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ÉCRITURE ET SENTIMENT DE LA VIE : L’ENSEIGNEMENT DE

SAMUEL BECKETT
Denys Gaudin

ERES | « Cliniques méditerranéennes »

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2018/2 n° 98 | pages 229 à 239
ISSN 0762-7491
ISBN 9782749261799
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Cliniques méditerranéennes, 98-2018

Denys Gaudin

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Écriture et sentiment de la vie :
l’enseignement de Samuel Beckett
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Lors de ses rencontres avec Charles Juliet, Beckett confia à ce dernier


qu’il écrivait « pour respirer » (Juliet, 1999, p. 43). Nous proposons de revenir
sur ce dire, de questionner le lien noué entre écriture et fonction vitale. Dans
ses œuvres et sa correspondance, Beckett a souvent témoigné du sentiment
d’être « moins vif que mort 1 », ou de l’impression de n’être tout au plus que
« simili-vivant 2 ». Ce sentiment fait l’indice d’une singularité, et nous essaie-
rons dans un premier temps d’en cerner les coordonnées. Aussi, suivant les
pas de l’écrivain, nous interrogerons en quoi le recours à l’écriture permit de
parer à l’impression d’une extinction, en quoi cette pratique fit remède au
sentiment d’un étouffement.

Les sentences assassines

Dans Compagnie, Beckett développe quelques instantanés de son histoire


personnelle. Deux d’entre eux ont particulièrement retenu notre attention.
Le premier est celui où il évoque une tendance à se jeter dans le vide.
Dans sa biographie, James Knowlson fait mention d’une pratique qu’avait
le jeune Beckett, pratique consistant à sauter depuis la cime des sapins du
jardin familial. Le biographe dresse le portrait d’un enfant « intrépide […]
confiant dans l’idée que les branches basses amortiraient sa chute au sol »
(Knowlson, 2007, p. 61). Cependant, la lecture de Compagnie diffuse une

Denys Gaudin, psychologue clinicien, docteur en psychologie, 26B boulevard John Fitzgerald Kennedy,
F-66100 Perpignan, denys.gaudin@orange.fr
1. Lettre à Maurice Nadeau du 19 octobre 1954 (Beckett, 2016, p. 501).
2. Lettre à Jérôme Lindon du 20 janvier 1954 (Beckett, 2016, p. 447).

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impression d’un tout autre ordre 3. Voici le passage en question : « Tu es


seul dans le jardin. Ta mère est dans la cuisine se préparant au goûter avec
Madame Coote […] Ta mère lui répond en disant : “Il joue dans le jardin”.
Tu grimpes jusqu’au sommet d’un grand sapin. Tu restes là-haut à l’écoute

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de tous les bruits. Puis tu te jettes en bas. Les grandes branches brisent ta
chute. Les aiguilles. Tu restes un moment face contre terre. Puis regrimpes
sur l’arbre. Ta mère répond à Madame Coote en disant : “Il a été odieux.” »
(Beckett, 1985, p. 27-28).
Dans le récit qu’en fait Beckett, nous n’entendons pas la bravade du
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« casse-cou » (Knowlson, 2007, p. 61), mais le laisser tomber d’un sujet que rien
ne retient, la chute d’un corps que seules les branches freinent. Ici s’évoque
l’absence d’accroche à l’Autre, nommément l’Autre maternel, qui précisé-
ment plombe sa chute de sa sentence : « Il a été odieux. » Aucune retenue n’a
cours, aucun secours n’accourt. Ce qui survient serait plutôt la validation
de son être de déchet, de son être odieux.
Dans ce même ouvrage, un second passage dévoile un peu plus cette
rudesse. Il s’agit d’une scène où le garçon marche en silence aux côtés de
sa mère : « Levant les yeux au ciel d’azur et ensuite au visage de ta mère tu
romps le silence en lui demandant s’il n’est pas en réalité beaucoup plus
éloigné qu’il n’en a l’air. Le ciel s’entend. Le ciel d’azur. Ne recevant pas de
réponse tu reformules mentalement ta question et une centaine de pas plus
loin lèves à nouveau les yeux à son visage et lui demandes s’il n’a pas l’air
beaucoup moins éloigné qu’il ne l’est en réalité. Pour une raison que tu n’as
jamais pu t’expliquer cette question dut l’exaspérer. Car elle envoya valser
ta petite main et te fit une réponse blessante inoubliable » (Beckett, 1985,
p. 12-13).
Cuisant souvenir d’une blessure assénée sans raison, d’une parole venue
rompre le lien ténu des mains serrées, laissant celle du garçon valser en
solitaire.
Dans cette scène, le petit homme se questionne précisément sur l’éloi-
gnement. Nous noterons d’ailleurs que la première phrase introduit un flot-
tement au sujet de cet éloignement : est-ce le ciel qui est éloigné ? Est-ce le
visage de sa mère ? L’auteur rompt le suspens en ajoutant : « Le ciel s’entend.
Le ciel d’azur », mais ce supplément ne fait que souligner le rapprochement
ébauché lors de la phrase précédente. Ciel et visage sont la figure d’un même
éloignement, figure dont les traits se diluent dans l’azur infini. Ainsi, le
garçon interroge l’Autre, mais la réponse reçue l’emporte au-delà de l’éloi-
gnement. Elle ne fait pas de lui l’être éloigné du ciel ou d’un visage, mais
l’être rejeté, l’expulsé, celui qu’aucune main ne retient.

3. Marie Jejcic a souligné l’écart entre la version biographique et le récit de Beckett (2011,
p. 49-74).

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L’être assassiné

Derrière ces scènes où les corps chutent et les mains tombent, nous
voyons s’esquisser les traits de son rapport à l’Autre, rapport marqué par la

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rudesse d’un dire qui l’accable, par l’absence d’accroche où s’assure un
soutien. Ici l’Autre apparaît dénué d’aspérités ou d’adhérences désirantes.
Dans sa correspondance, nous retrouvons la trace de ce détachement,
de cet extrême isolement. Dans une lettre à McGreevy, il écrit qu’il n’y a
« rien d’autre que la solitude », ajoutant ensuite : « Cette vie est terrible et je
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ne sais pas comment on peut l’endurer 4. » Souvent ces missives assombries


se doublent d’un discours où vibrent les échos d’un surmoi déchaîné :
« Je me sens minable, sordide et incapable au-delà de toute description 5 »
écrit-il en 1935. « Sans volonté dans un tumulte gris d’idées obscures »,
il évoque « une plénitude d’autoesthésie mentale qui est totalement inutile 6 ».
À cette époque il fuit le foyer familial, se rend en Allemagne, en France,
s’abreuve des tableaux qu’il souhaitait tant contempler, commence à côtoyer
d’illustres personnages, comme Joyce (qui, fait assez rare pour être souligné,
formulera quelques compliments sur son compatriote), mais rien de cela ne
vient dissiper le tumulte gris d’idées obscures, rien ne vient écarter cette tris-
tesse informe qu’avec Lacan nous nommerons « douleur d’exister » (Lacan,
1999, p. 255).

Chez Beckett, cette douleur s’enlace au sentiment d’être mal né, senti-
ment d’être le fruit gâté de ce qu’il nomme « mon avortement raté 7 ». Dans
son œuvre, il revient avec insistance sur l’instant de la naissance, et chaque
fois il souligne son ratage, chaque fois il mentionne le défaut qui la vicie.
Ainsi, dans Malone meurt il livre un aperçu sur cette naissance en échec :
« Lumière à nouveau saturnienne, bien tassée, traversée de remous, se creu-
sant en entonnoirs profonds à fond clair, ou devrais-je dire l’air, lumière aspi-
rante. Tout est prêt. Sauf moi. Je nais dans la mort, si j’ose dire » (1951, p. 183).
Sous la lumière noire de Saturne, aucune vie ne voit le jour. Il ne s’agit
pas d’une mise au monde ouvrant vers la mort, mais d’une existence avortée.
« Sa naissance fut sa perte, écrit-il dans Solo, rictus de macchabée depuis »
(1986, p. 30), et dans L’innommable il donne suite à ce fiasco, celui d’un être
« venu au monde sans naître », et « sans vivre y demeurant » (1953, p. 100).
La naissance est sans cesse associée à la non-vie, au suspens d’un en deçà,
là où vie et mort ne sont pas séparées encore. Lors de ses entretiens avec

4. Lettre à Thomas McGreevy du 5 octobre 1930 (Beckett, 2014, p. 138-139).


5. Lettre à Thomas McGreevy du 8 février 1935 (Beckett, 2014, p. 314).
6. Lettre à Mary Manning Howe du 30 août 1937 (Beckett, 2014, p. 590).
7. Lettre à Arland Ussher du 28 décembre 1938 (Beckett, 2014, p. 684).

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Charles Juliet, il revint sur l’instant où il entendit Jung parler d’une de


ses patientes, avançant que cette dernière n’était jamais née. Il confia que
lui-même partageait ce sentiment de non-naissance, cette impression d’un
souffle étouffé dans l’œuf. À ce titre, il livra à Juliet cette étonnante confi-

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dence : « J’ai toujours eu la sensation qu’il y avait en moi un être assassiné.
Assassiné avant ma naissance » (Juliet, 1999, p. 15). Étrange sensation que
celle d’être habité d’un mort, de porter en soi un être assassiné ! Cette sensa-
tion souligne la prégnance d’une mort intime, d’une mort infiltrée en lui
depuis toujours. Ne serait-ce pas là l’indice d’une perturbation ressentie
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« au joint le plus intime du sentiment de la vie » (Lacan, 1999, p. 36), per­­
turbation dont l’impression d’être « impossiblement vivant 8 » serait le
prolongement ?

Jacques Lacan nous enseigne que le sentiment de la vie dépend de


coordonnées langagières, qu’il relève avant tout du rapport à l’Autre.
Précisant ces aspects, il put parler d’une « mort [qui] porte la vie »
(ibid., p. 290). Cette expression désigne en premier lieu l’effet létal du symbo-
lique, le fait que le symbole est « meurtre de la chose » (Lacan, 1966, p. 317),
qu’il est avant tout ce qui tue. En tant qu’il dépend du signifiant, le sujet
émerge comme sujet mort, comme sujet mortifié. Cependant, cette mort au
symbolique offre aussi l’occasion d’apporter la vie, elle peut faire support
au sentiment de la vie. Pour que le pas s’opère, il est nécessaire que le sujet
décomplète l’Autre, qu’il repère l’espace d’un manque. Lacan souligne la
fonction déterminante de ce manque, de cette lacune ébréchant la plénitude
de l’Autre. En effet, lorsque le manque est institué, le désir peut s’infiltrer,
irrigant tout autant l’Autre que le sujet. Ce désir est au principe de l’élan
vital, de cette vie qu’apporte le symbolique. Reprenant ces éléments, Lacan
nous enseigne que le manque dans l’Autre est le lieu où le sujet logera le dit
« objet (a) », soit la figure de l’objet perdu, situé à la fois comme « cause du
désir » et comme « objet plus-de-jouir » (Lacan, 1999, p. 324). Autrement dit,
cet objet logé au lieu du manque se décline à la fois comme le générateur de
l’élan vital et comme l’élément essentiel à l’éprouvé du vivant.
Ainsi, le manque est condition d’une naissance du sujet, de sa nais-
sance au désir. Lorsque qu’il n’entre pas en fonction, nous avons ce que
Lacan nomme Φ0, soit le « rictus de macchabée » d’un sujet mort-né, d’un
sujet n’ayant pu naître au désir. Les témoignages de Beckett nous invitent
à considérer qu’il fut touché par cette asphyxie. Chez lui, ce « meurtre
d’âme » (Schreber, 1975, p. 35) se traduit par la sensation d’une mort intime
ou par l’impression d’être « moins vif que mort ».

8. Lettre à Georges Duthuit du 26 mai 1949 (Beckett, 2016, p. 225).

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Écriture et sentiment de la vie : l’enseignement de Samuel Beckett 233

Écriture et traitement de l’autre

Chez Beckett, le rapport à l’Autre se dessine sous son versant mortifère,


celui d’un étouffement, d’un assassinat. Cependant, nous noterons que sa vie

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durant il œuvra à son maintien, que jamais il ne lâcha la rampe où se soutient
le vivant. À ce niveau, il rappela souvent la valeur essentielle de l’écriture,
valeur d’une pratique qui, selon sa formule, lui permettait de respirer.
Afin d’interroger les ressorts de ce recours, nous rappellerons que
l’écriture est « un mode autre du parlant dans le langage » (Lacan, 2001,
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p. 504), qu’elle relève d’une mise en jeu du rapport à l’Autre. Pour en


prendre la mesure, nous reviendrons sur les indications laissées lors de sa
« Lettre allemande ». Dans ce document daté de 1937, soit bien avant que
la renommée ne le toise, il annonce la visée de son travail. Il formule
alors le vœu de « malmener » le langage, d’y « forer un trou après l’autre
jusqu’à ce que ce qui est tapi derrière lui, que ce soit quelque chose ou
rien, commence à suinter ». « Je ne peux imaginer de but plus élevé pour
un écrivain aujourd’hui », poursuit-il. Adepte d’une pratique aiguisée de la
lettre, il émet le souhait de dissoudre « la matérialité terriblement arbitraire
des mots », et par là même de creuser des « abîmes insondables de silence »
(Beckett, 2007, p. 15). À cette même époque, il confie à Mary Manning son
attrait pour « une écriture déchirée, de sorte que le vide puisse déborder,
comme une hernie 9 ». Pour lui, l’écriture ne sert donc pas à transmettre, à
témoigner ou à se faire un nom. À l’inverse de Joyce, il put avancer qu’être
publié n’était pas important, que la promotion de son nom n’était pas son
ambition. D’ailleurs, la renommée s’apparentait pour lui à la malédiction, et
le fait d’être suivi ou étudié le chargeait d’un embarras des plus pesants
(sa lassitude face aux questions sur Godot prouve à quel point il ne partageait
pas le goût de Joyce pour la mise en énigme de ses congénères). Pour Beckett,
l’écriture relève avant tout d’un traitement de la langue, traitement empreint
d’une urgence vitale, où il s’agit de forer pour respirer, d’œuvrer pour
persister. Nous considérons qu’ici l’écriture est tentative de trouer l’Autre, de
malmener sa suffisance. Sur un plan formel, cet effort se traduit par l’inser-
tion d’écarts au sein du langage. Cet art de l’écart fut relevé par les lecteurs
et les commentateurs, notamment Bruno Clément (1994), qui sut mettre en
valeur ses diverses manifestations. De notre côté, nous considérons que les
enjeux de cette pratique outrepassent largement la question d’un parti pris
esthétique. Nous essayerons ci-dessous de rendre compte des implications
vitales qu’elle recèle.

9. Lettre à Mary Manning Howe du 11 juillet 1937 (Beckett, 2014, p. 566).

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L’écart équivoque

Dans Molloy, Beckett écrit que « tout langage est écart de langage », défi-
nition lumineuse, qui comme telle rend patente la dimension d’équivoque

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inhérente au langage. En effet, l’écart de langage est l’écart équivoque, celui
du renvoi d’un signifiant vers un autre, renvoi faisant qu’aucun signifiant
ne se suffit à lui-même. De son côté, Beckett a pu témoigner du poids des
paroles surmoïques, de dits réduisant son être à une chose univoque. Dans sa
pratique écrite, cet empire univoque est sapé dans ses fondements. À ce titre,
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la première réplique d’Hamm, dans Fin de Partie, permet de rendre compte


de ce traitement langagier, de cet effort d’insertion d’écarts équivoques.
En effet, alors qu’Hamm trône au centre de la pièce, sortant d’un état resté
jusqu’alors indéterminé entre vie et trépas, entre l’immobilité du sommeil et
la rigidité cadavérique, il lance sa tirade :
« A – (bâillement) – à moi. (Un temps). De jouer » (1957, p. 16).
Les didascalies rendent visible la mécanique d’insertion d’écarts. La phrase
s’initie d’un « A », d’une vocalise située en bordure du langage, d’une jacula-
tion dont la modulation finira par évoquer un bâillement, soit une manifesta-
tion du corps sonore. Cependant, se prolongeant, ce « A » devient « à moi »,
il s’articule et prend forme signifiante, laissant une phrase qui, de manière
isolée, n’est pas sans évoquer l’appel au secours. Ainsi, le repli sans adresse
laisse place à l’appel. Ce dernier s’indique à la fois par sa forme, puisqu’il
y a appel aux signifiants de l’Autre, et par son fond, car la phrase évoque
la détresse. Dans ce passage, nous repérons déjà le jeu d’un renvoi, d’un
retournement, où l’ajout d’un second signifiant entraîne ses remaniements.
Ce mouvement se poursuit par l’entremise des mots ajoutés : « De jouer ».
Ce faisant, ce sont les mots « à moi » qui désormais s’offrent à une autre
lecture. Le point de capiton opère un saut supplémentaire, entraînant
avec lui ses mutations. « À moi » prend valeur d’un segment dérouté, d’un
S1 dévoyé par l’S2 survenu 10. Nous noterons qu’avec l’adjonction de « de
jouer », il ne s’agit plus d’un appel au secours mais d’une affirmation, d’un
dit où pointe une note d’ironie, celle du jeu, de l’aire où l’Autre est moins
la figure du recours que celle de l’adversaire, précisément celui qu’il faut
déjouer. « À moi de jouer » pourrait s’entendre comme le dire proféré à
la plume de Beckett, dire initiant la partie à jouer avec le langage, avec cet
Autre qu’il faut malmener, qu’il faut trouer. La tirade d’Hamm rend patent

10. La paire S1-S2 rend compte de la structure fondamentale de la chaîne signifiante, structure
d’un renvoi entre les signifiants. En effet, Lacan nous enseigne qu’un signifiant (un S1) se déter-
mine dans son rapport à un autre signifiant (un S2). L’organisation d’une chaîne signifiante
repose sur ce jeu de renvoi, sur cette dimension d’équivoque, où un S1 dépend de l’S2 qui le suit.

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Écriture et sentiment de la vie : l’enseignement de Samuel Beckett 235

un travail sur la langue, travail sur les équivoques, sur le renvoi des mots.
L’écrivain nous indique ici l’envers d’un symbolique sclérosé, univoque et
mortifiant, l’envers d’un S1 s’imposant en pleine suffisance, comme cette
« parole inoubliable » qui l’avait pétrifié, ou ce nom réduisant son être à

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l’immondice (« Odieux »). Le travail d’écriture résonne comme la tentative
d’insuffler l’équivoque, de produire un battement au cœur du langage, batte-
ment qu’avec Lacan nous situons dans le renvoi S1-S2. Ce recours à l’écart
traverse l’ensemble de son œuvre, et la progression de ses travaux laisse
entrevoir les diverses formes qu’il put prendre. À ce titre, nous relèverons
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la valeur décisive d’une pratique apparaissant dans ses derniers écrits : l’art
du mal-dire.

Vers le mal-dire

Initié avec Mal vu mal dit, ce mouvement implique un ratage, nommé-


ment l’échec du dit qui dirait pleinement. Le mal-dire peut s’entendre
comme le deuil du bien dit, le deuil d’un dit suffisant, d’un dit sans reste à
dire.
La fonction décisive d’un deuil n’avait pas échappé à Samuel Beckett.
Aussi, Mal vu mal dit se présente comme un écrit sur le deuil, comme un
récit où sont explorées ses diverses modalités. Comme Cécile Yapaudjian-
Labat nous l’indique, le texte organise une « chaîne de deuils » où ceux-ci « se
superposent » (2012, p. 113). Au niveau de l’histoire racontée, nous avons tout
d’abord la version du deuil impossible. Nous y voyons une vieille femme
postée à sa fenêtre, l’œil vissé sur une tombe qui « l’attire 11 ». Dans une
répétition dénuée de scansion, elle se rend au lieu du mort, s’en va rejoindre
la pierre tombale, « là comme en pierre elle aussi » (MVMD, p. 14). Auprès
de la stèle elle se confond au minéral, auprès de son ombre elle disparaît, ne
devenant elle-même plus qu’une ombre. « Les deux ombres se ressemblent
à s’y méprendre » (MVMD, p. 56), elles sombrent dans l’indistinction,
s’enlacent en noces funèbres, et dès lors font tableau pour une formule
freudienne de la mélancolie. Tombée sous l’ombre de l’objet perdu, la vieille
femme le rejoint dans la mort 12. Ainsi s’illustre le tranchant mortel d’une
indistinction, d’une parfaite coïncidence.
Cette histoire est racontée depuis le point de vue d’un narrateur. Ce dernier
intervient dans le texte, marquant ses hésitations, son empressement ou
ses mises en garde (« Du calme », « attention »). Il se signale surtout pour
indiquer un défaut de coïncidence, défaut s’immisçant entre ce qu’il voit et

11. S. Beckett, Mal vu mal dit, Paris, Les Éditions de Minuit, 1981, p. 14. Nous désignons les réfé-
rences à cet ouvrage par l’abréviation MVMD.
12. « Elle serait morte que cela n’aurait rien de choquant. Elle l’est bien sûr », ibid., p. 51.

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ce qu’il y a à voir, entre ce qu’il dit et ce qu’il y a à dire. Parfois « l’image


s’embue » (MVMD, p. 40), et il ne parvient à décrire correctement, à dire avec
exactitude. Dans les premiers temps il s’en agace : « À force de – faillite à
force de faillite la folie s’en mêle. À force de débris. Vus n’importe comment

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n’importe comment dits » (MVMD, p. 38). Cependant ce constat laisse place
à une pratique, celle du mal-dire, du « comment mal dire ? » (MVMD, p.20).
À rebours d’une mortelle coïncidence, le mal-dire travaille l’écart, la
faille entre le dit et ce qu’il y a à dire. Cet usage s’entend comme un deuil
en exercice, deuil de la perfection, de l’univocité, de la concordance sans
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reste. Pour le narrateur, ce deuil est manifestement difficile à supporter, et


plusieurs fois nous le voyons tenté par l’appât du dernier mot, par le mirage
d’un dit fermant l’espace du mal dit. Ces passages mettent en valeur la
jonction beckettienne entre le dit et la mort, entre le bien dit et l’anéantis-
sement. « Qu’elle disparaisse » implore-t-il, appelant de ses vœux un dit
venant résoudre la chose à dire. « Que noir. Vide. Rien d’autre » poursuit-il,
« Contempler cela. Plus un mot. Rendu enfin. Du calme » (MVMD, p. 38).
L’idéal du dit serait le « plus un mot », le néant, le rien sans reste à dire.
Chez Beckett, le bien dit se déleste de ses apparats esthétiques. Il se révèle
ici comme liquidateur, comme agent d’une dissolution. Cependant, dans
Mal vu mal dit, la tension du mal-dire demeure. Elle est maintenue au niveau
de l’écriture, par l’entremise d’une pratique mettant en jeu l’espace d’un
manque, l’espace béant du mot juste, du mot qui ferait motus.

Cap au silence

Avec Cap au pire, Beckett pousse le mal-dire dans ses derniers retran-
chements. Comme le titre nous l’indique, il s’agit dans cet ouvrage de faire
cap, d’orienter un périple, mais cela sans l’appui d’aucune donnée géogra-
phique. Reprenant l’expression lancée près des navires en partance, l’auteur
introduit une discrète torsion de langue, où Westward Ho (« En route vers
l’Ouest ») évolue en Worstward Ho, annonçant ainsi la direction du pire, le
point de mire d’une virée visant à empirer. Ce mouvement s’engage d’un
usage du langage, où empirer revient à dire, à dire « mieux plus mal 13 ».
Dans cet écrit, l’auteur met à l’épreuve l’écart du mal dit. Au fil des
pages, cet écart est travaillé, amenuisé, rétréci. « Le dit est mal dit » (CP,
p. 38), mais loin de se repaître en cette retraite, l’auteur enjoint à mieux mal
dire, à « rater mieux » (CP, p. 8). Avec ce texte, nous n’avons plus de récit,
d’histoire racontée, mais seulement quelques bribes, quelques entités assimi-
lables à des souvenirs, à des images faites de mots. À chaque fois il s’agit

13. S. Beckett, Cap au pire, Paris, Les Éditions de Minuit, 1991, p. 41. Nous désignons les
références à cet ouvrage par l’abréviation CP.

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de les mieux mal dire, de rétrécir la frange du dire, l’espace du mal dit.
Nous retrouvons par exemple l’évocation d’une femme agenouillée, ou d’un
vieil homme et d’un enfant se tenant par la main. Ces dits sont mal dits, et le
texte engage un mouvement progressif où il s’agit d’abord de les dire « plus

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mal », avant de les dire « pis encore », de les rater mieux encore, jusqu’à
« plus mèche encore ». Ainsi, la figure du vieil homme et de l’enfant sera
mieux mal dite « deux troncs », puis « la paire », puis « deux ». Cependant,
même arrivé à l’épure du nombre, le dit demeure mal dit, même arrivé au
minime minimum de l’évocation, le dit confirme la nécessité d’un encore,
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d’un dire encore. Le bien dit faisant motus se révèle impossible. L’empirage
fait l’épreuve d’un sempiternel mal dit, d’un impérissable écart. Il atteste
d’un nécessaire « en plus », de l’un en plus, qui comme tel fait preuve de l’un
en moins, autrement dit d’un manque.
Avec Cap au pire, il ne s’agit plus seulement d’insérer des écarts, mais
de travailler leur résistance. Ce périple conduit en bordure du pire, en
bordure du néant que serait le bien dit, le dit sans reste à dire. Cependant, il
s’avère que « chaque fois que dit dit dit mal dit » (CP, p. 48), que chaque dit
génère une part qui comme telle lui échappe, que chaque dit produit un petit
reste faisant cause d’un encore, d’un dire encore.
Ainsi, les dits font l’indice d’une part indicible, d’une part silencieuse.
Dès sa « Lettre allemande », Beckett formulait le vœu de trouer le langage,
d’y faire béer des « abîmes insondables de silence ». Cap au pire est traversé
par ce singulier silence. Précisons qu’il ne s’agit en rien du silence autoritaire,
de celui qui s’impose lorsqu’un dit déploie sa prétention d’avoir tout dit.
Ce silence se situe au creux de l’Autre, comme l’ombre des dits, se glissant
entre eux sans ne jamais s’y confondre. Avec Lacan, nous en ferons une
modalité de l’objet (a), de cette entité dépendante du langage, mais irréduc-
tible au signifiant.
Vers la fin de sa vie, Beckett confiait à Deirdre Bair qu’il n’aurait pu
« traverser cet affreux et lamentable gâchis qu’est la vie sans laisser une tache
sur le silence » (Bair, 1979, p. 569). Cette tache ne s’entend pas seulement
comme l’indicatrice du silence. À l’égal du cri de Munch, elle est avant tout
ce qui le produit, ce qui le « provoque » (Lacan, 2000, leçon du 17 mars 1965).
La tache, c’est l’écriture œuvrant à détourer l’écart où peut s’immiscer le
silence, où peut s’infiltrer l’objet vivace, l’objet insaisissable, celui qui sans
cesse renouvelle le souffle du dire. Loin de faire taire, ce silence assure que
les dits ne feront pas cimetière, qu’à jamais ils manqueront du dernier mot.

Ainsi, Beckett sut parer aux effets d’asphyxie d’un symbolique mortifiant.
Il nous démontre que l’enjeu réside en un effort pour entamer la plénitude

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de l’Autre, pour dégager l’espace d’un manque. Chez lui, ce travail opère
par l’écriture, par cette modalité de traitement de l’Autre qu’est l’écriture.
Nous présentant sa lecture de l’œuvre, Maurice Blanchot nous invitait à
« descendre dans cette région neutre où s’enfonce, désormais livré aux

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mots, celui qui, pour écrire, est tombé dans l’absence de temps, là où il lui
faut mourir d’une mort sans fin » (1959, p. 294). Nous retrouvons dans cette
vision la passion de Blanchot pour le mythe d’Orphée, mais celle-ci ne doit
occulter la force de vie traversant l’œuvre de Beckett, force d’une écriture
visant à s’écarter d’une mort sans fin. Ses témoignages nous indiquent que
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le sentiment de la vie put parfois lui faire défaut, mais ils révèlent aussi que
le recours à l’écrit fut sa manière propre d’y remédier. Évoluant en bordure
d’une extinction, Samuel Beckett œuvra sa vie durant à creuser des écarts, à
forer les failles faisant le foyer d’un feu persistant.

Bibliographie

Bair, D. 1979. Samuel Beckett, Paris, Fayard.


Beckett, S. 1951. Malone meurt, Paris, Les Éditions de Minuit, 2004.
Beckett, S. 1953. L’innommable, Paris, Les Éditions de Minuit, 2004.
Beckett, S. 1957. Fin de partie, Paris, Les Éditions de Minuit.
Beckett, S. 1981. Mal vu mal dit, Paris, Les Éditions de Minuit.
Beckett, S. 1985. Compagnie, Paris, Les Éditions de Minuit.
Beckett, S. 1986. Solo, dans Catastrophe et autres dramaticules, Paris, Les Éditions de
Minuit.
Beckett, S. 1991. Cap au pire, Paris, Les Éditions de Minuit.
Beckett, S. 2007. « Lettre à Axel Kaun du 9 juillet 1937 », dans Objet Beckett, Paris,
Imec éditeur, p. 14-16.
Beckett, S. 2014. Lettres, t. I, 1929-1940, Paris, Gallimard.
Beckett, S. 2016. Les années Godot, Lettres, t. II, 1941-1956, Paris, Gallimard.
Blanchot, M. 1959. Le livre à venir, Paris, Gallimard, 2003.
Clément, B. 1994. L’œuvre sans qualités. Rhétorique de Samuel Beckett, Paris, Le Seuil.
Jejcic, M. 2011. « La lettre, l’hystérectomie et la truelle ou Pourquoi la lettre féminise-
t-elle celui qui la possède ? Une lecture de Samuel Beckett », Cliniques méditer-
ranéennes, n° 84, p. 59-74.
Juliet, C. 1999. Rencontres avec Samuel Beckett, Paris, P.O.L.
Knowlson, J. 2007. Beckett, Arles, Actes Sud.
Lacan, J. 1966. Écrits, Paris, Le Seuil.
Lacan, J. 1999. Écrits II, Paris, Le Seuil.
Lacan, J. 2001. Autres écrits, Paris, Le Seuil.
Lacan, J. 2000. Le Séminaire, Livre XII (1964-1965), Problèmes cruciaux pour la psycha-
nalyse, Paris, Éditions de l’ALI.
Schreber, D.P. 1975. Mémoires d’un névropathe, Paris, Le Seuil.

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Yapaudjian-Labat, C. 2012. « Mal vu mal dit, traces de l’absence et Cap au pire »,


L’esthétique de la trace chez Samuel Beckett, Presses universitaires de Rennes,
p. 113-123.

Résumé

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Dans les écrits de Beckett, le langage est malmené, érodé, troué. L’écriture relève ici
d’un traitement de la langue, traitement visant à y creuser ce qu’il nommait « des
abîmes insondables de silence ». Aussi, l’écrivain nous indique que les enjeux de
cette pratique ne sont pas seulement d’ordre esthétique. En effet, l’auteur disait écrire
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« pour respirer », et nous tenterons de prendre la mesure du lien noué entre écriture
et fonction vitale. Beckett put témoigner de l’impression d’être « moins vif que mort »,
de ce qu’avec Lacan nous nommerons une perturbation « du sentiment de la vie », et
nous interrogerons en quoi l’écriture put permettre de remédier à cette perturbation,
en quoi son travail lui permit de parer au sentiment d’une extinction.

Mots-clés
Beckett, écriture, fonction vitale, silence.

Writing and sense of life: What we learn from Beckett’s work

Abstract
In Beckett’s work, language is mangled, eroded, perforated. Here, writing is a work
on language, a way to dig up what he called the “unfathomable abyss of silence”
within it. The writer tells us that his practice doesn’t only contain an aesthetic issue.
He said that writing was a way “to breathe”, and we will try to specify this link
between a practice and a vital function. Beckett talked about the feeling of being “less
alive than dead”, what we call, along with Jacques Lacan, a disturbance of the “sense
of life”, and we will try to determine how writing could be a means of treating this
disturbance, how his work could be a way of fighting the feeling of an extinction.

Keywords
Beckett, writing, vital function, silence.

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