Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
SAMUEL BECKETT
Denys Gaudin
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
2018/2 n° 98 | pages 229 à 239
ISSN 0762-7491
ISBN 9782749261799
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Denys Gaudin
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
Écriture et sentiment de la vie :
l’enseignement de Samuel Beckett
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
Denys Gaudin, psychologue clinicien, docteur en psychologie, 26B boulevard John Fitzgerald Kennedy,
F-66100 Perpignan, denys.gaudin@orange.fr
1. Lettre à Maurice Nadeau du 19 octobre 1954 (Beckett, 2016, p. 501).
2. Lettre à Jérôme Lindon du 20 janvier 1954 (Beckett, 2016, p. 447).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
de tous les bruits. Puis tu te jettes en bas. Les grandes branches brisent ta
chute. Les aiguilles. Tu restes un moment face contre terre. Puis regrimpes
sur l’arbre. Ta mère répond à Madame Coote en disant : “Il a été odieux.” »
(Beckett, 1985, p. 27-28).
Dans le récit qu’en fait Beckett, nous n’entendons pas la bravade du
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
« casse-cou » (Knowlson, 2007, p. 61), mais le laisser tomber d’un sujet que rien
ne retient, la chute d’un corps que seules les branches freinent. Ici s’évoque
l’absence d’accroche à l’Autre, nommément l’Autre maternel, qui précisé-
ment plombe sa chute de sa sentence : « Il a été odieux. » Aucune retenue n’a
cours, aucun secours n’accourt. Ce qui survient serait plutôt la validation
de son être de déchet, de son être odieux.
Dans ce même ouvrage, un second passage dévoile un peu plus cette
rudesse. Il s’agit d’une scène où le garçon marche en silence aux côtés de
sa mère : « Levant les yeux au ciel d’azur et ensuite au visage de ta mère tu
romps le silence en lui demandant s’il n’est pas en réalité beaucoup plus
éloigné qu’il n’en a l’air. Le ciel s’entend. Le ciel d’azur. Ne recevant pas de
réponse tu reformules mentalement ta question et une centaine de pas plus
loin lèves à nouveau les yeux à son visage et lui demandes s’il n’a pas l’air
beaucoup moins éloigné qu’il ne l’est en réalité. Pour une raison que tu n’as
jamais pu t’expliquer cette question dut l’exaspérer. Car elle envoya valser
ta petite main et te fit une réponse blessante inoubliable » (Beckett, 1985,
p. 12-13).
Cuisant souvenir d’une blessure assénée sans raison, d’une parole venue
rompre le lien ténu des mains serrées, laissant celle du garçon valser en
solitaire.
Dans cette scène, le petit homme se questionne précisément sur l’éloi-
gnement. Nous noterons d’ailleurs que la première phrase introduit un flot-
tement au sujet de cet éloignement : est-ce le ciel qui est éloigné ? Est-ce le
visage de sa mère ? L’auteur rompt le suspens en ajoutant : « Le ciel s’entend.
Le ciel d’azur », mais ce supplément ne fait que souligner le rapprochement
ébauché lors de la phrase précédente. Ciel et visage sont la figure d’un même
éloignement, figure dont les traits se diluent dans l’azur infini. Ainsi, le
garçon interroge l’Autre, mais la réponse reçue l’emporte au-delà de l’éloi-
gnement. Elle ne fait pas de lui l’être éloigné du ciel ou d’un visage, mais
l’être rejeté, l’expulsé, celui qu’aucune main ne retient.
3. Marie Jejcic a souligné l’écart entre la version biographique et le récit de Beckett (2011,
p. 49-74).
L’être assassiné
Derrière ces scènes où les corps chutent et les mains tombent, nous
voyons s’esquisser les traits de son rapport à l’Autre, rapport marqué par la
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
rudesse d’un dire qui l’accable, par l’absence d’accroche où s’assure un
soutien. Ici l’Autre apparaît dénué d’aspérités ou d’adhérences désirantes.
Dans sa correspondance, nous retrouvons la trace de ce détachement,
de cet extrême isolement. Dans une lettre à McGreevy, il écrit qu’il n’y a
« rien d’autre que la solitude », ajoutant ensuite : « Cette vie est terrible et je
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
Chez Beckett, cette douleur s’enlace au sentiment d’être mal né, senti-
ment d’être le fruit gâté de ce qu’il nomme « mon avortement raté 7 ». Dans
son œuvre, il revient avec insistance sur l’instant de la naissance, et chaque
fois il souligne son ratage, chaque fois il mentionne le défaut qui la vicie.
Ainsi, dans Malone meurt il livre un aperçu sur cette naissance en échec :
« Lumière à nouveau saturnienne, bien tassée, traversée de remous, se creu-
sant en entonnoirs profonds à fond clair, ou devrais-je dire l’air, lumière aspi-
rante. Tout est prêt. Sauf moi. Je nais dans la mort, si j’ose dire » (1951, p. 183).
Sous la lumière noire de Saturne, aucune vie ne voit le jour. Il ne s’agit
pas d’une mise au monde ouvrant vers la mort, mais d’une existence avortée.
« Sa naissance fut sa perte, écrit-il dans Solo, rictus de macchabée depuis »
(1986, p. 30), et dans L’innommable il donne suite à ce fiasco, celui d’un être
« venu au monde sans naître », et « sans vivre y demeurant » (1953, p. 100).
La naissance est sans cesse associée à la non-vie, au suspens d’un en deçà,
là où vie et mort ne sont pas séparées encore. Lors de ses entretiens avec
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
dence : « J’ai toujours eu la sensation qu’il y avait en moi un être assassiné.
Assassiné avant ma naissance » (Juliet, 1999, p. 15). Étrange sensation que
celle d’être habité d’un mort, de porter en soi un être assassiné ! Cette sensa-
tion souligne la prégnance d’une mort intime, d’une mort infiltrée en lui
depuis toujours. Ne serait-ce pas là l’indice d’une perturbation ressentie
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
« au joint le plus intime du sentiment de la vie » (Lacan, 1999, p. 36), per
turbation dont l’impression d’être « impossiblement vivant 8 » serait le
prolongement ?
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
durant il œuvra à son maintien, que jamais il ne lâcha la rampe où se soutient
le vivant. À ce niveau, il rappela souvent la valeur essentielle de l’écriture,
valeur d’une pratique qui, selon sa formule, lui permettait de respirer.
Afin d’interroger les ressorts de ce recours, nous rappellerons que
l’écriture est « un mode autre du parlant dans le langage » (Lacan, 2001,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
L’écart équivoque
Dans Molloy, Beckett écrit que « tout langage est écart de langage », défi-
nition lumineuse, qui comme telle rend patente la dimension d’équivoque
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
inhérente au langage. En effet, l’écart de langage est l’écart équivoque, celui
du renvoi d’un signifiant vers un autre, renvoi faisant qu’aucun signifiant
ne se suffit à lui-même. De son côté, Beckett a pu témoigner du poids des
paroles surmoïques, de dits réduisant son être à une chose univoque. Dans sa
pratique écrite, cet empire univoque est sapé dans ses fondements. À ce titre,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
10. La paire S1-S2 rend compte de la structure fondamentale de la chaîne signifiante, structure
d’un renvoi entre les signifiants. En effet, Lacan nous enseigne qu’un signifiant (un S1) se déter-
mine dans son rapport à un autre signifiant (un S2). L’organisation d’une chaîne signifiante
repose sur ce jeu de renvoi, sur cette dimension d’équivoque, où un S1 dépend de l’S2 qui le suit.
un travail sur la langue, travail sur les équivoques, sur le renvoi des mots.
L’écrivain nous indique ici l’envers d’un symbolique sclérosé, univoque et
mortifiant, l’envers d’un S1 s’imposant en pleine suffisance, comme cette
« parole inoubliable » qui l’avait pétrifié, ou ce nom réduisant son être à
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
l’immondice (« Odieux »). Le travail d’écriture résonne comme la tentative
d’insuffler l’équivoque, de produire un battement au cœur du langage, batte-
ment qu’avec Lacan nous situons dans le renvoi S1-S2. Ce recours à l’écart
traverse l’ensemble de son œuvre, et la progression de ses travaux laisse
entrevoir les diverses formes qu’il put prendre. À ce titre, nous relèverons
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
la valeur décisive d’une pratique apparaissant dans ses derniers écrits : l’art
du mal-dire.
Vers le mal-dire
11. S. Beckett, Mal vu mal dit, Paris, Les Éditions de Minuit, 1981, p. 14. Nous désignons les réfé-
rences à cet ouvrage par l’abréviation MVMD.
12. « Elle serait morte que cela n’aurait rien de choquant. Elle l’est bien sûr », ibid., p. 51.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
n’importe comment dits » (MVMD, p. 38). Cependant ce constat laisse place
à une pratique, celle du mal-dire, du « comment mal dire ? » (MVMD, p.20).
À rebours d’une mortelle coïncidence, le mal-dire travaille l’écart, la
faille entre le dit et ce qu’il y a à dire. Cet usage s’entend comme un deuil
en exercice, deuil de la perfection, de l’univocité, de la concordance sans
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
Cap au silence
Avec Cap au pire, Beckett pousse le mal-dire dans ses derniers retran-
chements. Comme le titre nous l’indique, il s’agit dans cet ouvrage de faire
cap, d’orienter un périple, mais cela sans l’appui d’aucune donnée géogra-
phique. Reprenant l’expression lancée près des navires en partance, l’auteur
introduit une discrète torsion de langue, où Westward Ho (« En route vers
l’Ouest ») évolue en Worstward Ho, annonçant ainsi la direction du pire, le
point de mire d’une virée visant à empirer. Ce mouvement s’engage d’un
usage du langage, où empirer revient à dire, à dire « mieux plus mal 13 ».
Dans cet écrit, l’auteur met à l’épreuve l’écart du mal dit. Au fil des
pages, cet écart est travaillé, amenuisé, rétréci. « Le dit est mal dit » (CP,
p. 38), mais loin de se repaître en cette retraite, l’auteur enjoint à mieux mal
dire, à « rater mieux » (CP, p. 8). Avec ce texte, nous n’avons plus de récit,
d’histoire racontée, mais seulement quelques bribes, quelques entités assimi-
lables à des souvenirs, à des images faites de mots. À chaque fois il s’agit
13. S. Beckett, Cap au pire, Paris, Les Éditions de Minuit, 1991, p. 41. Nous désignons les
références à cet ouvrage par l’abréviation CP.
de les mieux mal dire, de rétrécir la frange du dire, l’espace du mal dit.
Nous retrouvons par exemple l’évocation d’une femme agenouillée, ou d’un
vieil homme et d’un enfant se tenant par la main. Ces dits sont mal dits, et le
texte engage un mouvement progressif où il s’agit d’abord de les dire « plus
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
mal », avant de les dire « pis encore », de les rater mieux encore, jusqu’à
« plus mèche encore ». Ainsi, la figure du vieil homme et de l’enfant sera
mieux mal dite « deux troncs », puis « la paire », puis « deux ». Cependant,
même arrivé à l’épure du nombre, le dit demeure mal dit, même arrivé au
minime minimum de l’évocation, le dit confirme la nécessité d’un encore,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
d’un dire encore. Le bien dit faisant motus se révèle impossible. L’empirage
fait l’épreuve d’un sempiternel mal dit, d’un impérissable écart. Il atteste
d’un nécessaire « en plus », de l’un en plus, qui comme tel fait preuve de l’un
en moins, autrement dit d’un manque.
Avec Cap au pire, il ne s’agit plus seulement d’insérer des écarts, mais
de travailler leur résistance. Ce périple conduit en bordure du pire, en
bordure du néant que serait le bien dit, le dit sans reste à dire. Cependant, il
s’avère que « chaque fois que dit dit dit mal dit » (CP, p. 48), que chaque dit
génère une part qui comme telle lui échappe, que chaque dit produit un petit
reste faisant cause d’un encore, d’un dire encore.
Ainsi, les dits font l’indice d’une part indicible, d’une part silencieuse.
Dès sa « Lettre allemande », Beckett formulait le vœu de trouer le langage,
d’y faire béer des « abîmes insondables de silence ». Cap au pire est traversé
par ce singulier silence. Précisons qu’il ne s’agit en rien du silence autoritaire,
de celui qui s’impose lorsqu’un dit déploie sa prétention d’avoir tout dit.
Ce silence se situe au creux de l’Autre, comme l’ombre des dits, se glissant
entre eux sans ne jamais s’y confondre. Avec Lacan, nous en ferons une
modalité de l’objet (a), de cette entité dépendante du langage, mais irréduc-
tible au signifiant.
Vers la fin de sa vie, Beckett confiait à Deirdre Bair qu’il n’aurait pu
« traverser cet affreux et lamentable gâchis qu’est la vie sans laisser une tache
sur le silence » (Bair, 1979, p. 569). Cette tache ne s’entend pas seulement
comme l’indicatrice du silence. À l’égal du cri de Munch, elle est avant tout
ce qui le produit, ce qui le « provoque » (Lacan, 2000, leçon du 17 mars 1965).
La tache, c’est l’écriture œuvrant à détourer l’écart où peut s’immiscer le
silence, où peut s’infiltrer l’objet vivace, l’objet insaisissable, celui qui sans
cesse renouvelle le souffle du dire. Loin de faire taire, ce silence assure que
les dits ne feront pas cimetière, qu’à jamais ils manqueront du dernier mot.
Ainsi, Beckett sut parer aux effets d’asphyxie d’un symbolique mortifiant.
Il nous démontre que l’enjeu réside en un effort pour entamer la plénitude
de l’Autre, pour dégager l’espace d’un manque. Chez lui, ce travail opère
par l’écriture, par cette modalité de traitement de l’Autre qu’est l’écriture.
Nous présentant sa lecture de l’œuvre, Maurice Blanchot nous invitait à
« descendre dans cette région neutre où s’enfonce, désormais livré aux
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
mots, celui qui, pour écrire, est tombé dans l’absence de temps, là où il lui
faut mourir d’une mort sans fin » (1959, p. 294). Nous retrouvons dans cette
vision la passion de Blanchot pour le mythe d’Orphée, mais celle-ci ne doit
occulter la force de vie traversant l’œuvre de Beckett, force d’une écriture
visant à s’écarter d’une mort sans fin. Ses témoignages nous indiquent que
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
le sentiment de la vie put parfois lui faire défaut, mais ils révèlent aussi que
le recours à l’écrit fut sa manière propre d’y remédier. Évoluant en bordure
d’une extinction, Samuel Beckett œuvra sa vie durant à creuser des écarts, à
forer les failles faisant le foyer d’un feu persistant.
Bibliographie
Résumé
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
Dans les écrits de Beckett, le langage est malmené, érodé, troué. L’écriture relève ici
d’un traitement de la langue, traitement visant à y creuser ce qu’il nommait « des
abîmes insondables de silence ». Aussi, l’écrivain nous indique que les enjeux de
cette pratique ne sont pas seulement d’ordre esthétique. En effet, l’auteur disait écrire
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Louis Lumière Lyon 2 - - 159.84.143.22 - 01/07/2019 00h58. © ERES
« pour respirer », et nous tenterons de prendre la mesure du lien noué entre écriture
et fonction vitale. Beckett put témoigner de l’impression d’être « moins vif que mort »,
de ce qu’avec Lacan nous nommerons une perturbation « du sentiment de la vie », et
nous interrogerons en quoi l’écriture put permettre de remédier à cette perturbation,
en quoi son travail lui permit de parer au sentiment d’une extinction.
Mots-clés
Beckett, écriture, fonction vitale, silence.
Abstract
In Beckett’s work, language is mangled, eroded, perforated. Here, writing is a work
on language, a way to dig up what he called the “unfathomable abyss of silence”
within it. The writer tells us that his practice doesn’t only contain an aesthetic issue.
He said that writing was a way “to breathe”, and we will try to specify this link
between a practice and a vital function. Beckett talked about the feeling of being “less
alive than dead”, what we call, along with Jacques Lacan, a disturbance of the “sense
of life”, and we will try to determine how writing could be a means of treating this
disturbance, how his work could be a way of fighting the feeling of an extinction.
Keywords
Beckett, writing, vital function, silence.