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Critique: SUR L'AFFAIRE HUMAINE (de Luc

Dardenne)
JOSÉ FONTAINE
1 juillet, 2012

Luc Dardenne, cinéaste et philosophe dans un essai important

Luc Dardenne 1 a écrit ce livre presque sans notes et sans jargon. Comme
Bergson. Habermas et Ferry en noircissent leurs livres. Mais les livres simples vous
donnent le sentiment de comprendre tout. Arrivé au bout, il faut les relire puis, relecture
faite, les relire encore, les re-re-lire... Sur l'affaire humaine 2 est de cette espèce. Il
aborde la question de notre peur de mourir et d'y échapper sans foi en Dieu ni en la vie
éternelle. Le livre se divise en 12 brefs chapitres simplement numérotés en chiffres
romains.
La peur de mourir depuis que Dieu est mort (I, II, III)
Nietzsche en proclamant que Dieu était mort a donné une telle consistance à
l'événement que certaine pensée « ne pouvant accepter la découverte de notre mort
amputée de Dieu » (p.14), « avait choisi de déifier cette mort », comme peut-être Ernst
Jünger 3. Chez d’autres le courage d'aller à la mort est le « masque d'un deuil
impossible » (p.15). L'éternité autrefois « procurée par Dieu » (p.18) est trop souvent
recyclée dans d'autres formes d’éternité sociales, nationales, raciales, scientistes. Ou
bien on brise le temps en mille morceaux. Toujours pas de deuil. Les illusions religieuses
ou idéologiques sont la « réalisation d'un désir de très grande puissance (...) de posséder
absolument le temps, de ne plus être limité par lui. » (p.22) Toujours pas de deuil. Il y a
aussi cette « (folle ?) certitude qu'une part de moi échappe au temps, à la mort » (p. 25),
éprouvée par l'auteur en face d'un tableau de Luc Tuymans « montrant une tête
d'enfant aux yeux clos protégés d'or et absolument isolée du monde » (p.26), la monade,
la bulle. Ce n'est pas encore le deuil.

Naître en effet, c'est sortir de la bulle utérine, devoir tellement vivre la peur de mourir
que l'on ne cesse de se retourner vers elle, attitude provoquée par l'inadaptation du
petit d'homme. Toujours « prématuré » : s'il arrivait vraiment « chez lui » en naissant, il
désirerait simplement sa vie « il ne s'enfermerait pas dans une nouvelle bulle. » (p.33)
Mais il veut rejeter le monde extérieur, autrui. Chose irréalisable déjà pour la simple
raison qu'il faut se nourrir. Ce rejet est aussi celui du temps, du corps, de la relation à
l'autre, du temps « linéaire et sagittal » (p.35), le temps qui donne réalité à ce que (par
opposition à la « bulle ») nous sommes, soit liés à la peur de mourir, car « ce qui n'est
pas n'a pas peur de ne plus être. » (p.36) Les animaux ignorant le temps, ignorent qu'ils
vont mourir. Les dieux grecs ignorant aussi le temps, mais au sens fort, car il ne les ronge
pas, possèdent cette sorte d'éternité du divin dont les succédanés sont « l'eschatologie,
la résurrection » (p.37). On veut sortir de cette insupportable peur de mourir en aspirant
à l'éternité, autre forme de mort, non celle dans la vie, mais celle « où l'on n'est jamais
né, où l'on ne meurt jamais » (p.39). L'être humain séparé des autres sécrète son
« indivision imaginaire. L'indivision est fille de la peur de mourir (bulle imaginaire des
religions où les mortels purent fuir leur mortalité) ... » (p. 40).

« L'angoisse de la mort est un état qui atteste le devancement de l'instant de la mort,


mais il ignore l'instant de la peur de mourir, il ne peut s'égaler à lui, il ne peut l'annuler.
La flèche de Zénon n'atteint jamais cette cible. » (p.51) Et dans une époque de sécurité
comme la nôtre, nous vivons le « paradoxe d'une peur de mourir comme imminence
permanente. » Elle n'atteint pas le nouveau-né qui est tout « non pas un tout à côté ou
face à un autre tout mais un tout occupant tout et totalement occupé, sans extérieur et
sans intérieur, sans autre et sans limite. » (p.55) L'euthanasie surmonte la peur de la
mort à cause de celle de la souffrance, mais c'est exceptionnel : le supplice de la
baignoire (de la « noyade simulée »), qui ne nous laisse plus aucun délai face à la mort,
est probablement la souffrance la plus insupportable.
Le Bien nous a aimés le premier (IV)
L'être vivant à sa naissance doit sortir de sa bulle « pour venir réellement au monde, à
la relation à l'autre, au temps, à la vie et à la mort. » (p.61) Mais cette relation au temps
et à l'autre, inséparables l'un de l'autre, est également inséparable de la peur de mourir,
par définition. Le temps humain est séparation (Levinas 4) : « passage d'un état massif,
homogène, continu à un état divisé où surgit un « moi » exposé à de l' « autre », menacé
de destruction par l' « autre », un « moi » séparé qui n'est plus tout et n'aspire qu'à
redevenir tout. » (p.64) Or la naissance le contraint à n'être que lui (« rétrécissement de
l'être humain », p. 65). Être dans le temps nous empêche d'être à nous-mêmes « comme
éternel présent » (p. 65) ce qui nous conduit à l'autre. Mais la relation avec lui ne se
noue pas si facilement. Il faut qu'un autre « puisse se faire en quelque sorte le même du
même [se fasse moi en moi si l'on veut, note de JF] afin d'éduquer le même à accepter
l'entrée de l'autre en lui. » (p. 67) C'est l’« amour absolu » d'une « mère » (mère
biologique ou non, femme ou homme). Il apaise la souffrance d'un être qui laissé à sa
peur de mourir ne pourrait s'apaiser qu'en détruisant l'autre. L'amour absolu pénètre
en lui pour l'aider à continuer de vivre le non-temps, pour continuer de n'être rien :
l'autre (« mère »), par son amour absolu crée une « zone isolante de non-temps
protecteur permettant à l'être humain nouveau-né d'entrer dans le temps tout en ne
perdant pas l'état de non-temps. » (p. 68) Au moins provisoirement. Sinon, le refus de
l'autre serait la seule issue. Et son meurtre.
Levinas suppose quelque chose qui précède ce traumatisme de l'autre : le fait que le
Bien m'élit « le premier avant que je sois à même de l'élire, c'est-à-dire d'accueillir son
choix. C'est ma susception [= le fait de recevoir quelque chose en moi] pré-originaire.
Passivité antérieure à toute réceptivité. Transcendante. Antériorité antérieure à toute
antériorité représentable : immémoriale. Le Bien avant l'être... » 5. Luc Dardenne ajoute
que ce que Levinas considère comme transcendance, Dieu, Bien, pourrait être
un infini généré « tombé en lui » par une transcendance humaine simplement humaine
qui, aussi bien que Dieu, « lui permettrait de ne pas vivre la rencontre (...) avec autrui
(...) comme peur de mourir ou comme meurtre, mais comme reconnaissance d'autrui,
responsabilité pour lui. » (p.74)
Etape suivante (sorte d'Œdipe) : « Lorsque l'enfant dans la quasi-bulle de l'amour
ressentira comme autre la personne qui l'aime infiniment [la « mère »], il ressentira à
nouveau la peur panique de mourir et la haine pour cet autre. Objet d'amour et aussi
objet de haine, cette deuxième autre annonce le « tiers », le « père ». Que celui-ci soit
homme ou femme, dans un couple hétérosexuel ou homosexuel, il est le séparateur de
la quasi-bulle de l'amour, ambassadeur des autres et de la société, de ceux et celles qui
ne l'aiment pas infiniment, les séparés qui vont provoquer chez lui une nouvelle peur de
mourir, qu'il va haïr et aimer, peut-être aimer plus que haïr, grâce à l'amour infini que
lui donne le deuxième autre. » (pp.80-81) L'amour (infini), du deuxième autre ne devient
pas objet de rivalité entre l'enfant et le « tiers » ou « père », continue à rassurer l'enfant
« en lui réservant une exclusivité qui s'amenuisera en même temps qu'augmentera
l'acceptation du troisième autre. » (p.81) On peut conclure : « Devenir vivant et s'aimer,
s'aimer soi-même et aimer l'autre, c'est-à-dire s'aimer comme séparés. Voilà le
dénouement possible de l'affaire humaine ! » (p.80)

Une « mort-pour-nous » athée. Le Mal. La fable chrétienne (V, VI, VII)

L'alternative à l'amour, c'est la puissance, qui sort de la « bulle » pour écraser l'autre.
Elle trouve sa limite dans l'impossibilité de rappeler les morts à la vie sauf quand elle
consiste à gracier les condamnés juste avant leur exécution ce qui donne l'illusion de ce
pouvoir « divin ». Puissance est haine : volonté de détruire l'autre et soi. L'individu ou le
groupe, chaque fois qu'il perd sa continuité et retrouve la peur de mourir cherche à la
recouvrer par la destruction de l'autre, alors que l'humanité gagne à accepter la
discontinuité : « Vivre est plus ardu que mourir ! » (p.90)

Luc Dardenne pense que le Mal est commis par ceux qui, s'ils avaient été aimés,
n'auraient pas refusé d'être mortels et donc n'auraient pas voulu tuer autrui qui dérange
ma « bulle ». Être - un moment - l'objet de l'amour infini d'un autre, c'est donc le moyen
de sortir de la peur et de la haine, « de nous aimer comme être séparé, de reconnaître
le temps de la mortalité, de vivre la relation à l'autre sans vouloir le détruire. » (p.101)
Cet autre m'aime tellement qu'il mourrait à ma place s'il fallait, accepterait de « prendre
ma mort sur lui, de la faire sienne » (p.103) : « La relation à ce deuxième autre qui
m'aime absolument, qui est le plus souvent notre mère mais peut être une autre
personne, n'est-elle pas la matrice psychique d'où sortit la fable chrétienne ? Au cœur
de cette histoire du Sauveur élaborée par des êtres humains, n'y a-t-il pas notre
croyance humaine, si humaine, qu'un autre peut mourir pour nous et nous donner
l'éternité ? » (p. 105) Même si nous savons que ce sauvetage est une illusion, il y a eu
cet amour qui nous a paru nous rendre indestructible. Andrea, travaillant dans les
bureaux des Dardenne, à Liège, veut faire venir sa mère du Brésil avant une opération
avec anesthésie totale (assimilable pour elle à la mort), parce que seule sa mère pourra
dire : « Tu ne mourras pas, je suis là. » (p. 108) On peut aussi tuer l'attente de cet amour,
empêcher que « l'Infini tombe en moi » (pour s'exprimer comme le livre).

La Bonté et Dieu. Leçons aux chrétiens. Quelle espérance ? (VIII, IX, X, XI, XII)
Kafka disait que l'indestructible infini en nous pouvait nous être dissimulé par la
croyance en un Dieu personnel. Devenant adulte, estime Luc Dardenne, l'être humain
pourrait se rendre compte que l'être qui l'aima infiniment est mortel et « trop
mortel pour le sauver de la mort » de sorte que seul « ce « Dieu personnel » le sauve de
la séparation et de la mort (p. 119). Mais il ne semble pas accepter cette hypothèse car
la joie absolue d'être, donné par l'amour de l'autre, qui ne fabrique pas de la haine ni un
rigide désir d'éternité : « C'est comme une illusion nécessaire au vivant qui s'accepte
comme vivant, une illusion qui n'aveugle pas, qui est en lui et coexiste avec le temps de
sa mortalité, avec le fait de sa séparation, avec la reconnaissance de l'autre. » (p. 122) La
réflexion se poursuit sur la démocratie, sur l'amour sans frontières, sur le fait (découvert
dans Les Hauts de Hurlevent mais qui est aussi, selon moi, chez Montaigne ou Saint
Augustin), que l'ami est plus moi-même que je ne le suis.
Luc Dardenne imagine Nietzsche malheureux d'avoir découvert que Dieu était mort et
que son refus de toute consolation pouvait être aussi douleur de la séparation. Il imagine
aussi que la joie de Nietzsche face à l'enfant (qui est le Surhomme, on l'oublie souvent),
pourrait être aussi causée par l'amour infini que donne la « mère » à l'enfant. Il pense
enfin (reprenant la terminologie de Nietzsche), que l'autre, notre « mère » qui nous
aima d'un amour infini ouvrant la vie à plusieurs », n'est pas « le Crucifié même si celui-
ci en fut un avatar historiquement décisif. » (p.153) Il donne peut-être une leçon aux
chrétiens qui espèrent : « Dans le temps de la vie dominé par le désir d'éternité, l'être
humain ressent la tristesse et le malheur, car il continue de graviter dans l'orbite du
premier cercle, le cercle qui n'aurait jamais dû être brisé, perdu, duquel jamais il n'aurait
dû choir. Le quasi-cercle, la relation d'amour infini n'a pu le consoler et lui donner la joie
dans l'irréversible temps de la vie. » (pp. 154-155) Il y a d'autres belles sorties contre
cette espérance et d’autres où revient le connaître ou la nostalgie tonique « d'une
enfance invincible au plus près de la vie qui vient, absoute de toute peur, aimée
absolument, aimant absolument. Y aurait-il là comme un temps qui ne passe pas, un
temps d'exception, un indestructible dans le temps lui-même, qui me pousserait à vivre
le temps et non à le fuir ? Une « éternité » dans le temps de chaque être humain, une
« éternité » qui serait l'enfance, ce moment où la peur fut dissoute par l'amour venu de
l'autre, où cet amour entrant dans les fibres les plus fines de mon être apaisa
absolument ma peur de mourir, me donna la joie d'être, de vivre, le désir d'être en
relation avec l'autre, la confiance dans le temps comme avenir, comme attente de
l'autre. Un amour d'où pourrait se relancer à tous les âges de la vie l'espérance d'un
bonheur. » (pp. 160-161)
La question fondamentale, conclut donc Luc Dardenne, « n'est pas chercher des
coupables en la personne de ceux et de celles qui n'ont pas pu aimer d'un amour infini,
mais de comprendre pourquoi notre société produit cette difficulté d'aimer d’un amour
infini. » (pp. 183-184) On lira aussi quelques autres passages consacrés à l'éducation et
à la peur de l'enfant.
Réflexions
Cette réflexion athée sur la « peur de mourir » (distinguée de la peur de la mort et pas
pour rien), s'avoue crûment, ingénument. Les blessés à mort crient toujours
« maman ! ». Cet athéisme est nourri, pétri de culture chrétienne. Ce n'est pas du tout
« récupérer » Luc Dardenne que de le dire. Mais expliquer que les chrétiens espèrent
souvent dans les simples limites de ce qui se dit ici. Ricoeur face à sa mort doute de
l'éternité plus que Socrate 6. C'est fascinant de voir le Christ interprété comme la
« mère » nous aimant jusqu'à en mourir et Lui le premier (comme elle - ou lui - la
première), avant que nous ne naissions. Également de penser que l'Infini mis en nous
par ce Bien qui est au-delà de l'Être (chez Levinas), pourrait être « maman » (osons le
dire ainsi), et non Dieu. Un amour infini n'a rien en soi de métaphysique, on en trouve
aussi la notion chez Bernard Stiegler qui part de Freud pour écrire que nous ne pouvons-
nous proposer d'aimer qu'infiniment (nous proposer seulement à cause de la finitude,
mais qu'est-ce que cela change ?). Je me rappelle, dans des cours où j'en parlais, de
visages d'étudiantes me disant d'un acquiescement des yeux qu'elles le pensaient et le
vivaient (vérification expérimentale).
Levinas admettrait-il que le Bien au-delà de l'Être soit généré par une transcendance
humaine ? Non. Ce Bien, chez lui, échappe à toute vision, ne répond à rien qui le
placerait dans un système, une logique, n'est ni caché, ni manifeste. Il se convertit en la
présence énigmatique d'un visage qui n'altère en rien l'absence absolue du Bien et
s'exprime en commandement éthique sans se rapporter à rien de visible. Telle
l'expérience mystique tendue vers l'impossibilité de dire Dieu, ce mot ne le désignant
que par convention. La façon dont Luc Dardenne interprète Levinas est cependant
passionnante et il n'y a de pensée que libre. J'use de ce même principe pour souligner,
parce que Luc Dardenne parle de « premier cercle » pour désigner la « bulle ». Blondel,
philosophe chrétien (Levinas est juif), estime que cette « bulle première » est au départ
d'une longue série de cercles que la « volonté voulante », au fond du Moi (le Bien de
Levinas ?), l'entraîne sans cesse à franchir. Le dernier, après les dépassements de soi
vers la famille, la patrie, l'amour sans frontières, est celui de la « peur de mourir » (que
l'on tente de guérir par la superstition, par une sorte de manipulation de Dieu), cercle à
franchir pour aimer Dieu sans calcul, même pas pour l'éternité qu'il assurerait.
Interlocuteur de Blondel, Malègue affirma toute sa vie que seule la mort pouvait y aider
sauf chez les saints et les mystiques de Bergson qui « anticipent ».

Luc Dardenne vient d'écrire un livre de philosophe authentique qui permet à l'athée en
chacun de nous de surmonter la peur de mourir par quelque chose de plus grand que le
stoïcisme héroïque face à cette Mort que dépassent pourtant ceux qui donnent leur vie
pour leur enfant.

Disponível em https://www.larevuetoudi.org/fr/story/critique-sur-laffaire-humaine-de-luc-
dardenne, acedido em 2 de Julho de 2019.

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