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BRIAN THERIAULT
Brian Theriault est titulaire d’une maîtrise en psychologie de l’orientation et il incorpore
l’approche transpersonnelle non-duelle dans sa pratique clinique de conseil à ses
patients. Il a exercé comme thérapeute au sein de divers cadres de soutien, y compris
des centres de toxicomanie et de santé mentale et il anime des groupes non-duels avec
Gary Tzu en Alberta, au Canada. Il est aussi le rédacteur adjoint de Paradoxica : The
Journal of Nondual Psychology (www.paradoxica.ca) et il a publié plusieurs articles qui
démontrent le pouvoir transformateur de la psychologie non-duelle. Il s’inspire du travail
des psychologues non-duels Gary Tzu et A.H. Almaas et des enseignements zen et
mystiques d’Osho et de Lao Tseu.
RÉSUMÉ
Cet article explore l’application de la psychologie non-duelle dans la transformation du
chagrin et de la perte en une expérience de conscience non-duelle. La conscience non-
duelle est l’effondrement des notions dualistes du moi et de l’autre par la réalisation de
l’état sans état du non-moi. L’expérience du chagrin et de la perte sert de catalyseur à
cette expérience radicale, car elle invite l’expérience de la mort et du non-être en faisant
éclater nos notions conventionnelles du moi et nous ouvre au royaume de la Conscience
transpersonnelle et non-duelle. L’obstacle à l’expérience, c’est la peur du non-moi. La
psychologie non-duelle, c’est la facilitation de l’acceptation radicale du non-moi par
laquelle la contraction qui enserre le chagrin se dissout en révélant la dimension
spacieuse et ouverte de notre Etre. L’auteur inclut aussi un morceau choisi de son
propre périple transformateur par le chagrin et l’étude de cas d’une patiente.
Ceci n’est pas l’histoire d’un père émotionnellement déconnecté, mais d’un homme
vivant une vie éveillée, un homme qui par un acte spontané de grâce a transformé sa
perception d’être une identité distincte et attachée à une vastitude qui défie toute
description. C’est une parabole qui indique la Présence indicible qui existe en notre être,
une Présence éternelle que l’on ressent à tout moment et en toutes circonstances
(Osho, 1977). C’est un état sans état qui inclut et qui dépasse les dualités de l’être et du
non-être, de la maladie et de la santé, et du bonheur et de la tristesse. En réalité, il
s’agit de la Présence immédiate qui existe ici et maintenant avant l’identification au
corps et au mental (Adyashanti, 2000 ; Maharaj, 1999 ; Maharshi, 1985). C’est la
condition d’une vie vécue en harmonie et en totalité avec toute l’existence depuis les
états les plus heureux jusqu’aux plus effroyables et accablés de douleur. Cette
expérience radicale est décrite par les mystiques et les diverses traditions de sagesse
contemplative comme l’éveil, la vacuité, l’Illumination, la Conscience christique, le Soi,
le Tao, notre véritable nature et le non-moi (Adyashanti, 2000 ; Harvey, 1996 ; Hixon,
1989 ; Maharshi, 1985 ; Osho, 2000 ; Smith, 1991 ; Suzuki, 2003).
UN INVITÉ SURPRISE :
MON PROPRE PÉRIPLE TRANSFORMATEUR VIA LA PEINE
C’était la saint-Valentin et ma femme et moi, nous étions assis dans le bureau du
docteur et nous attendions les résultats d’une IRM réalisée il y a plusieurs mois. Depuis
quelques années, ma femme ressentait des picotements au bras et au visage. Nous
n’étions pas inquiets, puisqu’on nous avait dit que si les résultats étaient
problématiques, on nous recontacterait immédiatement et que nous recevrions un
nouveau rendez-vous le plus rapidement possible. Imaginez dès lors quelle fut notre
surprise, quand le docteur entra et nous fit part de la nouvelle choquante que ma
femme avait un cancer du cerveau (que l’on diagnostiqua ultérieurement comme étant
de nature maligne et inopérable). Nous étions abasourdis. Les larmes coulaient pendant
que nous encaissions la nouvelle. Apparemment, le dossier médical de ma femme avait
été ‘’mal rangé et oublié’’ et c’est ainsi que le docteur n’avait pris connaissance des
résultats que cet après-midi. Après ce qui parut une éternité, ma femme lâcha
malicieusement : ‘’Une drôle d’invitée surprise, ce soir !’’
Pendant des mois, la peine et la douleur envahirent mon être. Notre monde fut
totalement bouleversé. Je trouvai quelque répit en intégrant des aliments plus sains, un
environnement sans substances chimiques et en laissant tomber mes affinités toxiques,
mais la douleur persista. C’était comme un mal profond au centre de ma poitrine. Etant
dans un trip psycho-spirituel depuis plusieurs années, je recourus à des stratégies de
guérison alternative, dont diverses formes de travail de guérison énergétique, des
séances de respiration holotropique le week-end et plusieurs formes de méditation,
mais même si j’expérimentai une certaine guérison par l’entremise de ces pratiques, ce
fut temporaire et la douleur réapparut.
Toutefois, un soir, alors qu’un nouvel épisode de chagrin et de crainte envahissait mon
être, pour une raison inconnue, je me résolus à ne pas m’y opposer. Je m’assis et je lui
permis d’être là dans son entièreté. Je m’immobilisai complètement et je me souviens
m’être dit à moi-même : ‘’Quoi qu’il se passe, je ne m’opposerai pas à toi.’’ Gangaji
(1996) décrit ceci comme une réalisation importante :
Nous avons parcouru ciel et terre pour nous débarrasser de la souffrance. Nous
avons tout acheté pour nous en défaire. Nous avons tout ingéré pour nous en
défaire. Pour finir, après suffisamment de tentatives, la possibilité d’une maturité
spirituelle apparaît enfin avec la volonté de mettre un terme aux tentatives
futiles de vouloir s’en défaire et à la place de faire réellement l’expérience de la
souffrance. En cet instant capital, il y a la réalisation de ce qui se situe au-delà de
la souffrance, de ce qui n’est pas touché par la souffrance. Il y a la réalisation de
qui l’on est vraiment (p. 41).
Et ainsi, soudainement, en cet instant d’immobilisation complète, j’ai senti comme une
boule d’énergie surgir et se dilater au milieu de ma poitrine. On aurait dit que j’étais
comme ouvert de l’intérieur vers l’extérieur. L’expérience n’était pas du tout
traumatisante ; c’était plutôt comme si des courants profonds d’énergie parcouraient
mon corps et c’était incroyablement rafraîchissant. Ma conscience était claire et alerte.
En acceptant sur le moment l’entièreté de mon expérience sans aucun désir
d’évitement, j’ai fait l’expérience d’une diminution de mon sens du moi normal qui a été
remplacé par une vaste dimension spacieuse jamais expérimentée auparavant. J’étais
tout à fait sidéré. J’ai réalisé que l’essence de ma souffrance était entretenue par mon
désir de m’en défaire. Ainsi bizarrement, ma recherche de guérison était une manière
sournoise de perpétuer son existence.1
Il est intéressant de noter qu’Adi Da (1983) a fait l’observation poignante que la peine
et la douleur que nous éprouvons communément en de telles occasions, même si elles
sont tout à fait appropriées, ne visent pas nécessairement pleinement l’immensité sous-
jacente et la terreur du non-être. On réagit simplement à la mort et ainsi, le chagrin et la
t aite e t des otio s tout à fait si ilai e da s so liv e i titul Pu ifie to cœu , ue vous pouvez
télécharger gratuitement sur Scribd, NDT.
peine ne deviennent rien de plus qu’une forme d’activité égotique ritualisée qui a très
peu à voir avec la personne aimée récemment décédée et beaucoup plus à voir avec la
propre peur de la mort et de la non-existence de la personne. La mort du moi distinct est
indispensable, quand on fait face à cette difficulté, parce que c’est le moi qui a peur de
perdre le contrôle et d’affronter sa propre extinction, pas la vérité de qui vous êtes.
Il dit :
Arjuna (2005) a également observé que de telles stratégies défensives existaient sous
la forme d’une culture de la compassion où l’on apparaît humble et triste, où l’on fait les
gestes appropriés à l’égard de personnes aimées endeuillées, où l’on présente
machinalement ses sentiments sincères, mais au fond de tout cela demeure la peur de
sa propre non-existence. Ces recherches spirituelles remettent rarement en cause celui
qui redoute la non-existence et sont donc à considérer comme des formes déguisées de
matérialisme spirituel (Trungpa, 1987).
Mais McKenna (2002) pouvait apprécier cette peur, parce que l’expérience de non-soi
est intolérable. ‘’La peur du noyau vide. La peur du trou noir à l’intérieur. La peur du non-
être. La peur du non-soi. La peur du non-soi est la mère de toutes les peurs, celle sur
laquelle toutes les autres se fondent’’ (p.7). Même si c’est un processus délicat,
l’unique remède est de nous débarrasser de nos jugements à l’égard de l’expérience du
non-être. Comme le dit Nixon (2001), il n’y a pas de mode de confort pour cette
expérience. On doit lui faire totalement face, faire confiance et plonger dans le silence
assourdissant de l’abîme et plutôt que de voir cette expérience comme quelque chose
de terrible, on pourra se fondre dans son énergie intense et l’intégrer comme un aspect
énergétique de notre propre Etre. Parce que, comme le dit Adyashanti (2008, p.215),
‘’Nous devons mourir pour vraiment vivre. Nous devons faire l’expérience de la non-
existence absolue pour vraiment exister de manière consciente.’’
Plus nous acceptons la non-existence dans nos propres vies et plus la crispation qui
entoure la mort cesse et le potentiel vital qui révèle ses mystères inhérents devient
apparent. La réponse la plus authentique au chagrin et à la perte est celle de l’éveil, de
la spontanéité et de la liberté totale par rapport aux limites du moi distinctif, où la mort
n’est plus vue comme un problème (Thich Nhat Hanh, 2002 ; Tolle, 1997). Nous ne
réagissons plus à la vie, mais nous répondons à partir du vrai état sans états que nous
sommes. Le problème du chagrin n’était réellement qu’un problème du moi distinctif
qui, après enquête, n’a jamais réellement existé (Gangaji, 1996 ; Osho, 2000). Nous
allons maintenant tourner notre attention vers l’école de la psychologie
transpersonnelle qui rend compte de telles expériences extraordinaires et qui identifie
le chagrin comme un catalyseur de telles expériences.
Il y avait certes la mort d’une personne connue sous le nom de Shamala, mais y
avait-il réellement une telle personne permanente ? La vérité criante, c’est que
nous construisons la personne dans notre mental à partir des matériaux bruts
des impressions qui sont fournies par le corps-mental de la personne et qui sont
toujours changeantes et lorsque ce corps-mental n’est plus, nous pleurons
réellement la perte de notre propre création personnelle.
Le niveau subtil, le huitième du spectre entier, est la demeure des formes et symboles
archétypiques, des sons subtils et des illuminations audibles, de la perception
transcendante et de l’absorption (Wilber, 1986). Le niveau subtil ressemble au
samboghakaya des pratiques méditatives bouddhistes qui décrit des lumières et
couleurs dansantes intenses que l’on comprend par une intuition profonde et par
l’expérience (Evans-Wentz, 1971). C’est la source de la compréhension personnelle de
la forme de l’énergie de la déité, la vision de quelque chose qui dépasse de loin le
mental rationnel et limité. Fox (1988, p. 64) illustre ceci par l’image du ‘’Christ
cosmique’’. ‘’C’est la naissance extérieure de l’image de Dieu de l’intérieur’’. Par
exemple, une forme archétypale de prière se manifesta pendant l’expérience déchirante
de Greenspan (2003) de la mort de son bébé. Elle dit :
Le niveau subtil cède la place au niveau causal qui est la transcendance des formes
archétypiques de l’expérience et l’identification au substrat transcendant de tous les
niveaux inférieurs et structures du développement. Il abrite le pur Témoin subjectif,
l’étendue illimitée de la pure Conscience sans forme, un Etat qui précède tous les
phénomènes qui apparaissent, quelle que soit la matérialité ou la transcendance de
l’expérience. Il est antérieur au temps, à l’espace et à tous les objets de la conscience.
C’est Cela qui est toujours éveillé et conscient pendant le sommeil profond, le rêve et
l’état de veille de la conscience (Wilber, 1986 ; 1996).
Nous pouvons voir ceci illustré dans l’expérience de Bedard (1999) après que ses
médecins lui aient dit qu’il se mourrait d’une leucémie et qu’il ne lui restait plus que
quelques heures à vivre. Il dit :
Ce jour-là, j’entrai dans un état entre la vie et la mort, tandis que mon esprit était
attiré de plus en plus loin du corps et je pris graduellement conscience d’une
étendue lumineuse illimitée, d’un clair de lune infini apaisant et réconfortant. Il
n’y avait plus le sentiment d’un moi ni d’avoir un corps. J’avais disparu dans
l’espace sans limite et sans naissance. Pour ce qui m’a paru une éternité, j’ai
reposé dans un lieu que je n’avais jamais réellement quitté (pp. 112-113).
Par l’entremise d’une désidentification totale avec toutes les formes de l’existence, on
peut résider dans cet état extraordinaire. Le chagrin et la perte nous invitent à explorer
notre propre peur, notre propre terreur du non-être et à nous ouvrir aux domaines
inconnus de notre propre conscience. L’orientation transpersonnelle du développement
humain aide les thérapeutes à traiter et à guider les patients dans ces expériences
extraordinaires. Considérons maintenant le summum de la conscience humaine, la
Conscience non-duelle et la condition vivante avec l’expérience de la perte et du chagrin.
Ram Dass et Gorman (1985) fournissent un bon exemple d’adhésion à cet état sans
état du non-moi avec l’histoire du maître bouddhiste tibétain, Marpa. Tandis qu’il était
seul avec son chagrin et son désespoir d’avoir perdu son fils aîné, il fut approché par
l’un de ses disciples. Celui-ci était tout à fait confus, car les enseignements affirment
que tout est une illusion basée sur le désir et le rejet et voilà que son maitre était abattu
par le chagrin ! Il questionna alors Marpa : ‘’Vous êtes en train de pleurer ! Si tout ceci
n’est qu’une illusion, pourquoi alors êtes-vous donc en train de pleurer comme une
madeleine ?’’ Et Marpa répondit : ‘’Oui, tout ce qu’il y a ici est bien illusoire. Et la mort
d’un enfant est la plus grande de ces illusions’’ (p. 85). C’est la vision adamantine sertie
au cœur de la sagesse non-duelle. Il y a souffrance, mais nul moi indépendant qui
l’éprouve. Foster (2009) évoque ainsi cette réalisation paradoxale :
Même la souffrance pointe vers l’absence d’une personne solide distincte. Et ceci
peut être très difficile à entendre, croyez-moi. La douleur est là, mais sans
personne qui la subit. C’est cela le rêve, c’est cela la souffrance : qu’il y a
quelqu’un ici. Non, il n’y a qu’une douleur, une sensation qui se manifeste, mais
personne à qui tout ceci advient (p.34).
LA PSYCHOTHÉRAPIE NON-DUELLE
L’histoire bouddhiste de la mère endeuillée qui se tourna vers le Bouddha pour être
aidée indique les origines de la psychothérapie non-duelle. L’histoire raconte que Kisa
Gotami qui venait tout juste de perdre son fils et qui ne pouvait pas supporter un tel
chagrin cherchait frénétiquement un remède dans sa communauté pour qu’il revive. On
lui signala alors de se mettre en quête du Bouddha qui détenait la réponse à son
problème. C’est débordante d’espoir que Gotami rencontra le Bouddha qui la réconforta
et qui lui donna comme instruction de trouver un foyer qui n’avait encore jamais connu
la mort et d’y recueillir quelques grains de moutarde. Avec une ardeur fébrile qu’elle
n’avait encore jamais connue auparavant, elle passa au peigne fin tout son voisinage
pour recueillir les grains de moutarde, mais ne put trouver aucun foyer que la mort
n’avait pas encore visité. Et puis soudain, à cet instant, son immense frustration céda la
place à une intuition explosive qui lui révéla le caractère impermanent de l’existence du
moi. Ce que nous pensons être est temporaire, mais la vérité de notre Etre, elle, est
éternelle. Le passage d’un moi piégé à la Conscience non-duelle s’était opéré. Elle était
sidérée. Elle plongea dans les profondeurs de son Etre et elle goûta la nature sans
forme de son Etre pour la première fois (Kramer, 1988).
Ceci est reflété et facilité, si le thérapeute est lui-même ancré dans la Conscience non-
duelle. Les rôles du thérapeute et du patient deviennent transparents, ce qui permet à
la possibilité d’une résonance non-duelle de survenir dans le processus thérapeutique.
La limite entre le patient et le thérapeute disparaît en apportant un calme et un silence
où une rencontre spontanée peut survenir (Blackstone, 2006). Dans cette possibilité de
résonance intersubjective, on peut employer des techniques thérapeutiques et
considérer des théories évolutives, mais celles-ci ne seront vues que comme de simples
indicateurs vers la réalisation non-duelle. Une fixation sur une technique, un rôle ou une
thérapie particulière (même la thérapie non-duelle) limite l’accès à la nature déjà libre
de la Conscience non-duelle (Prendergast, 2003).
Le thérapeute non-duel agit diversement à partir d’un amour impersonnel. Il s’agit d’un
amour impersonnel et de l’acceptation de toutes choses. Ses réponses sont fraîches,
claires et d’une nature spontanée. Il n’y a même pas d’attente ou d’espoir qu’un patient
réalise son véritable état, car cela poserait une exigence sur l’instant et limiterait
l’ouverture de la conscience. Cela ressemble à ce que les taoïstes appellent le non-agir
où l’on répond à la nécessité du moment sans perdre de vue l’état déjà éveillé du non-
moi (Wei Wu Wei, 2004). Almaas (1996, pp. 343-344) le décrit comme ‘’une qualité
d’amour infini et doux, une délicate lumière que l’on ressent comme la présence d’une
douceur, d’une gentillesse et d’une générosité. Il ne s’agit pas exactement d’un genre
d’amour personnel. C’est un amour pour tout et pour tous – un amour universel.’’ Le
thérapeute non-duel se situe dans la clarté de l’absence d’ego. Le prochain chapitre
concernera l’étude du cas d’une patiente qui décrit une approche non-duelle du chagrin
et de la perte.
Je laissai ces paroles résonner dans le silence pendant quelques instants en sentant
que son jugement ‘’ce n’était pas le bon moment pour elle…’’ était une manière par
laquelle elle se contractait et elle se défendait contre la mort et la terreur du non-être.
Je subodorai qu’une partie importante de son être était énergétiquement bloquée dans
le passé du là-bas et alors plutôt que centrée dans le ici et maintenant. Tolle (1999) a
parlé du corps de douleur où une accumulation de demandes par rapport à certaines
expériences se fait avec le temps et se cristallise dans l’être en gênant la capacité à
s’ouvrir d’être totalement disponible dans l’instant. C’était comme si la mort de sa mère
était devenue pour elle un moment congelé dans le temps.
Je la vis se débattre avec cette invitation. ‘’Je ne suis pas sûre de ce que vous entendez
par là’’, répondit-elle. ‘’En vous voyant dans le cimetière, pouvez-vous vous dépouiller du
désir de vous sauver là ? Que se passe-t-il si vous permettez à la réalisation qu’il n’y a
pas de sortir d’advenir ?’’ Au bout de quelques minutes, elle fut choquée de découvrir
que les images du cimetière se volatilisèrent brusquement et révélèrent ‘’une vacuité,
un espace vide’’. Sidérée, elle partagea que ‘’tout s’est simplement vidé. Je peux encore
voir, mais pas en tant que ‘’moi’’, si cela est compréhensible.’’ Elle décrivit cela comme
étant simultanément effrayant et exaltant. Je l’encourageai à coopérer avec le
processus et à se dissoudre dans l’énergie intense de la vacuité sans lui résister
nullement. Sachant que l’énergie du non-être est toujours avec ‘’nous’’, à chaque
instant, je me demandais si elle pourrait l’accepter ici et maintenant et renoncer à toute
tentative de se sauver ‘’elle-même’’. ‘’J’éprouve beaucoup de crainte à l’intérieur de
mon cœur’’, dit-elle alors avec inquiétude. ‘’Permettez à la peur d’avoir sa place, puis
remettez-vous en simplement à cela’’, lui suggérai-je. Je suspectais que Laura percevait
l’expérience de la vacuité comme étant négative et à éviter. La peur de sa propre non-
existence était manifeste. En observant le processus de son expérience, je la vis
submergée par le calme, tandis qu’elle se détendait de plus en plus au sein de
l’expérience. Puis, avec des larmes qui perlaient sur son visage, elle partagea avoir
constaté l’absence de peur et s’être comme sentie tenue par ce qu’elle appela ‘’une
Mère éternelle dénuée d’image’’.
Simplement parce que nous avons connu une expérience d’éveil ne signifie pas
que la conscience a dépassé la force gravitationnelle de l’état de rêve. Si nous
n’avons pas tout à fait dépassé ce champ de gravitation, nous serons de nouveau
ramenés à l’expérience du ‘’moi’’ et à la perception de la séparation (p.30).
Comme la plupart des personnes qui ont connu un aperçu de l’éveil, il m’a semblé que
Laura devrait réaliser à nouveau la clarté de l’éveil de son Etre ici et maintenant à
maintes reprises avant que l’éveil total et définitif à la Conscience non-duelle ne
s’opère2, mais après une telle expérience transcendante, je suis d’avis qu’elle ne peut
pas l’ignorer et qu’après avoir goûté à la profondeur de son Etre, il n’est pas question de
rebrousser chemin.
CONCLUSION
L’aube de l’éveil fracasse l’illusion de la séparation et révèle la vaste nature vide de
notre Etre authentique. L’éveil, c’est le don de la liberté, c’est être délivré du mental de
singe. La psychologie non-duelle facilite une telle reconnaissance et ouvre des
perspectives aux patients pour qu’ils quittent le malheur de la séparation et pour qu’ils
s’éveillent. Une telle opportunité se situe toujours dans l’instant présent. Même dans
nos moments les plus sombres, notre Etre authentique demeure parfaitement limpide
et transparent et dégagé du drame de la vie. Le chagrin et la perte sont vus comme une
autre opportunité de transformation et reconnaître ce qui est déjà ici sous le carcan de
la séparation. Puisque l’instant suivant n’est jamais une garantie, tout ce que nous
avons réellement, c’est l’instant présent et là peut-être, nous pouvons sauter dans
l’inconnu et plonger dans les profondeurs de l’abîme du non-moi, nous réveiller à notre
état primordial et nous gausser de nos tentatives désespérées pour défendre et pour
sauver ce qui n’a jamais réellement existé...
i t ieu e , NDT
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