Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
Le blanchiment du chocolat :
mécanisme et prévention
Christophe LOISEL, Groupe Danone, Centre Jean Thèves, 91 Athis-Mons.
Hervé ADENIER, Henri CHAVERON, Génie Biologique, Université de Technologie de Compiègne,
BP 529, 60206 Compiègne.
Gérard KELLER et Michel OLLIVON, CNRS, URA 1218, Physico-Chimie des Systèmes
Polyphasés, 5, rue J.-B. Clément, 92296 Châtenay-Malabry,
COMPOSITION DU CHOCOLAT
Figure 1 : Surface du chocolat au tout début du blanchi-
ment. Quelques cristaux sont visibles par endroits (Adenier Le chocolat noir, qui est composé de sucre, de
et al.,1975). cacao et de beurre de cacao, a une composition
1 Abréviations : Acide gras (AG); blanchiment gras (BG); beurre de cacao (BC): triglycérides (TG); TG monoinsaturés (SUS);
TG trisaturés (SSS); TG polyinsaturés (SLS+SOO) petites distances (PD); grandes distances (GD); Microcalorimétrie
Différentielle (MCD) ; Diffraction des Rayons X (DRX); strates d'épaisseur correspondant à deux ou trois longueurs de chaînes
d'acides gras (2L) ou (3L); Résonance Magnétique Nucléaire (RMN).
55
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
56
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
;;
2 cm chocolat (Lavigne, 1995). La figure 5 montre
schématiquement comment ce développement
;;;
;;;
;;;;
; ;;
20 mµ
de cristaux enchevêtrés amène à la solidification
;;
;;;;;
;;;
;; ;
;;;
;yyy
y;
yy
;; ;
y
;;
;;;;;
;;;;
du chocolat.
TABLETTE
;;
;; ;;
;
;;; L'organisation à l'intérieur de ces cristaux est
;;;;
;
;;; ;;; révélée par la diffraction des rayons X pratiquée
;;;;;;
y;
;;
GRANULATS soit sur des échantillons de chocolat désucré soit
sur le BC lui-même (Adenier et al., 1975; Wille
;;; 2 nm
et Lutton, 1966) Cette technique a permis de
CRISTAUX montrer que les molécules de TG s'y organisent
en strates (couches planes) d'épaisseur variable,
bicouches d'acides gras (notées 2L) ou tri-
MOLECULES couches (3L) suivant le type de cristal formé
2L 3L (figures 5 et 6).
Figure 5 : Structure du chocolat. La structure du chocolat peut à certains égards
être comparée à celle d'un béton. Le béton est
composé de sable et de graviers, liés dans un
dispersion de ces particules solides dans le liqui- mortier, qui est lui-même obtenu par le mélan-
de, toutefois il est utile de rappeler que cet état ge du ciment poudre avec de l'eau. Ici, il n'y a
n'est pas atteint spontanément du fait des pas d'eau, mais l'analogie est possible : il y a des
natures différentes des deux milieux. Les cris-
taux de sucre et la partie non grasse du cacao
sont de comportements plutôt hydrophiles, alors 6a
que le BC est essentiellement hydrophobe. Les
premiers ne sont donc naturellement pas
“mouillés” par le second, et la présence d'un ten-
sioactif, tel que la lécithine, est nécessaire. Les end view
molécules amphiphiles de phospholipides qui
composent la lécithine vont tapisser les parti-
cules solides et favoriser ainsi le contact entre les 2Å
deux milieux, en particulier lors de l'opération
de conchage. Un calcul approché de la surface Hex. O⊥ T//
spécifique des agrégats d'un chocolat a montré β
que la quantité de lécithine apportée naturelle- α β′$ β 2 nm
ment par le BC était suffisante pour recouvrir
d'une couche monomoléculaire l'ensemble des
particules présentes (dans un chocolat contenant
32% de BC à 0.1 % de lécithine, il y a environ 2L 2L 2L 3L
4.10–7 mole de lécithine/g de chocolat et la
quantité nécessaire calculée est de environ 6b
3.10–7 mole de lécithine/g de chocolat) (Loisel,
1996). La lécithine ajoutée par les fabricants de Relation de Bragg
chocolat vient en excès, et constitue probable- 2d.sin θ = nλ
57
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
58
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
La DRX qui enregistre l'intensité diffractée par Tableau I : Caractéristiques principales (température de
un échantillon en fonction de l'angle d'inciden- fusion, arrangement longitudinal des chaînes, épaisseur
des strates et type d'arrangement latéral) des différentes
ce du faisceau (I = f()) par rapport aux plans
variétés polymorphiques du beurre de cacao.
d'organisation des molécules ou des atomes,
permet d'identifier les variétés cristallines grâce Variété I II III IV V VI
à la présence de deux groupes de raies qui sont T(°C) 17 23 25 27 34 36
comme les signatures de l'existence de telle ou Arran. 2L 2L 2L 2L 3L 3L
telle variété (figure 6b et 8). Aux grands angles,
d (Å) 54.5 49 49 45 64 64
une série de pics de diffraction, à laquelle cor-
Type sub α α β′ β′ β β
respond une série de petites distances (PD), reflète
l'organisation latérale des chaînes d'AG dans
une unité de répétition que l'on nomme sous-
cellule (ex: T//, Hex) (figure 6a). Aux petits La cristallisation du BC du chocolat est obtenue
angles, une autre série de pics de diffraction à la suite de l'opération dite de tempérage qui
représentative de l'empilement longitudinal des consiste à obtenir le plus rapidement possible au
molécules (ex: 2L, 3L) et de l'existence de sein de la masse de chocolat, la formation d'une
grandes distances (GD), est observée2. Ces deux quantité suffisante de germes des variétés cristal-
séries de raies permettent de caractériser chacu- lines stables (V) à l'aide d'un cycle de tempéra-
ne des variétés cristallines formées. Pour les ture approprié qui implique le passage par des
corps purs, ces raies sont généralement claire- variétés instables (I à IV). En fin de tempérage
ment séparées. ces germes représentent de l'ordre de 1% de la
masse du BC (Adenier et al., 1984). Il est à
Le polymorphisme du BC a fait l'objet de nom- remarquer que cette opération n'est pas absolu-
breuses études (cf. Loisel et al., 1998b) et la plu- ment spécifique au BC, le passage par des varié-
part des auteurs s'accordent pour reconnaître tés instables obtenues lors d'un refroidissement
l'existence de six variétés cristallines, notées de I rapide de la matière grasse et leur transforma-
à VI dans l'ordre de leur stabilité croissante tion en variétés stables par un réchauffage adap-
(Wille et Lutton, 1966; Chapman et al., 1971; té est un procédé couramment utilisé dans l'in-
Adenier et al., 1975; Lovegren et al., 1976). Le dustrie du beurre ou de la margarine pour cris-
tableau 1 résume ces observations. Chacune des talliser rapidement ces produits par passage au
six variétés cristallines du beurre de cacao et des travers d'échangeurs à surface raclée. Sur un
transitions entre ces variétés vient d'être exami- plan pratique pour le chocolat, au niveau indus-
né récemment par DRX couplée à la MCD en triel, l'objectif est d'obtenir la variété V dont le
utilisant la résolution que permet l'utilisation du point de fusion est d'environ 33/34 °C car c'est
rayonnement synchrotron (Loisel et al., 1998b). celle qui permet une libération optimale de
L'existence de nouvelles phases a pu être mise l'arôme en bouche. Elle n'est pas trop dure et ne
en évidence et corrélée à des analyses rhéolo- présente pas les inconvénients de la variété VI.
giques pratiquées pendant la cristallisation du La présence de environ 1% de ces germes de
chocolat (Loisel et al., 1997a et 1998a). Leur type V suffit à entraîner une cristallisation de la
description qui sort du cadre de cet exposé, ne masse du BC en forme V dans le tunnel de froid.
sera pas reprise ici. Néanmoins, un des princi- Il a été montré par DRX que lorsque la quantité
paux résultats obtenus et pouvant avoir des de germes formés était trop faible, son effet d'en-
conséquences pratiques concerne la confirma- traînement était insuffisant pour provoquer la
tion obtenue par ces méthodes de l'existence cristallisation de l'ensemble du BC en forme V il
aux températures voisines de l'ambiante de trois en résultait la formation d'un mélange des varié-
phases distinctes dans le BC. Deux phases cris- tés IV et V (Loisel et al., 1995). Cependant, la
tallines correspondant en majorité aux TG variété IV éventuellement formée, moins stable,
monoinsaturés et aux trisaturés coexistent avec se transforme progressivement, en présence de
un liquide composé de TG monoinsaturés dis- la variété V plus stable, en cette dernière après
sous dans les TG polyinsaturés. quelques heures.
2 Le fait que les petites distances soient mesurées aux grands angles résulte de la loi de bragg : 2d sin =n qui relie les
distances entre plans à l'angle sous lequel sont observés ces réflexions, est la longueur d'onde d'observation et n un entier,
n peut être considéré comme une constante.
59
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
La caractérisation des trois variétés les plus les mêmes traitements thermiques pendant la
stables du beurre de cacao est assez aisée par fabrication et le stockage, il était intéressant de
MCD, leurs points de fusion étant relativement déterminer pourquoi le BG se concentrait sur le
différents (figure 7). En DRX, ces différences sont chocolat recouvrant les noisettes. La composi-
encore plus marquées au niveau de leurs petites tion en TG des intérieurs gras étant supposée
distances (lesquelles traduisent des arrangements jouer un rôle dans le développement du BG, la
de chaîne légèrement différents) (figure 8). migration des matières grasses d'articles compo-
sites (chocolat fourré avec un praliné dont la
phase grasse est entièrement liquide à tempéra-
FACTEURS FAVORISANT LE ture ambiante) a été étudiée pour en com-
BLANCHIMENT GRAS (BG) prendre le mécanisme. La présence d'une phase
liquide triglycéridique favoriserait le BG tout
La relation entre le polymorphisme du beurre de
comme elle favorise l'évolution polymorphique.
cacao et le développement du BG est complexe.
Au temps 0, puis après un certain temps de
Tout comme l'évolution polymorphique du BC,
conservation sous azote la couverture et le prali-
le blanchiment gras se développe au cours du
né ont été analysés afin de voir quelles étaient
temps. Il se produit de manière d'autant plus
les migrations respectives des différentes
intense ou d'autant plus rapidement que la tem-
matières grasses.
pérature est élevée. Il est observé sur des pro-
duits ou sur la couverture de produits dont le BC L'analyse chromatographique (phase gazeuse et
a fréquemment évolué vers la variété VI. couche mince) révèle une migration croisée des
Toutefois, on observe des chocolats dont le BC TG des deux types de matière grasse (figure 9).
est sous forme VI, qui ne sont pas blanchis. Il se Celle que l'on trouve à l'intérieur du fourrage,
produit d'autant plus que le chocolat est mal composée essentiellement de TG polyinsaturés,
tempéré. En revanche un obstacle physique l'in- migre de l'intérieur vers la couverture ; une
hibe : la présence d'une feuille d'aluminium à la migration moins importante se produit dans la
surface d'un chocolat qui vient d'être coulé évite direction inverse. Le résultat final de cette
le blanchiment à cet endroit (Adenier et al., migration croisée est un assèchement des prali-
1975)(figure 3). nés qui deviennent sableux et un ramollisse-
ment des couvertures. En effet, une partie de
Il est favorisé par la proximité de certaines
l'huile du praliné migre vers la couverture
matières grasses, en particulier celle des four-
entraînant un appauvrissement de la teneur en
rages gras. A cet égard, il est particulièrement
huile du praliné et un enrichissement en huile
visible sur le chocolat qui recouvre les noisettes
yy
;;
du chocolat. La migration de l'huile contribue à
d'une plaque de ce type de confiserie.
augmenter la proportion des TG monoinsaturés
L'ensemble du chocolat de la plaque ayant subi
du BC dissoute à diminuer la fraction solide.
;;
yy
Cette fraction diffuse en sens inverse de la pre-
;;;;;;;;;;;;;
;;;;;;;;;;;;;
;;;;;;;
;;
yy
t=0 Chromatographie (Adenier et al., 1993).
;
;;
yy
un échange de matière grasse entre la couvertu-
re et le fourrage, et, d'autre part, que les TG
;
;;
yy
Phase Couche mince rôle dans la formation du blanchiment gras en
/N2
gazeuse surface, puisqu’au niveau du chocolat ce sont
t=120j
essentiellement cette quantité de liquide et sa
;;
yy
;
ANALYSE DU
Figure 9 : Les migration croisées des fractions liquides des BLANCHIMENT GRAS
matières grasses entrainent progressivement les change-
ments de composition des phases solides avec lesquelles L'analyse des petits cristaux du blanchiment gras
elles étaient en équilibre. prélevés sous l'objectif d'une loupe binoculaire à
60
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
;; ;
;
et basses appelées généralement liquidus et soli-
dus servent à déterminer la composition et les
2mg proportions des phases en présence à toute tem-
pérature. Par exemple, le mélange correspon-
dant à la composition triglycéridique du BC est
formé à 22 °C de deux phases, une liquide
(25 %) et une solide (75%), dont les composi-
tions (> 90 % de monoinsaturés et environ 60 %
Figure 10 : Analyse du blanchiment gras prélevé sous l'ob-
de polyinsaturés) sont données respectivement
jectif d'une loupe binoculaire stéréoscopique.
par l'intersection de la droite horizontale AC
avec le liquidus (C) et le solidus (A).
grandissement variable (en prenant garde de ne En fait, au fur et à mesure du chauffage du BC,
pas prélever la couche du dessous) a montré que la composition des phases en équilibre change et
ceux-ci étaient à peu près composés des mêmes décrit ces lieux géométriques. La composition du
TG que le BC (figure 10). Une telle analyse pour- liquide qui est majoritairement composée de TG
rait aisément être critiquée car le risque de pol- polyinsaturés à basse température s'enrichit pro-
lution du BG par la couche sous-jacente de BC gressivement en TG monoinsaturés à plus haute
au moment du prélèvement est évident. Ce n'est température. Elle atteint par exemple 33 % à
pas le cas, car entre-temps la migration des TG 28 °C (Adenier et al., 1993). Entre 22 et 28 °C,
de l'intérieur gras vers le chocolat a changé com- l'élévation la température a conduit a augmen-
plètement sa composition. La composition des ter la proportion de liquide et celle de triglycé-
cristaux est effectivement celle du beurre de rides mono-insaturés dissoute dans ce liquide.
cacao, mais est très différente de la composition Au refroidissement le mécanisme inverse se pro-
de la couche sous-jacente (Adenier et al., 1993). duit. En imaginant qu'au gré des variations de
température, cette phase liquide puisse atteindre
Comment expliquer que la phase qui cristallise
la surface, elle serait susceptible d'y déposer pen-
ici possède la composition du beurre de cacao,
dant son refroidissement les TG monoinsaturés
tout au moins une composition très riche en
qu'elle a préalablement dissous pendant son
monoinsaturés, alors que celle de la phase sous-
chauffage. Ce mécanisme explique en particulier
jacente d'où elle est supposée extraite (elle ne
que la composition de la phase déposée puisse
peut venir d'ailleurs) est différente ? Quel est
être différente de celle sous-jacente.
donc le mécanisme de séparation de phase qui
provoque une recristallisation en surface? En résumé, quand la température du chocolat
L'analyse du pseudo-diagramme de phase TG fluctue, le liquide dissout au chauffage des frac-
monoinsaturés+trisaturés/TG polyinsaturés peut tions mono-insaturées et quand la température
en fournir une explication satisfaisante.
CB Composition
40
DIAGRAMME DE PHASE liquidus
liquide
Température (°C)
32 liquid
Le fractionnement du BC a permis d'obtenir
GLC + NMR
61
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
redescend, ces fractions mono-insaturées solubi- puisque quand le chocolat est maigre (29,5 % de
lisées dans le liquide, sont susceptibles de recris- BC) les cavités représentaient 2% environ (figu-
talliser. Elles le feront, non pas uniquement en re 12). Le sur-tempérage (i.e. trop de germes à un
forme V mais aussi en forme VI, qui est la varié- moment donné) conduit par l'intermédiaire de
té la plus stable. Le mécanisme du passage de la la limite d'écoulement et de la viscosité du pro-
forme V à la forme VI pourrait être simplement duit à un mauvais moulage du chocolat et génè-
un mécanisme associé à celui du blanchiment re beaucoup de vide. Le sous-tempérage a peu
gras, sans être nécessairement "le" mécanisme d'effet volumique, mais peut conduire à un pro-
du blanchiment gras (Adenier et al., 1993). duit moins résistant au BG.
Le mécanisme de l'augmentation de la quantité Au moment de la percolation, quand les cristaux
de liquide explique aussi le changement de la de TG se développent suffisamment pour se blo-
dureté du chocolat quand on change sa tempé- quer les uns les autres et pour donner ses dimen-
rature. sions extérieures au chocolat, la solidification du
BC est loin d'être terminée. Durant son refroi-
Pourquoi et comment le liquide dépose-t-il ses
dissement, le BC continue de cristalliser et donc
cristaux en surface ? Le moteur de la migration
de se contracter au sein d'une matrice dont les
est-il la “capillarité” (les matières grasses monte-
dimensions ne changent plus (à noter qu'il va se
raient dans les pores laissés entre les cristaux et
contracter également du fait de son évolution
les particules) ou la dilatation du liquide plus
vers des variétés plus stables). Des cavités se for-
importante que celle du solide qui l'entoure? La
ment ainsi à l'intérieur de la structure.
porosité du chocolat a été étudiée récemment
afin de déterminer lequel des deux mécanismes Des mesures de perméabilité au gaz qui ont sou-
était responsable du BG. mis une couche mince de chocolat à un diffé-
rentiel de pression de 11 bar (10 bars contre le
vide) (figure 13) ont montré que ces cavités
POROSITÉ AU MERCURE n'étaient pas directement connectées entre elles.
Les pores s'ils existent prés de la surface ne com-
ET PERMÉABILITÉ AU GAZ
muniquent pas au point de laisser passer des gaz
Des chocolats contenant des quantités variables (Loisel, 1997b). Chacun de ces amas de cristaux
de BC et ayant été soumis à des tempérages cor- liant les particules peut contenir la fraction liqui-
respondant à des chocolats sur-, bien- ou sous- de du BC en équilibre avec ces cristaux. La pres-
tempérés (c'est à dire contenant trop, la bonne sion nécessaire pour déloger ce liquide de cha-
quantité ou pas assez de germes de forme V) cun de ces amas peut être faible, mais leur
(Adenier et al., 1984) ont été soumis à des expé- somme (sur une distance de 1 mm, il peut y
riences de porosité au mercure (Loisel et al., avoir des dizaines ou des centaines de ceux-ci)
1997b). Avec cette technique, des échantillons était supérieure à 11 bars dans le cas de cette
cylindriques de volumes connus précisément expérience. Ceci est cohérent avec les résultats
sont maintenus dans un bain de mercure auquel des études de porosité au mercure ayant montré
on applique progressivement des pressions crois- qu'il était nécessaire d'atteindre une pression de
santes. L'enregistrement de la variation du volu- quelques dizaines de bar pour assurer la péné-
me apparent de l'échantillon en fonction de la tration de ce dernier sur une profondeur compa-
pression appliquée (figure 12) montre la pénétra- rable et que cette pénétration dépendait du
tion du mercure dans d'éventuelles cavités du temps (Loisel et al., 1997b) (figure 13).
chocolat, une fois déduite la compressibilité
La présence de ces cavités dans le chocolat risque
naturelle du matériau. Des expériences complé-
donc de jouer un rôle dans le développement du
mentaires de radiographie aux rayons X rensei-
BG. Cependant on ne peut pas encore dire
gnent sur la nature de ces cavités et permettent
aujourd'hui s'il s'agit d'une montée par capilla-
de soustraire le petit volume d'air emprisonné
rité, par dilatation ou d'un mécanisme mixte. Il
au moment de la cristallisation du chocolat.
se pourrait par exemple que les poches de vide
Les informations recueillies ont montré que, qui se forment près de la surface ne soient pas
après soustraction de l'air emprisonné, le choco- étanches dans le temps. Elles pourraient se rem-
lat contenait des cavités dont le volume total plir d'air, dont la dilatation à la faveur de varia-
peut varier entre 1 et 4 % de son propre volume tions de température constituerait le moteur de
selon qu'il était bien- ou sur-tempéré. La quan- la migration du liquide, expliquant ainsi le dépôt
tité de BC influe aussi sur cette porosité apparente superficiel. Cependant un mécanisme d'efflores-
62
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
160
140
120
Variation de volume (mm3)
WT 31.9%
100
WT 29.5%
80
UT 31.9%
60
OT 31.9%
40
20
1 10 100 1000
Pression (bar)
Figure 12 : Porosité au mercure. Variations du volume apparent d'échantillons de chocolat d'environ 2800 mm3 baignés dans
un bain de mercure sous l'effet de la pression appliquée(Loisel et al., 1997b). Les chocolat étudiés sont bien- (WT), sous (UT)
ou sur-tempérés (OT) et contiennent la proportion de BC indiquée (29.5 ou 31.9 %).
cence tel que celui qui constaté (en particulier misant l'opération de tempérage, de façon à aug-
pour les cristaux des hydrates) pourrait aussi menter au maximum son point de fusion et à
être invoqué. donner une certaine résistance au beurre de
cacao et au chocolat. Il a été montré que plus la
teneur en germes cristallins stables était impor-
REMÈDES ACTUELLEMENT tante plus le chocolat résistait au BG. (Adenier et
PROPOSÉS CONTRE LE al, 1984; Loisel et al., 1995).
BLANCHIMENT GRAS
Compte-tenu des observations présentées ci-des-
sus, il semble qu'il n’y ait pas de recette-miracle.
Concernant les additifs “anti-blanchiment” dis- joints 10 atm
ponibles sur le marché, nous n'avons pas à
l'heure actuelle les moyens d'expliquer leur Chocolat
éventuel fonctionnement. Grille vide
Le bon sens en ce qui concerne la maîtrise du BG
consiste à dire qu'il faut absolument, pour éviter
tous les inconvénients associés aux fluctuations
de température, amener le BC du chocolat dans
un état le plus stable possible, sans aller jusqu'à Figure 13 : Schéma du dispositif utilisé pour mesurer la per-
fabriquer la forme VI, qui est plus difficile à méabilité au gaz. La plaque mince de chocolat (trait noir),
maintenue sur une grille par un joint assurant l'étanchéité
fondre et qui ne libère plus les arômes en en périphérie, est soumise à une pression continuelle de 10
bouche, tout au moins en l'absence de variation bars. Une jauge détecte une éventuelle rupture partielle du
de composition bu BC. Il faut donc essayer vide appliqué en début d'expérience par une pompe à palet-
d'amener le chocolat dans une variété V, en opti- te (Loisel et al., 1997b).
63
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
Le blanchiment gras du chocolat est essentielle- JEWELL, G.G. Some observations on bloom on
ment un défaut d'ordre physique, lié à la migra- chocolate, Revue Int. Choc. (1972), 27 : 161.
tion en surface et à la recristallisation des trigly- KLEINERT J. Etude sur la formation du blanchi-
cérides et principalement certains monoinsatu- ment gras et les moyens propres à le retarder,
rés du BC. Une transition vers une variété poly- Revue Int. Choc. (1961), 16 : 1.
morphique plus stable, en particulier V vers VI,
accompagne fréquemment le développement du LARSSON K. Physical properties in The lipid
BG. Ces deux transformations aussi néfastes Handbook, 1986, Eds. F.D. Gunstone, J.L.
l'une que l'autre pour la qualité organoleptique Harwood & F.B. Padley, Chapman & Hall,
du produit, sont favorisées par la présence d'une London, p321-384.
phase liquide dans le chocolat. La mise en évi- LAVIGNE F. "Polymorphisme et transitions de
dence récente de cavités dans la structure du phases des triglycérides. Applications aux
chocolat et d'une relation entre leur volume propriétés thermiques et structurales de la
total et le degré de tempérage, étaye l'hypothèse matière grasse laitière anhydre et de ses frac-
de la migration de cette phase liquide vers la sur- tions". Thèse de l'ENSIA (Massy), mai 1995.
face par l'intermédiaire de pores, mais ne suffit
LOISEL C, LECQ G., KELLER G. & OLLIVON M.
pas pour expliquer certains aspects du mécanis-
Etude du temperage du chocolat par analyse
me de développement du blanchiment.
thermique differentielle et par diffraction des
rayons X. compte-rendus des 26émes
Journées de Calorimétrie et d'Analyse
Remerciements Thermique, Marseille, 1995, p 281-286.
Une partie des travaux présentés ci-dessus a été LOISEL C. "Physico-chimie du chocolat : cristal-
obtenue dans le cadre de la thèse de C.L., qui a lisation du beurre de cacao et propriétés
été financée dans le cadre d'une bourse CIFRE structurales" Thèse de l'ENSIA (Massy),
par l'ANRT et Danone, Branche Biscuits. (décembre 1996).
64
FORMULATION ET DURÉE DE VIE DES PRODUITS RICHES EN SUCRE
65