ici, mais par M. Maïer, dans un cours séparé et néanmoins complémentaire de celui-ci.

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III. COURS
N° 1 : D’ ARISTOTE À PROUST
Selon Derrida, « [u]n texte n’est un texte que s’il cache au premier venu la règle de sa
composition, la loi de son jeu ». C’est cette « vérité » qui fait toute la justification de ce que
d’aucuns appellent, à juste titre, « l’herméneutique » du Texte, laquelle vise à pénétrer les
secrets de l’écriture, le mot ‘secret’ devant être pris non dans son sens théologique mais dans
celui de synonyme de plaisir.
-------
Plan =
1. Aristote en opposition à Platon
2. Proust et son Contre Sainte-Beuve
---------
Entre ces deux pôles de la chronologie (Aristote d’un côté, Proust de l’autre) sur lesquels nous
allons insister plus particulièrement, quatre grandes périodes se font jour :
 de la Renaissance jusqu’au XVIIe inclus : c’est la période des classiques, dont la référence
majeure reste Aristote.
 le XVIIIe : la rationalité du siècle des Lumières, héritière du cogito de Descartes, consacre
l’essai, plus particulièrement philosophique, considéré comme le genre noble par excellence,
contrairement à la fiction romanesque, ou même poétique.
 le XIXe marque l’avènement des Romantiques, qui instaurent le primat (lyrique) du sujet.
Cette période court jusqu’à Taine, Lanson et Sainte-Beuve, tenants de ce que l’on appellerait
aujourd’hui la critique biographique (‘l’œuvre c’est l’homme’), au sens le plus étroit du terme

I. ARISTOTE
Dans l’Antiquité, deux visions de la littérature s’affrontent :
1. Celle de Platon (428-348 BC) : pour le philosophe, l’artiste est l’imitateur d’une
imitation / l’art imite un objet matériel qui est lui-même une copie de l’idée de la chose
(mythe de la caverne). La connotation est plus ou moins négative, même si le poète reçoit
l’inspiration directement de ‘Dieu’. Le concept fondamental est celui de l’essence
2. Celle d’Aristote (384-322 BC). Elève de Platon (de 367 à 347), Aristote est le premier
à élaborer une réflexion théorique qui vise à orienter la pratique du poète. Voir son œuvre La
Poétique. Concept-clé = mimesis = faculté humaine fondamentale de médiation (même si
elle est complexe) de la réalité. L’art doit correspondre à la vie et atteindre à un certain ordre
structuré. Le poète vise l’universel et le général. Autre concept-clé = catharsis (création d’une
intensité dramatique maximale pour impliquer le public / subjectivité sollicitée pour
identification avec les personnages en vue de purification des passions).
La Poétique d’Aristote = création d’un métalangage destiné à définir l’art (de l’écrit) de
façon objective. Aristote définit trois grands genres : lyrique, épique, dramatique. L’attitude
est prescriptive : la notion de norme prévaut et il n’est pas admissible d’y déroger.
(Tome 1 la Tragédie / Tome 2 la Comédie- Lire ou relire le roman d’Umberto Eco, Le
Nom de la Rose, qui base une partie de son intrigue policière sur la recherche du tome 2
disparu)

II. PROUST
Dans son célèbre essai Contre Sainte-Beuve7, Proust prend parti de façon extrêmement
virulente contre ce qu’il appelle la « méthode Sainte-Beuve », héritière des modèles de
critique extrinsèque, qui « expliquent » l’œuvre par la personnalité de son auteur et ses
7
M. Proust, Contre Sainte-Beuve, Gallimard, coll. Folio-essais, 1954. Les références de pages données ici
correspondent à cette édition.

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conditions d’émergence (sociales, personnelles). Voici la manière dont Proust résume ladite
méthode :

La littérature, disait Sainte-Beuve, n’est pas pour moi distincte ou du moins, séparable du
reste de l’homme et de l’organisation. On ne saurait s’y prendre de trop de façons et de trop
de mots pour connaître un homme, c’est-à-dire autre chose qu’un pur esprit. Tant qu’on ne
s’est pas adressé sur un auteur un certain nombre de questions et qu’on n’y a as répondu, ne
fût-ce que pour soi seul et tout bas, on n’est pas sûr de le tenir tout entier, quand même ces
questions sembleraient les plus étrangères à la nature de ses écrits : Que pensait-il de la
religion ? Comment était-il affecté du spectacle de la nature ? Comment se comportait-il sur
l’article des femmes, sur l’article de l’argent ? Etait-il riche, pauvre ; quel était son régime,
sa manière de vivre journalière ? Quel était son vice ou son faible ? Aucune réponse à ces
questions n’est indifférente pour juger l’auteur d’un livre et le livre lui-même, si ce livre
n’est pas un traité de géométrie pure, si c’est surtout un ouvrage littéraire, c’est-à-dire où il
entre de tout. (p. 126)

Proust s’insurge contre cette critique exclusivement biographique qui méconnaît la


nature même de l’œuvre littéraire. Voici quelques extraits parmi les plus représentatifs de ces
pages qui dénoncent la « méthode Sainte-Beuve » :

L’œuvre de Sainte-Beuve n’est pas une œuvre profonde. La fameuse méthode, qui en fait,
selon Taine, selon Paul Bourget et tant d’autres, le maître inégalable de la critique du XIXe,
cette méthode, qui consiste à ne pas séparer l’homme et l’œuvre, à considérer qu’il n’est pas
indifférent pour juger l’auteur d’un livre, si ce livre n’est pas un « traité de géométrie pure »,
d’avoir d’abord répondu aux questions qui paraissent le plus étrangères à son œuvre, à
s’entourer de tous les renseignements possibles sur un écrivain, à collationner ses
correspondances, à interroger les hommes qui l’ont connu, en causant avec eux s’ils vivent
encore, en lisant ce qu’ils ont pu écrire sur lui s’ils sont morts, cette méthode méconnaît ce
qu’une fréquentation un peu profonde avec nous-mêmes nous apprend : qu’un livre est le
produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société,
dans nos vices. (p. 126-127 –suite)

Ou encore : « […] En aucun temps, Sainte-Beuve ne semble avoir compris ce qu’il y a de


particulier dans l’inspiration et le travail littéraire, […] »
C’est Proust qui, le premier, distingue le moi social et le moi profond : « […] le moi
profond qu’on ne retrouve qu’en faisant abstraction des autres et du moi qui connaît les
autres, le moi qui a attendu pendant qu’on était avec les autres, qu’on sent bien le seul réel, et
pour lequel seuls les artistes finissent par vivre, comme un dieu qu’ils quittent de moins en
moins et à qui ils ont sacrifié une vie qui ne sert qu’à l’honorer ».

Proust condamne encore, d’une plume assassine, Sainte-Beuve parlant de Stendhal


(p128-129), ou « pire encore », de Baudelaire (p.165). Il poursuit par :

Et pour ne pas avoir vu l’abîme qui sépare l’écrivain de l’homme du monde, pour
n’avoir pas compris que le moi de l’écrivain ne se montre que dans ses livres, et qu’il
ne montre aux hommes du monde (…) qu’un homme du monde comme eux, il
inaugurera cette fameuse méthode qui selon Taine, Bourget … est sa gloire et qui
consiste à interroger avidement pour comprendre un poète, un écrivain, ceux qui
l’ont connu, qui le fréquentaient, qui pourront nous dire comment il se comportait sur
telle ou telle chose, c’est-à-dire précisément sur tous les points où le moi véritable du
poète n’est pas en jeu.

10
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COURS N° 2

Le cours précédent a placé l’accent sur la distinction entre « critique extrinsèque »


(Sainte-Beuve) et la « critique intrinsèque » (Proust), autrement étiquetées « critique
évaluative (Sainte-Beuve) et critique explicative (Proust). Cette double opposition n’est
cependant qu’ici schématisée, tout comme est schématique le « grand saut chronologique »
d’Aristote à, grosso modo, la fin du XIXe). Ce dernier a néanmoins une valeur historique :
jusqu’au XIXe, prévaut la croyance en un ordre du monde (existence d’un SENS),
conception qui relève de l’ordre du religieux (préceptes / dogmes // existence d’un être
suprême // approche téléologique). La littérature est le reflet et le produit de cette conception.
A partir du XIXe (début avec les Romantiques), cette théorie s’effrite ou vole en éclats
(Nietzsche et la mort de Dieu). Concomitante à ce phénomène, la conception de littérature
change. Historiquement, deux révolutions / découvertes interviennent dans des champs jusque
là inexistants et qui vont devenir des disciplines : la linguistique et la psychanalyse. Les deux
objets d’études = le langage / le sujet. Le primat de l’un sur l’autre OU les empiètements de
l’un sur l’autre (et réciproquement) vont influer sur la conception de la littérature et donc sur
la critique littéraire.

Parcours de ce cours n° 2 = du Formalisme russe au structuralisme


 Auteurs mentionnés = Saussure / Jakobson / Levi-Strauss / Barthes / Lacan
 Textes supports =
1. L’analyse des « Chats » de Baudelaire par Jakobson et Lévi-Strauss8
2. L’analyse textuelle d’une nouvelle de Poe par Roland Barthes : la Vérité sur le Cas de
M. Valdemar9
-----
SAUSSURE (1857-1913) : Cours de Linguistique Générale (1915-1959) / concepts clés =
 notion de système (même si le terme structure n’est pas employé, le mot système
renvoie à la même chose) par distinction interne / externe
 le système dérive de l’étude de l’évolution des langues : toute étude comparative et
évolutionniste (diachronie/ seule existant au préalable) est fragmentaire en l’absence
d’une théorie systématique de la langue comme entité à un moment donné dans une
société donnée (définition de la synchronie).
 Opposition langue (le système) / parole (ses manifestations individuelles)
 La fonction (but) du système qu’est la « langue » est la signification, ses éléments =
signes avec ses deux volets : signifiant et signifié.
C’est Saussure qui suggère le lien entre la linguistique et l’anthropologie. Il sera établi en
propre par Jakobson (un linguiste) et Lévi-Strauss (un anthropologue). Saussure amorce
aussi ce qui va devenir la sémiologie (nécessité de fonder une théorie, plus large, des
signes = sémiologie)

LE FORMALISME RUSSE
Prône l’analyse formelle. C’est « l’Ecole de Moscou » dans les années 1915-1916.
Linguistes et poéticiens avaient entrepris étude systématique de la littérature. Viktor Chlovsky
(1917 : publication de son célèbre article « L’art comme procédé »). L’accent est mis sur la
littérature comme ensemble de procédés formels. Les formalistes nient la dimension
représentative ou expressive de la littérature, dénonçant l’humanisme lié à la croyance en

8
Voir l’ouvrage de Jakobson : Questions de Poétique, Seuil, 1973.
9
R. Barthes, L’aventure sémiologique, Seuil, coll. Essais, pages 329 à 359.

11
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l’unité essentielle du texte et de sa signification. L’objet de la critique n’est plus la littérature


mais la littérarité. La critique devient une « science ».10
Parmi les théoriciens se situant dans la même mouvance, se trouve Vladimir Propp,
auteur de Morphologie du Conte, 1928, texte important (2ème après celui de Chlovsky).
Propp analyse les structures du conte merveilleux considéré comme genre. Il dégage les lois
de fonctionnement (exemple : le récit est structuré comme une quête, diverses fonctions sont
occupées par les personnages, le récit est fondé sur des couples d’oppositions…). Poursuite
par Greimas (analyse de la structure du roman, notion de « schéma actantiel » …)
Autres noms (russes) = Michael Bakhtine (cf infra).
Œuvre comme forme pure, analyse des rapports entre les éléments constitutifs.
Le vulgarisateur de ces théories en France (dans les années soixante, par la traduction des
ouvrages du russe) est Tzvetan Todorov (puis Julia Kristeva). Pour Todorov, voir biblio.
Le lien entre le formalisme russe et ce qui va devenir le structuralisme se fera de deux
manières :

1. externe à la France : R. Jakobson. Il fonde dans les années 26-39, « l’école » / « le cercle »
linguistique de Prague). Lien entre l’analyse formelle et le linguistique = Essais de
Linguistique Structurale (1963), Questions de Poétique (1973 / cf « Les Chats »).
Rappel : théorie des fonctions du langage, fondée sur théorie de la communication. Jakobson
dénombre 6 fonctions : référentielle (dénotative) / expressive (émotive) / conative (orientée
vers le destinataire) / phatique (destinée à maintenir ou interrompre la communication) /
métalinguistique (le langage qui parle du langage –scientifique, épistémologique-) / poétique
(vise le message en tant que tel, le langage qui attire l’attention sur lui-même –esthétique-)

LE STRUCTURALISME

2. Interne à la France = Claude Lévi-Strauss : travail d’anthropologie, influencé par le


marxisme et la psychanalyse. Travail sur les sociétés dites ‘primitives’ : les questions de
parenté, le tabou de l’inceste, la transmission de la langue. Anthropologie structurale et
Tristes Tropiques (1955), La pensée sauvage (1962), Mythologiques (1964 : Le cru et le cuit ,
œuvre en 3 volumes, dont le dernier paraît en 1968).
Remarque : les débuts du structuralisme concernent explicitement d’abord l’anthropologie.
(le problème le plus sérieux = son extension, son application à des domaines hors
« sciences » (comme les mathématiques ou la linguistique), tels que la littérature et la
philosophie.
---
Pendant ce temps, en Angleterre : au tournant du siècle, Oscar Wilde, Walter Pater et
T.S. Eliot (et plus encore aux USA) se crée un courant qu’on appelle le New Criticism. Dès
les années 30, ce mouvement qui est proche du formalisme russe dans ses conceptions, remet
en cause l’hégémonie de l’histoire littéraire biographique et sociale. C’est le rejet de l’illusion
génétique (genetic fallacy) qui explique l’œuvre par causes externes. Le rejet de
l’intentionnalité de l’œuvre (intentional fallacy) qui l’explique en la référant à son auteur. Le
rejet de l’illusion affective (affective fallacy) qui l’aborde à partir des émotions qu’elle éveille
chez le lecteur. Le New Criticism prône un retour au texte, à la lecture microscopique, à
l’analyse des propriétés structurales du poème ; l’œuvre est isolée et considérée comme un
objet verbal et un système clos

10
Encore une fois, ainsi résumés, les principes du formalisme peuvent apparaître schématiques, voire
caricaturaux. Il faut bien comprendre que tout cela n’est pas vu en termes absolus, mais comme un système
relationnel changeant dans l’histoire.

12
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Conclusion = des deux côtés de l’Atlantique (sauf en France malgré l’œuvre critique
d’un Paul Valéry, par exemple) l’ insistance est mise sur le langage par opposition à tout
autre paramètre constitutif de la littérature.
---
Application 1. = « Les Chats », poème de Baudelaire, analysé par Jakobson et Levi-Strauss
en196211.
Critique par M. Riffaterre (article célèbre de 1972) qui reproche à Jakobson et Lévi-
Strauss de négliger la pertinence esthétique des propriétés mises en évidence par l’analyse.
Exemple : le cas de l’examen des variations infimes dans la distribution des voyelles liquides
à l’intérieur de certains vers / comme constituant une correspondance formelle à certains
développements thématiques.
---
ROLAND BARTHES (1915-1980)
Il conduit à bouleverser la critique littéraire et pousse dans ses conséquences le
formalisme naissant (à la fin du règle de Lanson) qui était à l’origine de l’orientation prise par
la critique en France jusque dans les années 60 (malgré des gens comme Proust ou Valéry plus
proches du formalisme, on en est resté à l’histoire littéraire, à la division en genres et écoles,
et à la critique biographique). Barthes dénonce la prétention de l’histoire littéraire à dire la
vérité sur l’œuvre par imposition d’un sens unique que les moyens de l’exégèse historique,
philologique et biographique permettraient de découvrir.
Citation clé :
Le problème, du moins celui que je me pose, est en effet de parvenir à ne pas réduire le Texte
à un signifié, quel qu’il soit (historique, économique, folklorique ou kérygmatique), mais à
maintenir sa signifiance ouverte. In Analyse structurale et exégèse biblique, 1972.
L’auteur n’est plus tenu comme origine de l’œuvre, il tisse des chaînes de discours qui
s’entremêlent dans l’œuvre (étymologie du mot texte = tissu)
---
Application 2. « La Vérité sur le cas de M. Valdemar » (titre original = « The facts in the case
of M. Valdemar », Edgar Allan Poe, 1845): Barthes passe de l’analyse structurale (type
Jakobson) à l’analyse textuelle proprement dite.12

COURS N° 3

1. Les suites / prolongements du structuralisme.


2. Bakhtine et ses concepts clés : le dialogisme / le carnaval polyphonique / le
chronotope  Intertextualité (J. Kristeva)
-----
1. Les suites ou dérivés du structuralisme. Ils appartiennent au modèle dit « analytique ».
Conteste l’empire du sujet et lui substitue le primat du langage. Souvent un champ d’analyse
fait appel à d’autres pour la construction d’une lecture. Pas d’étanchéité radicale des
catégories ; plutôt divers plans d’analyse du texte (diverses strates). Toutes cependant
interrogent le processus de formation de la signification, la lecture du sens de l’œuvre.
Exemples de prolongements :
 la narratologie : Gérard Genette dans Figures (I, II et III ; ed. Seuil, coll. Poétique)
 poétique et stylistique : Booth (The Rhetoric of Fiction-1961, Chicago) / Forster (Aspects
of the Novel) = à l’origine de la notion de point de vue / Frye (Anatomy of Criticism -1957 -=

11
Voir bibliographie.
12
Le texte de cet article de Barthes (1973) est reproduit dans L’aventure sémiologique (Seuil, coll. Points Essais,
1985, pages 329-359), ouvrage cité dans la bibliographie.

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réflexion globale sur le statut de l’œuvre littéraire ; classification des différents types de
fictions- cf Empson -1930, classification des diverses formes d’ambiguïté poétique)
 sémiotique et sémiologie : Umberto Eco / Greimas / Barthes // Culler –Lodge - Sontag
 dans le « post-structuralisme » on trouve : la déconstruction / l’intertextualité / le post-
modernisme (Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Julia Kristeva, Frank Kermode, Philippe
Sollers, Philippe Lyotard …)
---
Influence grandissante de la philosophie sur la critique (Paul Ricoeur, Gilles Deleuze, Jacques
Lacan, Michel Foucault- cf infra, cours n° 4).

2. BAKHTINE (1898 -1975)


1929 : petit livre sur la poétique de Dostoïevski / 1946 : soutenance d’une thèse en littérature
russe à l’université de Moscou (sur Rabelais) qui fit scandale.
Dans son tout premier texte (1924), il prend position contre le formalisme russe, affirmant
qu’il faut en finir avec la rupture entre d’un côté le formalisme abstrait et l’idéologisme qui ne
l’est pas moins. Constat: les deux sont nécessaires.
Ouvrage à lire = Esthétique et Théorie du Roman (1975- Gallimard 1978), qui rassemble 4
grands textes (« études ») écrits entre 1934 et 1941. C’est le volet central d’un triptyque dont
le Dostoïevski et le Rabelais forment les 2 côtés. S’y élabore une véritable théorie du Roman
(la littérature selon Bakhtine a été auparavant étudiée selon les seuls critères de la poétique au
sens étroit, soit avec application des catégories stylistiques traditionnelles, basées sur l’étude
des tropes). Or, il existe des spécificités au Roman qui est un genre qui ne fait pas bon ménage
avec les autres genres, qui les transcende, un anti-genre, toujours inachevé, qui se développe
sur les ruines des genres clos (la tragédie, la comédie, l’épopée…). Il n’existe pas dans le
Roman d’unité de style car il n’existe pas d’unité du langage (au sens d’un système de formes
normatives générales) ; le style du roman, c’est un assemblage de styles, le langage du roman,
c’est un système de « langues » / « sens de « dialecte individuel » de « parole » -cf Saussure.
Concepts principaux :
Le dialogisme / le plurilinguisme (hétéroglossie) et la polyphonie / le rire carnavalesque / +
satire ménipée / notion de chronotope.
 le roman polyphonique = par excellence l’œuvre de Dostoïevski (D. comme prophète de la
Révolution) / rire carnavalesque de Rabelais (= p.14 + p.15 de l’ouvrage Esthétique et
Théorie du Roman)
 l’histoire du genre romanesque est liée à celle de la conscience linguistique. Le roman naît,
selon Bakhtine, d’une attitude nouvelle, réflexive et critique, vis-à-vis du langage, à partir du
moment où celui-ci cesse d’être purement et simplement vécu du dedans, comme un absolu,
pour être saisi du dehors, entendu comme langage, distancié, relativisé. Historiquement, la
genèse du roman est lié aux époques où l’absolutisme autoritaire de la langue unique,
consubstantielle d’une société et d’une civilisation, est remis en question par le surgissement,
à l’horizon culturel, d’une ou plusieurs langues étrangères : l’époque hellénistique, l’empire
romain, l’aube de la Renaissance, lorsque les langues nationales de l’Europe occidentale se
substituent au latin. Remise en question liée aussi à la présence, en parallèle à la « grande
littérature », des genres parodiques qui la réfléchissent dans le miroir du rire. Parodie =
exemple le plus simple de langage bivoque, où le parodiste superpose son intention comique à
l’intention sérieuse du parodié. Rire = contre-culture populaire / Rabelais / attitude
fondamentalement nouvelle vis-à-vis du langage, du mot.
 Satire ménipée = association du grotesque, du fantastique, et de la profondeur
philosophique (= Rabelais encore mais aussi le Satiricon de Petrone, par ex.)
 chronotope = p. 19 (même ouvrage)

14
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La popularisation de Bakhtine se fera en France entre autres par Julia Kristeva qui en
développera le concept d’intertextualité.
----
Application : Gillermo CABRERA INFANTE (auteur cubain, 1929-2005)
 Ex. de La Havana par un Infante Difunto : dans ce titre (roman publié en 1979),
l’intertextualité est à la fois musicale, avec l’écho au titre de l’œuvre de Maurice Ravel,
Pavane pour une infante défunte, et littéraire, dans sa veine autobiographique puisque
l’« Infante » difunto dont il est question n’est autre que l’auteur lui-même, bien sûr.
 Ex. de Tres Tristes Tigres (ce roman, publié en 1965, est un festival de références littéraires
à des auteurs multiples et de nationalités variées, dont Lewis Carroll, Joyce, Faulkner,
Hemingway mais aussi Marcel Proust, le portugais Fernando Pessoa, ou encore les principaux
romanciers et poètes cubains).
Parmi les auteurs favoris de Cabrera Infante, se trouve Lewis Carroll, dont l’épigraphe de
Tres Tristes Tigres reproduit cette phrase, tirée de Alice au Pays des Merveilles: « Elle essaya
même de s’imaginer à quoi peut ressembler la flamme d’une chandelle quand la chandelle est
fondue ». Ce roman extrêmement « polyphonique » comporte aussi, entre autres prouesses
formelles : une page – de droite – écrite à l’envers (image miroir de la page de gauche
imprimée en regard, autre hommage à L. Carroll et au passage d’Alice « de l’autre côté du
miroir ») / un segment imprimé en forme de calligramme (encore une fois, hommage à
Carroll- cf le poème en forme de queue de souris) / une double page noire (elle figure
l’évanouissement du personnage-narrateur et fait référence à l’existence, dans l’œuvre de
Laurence Sterne The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman – 1768-, d’une page
noire destinée à signifier la mort de l’oncle du héros.)

Quelques extraits :
 « La seule chose que je sais 13 c’est que je m’appelais souvent Bustrophoton ou
Boustrophotomaton ou Busneforoniepece, et Silvestre était Bustrophénix ou Bustrophélice ou
Bustrofitzgeneral […] Buonofarniente, BusnofaitDante, Bustopédante, Bustopétant,
Bustopétard, Bustofêtard, Bustoféérique, Bustoféroce : toutes variantes qui marquaient les
variations de l’amitiés : des mots comme un thermotsmètre14 […] » (3TT, 215-216)

 Marseille Prou / Jules Averne / Shylock Holmes / Silvlaise Cendre d’Art


----------
 « la 5è Eve nue » / « Prosopopeye le Marin » / l’« Encyclicopedia Tyrannica »
----------
 « Cuba est une île d’équivoques dites par un bègue ivre qui signifient toujours la
même chose » (3TT, 135 / TTT, 136). //
L’intertextualité est là au moins à deux niveaux.
Le premier est la référence à peine déguisée à ce célèbre passage du monologue de Macbeth
(Shakespeare -1611) : “ It (=Life) is a tale told by an idiot / full of sound and fury, signifying
nothing.” (Acte V, sc. 5, v. 31) [trad ; française = « … un conte, plein de bruit et de fureur, qui
ne signifie rien. »
Le second est le titre du roman de William Faulkner (The Sound and the Fury -1928-), lui-
même inspiré de Shakespeare.

COURS N° 4 : FOUCAULT / DELEUZE

I. Michel Foucault (1926-1984)


13
Celui qui s’exprime est alors un dénommé Codac, photographe de son métier.
14
Dans la version originale (espagnol de Cuba), le jeu de mots n’existe pas.

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 En préambule : il y a nécessité à sortir de l’écueil d’un Foucault aseptisé, convenu,


vaguement sociologue des normes et des marges, figure de l’extrême gauche. Ses thèses sont
toujours controversées. Elles ont paru exclusivement liées au structuralisme (sans doute à
tort). Philosophe ET historien, Foucault ne reconnaît en fait que l’appellation d’archéologue
(ce qui est enfoui et rend compte d’une culture). C’est ainsi qu’il met en place / étudie
l’archéologie du silence imposé aux fous, l’archéologie du regard médical, celle du savoir en
général, celle de la société disciplinaire (dispositif carcéral).
Son œuvre consiste à placer l’activité particulière du philosophe dans le travail du diagnostic :
« que sommes-nous aujourd’hui ? Quel est cet ‘aujourd’hui’ dans lequel nous vivons ? DE
qui, de quoi suis-je sommes- nous le jouet ? (nous sommes entourés de pièges qui nous
privent de notre vérité.)
L’intérêt de Foucault se porte sur « la discontinuité anonyme du savoir ». Il a voulu introduire
à la racine de la pensée : le hasard, le discontinu, la matérialité.

 Foucault appartient à la tendance responsable de l’influence grandissante de la philosophie


sur la critique (littéraire).

 Genèse / fondements : Marxisme et phénoménologie (Heidegger / cf Sartre) sont le terreau


dont il s’affranchira peu à peu, grâce à lecture de Nietzsche, Bataille, Blanchot, Klossowski.
Influence de Nietzsche sur sa pensée : « depuis Nietzsche, la philosophie a pour tâche de
diagnostiquer et ne cherche plus à dire une vérité qui puisse valoir pour tous et pour tous
les temps ».

 Champs auxquels il s’est intéressé : la folie, la médecine, l’exclusion, le droit, le


libéralisme, la sexualité. Philosophe mais toujours dans une perspective historique.
Fait de la philosophie un ACTE, une pratique engagée dans le présent, un outil pour construire
sa propre vie : va de l’histoire au « souci de soi », du politique à l’éthique et à l’esthétique.

 Ouvrages principaux :
 Histoire de la Folie à l’âge classique (1961)
 Les Mots et les Choses (1966) + L’ordre du discours (1971 = Leçon inaugurale au
Collège de France) = plus partic. sur le langage donc utile dans une perspective de
critique litt. au 1er degré. Dans la même perspective : l’Archéologie du Savoir (1969)
 Surveiller et Punir (1975)
 Histoire de la sexualité : 3 tomes : La Volonté de savoir (1976) / L’usage des plaisirs
(1984) / Le souci de soi (1984)

 Les Mots et les Choses : « livre par lequel le scandale ‘anti-humaniste’ arriva ».
Description des déterminations formelles qui organisent secrètement le savoir. L’homme (ne
pas confondre avec les hommes comme espèce vivante) est un simple « pli historique » formé
par les savoirs, appelé à se défaire, à disparaître devant l’avènement du langage comme
nouveau déterminant universel de la pensée : tout est langage, échange de signes,
communication…
« Finalement, la seule patrie réelle, le seul sol sur lequel on puisse marcher, la seule maison
où l’on puisse s’arrête et s’abriter, c’est bien le langage, celui qu’on a appris depuis
l’enfance ».
On a fait de Foucault le chantre de la mort de l’homme ; le jugement est à affiner : anti-
humaniste peut-être, mais défenseur de l’individu assurément.

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 Les mots de Foucault :


Archéologie / généalogie / éthique / folie /résistance /discours /norme /discipline (réflexion
sur détention / prisons…// lié à la Norme) / pouvoir /histoire / biopolitique /sexualité
/contrôle /subjectivation
----
Généalogie : Dès Les Mots et les Choses, il qualifie son projet d’une archéologie des sciences
humaines comme une généalogie nietzschéenne que comme une recherche structuraliste.
Foucault s’oppose à l’unicité du récit historique et à la recherche de l’origine (conception
téléologique) ; il travaille au contraire à partir de la dispersion et la diversité, du hasard des
commencements et des accidents ; pas de rétablissement de la continuité de l’histoire, cherche
à restituer les événements dans leur singularité.
Ethique (in Histoire de la Sexualité) : distinction morale / éthique. Morale = ensemble valeurs
et règles proposés aux individus et aux groupes. Elles est prescriptive. Ethique = la manière
dont chacun se constitue soi-même comme sujet moral du code.
Folie : rupture au XVIIe (âge classique) avec la représentation médiévale de la folie
(circulation / lieu de passage : de la vie à la mort, du monde à l’au-delà, du tangible au
secret… en bref une zone indéterminée qui donnerait accès aux forces de l’inconnu). Ligne de
partage raison / déraison, folie = au-delà du savoir, soit menace ET fascination. Folie =
l’Autre (c’est-à-dire le contraire) de la raison selon le discours de la raison elle-même.
Discours : ensemble d’énoncés qui peuvent appart. A des champs différents mais obéissent
aux mêmes règles de fonctionnement. Règles = pas seulement ordre linguistique ou formelles,
mais reproduisent un certain nombre de partages historiquement déterminés : l’ordre du
discours propre à une période particulière = fonction normative et réglée. Met en œuvre des
mécanismes d’organisation du réel via la production de savoirs, stratégies et pratiques.
Pouvoir : jamais LE pouvoir comme entité cohérente, unitaire et stable mais « relations de
pouvoir » avec conditions historiques d’émergence complexes et avec effets multiples. Pas de
principe de pouvoir premier et fondamental mais un agencement où se croisent les politiques,
les savoirs et les institutions, et où le type d’objectif poursuivi ne se réduit pas à la domination
mais n’appartient non plus à personne , et varie dans l’histoire.
Histoire : concept de rupture. Reprise de Nietzsche. Critique de l’Histoire conçue comme
continue, linéaire et pourvue d’un telos // formulation d’une véritable pensée de l’événement
(histoire ‘mineure’) // problématisation du rapport philosophie et histoire en dehors du doublet
‘philosophie de l’histoire – histoire de la philosophie’. « L’un de mes buts est de montrer aux
gens que bon nombre de choses qui font partie de leur paysage familier – qu’ils considèrent
comme universelles – sont le produit de certains changements historiques bien précis. Toutes
mes analyses vont contre l’idée de nécessités universelles dans l’existence humaine. »
Rôle critique de l’histoire. « L’histoire a pour fonction de montrer que ce qui est n’a pas
toujours été, c’est-à-dire que c’est toujours au confluent de rencontres, de hasards, d’une
histoire fragile, précaire, que se sont formées les choses qui nous donnent l’impression d’être
les plus évidentes. »

-----------

 Grandes étapes d’une pensée en mouvement, qui a évolué au fil de ses recherches et se
présente avant tout comme non figée :
1. Démédicaliser la maladie. Médicalisation et pouvoir médical : insistance sur la
médecine. Pas science méd. comme objet d’une archéologie du savoir, mais réflexion sur le
pouvoir de la médecine. (Histoire de la folie) : comment est-on passé de l’expérience
médiévale humaniste de la folie à notre expérience ‘moderne’, qui confine la folie dans la

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maladie mentale, l’exclut et l’aliène. Impératif de surveillance et de sécurité pour régulation


de la population.
Penser la Folie : le cogito de Descartes instaure – selon Foucault – la raison classique
sur base d’un rejet de la folie. Topologie de l’exclusion : ou bien on est responsable (ayant à
répondre de ses actes) ou bien irresponsable, c’est-à-dire hors de la circulation politique de la
parole.
a. Impossible conjonction du sujet et de la folie (il est impossible de dire ‘je suis fou’ –cf
Barthes lisant Poe : il est impossible de dire ‘je suis mort’ –)
b. Le folie est toujours connaissance par l’autre de ce qui lui est étranger. La folie
implique donc la communauté et donc le politique. Si le sujet de Descartes est celui
qui, pour pouvoir être celui qui pense, doit poser sa propre folie comme impossible, la
certitude sur laquelle il se fonde suppose qu’il y ait des fous, ce qui ne peut être attesté
que par au moins UN autre qui l’incarne.

2. L’humanisme en question : les années 60s sont les années du langage, de la Littérature, les
années structuralistes, celles de Les Mots et les Choses (au cœur de l’actualité qui est alors
celle du structuralisme, des sciences de l’homme, Dumézil, Lévi-Strauss, Lacan, Althusser,
Barthes, la nouvelle vague, le nouveau roman…). Foucault entreprend une exploration
systématique de l’expérience littéraire moderne et contemporaine. Essais littéraires sur
Bataille, Blanchot, Raymond Roussel. Foucault pense l’écriture mais aussi la peinture comme
acte philosophique.  Littérature (La Bibliothèque Imaginaire). Placée sous le signe de
l’éclatement, de la dispersion, de la réflexivité. Circulation sans fin des discours (précède de
peu Derrida). Pas de vérité, pas de Sens (unique) : plus de parole première à interpréter ou à
traduire, mais une circulation indéfinie dans une Bibliothèque fantasmagorique. « La
modernité comme anti-Renaissance ».

3. Le pouvoir. Cela donne réflexion sur l’institution, le système carcéral avec


Surveiller et punir (1975). Projet d’enfermer pour redresser : société disciplinaire = un des
moyens par lesquels le pouvoir s’assure la maîtrise des individus. La question, qui est celle du
pouvoir, de ses techniques, des modalités de son exercice, des stratégies et des tactiques, de
ses rapports avec le savoir (Savoir / Pouvoir = résumé) prend alors une place comparable à
celle occupée jusqu’alors par le thème marxiste de l’exploitation. L’inévidence carcérale.
Surveiller et punir = texte qui a durablement révolutionné l’approche du phénomène carcéral.
(Approche différente cependant de l’enfermement psychiatrique). Fait une histoire et une
généalogie de --. La prison n’a que 150 ans d’existence. Naissance de la prison lors de la 2è
moitié du 18è. (Durant le siècle suivant, les US et l’Europe vont se couvrir de prisons).
Prisons nées dans l’ombre des Lumières qui n’ont pas seulement inventé les libertés, qui ont
aussi promu les disciplines qui en sont la rigoureuse mais sinistre contrepartie. Surveiller et
Punir nous aura rendu la prison moins familière. La prison est rendue à ce qu’elle est : une
institution historiée de part en part (incluse dans l’Histoire) et de ce fait, ouverte en droit à
des mutations radicales. Se profile donc par conséquent son inéluctable bien que lointaine
disparition.

4. La construction de soi. C’est en particulier les 2 derniers volumes de l’histoire de la


sexualité.  Théorie de la sexualité. Solidaire de sa théorie du pouvoir. Son hist. de la
sexualité = interrogation sur la façon dont les pratiques et les discours ont contribué à faire de
la sexualité à la fois un enjeu de pouvoir et un instrument de subjectivation (processus par
lequel on obtient la constitution d’un sujet, ou mieux, d’une subjectivité. / se constituer
comme sujet de sa propre existence). Théorie élaborée à partir de 1968, où intense illusion

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que la ‘répression’ de la sexualité (l’interdit, les tabous sociaux) était en train de céder devant
les audaces des générations nouvelles (utopie de la ‘libération sexuelle’).

 Foucault et les Etats-Unis


Il est vrai que l’œuvre de F. n’est pas spécialement localisée en France. Il a multiplié toute sa
vie les voyages (Suède, Pologne, Allemagne, USA, Canada, Brésil, Japon), occasion à chaque
fois de se décentrer, de se rendre étranger à sa propre culture.
Foucault = « l’oracle californien » (fin 70s et années 80s). Des foules assistent à ses
conférences. Entrée aux US, comme Barthes avant lui et immédiatement après Derrida et
Deleuze, par l’intermédiaire des départements de littérature (« seuls bastions où soient
autorisés les dangereux produits de contrebande théorique du post-structuralisme français »).
Il faut distinguer un Foucault français et un Foucault américain : « mauvaise lecture » (sens de
Bloom), forme de trahison (mais moins que dans certains cénacles parisiens) qui fait de lui un
modèle prescriptif et opératoire (qu’il récusait).
 aujourd’hui : la référence à Foucault reste constante aux US, des études gays aux études
post-coloniales, de l’art social à la théorie littéraire. Malheureusement, elle sous-tend une
théorie du complot majoritaire et établissement de contre-normes identitaires (cf. dérives du
genre affirmative action / discrimination positive …)

 pour conclusion: l’œuvre de Foucault est beaucoup moins univoque que l’image qu’on en
donne généralement, plus « en mouvement », plus opaque, avec certes une filiation
nietzschéenne mais aussi l’influence de Bataille. C’est une œuvre surréaliste autant
qu’anarchiste, « toutes faces sombres peu propice à la domestication académique ».

II. Gilles Deleuze (1925-1995)

Philosophe complexe. Préoccupation constante : affirmer une métaphysique en mouvement,


en activité (cf Foucault) = Renouveler la philosophie dans le sens nietzschéen d’une pratique
mobile, « nomade ».
Nietzsche = LA référence fondamentale.
Fondamentalement antidialectique : ce qu’il faut, ce n’est pas penser les résultats de forces
historiques contraires mais déplacer le lieu des questions, produire un espace différent, celui
de l’ici et maintenant, de « l’intempestif ».

Œuvres :
Différence et répétition (1967)
Logique du Sens (1969)
Vaste critique du lacano-freudisme avec l’Anti-Œdipe (1972 + F. Guattari), très polémique
Mille Plateaux (1980, + Guattari)
L’abécédaire : ed. Montparnasse, mars 2004. Entretien-fleuve (enregistrement pour la TV)
réalisé sous condition de diffusion seulement après sa mort (suicide en 1995)
Kafka, pour une littérature mineure (+ F. Guattari) ; ed. Minuit, 1989. / hyps que la lecture de
Kafka comme tragique est un non-sens. Au contraire, K. = lieu d’élection de la dérision de
l’humour, du rire franc même…

L’Abécédaire et Kafka = les 2 ‘ouvrages’ les plus accessibles pour commencer.


Importance de l’humour et de la réflexion sur le quotidien. La philosophie non comme
matière abstraite mais comme démarche concrète.
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A la figure en arbre de la rationalité, Deleuze oppose la figure en ‘rhizomes’ des agencements


d’intensité travaillant le milieu social et travaillés par lui.
Eloge de la singularité irréductible à toute appréhension de l’Un, éloge du multiple, figure du
nomade.

Importance de la littérature, comprise comme « machine textuelle » exprimant à chaque fois


la singularité d’un désir. Travail sur Proust et les signes, sur Kafka. Sur le théâtre également
(sur Beckett), non pas « par hasard » ou dans un but de « diversification » mais parce que cela
entre dans la logique de son cheminement de pensée philosophique. Le théâtre en effet est une
pratique en mouvement. A l’interprétation, Deleuze oppose l’expérience ; au ressentiment,
l’affirmation.
Réflexion aussi sur le cinéma. (l’Image-mouvement et l’Image-temps.)
---
Lectures complémentaires : dans sa série « Rétrolectures » de l’été 2008, le journal Le
Monde a consacré – édition du jeudi 31 juillet, page 15) un article à l’ouvrage majeur de
Foucault Les Mots et les Choses (1966). Dans la même série, le journal consacre un article à
L’Anti-Œdipe de Gilles Deleuze (et F. Guattari, 1972) dans son édition du vendredi 8 août.15
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COURS N° 5 : PAUL RICOEUR (1913-2005)

Paul Ricœur, lui aussi (comme Foucault, ou Derrida, dont il n’est pas question ici 16),
appartient à cette même catégorie, celle des penseurs de la littérature influencés par la
philosophie en tant que discipline. Si un Foucault par exemple était au croisement de
l’Histoire et de la Philosophie, Ricoeur est au croisement de la Linguistique et de la
Philosophie.
Si Michel Foucault était un « anti-humaniste » -au sens où il diagnostiquait la mort de
l’homme, l’homme étant un « accident » de l’Histoire parmi d’autres (voir sa conception du
Sujet ; ne pas oublier pour autant son caractère de défenseur de l’individu, P. Ricœur est lui,
un Humaniste. En ce sens, il est étranger aux préoccupations du structuralisme. Ricœur est
difficile à enfermer dans un courant précis : il est attentif à la littérature aussi bien qu’aux
sciences humaines.
Le christianisme (la revue Esprit – E. Mounier / Gabriel Marcel), la phénoménologie,
l’herméneutique, la psychanalyse, la linguistique et l’histoire ont, dans des proportions
variables, contribué à la formation de sa pensée. Le christianisme est pour lui une réflexion
philosophique faisant une place centrale à la question religieuse sans pour autant renoncer à la
rigueur conceptuelle. La phénoménologie : il retient les enseignements de Husserl (qu’il a
traduit pendant ses années de captivité entre 19442 et1945) et de Carl Jaspers.
Les deux courants se marient pour donner à ses inquiétudes de chrétien préoccupé par le
thème de la faute une réponse digne des exigences de la méthode phénoménologique.
Il écrit une vaste « Philosophie de la volonté » : le 1er tome paraît en 1949, les 2 autres, réunis
sous le titre de Finitude et Culpabilité, paraissent en 1960. Parmi les questions posées :
comment peut-on vouloir le mal ? Qu’est-ce que la mauvaise foi ? quel est le sens d’un acte
involontaire

15
Pour ceux que ça intéresse et qui n’arriveraient pas à se connecter sur le site du Monde (l’article en son entier
est payant), je peux faire une photocopie : il suffit dans ce cas de me fournir une adresse postale.
16
Le philosophe Jacques Derrida est traité dans la partie du cours assurée par Mme Francine Maïer, partie qui
vient en complément de celle-ci.

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Ricœur explore, derrière la couche superficielle de la conscience, les profondeurs de


l’inconscient individuel aussi bien que collectif à travers l’univers symbolique dans lesquels
les grandes religions s’efforcent de pense le problème du mal. Il fait alors la rencontre
simultanée de la psychanalyse et de l’herméneutique, ces deux disciplines germaniques sont
mal connues en France, surtout l’herméneutique, en particulier celle théorisée par les
théologiens protestants tels Schleiermacher et Gadamer. Il s’agit pour eux (donc à leur suite
pour P. Ricœur) d’appliquer les outils de l’exégèse biblique aux contenus de la philosophie
morale. La psychanalyse elle, par d’autres voies, remet en question le narcissisme du cogito
classique.
De ces deux disciplines, Ricœur retient une idée centrale (partagée par Mircea
Eliade) : la réalité humaine est avant tout constituée de symboles dont le déchiffrement est
interminable.
Deux ouvrages clés paraissent alors : De l’Interprétation, essai sur Freud (Seuil, 1965) et Le
Conflit des Interprétations, essai d’herméneutique (Seuil, 1970).
Avec la question du symbolisme (voir Lacan), P. Ricœur touche au problème du langage.
Après des désillusions politiques (il fut le doyen de la faculté de Nanterre de1968-1970 ; une
certaine amertume liée à son expérience le fit se tourner vers les USA, où il s’expatria
quasiment pendant un temps), se tourne vers l’étude des sciences linguistiques. Un tournant
s’opère dans sa pensée dans les années 70: il est l’un des premiers Français à dialoguer avec la
philosophie analytique triomphante dans le monde anglo-saxon (cf. Austin puis Searle, « la
philosophie du langage ordinaire » ou, en anglais, le Speech Act Theory (quand dire c’est
faire).
Trois ouvrages très importants sont ensuite publiés :
1. La Métaphore Vive (Seuil, 1975) : la métaphore est envisagée sous l’angle de la
production de sens (donc d’un enrichissement pour le texte littéraire).
2. Temps et Récit (Seuil, 1983-1985) : l’ouvrage va bien au-delà de l’analyse
linguistique. C’est une réflexion sur l’écriture du passé et, au-delà, sur la question
même de la connaissance historique, de son statut et de son apport de vérité.
3. Soi-même comme un autre (Seuil, 1990) : dans cet ouvrage P. Ricœur essaye de
sauver l’idée d’une philosophie universelle susceptible d’embrasser tous les aspects de
l’agir humain. L’essai est une analyse sémantique et pragmatique de la notion de Sujet
+ une esquisse d’une ontologie de la personne, ou une herméneutique du Soi. Il
apparaît là que l’étude du langage n’a jamais été pour Ricœur une fin en soi : elle n’a
jamais été qu’une autre façon de poser la question de l’Etre et celle de l’Action. Texte
marqué par une exigence très grande : voir la – difficile – étude sur Hannah Arendt
dans Le Juste (1995)*
Son dernier ouvrage = La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli (Seuil, 2000). Aboutissement d’une
méditation sur l’histoire développée pendant cinq décennies. Objet de la réflexion : en quoi
l’Histoire se distingue-t-elle d’autres formes de relation au passé, à commencer par la
mémoire ? La mémoire dont on observe une montée en puissance au cours des années 90s.
Irruption du thème de la mémoire dans l’espace public, place croissante réservée à ses
manifestations (commémorations...). Parallèlement, on observe une multiplication des
discours critiques à l’endroit de la mémoire : c’est la démarche historienne OU, sur un autre
plan, la mémoire « envahissante » de la Shoah, concurrente des autres mémoires (par ex. la
mémoire des crimes du communisme…). Ricœur parle d’« abus » de la mémoire. Selon lui,
le « devoir de mémoire » est trop souvent convoqué pour court-circuiter le travail de l’histoire
(cf. Pierre Nora), laquelle a pour vocation, selon Ricœur, « de corriger, critiquer, voire de
démentir la mémoire d’une communauté déterminée lorsqu’elle se replie et se referme sur ses
souffrances propres au point de se rendre aveugle et sourde aux souffrances des autres
communautés ». Cette lecture ne fait pas l’unanimité, car elle glisse vers une notion

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contestable, celle d’une « juste » mémoire, que Ricœur appelait plus ou moins de ses vœux –
qui en jugerait ?- Il reste que le trouble suscité par cette réflexion est indéniable et même
légitime : songeons à la terrible pertinence de cette peur qu’évoquait en lui « l’inquiétant
spectacle que donne le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs ».
En conclusion, on peut dire que Paul Ricœur aura incarné les déchirements de la pensée
humaniste depuis le début du XXè. Son authenticité tragique est un témoignage exemplaire
sur la crise de notre modernité.
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Bibliographie PAUL RICŒUR

 Le Volontaire et l’involontaire (Aubier, 1950)


 Finitude et Culpabilité (Aubier, 1960 ; 1988)
 Histoire et Vérité (Seuil, 1955 ; 2001)
 De l’interprétation, essai sur Freud (Seuil, 1965)
 Le conflit des interprétations - essais d’herméneutique I (Seuil, 1969)
 La Métaphore vive (Seuil, 1975)
 Temps et récit (Seuil, 1983-1985 ; Points Essais, 1991)
 Soi-même comme un autre (Seuil, 1990)
 Le Juste (Esprit, 1996)
 La Mémoire, l’histoire, l’oubli (Seuil, 2000)
 Le Juste II (Esprit, 2001)
Parmi les études consacrées au philosophe :
 Paul Ricœur, par Olivier Mongin (Seuil, 1994)
 Paul Ricœur, les sens d’une vie, par François Dosse (La Découverte, 1997)
Voir aussi l’article de Robert Maggiori dans l’édition du samedi 21 mai 2005 de
Libération: http://www.liberation.fr/page.php?Article=298162

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Voir également, dans la série des « Rétrolectures » que le journal Le Monde a consacrées cet
été 2008 à un certains nombre d’ouvrages de penseurs phares des vingt et vingt-et-unième
siècles, l’édition du vendredi 22 août 2008, consacrée à La Mémoire, l’Histoire, l’oubli
(Rétrolecture 2000, page 14)17.

17
A ceux que ça intéresse et qui n’arriveraient pas à se connecter sur le site du Monde (l’article en son entier est
payant), je peux faire une photocopie : il suffit dans ce cas de me fournir une adresse postale.

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SECTION n° 6 : ANNEXES

I. POUR L’EXAMEN

Cet enseignement, dont le code est C0A7M1, fait partie des « fondamentaux » de M1, Master
première année, regroupés sous le code C0A7M. Ils sont « mutualisés » pour l’ensemble de
l’UFR Langues, c’est-à-dire communs aux anglicistes, bretonnants et celtisants et aussi aux
germanistes, langues romanes…C’est la raison pour laquelle il est rédigé en français, langue
commune de toutes nos disciplines. C’est aussi la raison pour laquelle le français est la langue
de composition à l’examen.
Les « Fondamentaux », divisés en trois sous-enseignements (Textes et Critique du Texte
-C0A7M1- pour la littérature, La Civilisation entre Culture et Histoire – C0A7M2 – … pour
la civilisation et Théories du Langage – C0A7M3 – pour la linguistique 18) donnent lieu pour
l’examen à une seule épreuve (terminale donc, en fin de semestre; elle est de 2h). Il est
procédé à un tirage au sort entre les trois composantes littérature / civilisation / linguistique. A
titre d’exemple(s), voici des possibilités de sujet 19 :
-------
A. Vous composerez sur l’un des deux sujets suivants :
1. Quels sont les apports du structuralisme à la critique du texte ? Tentez de les définir à
la fois par rapport à la critique traditionnelle et par rapport au post-structuralisme.
(sujet F. Maier)

2. Situez les auteurs/théoriciens suivants dans l’histoire de la critique littéraire, entendue


comme l’histoire du rapport au texte : M. Proust / M. Bakhtine / M. Foucault / P.
Ricœur. (sujet S. Jousni, correspondant à ce cours- 1ère partie)
--------
B. Vous composerez sur l’un des deux sujets suivants :

1. « La naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’auteur ». Expliquez cette


assertion de Roland Barthes et commentez-la du point de vue du critique littéraire.
(sujet F. Maier)
2. En quoi les théories de Michel Foucault sont-elles de nature à fournir des outils
conceptuels au critique littéraire et au chercheur en littérature ? sujet S. Jousni)
-----------
C. Voici un dernier sujet (correspondant exclusivement à cette 1ère partie du cours - assuré
par S. Jousni) :

Répondez de façon argumentée aux questions suivantes :


1°) A quels courants de la critique littéraire peut-on rattacher les noms suivants : Vladimir
Propp / Claude Lévi-Strauss / Julia Kristeva / Umberto Eco ?
2°) Que désignent les concepts suivants et d’où viennent-ils / à qui les doit-on ?
‘dialogisme’ / ‘déconstruction’ / la triade ‘Réel-Imaginaire-Symbolique’ ?
18
« Texte et Critique du Texte » est assuré par Mmes S. Jousni et F. Maier. « La Civilisation entre Culture et
Histoire » par Mrs M. Nicolas et R. Saez, et « Théories du Langage » par M. D. Roulland. Lorsque le sujet tiré
est littéraire ou civilisationniste – cours assuré par deux personnes – l’étudiant a le choix entre deux sujets. Ce
n’est pas le cas de la linguistique (Théories du Langage), cours assuré par un seul enseignant.
19
Ils ont été donnés les années précédentes, entre les années 2004 et 2008. Ce cours est la refonte complète du
cours correspondant à ces années 2004-2008, mais le contenu, s’il a été aménagé, n’est pas fondamentalement
différent. Les sujets d’examens possibles sont donc très proches des exemples ci-dessus.

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3°) En quoi la critique littéraire américaine a-t-elle été influencée par « l’école française » à
partir de la fin des années (mil neuf cents) soixante-dix ?
------------
D. Quelques « perles » et leur « décryptage
Sur des penseurs / théoriciens :
 Lévi-Stauss (il était demandé de situer l’individu dans son époque et son contexte
politique et épistémologique)
 « déporté / camps de concentration / livre sur Auschwitz » (sic) …
Lévi-Strauss a été confondu avec l’écrivain italien Primo Levi, qui fut effectivement interné à
Auschwitz et écrivit un livre de témoignage bouleversant sur les camps de la mort (« Si
Questo è un Uomo »). P. Levi s’est suicidé en 1987). Quant à Claude Lévi-Strauss, il était
certes vivant (il l’est toujours !) et actif dans ces années-là, mais jusqu’en 45-46, il était
enseignant aux Etats-Unis.
 « contexte politique = début du XXè. La IIIè république en France est à ses débuts.
L’entrée de cette république dans le XXè est marquée principalement par la séparation de
l’Eglise et de l’Etat en 1905, effectuée sous l’impulsion du Premier ministre de l’époque,
Emile Combes » (sic.). Visiblement, l’auteur de la copie a « recraché » là un fragment de
cours, mais lequel ???

 Saussure
 « L’œuvre littéraire est, selon Saussure, structurée comme un langage. » La confusion est
totale entre Saussure et Lacan. C’est Lacan qui a défini l’inconscient comme étant « structuré
comme un langage ». Que « l’œuvre littéraire » soit structurée comme un langage …est à la
fois un truisme et une absurdité : elle n’est pas « comme » du langage, elle est du langage !!!

Sur des théories :

 Le structuralisme = « école de pensée qui insiste sur la structure du texte et sa


construction ». (Jusque là, tout va bien). « Le but est (il n’y a pas de ‘but’ à une école de
pensée…la formulation est à la fois impropre et proche du non-sens) que le texte soit construit
en suivant des codes qui permettront au critique de suivre la trame du texte : le respect des
temps est important puisque cela va permettre au lecteur de ne pas se perdre dans les
événements relatés dans un ouvrage. (…) » (sic). Autrement dit un écrivain ou un philosophe
écrit de façon à pouvoir se faire comprendre du premier enfant de sept ans venu !!!!
 Dialogisme = « grille d’analyse qui sert de support au critique en lui indiquant la
marche à suivre pour son travail. Cette grille porte plus particulièrement sur les dialogues
d’un ouvrage, leur pertinence » (sic). Absurdité. Il s’agissait du principal concept de Mikhaïl
Bakhtine. Le recours à une étymologie élémentaire (dialogisme < dialogue) masque (mal) le
manque (criant) de connaissance du cours.
 Phénoménologie = « se rapporte à l’étude des phonèmes, les sons dans un ouvrage,
les syllabes » (sic). La confusion vient sans doute de la proximité avec les syllabes (et
phonèmes) … du mot phonème, précisément, et de ses dérivés. La racine, ici, était celle de
« phénomène » et renvoie à une théorie philosophique d’origine allemande (fin du XIXe -
début du XXe siècles). Voir le glossaire ci-après.

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II. GLOSSAIRE

Voici quelques définitions des termes scientifiques les plus couramment employés dans ce
cours et qui pourraient néanmoins demeurer obscurs. La liste, bien évidemment, est loin
d’être close. Beaucoup de ces termes sont issus du lexique de la philosophie (au sens le plus
large du terme) et vous pouvez, si nécessaire, consulter les ouvrages de vulgarisation qui s’y
rapportent. A titre d’exemple : Le Monde de Sophie (best seller du philosophe norvégien
Jostein Gaarder en 1991, tr. fr. 1995 aux éd. du Seuil) / les ouvrages du philosophe Michel
Onfray / les « hors série » du Point de ces 3 dernières années, consacrés aux « Texte
Fondamentaux ». Dans cette dernière catégorie, sont particulièrement utiles les rappels fournis
dans :
« Les textes fondamentaux de la pensée antique » (Aristote, Epicure, Platon), juillet-août 2005
« Les textes fondamentaux de la psychanalyse » (Freud, Ferenczi, Klein, Lacan), mars-avril
2006,
« Les textes fondamentaux de la philosophie moderne » (Spinoza, Kant, Hegel), sept.oct.
2006,
« Mythes et mythologies, les grands textes commentés » ((Œdipe, Sisyphe, Icare), juillet-août
2007,
« Les textes fondamentaux et leurs commentaires » (Nietzsche, Schopenhauer, Kierkegaard),
sept.oct. 2007.
-------
catharsis : un des concepts clés de la Poétique d’Aristote. La catharsis est la création d’une
intensité dramatique maximale destinée à impliquer (subjectivement) le public dans une
identification avec les personnages (c’est le versant créateur de l’imitation, la purgation des
passions). En dehors du vocabulaire théâtral, ce terme renvoie à une lecture psychanalytique
(freudienne) d’un événement ou de relations inter-personnelles.
critique génétique : ce type de critique privilégie l’étude des sources, des brouillons, des
‘premiers jets’/ ‘premières moutures’ des œuvres, des manuscrits au sens physiques du mot,
pour analyser une œuvre / un texte. A titre d’exemple, Stephen Hero, de James Joyce, permet
en tant que « première version » de mieux cerner certaines des caractéristiques stylistiques du
Portrait of the Artist as a Young Man. Stephen Hero est cependant à part en ce sens qu’il a été
bel et bien publié (sous cette forme, avec ce titre). La critique génétique s’intéresse aussi à
tous ces états « non fixés » d’un manuscrit qui laissent voir les étapes de la création / les
modifications apportées par l’auteur, parfois à la dernière minute, etc.
dialogisme : voir le cours sur M. Bakhtine. Le terme renvoie au « dialogue » implicite
qu’entretient une œuvre avec les œuvres précédentes qui l’informent, la traversent, auxquelles
elle fait référence : en la critiquant, la citant, la parodiant, etc.
doxa : terme grec. = opinion commune, idée reçue. La racine est présente dans les adjectifs
‘orthodoxe’ (= qui rentre dans le cadre des idées pré-établies) / ‘paradoxe’ (à l’inverse : qui va
à l’encontre, « à côté » des idées communément admises).
épistémologie : du grec épistémé (science) et logos (discours sur ~ / étude de ~) : en
philosophie, désigne l’étude des sciences, destinée à déterminer leur origine logique, leur
valeur et leur portée.
exégèse : littéralement « interprétation philologique et doctrinale d’un texte, dont le sens, la
portée, sont obscurs ou sujets à discussion ». Synonyme de « commentaire », de « critique ».
On parle par exemple d’« exégèse biblique » pour désigner telle ou telle interprétation –
argumentée – de la Bible.
fonctions (du langage) : Selon Jakobson (dans Essais de linguistique structurale -1963- ou
Questions de poétique -1973-), elles reposent sur une théorie de la communication (qui

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impliquent un destinateur, un message et un destinataire) et sont au nombre de six : 1. la


fonction référentielle ou dénotative (le mot ‘table’ renvoie à l’objet physique qui peut se
décrire comme un plateau horizontal surélevé, d’une hauteur variable, s’appuyant sur 4 pieds
verticaux de même hauteur et parallèles) // 2. la fonction expressive ou émotive // 3. la
fonction conative (= orientée vers le destinataire) // 4. la fonction phatique (qui maintient ou
interrompt la communication ; exemple de l’apostrophe baudelairienne « Hypocrite, lecteur,
mon semblable, mon frère »20) // 5. la fonction métalinguistique (le langage qui parle du
langage ; ce que ce cours est en train de faire par exemple…) / : 6. la fonction poétique du
langage (qui vise le message en tant que tel)
formalisme : renvoie à l’école russe du début du XXè siècle, qui prônait l’étude exclusive de
la forme du texte. Voir cours n° 2.
herméneutique : science qui vise à pénétrer les secrets du texte. Désignait initialement
l’étude des textes sacrés (la Bible, la Torah…). depuis le XIXe, le terme renvoie à l’étude de
tout texte qui peut a priori recéler des difficultés d’interprétation, soit le texte littéraire par
excellence.
métalangage : langage spécifique/ jargon sur le langage. Le Robert donne pour définition : «
en didactique, = langage naturel ou formalisé qui sert à parler d’une langue, à la décrire ».
mimesis : concept clé d’Aristote, dans sa Poétique. Terme grec signifiant ‘imitation’. Selon
Aristote, la mimesis, faculté humaine fondamentale, est (par imitation donc) une médiation –
complexe – de la réalité. Cette notion renvoie à une conception bien particulière de l’Art, qui
doit correspondre à la Vie et atteindre à un certain ordre structuré. Le poète / l’artiste vise
l’universel et le général au-delà du particulier ; l’artiste a pour mission de révéler la cohérence
logique sous-jacente à la vie humaine.
narratologie : sous-discipline héritière du structuralisme. Elle s’intéresse au processus de
narration : qui raconte quoi et comment, Voir en particulier G. Genette et son ouvrage Figures
III. Distinction point de vue et focalisation, classement des divers types de narrateurs…Base
de l’analyse littéraire / analyse textuelle (cf. cours de licence).
paradigme : en linguistique, renvoie à l’axe vertical quand l’axe horizontal est l’axe
syntagmatique. Un paradigme constitue l’ensemble des termes qui peuvent figurer en un point
de la chaîne parlée ; c’est l’axe des substitutions quand l’axe syntagmatique est l’axe des
combinaisons. Le terme, hors le champ strict de la linguistique au sens le plus pointu, est
devenu synonyme d’exemple, de modèle déclinable.
phénoménologie : terme philosophique qui renvoie d’abord à Hegel (La phénoménologie de
l’esprit – 1807) ensuite à Husserl. La phénoménologie est une méthode philosophique qui se
propose, par la description des choses elles-mêmes, en dehors de toute construction
conceptuelle, de découvrir les structures transcendantes de la conscience et les essences.
philologie : de façon générale, signifie « connaissance des belles-lettres, étude des textes ».
Au XIXe, le terme est devenu quasi synonyme de grammaire avant d’être utilisé pour
désigner ce qui n’était pas encore connu sous le nom de « linguistique » ; Désigne l’étude
d’une langue par l’analyse critique des textes, puis, plus ‘simplement’ et plus globalement
désormais l’étude formelle des textes.
poétique : « science » générale, aussi bien que titre d’un des deux ouvrages majeurs
d’Aristote (l’autre = la Rhétorique). Science de l’art d’écrire (pas seulement en vers) ;
Aristote est le premier à élaborer une pensée théorique qui vise à orienter la pratique des
écrivains (ces derniers doivent obéir à des règles strictes, fautes d’être reconnus).
polyphonie : littéralement « composition à plusieurs voix ». Terme / concept compagnon de
celui de dialogisme( voir cours sur Bakhtine). Pour Bakhtine, le texte dialogue avec des récits,
des textes antérieurs, qui l’informent. Il est confrontation de voix diverses (différentes
instances discursives, différents points de vue…). Parler, c’est tenir un discours adressé à
20
Derniers vers de l’apostrophe qui ouvre le recueil Spleen et Idéal

26
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l’autre et le texte inscrit la présence de l’autre dans le discours du sujet ; l’œuvre est donc
comme un dialogue, une.. ; « polyphonie », dans laquelle l’auteur de dérobe puisque plusieurs
discours – y compris contradictoires- s’y tiennent.
post-modernisme (englobe le post-structuralisme) : globalement, renvoie à une remise en
question radicale de la clôture du sens. Influence de Derrida (en particulier La grammatologie,
L’écriture et la différence). Derrida dénonce le primat de l’écriture sur la parole ; pour lui et
les « post-modernistes » le signifiant renvoie toujours à un autre signifiant et non à une réalité
externe (le « signifié ») qui n’est qu’une illusion. Il n’y a rien en dehors du texte (cf. la célèbre
maxime derridienne : « il n’y a pas de hors-texte »), le langage ne peut pas nous conduire en
dehors de lui-même, il ne renvoie qu’à du langage. Aucun métalangage, la philosophie par
exemple, ne peut faire autorité. Il n’y a pas de plénitude, pas de coïncidence du signe et de la
signification, pas de garantie de sens stable. Le langage nous entraîne dans le jeu infini des
signifiants, et le sens est toujours différé, inépuisable.
sémiotique-sémiologie : science des signes. Le discours est conçu comme une totalité
signifiante. Le sens naît de l’agencement de signes dans le texte. La discipline, héritière de la
linguistique et du structuralisme, s’intéresse aux significations construites par le texte qui
échappent au contrôle de l’auteur (notamment l’idéologie, ou des significations personnelles,
à la mise en relation de réseaux de signifiants discrets…). Elle remet radicalement en question
la notion de clôture de l’œuvre pour insister sur la plurivocité des textes. Voir R. Barthes et
aussi Umberto Eco, en particulier L’œuvre ouverte.
structuralisme :voir cours n° 1 et n° 2 et l’importance de la notion de structure
téléologie : Terme philosophique. Etude de la finalité. Science des fins de l’homme. (voir
Hegel, Spinoza, Bergson, Ricœur )
texte – textualité : c’est Barthes qui le premier, rappelle l’étymologie du texte (du verbe latin
tisser). Le texte est donc littéralement un « tissu », c’est-à-dire un entrelacs complexe de fils.
(in l’Aventure sémiologique- cf. Bibliographie)

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NB Aucun glossaire, comme aucun « dictionnaire » ne peut prétendre à l’exhaustivité. Il est
néanmoins possible de le compléter. Selon les demandes que certains pourraient m’adresser,
je peux être amenée à l’étoffer. Mais le plus gros du travail, celui de lecture, de
compréhension et d’assimilation, ne peut venir que de vous. Ce n’est qu’à cette condition
que vous pourrez utiliser à bon escient les concepts de X ou Y et vous en servir avec
pertinence comme outil / grille de lecture.
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En guise de conclusion, vous trouverez ci-dessous une parodie qui éclairera peut-être certains
aspects du cours.

III. PARODIE

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Le texte qui suit est une parodie d’initiation aux méthodes critiques 21. Il prend pour
support la comptine populaire bien connue, intitulée « Une poule sur un mur », qui se chante
(ou décline) comme suit :

Une poule sur un mur


Qui picotait du pain dur
Picoti, picota,
Lève la queue et saute en bas !*
(*variante : Prends tes cliques et puis t’en va !)

7 écoles critiques (les principales sont passées en revue) sont ensuite utilisées comme
« grille de lecture » permettant de décoder (donc d’interpréter) le « message » contenu dans la
comptine. Le tout est exclusivement parodique mais demeure extrêmement pertinent ; et la
parodie est d’autant plus efficace que les arguments même qui sont parodiés sont maîtrisés et
fort judicieusement utilisés.
1. L’Histoire Littéraire Traditionnelle22 nous enseigne qu’il s’agit là d’un texte relevant du
genre comptine, encore vivace chez les enfants des écoles maternelles. La comptine est un
poème bref, au rythme saccadé, à la conclusion stéréotypée, peu propre à l’expression de
l’effusion lyrique.
2. La Recherche des Sources (Quellenforschung)23 nous permettrait de considérer sous un
nouvel éclairage le drame de Claudel, Le Pain dur, et la nouvelle de Sartre, Le Mur24.Le
dernier vers, particulièrement pathétique, a pu dans le domaine plastique, inspirer le célèbre
tableau de Greuze, Le Fils ingrat.
3. L’Ethnographie nous invite à considérer ce texte comme une formule magique destinée à
la désignation d’un membre du groupe à l’égard duquel va s’exercer un rite d’exclusion en
vue, par exemple, d’un sacrifice humain25.
4. Le Structuralisme : Roman Jakobson et Claude Lévi-Strauss nous donnent les moyens
d’une approche entièrement nouvelle et particulièrement enrichissante du texte. 26 Ils
aboutissent aux résultats suivants : le poème peut être considéré comme un objet absolu dans
la mesure où il forme un tout 27 de quatre vers nettement différenciés, tant sur le plan formel

21
Il s’agit d’un pastiche réalisé par des étudiants de la Sorbonne dans les années mil neuf cent soixante-dix. On
peut le retrouver sur le web à l’adresse suivante http://perso.orange.fr/listephilo/humour20.html (dernière
consultation septembre 2007). En introduction, ce canular extrêmement bien fait précise : « Nous nous
permettons de soumettre à nos lecteurs un textes, bref mais suggestif, dans lequel quelques étudiants (…) de
l’université de Paris I ont résumé les connaissances qu’ils avaient acquises, en même temps qu’ils marquaient
leurs distances par rapport à ce savoir. Toutefois, [l’on] ne saurait garantir l’exactitude des références,
notamment bibliographiques, qui sont ici indiquées. »
22
Il s’agit du courant qui prévalait jusqu’à la fin du XIXe et dont les principaux tenants sont alors Gustave
Lanson, Hyppolite Taine, Sainte-Beuve (cf. cours n° 1.)
23
Le terme allemand est juste, ET utilisé dans ce qu’on appelle aujourd’hui la « critique génétique » (autre
formulation mais même propos). Toutefois, son utilisation même, avec son pédantisme sous-jacent (qui prend
implicitement pour un inculte, voire un imbécile, toute personne qui ne parle pas allemand) est déjà une
moquerie.
24
Ces deux œuvres – réelles – sont ici fort judicieusement « convoquées »… Le tableau de Greuze (1777) l’est
aussi. La dernière phrase du commentaire n’est évidemment pertinente que pour la version « Prends tes cliques
et puis t’en va ! »)
25
C’est « l’ethnologie » et « l’ethnographie » qui, via la personne et l’œuvre de Claude Lévi-Strauss permettent
de passer de la rubrique C. à la rubrique D. Sur un plan épistémologique, exercez-vous en confrontant les
définitions des deux termes avec celle de l’anthropologie (les deux disciplines sont très proches, mais le point de
vue initial n’est pas le même).
26
Ce paragraphe en particulier témoigne d’un très grand talent. Le « calque » de la méthode REELLEMENT
utilisée par Jakobson et Lévi-Strauss dans leur célèbre analyse du poème de Baudelaire « Les Chats » est
saisissant et TRES performant. Voir cours n° 2.

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que sur le plan de la signification littérale ou symbolique, ces quatre vers pouvant être
analysés de la manière suivante :
a) l’anecdote centrale, consistant en deux vers heptasyllabiques rimés, de structure similaire
(quatre syllabes, trois syllabes). Elle est tout entière contenue dans une phrase nominale, dont
le style s’apparente à celui des indications scéniques, ce qui contribue à la dramatisation du
tableau, tandis que l’imparfait duratif (« picotait ») introduit une attente et laisse présager un
événement ponctuel ;
b) le refrain. Cette formule de caractère incantatoire est fondée à la fois sur la répétition d’un
mot et sur la variation désinentielle, ici l’alternance i, a.
c) l’interpellation finale : elle consiste en un vers heptasyllabique, formé de deux propositions
indépendantes coordonnées, à l’impératif, ce qui révèle l’intervention, dans une scène
bucolique, de deux êtres humains en conflit, ou à la rigueur divin-humain si l’on pense,
comme M. Jakobson, que le locuteur est Dieu lui-même, dont le mode favori est l’impératif.
5. Jean Starobinski28 retrouve ici les thèmes complémentaires de la transparence (nudité
implicite de l’interlocuteur que l’on invite à se rhabiller) et de l’opacité ou de l’obstacle (le
mur, le pain dur). Dans une perspective aussi moderne, on peut noter la présence d’un espace
vertical, le mur (cf. Bachelard, Le Mur et la Rêverie de l’Evasion, PUF, 1952 ; Le Mur et la
Rêverie de la Clôture, PUF, 196329), et d’un espace horizontal, la route.
6. La Psychanalyse. Madame Marie Bonaparte pense que la poule peut être une image de la
mère, comme dans le langage quotidien (mère poule), le pain dur représentant le placenta
(galetta en latin), et les cliques la membrane fœtale. Le texte traduirait le regret du fœtus
parvenu à terme et obligé d’abandonner le ventre maternel lors de la parturition30.
7. La Critique Marxiste. Ce poème folklorique est précieux dans la mesure où il reflète le
mécontentement du prolétariat agricole dans la société féodale secouée par les jacqueries ;
Le mur nous rappelle l’existence de la propriété privée : la poule évoque la fameuse formule
attribuée à Henri IV, monarque réformiste, sur la poule au pot ; le pain dur témoigne de
l’aisance du propriétaire de la poule, qui nourrit la volaille avec les surplus de sa
consommation privée (le pain étant l’aliment de base de la société française d’avant la
Révolution). Le sens est clair : passant le long de la propriété close du seigneur ou du riche
fermier, le travailleur nomade prolétarisé réprime l’envie de voler du pain ou de tordre le cou
à la poule31.
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L’on pourrait ajouter plusieurs autres écoles critiques, donc plusieurs autres parodies à cette
amorce de liste. Une division de la comptine en « lexies » pourrait être tentée à la manière de
Roland Barthes, ou une « déconstruction » à la Jacques Derrida, etc. Le ressort le plus
important de la parodie est bien entendu l’écart entre la « signifiance » du texte pris pour objet
d’étude (a priori, « Une poule sur un mur » n’a rien de TRES signifiant) et la complexité
et/ou la minutie de l’analyse à laquelle il est soumis. La réjouissante absurdité des conclusions
auxquelles l’étude aboutit ici … peut, dans d’autres circonstances, s’appeler « rigueur
scientifique »…
27
Cette remarque souligne, à juste titre, la dette que Jakobson & Lévi-Strauss – et après eux, TOUS les
structuralistes – ont à l’égard du « formalisme » russe des années vingt.
28
Désormais moins « à la mode » cette école critique dite « thématique » (ce qui ne lui rend pas justice) fait la
part belle aux théories de Bachelard et à ce qu’après lui Gilbert Durand – en même temps que Starobinski lui-
même - appelle « Les structures anthropologiques de l’imaginaire » (voir l’ouvrage éponyme).
29
Ces deux titres sont totalement fantaisistes. Mêler invention absurde (les titres attribués à Bachelard) et
exactitude (les références à Claudel, Sartre et Greuze par ex.) est un des principes fondamentaux de la parodie.
30
Marie Bonaparte peut être considérée comme une freudienne orthodoxe. Aujourd’hui, une parodie de critique
psychanalytique ferait intervenir les concepts définis par Jacques Lacan. On parlerait volontiers ici par exemple
du pain comme représentant « l’objet a ».
31
Outre la dialectique, c’est le choix des champs sémantiques ici utilisés qui signe ici l’intention de caricaturer le
raisonnement.

29
MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010
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