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Author(s): F. Esquier
Source: Revue de Métaphysique et de Morale, No. 1, Descartes en débat (JANVIER-MARS
2000), pp. 81-103
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40903716
Accessed: 05-07-2018 20:49 UTC
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Habiter : le lieu et son atmosphère
Résumé. - Le vif d'un lieu habité réside dans son atmosphère. Cette supposition
oriente vers le pouvoir que dedans et dehors, tels que V architecture les détermine,
exercent sur l'homme. Ainsi centrée, l'analyse recourt, en un mouvement progressif et
tournant, à trois acceptions de la spatialité locale. Le concept kantien de l'espace ainsi
que celui de « contrée » du premier Heidegger permettent deux réponses complémen-
taires. La troisième réponse, plus développée, se fonde sur le pouvoir de vérité que l'art
lui-même détient : en fidélité au cubisme, rôle déterminant de l'organisation spatiale
dans une vue extérieure de la Villa Savoye de Le Corbusier ; faisceau de composantes
locales (matérielles et formelles) dans le cas du dedans ( saint Jérôme dans sa cellule,
gravure de Dürer).
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82 Ε Esquier
Notre démarche
deux ou trois dire
attention quant à
sur la nature des
en vue la prise en
comme c'est le c
espace bâti, avec
dans le cadre restreint d'une relation à l'édifice d'architecture et à son site. Et
certes, sur ce point, il n'y a pas lieu de s'interdire, sous prétexte de naïveté, les
descriptions possibles de ce qui a été d'abord conçu et construit selon ces
conceptions. Il n'y a pas lieu d'exercer à leur encontre une censure qui détien-
drait sa justification de ne pas méconnaître que le geste primordial de l'habiter
réside, au premier chef, dans la construction même, dans le bâtir même. Ce
serait en effet oublier que l'édification est inséparable de la fréquentation qu'elle
permet dans l'exacte mesure où, pour la majeure part, elle l'anticipe. Or, la
donnée que l'on peut tenir pour quasi générale sur ce sujet, celle que l'édification
destine à une fréquentation qui l'appelle, c'est l'opposition entre un dedans et
un dehors.
L'habitation habituelle de l'édifice construit est, malgré qu'elle en ait, presque
toujours marquée du sceau d'un étonnement. L'édifice en effet coordonne ou
articule les données concrètes, les espaces et les valeurs spatiales d'un dedans
et d'un dehors. Il les articule en les séparant ou même souvent, en ce qui
concerne l'architecture traditionnelle, en les opposant. Dès lors, la fréquentation
de l'édifice est l'expérience d'une différenciation telle généralement que, se
fondant sur des vues obtenues à partir du dehors, le sujet ne peut jamais tout à
fait anticiper les impressions qui seront les siennes une fois enveloppé par
l'espace intérieur du bâtiment. On peut même soutenir à ce sujet qu'une archi-
tecture qui cherche à abolir ou qui paraît ignorer la distinction dedans/dehors
ne peut se soutenir que d'en supposer la notion, afin de tenter cette fois d'en
bouleverser les implications émotionnelles. L'étonnement auquel nous référons
est donc bien celui qui a trait à la différenciation à la fois initiale et finale à
partir de laquelle un édifice est ce qu'il est.
Allons plus loin en précisant mieux ce qui fait l'objet de cet étonnement. Ce
qui diffère en effet entre le dedans et le dehors, ce sont les espaces mêmes, ce
sont les lieux. L'édifice s'inscrit dans un site, il appartient à un entour, que
celui-ci soit urbain ou naturel. Il en reçoit les incidences, voire les prestiges, et
il participe aussi du dialogue que rend possible une localité ouverte. Quant au
dedans, parfois totalement étranger à l'extérieur, il marque de son caractère
englobant et unitaire l'aptitude émotionnelle de l'habitant. Nous n'insisterons
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Habiter : le lieu et son atmosphère 83
pas ici, pour l'avoir fait ailleurs ' sur la nécessaire dist
sur un plan concret, entre espace et lieu. Les deux not
d'être assimilables ou interchangeables. Endroits de
recherche en viendra à s'attacher surtout aux qualités
quitaires, qui leur sont donc coextensives. Notre visée
tel symptôme mal éclairci qui s'inscrit dans le lieu, à s
Car, c'est bien dans l'atmosphère qu'ils recèlent au p
ou bien qu'ils sécrètent, que le lieu ou l'endroit se m
sont : des totalités auto-unifiées.
1. Francis Esquier, Arts du Lieu, essai sur l'espace concret de l'architecture et de la statuaire,
chap, πι, p. 98-141, Amilly, Éd. du Cyprès, 1996.
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masse et grandeur,
piliers des cathédr
modernes, qui perm
ici. Ainsi appréhen
tout autre manière
participe maintena
Γ en tour de l'édifi
dernier s'oppose : c
sement ; ce qui es
inversement. Pris
analogue à celle de
l'édifice, quatre esp
de l'entour où se si
sépare son dedans
corps et enfin le v
De ces quatre espac
des masses matér
dernier relèvent d
d'étonnement : la
articulés entre eux
Qu'en est-il donc d
et assumer dans la
et cela, selon les de
et du dehors. L'édif
lui-même une dem
possède son lieu pr
de sa corporéité sp
rigoureusement irr
son aspect externe
sorte d' autopositio
dial à soi. Habiter se
de cette coordinati
coordonnées. Il est
entretient comme
en particulier, par
s'inscrire dans son
il modifie globalem
la sphère d'attracti
Le dedans est à l'év
le dedans est aussi u
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88 F. Esquier
uniforme, l'espace
L'homme habite so
cifique d'une intuit
divers homogène.
L'habitation se pré
être-à-F espace bien
tique et coordonna
inépuisables de mo
pour autant que la
sentiment de plaisi
d'une habitation r
de l'être-à-1'espace,
D'autre part, la qu
à sa source, comm
compte de la sépar
espace intérieur. T
qualifier au mieux
principe accordée
Selon l'exposition
que Kant s'éloigne
unifiée. Il amorce l
comme quantité.
synthétiques a prio
ses prédécesseurs,
isotrope. Or, un es
deux endroits, d'att
Ce type d'espace pe
volumes irréguliers
ne coïncidera jamai
Dans un petit écrit
entre situation et
des parties placées
que la région désig
unique donné dans
l'appartenance de d
rendre identiques,
là, de radicalemen
2. Emmanuel Kant, Qu
des régions dans l'espac
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Habiter : le lieu et son atmosphère 89
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90 Ε Esquier
qui le raccordent
l'orientation par
fonction générale
activités pratiques
complexes, qui son
tue donc le dedans
du dedans dérive de la fonctionalité de ce dernier, et c'est un monde de la
fonctionalité, ainsi décrit comme ce à quoi est destiné l'homme de l'activité,
de la préoccupation (Besorgen) et du sens pratique (Umsicht), qui confère une
signification directrice à l'opposition en question.
L'édifice n'est-il que cela, n'est-il qu'un « ustensile » parmi d'autres fait pour
abriter et protéger un homme primordialement voué à la vie pratique ? Le para-
graphe 18 de Sein und Zeit3 autorise une appréhension de l'essence de l'édifice
qui soit moins fonctionnelle et, en même temps, plus respectueuse de l'homme
comme être-au-monde. On sait, en effet, que le terme « monde » est à entendre,
non comme monde réellement en soi, extérieur à l'homme, mais comme le cor-
rélat de l'être-à. La structure d' être-au-monde possède une unité de principe indé-
composable. Ainsi, l'homme qui se comprend lui-même comme homme de
l'affairement, de la préoccupation et du sens pratique se trouve du même coup
ouvert à un monde qui est celui de l'ustensilité et de la fonctionalité. Ce monde
lui-même, dé-couvert comme monde de la fonctionalité, ne peut pas être un usten-
sile, ne présente pas de fonction. Il est à proprement parler au-delà de tout usten-
sile. Il est la dimension générale qui rend possible pour l'homme, en son entente
comprehensive de l'être, la rencontre de quelque chose comme un ustensile et de
ses fonctions. Or, comme tout ustensile appartient par essence à un complexe
organisé et à un système de renvois d'ustensile à ustensile, de moyen à fin, de
fonction à fonction, on ajoutera que c'est encore le phénomène-monde ainsi
entendu qui fonde le caractère global de cette complexification de renvois. Nous
pouvons ainsi revenir à l'édifice et le tenir cette fois pour bien plus qu'un ustensile,
c'est-à-dire pour un analogon de monde. Le dedans de l'édifice, en particulier,
est comme un monde. C'est sur la base de la familiarité de son entente compre-
hensive de l'être de monde ambiant que l'homme, « imitant la nature » pour ainsi
dire, se donne un dedans en tant que la dimension globale lui permettant d'avoir
affaire ad libitum avec un ensemble complémentaire d'ustensiles. Et comme, en
dernière analyse, l'homme, en toutes ses activités, se trouve toujours rapporté à
lui-même, à ses desseins et à ses projets, le phénomène-monde d'un édifice et de
son dedans devient aussi son monde, le monde familier de ses possibilités d'être,
- microcosme intime pour son épanouissement.
3. Martin Heidegger, Sein und Zeit, Tübingen, Niemeyer, 1963 (abrégé ensuite en SuZ).
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Habiter : le lieu et son atmosphère 91
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92 Ε Esquier
danité de Γ acti
ambiant, suffit i
d'habiter. C'est d
miner par rappor
urbanistes ont af
l'espace géométr
tenir pour le pri
faisant, malgré s
lorsqu'on s'en tie
comme un systè
illustration appro
dentes. Robert V
met l'accent sur
du bâtiment par
l'espace », enten
d'un lieu ou cont
prend la forme d'
et l'extérieur par
en question. Ven
remarquable : la
presque carré, éc
l'on aperçoit par
sité de l'aspect gé
l'exemple d'une s
brisée et un inté
adapté aux multi
au mystère parti
l'unité de « l'idée
qu'elle domine e
importerait certe
ainsi que celui de
pas. L'usage du p
manière décidée l
équivoque. Ainsi
intérieur du prem
mur courbe bâti
extérieure, etc. C
sur « l'intensité
4. Robert Venturi, D
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Habiter : le lieu et son atmosphère 93
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94 F. Esquier
sous de la maison,
comme Test l'espa
la bâtisse sous la
lumineux des faça
se coupant à angle
les larges entailles
maison, révèlent
métamorphose en
rejette avec répuls
courbes où conve
sur le ciel. À l'oss
donc en niveaux s
vide ouvert. Et re
deviennent autant
maison. Ainsi y au
qui est liée à l'hab
que les sens pris p
organique d'ensem
La « façade libre
d'animation des su
tionnels (ferronn
lements aux conso
espaces : formes g
nisées entre elles,
organique des com
sorte d'intégrisme
considérée comm
stéréotypes tradit
organisés en fonc
de 1922, les dime
avaient à assurer l
adjuvante d'une l
s'inscrire dans un
succession de piè
rassemblement d
principalement i
l'unification esthé
nomie spatiale pro
en tant que figur
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Habiter : le lieu et son atmosphère 95
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96 F. Esquier
De quelle entente
de théâtre ne tém
pectives, éclairage
magique d'illusion
déjà vécues altern
charmes des lieux
auteur. Dans ce do
l'inconnu au connu en fonction des idées de la mise en scène, mais la scène
imaginaire elle-même, fondée sur les modes de la représentation et de la dis-
tanciation, place à tout moment le spectateur en état d'accéder à quelque vérité.
Le décor participe de l'art théâtral et de son pouvoir de dévoilement.
On pourrait se demander jusqu'à quel point il convient de soutenir l'analogie
entre décor théâtral et architecture. Cette analogie va, en un sens, plus loin
qu'on ne le pense. Car, le décor de théâtre offre, avec la force d'une représen-
tation concentrée sur elle-même et détachée des circonstances de temps et de
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Habiter : le lieu et son atmosphère 97
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Habiter : le lieu et son atmosphère 99
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100 Ε Esquier
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Habiter : le lieu et son atmosphère 101
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102 F. Esquier
partiellement, on do
émotionnelle. Ainsi,
de la figuration spat
eux. Ils constituent a
la mise en scène plas
précipitent et cristal
Examinons enfin les
gravure. Bon nombre
et par un consentem
sur l'étagère, crâne p
endormi). Dans le s
pantoufles reposent
familières ou terrest
Jérôme lui-même co
peu tassée sur elle-m
immobilité à lui ne c
la concentration inte
son aura rattache sai
cellule. La vie intérieure du saint consonne avec l'ambiance ensoleillée. Ainsi
les qualités posturales des choses, des animaux et de saint Jérôme contribuent
à définir une atmosphère dont la tonalité est celle a' une irradiation de lumière
au sein d'une immobilité paisible.
Les composantes principales que nous venons de dissocier à l'analyse sont
en réalité étroitement unies et intégrées les unes aux autres dans l'unité de
l'œuvre. En leur conjonction, elles semblent être les agents responsables de
l'unité d'atmosphère que la gravure expose. Nous détiendrions ainsi le secret
de la tonalité de sérénité qui règne dans le lieu représenté - cellule d'un saint
et d'un savant simultanément si suggestive de ce que pouvait être le cabinet de
travail d'un érudit de la Renaissance. Ce secret résiderait dans un faisceau de
traits remarquables, susceptibles d'offrir une richesse et une variété sensibles,
qui nous conduisent à la plénitude singulière d'une ambiance unique. Remar-
quons cependant que, parmi ces traits, certains ne relèvent pas « à proprement
parler » du lieu intérieur qu'est la cellule, à condition toutefois qu'il soit permis
de séparer un lieu de son contenu. Il s'agit de ce monisme figuratif, où matière,
vie et même esprit s'indifférencient à des degrés divers, ou encore de ces formes
posturales de sommeil, de pesanteur et de repos paisible qui font bien plus
qu'additionner leurs effets. On pourrait même ajouter la construction perspec-
tiviste qui constitue un cadre rigoureux de mises en place, mais qui joue un
rôle moins important et subtil ici que les multiples mélanges ou contrastes
locaux de la lumière et de l'ombre. Faut-il donc, dans le but de conclure notre
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Habiter : le lieu et son atmosphère 103
F. Esquier
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