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rationalisme moderne
COMITE DIRECTEUR
Georges TEISSLER, Paul LABERENNE,
Professeur à la Sorbonne. Professeur agrégé de l'Université.
Jean ORCEL,
Professeur au Muséum,
Membre de l'Institut. Hélène LANGEVIN-JOLIOT-CURIE,
Georges COGNIOT, Maître de recherches au Centre National
Agrégé de l'Université. de la Recherche Scientifique.
COMITE DE PATRONAGE
Pierre ABRAHAM, Aurélien FABRE,
Ecrivain. Inspecteur primaire de la Seine.
Louis ARAGON, Daniel FLORENTIN,
Ecrivain. Ancien directeur des Poudres, président de
l'UJU.TJl.O.
Eugène AtJBEL, Georges FOORNTER,
Professeur honoraire à la Sorbonne. Maître de Conférences à la Sorbonne.
Emmanuel AURICOSTE, Jean FREVELLE,
Sculpteur. Ecrivain.
Maurice BOITEL, Pierre GEORGE,
Avocat à la Cour d'Appel de Paris. Professeur à la Sorbonne.
Charles BRCNEAU, Alfred JOLTVET,
à la Sorbonne. Professeur honoraire à la Sorbonne.
Professeur honoraire
Ernest KAHANE,
Daniel CHALONGE, Maître de Conférences à la Faculté de
Astronome. Montpellier.
Jacques CHAPELON, Docteur H.-Pierre SLOTZ,
Professeur honoraire à l'Ecole Polytechnique. Professeur au Collège de Médecine des
Hôpitaux de Paris.
André CHOLLEY,
Professeur à la Sorbonne. Emile LABEYRIE,
Gouverneur honoraire de la Banque de
Marcel COHEN, France.
Directeur d'études à l'Ecole des Hautes
Etudes. Jeanne LEVT,
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris.
Pierre COT, Jean LURÇAT,
Agrégé des Facultés de Droit. Membre de l'Institut.
Eugénie COTTON, Georges PETIT,
Directrice honoraire de l'Ecole normale Professeur à la Sorbonne.
supérieure de Sèvres.
Docteur Jean DALSACE,
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Chef de consultation à l'Hôpital Broca. Inspectrice primaire de la Seine.
Louis DAQUTN, Eisa TRIOLET,
Ecrivain.
Cinéaste.
Jean WIENER,
Docteur Henri DESOELLE, Compositeur de musique.
Professeur à la Faculté de Médecinede Parts
Jean WYART,
Jean DRESCH, Professeur à la Sorbonne, membre de
Professeur à la Sorbonne. l'Institut.
COMITE DE REDACTION
Gilbert RADIA, Guy BESSE, Pierre BOITEAU, Paul MEIER, Gérard MELHACD, Charles
Jean BRUHAT, Jean CHESNEACX, Eugène PARAIN, Michel RIOU, Albert SOBOUL,
COTTON, Jean GACON, A-G. HAUDRI- Jean VARLOOT,
COCBT, J.-F. LE NT, Roger MATER,
LA PETTSÉE
SOMMAIRE
Jean Chesneaux :
Qu'est-ce que la démocratie nationale? 3
. . . . .-. .
Georges Cogniot :
L'Ecole et la formation clé l'homme du XX® siècle: 21
Maurice Mouillaud :
L'enseignant et l'enseigné 30
»*..».
Françoise Lazard :
Le travail' de la femme est-il nuisible à Të'nfàrtf* T 43
Pierre Vilar :
Histoire sociale, et phïl'os.ophîe' de l'histoire 64
Jean Poncet :
Les problèmes du développement rural et les* leçons, du-.
Mezzogjorno
... .... ,„.,.'...,; .-..,..;. 78
Michel Launay :.
Etude du « Neveu de Rameau » Hypothèses pour une«
recherche collective
— 85
-,....,
Roland Desné :
Un. inédit, de-, Diderot retrouvé, en Amérique, ou. les objections
d'un matérialiste à une théorie idéaliste d'eTïïornrne".,.. 93
.
CHRONIQUES
Paul MëiéJr :
Victoriana- L11.1.
...... .-. ....>••.. «...•....,.. .*.».".»>•,.. . *. ».-»c»..-«••»»..-....*..» >_»t.
Roland Weyl :
Principes du Droit soviétique .121
... . . ....
LES TRAVAUX ET LES JOURS
LES LIVRES
Littérature :
Victor Hugo Cortsmplctions. — Jacques Vier : La Ccmïes.e
: Les
d'Agoult et son temps (t. iV, V et Vi). — Nazim Hikmet : Les romcnliques. 131
Philosophie :
René Boirel Brur.schvicg, sa vie, son oeuvre ovec un exposé de sa phi-
:
losophie. — W. R. Beyer : Les images de Hegel. Critique des inter-
prétations de Hegel 134
Sciences :
Jean Orcel Atomes et cristaux. — W. Penfield et L. Roberts
: :
Langage et mécanismes cérébraux 138
Histoire :
Rosa Luxembourg : Scritti sceiti. Maxime Vuillaume : La semaine
—
sanglante. — Jean Kill : Le Luxembourg a mille ans. D'où vient-il ? Où
va-t il ? 140
Economie politique :
Michel Lutfalla : L'étot stationnaire. — J.-F, Faure-Soulef : Eco-
nomie politique et Progrès ou « siècle des lumières » 145
Cuba :
René Dumont : Cuba, socialisme et dévsloppsmsnt 147
Afrique :
Odette Guîtard : Les Rhodésieset le N'yassaland— J. Suret-Canale,
J. Cabot et Y. Benot L'Afrique noire occidentale et centrale
: ..... 149
Par
,
r JEAN CHESNEAUX
secteur, privé! La démocratie" n'est' pas encore" assurée -par dès-' rapports1 de' pro->-
ducliôn socialiste: L'idéologie rr'est qu'un" socialisme1 assez vague, et'noir le
socialisme scientifique.
Mais la Démocratie nationale peut' conduire au socialisme véritable-; elle'
doit' « en préparer les conditions matérielles, et sociales. » (A. Sobolev). C'est
ici' que prend' toute' sa valeur la thèse récemment formulée en Union" sovié--
tique, sur la possibilité" du" passage' des « démocrates- révolutionnaires: » sur"
les. positions du socialisme scientifique. Castro en est' l'exemple le plus1 émi-
nent ; mais- ce" n'est" nullement un" cas exceptionnel- comme- le - montre le- cas
dû Dr Jagau"- en' Guyane' britannique", le cas de' certains dirigeants' du- parti de'
I?Union malienne, le cas-dé là"gauche^dù parti" Ummaià?. Zanzibar; été-;., l'évo-
lution dé. l'Algérie on de la" Birmanie" depuis" un; an" nous permet encore
d^àllonger cette liste: L'évolution subjective,- consciente; de- certains diri-
gjéants et" cadres politiques vers le socialisme' scientifique- est évidemment un-
facteur favorable", en vue" du" passage de' là démocratie" nationale à' là démo-
cratie, socialiste ; mais ce passage dépend dé' beaucoup; d'autres facteurs. Il'
peut être très rapide, comme l'a' montré l'exemple' de' Cuba, qui s'est déjà
proclamée république socialiste, avant même d'avoir mené à son- terme sa'
lutté nationale, puisqu'elle", a encore une" base militaire US. sur- son* territoire,
Mais Cuba, au. lendemain" de là'chute dé Batista, correspondait 1 fort'bien'là la*
démocratie nationale, telle" qu'elle5 a'été définie par la Conférence'dés" 81. Le'
programme de là caserne de la" Môncada' (1953) affirmait'l'unité'de" làt lutte
anti-fëodalè. et anti-impérialiste';'ce qui", a'précipité1 l'évolution à Cuba; c'est-
l'acuité de la.pression américaine" et lés dangers de" défection' de la bourgeoisie1
qu'entraînait cette pression. II'a fallu: précipiter'les mesures socialistes1 pour"
mobilisera fond'les masses. Mais Castro la l'origine" (cf. son voyage" à Washing-
ton) pensait' certainement à une évolution beaucoup plus lente. Dans' d'autres'
pays, cette évolution sera effectivement" plus lente..
Troisième caractère : là~ Démocratie nationale- est inséparable-âè" là lutte-
dans lé monde pour lit coexistence' pacifique*.
Si'là voie du'développement'non-capitaliste"s""ouvre ainsi'atrr-jeunes'Etats,'
c'est qu'il" existé dans le monde un'secteur socialiste•; grâce à-lui/ ils. sont
moins tributaires des" fluctuations dés cours des matières premières'en Occident
où dé' 1 "instabilité des marchés: d'Occident'; ils disposent1 d'un partenaire^ de
rechange, pour négocier dans de meilleures conditions.
En" même temps, ces" pays bénéficient indirectement dû poids militaire'des
pays" socialistes'; ils né" sont' plus à là' merci d'une brutale' intervention dé
I*Ôccident: Ce" qui: s'est 1 passé' en' Azerbaïdjan en 1946f n'a plus- été'possiEfe en
B56" à Sûfiz ; ' ce'qui s'est' passé en 1"9B'3"contre le Guatemala n'a plus été pos-
sible contre Cuba: Ile' règlement pacifique et neutraliste de l'affaire' du Laos,
tout précaire qu'il soit; n'a non plus été possible'que parce que'la guerre
froide avait pris fin.
i.'Nous reviendrons sur cette question au cours d'un prochain article consacré au processus
de formation des nations dans les
pays afro-asiatique.
2. B. PONOMAREV, A propos de l'Etat de démocratie nationale. (Traduit dans les Cahiers du
communisme, novembre 1961). , *
-
10 JEAN CHESNEAUX
marxistes ; certains ont, 'à travers les diverses étapes des luttes nationales, vu
naître des partis politiques dont la base sociale et l'idéologie sont diverses ;
ils ont une tradition de pluralisme (par exemple l'Indonésie) ; d'autres au
contraire, en raison des particularités historiques de la lutte pour l'indépen-
dance, ne connaissent qu'un parti unique, un seul parti de masse ; d'autres
sont dirigés par de petites cliques rivales de politiciens, dont aucune ne dis-
posent de liens véritables avec les masses et ne peut réellement parler en
ieur nom.
Dans ces conditions, il est donc clair que, s'il est indispensable, répétons-
le, de définir la Démocratie nationale par rapport aux réalités de classe, il est
non moins impossible de réduire cette définition à une formule simple.
C'est ce que reconnaît franchement Sobolev dans son article de la Nouvelle
Tîevue Internationale de février 1963, qui va beaucoup plus loin dans l'ana-
lyse que les vues, assez imprécises, de Ponomarev. Il déclare en effet : « Le
caractère spécifique et transitoire de l'Etat de démocratie nationale sera dû
au fait qu'il ne sera pas l'Etat d'une classe, ni même celui de deux classes :
les ouvriers et les paysans ; ce ne sera pas non plus la dictature d'une ou deux
clà^sesT Ce sera un état incarnant les intérêts de toute la partie patriote de la
nation, qui aura à réprimer les classes réactionnaires renversées. La direction
politique de la vie de la société sera exercée par l'ensemble des classes patriotes,
par le bloc des partis démocratiques, et non par une classe ou par un parti ;
mais, par ailleurs, les rapports qui s'établiront entre les classes démocratiques
au pouvoir, victorieuses de la réaction et groupées au sein d'un front national,
signifieront 'à la fois une alliance durable de ces classes et une lutte entre elles
en vue de mieux assurer la prospérité du pays. »
il ne faut pas présenter en effet de la Démocratie nationale une analyse'
idyllique ; ici encore, cela reviendrait à cette « interprétation opportuniste ».
critiquée précédemment... Il est parfaitement possible que se constitue un
« bloc des classes patriotes », unies dans la lutte commune pour résoudre les
contradictions fondamentales de ces pays : la lutte pour l'indépendance et la
lutte pour Ja démocratie ; mais l'existence de ce bloc n'aboutit pas pour autant
à supprimer l'originalité, la capacité politique particulière de chacune de
ces classes ; elles, ont chacune leur dynamisme propre, et ce peut être soit
l'une soit l'autre d'entre elles qui se révèle la plus active a telle ou telle étape ;
bourgoisie ou classe ouvrière ; paysannerie ou couches intermédiaires (y com-
pris l'armée) ; la bourgeoisie a un poids plus important au Ghana ; les intel-
lectuels, un rôle plus important au Mali ou à Zanzibar ; la classe ouvrière, un
rôle plus important en Indonésie ; le prolétariat agricole, en Algérie ou à Cuba :
l'armée, en Birmanie... Toutes ces couches ont leur capacité révolutionnaire
propre (y compris la bourgeoisie nationale, dont le rôle positif n'est pas épuisé,
comme l'avait indiqué en 1956 le XXe Congrès du P.C.U.S.). Le bloc patrio-
tique a donc dans chaque pays une structure de classe différente, il reflète un
équilibre différent entre les classes qui poussent à la démocratie nationale.
" D'autre part, les contradictions entre ces
classes, pour secondaires qu'elles
soient, ne se trouvent pas effacées brusquement ; il y a entre ces classes une
compétition pour la direction des affaires du pays, et cela en particulier entre-
la bourgeoisie et la classe ouvrière. De quel côté iront la paysannerie, les intel.
iectuels, l'armée et autres éléments intermédiaires ? Ce sont les formes de là
lutte que en décideront, et c'est pourquoi on doit dire que, la Démocratie
QU'EST-CE QUE LA DEMOCRATIE NATIONALE ? 1£
guerre froide. Nom seulement un certain, nombre; de ces. pays sont entrés à
TO.N.U,, après Ua-proclamation, formelle de leur- indépendance,.,mais ils ont
commencé à se .• détacher: effectivement> de- l'impérialisme, ils, ont. fait reculer
lé néo-colonialisme^, ils : ont. consolidé la démocratie : c'est ce que signifièrent
lâ'révoluibion .cubaine, la.chute.de Noury Said. en Irak, le tournant politique dé
l'Indonésie,'après 1956' (élimination des gouvernements de droite, et passage à
la « démocratie dirigée »), la victoire de la gauche à Ceylan et la. suppression
des bases navales britanniques dans ce pays, le départ des cadres britanniques
de 1' l'armée" au Ghana,,.l'affaire. de. Suez et la nationalisation du. Canal; tous
ces 1 faite;-antérieurs la la.conférence des 81r ont évidemment pesé sur la,.réflexion
théorique'marxiste. Lia décision; de.Sekou Touré de.répondre iVon au référendum
gaulliste- dé l'automne 1958:; a ; constitué aussi une. expérience trèsi impprtante.
Cette expérience-concrète a facilité le; retour'au réalisme politique^le. refus du
tout-our-rien qui caractérisait la.i stratégie-de: l'époque- précédente..
Enfin;, et bien-que; cet" aspect de. la, question n'ait guère été abordé par
les'auteurs, soviétiques; qui.se-sont occupés de, la démocratie nationale, il vaut
sans doute Ja. peine défaire appel à des; expériences plus anciennes.
A1 l'époque.;de l'Internationale communiste, à. l'époque, aussi de..la seconde
guerre mondiale, un programme très voisin^, du .programme, de. la démocratie
nationale.: telle : que.:- nous 4a définissons aujourd'hui., a été. formulé et appliqué
-
dams-divers .pays-. :.
— Les débuts de la révolution mongole : Soukhebator 5 a- sansi. doute . été
lé premier; de:, ces «. démocrates révolutionnaires- passés sur les,, ppsitions.du
socialisme.». Ce. qui: est aujourd'hui une possibilité largement- ouverte..a. pu~se
réaliser.iby a .quarante ans en Mongolie, en raison^ des conditions.très particu-
lières' qui'existaient; alors1.' dans; ce pays. Soukhebator et les. fondateurs du.parti
révolutionnaire-populaire.de Mongolie ont mené derfaçpn conjointe,„en.1920-21,
la lutte pour; l'indépendance et pour la démocratie, la lutte contre, les. féodaux
ecclésiastiques mongols et i la. lutte • contre les militaristes chinois, les condot-
tiere• russes-blancs, les trafiquants chinois et anglo-saxons.; ils avaient;. cons-
truit en Mongolie un: régime qui n'est devenu socialiste que plus tard,, ce
qu'approuvait Lénine ; au fond,, il s'agissait, bien d'une démocratie nationale
enwoie de consolidation.
5 bis. Sans pour autant interrompre l'évolution positive amorcée depuis 1958, comme font
prétendu certains.
18 JEAN CHESNEAUX
voie ;il n'existe sans doute pas de modèle unique pour ce « démarrage », qui
s'est fait en Algérie à travers la lutte armée, mais ailleurs par la lutte politique'
de masse, par exemple dans des pays d'Afrique Noire, comme le Ghana, le Mali
ou la Guinée. Par exemple aussi, la question de la nécessité historique de la
voie de démocratie nationale, dans des pays où n'existent pas les conditions
objectives et subjectives pour un passage immédiat au socialisme : niveau des
forces productives, expérience politique des masses et de Tavant-garde révolu-
tionnaire, etc. Par exemple enfin, la question des rapports de classe à l'intérieur
de l'Etat de démocratie nationale, et en particulier du rôle de la classe ouvrière.
Sur tous ces problèmes, la réflexion des marxistes doit encore progresser.
Mais on peut déjà estimer que la thèse sur la voie de démocratie nationale
représente une contribution marxiste importante à la solution des problèmes
originaux que pose le monde afro-asiatique à notre époque. Cette thèse souligne
clairement qu'il n'existe pas de a modèle occidental » dont ces pays n'auraient
qu'à s'inspirer mécaniquement ; l'Etat de démocratie nationale n'est pas une
simple variante afro-asiatique, répétons-le, de l'Etat de démocratie populaire,
tel qu'il fût défini en 1,945-1947, mais une formation politique originale. Cette
contribution de la théorie marxiste aux problèmes du « Tiers monde » est
d'autant plus opj)ortune que l'évolution de ces pays depuis quelques années,
met en évidence le fait qu'ils prennent de plus en plus nettement conscience
de leurs problèmes propres ; il suffit à cet égard d'évoquer la récente Conférence
internationale sur le commerce, tenue à Genève au printemps 1964 ; le « bloc
des Soixante-quinze »• qui s'est constitué à cette conférence y a joué un rôle que
n'attendaient pas ses organisateurs, en particulier sur la question des prix des
matières premières. Il est très important que les marxistes soient capables d'ap-
porter une réponse appropriée aux problèmes que se posent ces pays.
L'examen de l'évolution récente de ces pays confirme aussi la valeur de la
voie de démocratie nationale comme voie révolutionnaire. Ces pays, depuis
quelques années, s'affirment déplus en .plus nettement comme « non-engagés »,
« non-alignés »• Par là-même, ils se détachent objectivement de l'impérialisme,
et prennent de plus en plus conscience de ce fait. De ce point de vue, la récente
conférence du Caire des pays non-alignés (octobre 1964) représente un progrès
sensible sur la première conférence des non-alignés, celle de Belgrade (prin-
temps 1961) : la Conférence du Caire s'est prononcée clairement et explicite-
ment pour la liquidation de toutes les bases militaires étrangères dans le « Tiers
Monde »• et contre « toutes les politiques colonialistes,, néo-colonialistes et impé-
rialistes », en même temps que pour « la coexistence pacifique entre Etats à
système politiques et sociaux différents ». Pourtant, on Ta indiqué déjà précé-
demment, la Démocratie nationale représente une formule politique plus riche,
plus complète, que la seule condamnation du néo-colonialisme et de l'impéria-
lisme ; la démocratie nationale implique en même temps la démocratie, la lutte
oontre le féodalisroe, le bureaucratisme et la bourgeoisie spéculative, la large
participation des masses à la vie publique ; ces questions sont fondamentales,
mais elles ne peuvent être résolues au niveau du groupe des pays non-alignés,
groupe qui ne se détermine que sur des problèmes internationaux. La Démocra-
tie nationale, avec les perspectives de démocratie de masse qu'elle ouvre, repré-
sente quelque chose de plus combatif que le non-alignement ; dans ces der-
nières années, ce sont les pays qui s'engagent dans la voie de la démocratie
nationale, qui ont été les plus dynamiques, les plus actifs du Tiers Monde ;
ces pays font figure d'avant-garde révolutionnaire de l'ensemble des pays non-
alignis.
20 JEAN CHESNEAUX
Mesdames? Messieurs,
Expansion ou compression
ENCORE une fois, c'est un tel plan qui est conforme à l'exigence écono-
mique et technique de la nation, à ses perspectives de développement
cians Tordre de la production matérielle et du bien-être. Mais les rap-
ports actuellement établis, le régime autoritaire entrent en contradiction avec
les forces productives. Celles-ci réclament en vain davantage d'instruction et
une meilleure instruction : ceux qui ont en mains le sort de l'instruction
mettent des barrières à son développement pour des raisons politiques, c'est-à-
dire par crainte de voir porter atteinte au privilège ou au quasi-privilège bour-
geois de l'instruction développée.
Au lieu de consulter les besoins sociaux dans toute leur ampleur et dans
leur dynamique, au lieu de se référer aux exigences de l'avenir national, le
pouvoir personnel ne prend conseil que des convenances les plus immédiates,
les plus grossières des monopoles.
Et c'est ce qui explique Tinharmonie de l'organigramme de l'enseignement
français actuel, cette espèce d'anarchie apparente qui fait que les uns sont
lâchés dans la vie active à quatorze ans au sortir des classes terminales, les
autres à seize ou dix-sept ans au sortir du collège d'enseignement général et
du collège- d'enseignement technique, d'autres encore 'à dix-huit ou dix-neuf ans
en quittant le lycée, etc. Sous les dehors du désordre se cache une adaptation
soignée, mais à courte vue aux intérêts égoïstes du grand capital. Il demande
et il obtient sa ration de serviteurs en tout genre : tant pour cent de manoeuvres
sans enseignement secondaire, tant pour cent de cadres inférieurs sortant de
l'enseignement secondaire court, tant pour cent de cadres moyens issus de l'en-
seignement secondaire long et du nouvel enseignement supérieur court que Ton
va créer, tant pour cent de cadres supérieurs provenant de l'enseignement supé-
rieur long traditionnel.
On ne forme plus des hommes pour dominer une technique et une société
en développement et en transformation rapides, on fabrique des séries de che-
villes pour chacune des cases que comporte le tableau présumé immuable de
la hiérarchie économique.
L'avenir du pays s'appelle expansion. La réalité de notre système scolaire
s'appelle compression, numerus clausas, malthusianisme : des monopoles qui
aiment mieux acheter leurs licences à l'étranger que d'entretenir des labora-
toires, n'ont pas besoin de matière grise.
;24 GEORGES COGNIOT
Il n'est pas difficile de voir que l'école ne suffit pas là établir une telle,
démocratie. Ce régime suppose que toute la population puisse participer à l'éla-
boration de son destin ; mais si on observe un certain nombre de gens, et
d'abord la masse des prolétaires les plus défavorisés qui se trouvent dans des-
conditions économiques et sociales de sous-développement, il faut constater
avec M. Chombart. de Lauwe que les préoccupations matérielles deviennent,
tellement accablantes, sans' parler des autres formes de pression, qu'il est bien,
difficile à ce niveau d'exprimer dans les faits des aspirations démocratiques.
Le rôle des facteurs matériels et sociaux est donc tel qu'il faut en même
temps de profondes réformes sociales si Ton "veut que les réformes scolaires
soient efficaces. Admettons que cette condition est satisfaite et examinons ce qui
résulte de l'idéal démocratique au plan de l'école. Il en résulte une pédagogie-
qui tend à épanouir l'homme & tout point de vue.
Et d'abord à épanouir et à fortifier sa raison. Condorcet appréciait déjà-
l'aptitude à juger par soi-même des choses et des gens comme un rempart de-
là démocratie. L'acquisition par l'homme de la confiance dans ses propres
facultés de raisonnement est fondamentale. L'enseignement doit tendre à l'in-
telligence lucide des choses existantes, au recul des conceptions magiques dans
Tordre de la nature et dans Tordre de la société. Mais pour qu'une raison
moderne soit claire, il faut qu'elle soit suffisamment avertie des sciences. Aussi
parlerons-nous d'un humanisme scientifique fondé sur une connaissance suffi-
sante des branches fondamentales de la science.
Mais ici une précision capitale s'impose. L'enseignement que nous souhai-
tons fera connaître, conformément aux recommandations de Paul Langevinr
non seulement les données spéciales et pour ainsi dire les résultats des sciences,,
mais leur histoire vivante, l'histoire des longues luttes de la pensée scienti-
fique pour se constituer contre les systèmes et les modes de pensée pré-scien-
tifiques. Les partisans du régime actuel nous ont répondu dans leur presse-
qu ainsi nous donnerions « une vision compliquée » des choses, alors que-
l'idéal est « une grande simplicité des idées », qui permette aux jeunes, — je
cite toujours, — d'être aisément « aspirés » par la société existante. 0 sainte
et précieuse simplicité !
Nous tenons au contraire qu'il faut montrer à l'adolescent les grands che-
mins dans lesquels la science s'est engagée et les remises en question qu'elle
a opérées, enseigner la science d'une manière non dogmatique, mais critique
et historique de façon à développer l'esprit. Nous ne voulons pas non p'us
d'une formation superficielle et utilitaire comme celle qui a fait failb'te, de
l'aveu général des pédagogues américains, dans l'école primaire et secondaire
des Etats-Unis. Ce n'est pas une collection de recettes a mi-chemin de la science
et de la technique qui aurait valeur éducative, et quand la pédagogie officielle
dénonce à grands cris T « encyclopédisme », nous la soupçonnons véhémen-
tement d'en avoir en réalité aux idées générales, de craindre toute vision scien-
tifique du monde.
II va de soi que cet humanisme scientifique moderne que nous préconisons
est un humanisme laïque. Certains de mes amis développeront ce point essen-
tiel.
FORMATION DE L'HOMME DU XXe SIECLE 27
2) Une crise des méthodes. Cette crise a été « découverte plus récem-»
ment, essentiellement par un travail poursuivi à l'intérieur de TU.N.E.F. qui
a réussi à en imposer l'idée. Elle concerne le problème du mode de travail dans
l'Enseignement Supérieur et met en question les rapports entre les deux par-
tenaires de la chaîne enseignante que nous allons désigner globalement par
les termes « enseignant » et « enseigné » 1.
Au plan de l'opinion, ces deux crises jouent parfois le rôle d'écran Tune
par rapport à l'autre : souvent, le problème de l'attention à consacrer à l'une
et à l'autre a été abordé en fermes d'alternative; il semble qu'il en ait été
ainsi dans certains congrès syndicaux des étudiants' et des enseignants, avec
une inversion du phénomène qui jouait le rôle de « figure » et de « fond » ;
il en a été de même dans les articles de certains journalistes spécialisés dans
les questions universitaires, à tel point qu'on pourrait parler de partisans »
«
i. Ces termes sont discutables sans doute et leur emploi, qui tend à se répandre, peut appa-
raître paradoxal au moment où l'accent est mis sur l'activité des étudiants ; nous les employons :
i° parce que le terme « enseigné » extrait l'aspect purement pédagogique qui se trouve noyé au
milieu de toute sorte d'autres connotations dans le terme « étudiant » ; z° parce qu'ils corres-
pondent à la symétrie des deux partenaires de la chaîne enseignante.
L'ENSEIGNANT ET L'ENSEIGNE 31
2. « Le débat qui s'est instauré à TU.N.E.F., et que les nécessités de l'action revendicative
ont cristallisé autour de l'alternative : « doit-on prioritairement revendiquer sur les conditions de
vie des étudiants ou sur leurs conditions -de travail ? Il
» revêt une signification plus profonde.
s'agit en fait do décider de la nature même du mouvement étudiant. (...) Accepter aujourd'hui de
stériliser les luttes étudiantes sur le fondement unique de besoins matériels des étudiants (...) et
persévérer dans la perspective « gestionnaire », c'est non seulement consacrer l'échec actuel du
mouvement, mais nier sa vocation véritable, syndicale donc revendicative avant tout. »
(Marc KRAVETZ : « Naissance d'un Syndicalisme étudiant », « Les Temps Modernes », Fév. 64.)
3. Un des traits de la société bureaucratique moderne, c'est le directivisme pédagogique »
(Lapassade, « 20-27 », mars 64,
p. 51).
52 MAURICE MOUlLLAUD
les_ sjtyqir-fairje, yf sont,, en. nornbxe limité, qu,'ils sont peu différenciés, stables
dans, le, terims, à prox.hnilé, immédiate, de. chaque membre du groupe, et qu'ils
peuvent être acquis par l'exemple empirique : ce qui s'apprend est prochain,;
le ipinlain dans l'espace, çt dans. le. ternes demeuré inconnu : absence et pré-
sence sont, nettement^ tranchées. Ce qui s'apprend, s'apprend spontanément dans,
le.cours, dg la v,ie,. la, vie elle-même est institutrice (ceux qui, ont le plus vécu
sont les, plus, sages).
li^ns, nos; sociétés, les savoirtfaj.rre, ont éclajté en une multitude de tech-
niques, spécialisées et hétérogènes les unes, aux autres, ces, techniques sont invi-
sibles et lointaines, elles ne peuvent pas être acquises par l'exemple, vécu, elles
se renouvellent à. un. rythme, désormais, beaucoup, plus rapide que celui des géné-
rations. Les. çbjets. techniques sont le produit d'une longue, chaîne de novations,
qiu\ sont sédimentées en eux, de telle sorte, qu'ils constituent un. horizon déjà
cqnstitué et indéchiffrable., pour chaque, individu, qui vient au. monde. L& pra-,
tique de l'objet technique s'est dédoublée. :. il peut être mis'en oeuvre et con-
trôlé par-- une, pratique superficielle ; si ces techniques de manipulation peuvent
êtrç. acquises, rapidemenjt, elles, laissent l'utilisateur étranger, à l'objet. Un,
dédoublement plus radical: s.'es.t opéré : T objet technique est devenu le, produit
d'une^ informa^» théorique qui constitue sa véri.fjable racine. ;. ce ne. sont donc
pas; seulement les novations techniques^ suççessi.v!e§. sédjnieirtées, dans L'objet, qui
lé, rendent opaque,, mais, plus. radicalement la formation d'une, base, théorique ;.
car- çeJJLe-çi n/ej^ pas dçnné^, spontanément- %veç, l'objet, la pratiqua immédiate,
dg, l'objet ne Tagg^endj pas. ^'approche, de, Vç.DJ£t deyien^ contradictoire, elle
passe^ par la théorie qui apparaît d'ajbord comme un déjwur-. La critique, des
mi^liqdeji. se^i^. i^Lusojçç si ejlg ^J-ait une critigug, de, la théorie parce, que la.
théorie, serait siècle : ce sont les chemins, apparemnçient courts, de. la pratique,
qu^ s^flJf djçs, (^enïLns longs, ou; plutôt ils sont d§s chemins, de. nuile part, car.
ils ne conduiront jamais à y-appo^ri&tipn profonde des, objej^. techniques con,-
t^BjporaiiBSf
Le dédoublement théprique» et Pratique des, objets a u&g autre conséquence; 7-
les, objets d,^ speiétés traditionnelles se, modjifiaient
;
très lentement, les nova-
tion-s. s/inçorr^raient en eux de, façon progressive j. Tphjfet techniques, de nos
sociétés, p^ïcç, (ju'il a une, bas^e théorique, peut changer de. baSje : les mutation^
qui introduisent des discontinuités, dans, l'univers technique, se produisent % de$;
i
intepfalles; dg temps, de. pjus; en; plu§ courts L apprentissage pratique, risque
4. M. Gilbert Simondon écrit :. « ... il. faut préciser que cette genèse (de l'objet) s'accomplit
par- des, perfeçtipnnçmfints, essentiels, discontinus, qui font que le. sçli(fn?a ipj.e,rne de l'objet teçhj:
n^ufi, sç inpdifje par bond^ ç£ non, s^îon 'une. ljgne continue. » (DJu mode d'existence, des objets
techniques, p. 40).
Les doyens des Facultés des Sciences de Grenoble et de Paris, MM. Louis Weil et Marc
Zamanski, écrivent dans une correspondance au journal « Le Monde » (16-7-64) :
« On peut envisager la formation de cadres moyens un peu dans le style
de la « Ingénieur
Sch.ule » allemande, :, basée, S.UJ les, enseignements de, V-enseignement tectonique, elle, -prépajetait. alors
a des, carçtèrcs, çte, techniciens amenés, à faixe pendant toute, leur yte le njêçne. travajl. Cette Çoipïiute
«st dépassée.; eli,e, correspond à un mpndç où l'-industde, s'ajnçrtit- su*, vingt ou trente, açs, et Q|I
ft esJi ejîtçêmenien,fc tare, que. le. tçch,D,icjen spit anjçné à changer, de métiçÇ. Dans le iRoncle. d'ajj-
jpni;d'hui c,'^ (...) quelquefois, sur trois, pu quatre ans qu.e, s>m,ortit le. matériel, e|. il gst ijare, qu/rin
technicien puisse exercer des fonctions similaires pendant une dizaine d'années ! Il faut «Jonc
tPftféxer. aux. cadres moyens une certaine, dpse d'aâ,?P^b,i.lité. Cette, adaptabjlité est à> base. 3e, con-
naissances, générales, scientifiques. (-niatfyfoafeues,, Rlm'^: •)• et géniales {itp.rmatipn éçpnjnjiîq.u.e
«t culture assez large). »
2
34 MAURICE MOUILLAUD
M'ririrâ1 important peut-ël/e', nbusr s'ëiribl'e être là5 <f irtàxhmsatïon- »' d'un1 aspect'
c'bfitéfftr? dans1 lès processus5 de cô'mmuriicatîbiï : nôUs voulons parier dô'- Téta<
blissemërit d'une égalité1 aux extrémités' de la clîâîn'ê: dé ëommuhicatioh'; tout1
prOfcessns Se cômffiuniçàtroh;vise sah's doute à établir' un' équilibre" entré Témet-
teuf et le iéc'épteur r ri est orienté' v~èrsr TétablisSëmeh't d'une information idenv
tiqué dansv deux champs mentaux, mais l'égalité êttr en' général limitée' à iflif
message particulier et à1 un' rribmënt dû' temps' : T.é%âlfëa'tidh; de Ttofôrmatibn1
(ou: état d'ëquTlib're)1, e&t un' moyen: pour obtenir uri résultat (une certaine
réponse)' (les p^ycfiô-seciôlogués iméricâîns fendent â faire' dé là: môdiScatibiï
lpportééJ àli fécepteuf ù'iîe caïâctéristiqu'3" de M' communication).
On pourrait suggéYer que5 le processus d'énSeTgriëment fènVërse les choëë's: :"
le résultât recherché est Tégalisa'tion* d'é l'information (sinon l'égalisation aFso'-
luè, du inoins l'égalité'avec un certain" hivëaù de' l'informatidrf) : il faut qu'au
ferma' d'un rnïérvâlle' donné de' temps' une' certaine quantité d'information sbil
passée dé Téhiéttéur àxi fécèplèrif :' M- rébnerch'e dé' cette' égalité âst une Sri
dans le' pTbceèsus d'e*niëîgnemëïft au1 lïëtï d'êtfè' un1 moyen" : il y « Mëri ù'hë*
réponse qui est provoquée chez le récepteur et qui est è'n quelque sorte' exigée
de lui, mais la réponse' à le caractère original d'être l'aptitude à se déplacer de
façon autonome' dans' lé champ d'idforrh'StiÔti qui a été' enseigné. Cette répbrisë
est donc Tîutoho'ràiS. C'est a jùsHë titre que la critique actuelle dés méthodes
â!'ensèigh»mënt insiste sur la visée d'autonomie. Mais peut-être n'S-t-éllë paS
aperçu suffisamment lé' caractère contradictoire dans le temps dès processus
d'enseignement :' 'Cette autonomie est un résultat f Ié: processus d'enseigne^
ment se présenté comme un processus dissymétrique, à fon'dëment inégàlitâirë;
fflôût la fin est dé se supprimer lui-même. Là différence est donc hèltë' â'-vêe les
purs processus de pouvoir, où là transmission des" Signes â pour objet Tè'ntretiëîi
et Tâcfua'Iisatïoh du pouvoir.
L'analyse de c'étfè1 structure bbritrâd'ictbîré' doit pérméttfë' ,à là fois là erh
tique des méthodes' d'autorité (elles ne retiennent que Ta dissyfrïétriê 3ë îà
1
ANALYSÉ
comme un processus d'information, l'enseignement, disions-nous,
est une communication inégalitaire- de l'enseignant à l'enseigné, qui
comporté une certaine autorité du premier" par' rapport âii second.
Cette autorité, fondée sur l'inégalité dans l'information^ prend ùiié formé con-
crète : die s'incarne dans un Certain mode de relation entre les deux parte-
naires. La relation, enseignant-enseigne se présenté â ricfus mSïritteiîânt êtWe ë&
physionomie complète : ùhë transmission d'information' plus une relation entra
des individus-. La crise pédagogique porte sur la nature de la relation entre
ensêigrrafits" et "èns'eig'hés. Au Sein de qfël type de relations fte défoule le pro-
cessus1 d'ëh^gûhffîïtJ Cette.rflàiïon.ë*ell^favorable ôîî dêfàVôraiBÎ& â là
communication ? Si elle est défavorable, quelle» relations .p\5ûrrâièrU assurer
une communication meilleure P
'.'MîmiGNANT £T L'ENSEIGNE $T
La relation «enseignante que nous femwons devant cnous ,-s.e trouve .être .u-pe
sli'ution léguée .par un processus historique (que tïtoii» .ne sos-tmes pas en
esure d'analyser, mais il faudrait le faia?ej. sCtest dans c«i*e -j»ls*i'oja .que l'on
eut trouver effectivement un aspect social, voire politique., du processus d'en-•'
ignemcnt, et en >ce sens il convient de nuancer ce que nous léeriviions plus
ut : nous avons tenu à assurer d'abord T^existence d\me dissymétrie et d'oi-në
torité qui nous ont paru inhérentes à l'acte d'enseignement ; "mais cette atuto.
té «'-est qu'une -exigence abstraite -et nous noms trouvons en fait devant un:
edèle d'autorité qui est bien un modèle hïstorico^social. Ce modèle <est celai
.'
e Ton désigne dans la campagne actuelle sous îe nom de « cours -magis-
aî » ; il a -été décrit bien des fois, nous allons nous contenteT d*en faire res-
tir certaines caractéristiques : l'activité et la passivité, dit-on, y sont répar-
es dans des proportions inégales au point de caractériser, chacune, l'un de
s partenaires 10 ; mais plus fondamental nous semble être le ^caractère super-
ciel de la relation enseignant-enseigne.
•'; La mise en présence de l'enseignant et de Tenseignê représente une frac-
on minime de l'ensemble de leur activité (trois heures par semaine, par <ex.):.
quasi-totalité de leur activité se passe a Tinsu Tim de l'autre. La situation
ssemble un peu à celle des baraques foraines où des cibles, lion, éléphant,
e... passent un bref instant devant les tireurs, puis disparaissent en coulisse :
s tireurs disposent d'un instant très bref pour atteindre la cible ; il faut des
jours adroits et rapides. Le cours magistral est une opération où le temps
ssé dans les coulisses par chacun des partenaires est disproportionné à leur
ésence sur la scène ; par conséquent, la quasi-totalité de l'activité de Tensei-
[ é se passe hors de tout contrôle de l'enseignant. L'enseigné sort du cours
,.ee le « paquet » d'informations qui lui a été attribué; l'enseignant, de son
té, n'a pas d'information sur la manière dont son cours opère. Ajoutons que
brièveté de la mise en présence favorise le brio dé l'enseignement : Tappren-
ssage de techniques ne peut se faire qu'avec un service « après-cours » ; ici,
cours tend à -se refermer sur lui-même pour constituer un univers clos. Le
tact est donc à la fois bref dans le temps et superficiel (« une voix »,
sent les étudiants interrogés, de leurs professeurs ; un « contact entre des
agnétophones »).
•
En traduisant cette situation dans le langage de l'information, nous pour-
pre dire que les carences du cours magistral sont considérables : les pro-
mes et difficultés des récepteurs sont 'hors de contrôle ; les problèmes
opres & la réception du message ne sont pas examinés (toute la question du
fcodage : des sondages, par exemple ceux de Bourdieu à Lille, Ont inontié
\..e des termes employés couramment dans les cours n'étaient pas compris de
^majorité des auditeurs ; il y a ainsi une distorsion importante de l'émetteur
û récepteur) ; les destinataires n'ont aucun outil qui leur permette de stopper
ê: déroulement du
message pour demander des explications, élever une contes-
j. ao. Cette, description revient très .souvent .dans la critique des -méthodes Î
f « On est toujours passifs. Le prof arrive, salue, prend ses notes ou son plan, les lit, salue,
« Les rapports entre le prof et l'étudiant sont déplorables. On ne peut rien demander,
ëri va ».
en discuter, on ne peut pas participer au travail du professeur »., etc.. (dans « 20-27 »,, numéro
,,é). 'Peut-être, cependant,. le thème de la passivité Un l'auditolfe dtmmï*5fait
a *tfe examiné de
lis près. L'effort •d'assimilation d'un ensemble <fe faits et d'idées fie ffetft 'tee *<?nu 'pôtir « TsaSsi-
te » q\ip si l'on se fait de l'activité
une idée rudimentaire.
38 MAURICE MOUILLAUD
(composé d'un» dizaine de membres) a travaillé une partie de Tannée sur une
question déterminée. (Les questions ont été proposées par l'enseignant. Ea
Psychologie sociale, les thèmes suivants avaient été choisis ; « La Relation psy-
chanalytique ». « Le Racisme ». La Situation coloaiale ». « Pouvoir, autorité,
leadership »). La groupe s'organisait par lui-même et se donnait un respon-
sable. Il se réunissait périodiquement (avec plus ou moins d'assiduité, suivant
les groupes, et avec une participation inégale de ses membres). Il devait cher-
cher l'information dont il avait besoin, la répartir entre ses membres, confron-
ler les documentations réunies, élaborer un plan et synthétiser les apports de
chacun, rédiger un document qui était ensuite ronéoté en une brochure. Ce
document était distribué à l'ensemble des étudiants ; quinze jours après, avait
lieu une séance collective, les « exposants » d'un côté, les « exposés » de l'autre
(l'enseignant-professeur parmi eux) : ceux-ci avaient fait parvenir, dans l'in-
tervalle, des questions écrites au groupe. L'exposé prenait la forme d'une dis-
cussion entre le groupe et le reste des étudiants (des variantes ont été opérées :
tantôt l'exposé oral était complet et le document revêtait l'allure d'un canevas,
tantôt le document était complet et les exposants en donnaient un résumé pour
lancer la discussion).
Ce mode de travail nous a paru apporter un certain nombre de bénéfices :
1) L'attitude des enseignés est profondément modifiée par l'accroissement
de la motivation. L'information n'est plus un objet anonyme que Ton reçoit.
En effet : a) elle provient d'une partie des enseignés eux-mêmes qui se trans-
formeront un jour, là leur tour, en « exposants » ; b) elle a été (plus ou moins)
intégrée à l'avance, à l'aide du document distribué : c'est un objet plus proche
de chacun ; c) la discussion collective permet de la remettre en question et
éventuellement de la modifier : ce n'est plus un objet derrière une vitrine,
comme dans le cours magistral, mais quelque chose que tous peuvent mani-
puler.
On peut penser que ce changement d'attitude ne se limite pas au moment
de l'exposé, mais qu'il imprègne le travail de Tannée-
2) La technique de la discussion collective n'agit pas seulement sur les
motivations et les attitudes. Elle permet une amélioration technique du pro-
cessus de communication, parce, qu'elle comporte un processus régulateur de
feed-back. L'information est reprise et adaptée en fonction des questions de
l'audience.
3) L'enseignant reçoit lui-même, par le jeu des questions-réponses, une
image du champ mental des enseignés, de leurs problèmes et de leurs diffi-
cultés — ce qui améliore son contrôle du travail des enseignés et l'adaptation
de son travail propre.
4) En ce qui concerne le groupe-exposant : en se mettant en situation
d'émetteur, il prend la situation en mains, passe là l'activité : recherche des
documents, analyse, synthèse des matériaux, présentation d'une question, etc...
Celte activité est un apprentissage de l'autonomie. Elle ne tient pas seulement
au passage du statut de récepteur à celui d'émetteur (il se produit aussi dans
l'exposé individuel). Elle vient de ce qu'au sein du groupe, la position de
chaque membre est mobile, chacun se trouvant alternativement donner et rece-
voir de l'information : d'où une perspective et un contrôle de son propre travail.
Cependant, il y a des aspects négatifs :
1) au niveau du contenu de l'information. Dans le cours magistral, elle
est « sûre » ; ici, elle a un caractère d'essai. Or, la valeur de toute la commu-
&- MAURICE MOUmLAUD
riicatioa dépend de- la valeur- de- ce qui est- transmis ; d'où un problème de
contrôle de l'information transmise,
2) au, niveau de la discussion collective. La discussion risque d'être faite,
d'une- poussière de questions d'importance très inégale, et inégalement répar-
ties sur les différents points. Une image cohérente de l'information se forme-
t-el'le dans Tesprit des participants ? d'où un problème d'organisation de la
discussion,
3) l'objection la plus importante nous paraît être celle-ci : La technique
proposée se rapproche d'un travail de séminaire. Or, le séminaire suppose un
échange d'informations entre des partenaires : a) qui sont à peu près au même
niveau de connaissances ; b) qui disposent, chacun, d'une certaine quantité d'in-
formations originales. Il faut bien reconnaître que cette double condition n'était
pas remplie dans nos discussions, sauf, de manière fugitive, dans l'exposé sur
« la Situation coloniale » grâce & la présence d'étudiants africains.
Ce dernier point nous paraît indiquer la limite de la participation des
enseignés au processus d'enseignement. A notre avis, il n'est pas possible de
rêver d'un enseignement qui se passerait d'enseignants 12. L'auto-gestion garde
le caractère d' « essai d'enseignement » dont la place doit être étudiée et équi-
librée dans l'ensemble des actes d'enseignement.
En outre, contrairement aux idées qui paraissent exister, le développement
de l'autonomie des enseignés n'a pas pour condition le retrait de l'enseignant.
Il semble que Ton pense parfois en termes dlalternative : présence de l'en-
seignant ou autonomie de l'enseigne * à la limite, les enseignés occuperaient
complètement le terrain évacué par l'enseignant. Notre expérience nous montre
que la réalité est inverse : elle demandait une présence plus grande d* l'ensei-
gnant, sous la forme de contacts avec lés représentants des groupes ; encore
ces contacts étaient-ils bien trop parcimonieux ; ce qui nous a été reproché au
cours de la discussion de fin d'années avec les étudiants, ce fut une participa-
tion insuffisante au travail des groupes. II a été demandé que l'enseignant
viennent participer à plusieurs moments du travail du groupe (présentation du
thème de l'exposé, guidage pour la sélection et l'obtention de la bibliographie,
discussion du plan, contrôle de- l'information réunie au moment de l'élaboration
du document définitif).
C'est dire qu'un accroissement notable de la présence de l'enseignant est
exigé. Il ne s'agit plus ici de la fourniture d'un modèle verbal tout fait, livré
d'une pièce, qui n'est pas imitable, comme c'est le cas dans le cours magistral ;
il s'agit de l'apport d'impulsions, c'est-a-dire d'une activité capable elle-même
de créer des activités ; par conséquent, d'une activité qui pénètre plus profon-
dément à l'intérieur du tissu étudiant.
Mais il y a encore une autre raison qui.limite l'emploi de Tauto-gestion.
CellerCi représente un apprentissage double : apprentissage du contenu de Tin»
formation et apprentissage de la recherche de l'information, c'est-à-dire de la
fin et des moyens. On comprend qu'un tel apprentissage soit lourd et coûteux :
nous voulons dire par là que la « fourniture » de. la même quantité d'infor.
noation va coûter beaucoup plus d'efforts et de temps aux enseignés qu'à l'en-
13. « Dans l'Université, on assiste à cette chose assez paradoxale, c'est que les professeurs font
la recherche, mais cette recherche, quand ils l'expriment sous forme de discours, ce n'est plus de
la recherche qui se fait c'est de la recherche toute faite. » (Payen, « 20-27 », numéro cité,
P- 30).
42 MAURICE MOUILLiUD
,2nent,de la tuberculose .si ..tristement actuelle^ ainsi que dans la répétition des
;i^jn0P;iiaiyngites.
Une monographie de l'Institut national d'hygiène fait ressortir d'un» façon
saisissante cette influence du logement. Ce n'était d'ailleurs pas son but. .'Son
propos était d'étudier les raisons de la mauvaise utilisation des inves-
tissements indispensables à une médecine scientifique ; dans l'esprit des res-
ponsables, les hôpitaux devant être des centres de diagnostic, de traitements et
de recherche, mais non, comme ils le restent en partie, des centres d'héber-
gement temporaire.
Son auteur, le docteur Strauss, a donc minutieusement analysé pourquoi
les services étaient encombrés d'enfants dont l'hospitalisation n'était pas
i.
médicalement justifiée ».
Ses conclusions font ressortir que si ces enfants ne sont pas soignés chez
eux pour une très légère rhino-pharyngite, alors qu'elle risque de se surin-
fecter dans les conditions actuelles d'hospitalisation, ce n'est pas tellement
parce que la mère s'absente pour travailler, « mais c'est parce que les condi-
tions de logement sont trop souvent inhumaines »! En être .surpris, c'est
ignorer l'ampleur de ce drame.
Le docteur Strauss constate même « que de très nombreux ménages dont
la femme ne travaille pas sont obligés de se séparer d'un enfant, uniquement
en raison du logement, de son insalubrité et, dans certains cas, en raison de
-l'interdiction de la présence d'enfants en bas âge par le tenancier d'un iôtel
meublé » 1.
« D^autres enquêtes montrent .que d'élévation du iaux d'hospitalisation
des enfants dans les familles où la mère travaille dépend moins de l'activité
professionnelb de cette dernière que des conditions dans lesquelles .s'exerce
cette activité » 2.
jIl -faut se garder de penser que les conditions dans - lesquelles s'exerce
cette activité soient spécifiques au travail féminin : elles ne sont qu'un aspect
particulier des problèmes généraux posés par l'exploitation de la classe ouvrière
tout entière : celui de la double exploitation de la femme liée à sa double
fonction sociale : celle de mère et celle de travailleuse.
Elle doit .en effet concilier son.travail et sa famille.: elle doit surmonter
i. L'étude juet .en valeur .L'extraordinaire .pourcentage .de familles .vivant .dans des conditions
,de surpeuplement, qualifiées d'intolérables, alors que, selon ,1e critère .du Ministère de la Construc-
tion, une condition de « surpeuplement critique» est atteinte par une famille lorsque le nombre
de personnes par pièce est égal ou supérieur à deux, 58 % des familles suivies dans cette étude
vivent dans cies conditions.
:ParmiJes.38.à >B %.,des logements d'une^pièçe, ^44 % .sont occupés, au moins par .5 personnes;
c'est-à-dire que parmi les familles ,,de ,5 ..pejsqnnes ,pu .plus (55,7 %), .3,0,6 % habitent dans
.
une jeuje. pièce. " ' ' "
Nous rappelons qu'il ne s'agit que -de famille ayant des enfants en bas âge :
— 28.%.n'ont .pas rl'eau courante;
..—;33-;% illont -.pas_.de .cuisine ;
_— .70 %in'j?nt J)aS de .W.C. injiivjduels ;
— '17 % couchent à plusieurs dans un même lit;
— i7,'S-% des 'logements sont -des meublés.
La moitié des «jJÊflaîï.ide,mollis .-de 2 .an^^pt,déjà,.effectué un séjour ç.à vl'hôpilpl.
.^.(Dans ÉjOt.%-,des gas il -.s'agit .de .rnaiiMfoeuvre ,npn qualifiée,.avec .salaire .extrêmement,bas.
Dura jp'% de» ca» la famille" vit dans une.seule pièce' (14' % de meublés).
- Dans"4.3 %'-&» cas-k~femme subvient en -totalité; " â l'entrefer--de sa famille, soit parce-
«lu'elle est seule, soif parce...tuie.sfln jnari„ne;îjjiv«iUe..pas.
46 FRANÇOISE LAZARD
3° Aliénation médicale
3. L'hygiène qui s'est développée parallèlement aux concentrations urbaines est née de la
nécessité pour la classe dominante de se protéger contre les épidémies.
Actuellement elle comprend notamment : la Protection maternelle et infantile, la Médecine
du travail, 1a médecine scolaire, la lutte contre les maladies parasitaires et infectieuses (hygiène
et vaccinations).
4. Dans une société où tout se vend, le lien d'argent médecin-malade semble naturel et même
indispensable puisque certains ont été jusqu'à écrire « que sans honoraires, il n'y a pas de
sciences » 1
5. L'assistant d'une importante consultation hospitalière d'enfants, d'origine modeste, conscien-
cieux, « bon garçon », hautement qualifié, responsable de l'enseignement des jeunes externes chargés
de recevoir le « tout venant » des consultants, leur demande tous les jours : « Qu'avez-vous à
m'othii aujourd'hui ? » 11 arrive apparemment à ne choquer personne : quelle déformation
pour les jeunes 1
48 PRÂNçëisÈ -LkMm
'de ire%bnsab'ffilJé ^célléctivè vis:à-¥is 'du malade *ét de 'sa Téinsértidn Jsodi&le ne
•sont que ^trop freinent "abordées 'et jàniats -bien résolues.
L%dittîmsWa'tion-et 'quelques ^'médecins, désireux dé désencombrer les -hôpl-
'tirtrx 'et d'utiliser au maxiirrïïm -les %ô£< ^rà-res installations ^modernes jde difc-
-ghdstic, 'de -traitement et -de recherche, se préoccupent d'organiser Taccêléia-
' titïii de % « 'rotation '» des malades 'et -d'-éviter l'es hospitalisations de -maladies
'bénignes par un système de soins-à'doiriicilè. Mais, pour "ne pas nuire-aux
malades, ces mesures ne sont concevables qu'après une transformation révolu-
tionnaire delà médecine, conçue cofHme étant au service de la population toute.
'entière.
Lés xBrahchës 'tMbricjue's ellëS-mémes sont victimes d'une tio'nceptioh
"« pbsiti'visfê >/ 'qui entrave l'efficacité et Tuhité dés soins. Les extraordinaires
progrès scientifiques Jdù xxe siècle ont permis d'accumuler de nombreuses
ttcquîsitrons 'rriédrcaies ïioirvèlïe's, et pourtant trop de médecins sont réticents
devant tout essai de synthèse sur le concept de maladie.
liés connaissances restent ainsi limitées, incohérentes malgré leur intérêt
Indéniable. Et, dans l'immense chaîné des causés pathogènes, lés médecins Oht
trop tendance % né retenir que lé."maillon principal lié à leur spécialité ; ils
perdent ainsi de vue 'que derrière ïe symptôme, la maladie, il "y a lé malade
et négligent aussi, trop souvent les liens profonds existant entre la forma-
tion "dé la p^rsdhnalité et la "réalité sociale.
Afin de ne pas trop planer dans l'abstrait, "nous prendrons comme exemple
"une.'nouvelle « spécialité "» apparue ces dernières années, appelée « Médecine
'psycho-sbTwiïque ».
Ce terme, dans l'esprit de leurs auteurs, présentait l'avantage de souligner
Tuhité de l'organique (lé Vpiriàtique) et 'du psychisme qui trop souvent avaient
"été sépaié's'et même ' opposes ï'iih à l'autre.
Cette conception est progressiste, mais sa formulation est dangereuse dans
Ta mesure 'où 'elle peut prêter a une inférpr'^tatiôh"dualiste "c'est-à-dire idéaliste
et bon dialectique. LEe 'pSychKrrie Jet Tbrgàhique "fôrfriènt "avec la réalité 'sociale
l'es "vefsffïf'ts d'tihe 'mëirie'entité ': 'l'homme, que 'le''médecin doit cerner de
toutes "p*arïs.
Mais « ce nouveau petit rrh6t :» Comme °se plaisait là 'dire Lénine, a "trop
souvent'&ev/cc$£idè?r^ alors que dès l'antique Hippbcrate
bn cbnâàîiMt "la partîciiià'tibh "des réactions psychiques au développement dé
processus ôr^a'Biqu& "hbrmâux 'et 'passagers,, qui,^ en se répétant, peuvent, chez
dés individus prédisposés, cohêtitû'er une base d'altérations pathologiques.
Ces derniers temps, l'expérimentation a confirmé ces faits sur des animaux.
Mais si ce phénomène est important, ces maladies provoquées par des agressions
psychiques ne^ sont pas au total très_ nombreuses, (les plus connues sont cer-
tains ulcères digestifs, certaines maladies d'origine hormonale, "certaines ^ïyper-
tehslîMs •artérielles).
:Maîs T! 'ISrait 'r#frftfaBle "Tpe :soÏÏs Te "couvert 'de « médecffïe ''ps^çhO-sVrrfe;-
tique » s'accentue la -tendance à attribuer 'au fpsychisme la responsabilité de
troubles organiques -dont -nous ne -connaissons ^pas -encore la caiise exacte, s%à
comme certains n'hésitant pas a le faire, à psychiatriser bon nombre de 'trëunTês
au comportement'I
Par exemple, -à la'suite -des ^publications-des psychiatres américains••(-Spite,
<£b-wb^}, dés "pédiatres'français 'se sont penèhes-sur-les troubles'dévêtît feMes
enfanta appartenant à « des familles problèmes »2 hospitalisés ^ôuVërît "c%
-HE-TRAVAIL-WE ^LA FEMME W
•longtemps.-Devant T-échec poiir les améliorer de6>8implés 'mesur-es de £bon<sens,
des trava-ux -ont ^permis 'd"approfondir 'nos 'Cb'nnais'sanGes sur l'importance des
soins 'de 'la première ; année de da vie °dans -le développement psycho-moteur
et affectif : il est capital, à cet âge, pour l'enfant, -qui « investit sa. mèro
avant de la percevoir », de se sentir en sécurité, de pouvoir s'attacher. En
bref, il est nécessaire de préserver le lien mère-enfant.
Mais tout de suite, ces éniihëiïts psychiatres concilient qu'il ne faut pas
laisser un enfant de moins de 5 ans vivre en collectivité, ne pas le séparer de
'sa rfïèrë avant l'âge'de 12 dû 18 mois, "sb'ûs perhé de courir le risque de névrose
et m*me de réactions anti-sociales ultérieures. Il n'est tout de même pas rai-
sonnable 'de ramener toute la '.genèse dé Ta 'personnalité a l'affectivité, saîiS
approfondir les rôles respectifs et encore "si mal connus de la "maturation orga-
nique du système nerveux, de i'intelligence, du caractère et même éventuel-
lement celui de traumatismës crâniens si fréquents chez Tenfant.
La monographie du Dr Strauss -souligne indirectement ces excès en cons-
tatant que malgré leurs réhoppitàlisations successives et leur très jeune -âge,
les enfants suivis au. cours de son enquête ne présentaient aucune difficulté
les mois suivants, en dehors de rares enfants prédisposés.
On a ainsi beaucoup exagéré les notions médicales de carence affective et,
malgré l'intérêt indubitable de ces recherches importantes, on-a été jusqu'à
provoquer des carences éducatives, et-à développer chez les-mères-qui-travaillent
un sentiment de culpabilité vis-à-vis de leurs enfants.
Ces besoins étant différents si Tenfant est bien portant ou non, et variant
suivant les différentes tranches d'âge, nous les étudierons successivement pour
ceux âgés de moins de 3 ans, pour ceux d'âge préscolaire (3 à 6 ans) et pour
ceux d'âge scolaire (primaire et secondaire).
Les Crèches
tation, établir « un plan d'éducation élaboré dans les moindres détails, métho-
diquement conçu et systématiquement appliqué ».
Pour que la crèche puisse remplir le rôle qui doit être le sien, il lui faut
résoudre un certain nombre de problèmes :
1° Le problème de son implantation qui doit être judicieuse ; nous y
reviendrons.
2° Le problème du barème de son prix. Pour répondre aux normes, le
prix de revient est obligatoirement très élevé. Or, des enquêtes sociologiques
ont montré que les mères confiant leurs enfants à la crèche sont de très jeunes
salariées, ayant par conséquent des salaires très bas.
Si on ne veut pas faire une sélection par l'argent seules des crèches
publiques peuvent donc supporter un tel déficit.
3° Les problèmes d'hygiène et de puériculture qui n'existent que dans la
mesure où les locaux et le personnel sont insuffisants. Même dans ces condi-
tions, les soins y sont d'ailleurs mieux assurés qu'ils ne le sont parfois à domi-
cile par de très jeunes femmes, inexpérimentées malgré leur amour maternel,
fatiguées et vite débordées. Pour certains nourrissons le placement en crèche
peut même être « une chance inespérée » quand la personnalité de la mère ne
supporte pas les conditions de vie liées aux salaires insuffisants.
4° Les problèmes psychopédagogiques. Un des premiers qui se pose est
lié à un problème de puériculture : celui de l'adaptation progressive de Tenfant
à l'alimentation qui doit être la sienne.
Dans ce domaine, l'absence de la mère peut présenter des difficultés. Mais
ce ne sont pas les seules.
Il est normal que Tenfant « qui n'a vu le monde qu'à travers sa mère se
sente en détresse quand sans préparation, il est confié à des mains étrangères
qui vont accomplir les mêmes gestes. Il va donc manifester son angoisse et
son refus par tous les moyens dont il dispose ».
Ces difficultés psychologiques réelles doivent être considérées non en fonc-
tion des normes idéales, mais en fonction des difficultés réelles que présente-
rait l'éducation de chaque enfant dans sa propre famille, toute mère qui ne
travaille pas n'étant pas ipso facto une mère idéale, une éducatrice née et dispo-
sant du temps nécessaire !
Elles pourraient d'ailleurs être bien atténuées si Tenfant était confié pro-
gressivement à la crèche dans les dix jours qui précèdent la reprise du travail.
Ces troubles d'adaptation ne dépassent qu'exceptionnellement un stade bénin,
si la directrice possède de grandes qualités humaines et professionnelles. Ceci
est indispensable pour impulser une collaboration intelligente entre les parents
les médecins et les « berceuses ». La création d'un comité de parents serait à
souhaiter dans chaque crèche.
Tout au long du Séminaire de 1960 sur les crèches du Centre International
de l'Enfance les interventions des personnalités françaises ont déploré l'insuf-
fisance criante des crédits d'équipement et de fonctionnement.
Les pouvoirs publics ont alors fait une aumône en autorisant le Service
Départemental de la Seine à employer dix psychologues pour aider le person-
nel à réaliser une organisation de vie fondée sur les connaissances du dévelop-
pement psychologique de Tenfant. C'est tout de même plus efficace que l'essai
d'humaniser les hôpitaux de l'Assistance Publique en demandant au couturier
Dior de créer un nouvel uniforme pour les infirmières !
Mais il sera difficile à ces dix psychologues d'améliorer beaucoup la situa-
£2 FRANÇOISE LAZARD
.tipn ^parce .que même si certaines berceuses ont des qualités spontanées, leur
nombre est calculé en fonction de tâçbes njatérieljes qui ne les rendent guèjre
« disponibles ».
6° Le problème ,des .infections est d'autant plus important, que les crèches
sont en France des crèches de jour, .donc .ouvertes aux con^mi nations exté-
rieures- GAUec,tiv,ités.de sujets vulnérables, les infections sont fréquentes et leurs
complications sévères.
Ppur les provenir, .nous -retrouvons l'importance de la disposition des
.locaux, -du ^nojrtbre tet de ,1a ..qualification du personnel ; mais aussi du rôle des
^médecins qui doivent veiller à appliquer .une prophyllaxje vaccinale .spécifique.
Parmi les infections ^graves, les plus .fréquentes sont |a coqueluche (qui
tue en France .plus de nourrissons de nipins d'un an que la tuberculose) et la
rougeole ; toutes deux peuvent à cet ;âge laisser des lésions respiratoyes, ,et .rnê.rne
...quelquefois cérébrales, irréversibles.
Les .ri^a-pharyngites encore plus -nombreuses, mais infiniment .mo.ins
graves, son^t,plus QU nap.ins ;OJhHga,tpires pour un enfant qui fait ses premières
armes dans .une collectivité, que ce soient les moins de trois ans ou les plus
vieux. Mais à .cet ..âge elles sont .partiçulièr.e.ment .éprouvantes,et .s!aççompaj2;nent
facilement d'otites à répétition.
Si les nourrissons d'une :çrèçhe sont .exposés à des cqnta.minatipns .içi-
.quentes, ils spj}t pur ,ç.Q.n,tre .Jes ..premiers ..à .bénéficier des Lét,udes ..et des travaux
et à recevoir la .meilleure prétention. En effet, la ^médecine est bien armée -pour
une prophyllaxie- spécifique, qu'il s'agisse des garnma-globuline.contre la roti-
..geole ou des-diverses ,vace.inatiftns. Celle qui .s'attaque à la terrible coqueluche
peut être commencée à partir de Tâge de trois mois ,et ainsi l'âge .pptimuni
d'admission .serait 6 mois.
Il faut .ahsçlumen,t •souligner le rôle essentiel de la .crèche dans la prqteç-
Aion d,e<XQ santé d.e?.enfants. .Doutant plus,qu'après l'âge de un .an les Accidents
étant la cause la plus fréquente de .mortalité infantile leur prévention devient
alprs au rnpjns (aussi J.Eiportante.gue celle .des .infections.
Le .prphlèrne Je plus.difficiler,à résoudre pour la crèche est .celui de l'enfant
.malade.
:La,Séçurit.é Sociale tolère -bien pour hi mère,deyant rester à la maison pojir
le soigner une prestation égale à celle qu'elle obtiendrait _si elle-même était
malade. .Mais ce n.'est,.cju'une.Jpléraflce etnpn pas,un .droit.
Les .absences pour maladies bénignes-mais qui se renouvellent fréquem-
ment, yçnt peser rà tel .point .sur Ja ^séçurité _et la „qualification de ,6on ..emploi
.minimise ^parfois Jes synapjtômes qu'elle ..constate .afin d'éviter les conséquences
-de JIabse.hce. :
« tout de tout de suite un enfant à l'hôpital parce qu'il a 39° et sera probable-
« ment guéri le lendemain. La crèche qui se veut le substitut de
la.famille, doit
« pouvoir faire de même. Pour les malades légers, il est nécessaire qu'il y
ait,
« dans la crèche, une ou deux chambres d'isolement permettant de garder tel
« enfant qui a un trouble bénin, .sans lendemain, ou une suspicion de mala-
« die contagieuse qui, peuJ^être ne se confirmera pas. » Je le cite longuement
parce que son opinion est à contre-courant.
Il a raison, mais en pratique c'est difficile, les crèches ferment le soir
et il n'est pas souhaitable par mauvais temps de transporter un bébé fébrile.
Le professeur Porte, oto-rhino-laryngologiste des Enfants Malades, affirme en
opposition avec certains pédiatres que c'est augmenter le risque d'otites.
Une solution consisterait à ouvrir une partie de la crèche 24 heures sur 24.
Cela permettrait également d'aider plus efficacement les mères qui travaillent
en équipe, ou la nuit, ou le soir en vue d'acquérir une qualification. Ce serait
également aider les étudiantes 7.
En France de telles crèches, (qu'elles soient de nuit ou hebdomadaires),
sont interdites par la loi parce que condamnées par les médecins en raison des
nombreuses difficultés d'adaptation pour la mère et pour Tenfant.
Liée à toutes ces difficultés interfère la question de l'implantation des
crèches : crèches de quartier et crèches d'entreprise. Ces denières sont souvent
condamnées à la grand satisfation des patrons en raison des risques d'infection
dans les moyens de transports surpeuplés et du refroidissement possible du
bébé sorti trop tôt de son berceau tout chaud.
Certes ces crèches pourront disparaître le jour bien lointain où celles du
quartier commenceront à exister en nombre suffisant ; il sera même possible
pendant une période d'envisager des solutions mixtes où les crèches -d'entre*
prises accepteraient les enfants du quartier «t réciproquement.
Il est en effet beaucoup plus rationnel de les constuire, ensoleillées et dans
chaque groupe d'immeubles 8. Malheureusement les rares crèches locales sont,
pour la plupart des mamans, à la fois très éloignées de leur domicile et de leur
travail.
Aussi, pour toutes ces raisons (insuffisance, eJoignement, horaire, etc.)
les mères se retournent vers la solution du gardiennage familial, qui peut être
ou parental ou commercial.
Le gardiennage
7. Parmi fes mères confiant leurs nourrissons aux crèches, 4 % sont étudiantes.
8. Ce n'est pas utopique, iun décret rendant obligatoire de prévoir les garages pour tonte aon-
telle construction I
54 FRANÇOISE LAZARD
ç. «Il existe toute une génération de nourrices bien mdublées, apparues dans les H.L.M. et
« les grands ensembles, dont la vocation est proportionnelle aux traites contractées pour l'équipe-
« ment électro-ménager : un enfant pour la télévision, un pour la machine à laver.
«Nous avons même vu des gardiennes à la journée, très bien logées, très évoluées, prendre
<t
des enfants en nombre suffisant pour payer une bonne à tout faire qui s'en occupe en même
« temps que ceux de la gardienne. »
io. — 250 à 300 F. par mois (12 à 15 F. par jour) et l'enfant est à la charge de la famille le
soir et le dimanche.
LE TRAVAIL DE LA FEMME SB
Il est courant d'entendre dire qu'il n'y a plus guère de problèmes à cet
âge-là. En effet les répercussions de l'absence de la mère sont moins impor-
tantes et les solutions plus faciles en raison des écoles maternelles et des gar-
deries d'enfants qui toutes deux se transforment, grâce aux progrès pédago-
giques en ce qu'on appelle si joliment « jardin d'enfants ».
Cette attitude est-elle justifiée ?
Les garderies d'enfants âgés de 2 à 4 ans dépendent du ministère de la
Santé et sont encore bien moins nombreuses que les crèches.
Les maternelles, qui prennent en principe les enfants âgés de 3 à 6 ans
(et parfois à partir de 2 ans), dépendent de l'Education Nationale et sont
donc victimes du drame scolaire actuel.
Des classes sont fermées, d'autres refusent les plus jeunes, quelquefois
ne les acceptent qu'à partir de 5 ans.
Dans les meilleurs des cas, elles sont tellement surchargées qu'elles rede-
viennent ces h garderies », si néfastes à l'équilibre nerveux des petits et incom-
patibles avec un bon développement de leur caractère, de leur intelligence et
de leur sociabilité.
L'effort accompli par les maîtresses pour éviter cette régression est d'autant
plus admirable qu'elle sont mal payées et que leurs conditions de vie sont
aussi difficiles que celles des autres femmes. Aussi n'est-il pas étonnant qu'elles
soient si souvent atteintes de dépressions nerveuses.
Pour les enfants de 2 à 3 ans, les mères préfèrent les maternelles aux
crèches, parce qu'elles sont gratuites ".
Mais elles ferment beaucoup plus tôt et ne sont pas ouvertes le jeudi ni
pendant les vacances scolaires.
il. Des psychiatres recommandent que la crèche ne soit jamais gratuite pour ne pas nuire au
lien mère-enfant.
12. Qu'il ne faut pas confondre avec l'indépendance artificielle créée dans certains milieux
aisés par un argent de poche excessif.
m mAN&OISiE ;MZARD
13. Travaux du Centre d'Etudes et de Recherches sur les conditions d'emploi et du travail des
jeunes du Ministère du Travail.
#4*41 ®ît¥arEë*giripîe: fériir-'cSrnpte-'poûr les-petits du coucher 'tafrfif, ' du sommeil trop rourt,
du lever et du petit déjeuner pris à la hâte et pour les grandes filles de la surcharge"ménagère...
"£5. E»£5sïe :^Mcti5h'à la-Ms-a'ctive^'èt'èUmplète/èn nîême 1 temps-qu'involontaire, Survenant
le plus souvent au cours du sommeil » autrement dit quand PeHftn't iflBÙlHe Kon^lit.
LE: TRAYABL M l/k FEMME &î
16. Les vieux républicains ne simplifiaient pas trop en proclamant qu' « ouvrir les école»
c'est fermer les prisons »!
17. Ce ne sont pas des spéculations théoriques. Paf exemple dos e-x-périenees- sur la formation
culturelle et sur les loisirs de la jeunesse, rurale. <* ont montré de fgçfln geignante lividité intellec-
« tuelle de ces enfants par ailleurs si démunis... leur développement culturel est stoppé a.n moment;
« où il aurait pu être le point de départ d'action vivifiantes. Il n'y a donc là, semble-t-il nulle
« fatalité héréditaire, nulle insuffisance ».
88 FRANÇOISE LAZARD
-
En Angleterre :
alors qu'un large emploi de la main-
— Au cours de la dernière guerre,
d'oeuvre féminine s'avérait indispensable, des mesures ont été prises dans ce
pays pour mettre des crèches à la disposition des mères de famille travaillant
hors de leur foyer : le nombre de ces établissements, qui était de 100 en 1939,
avait atteint le chiffre de 1550 en 1944, leurs frais d'installation et de fonction-
nement étant complètement pris en charge par les finances publiques. Mais
lorsque la nécessité de l'emploi d'une importante main-d'oeuvre eut disparu,
les autorités locales ont été invitées à limiter, dans toute la mesure possible,
les admissions en crèches aux enfants de mères malades ou privées de soutien
ou mal logées. Si des places restent disponibles après la satisfaction des
demandes de cet ordre, elles ne peuvent être attribuées qu'à des enfants de plus
de deux ans dont les familles assurent l'intégrité des frais d'hébergement.
Ces dispositions ont entraîné la fermeture de plus de la moitié des crèches
existantes I
En Suède :
Le professeur agrégé S. Siolin, pédiatre de l'hôpital de l'Université d'Upsal,
cherchant, au cours du Séminaire international sur les crèches, les solutions
â apporter au délicat problème des enfants qui ne peuvent être acceptés à la
crèche pour maladie légère, suggère la formation d'un corps d'aides fami-
liales qui remplaceraient auprès de Tenfant la mère travaillant au dehors et
qui seraient éventuellement rétribuées par les autorités locales en l'absence
d'organismes extérieurs susceptibles de le faire.
A l'observation pertinente que, tout compte fait, il vaudrait mieux verser
cette somme à la mère, il répond que cela ne peut être envisagé dans un pays
de plein emploi comme la Suède, où un employeur trouve difficilement une
remplaçante et où l'absence d'employés affecterait rapidement la production.
Il constate que les mères ont le désir bien naturel de s'occuper elles-mêmes
de Tenfant malade, mais ceci « peut être expliqué par le fait que bien peu
de ces femmes comprennent combien leur position est faible sur le marché
du travail », où elles seraient considérées comme une main-d'oeuvre instable,
comportant un risque d'absentéisme anormalement élevé et où elles n'accéde-
raient ainsi qu'aux emplois non qualifiés, les moins payés, les premiers tou-
chés par le chômage.
En France, au dernier Congrès de la C.G.T., Mme Camille Senon, des
Chèques postaux de Paris contait des exemples pris sur le vif de réactions de
dépit manifestés par des employeurs quand leurs « instruments à fabriquer
des profits » étaient handicapes et rendus inutilisables par une maternité.
Ainsi lors de l'intervention en faveur d'une maman de trois enfants, le direc-
teur répond : « Elle a trois enfants, ce n'est pas la faute de l'Administration.
Elle n'a qu'à s'en prendre & son mari. »
Pour les employeurs, la femme qui a des enfants est une « perturbatrice »
qui demande entre autres des horaires particuliers, « alors que la vérité est
qu'elles sont là matin et soir aux heures de pointe et qu'en raison de l'insuf-
fisance des effectifs on leur fait faire deux journées en une. »
Cette aliénation de la maternité épuise les femmes physiquement et ner-
veusement.
Elles travaillent au moins 80 heures par semaine. Une enquête de la caisse
de la sécurité sociale de la région parisienne révèle que parmi ses employées
ayant des enfants, 20 % avaient plus de trois heures de transport journalier,
60 FRANÇOISE LAZARD
19. D'après le ministère du Travail : à -qualification égale, la différence est passée de 6,4 %
•
en 1956 à îo % en juillet 1963. C'est le chiffre le plus élevé depuis la Libération.
29. 8'i '_% dès ouvrières sont sans qualification ; 74 % Ses {cimes filles entrent dans ïa vie
^sans formation professionnelle ; le peu âë formation existant vie correspond ni aux Besoins ni â'ftx
débouchés de l'industrie.
62 FRANÇOISE LAZARD
21. Cest lui qui compromet le plus l'avenir des jeunes femmes encore mal ancrées dans
leur profession. Dans un foyer comprenant un seul salaire, sa venue diminue le niveau de vie de
15 à 20 % (contre 10 % au troisième enfant).
22. Elles peuvent immédiatement, sans déficit, être augmentées de 20 % et non de 4 %.
LE TRAVAIL DE LA FEMME 63
QUAND notre ami Bédarida m'a prié, il y a quelque temps déjà, de par-
ticiper là vos débats d'aujourd'hui, il m'avait fait prévoir qu'ils
porteraient sur l'objectivité en histoire : vieux problème, qui m'a
longtemps retenu, et que je ne demandais qu'à repenser avec vous.
Le titre finalement adopté pour mon exposé : histoire sociale et phi-
losophie de l'histoire, me gênerait davantage par son excessive ampleur, si je
ne pensais qu'en réalité il s'agit seulement d'une formulation différente du
même problème.
J'imagine en effet — et si je me trompe vous aurez la gentillesse de me
le dire — qu'ayant demandé à. M. le Chanoine Aubert : « quels rapports aper-
cevez-vous entre la foi religieuse et la recherche en histoire des religions ? »,
vous avez voulu poser à un historien marxiste une question parallèle : « quels
rapports apercevez-vous entre votre métier d'historien des sociétés et votre
philosophie de l'histoire ? » (ou, si je m'en rapporte au titré plus général de
notre débat « et votre idéologie » ?)
Ce terrain est celui de la clarté. Je m'y place volontiers. N'en déduisez
pas que j'accepte le parallèle dans tous ses termes. Je sais que de nombreux
et bons esprits, parmi ceux que je respecte le plus (et aussi parmi ceux que
je respecte un peu moins en ce sens que leur sincérité me semble moins
évidente) se disent non-marxistes, anti-marxistes, « marxiens » ou s'insti-
tuent « marxologues », parce que la désinence du mot marxisme qualifie ft leurs
yeux au moins une doctrine et à la limite une religion, dont Marx serait au
Il est vrai que cela semble nous éloigner singulièrement du simple travail
de l'historien. C'est que Marx, historien-né, n'a nullement entendu dresser
une théorie à l'usage des historiens futurs, ni attendu les historiens de cabinet
dans leurs conclusions pour prévoir et inspirer la transformation du monde.
Sur une vision globale, rapide, des modes de transformation observés dans
les structures passées — évolutions et révolutions — il a opéré dets prévisions
et il à lancé des. expériences. Les résultats peuvent fort bien diverger d'avec
les hypothèses premières. C'est justement ce qui fait que le marxisme répond
à la définition même de la science : tenter l'expérience d'après la théorie, cÇ
modifier la théorie dans la mesure où la pratique y oblige.
Les modifications mêmes qu'a subies la prévision marxiste au cours de
l'action prouvent que la théorie ne s'est pas « figée ». Il n'est pas moins
évident que « l'expérience historique », dans ses débuts, n'a pas pu se mode-
ler sur des calculs très subtils. Il a fallu qu'elle commence sur des schémas.
Il est donc possible, et même certain, que la pratique des études histo,-
riques, de l'histoire du passé, ait souffert et souffre encore, dans les pays
mêmes où est en cours T « expérience historique », soit d'un relatif abandon
(on s'occupe du présent), soit d'une utilisation si étroitement liée à là lutte-
quotidienne qu'elle relève à la fois de J'analyse historique de cette lutte et
de la critique marxiste des périodes de construction. C'est simplement une-
façon de constater une fois de plus que l'historien est dans l'histoire, et qu'il
y a une signification historique 6 tout moment dé l'historiographie.
Nous-mêmes n'y échappons pas. Et c'est un des aspects de notre travail
que de juger nous-même, à chaque instant, de la mesure dans laquelle notre
propre réflexion (et celle des autres historiens, nos voisins) obéissent à l'inflexion
du moment.
Or sans doute la meilleure façon non d'échapper (on n'y échappe jamais)
à la pression de l'histoire, mais de la dominer en lui obéissant, c'est d'abord
d'en avoir pleine conscience. C'est ensuite de faire effort pour la penser théo-
riquement (au lieu de nous laisser porter empiriquement par elle).
Je demande alors si les sciences humaines actuelles, qui nous proposent
tous les jours des instruments d'analyse plus complexes ou plus aigus, nous
offrent en fait un cadre d'hypothèses et une problématique meilleurs que le
marxisme, seule théorie des sociétés dont l'expérience historique vivante met'
a l'épreuve les concepts, vérifie ou modifie sans cesse les hypothèses.
N'imaginons surtout pas que le cadre théorique et la problématique mar-
xistes soient des solutions de facilité. Il n'est pas facile d'être marxiste. Je
pense personnellement quîon cherche toujours à l'être beaucoup plus qu'on
n'y réussit. Mais,c'est ce combat ,pour transposer dans l'étude du passé le choc
HISTOIRE SOCIALE ET PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE ,.§9
tion des productivités changeant q. court terme (dans le domaine des produc-
tivités agricoles que domine la météorologie), ce qui inclut tout le problème
économico-social de .« l'inégalité des récoltes » au cours de l'histoire. Cela
inclut aussi le problème de l'inégale productivité des mines, sur quoi repose
l'histoire des déséquilibres monétaires et du mouvement des prix. Cela introduit
enfin, plus généralement, dans le programme de l'historien, toute la géogra-
phie, celle des ressources, celle des distances. Les autres indications invitent
à étudier l'histoire des techniques et l'histoire des sciences, sans oublier que
les problèmes d'implantation (comme disent les économistes) sont aussi impor-
tants que ceux d'invention.
Enfin, en comptant parmi les « forces productives » les traits positifs de
l'organisation sociale du travail, Marx invite à une sociologie du travail, notion
qui doit être plus vaste encore que la « sociologie industrielle », car nous
pouvons rêver d'une sociologie du travail du serf, de l'esclave ou du fellah,
dont seul l'historien peut nous rendre compte.
La première indication, sur l'habileté moyenne des travailleurs, implique
enfin une recherche orientée aussi bien vers l'efficacité des apprentissages
dans le cadre corporatif médiéval que vers l'étude de l'éducation technique
moderne, un des critères les mieux reconnus des conditions actuelles du déve-
loppement.
Il me semble que le programme de Marx, en histoire économique, en
histoire sociale, ne risque guère d'être dépassé, tant il est loin encore d'être
rempli- Ajoutons que Marx est heureusement beaucoup moins matérialiste que
ses critiques. J'entends moins mécaniste et moins fataliste. Quand il pose la
condition majeure, nécessaire, de la croissance — la modification positive Je
la productivité — il sait parfaitement qu'elle n'est pas suffisante, en ce sens
que toutes les composantes de cette « productivité » étant non seulement
techniques, mais sociales, il faut y ajouter l'étude psychologique, l'étude
humaine. Le facteur esprit, le facteur « âme » ne sauraient être absents. Us
apparaissent dans un autre exemple. Et il est inutile de souligner qu'en pro-
posant des « exemples », je me résigne a laisser dans l'ombre beaucoup
d'aspects, beaucoup de nuances. C'est la loi d'un exposé comme celui-ci.
jamais oublier que le réel est complexe, et qu'il est toujours, dans une certaine
mesure, particulier ; à ne jamais utiliser, enfin, la notion de cause qu'en luttant,
obstinément, contre toute tentation d'unilatéralité, d'explication passe-partouti
d'action sans interaction.
C'est peut-être une conception banale de la dialectique. Mais ici encore,
il est un type de banalité qui peut encore beaucoup nous apprendre, tant il y a
de banalités fondamentales qui sont négligées. Pour moi, je n'ai encore trouvé
qu'un moyen simple, modeste, de réaliser la conjonction nécessaire entre l'in-
duction et la déduction, entre l'analyse et la totalisation, entre la constatation
des cycles et la certitude des pas en avant.
Ce moyen c'est de considérer tout phénomène historique (c'est-à-dire tout
phénomène social en train de changer) de trois façons successives : de le con-
sidérer d'abord comme signe, pour procéder aux constatations et aux analyses ;
de le considérer ensuite comme résultat, en regardant en arrière ; de le consi-
dérer enfin comme cause, en regardant en avant.
La synthèse, ensuite, n'est pas interdite. Elle évitera, si elle succède à la
triple analyse que j'ai recommandée, toute explication unilatérale : ni la démo-
graphie, ni la technique, ni la science, ni les « propensions à-.. »• ni le rythme
de production de la monnaie (je cite ici les tentations successives d'explication
unilatérale qui ont assailli l'histoire économico-sociale) ne donneront jamais le
vrai secret de l'histoire. C'est une combinaison patiente de l'étude démogra-
phique, de l'histoire des techniques, de l'histoire des sciences, des rythmes de
la monnaie, des contradictions et dès luttes sociales, des élans spirituels et
matériels qui les accompagnent et les soulignent, qu'elles entraînent et par quoi
elles sont entraînées.
Cela n'empêche pas de reconnaître, comme une quasi-évidence (que des
philosophies, même religieuses, essaient d'intégrer actuellement) que le moteur
de l'histoire
— presque par définition — c'est la construction de l'homme
lui-même et de son esprit, par sa prise sur la nature, c'est-à-diré par la pro-
duction, par le travail. Mais la tâche de l'historien est d'expliquer le passage
de cet élémentaire point de départ aux formes les plus complexes des sociétés
et des civilisations.
<-ela n'empêche pas d'admettre non plus, avec Marx et Sartre, que les initia-
tives humaines, malgré le caractère libre et volontaire qu'elles peuvent avoir
(et que surtout elles croient avoir), se traduisent en résultantes globales du
« pratico-inerte » qui la plupart du temps contredisent la logique et les désirs
élémentaires de ceux qui en sont, à l'origine, les auteurs volontaires "et incons-
cients. Mais l'historien n'a pas pour métier de constater ces jeux de !a
« Matière » avec un grand M. Ce qui l'intéresse c'est ce qui fut créé, ce qui
fut développé, gage de ce qui se créera et se développera.
Vous attendiez peut-être que je centre mon exposé sur un problème plus
simple : une option politique sur l'avenir oriente-t-elle vos recherches histo-.
riques, ou vous en sentez-vous détaché? Voilà peut-être ce que vous auriez
désiré m'entendre traiter. Permettez-moi de dire que la question serait .ainsi
mal posée. S'il s'agit de savoir dans quelle mesure je suis libre en face des
habitudes, formations, sentiments, choix, que là vie, la société même m'ont
imposés — je ne suis pas libre plus que quiconque-. Mais le moins libre serait
ici celui qui se.croirait^tel sans s'être sérieusement interrogé. D'autre part, il
arrive que le marxiste établisse un lien (et c'est sans doute son droit et son'.
HISTOIRE SOCIALE ET PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE 7?
devoir à la fois) entre une attitude militante-et une activité globale où s'insère
naturellement son activité: professionnelle. Cela ne peut se régler que par les
préférences personnelles et les tempéraments.
Je doute, à, vrai, dire, que., jamais, homme d'àctiom par tempérament ait
entrepris — et pu poursuivreA- effectivement — une tâche- d'historien avec ce
qu'elle comporte de, patience et de méditation solitaire. Certes,, il y a. Marx,
et le; Lénine duo Capitalisme en Russie. Mais?, la- dialectique méditation-action,
chez ces deux hommes exceptionnels, a beaucoup dépendu dé la chronologie
« événementielle » dans leur biographie. Dans les cas ordinaires, l'homme
d'action fait l'histoire, et, s'il associe vraiment, dans une création réciproque,
la théorie et la pratique, il peut lui arriver d'écrire non seulement pour l'His-
toire avec un grand H, mais même pour Thistoire-métier, pour Thistoire-
méthode, pour Thistoire-science. Cela dépend de son génie.
La réciproque est moins vraie. Il est rare que l'historien érudit, l'histo-
rien de vocation, puisse concilier sa tâche quotidienne et une action militante.
Cela n'implique aucune renonciation au devoir civique. Et l'essentiel est de
ne laisser se développer aucune contradiction entre les pensées et les;: attitudes.
Pour cela, le marxiste est bien placé : en ce sens qu'il pense rendre service-au
mouvement en avant de l'humanité dans la mesure où il pense juste histori-
quement, et le mouvement en avant de l'humanité — même dans ses com-
plexités et sei reculs, ses retards, ses difficultés — est sans cesse pour lui
leçon d'histoire. Il ne peut pas y avoir contradiction entre attitude scientifique
et engagement, précisément parce que l'engagement consiste dans l'attitude
scientifique.
Mais le monde,-pour le moment, n'est pas encore un monde mené par
l'homme. Le monde mené par l'homme est une conquête continue. L'empire
de la nécessité, de l'histoire encore « naturelle », demeure immense. Et même
dans la construction d'un monde scientifique, il reste une large part de pro-
cessus spontanés, aux singuliers résultats. C'est pourquoi l'analyse, la théorie,
la pratique de la matière qui fait l'histoire ne doivent ni ne peuvent chômer.
La « rectification », telle est peut-être la tâche la plus continue qui est proposée
à la pensée scientifique par la réflexion comme par l'action.
Qu'on me permette de revenir là « Histoire et vérité » en empruntant à
Ricoeur, malgré nos divergences, sa conclusion : « L'histoire procède toujours
de la rectification de l'arrangement officiel et pragmatique de leur passé par
les sociétés traditionnelles. Cette rectification n'est pas d'un autre esprit que
la rectification que représente la science physique par rapport au premier
arrangement des apparences dans la perception, et dans les cosmologies qui lui
restent tributaires ». Telle est en effet la marche : des cosmologies, des magies
et des alchimies, puis des physiques ; des mythologies, des récits, des chro-
niques arrangées, et puis, non d'un coup, mais progressivement, l'histoire
totale.
LES PROBLEMES
DU DÉVELOPPEMENT RURAL
ET LES LEÇONS DU MEZZIOGIORNO
UN des premiers problèmes qui restent posés est celui du format des
exploitations issues de la réforme agraire et qui devaient servir à fixer
durablement, dans de bonnes conditions économiques et sociales, une
population rurale importante. L'optique de ces exploitations demeure comman-
dée par les besoins de l'emploi et de la consommation familiale autant et plus
que par les impératifs de la productivité individuelle maximum et de la moder-
nisation intégrale (mécanisation et spécialisation). La notion de format « opti-
mum » n'a d'ailleurs pas grand sens dans une économie en voie de transfor-
mation rapide, où apparaissent sans cesse des nouveaux besoins et de nouvelles
techniques de production. Et' comment cet optimum familial pourrait-il être
stabilisé, quand la famille s'accroît et que d'un secteur à l'autre les conditions
de milieu aussi bien que les fluctuations du marché ou le progrès technique
ne cessent de modifier toutes les formes de production et toutes les bases du
revenu ? La première faiblesse par conséquent des structures engendrées par
la réforme, c'est que, même aidées au maximum par l'Etat, même associées
en coopératives de services, les fermes familiales restent soumises aux lois
générales du système, donc à la concurrence et au jeu des inégalités, d'autant
plus marquées qu'on est dans un pays et dans des structures aussi fortement
différenciés, où subsistent les plus vifs contrastes.
Ces contrastes ne s'expliquent pas seulement par l'insuffisance des formats
ou par les difficultés naturelles. A côté de zones où la Réforme agraire et l'in-
tensification des cultures ont agi le plus positivement, il |en est où la mise en
valeur moderne se fait dans le cadre de 'grandes exploitations céréalières méca-
nisées, comme dans la région de Foggia (Tavoliere), où l'irrigation et la diver-
sification des activités dominantes, quoique possibles, demeurent une perspec-
tive encore éloignée. Il est surtout, par contre, des régions favorisées en appa-
rence, comme ce merveilleux Sahel de la Pouille, où l'intensité et la diversité
de la mise en valeur, la relative perfection des techniques agricoles tradition-
nelles, la somme élevée de travail et même, dans bien des cas, une production
LE MEZZOGIORNO 81
LES progrès rapides de l'industrie italienne dans le Nord du pays ont dans
un certain sens contribué à résoudre le problème paysan. Ils ont vidé
en effet les campagnes méridionales d'une partie des travailleurs sous-
employés et des ruraux sans terre. Près de 2 millions sont ainsi partis à une
époque récente du Mezzogiorno vers le Centre et le Nord de l'Italie (dont
350 000 de la Calabre, 400 000 de la Sicile pour la seule décennie 1951-1960).
Cela doit équilibrer la croissance démographique, sans plus. Dans le cadre
régional et local, la création de « pôles de développement » industriel et urbain,
encouragée et parfois largement aidée par l'Etat (facilités d'installation, équi-
pement d'infrastructure, avantages fiscaux) a contribué à diminuer considé-
rablement la pression des besoins ruraux. C'est ainsi qu'autour de Tarente,
de Crotone sur la côte ionienne, d'Augusta-Priolo et de Gela en Sicile, de
82 JEAN PONCET
de nouvelles options. D'une manière générale* les idées qui reviennent le plus
souvent et par lesquelles nous pensons pouvoir, le mieux résumer les leçons
récentes du Mezzogiorno, seraient les suivantes :
— La réforme agraire ne peut être limitée à sa conception initiale ; il faut
& une agriculture moderne de larges structures foncières, mais surtout des
structures souples et vivantes, qui ne fassent plus de la perception de la rente
ou du droit individuel de propriété des obstacles à une mise en valeur ration-
nelle de la terre, encore moins à une meilleure répartition de ses produits.
Les rapports sociaux les plus néfastes, exploitation indirecte, métayage ou loca-
tion là des taux excessifs, salaires trop bas... doivent être réformés profondé-
ment ou abolis, et la terre revenir à ceux qui la travaillent.
— La production agricole doit aussi devenir rentable et pour cela cesser
d'être conditionnée par l'état fluctuant des marchés ou par la spéculation des
intermédiaires superflus ; elle doit donc être valorisée au maximum sur place
et au profit des producteurs, pour pouvoir concurrencer la production indus-
trielle du Nord et des pays étrangers.
— Les structures et les moyens d'action susceptibles d'aboutir à de tels
résultats existent en partie et ne demandent qu'à être vigoureusement! déve-
loppés — Caisse du Midi, Entes de Développement, Coopératives maraîchères,
horto-fructicoles, viticoles, laiteries, transformant, conditionnant et commer-
cialisant les produits... De telles formes d'industrialisation permettent de créer
de nouvelles bases agricoles et de stabiliser les aspects les plus positifs de
l'expérience engagée : production des agrumes, élevage, fourrages, fruits,
vigne, légumes, primeurs, ainsi que de rénover et de réorganiser les secteurs
d'agriculture traditionnelle actuellement abandonnés à eux-mêmes et à l'exploi-
tation des intermédiaires.
— Il importe de continuer les recherches et de multiplier les mesures
allant dans ce sens : amélioration des conditions de production, équipement,
développement coopératif, lutte pour la suppression des intermédiaires super-
flus et contre toutes les formes de spéculation exploitant le producteur de base.
Une condition sine qua non du développement agricole réside dans l'orga-
nisation et le contrôle publics des marchés là l'amont et à l'aval de l'agricul-
ture, pour briser la dépendance ou plus exactement l'exploitation de celle-ci
par la spéculation sur ses besoins en machines, engrais, ingrédients, carburants,
semences iet plants sélectionnés, marchés à cours soutenus.
— Un point de vue essentiel, sur quoi s'accordent un nombre d'esprits
de plus en plus grand, est la nécessité d'une. planification régionale intégrant
toutes les données des problèmes — la nécessité de passer de la notion vague
et parfois, dangereuse de « pôle de développement », qui laisse subsister trop
d'aléas, à celle de développement régional ou local entièrement structuré et
élaboré au niveau d'organismes.tels que les Entes ou les Consortiums, mais
transformés en véritables organismes représentatifs et démocratiques, avec lai
participation des municipalités, des coopératives, de tous les syndicats paysans
et ouvriers.
Que la solution des problèmes d'actualité implique des options politiques
nouvelles et nous échappe donc entièrement, cela n'empêche en rien le Mezzo-
giorno, comme on voit, de nous offrir maintes leçons d'un intérêt d'autant
.plus vif que ces problèmes rejoignent souvent les nôtres, tout en se situant Ô
un degré supérieur de maturité.
ÉTUDE DU NEVEU DE RAMEAU
« »
HYPOTHESES POUR
UNE RECHERCHE COLLECTIVE
par Michel LAUNAY
lyse formelle peuvent révéler des beautés ou des vérités, latentes dont la mise au jour justifie
l'exégète, en ajoutant au plaisir de notre lectare » (à paraître dans» la R.H.LJF., janviier 1965).
86 MICHEL LAUNAY
Pages
éd. éd.
Billy Fabre
425 3-4 PROLOGUE. « Je m'entretiens avec moi-même de
426 5-6 politique, d'amour, de goût ou de philosophie.v-
Je n'estime pas ces originaux-là ».
427 7 « H m'aborde »
428 7-8 Goût : « l'homme de génie »
420 8-9 Observ. sur les hommes :
« mon cher oncle... son cher neveu »
430 9>-ii Goût — Morale :
l'homme de génie et la société
431 11^12 Racine
432 13
14
Voltaire
433
« Philosophie » — Goût :
, 15
la musique de l'oncle Rameau pantomime de l'oncle Rameau
43 j 151-16 Observ. sur les hommes :
l'oncle et le Neveu
436 16-17 Palissot et ses collègues
437 17 début de l'histoire de la disgrâce du N.
438 18>-2i Morale — Observ. sur les hommes :
« une certaine dignité » pantom. de la supplication à la Hus
439 21-24 <(
Comment, Rameau, il y a dix mille bonnes
tables à Paris... » pantom. du proxénète et la j. fille
440 24 « Je souffrais... J'étaiis confondu de tant de sagacité et de tant de bassesse ».
441 25 Philosophie :
« O stercus pretiosum »
442 26 « Au dernier moment, tous sont également
riches » pantomime du violoniste
443 27-2S pantomime du joueur de clavecin
444 28-20) Morale — Observ. sur les hommes 1
« vous avez du foin dans vos bottes »
445 20>3i éducation de la fille de Diderot
446 32 « O fou. archifou, m'écriai-;e... des idées si justes,
péle-méle, avec tant d'extravagances ».
447 32 Philosophie :
les sciences et les « raisons des phénomènes »
448 33L35 Observ. sur les' hommes :
la « leçon d'accompagnement »
449 35'37 Morale :
les « viles ruses » ou les « idiotismes »
MICHEL LAUNAY
90
Pages
éd. éd.
Billy Fabre
37.3g Observ. sur les hommes — Morale — Philosophie :
4J0 dévorent dans la société »
. Ç1 3s « Toutes les conditions se
Morale — Philosophie :
452 39
Lui : « Si je deviens jamais riche »
: " Il n'y a P^us de
Patrie- des amis... etc. »
453 40-41
454- 42-43 Moi : « avoir secouru un malheureux »
4_; *, Lui : « je puis faire mon bonheur avec mes vices »
4;g 45 Morale — Observ. sur les hommes :
les « dévots » et le « brigand heureux »
4,5,7 46 « ma dignité »
458 47-48 Observ. sur les hommes :
le chevalier servant de la petite Hus pantomime du gros Bertin
« Il se mit a tousser d'une
violence... »
xzg 49 l'épine du dos »
4g0 50 « Une manière de contourner
461 Si-52 Le petit chien de Bouret
462 53-54 Coût — Observ. sur les hommes :
« je fais peu de cas de la méthode »
45 3 55 « Ce que nous débitons à la petite
Hus »
464 56 Goût — Morale :
Moi : « je crois qu'au fond vous avez l'âme
délicate »
465 57 Observ. sur les hommes :
les ennemis des Philosophes, « plats parasites »
466 58-50/ Palissot, Le Blanc, Robbé, « un certain niais »
467 59 « J'étais quelquefois
surpris par la justesse des observations de ce fou sur les hommes et
j
sur les caractères... — ... j'ai lu et je relis sans cesse Théophraste, La Bruyère et MoJière »
488 87-88 « Assis une banquette, la tête appuyée contre le mur, les bras pendants, les yeux à
SUT
demi fermés, il me dit : Je ne sais ce que j'ai ; quand j'étais venu ici, j'étais frais et
dispos, et me voilà roué, brisé ».
491 90-92 Morale '— Philosophie : éducation du petit Rameau : « De l'or, de l'or ».
402 93 « 71 n'était ni plus nj moins abominable qu'eux; il était seulement plus franc et
plus
conséquent... »
493 94-95 Morale — Philosophie : « l'art d'esquiver à la honte, au déshonneur et aux lois »
« dissonances dans l'harmonie sociale ». Résultats de l'éducation du
petit Rameau, « le petit sauvage » ; le talent et l'argent.
Pages
éd. éd.
Bffly Fabre
Epilogue.
500 105 « Les folies de cet homme... m'ont quelquefois fait rêver profondément... Ce sont...
magasins où Je me suis fourni] de masques ».
Pirouette finale:
« Rira bien qui rira le dernier ».
M. E.
UN INÉDIT DE DIDEROT RETROUVÉ EN
AMÉRIQUE OU LES OBJECTIONS D'UN
MATÉRIALISTE Â UNE THÉORIE
IDÉALISTE DE L'HOMME
cembre 1963), et, bien sûr, à l'Inventaire du Fonds Vandeul, par H. Dieckmann (Droz-Girard,
i95i).
4. Par Jacques Proust dans : Denis Diderot : Quatre contes (Droz, Genève). Nous aurons
l'occasion" ce revenir sur ce livre.
5. Nous rappelons, pour mémoire, le recueil des oeuvres romanesques (i<>5i), présenté par
M. H. Eénac, et qui ne faisait qu'utiliser l'édition d'Assézat-Tonirneux. La même remarque vau-
drait pour le choix des OEuvres de Diderot, dans la Bibliothèque de la Pléaïde, établi par
M. André Billy avant la guerre, et réédité régulièrement, depuis, sans modification, comme si
nous en étions restés à 1877.
6. Notamment dans la série des « Tqxtes littéraires français », chez Droz, où l'on trouve :
les Pensées Philosophiques (Niklaus), Le Neveu de Rameau (J. Fabre), La lettre sur les aveugles
.(Niklans), Le Supplément au voy2ge de Bougainville (H. Dieckmann), Quatre contes [Mystification.
Les Deux amis de Bourbonne. Ceci n'est pas un conte. Mme de la Carlière] (J. Proust).
UN INEDIT DE DIDEROT 95
à quelle pensée, là quel système, Diderot se mesure. Dans la forme, il n'est pas
possible de lire les remarques de celui-ci autrement qu'elles furent écrites,
c'est-à-dire au fil du texte imprimé.
D'où la présentation : en fac-similé, sur les pages de gauche, le texte
du livre d'Hemsterhuis, avec les annotations marginales manuscrites. Sur les
pages de droite, la reproduction imprimée (et modernisée dans l'orthographe
et la ponctuation) d'une part, de ces annotations et, d'autre part, des pages
intercalaires manuscrites introduites par Diderot.
D'après nos calculs, il apparaît que, par son volume typographique, le
texte de Diderot est au moins égal, sans doute légèrement supérieur, au texte
de la Lettre sur l'homme. Pour donner un ordre de grandeur il fournirait la
matière d'environ 60 pages dans le format et la typographie des classiques du
Peuple. On pourrait estimer que c'est peu. Bien moins, par exemple, que la
Réfutation de « l'Homme » d'Helvétius (180 pages). Toutefois par la qualité
du propos, la richesse des idées, on peut tenir ce nouveau texte pour un écrit
comparable à la Réfutation, qui lui est d'ailleurs contemporaine.
C'est bien par rapport à là critique d'Helvétius qu'il faut d'abord situer
la réfutation d'Hemsterhuis. M. May ne marque pas d'esquisser le rappro-
chement. A notre tour, nous tenterons de montrer que le commentaire inédit
complète notre connaissance du matérialisme de Diderot. En une sorte de symé-
trie, nous avons ici le deuxième versant d'une même réflexion.
On sait qu'en réfutant Helvétius, Diderot s'opposait là certaines thèses
matérialistes que l'auteur de l'Esprit et de l'Homme- déduisait des principes
d'un sensualisme radical. Cette opposition de Diderot, renforcée, semblait-il,
par les hésitations ou les interrogations qu'on croyait déceler en d'autres oeuvres,
par exemple dans Le Neveu de Rameau, a conduit des critiques à mettre
en cause le matérialisme même de Diderot. On s'est plu pendant longtemps
— mais est-ce tout à fait passé de mode ? — à voir en lui un penseur Instable,
inconséquent, insatisfait de ses propres convictions. Diderot aurait cherché à
se libérer de son système philosophique. L'artiste aurait démenti le penseur.
C'était le point de vue de Daniel Mornet ; ce fut la thèse brillamment soutenue
par Jean Thomas dans un essai séduisant, L'Humanisme de Diderot, paru en
1938.
Aujourd'hui cette thèse ingénieuse ne trouve guère de défenseur et l'on
cherche plutôt à préciser le matérialisme de Diderot qu'à le mettre en ques-
tion. Il est évident qu'en réfutant Helvétius, Diderot ne renie pas le matéria-
lisme mais qu'il s'efforce de le sauvegarder et de l'approfondir dans sa méthode
et ses principes, en regard d'un mécanisme systématique et illusoire. Tel est
le point de vue d'un bon connaisseur de Diderot, M. Paul Vernière, qui estime
que ce serait H .une erreur » d'utiliser la réfutation d'Helvétius a pour montrer
chez notre philosophe (...) une sorte d'abjuration des audaces d'autrefois » '.
Tel est aussi l'avis d'un bon connaisseur d'Helvétius. Guy Besse, qui dans
une étude récente fait valoir que « la Réfutation a d'abord la signification d'une
querelle de famille » 8.
ne soit pas fait référence à d'Holbach, on pourrait donc voir dans la disserta-
tion d'Hemsterhuis une' des nombreuses réactions suscitées par la parution du
Système de la Nature, en 1770;
Dans l'oeuvre du philosophe hollandais, la Lettre sur l'homme et ses rap-
ports fait suite a une Lettre sur les désirs (1770), que Diderot aurait également
annotée 10. Le plan d'ensemble en est simple, bien que,, dans le détail, le déve-
loppement soit assez sinueux. Hermsterbuis étudie d'abord la nature de
l'homme ; ensuite la nature « des- choses qui sont hors de l'homme ». ;. enfin, et
surtout à en juger par le nombre des pages, plus des 3/5°, la nature des rap-
ports entre l'homme et les choses qui lui sont extérieures.
Hermsterhuis montre donc que l'homme, comme être doué de sentiment et
de raison, est passif : la sensation qu'il reçoit des, objets extérieurs donne nais-
sance à des idées symbolisées par des signes, le' degré, de perfection de l'intel-
ligence se mesurant à l'aptitude à comparer le plus grand nombre possible de
signes. Comme être agissant, l'homme est un composé de deux substances,
d'un corps décomposable et d'une âme, principe moteur, « cause unique,
uniforme et éternelle ». Les propriétés de la matière sont incompatibles avec
celles de la pensée. L'exercice de la volonté libre (Hemsterhuis dit « velléité »)
prouve la spiritualité de l'âme et atteste le caractère créateur de l'activité
humaine. Sur la nature des choses extérieures à l'homme, Hemsterhuis est fort
bref (moins de 30 pages) : la matière apparaît !à l'homme comme soumise à
deux principes opposés et complémentaires, l'inertie et l'attraction ; elle ne
saurait exister par elle-même. Créé par Dieu, l'univers procède d'une « géo-
métrie si prodigieusement transcendante et profonde, qu'elle passe infiniment
tout l'effort "de l'esprit humain ». L'homme en découvre la face physique par
l'usage ne ses sens comme il en découvre la face morale par l'exercice de sa
conscience. Cette face morale, « la plus riche et la plus belle de toutes celles
que nous connaissons », se révèle au coeur humain, organe du sens moral.
C'est cet organe qui nous fait le mieux subir nos rapports aux choses qui sont
hors de nous. Par lui nous communiquons avec nos semblables, nous acqué-
rons l'idée générale du bon et du mauvais dont dépendent là vertu, la beauté,
l'harmonie, l'agréable. Les individus étant différents et la perfection de leur
organe moral inégale, la société aurait pu évoluer dans l'harmonie si l'homme
ne s'était pas fait une « idée de possession et d'accroissement de son être, qui
donna le jour à la fausse et ridicule idée de propriété ». L'homme devint;
ainsi « tout physique vis-à-vis de la société » et le sens moral s'obscurcit. Au
libre rapport moral des consciences, s'est substitué le mécanisme physique de
la législation. Les lois « n'ont proprement pour but que des effets physiques
et nullement le bien-être interne et réel de chaque individu, qui dérive de ses
rapports à l'être suprême, ou à d'autres velléités agissantes. » En son principe,
la religion « est le résultat des rapports de chaque individu à l'être suprême »,
mais le mécanisme social a corrompu le sentiment religieux. Après avoir ana-
lysé assez longuement les imperfections de l'état social actuel, l'auteur conclut
aussi bien contre les théologiens qui donnent une fausse idée de Dieu que
contre les philosophes athées qui propagent les sophismes, là la nécessité de
restaurer le sens moral par une bonne éducation. Suivent diverses considérà-
_io. Voir sur ce point, les constatations de Georges May (p. 14). Il est possible qu'on retrouve
un jour ces autres réflexions sfur Hemsterhuis.
3
98 ROLAND DESNE
Comme il l'a souvent fait, ainsi que d'autres matérialistes du XVIII" siècle,
Diderot refuse qu'on assimile la hardiesse de pensée avec le libertinage des
irfoeurs. Voici deux remarques qui, à notre avis interdisent, par exemple, de
considérer le personnage du Neveu de Rameau comme un produit du maté-
riéflisr^e, ainsi que le soutenait Daniel Mornet. Diderot est catégorique :
v$. Le passage essentiel est cité par Jean Varlert dans son édition tfrn Rêve !(pp. cit., pp. cxi-
cxn). On trouve le texte intégral dans la Correspondance (Ed. Roth.), t. I, pp. 209-217.
Diderot ne peut admettre la notion d'une liberté d'indifférence, ou de libre arbitre. C'est cette
notion que recouvre, chez Hemsterhuis, le mot de « velléité ». Diderot le souligne et commente :
« Ce mot me scandalisera toujours », p. ioj.
UN INEDIT DE DIDEROT 10.1
n'est donc qu'une suite d'effets nécessaires » 14. Ce fatalisme doit-il conduire
à la résignation et à l'inaction p
Nullement. Jacques n'était-il pas lui-même un être fort agissant P Ce que
Diderot s'efforce d© montrer, ce n'est pas que l'homme est incapable d'action
et d'initiative, mais qu'il ignore la nature des motifs qui le font agir.
Propos remarquable, et qui révèle que pour Diderot aussi, la liberté n'est
que la forme de la nécessité. La philosophie permettrait donc le passage de la
nécessité vécue à la nécessité comprise, de l'inconscience à la conscience. Par
là, son déterminisme est bien aussi une philosophie de la liberté, quoique nul-
lement dans le sens idéaliste du terme-
Le commentaire sur Hemsterhuis aide d'ailleurs à préciser le caractère de
ce déterminisme et sans doute sa dette à l'égard de Leibniz dont l'harmonie
préétablie fut aussi reçue, en son temps, comme un dangereux fatalisme.
Diderot n'est d'abord aucunement impressionné par les arguments qui
font état de l'énergie dépensée dans l'exercice de la volonté. « On trouve sou-
vent, par l'expérience, assure Hemsterhuis, que l'intensité de la volonté s'ac-
croît à proportion que les obstacles augmentent. » Commentaire de Diderot :
14. OEuvres romanesques. Ed. Garnier, p. 670. Nous avons louligné les expressions analogues
à celles du commentaire inédit. Comme dans la lettre à Landois et dans ce passage bien corinu
de Jacques Je Fataliste. Diderot inclut la contrainte sociale et les idées morales parmi les causes
qui déterminent le comportement humain. On peut lire dans le commentaire : « Le corps inanimé
n'est pas modifiable.
L'animal et l'homme sont modifiables ; le châtiment les modifie même nécessairement. Seule
distinction qu'il y ait entre ces causes nuisibles, et seule basa du châtiment seule excuse de
;
l'effet dû ressentiment. .
Sans cette modificabilité, celui qui frappe l'homme serait aussi stupide que le chien qui mord.
la pierre » (p. 285).
UN INEDIT DE DIDEROT 103
i;. Dans l'Appendce II, p. 29. On trouvera ce texte au tome IX, Assézat-Tourneux, p. 266.
Les Eléments de Physiologie viennent de faire l'objet -d'une édition critique chez Didier (« Société
des Textes Français »), par les soins de M. Jean Mayer. Mais nous n'avons pas encore eu commu-
nication de cet ouvrage.
16. Idée leibnizienne. Tout s'enchaîne.
« Il y a une infinité de figures et de mouvements
présents et passés qui entrent dans la cause efficiente de mon écriture présente et il y a ijhe
;
infinité de petites inclinations et dispositions de âme, présentes et passées, qui entrent
dâ,ns la cause finale
mon
» (La monadologie, éd. Boutroux, p. 161).
104 ROLAND DESNE
17. Cette formule saisissante est citée par Jean Varloot (op. cit., p. xcvni). Nous renvoyons
une fois pour toute à cette édition diu Rêve de d'Alembert, qui en dégageant les aspects du « maté-
rialisme, cohérent » de Diderot éclaire, du même corps, le sens et la portée du commentaire
sar Hemsterhuis-.
18. La monadologïe, p. 177.
UN INEDIT DE DIDEROT 105
19. Le problème ne se pose pas pour le seul Diderot mais pour tout le siècle. On trouvera à>
ce suj'et une excellente mise au point dans la communication de M. Roland Mortier au i6r Congrès
International sur le siècle des lumières ; Unité ou scïssibn du siècle des Lumières ? (publiée dans
le III» volume des Acte6 du Congrès, in Studies on Voltaire..., Droz, 1963).
UN INEDIT,DE,DIDEROT 107"
Mais si Diderot, lui qu'on à tant raillé pour ses éloges de Greuze, refuse,
comme on le voit, d'encourager la sensiblerie, il ne veut pas que la raison
étouffe le sentiment. A propos de Timoléon, tourmenté d'avoir tué dans .le
tyran de sa patrie, son propre frère, Plutarque cité et approuvé par Hemsterhuis,
écrivait : « Nos jugements sur nos propres actions, si la raison et la philosophie
ne leur ont donné de la vigueur et de la stabilité, s'altèrent... au moindre éloge,
ou. au moindre blâme du vulgaire... Car le repentir rend souvent les belles
actions mêmes honteuses » (pp. 332-333, trad. p. 518). Diderot commente :
2o. Sur la métaphore de « l'instrument bien accordé », qui rejoint la thème des « cordes
vibrantes sensibles », on lira l'excellent article. de Jacques Proust : Variations. sur un thème de
« l'entretien avec d'Alembert » (Revue des Sciences Humaines, numérs consacré à Diderot,
octobre-décembre 1963).
ÎQ8 ROLAND DESNE
Vous parlez d'une législation telle que presque toutes celles qui subsistent ;
mais on en coaçoit un* autre » (p. 349).
La législation à laquelle songe l'encyclopédie vise à fortifier les liens sociaux,
tendis que son interlocuteur ne voit de salut que dans la restauration du senti-
ment religieux individuel, à la lumière du christianisme : u si l'on ôte là la
Religion chrétienne tout ce qui paraît postiche et faux... »: Belle occasion pour
Diderot de faire le procès du christianisme i
phie. Nous n'avons disposé jusqu'à présent que d'une littérature hagiogra-
phique parfois écoeurante, .et le portrait qu'a tracé d'elle un Lytton Strachey,
s'il est d'une facture artistique assez éblouissante, -est -d'une .historicité plus que
douteuse. Lady Elizabeth Longford (Victoria R. I., Weidenfeld and Nicolson)
a fait usage des archives de Vv'indsor, de la correspondance et des journaux
intimes de la reine. Elle a fait un travail patient et consciencieux mais qui
peut-être ne témoigne pas d'un sens critique très poussé. Elle semble, en effet,
bien prompte à accepter pour véridiques toutes les déclarations de Victoria,
et l'on a d'autant plus lieu d'être méfiant que nous possédons de ces journaux
intimes, non les originaux qui ont été détruits, mais une transcription due
à sa fille, la princesse Béatrice. Il en résulte une impression généralement favo-
rable et édifiante que bien des faits tendent à infirmer. Par contre, on a le
sentiment que le rôle politique de la souveraine a été jusqu'à présent nette-
ment exagéré. Certes, elle ne manquait ni de prétention ni du désir de faire
sentir son autorité. Mais ce qui frappe, c'est sa naïveté, son ignorance, son
incompréhension immense des réalités parlementaires et ministérielles. Aucun
principe de conduite, sauf un conservatisme borné. Elle tient, au fond, tout
entière dans cette phrase ahurissante qu'elle écrivit en 189s, après la chute
du ministère Salisbury :
Sur le plan personnel, elle apparaît aussi limitée, épouse -vertueuse et par-
fois hystérique, mère contestable, ennemie du péché et pleine d'intérêt pour
les pécheurs, entichée de pompes funèbres et parfois assez sadique sous ses
dehors respectables. Son rôle historique fut d'être la plus haute incarnation
de la conscience morale, bourgeoise à une époque où, comme le constatait
Engels dans une lettre à Marx (-7 octobre 1858), « cette nation, la plus bour-
geoise de toutes, a l'air de vouloir, en fin de compte, aboutir à ceci : avoir
une aristocratie bourgeoise et un prolétariat bourgeois à côté de la bour-
geoisie »- En termes plus brutaux encore, c'est ce qu'exprimait William Morris
dans fume invective fameuse que cite R. Page Araot .dans son nouvel ouvrage,
dont nous rendons compte un peu plus toûa : « Quel fléau que cette monarchie
et cette cour qui «ont le centre de l'hypocrisie et de la corrraptiori et la ferme
la plus dense de la stupidité ! » Il n'en reste pas moins que l'image symbo-
lique de Victoria se forgea de bonne heuar-e et que dès 1850 apparaît le terme
de victorien.
gentry, terme sous lequel il groupe un peu arbitrairement aussi bien les petits
hobereaux locaux que les grands aristocrates fonciers qui possédaient d'im-
menses superficies agraires ou immobilières. Le trait dominant, c'est la véné-
ration que cette classe continue à inspirer jusqu'à la fin du siècle à toute la
population. La bourgeoisie n'a pas de plus grande ambition que de s'allier
à elle, ce qui arrive d'autant plus fréquemment que la noblesse ne dérogé
nullement en Angleterre lorsqu'elle fait des affaires. Cette noblesse, éduquéé
dans les great public schools et les vieilles Universités d'Oxford et Cambridge»
perd insensiblement son hégémonie dans l'armée où les brevets sont peu à
peu remplacés par des examens exigeant la compétence requise par la guerre
moderne. La chute des prix agricoles entame peu à peu sa prospérité, mais
elle ne connaît pas encore les affres de la fiscalité moderne ; elle mène encore
grand train, elle chasse à courre et son prestige reste immense aux yeux du
snobisme bourgeois. Les grands domaines sont généralement exploités par des
fermiers qui emploient une abondante main-d'oeuvre salariée, dont les con-
ditions de vie sont très misérables. L'auteur est sur ce point assez succinct et
ne cite même pas dans sa bibliographie les études capitales de J. L. et B. Ham-
mond. Pas un mot non plus du grand mouvement syndical des journaliers
agricoles qu'organisa Joseph Arch.
W. J. Reader évoque ensuite la croissance monstrueuse des villes indus-
trielles et la misère des travailleurs urbains. Il nous rappelle (et ce sont là des
chiffres tristement éloquents) que, selon le recensement de 1851, la durée de
vie moyenne à Liverpool et à Manchester était de vingt-cinq ans et qu'à peina
45 % des habitants de Liverpool atteignaient l'âge de vingt ans. Sur cette misère
et cette horreur, les lecteurs de La Pensée, qui ont certainement lu La Situa-
tion de la classe laborieuse en Angleterre (Editions Sociales), sont déjià
amplement instruits, et la description de Reader est bien moins précise que
celle d'Engels. Sans doute les conditions se sont-elles insensiblement amé-
liorées au cours du siècle grâce aux luttes syndicales (ce que Reader oublie
d'indiquer), comme le reconnaissait Engels lui-même en 1892. Mais Charles
Booth pouvait, dans ces mêmes années 1890, constater qu'un tiers de la popu-
lation anglaise vivait encore dans l'indigence. Il faut aussi, en marge et au-
dessous de la classe ouvrière, tenir compte de l'énorme masse qui grouillait
dans les bas-fonds de Londres et dont Mayhew traçait en 1851 un saisissant
et effroyable tableau. Il est enfin une institution que W. J. Reader se garde de
mentionner et qui complète l'enfer victorien : le workhouse, sorte de bagne
pour les pauvres et les chômeurs, où tout travailleur anglais vivait dans la
hantise de finir ses jours. Peut-être n'est-il pas sans intérêt de citer une des
remarques sur lesquelles l'auteur clôt ce chapitre :
Il faut se rappeler que la vie du travailleur avait toujours été
dure, et peut-être la misère du xix° siècle n'a-t-elle pas été aussi
grave que celle des siècles précédents.
moins malheureux dans cette masse torturée. Mais les paysams anglais dépos-
sédés que la révolution industrielle avait chassés vers les villes gardaient le
souvenir (nous en avons maint témoignage) de la vie sans doute dure, mais
moins malsaine et fétide, qu'avaient connue leurs pères ; ceux-ci ignoraient
l'insécurité de l'emploi, l'enfer dés usines et des taudis, l'abrutissante division
du travail, et avaient vécu dans des communautés villageoises où les rapports
sociaux, malgré la rigidité des hiérarchies, avaient encore qualité humaine.
W. J. Reader consacre tout un chapitre à l'amélioration de la. condition
ouvrière dans les dernières années du siècle. Cette amélioration est incontes-
table, et tous les détails qu'il nous en donne sont authentiques et du plus haut
intérêt. L'origine est à rechercher, selon lui, dans la philanthropie réforma-
trice des classes dirigeantes et dans les changements survenus dans l'économie"
(mécanisation croissante, baisse des prix, etc.), les travailleurs, comme nous
l'avons vu, n'y étant pour rien. Constatons que ce n'est pas l'ensemble de la
classe ouvrière que W. J. Reader nous décrit ici, mais ce qu'il appelle « tlie
comfortable working class », c'est-à-dire ce que nous avons l'habitude de dési-
gner sous le nom d'aristocratie ouvrière. W. J. Reader n'a probablement
jamais lu Lénine et ignore ce que le confort très relatif de des couches favo-
risées doit aux surprofits impérialistes.
L'auteur se sent plus à l'aise pour parler de la classe bourgeoise, encore
que l'imprécision calculée de la langue anglaise lui permette de ranger pêle-
mêle dans les « middle classes » des catégories bien disparates d'exploiteurs
et d'exploités. Cette confusion mise à part, il faut reconnaître qu'il nous
expose de façon commode et pertinente l'organisation de l'enseignement des-
tiné aux classes moyennes. La carence d'un enseignement secondaire
national (grammar schools) étant totale et les great public schools étant au-
dessus de leur condition, les bourgeois anglais recoururent à toute une proli-
fération d'établissements privés de types divers qui s'efforçaient de singer les
écoles aristocratiques tout en introduisant un contenu pratique et moderne
adapté à leur clientèle. Un autre mérite de ce chapitre est de nous montrer
l'importance croissante des professions libérales, qui devinrent rapidement
prospères et acquirent dans l'optique bourgeoise un statut très enviable. On
y trouvera notamment d'intéressantes indications sur la « professionnalisa-
tion » de la médecine. Non moins pertinente est la section consacrée au climat
religieux. L'auteur a d'excellentes formules pour définir l'importance du non-
conformisme en tant que phénomène spécifiquement bourgeois ainsi que
l'échelonnement social des diverses confessions. La pointe de l'action religieuse:
est, constatons-le au passage, tournée en direction de la classe ouvrière réputée
malheureuse parce que s'abandonnant au vice et créatrice ainsi de son propre-
malheur. D'où l'essor inouï des sociétés de tempérance : comment eût-il pu
venir ,à l'idée des bien-pensants que l'ouvrier buvait parce qu'il était misé-
rable ? La morale sexuelle est rigide et fondée sur l'autorité masculine. Le
plaisir (en particulier celui de la femme) est immoral. Jamais, au demeurant,
la prostitution ne fut plus florissante. W. J. Reader a raison de dire que cette-
haine du plaisir avait pour fondement le culte du travail et de la propriété.
Cette vieille idéologie puritaine avait été le levier de l'ascension de la bour-
geoisie anglaisé dès le xvne siècle. Mais l'exigence du travail s'exerçait avec
H6 PAUL MEIER
xudessse à l'égard des inférieurs, et l'auteur nous décrit la. dure vie des employés
de bureau. Ce n'est que vers, la fin du siècle que cette rigueur se relâcha et
•que les moeurs se détendirent, particulièrement en direction du sport. Les
femmes accédèrent à. un nombre croissant de professions et le « contrôle des
•naissances » fit l'objet de discussions publiques dès 1872. Il est dommage que
l'auteur ne dise à cet égard rien qui rappelle les efforts énergiques du mou-
vement féministe anglais qui eut des aspects positifs malgré ses limitations de
classe. C'est en 1896 enfin que le grand journalisme populaire fait son appa-
-rition avec le Daily Mail.
2. On nous excusera d'être assez bref et de ne pas répéter ici tout ce que nous avons écrit
dans l'Introduction qui précède notre traduction des Nouvelles de Nulle Part de William Morris
(Editions Sociales, Les Classiques du Peuple, 1961).
12fO
..•-. PAUL MEIER
d'Etat, Fiscalité), Droit Familial (mariage, divorce, rapports avec les enfanÇs,
adoption, tutelle), Droit Pénal, Procédure Pénale, Procédure Civile, en deux
chapitres est effectué un tour d'horizon aisé et passionnant de quantité de pro-
blèmes qui chez nous sont la trame quotidienne des soucis des simples citoyefts
(droit de se faire rendre justice, moyens de régler sa situation de famille, de
se faire payer son dû, etc.), lesquels seront d'autant plus captivés par la façtfn
CHRONIQUE JURIDIQUE 123
dont cela se passe en U.R.S.S. que le régime capitaliste leur a valu de déboires.
La lecture de cet ouvrage n'est donc pas affaire de spécialistes. Elle ne
peut être que vivement recommandée à quiconque une fois dans sa vie a eu
ou risque d'avoir affaire à la justice civile ou pénale, et éprouve le légitime
besoin des comparaisons. Or, il n'est pas besoin d'être Knock pour considérer
que « tout citoyen est un justiciable qui s'ignore », puisqu'il n'est pas d'être
social sans rapports sociaux, ni de rapports sociaux sans rapports de droit.
Nous formulerons, pour terminer, le voeu que ce bon début ne soit qu un
début : le début d'une série où, dans les termes que nous évoquions d'une pos-
sible et fructueuse insertion des principes dans la vie, chaque chapitre serait à
lui seul la matière d'un livre.
Ce voeu a commencé à être satisfait avant même que d'avoir été émis, avec
un nouvel ouvrage en langue française « L'Introduction à la théorie de la
preuve judiciaire » de Troussov, qui répond à des caractéristiques opposées.
Alors que le premier est exclusivement descriptif, dans le même domaine,
l'Introduction à la théorie de la preuve judiciaire est purement doctrinal.
Dans le domaine précis du droit pénal, il aborde des problèmes qui sont
au centre de la notion de légalité, qu'elle soit socialiste ou bourgeoise : le
problème de l'objectivité dans la constatation des faits, dans la conservation
des preuves, dans leur discussion, dans l'appréciation de la gravité d'une faute,
le problème de l'inévitable subjectivité du juge, et des moyens susceptibles
d'en préserver aussi bien le citoyen que la Société. L'étude est menée en pro-
fondeur, avec un esprit créateur qui fait de cet ouvrage, en dépit de l'inégalité
de certains chapitres un peu abstraits ou formels, un apport absolument nou-
veau à la fois pour la compréhension du problème de la recherche et de l'ap-
préciation d'une culpabilité ou d'une innocence par un tribunal socialiste, et
pour le progrès général de la pensée juridique de notre temps dans le domaine
de la justice pénale.
C'est ainsi que si l'on est sans doute appelé à passer plus vite sur ce qui
est dit de la vertu des textes soviétiques en matière de procédure pénale, où
le lecteur ne trouvera guère que ce qu'il a déjà lu dans d'autres occasions, on
s'arrêtera avec un vif intérêt au chapitre où, répudiant dans une argumenta-
tion motivée les thèses de Vychinski, l'auteur rappelle la traditionnelle distinc-
tion des pénalistes entre l'objectivité nécessaire de la constatation des faits et
de la conservation des preuves, et l'inévitable subjectivité du juge dans l'appré-
ciation des preuves, de leur valeur probante, et de la gravité de l'infraction,
et s'attache à montrer qu'une exigence supérieure de civilisation exige d'en
finir avec ce fatalisme de la subjectivité, et de donner le caractère le plus
scientifique possible à l'appréciation du juge, de l'objectiviser au maximum.
On notera également à ce propos l'utile élucidation que fournit l'auteur
au sujet de l'emploi fait par le Droit pénal soviétique de la notion de
« danger social ».
A un moment où, dans de nombreux pays capitalistes, des tendances s'af-
firment qui, oeuvrant louablement à humaniser la justice sur la base de cri-
124 ROLAND WEYL
tères d'intérêt social, sont grosses de dangers de liquidation des critères objec-
tifs de définition légale des délits et des peines, et où l'on se réfère un peu aisé-
ment à l'exemple soviétique, l'auteur rappelle utilement que la notion de
« danger social » ne peut, en droit soviétique, être la base que
de circonstances
atténuantes, absolutoires ou aggravantes mais non d'une qualification pénale
proprement dite.
Témoignant de la richesse possible de l'apport du matérialisme dialec-
tique dans le domaine de la justice, l'auteur donne l'exemple bienvenu d'une
désidéalisation de rapports juridiques où domine la contradiction -et montre
comment l'organisation de l'expression de cette contradiction dans le débat
judiciaire constitue un élément décisif de cette « vérité matérielle » dont on
sait qu'elle est un des principes fondamentaux de la légalité socialiste. Ainsi
arrive-t-il, par exemple, en inscrivant les droits de la défense dans ce débat
comme une des branches nécessaires de l'approche dialectique d'une vérité
objective, à valoriser ce rôle de la défense mieux que n'ont jamais réussi à le
faire, sur le plan doctrinal, les théories libérales qui seules jusqu'ici en étaient
le fondement.
Sans doute ce livre s'offre-t-il plus aisément aux spécialistes, mais il ne
manquera pas d'intéresser aussi tous ceux qui, sans en faire profession, sont
attentifs aux mécanismes par lesquels peut se commettre ou s'éviter l'erreur
judiciaire.
Dans tous les départements, il y a des hommes de droit : des juges, des
avocats, des avoués, à chaque tribunal de grande instance, à chaque Cour
d'Appel, des juges de paix, des huissiers, des notaires, des greffiers, à chaque
tribunal d'instance. Ces livres méritent que, sous une forme ou une autre leur
attention soit systématiquement attirée.
Il n'est pas possible de rendre compte de cet ouvrage sans rappeler cha-
leureusement l'ouvrage publié voici quelques mois aux Presses Universitaires
de France sous le titre « Le Droit Soviétique », par Jacques Bellon, conseiller
à la Cour d'Appel de Paris, chargé de conférences sur le droit soviétique
à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes *.
Précisons seulement que ce petit ouvrage de 125 pages aborde l'étude du
droit soviétique d'une manière très différente. Divisant son étude en <6 grands
chapitres (droit civil, droit de la famille, du travail, des auteurs et inventeurs,
droit pénal, organisation judiciaire), il consacre deux chapitres préalables à?
l'analyse globale des principes généraux du droit soviétique et au rappel histo-
rique des principales phases de son évolution.
Soulignant certains détails, passant plus rapidement sur d'autre? pour fen
brosser les grands traits, se référant aux débats qui ont présidé à l'adoption'
de tel ou tel texte, l'intérêt principal de cet ouvrage est dans son effort d'ana-
1. Voir, 4 ce sujet, le compte rendu du livre de J. Bellon, par Maurice Bouvier-Ajam, dans-
La Pensée (no 110, Août j'pô?). (M£MUR.)
CHRONIQUE JURIDIQUE 125-
-k
9 LE PIQUANT DE L'HISTOIRE est que la préface de P. Vidal-Naquet à l'édi-
tion française du livre de Wittfogel, quelles que soient ses limites, n'a pas
plu à ce dernier ; il lui a été pénible de s'entendre qualifier de u rejet du
stalinisme en *erre américaine ». Il a intenté un procès à P. Vidal-Naquet !
Nous n'y restons pas indifférents. Quels que soient nos désaccords poli-
tiques et idéologiques avec Pierre Vidal-Naquet, nous saurons faire la diffé-
rence entre lui et ceux qu'empêchent de dormir les succès du communisme
depuis qu'ils l'ont trahi.
Cet épisode nous confirme en tout cas dans l'opinion que ce qui compte
avant tout, ce n'est pas d'allonger indéfiniment la polémique « marxologique »
à coups de citations de Marx et d'Engels, c'est de faire avancer quant au fond
l'étude des sociétés asiatiques en s'aidant de la méthode marxiste. C'est ce
que nous avons essayé de faire dans nos numéros d'avril et de novembre
1964 ; c'est ce que nous continuerons de faire en ce qui nous concerne ; c'est
sur ce terrain, et non sur un autre, que nous souhaitons poursuivre la discus-
sion avec tous ceux qui sont comme nous convaincus que le sort de l'humanité
a cessé de dépendre (s'il l'a jamais fait) des seules sociétés d'Europe occidentale.
*
£ DEUX NOUVEAUX Nf« VIENNENT D'ENRICHIR la famille nombreuse que
constitue la collection des livres édités par le Club, des Amis du Livre pro-
gressiste 1 : Geïminal d'Emile Zola et Mille neuf cent quarante quatre.
Mille neuf cent quarante quatre, c'est-à-dire : L'Honneur des poètes
et Europe, publiés clandestinement sous l'occupation nazie, reproduits aujour-
d'hui avec le soin qu'exigeaient tout ensemble le respect dû à une éntré-
1. Club des Amis du Livre progressiste, 142, Boulevard Diderot, Paris (12»)-
128 LES TRAVAUX ET LES JOURS
prise comme celle-là et la vertu poétique des vers admirables que l'amour de
la liberté et le patriotisme inspirèrent aux meilleurs des poètes français..
Nous savons bien que nul ne relira sans que son oceur ne batte fort ces
chants de combat et d'amour mais nous devons dire le mérite précieux de
l'ouvrage nouveau. Les détails de sa composition, déterminés avec justesse,
éclairent en effet ces poèmes d'une lumière parfaite. La pureté typographique,
la convenance d'une présentation stricte et classique et l'illustration maî-
tresse, empruntée aux scènes les plus saisissantes du drame de Breughel-lé-
Vieux qu'on appelle le Triomphe de la Mort, ne sont point ici des éléments
extérieurs ajoutés au texte, ils composent une architecture d'harmonie.
On reconnaît dans cette réussite le goût sûr de ce metteur en scène dé
typographie qu'est Alexandre Chem. Mais on retrouve aussi dans l'ensemble
du livre l'âme même de l'humaniste qu'est Lucien Scheler.
En une préface, qui est une page d'histoire que l'Histoire retiendra,
Lucien Scheler raconte par le détail comment ces poèmes furent réunis et
imprimés et comment s'est formée la société clandestine d'écrivains qui a
souvent trouvé refuge dans la librairie de l'un d'entre eux, je veux dire de
Lucien Scheler lui-même.
Parce qu'il avait, avec sa générosité, participé à l'entreprise clandestine,
il a su, dans l'ouvrage composé vingt ans après, faire que se prolongent en
nous les vibrations même des plus beaux cris de la Résistance.
de progresser plus vite qu'un élève brillant ; un bon élément d'une classe
« faible » régresse plus vite même qu'un mauvais élève. Cela explique que les
possibilités de « rattrapage », qui sont, en principe, ouvertes aux élèves des
groupes « faibles », ne soient que très rarement utilisées, « beaucoup plus ratffr
ment que les professeurs ne les pensent ou ne disent ». En fait, la « ségréga-
tion » des moins doués tend à accentuer leur handicap initial ».
% PAR SUITE D'UNE OMISSION que nous déplorons, nous avons négligé
d'indiquer que le remarquable article de George Thomson sur Heraclite et
sa philosophie, paru dans notre numéro 116, est en fait un fragment de son
livre The First Philosophers publié par Lawrence et Wishart, à Londres. Il
était dans notre intention, en traduisant cet extrait, d'attirer l'attention du
public français sur cet ouvrage qui répond aux préoccupations actuelles de
nombreux chercheurs. L'auteur et les éditeurs nous ayant accordé leur autori-
sation, nous les prions de croire à notre vive et amicale gratitude.
LES LIVRES
LITTERATURE
Victor HUGO : Les Contemplations. date réelle à laquelle le poème a été
Texte établi et présenté par Jacques écrit (ou achevé, ou recopié). Ce
Seebacher. Bibliothèque de Cluny. triple calendrier constitue une pré-
Editions Armand Colin. Paris, 1964. cieuse documentation.
Deux volumes. On sait, en effet, que V. Hugo a
composé les Contemplations comme
En dépit du prix modique des un roman. C'est pourquoi — Seeba-
deux volumes, il s'agit d'une publica- cher a bien raison d'insister sur cette
tion sérieuse, élaborée avec un esprit nécessité — il faut les lire dans
scientifique. l'ordre prémédité par le poète et non
Cette édition reproduit le texte de au gré de la fantaisie ou du hasard;
l'édition Ne varietur de 1882, c'est-à- il faut suivre le déroulement de ces
dire le texte des Contemplations, tel Mémoires d'une âme, comme les a
que Victor Hugo a Voulu nous le appelées Victor Hugo lui-même, si
laisser — les principales variantes l'on veut ne rien perdre de leur plé-
étant données dans les notes. nitude poétique. Mais il se trouve
Le lecteur apprécie particulièrement que le poète a indiqué pour l'édition
l'intelligence et l'effort de recherches des dates qui souvent ne corres-
qui se manifestent dans l'établisse- pondent pas avec celles qui se
ment de la chronologie qui occupe les lisent sur les manuscrits des poèmes.
cinquante dernières pages dé l'édi- Pour quelles raisons ? Les hypothèses
tion. Pour deux raisons, au moins, que l'on peut faire, on comprend
devons-nous être reconnaissants à qu'elles doivent mener à une connais
l'auteur de la manière dont il a sance plus poussée des Contemplations.
abordé cette redoutable entreprise. Essayer de percer ces petits mystères
D'abord parce que la chronologie de chronologie c'est, dans quelques
des années 1830 à 1856, c'est-à-dire de cas, deviner ou découvrir les secrets
la période au cours de laquelle ont de fabrication de l'oeuvre. Les ta-
été composés les poèmes qui ont fait bleaux de correspondance invitent à
Les Contemplations, a été spéciale- de passionnantes investigations.
ment développée, organisée et présen- Mais la chronologie scrupuleuse —
tée en sorte de faciliter la lecture de et à jour des derniers travaux — qu'a
l'oeuvre et d'en améliorer la connais- établie Seebacher pour l'ensemble de
sance. Jacques Seebacher, pour ces la vie du poète a ua autre mérite.
années-là, a confronté trois séries Elle corrige nombre d'erreurs « accu-
chronologiques : la série des événe- mulées par la tradition ». Elle révèle
ments biographiques — la date de paraisse —
— si étonnant que cela
rédaction du poème que V. Hugo a que nous ne possédons pas encore
indiquée dans l'édition — et, chaque de biographie précise et sûre de
fois que la chose était possible, la V. Hugo 1
132 LES LIVRES
Pourtant V. Hugo nous- a laissé une marge de- la grande histoire. La com-
foule de renseignements» suf luimêWe, tesse d'Agoult vivait dans ses souve-
dans ses carnets, dans ses notes ? Par nirs, celui de Liszt surtout, qui ne la
malheur tous ces documents, écrit quitta jamais., Parmi ses a fantômes »,
Seebacher, sont dispersés « entre la dit M. Vier, qui verse beaucoup, in
Bibliothèque nationale, la Maison dé* fifté; dans le vocabulaire des voyants
la Place des Vosges et les collections et des croyants.
particulières en migration accélérée J'avowe: qnïié- des> phrases- comme- :
vers lés Etats-Unis »'•. Dey bribes de' «- Là- Muté irisigne: de Ma-xie" d'Agôult
rériseignemen'fé, des- paréëlîés de do- [...-] ce Mt de1- se préférer." àî Pfëut;
cuments voient le' joui*,- de temps- à quand e!é e£Mf- VO%> a* ISMI&I- de
aûtrëy. mais « dans- l'insécurité. des; la- ses larmes et sous son toile de dJéuil,
beurs- solitaires' et en1 ordre' dispersé ».- resplendir le visage de Franz Liszt au
Lé courage qù-'a eu Séebaéhér éri- éta- lieW du Sain* Georges- eu viWail, ele
blissant laïLmêoeé une: chronologie d'éïfiâ Fôbjeï de son amoùV et Fadôfat
aussi- eiaéte qu'il- se puisse anifjoXi*-' à- M placé d-u* vtfâ-i ©feu »- (msm VI,
dTÏT-fi, maîs> précîse-t-i'ï,- bien erronée p. 109) ne me convainquent? d& ri'efi1
eheoré !y puilsse-É-i'l favorise* l'entré-' du t-çyaï',- d?au«a*M- q]û'é, pour éfiOncér
rMse collective dé biographie rigôu- tout cela,- M. Vier ne" se réfère' qii»'à
reuse: « dont les: nttoyeffls existent et lui-même. Qïfiï pense- aiïîsi,. si' celai
dont- là nécessité ne fait' nul doute' ». liai chante,- art surplus ; mais jTàuratfs:
je né peux que signaler ici l'intro- préféré qu'il né tîn£ pas plus- rigueur-
duction copieuse et dense à la foiâ à Mme d-'Agoûît é**voi*' aeéé son:
qu'à réd%ëé Seëbâchè¥ pour son' éd-i-' propre Dieu qiï'à Be-fgsoa d"*avoir dit
tion.- Les"- étapes q;ui marquent là que c'était ïà une; dés fonctions: â
genèse' des" Côntéthplatioiis, l'étude répétition dé l'humanité.
thématique' dé Fcéuvré,- sa pl'akîè dâiïs L'importance dû tf-âVa'-il de-' M.. Vier
révoiteïoii morale et politique de est àil-lettfs. Il a- énormément lu et con-
V. Hugo sont l'objet d'a-nalyses cap fronté; nous l'avons' déjà dit dans dé'
tivânfes et d'mfiéfp'rétzÈfiôïïs dont là précédent éômp'fes fendus. Il noua
discussibri, et même lé seul ïésiïmé, offre une large": fisancbé de l'histoire
fërâieiif déborder" ce éômp^é-rendùV intelleéïuëlîe dfe t* société grande?
bourgeoise et- aristocratique au Zixe
Marcel Gotou • siècle. C'est beaucoup.
Qu'il fie soit- pas des notâtes, qu'il
ap^paMenfté' à M phalange- des- lauâa'
Jacques1 Va* : Là eoffffësSe? ^AgOl^f tarés tempôris- aôti, est'' seteoridarre,.
éf s&tt itàttt&é, tome IV (1961),- tome dès7 rinstârtt q&e ses angles- de vue
V (îQ&ff, tômé' Ti (ïgègf. pérnféftrem One: bôsne photographie'
dé* fSffiilte D'autres; viendront qui
Ces" trois volumes, Hermirient î'ôû'-- tfftlisér"6¥»t lê$ matériaux diligÊmmeat-
vrâge cônsîcfêfâDlé de Mv VÏéf. ils* ïâ$senmbïêsy et éoïffiffiewtés souvent âvee-
conduisent" Mine" d'Agotrlt m tom- beatfcoup^ de ffcfiessfe... D'asaître* vierë*
beau, 6û elle descèffdn* éîi 1876; là âtbrttT car' ce n'est: pas ît passé qui
même année que sa vieille rivât* itom emporte,, fti» fer fwtav
George Sarîd. Je parêontre wloStfe*» fes eWiîioesi
Mais la période 1870-1876' &t étf rmpér'îSfffeayses éë M, Vieir su» no#e
LES LIVRES m
temps, .où -« ,1a wlgariié [... ] pousse tant ptes iSaàsissasjjÈe ;que les : foerssssr
à la pointe du..combat -intellectuel des nages, ,.k la puissante psrsssiaattié, «es
atnazoaes ..hébétées *t jaial -tenues JD ; sont .«on les specta-teuîs, mais Jcs
même si je devine ^quelles il vise, acteurs, sont -hts .'héros >d"wa idexenir
parce qu'il m'a remémoré, chemin .fai- historique entre *s>us : fécoîïC
sant, à propos de l'opposition, timide Une première version aatait; été jtist-
et bienséante, de Mme d'Agoult à bliée en feuilleton, à Moscou, jen
Badinguet, ce jnot de Baudelaire : russe, durant i'aaà<ée ifg&a. Le roman
a été traduit sur une seconde •wersiom,
Le deux décembre fait la preuve définikive celle-là, .écrite par d'auteur
que -le premier imbécile venu peut, quelques mois avant sa tarant, :en
en Mrancc, devenir le maître de l'Etat 1963, et où nous entendons sa .sroix
en s'installant À l'imprimerie natio- comme celle d'un testament suprême
nale,,. et d'un ardent appel.
:Sans doute ne s'agit-il pas de "véri-
Baudelaire n'a pas épuisé ici la tables mémoires. Tout -se déroifle an-
question de la technique -du coup tour d';uae situation -terriblement an-
d'Etat et de la forme du pouvoir goissante et où l'angoisse va ^crescendo
bonapartiste. Marx a -dit mieux là- pendant près de quarante jours ":
dessus, mais Marx aussi parlait de Ahmet se cache à Smyrne, en 1925.
l'imbécillité -de Louis-Napoléon, au avec son ami Ismaïl pour -eantÉ-noier
moins dans sa correspondance avec à y mener clandestinement dans -une
Engels, et l'on est d'autant plus fondé Turquie devenue contrerévolution-
à revenir à ces jugements péjoratifs naire ia lutte rëvotationnaire. Il 'est
qu'une mode se lance chez les histo- mordu par un chien. Il y a cinquante
riens naïfs ou serviles, d'admirer le chances sur cent pour que le chien
personnage de Napoléon III, qui ne ait eu la rage. Aller trouver un "doc-
fut, somme (toute, que le contenu teur ? Mais il y a cent chances sur
d'une parenthèse entre deux Répu- cent pouT que le docteur le dénonce.
bliques. Il ne reste qu'à attendre, claustré
dans la cabane, que soit écoulé le
Jean DAUTRY délai d'une quarantaine de jours au
bont duquel se déclare la rage : « Eit
sî j'ai: la rage, tu me tireras dessus...
Nazim HIKMET : Les romantiques (la tu me fourreras dans ce trou... tu
vie est belle, mon vieux...), roman me recouvriras de terre... en ne sen-
traduit du turc par Munevver An- tira pas l'odeur... ». Le récit est ponc-
daç, Les Edideurs Français Réunis, tué par les bsrr-es tracées de jour en
Paris, 1964. jour sur la porte, jusqu'à ce qu'en-
fin le cauchemar prenne fin.
Le grand poète Nazim Hikmet, Mais l'auteur, avec des audaces
l'un des plus grands de ce temps, n'a techniques qui donnent une extraor-
écrit qu'un roman, qui est aussi sa dinaire iiensité sociale à l-anecdcrte «n
dernière oeuvre et non la moindre : apparence de caractère étroitement
il s'agit en effet d'une sorte de TO- individuel, va sans cesse «ki présent
man autobiographique où toute une au passé et du présent à l'avenir,
époque revit avec une intensité d'au- dans l'un et l'autre cas au oceur de
134 LES LIVRES
PHILOSOPHIE
René BOIREL : Brunschvicg, sa vie, une thèse à la philosophie de Léon
son oeuvre avec un exposé de sa Brunschvicg, philosophie qui, dans la
philosophie. P.U.F., 1964, coll. France d'avant-guerre, fut au tout
premier rang. Regain ? Brunschvicg,
<( Philosophes », Paris, 138 pages.
c'est vrai, est encore présent de bien
En 1949 M. Deschoux consacrait des manières à la pensée contempo-
LES LIVRES 135
raine, à la pédagogie philosophique ; Au fascisme il opposait l'incorrup-
c'est un témoin de cette tradition ré- tible « non » de l'intelligence. Voilà
flexive et critique qui plonge profon- sans doute qui ne s'arrange pas très
dément dans le sol de notre pays. bien avec l'image du « chien de
Ceux qui, — je pense d'abord aux garde » (dixit Nizan). Tout simple-
hommes de ma génération, — l'ont ment parce que, lorsque se posait la
dépassé, cependant n'oublient pas ce question cruciale « démocratie ou
qu'ils lui doivent. S'ils l'oublient, fascisme », Brunschvicg trouvait dans
c'est qu'ils l'ont lu distraitement. sa philosophie même, — quelles qu'en
Mais ceux de vingt-cinq et trente soient d'ailleurs les contradictions et
ans... ? Je ne vois pas qu'ils inter- les limites, — ses raisons d'être du
rogent beaucoup l'oeuvre de Brunsch- bon côté, avec tant d'autres qui
vicg. Leurs cadets seront-ils plus cu- n'étaient pourtant pas ses frères en
rieux ? Cette oeuvre est vraiment de philosophie, par exemple Langevin...
celles que la dernière guerre a bruta- Encore que celui-là, comme celui-ci.
lement déphasées. Au premier plan mais sur un autre registre, ait refusé
désormais, le marxisme, la phénomé- de voir dans les conquêtes de la
nologie, — et l'existentialisme ? Il science au tournant du siècle le signe
est moins une philosophie qu'un style irrécusable d'une défaite de l'intelli-
de pensée. gence !
Et voici ce clair petit livre, qui se Brunschvicg est rationaliste. Il veut
lit d'un souffle, introduction à vingt- adapter le rationalisme aux progrès
neuf textes du maître; nous les reli- de la science contemporaine, mais en
sons avec plaisir. R. Boirel donne la restant fidèle à l'inspiration kan-
parole à ceux qui connurent le mieux tienne. Il rejette donc la table des
la vie de ce grand bourgeois, libéral catégories, mais pour revendiquer la
et discret, ceux qui l'approchèrent « critique », entendue comme ré-
aux tragiques moments de l'exil en flexion du sujet sur sa propre activité
France, quand Mme Brunschvicg, — constituante. Cette activité ne fait
qui avait appartenu, comme Irène qu'un avec le devenir de la conscience,
Joliot-Curie, au gouvernement de qui est irrésistible et progressive ré-
Front populaire, — devait se cacher, vélation du principe spirituel auto-
quand il errait lui-même de ville en nome à l'oeuvre dans toutes les créa-
ville, jusqu'à ce jour de janvier 44 où tions humaines. D'où le rôle-pilote du
il meurt à Aix-les-Bains, serein jugement, qui est la pensée même,
comme Spinoza, et confiant comme dont le concept n'est qu'un dépôt
Kant dans les destinées de l'humanité stratifié. L'idéalisme brunschvicgien
malgré tout. On pouvait piller sa se donne ainsi pour tâche incessante
bibliothèque ; l'esprit est inaliénable. de sauver l'esprit des traquenards de
Erreur si vous croyez que ce pur phi- la substance ou, si l'on veut, des mi-
losophe était un homme de cabinet. rages d'une « philosophie de la na-
Champion d'une Education nationale ture ». Ainsi l'expérience n'a de sens
moderne, défenseur des droits poli- que négatif : sa fonction est d'offrir
tiques de la femme, membre du Co- au dynamisme opératoire du sujet
mité central de la Ligue des Droits l'occasion de se transcender indéfini-
de l'Homme, il fut jusqu'au bout ment. Thème fichtéen... Cette dialec-
l'ami de l'Allemagne des lumières. tique de la raison et de l'expérience.
136 LES LIVRES
SCIENCES
Jean ORCEL : Atomes et Cristaux, radium, mais son plus grand titre de
Collection « Petite encyclopédie gloire est là.
marxiste » (N° 4), Editions Sociales, Fort bien illustré de quelques pho-
1964. tographies et croquis, terminé par un
glossaire suffisamment important, le
Il existe fort peu d'ouvrages exclu- livre du professeur Jean Orcel dont il
sivement consacrés à la cristallogra- est peut-être bon de rappeler l'acces-
phie, et les articles des encyclopédies sion récente à l'Académie des sciences,
ou manuels qui traitent de la ques- est remarquablement accessible à tous.
tion sont généralement inaccessibles Il reste néanmoins un précieux outil
de travail pour l'étudiant, car il fait
aux non-spécialistes. C'est sans doute
la raison pour laquelle ce domaine état de toutes nos connaissances sur
passionnant de la physique est quel- les formations cristallines, y compris
quefois curieusement ignoré d'esprits leurs aspects biologiques.
autrement éclairés.
Hilaire CUNV
<( Nous sommes
environnés de cris-
taux. Nous vivons dans un mondé de PENFIELD (W.), ROBERTS (L;) : Lan-
cristaux, nous touchons des substances gage et mécanismes cérébraux,
cristallines, mais la plupart d'entre P.U.F., Paris, 1963, 24 F.
nous n'en prennent pas conscience,
rappelle justement M. Jean Orcel : Ces neurophysiologistes de Mont-
les cristaux, sous leurs aspects infini- réal se sont rendus célèbres par leurs
ment variés, forment non seulement recherches hardies sur le fonctionne-
Vècorce terrestre, mais la majeure ment du cerveau. Ils furent conduits
partie de notre planète. » à traiter des cas d'épilepsie grave par
l'excision du foyer cérébral endom-
Rappellera-t-on jamais assez que le magé, responsable des troubles, tech-
point de départ de l'oeuvre pastorienne nique qui, d'après leurs statistiques,
est l'étude des formes cristallines ? A conduit à 50 % de guérison apparente,
partir de l'observation que la matière les autres cas témoignant le plus sou-
vivante est construite de molécules vent d'une amélioration. Notons au
faisant tourner le plan de polarisation passage qu'il importe de distinguer
de la lumière polarisée vers la gauche, soigneusement ce traitement neuro-
Pasteur chercha passionnément les chirurgical, fruit de la nécessilé, des
causes profondes de cette dissymétrie tentatives de psycho-chirurgie qui pré-
sans laquelle, d'ailleurs, la dynamique tendirent traiter divers troubles psy-
caractéristique des structures vivantes chiques par des mutilations corti-
serait inconcevable, et, de proche en cales ; ces dernières ont suscité à juste
proche, il fit les découvertes qui le titre une très sérieuse opposition sur
rendirent justement célèbre. Les tra- le plan déontologique et moral.
vaux de Pierre Curie sur la symétrie Dans le cas de Penfield et Roberts,
ont été éclipsés par la découverte du il était nécessaire de prendre les plus
LES LIVRES 139
tiVfté d'une région âWînté an moyen est manifesté" que' Penfield rîe' se sent
d'une prisé' èh charge de là fo'nc'ÏÏoh pas parfaitement à son aise' avec le
par une zdn'é différente/ située dan* le dualisme, auquel il se tiéiit malgré
m'êmé ôtr daiïs l'autre hémisphère. tout. Loin de rïïoï l'idée que le ma-
Totfs1 l'èk faits d€ récupération,- nô- térialisme dialectique pôthraît- résou-
tàm'm'ërif après Une aphasie,- vont dans dre d'un cdup dé baguette magique
ce sens; toits problèmes erî suspens, qui restent
Pën'fifeld à' fà'it précéder l'ouvrage —' suif oe point oh se rencontrera aisé-
d'une très significative introduction ment avec Penfield — ouverts â f in-
philosophique ; on y volt lès difficul- vestigation- scièiï£mc]ùe. Mais1 justë-
tés avec1 lesquelles ùfi savant véritable, ifiënt lé matérialisme dialectique me
hc-'îîh'êtë et scrupuleux; se' tfduve âtix paraît mieux préparé â: recevoir' les
prises lorsqu'il aborde" le problème décoiiVeftès pfésénte's ëf â veflif.
des" rapports de l'esprit (et, ëfi pers-
pective, dé l'âme)' avec le cërvèatl ;'• il jèan-Frànçois LE NY
HISTOIRE
Rbsï LbxÊkBbuRG :
$mïti â'cëîii, édi- Stinriès, éh qui les orateurs personni-
tion", Avânti, îçfify. fiaient ce capitalisme allemand que
le prolétariat allemand né réussissait
pas à abattre, j'ai dû lé retenir Un
Lés hommes dé ma génération, peu plus tard, après le congrès de
celle qui arrivait à l'âge d'homme TôUrs. Je suis sur d^'àvôir Iti très tôt
ijtiand Hî'tler fut hissé au poûvoir la brochure grise des LétWes de la
par le vieux maréchal vôh HïnSeh- prison dé Rbs'a 'et, dès leur parution,
bUrg, étaient trop Jeunes pour avoir lés Lettres du front et de là geôle de
vibré avec la révolution d'Octobre. Karl, 'dans la traduction 'de Georges
Leur enfance,- pour peu 'que l'on Côghiot édifiée par la Librairie de
militât autour d'ëufc; -fut, par contre, ï'Hunïànité.
'contemporaine de Ta 'dë'fàïte 'et dé. la Si j'êvôqùë ces temps lointains, ce
révolution allemandes. Je suis près- n'est p'às senïémén't pour démontrer
que certain d'avoir entendu Paul que j'étais dé bonne heure cette
Valllant-Cbtfturiér et Raymono Le- 4u mauvaise hterbè » que 'chante Bras-
febvre parler 'en Ï9Ï9, à là 'GfJtnge- sens, qui né "se rumine pas et ne se
'âûx^Béflës, de Karl LiéMnécht et de met pas 'en géroé facilement, c'est
JRrosâ Luxemobnig a"ssassîrfës, 'dàffs une pour replacer Rosa Luxembourg dans
houle populaire dont îes Meetings le 'coeur vivant 'dû prolétariat inter-
d'au^ôUrdn'tfi né donnent aucune national 'et du prolétariat français.
Idée. Mon >pëfe, syMicaliSfè 'et Wàz- Nul plus que moi ne regrette 'tes
listè, ne lâchait pas 'ma main, et'cette nïô'is "dé jarivièr 'â'aUtrerbis où l'on
pression', sïjîideiîférft 'affectueuse, vbi- ceLebrait « lés trots L » : 'Lénine,
"sittè dans''mon 'scitftfenrr avec les 'm6ts Liêblcifécht rét Luxembourg, 'dans
'qnè 'j^rttëriâaft : -seV&àWémÔcratie l'bYdre alpnabetfque. Tous les trois
majoritaire, cBhiteés dé ^janViër, rca- -WtSient dBnhés 'cdfps 'et tnife a une
Jpltalisine 'allemlnd. 'Êfe nÔm de TIî%o «entreprise dé fémdim 'du "Mb'hd'e, à
bEs.L-ivms m.
une (entreprise .qui oi'aurajt pas (de ne se débarrasse pas facilement. A
.sens si elle n'était cela, et il -était L'époque ,de Lénine, ;il y ent, à son
juste de les ; honorer .ensemble,. îSUJet, des polémiques passiqnnées
'Certes, Je recul .et L'évolution /histo- fentre bolcheviks, les uns repous.sarit,
rique marquent des .différences .de avec ,des .arguments, Ja ligne générale,
plus -en plus .nettes. La lecture ;des -d'un ouvrage, fondamentalement .dif-
iGesammelte Reden und .Schriflen de férente de la ligne de L'Imfeériglisme
%a,vl Liebknecht, ,qUi paraissent rrégu- stade suprême (lu- _çapitfflisme, les
lièrement ,chez LJietz, .-à BerlintEst, autres tentant une conciliation, assez
,-depuis 1958, confirme .que :1e t-héori- .vaine. L'Accumulation date de .-1-913.
,cien ^n'était probablement pas .chez Le sous-titre allemand ajoute : « ou
l'homme -d'action spartakiste à la .ce que -les épigpnes ,ont fait de la
jhauteur .qu'il aurait fallu, peut-être ,théorie marxiste. » ,On .touche ;là à
.•même que l'homme .d'action :man- • des points de -divergence politique
.-quait ;-de prudence, parfois. Du .moins .marqués avec Lénine. Rosa Luxem-
isaislt-on mieux, -après savoir pris .con- bourg .rompit, avant .lui, avec Je ,centre
naissance -de -certains textes pour la .kautskien, avec cette majorité social-
première fois .et renoué .contact avec -démocrate .centriste .qui -emboîta ,1e
.d'autres, que Liebknecht accomplit pas, .en .19,14:, aux .armées .de Guil-
parfaitement <sa tâche fondamentale, laume II,cpntre la « barbarie russe ».
rcelle .de vcrier, « ;aurdessus de soixante- Lénine crut,d'abord, quand ,U apprit
-dix millions de crânes casqués ,[....] l'entrée en guerre des soçial?démo-
la grande :parole rouge : non », crates allemands, encadrés par leurs
.comme l'a .dit Stefan .Zweig. Le meil- .propres « .feldwebels », journalistes,
leur de l'Allemagne ouvrière se .re- députés, et idéologues, à un-faux du
,
trouva, de 191:5 à .1918, iehez cet avo- grand .état-major prussien.
icat, fils -de militant .soeiaLdémocrate, •Luçianp Aniodiq, llexcellent éditeur
qui représentait en novembre .-19.18, de ces textes ^choisis, a retenu -de
•pour :1a >base :même, de la ssocial-démo- l'Accumulation un -morceau de .verve,
çratie -majoritaire, parti qu'il -reniait la postface, où >Rpsa répondait à ses
et qui ;Lavait rrenié, au moins sun ?re- •critiques. JElle y accusait :Karl Kautsky
mords -de conscience. La popularité d;avoir -repris .contre elle et cpntre
•du fils de .Wilhelm Liebknecht ;éfait -Marx les schémas optimistes (poiir le
immense au jmoment ,ou se ?païta- capitalisme) du -révisionniste russe
-geaient le pouvoir les ^majoritaires et Tugan-Barano.wski- Elle opposait le
les indépendants, dans les rangs Ade .Kautsky de .1013 au .Kautsky de
qui, —.à Ja -gauche de -ces -rangs, — .190,2, ,gui avait .dans la Neue .Zeit
;il -se trouvait avec ^tous les-sparta- ,écrit,que T.uganJBaçanpwjJù représen-
skistes. «Offre lui -fut faite, d'ailleurs, . tait « le passage .-de la sociaLdémpçra-
,
rqu;il trepoussa, .d'entrer îdans la .com- .tie ,d'un,parti ,de .lutte -de.clause pro-
.
Collart, Victor Molitor, Albert Cal- des armes allemandes, tandis que la
més, mais il offre souvent des inter- politique du gouvernement Eyschen
prétations et des points de vue nou- de couleur cléricale est pour le moins
veaux, que procure la méthodologie équivoque. De même, à la veille de
du matérialisme historique. Bien qu'il la deuxième guerre mondiale, les
s'agisse de la réimpression d'une série cercles officiels favoriseront l'idéologie
d'articles de journal, l'oeuvre est très de la grande Allemagne présentée sous
soignée, très approfondie. Une bévue, camouflage scientifique, pédagogique
cependant, à la page 22, où la Somm'.- et littéraire. Au début de l'occupation
est qualifiée d'affluent de la Seine. hitlérienne, les milieux sociaux diri-
L'une des idées maîtresses, c'est geants espéreront encore, à tort, en
celle de l'originalité historique du une collaboration légale, surtout
peuple luxembourgeois, qui s'est dé- d'ordre économique. Le Gauleiter
veloppé jusqu'à former une nation accorda alors de grands honneurs au
propre en résistant à toutes les tenta- directeur général de l'ARBED, Aloys
tives d'annexion et d'assimilation. Meyer, qui fut pourvu par Hitler de
Les classes privilégiées, au contraire, postes élevés dans l'organisation éco-
ont toujours tendu à conclure alliance nomique et porté au rang des plus
avec les occupants. hauts dirigeants des trusts comme
De 963 à 1443 se déroule la pé- Hermann Rôchling.
riode de l'indépendance féodale sous Autre idée directrice du livre :
les comtes et les ducs du pays. En l'activité du peuple en faveur des
1443 intervient la conquête bourgui- causes progressistes au long des siècles.
gnonne et commence la phase de la Jean Kill montre par exemple à quel
domination étrangère (bourguignonne, point la petite bourgeoisie après 1789
espagnole, française, espagnole, au- sympathisait avec la Révolution fran-
trichienne, française), qui dure jus- çaise. Malgré l'interdiction de toute
qu'en 1815. Des Traités de Vienne à propagande libérale, les partisans de
aujourd'hui s'étend la période du ré- la Révolution étaient organisés ; ils se
tablissement progressif de l'Etat réunissaient, commentaient les événe-
luxembourgeois et de la lutte du ments de France, pratiquaient une
peuple pour son indépendance natio- intense propagande de bouche à
nale. oreille. Les femmes étaient particu-
Pendant la domination espagnole, lièrement actives. Tout cela ressort
l'Eglise ast le meilleur appui de des archives judiciaires. La popula-
l'étranger, les classes régnantes sont tion paysanne aspirait aussi à la dis-
complices. Ensuite, elles s'appuient parition du féodalisme. Pendant la
sur la Prusse et l'Autriche. Au milieu campagne de 1792 contre la France,
du xixe siècle, le parti clérical et .«on les documents attestent la fermenta-
journal, le « Luxemburger Wort >v tion des esprits. En 1795 arrivait l'ar-
sont ouvertement pro-allemands. Pen- mée française et le Luxembourg de-
dant la guerre de 1914-1918, quand: venait le Département des Forêts.
le Luxembourg est occupé «t que Seuls, le clergé et la noblesse déclen-
l'Allemagne entend l'annexer: en cheront contre la France en 1798 la
commun avec la région de Briey, la Vendée Iuxemboti*geoïse, le « Kl&p-
Grande-Duchesse reçoit le Xaàser -et pelkrieg ».
souhaite, dan» un toast, la victoire En maan-xrxÛ 1-848, ftoareHe &***•
LES LIVRES 145
ECONOMIE POLITIQUE
Michel LUTFALLA : L'état stationnaire, Il étudie d'une part l'état station-
Gauthier-Villars, 1964. naire considéré comme le terme
d'une évolution, ce qui est en somme
L'état stationnaire est une vieille l'optique de Malthus — et, à mon
histoire et, si Boisguilbert a pu songer avis, aucunement celle de Mill — et,
qu'un tel état se rencontre dans les d'autre part, l'état stationnaire consi-
faits, John Stuart Mill s'en sert, pour déré comme un instrument de travail,
sa part, comme d'une sorte de modèle une supposition de laboratoire, bref,
d'où découle toute son analyse. Lut- un modèle. Ce modèle crée donc
falla montre que l'hypothèse de l'état artificiellement une « stationnante »
stationnaire a été, mutatis mutandis, permanente, sur laquelle l'économiste
maniée aussi bien par des margina- raisonne. Il y aurait sans doute eu
listes comme Walras et Wicksell que lieu de pousser plus loin l'examen
par Alfred Marshall ou John Bâtes les théories économiques fondées
Clark. sur la notion d' « étape », au moins
146 LES LIVRES
à partir de la progression par bonds sous peine de correction majeure due
développée par Sombart. L'étape aux événements. Il y a, certes, des
sombartienne, c'est, en quelque interférences de l'un à l'autre groupe,
sorte, là soudaine progression d'un mais les Physiocrates représentent un
état stationnaire ou semi-stationnaire type naturaliste pur.
à un autre. Le livre de Faure-Soulet est un
L'étude de l'ajustement des flux apport utile. Il souligne l'influence
réels dans la stationnarité perma- du temps, du niveau relatif des tech-
nente, celle de la répartition du niques, sur les idées, les morales, les
revenu stationnaire, et celle de la systèmes, les utopies. Il souligne aussi
transition entre les thèses de l'état l'influence des postulats philosophi-
quasi-stationnaire et celles de l'équi- ques sur les schémas et tableaux des
libre dynamique, de la croissance premiers « économistes ». Il expose
équilibrée, sont sans doute les pas- bien les conflits qu'a rencontrés la
sages les plus importants d'un livre pensée économique : celui entre le
qui, sur un tel sujet, ne pouvait ni formalisme individuel et le réalisme
tout dire ni même tout entrevoir et social, celui entre la morale et l'obser-
pèche peut-être par l'arbitraire de vation, celui entre le raisonnement et
ses options, sur le plan des doctrines la leçon des choses. Peut-être n'attire-
comme sur celui de la bibliographie. t-il pas suffisamment l'attention sur
quelques points. Par exemple, sur
.
Maurice BOUVIER-AJAM l'apport involontairement fait de la
politique du mercantilisme vieillis-
sant aux « systèmes » de liberté de la
production et des échanges. Par
J.-F. FAURE-SOULET : Economie poli- exemple
encore, la nature fondamen-
tique et Progrès au « siècle des talement métaphysique de la Physio-
lumières », Gauthier-Villars, 1964. cratie, qui, pour ce motif, apparaîtra
comme très différente du relatif « phy-
L'attention des chercheurs est au- sicisme » de Smith et des libéraux
jourd'hui particulièrement attirée par classiques.
les doctrines et les systèmes écono- J'avouerai aussi que je trouve
miques du xVme siècle, (( le siècle des grande son indulgence pour Turgot
lumières ». Un récent Cahier du c'est aujourd'hui la mode — et
—
Centre d'Etudes et de Recherches insuffisantes ses références bibliogra-
Marxistes, Mercantilisme et Physio phiques. Mais c'est déjà un beau ré-
cratie, en fait foi : là, Gabriel de sultat que d'avoir donné en quelque
Tinguy expose notamment que les 240 pages un panorama valable des
doctrines économiques et sociales du pensées économiques du « siècle des
XVIII0 peuvent grosso modo se scinder lumières », des difficultés rencontrées
en deux groupes : les volontaristes, et des perspectives ouvertes.
qui pensent que l'homme peut mode-
ler le monde à son gré, et les naturi Maurice BOUVIER-AJAM
listes, qui croient en un ordre naturel
auquel l'homme doit se conformer,
LES LIVRES 147
CUBA
René DUMONT : Guba, socialisme et qui aurait aidé le lecteur à mieux
dévaMptlMlèttt, Collection « Es- situer les appréciations de R. Dumont
prit », Editions du Seuil, 1964, Parmi celles-ci, à propos de la ligne
180 p. de développement de l'économie cu-
baine fondée sur la production de
Ce nouveau livre de R. Dumont sucre pour l'exportation 1 (prévision
concerne principalement les pro- d'une production de 10 millions de
blèmes de l'agriculture cubaine, trai- tonnes en 1970), l'auteur estime que
tés à partir de l'analyse agronomique. <( cet
objectif n'est pas aisément acces-
Il se présente comme une critique sible, et pour l'atteindre il faudra une
volontairement sévère des fautes qui véritable « mobilisation sucrière na-
ont été commises, ce dont l'auteur tionale » (p. 126). Je pense que ce
s'explique en ces termes dans sa con- n'est pas pécher par pessimisme que
clusion ..': -«C'est par amitié pour la de poser aUssi catégoriquement une
révolution cubaine que nous les avons question devenue décisive pour Cuba
soulignées (les fautes L.L.) sans la et je partage les misés en garde de
moindre complaisance, pour pouvoir, l'auteur contre la sous-estimatioh des
proposer des orientations que nous difficultés quand il s'agit d'atteindre
estimons meilleures, à tort ou à rai- au prix d'efforts soutenus pendant de
son » (p. 179). longues années de grands objectifs de
A mon avis, dans cet ouvrage, ce production.
qui concerne les problèmes techniques Par contre, selon moi, R. Dumont
de l'agriculture mérite une grande critique à tort le principe même des
attention, du point de vue cubain. Fermes d'Etat (« Granja del Pueblo »)
Dumont parle franchement, claire- et idéalise les coopératives. « Avoir
ment et on peut supposer que ses trop écarté la formule coopérative, qui
observations sont utiles pour corriger domine pourtant l'agriculture des
certaines mesures prises dans la cam- pays socialistes, fut à mon avis l'erreur
pagne cubaine, ou bien pour les amé- de base des dirigeants cubains »,
liorer ou encore les confirmer en reje- écrit-il, p. 55. Que l'on discute de la
tant de ce fait le point de vue de gestion de ces Fermes, d'accord ! mais,
l'auteur. N'étant nullement spécialiste dans la réalité de l'agriculture cubaine
en agronomie, il ne m'est pas possible (grands domaines, culture de la canne,
d'apprécier dans la masse de ses juge- masse d'ouvriers agricoles, etc.), je
ments ce qui est exact et politique- ne crois pas que l'installation de coo-
ment possible. pératives, comme forme dominante,
Si l'on se place du point de vue du eût été un progrès. Et la référence à
lecteur français, je regretterai le ca- l'exemple des autres pays socialistes
ractère fragmentaire de l'étude des pourrait ici faire taxer R. Dumont de
problèmes agricoles. Bien que la sta-
tistique cubaine soit fort insuffisante,
il existe quand même un certain
nombre de données qui permettent de 1964, ANNEE de l'ECO-
1. Voir « CUBA
tracer un cadre à ces questions, ce
:
NOMIE ». La Pensée, n° 11;, p. 39.
us MS .LIVRES
ce dogmatisme qu'il découvre trop Mais le livre en question déborde
souvent... chez les autres. singulièrement ces sujets que nous
Je serai de son avis en ce qui con- venons d'évoquer.
cerne la plupart des .critiques : qu'il La .méthode que l'auteur utilise ici
adresse à l'université .et à l'enseigne- consiste ;à partir d'un jsxamjsn tech-
ment secondaire qui ne voient pas nique poussé d!u.ne ibranche écono-
encore clairement quJls doivent for- mique donnée, la culture et l'élevage
mer Aes producteurs. Il y .a véritable- principalement, à déduire tout d'a-
ment trop d'étudiants, qui plus est .bord des généralisations économiques
de boursiers, dans les carrières artis- qui vont bien au delà des questions
tiques ; mais, par contre, Les vocations agraires, sans que pour autant il y
.scientifiques et techniques n'attirent ait eu des analyses du .même ordre
pas assez la jeunesse. Toutefois de pour les .autres branches, par exemple
.gros efforts .sont faits maintenant en l'industrie. J£t puis, quittant le .sol que
ce sens par Le Gouvernement e.t .cela nous voulons croire sûr de son ..expé-
énergiquement .et avec succès. rience -agronomique, R. Dumont en
L'importance .exagérée du « .ter- arrive à des .considérations politiques,
tiaire » est aussi une plaie dénoncée à des fcomparaisons internationales et
par Dumont et reconnue par le pou- historiques péremptoires qui, ausupins
rvoir populaire. Mais là encore, il n'est ^sous .cette forme, : dépassent .un seul
pas facile de modifier les choses -rapi- homme, fûtil un grand agronome. De
dement, notamment compte .tenu de même, les interprétations .très per-
facteurs politiques découlant de la sonnelles qu'il donne des conceptions
situation internationale dans laquelle économiques des dirigeants de la
se trouve Cuba. .Révolution Cubaine me paraissent
L'ouvrage ne traite pas de "l'indus- pour le moins déplacées.
trie cubaine en voie de création. Finalement, à cause de ces considé-
Pourtant de grands efforts sont "faits rations qui tiennent beaucoup trop
pour cette branche qui 'finalement de place dans ce livre, Je professeur
conditionne le Cuba socialiste. Elle Dumont semble vouloir faire la leçon
seule permettra, avec l'industrialisa- à tout le monde. Cubains, Soviétiques,
tion de l'économie, celle de J'agrieul- Chinois, etc.. se partagent successive-
ture. Sans examiner ce problème dont ment les bonnes.et les mauvaises notes,
l'incidence sur la vie -économique et depuis le Lénine de la N.E.P. jus-
sociale du pays est .dès à présent très qu'aux dirigeants des futures révolu-
grande, "il est téméraire de porter un tions ! Ainsi conçu, ce livre risque
jugement d'ensemble. Précisément, j'es: .davantage de gêner .la .critique tou-
time que la plupart des difficultés de jours nécessaire, de faire oublier ce
croissance que relève R. Dumont, dé- qu'il contient d'utile et, en fin de
coulent de l'absence d'une "industrie compte, .de .rendre plus difficiles les
nationale et de -son corollaire, la corrections que la Révolution Cu-
(( civilisation industrielle »
(calcul éco-, .baine apporte elle-même au cours de
nomique, précision, 'liaison science- sa marche .en avant-
production, importance des études
scientifiques, etc..) Léon LAVALLIK
LES LIVRES 149
AFRIQUE
Odette GUITARD ; Les Rhodéstes et leurs. contradictions internes. Mais
le Nyassaland (P.U.F., col. « Que l'auteur a peut-être jugé qu'il eût été
Sais-je ? »). prématuré de le faire dès maintenant,
et qu'il valait mieux éclairer le lec-
Pour l'essentiel, ce petit livre est teur français sur le vrai visage du
avant tout une histoire de la domina- colonialisme anglais dans cette partie
don coloniale anglaise dans ces trois de l'Afrique. Elle y a fort bien réussi,
territoires dont deux viennent de
•devenir indépendants (le Nyassaland, Yves BENOT
aujourd'hui devenu le Malawi, et la
Rhodésie du Nord aujourd'hui deve- L'Afrique Noire occidentale et
cen-
trale, par J. Suret-Canale et J. Ca-
nue la Zambie). Cette étude des mé- bot, Littérature, par Y. Benot;
thodes d'une exploitation, qui assez
vite s'est concentrée sur la fameuse Histoire, par J. Suret-Canale,
EDSCO, documents N° 92, (11e
« ceinture de cuivre » de la Rhodésie
du Nord, est fort bien faite et sur- année, janvier-mars 1964). Sorhodi,
Chaleau-.Arnonx {Basses-Alpes).
tout, l'auteur a su comprendre le
point de vue des Africains eux-mêmes,
et montrer, pouï reprendre le titre Ce document EDSCO comprend
du Mwe de Jaek Woddis, les « racines quatre fascicules ;
de la révolte ». Elle a pris soin de A) Coup d'ceil d'ensemhle sur la lit-
présenter, d'une manière exacte dans térature africaine d'expression fran-
l'ensemble, les partis et les hommes çaise, par Yves Benot, accompagnée
(Banda, Kaunda, N'Komo) qui dans de trois extraits (8 pages)
;
B) Histoire par J. SuretCanale, -ré-
ces trois pays ont incarné et dirigé
cette révolte. Et c'est un livre des plus sumé -de -ses deux ouvrages analysés
utiles à lire à l'heure où le sort du ici même (16 pages) ;
^dernier, la Rnodésie dm Sud, toujours C) Géographie humaine : l'Afrique
gouvernée par ^in Cabinet raciste, est d'anjourd'hui, par J. Suret-Canale
•encore sur la balance. introduction démographique et écono-
Peut-être faut-il regretter que le mique suivie d'une quinzaine d'échan-
•rôle »des syndicats et les luttes 'des mi- tillons de villages et-de villes (16 p.) ;
neurs de cuivre soient évoqués beau- D) Les Etats, ceux de l'Afrique
coup trop rapidement (pp. 95-96), et occidentale, par J. Suret-Canale, ceux
que la portée de cette résistance syn- d'Afrique équatofiale et le Cameroun,
dicale par rapport à l'ensemble de la par Jean Cabot (32 pages) ; Enfin
lutte nationale ne soit pas mise en seize hors-textes photographiques illus-
lumière. JOn peut également juger ^que trant ce document.
-si cet exposé permet au lecteur de Lîéconomie de -cet ouvrage et les
comprendre le processus de dévelop- noms des collaborateurs suffisent à
pement de la lutte pour l'indépen- dire l'intérêt qu'il offre aussi bien
dance, il ne lui donne aucune indica- aux professeurs qu'au .grand public
tion sur les problèmes politiques et qui recherche une documentation .sé-
sociaux que les partis nationalistes rieuse.
ont ou vont avoir a affronter dès "le
Jendemain de l'indépendance, ni SUT André HÀUDRICOURT
TABLE DES MATIERES
DE L'ANNÉE 1964
ALTHUSSER (Louis) :
Présentation de La philosophie de la science, de Georges Canguilhem.
Epistémologie et histoire des Sciences, par P. Macherey 113, 50
BADIA (Gilbert) :
Karl Marx, présenté par Maximilien Rubel 113, 80
Chronique de l'Allemagne. Les Allemands et leur passé. Remarques
. .
sur quelques ouvrages récents : Le Vicaire, La Honte des fils. >.'-. 115, 102
Les Livres. E. von Salomon : Le destin de A. D 116, 152
BARJONET (André) :
Sur une édition récente de Karl Marx : Quand le professeur Perroux
préface Karl Marx 113, 75
BAUMANN (Bedrich) :
Chronique historique. L'idéologie Hussite 116, 110
BENOT (Yves) :
Chronique littéraire. A propos de Diderot. Expérience et certitude.. 114, 110
Chronique africaine : Kwamé N\rumah et l'unification africaine 116, 56
Les Livres. K. Antubam : Ghana's héritage of culture
.... 116, 143
R. Barbé : Les classes sociales <?« Afrique Noire 117, 152
Odette Guitard : Les Rhodésies et le Nyassaland 118, 149
BERLIOZ (Joanny) :
Les Livres. G. Badia et P. Lefranc : Un pays méconnu, la République
Démocratique Allemande 113, 152
BESSE (Guy) :
Les Livres. René Boirel : Brunschvicg, sa vie, son oeuvre avec un exposé
de sa philosophie 118, 134
BETTELHEIM (Charles) :
Formes et méthodes de la planification socialiste et niveau de dévelop-
pement des forces productives 113, 3
BOCCARA (Paul) :
Sur la révolution industrielle du xvnr5 siècle et ses prolongements
jusqu'à l'automation 115, 12
TABLE DES MATIERES W
BOITEAU (Pierre) :
Les monopoles chimiques et la nature ,...... .r. 113, 41
Les droits sur la terre dans la société malgache précoloniale (Contri-
bution à Fétude du « mode de production asiatique ») 117, 43
Les Livres. H. Cuny : Louis Pasteur et le mystère de la vie
........ 113, 148
BONNOURE (Pierre) :
La résistance tchèque en 1944-1945 et l'Insurrection de Prague (mai
Ï945) - 117, 70
BOTTIGELLI (Emile) :
Chronique marxiste. Des précisions sur le Manifeste Communiste 115, 96
....
BOUVIER-AJAM (Maurice) :
Chronique politique. La politique de stabilisation 113, 101
,
Les Livres. J. Bourin ': Le bonheur est une femme 114, 142
Michel Lutfalla : L'état stationnaire 118, 145
.... ..: -,
J. F. Faure-Soulet : Economie politique et progrès au « siècle des
Lumières 118, 146
BRUHAT (Jean) ;
Chronique marxiste : A propos de quelques ouvrages récents sur Karl
Marx et Lénine 117, 105
Les Livres. A. Laborde : Trente-huit années près de Zola ............ 113, 134
M. Dommanget : L'idée de grève générale en France au xvine siècle
et pendant la Révolution 113^ 144
Histoire de l'U&.S.S 113, 147
Réaction et suffrage universel en France et en Allemagne (1848-1850). 114, 152
Documents E.D.S.C.O. : Le papier 114, 155
Documents E.D.S.C.O. : Les Lettres. Des origines à nos jours 115,
Babeuf et les problèmes du babouvisme
.. 115,
141
DAUTRY (Jean) :
Chronique espagnole. Notre Espagne, et la leur -. .-.. 115, 109
Les Livres. P. Aubery : Milieux juifs de la France contemporaine à
travers Leurs écrivains • ,...-
113, 138
J. Massin : Almanach de la Révolution française 113, 140
Travaux de la conférence interuniversitaire sur .. les
*
problèmes
d'histoire de la dictature jacobine 113, 143
M. Qzouf : L'Ecole, l'Eglise et la République, 1871-1914 113, 144
S. Dernier :. Opération Radio-Noire. Blac\ Boomerang 113,
Hommage a la littérature espagnole ......... 114,
147
138
E. de Gortari : La ciencia en la historia de Mexico, fondo de
cultura économie» 114, 153
Z. Stancu : Le jeu avec la mort 115,; 142
...
A. Châtelain : Le Monde et ses lecteurs sous la IVe République.. 115, 143
R. Feigelson : L'usage de la parole 116, 156
.
La Liberta comunista et Critica del gusto 117, 141
J. Fievée : La dot de Sùzette
- .... 117, 148
C. Furtado : Le Brésil à l'heure du choix 117, 154
.......
Jacques. Vier : La. comtesse, d'Agonit et son temps
Rosa Luxembourg : Scritti Scelti
............. 118, 132
118, 140
DESNÊ(Roland) :
Un inédit de Diderot retrouvé en Amérique ou les observations d'un
d'un, matérialiste, à une. théorie idéaliste dé l'homme » 118, 93
Les Livres. R. Pomeau -.Politique de Voltaire^ ...... * .*..
113, 133
Diderot :. Sur la. liberté, de. la presse. 117, 146
-.-.-
DÉTRAZ(Colette) :
A. Ketde :.Shakespeare, quatre cents ans après (traduction) ,.....».. 115, 67
DoBiàss (Vaclav) :.
L'homme et sa- position exceptionnelle- dans la nature ,.-». 116, 92
D'HONT (Jacques) :
Les Livres. Wilhelm Raimund Beyer : Lés images de Hegel. Critique
des interprétations de Hegel 118, 136
DUBOIS (Jean) :
Les Livres. H. Mitterand Les mots français 114, 149
: .. • •» •
DUCHET (Claude) :
Chronique littéraire. Cette Grenade appelée vie... „.......-.,.-».-.... ItSj 87
Les Livres. S. Ousmane : Voltaïque- »•• 113,139
DVPARC (Jean) :
Les Revues. The Mârxist Quaterly (Toronto), (Hiver 62. Printemps,
Eté et Automne 63) 114, 126
DuvMi-WiRTH (Geneviève) :
Les Livres. E. Morante : L'Ile d'Arturo. E, De'Giorgi : L'Innocence 113, 137
P. M. Pasinetti : Rouge vénitien , .
114,140
,,.-..»,
1M TABLE DES MATIERES
GAUDIBERT (Pierre) :
Stendhal et la peinture fraaçaise de son temps 114, 91
GOBLOT (Jean-Jacques) :
Art et nécessité dans le Prométhée enchaîné d'Eschyle 115, 79
Les Livres. G. Cogniot : Le matérialisme gréco-romain 117, 139
GODELIER (Maurice) :
Les écrits de Marx et d'Engels sur le mode de production asiatique.
Bibliographie sommaire •.
114, 56
GUILLAUMAUD (Jacques) :
Cybernétique et matérialisme dialectique 117, 3
HAUDRICQURT (André) :
La technologie, science humaine 115, 28
Les Livres. J. Suret-Canale : Afrique Noire occidentale et centrale.
Tome II 117, 150
KETTLE (Arnold) :
Shakespeare, Quatre cents ans après 115, 67
«
LABÉKENNE (Paul) :
Les Joyeusetés de Galilée 116, 29
•
Chronique scientifique. Louis de Broglie, Jean Cavaillès, Alexandre
Koyré et Raymond Queneau 113, 87
Les Livres. F. Le Lionnais : Les grands courants de la pensée mathé-
matique 116, 136
M. Meigne : Recherches sur une logique de la pensée créatrice
en mathématiques 116, 139
Collection. Ecrits : sur FAtome, sur le Socialisme,
sur l'Origine de
l'homme. et sur la Liberté -....'..,. 116, 155
G. Fau : La Fable de Jésus-Christ -\YI 143
L'homme a-t-il créé Dieu à son. image ? M
.,..- .,
117, 143
LAUNAY (Michel) :
L'étude du « Neveu de Rameau » ' 118, 85
LAVALLÉE (Léon) :
Cuba : « 1964, année de l'économie » 115, 36
Les Livres. René Dumont : Cuba, socialisme et développement 118, 147
....
LAZARD (Françoise) :
Le travail de la femme est-il nuisible à l'enfant ? 118, 43
LE N'Y (Jean-François) :
Les Livres. Traité de psychologie expérimentale 113, 149
H. Piéron : Examens et docimologie • •
113, 151
R. Francès : La perception 115, 155
,.
Penfield (W.), Roberts (L.) : Langage et mécanismes cérébraux 118, 13^
..
MACHEREY (Pierre) :
La philosophie de la science de Georges Canguilhem 113( 54
TABLE DES MATIERES 155
MÀZAURIC (Claude) :
Les Livres. M. Bouloiseau : Le Comité de salut public 113, 142
MEIER (Paul) :
Chronique d'histoire contemporaine. Deux livres sur l'évolution poli-
tique de la Grande-Bretagne 113, 115
» »
Victoriana 118, m
Les Revues. Marxism Today, Londres (juillet-décembre 1963) 113, 123
Marxism Today, Londres (janvier-juin 1964) 116, 130
Les Livres. London Landmar\s 114, 154
MICHAUD (Félix) :
Physique et Biologie 113, 85
MOUILLAUD (Geneviève) :
Chronique théâtrale. En marge de Vanniversaire de Shakespeare :
Troilus et 'Cressida, mis en scène par Planchon 115, 114
MOUILLAUD (Maurice) :
' L'enseignant et l'enseigné 118, 30
Chronique philosophique. Un ouvrage de J. T. Desanti sur la
phénoménologie 113, 94
MOUNIN (Georges) :
Les Livres. A. Monjo : La poésie italienne 116, 153
NYIRI (Georges) :
Un aspect de la médecine de demain : la médecine d'orientation' sco-
laire et professionnelle 117, 97
PAPIN (Claude) :
Les Livres. Molière : Le Misanthrope 113, 129
PAPIN (Renée) :
Les Li-res. J. Ehrmann : Un paradis désespéré. L'Amour et l'Illusion
dans l'Astrée .-
113, 131
Erckmann-Chatrian : Maître Gaspard Fix 115, 138
PARAIN (Charles) :
Le mode de production asiatique : Une étape dans une discussion
fondamentale , 114, 3
Chronique archéologique. Le vme Congrès international d'archéolo-
gie classique 113, 109
Les Livres. M. Makal : Un village anatolien 114, 139I
Nazin Hikmet : Les romantiques 118, 133
Lawrence Durell. Henri Miller : Une correspondance privée ..... 118, 134
PAVLOV (O. S.) :
Les livres. « The African Communist », Londres, vol., 2; 1963; n° 4. 116, 145
PICARD-WBYL (Monique) :
Réflexions sur l'élection des juges
............t. 115, jt
156 TABLE DES MATIERES
PONCET (Jean) :
'Vers une nouvelle structuration de l'agriculture «a Algérie , 113, 23
Les problèmes du développement rural et les leçons du Mezzogiorno.. 11)8, 78;
RIVIÈRE (Marc),:
•
Les livres. L. Gouffignac : La Cybernétique 115, 150
ROGER CE.) :
'Une technique dite psychologique .,....,...,,... 116, So
RossATrMiGNpD (Suzanne) :
Les Livres. R. Tonnerre : Le Mouji\ et la tendre fille 113, .135
A. Remacle : Une femme enveloppée de soleil — 113, 13&
,..
SECLET-RIOU (Fernande) :
Henri Wallon : Une pédagogie de progrès 116, 49
SURET-CANALE (Jean) :
Les Sociétés traditionnelles en Afrique tropicale et le concept de mode
de production asiatique 117, 21
Les livres. L. Sainvilie : Anthologie de la littérature nêgro-africaine.
T. ï 114,136
TASLITZKY (Bons) :
Franicis Jourdain 114, 74
THOMSON (George) :
........ 116,
Heraclite et sa philosophie 16
TOKEI (Ferenc) '.
Le mode de production asiatique dans l'oeuvre de K. Marx et F. Engels. 114, 7
VILAR (Pierre) :
Histoire sociale et philosophie de l'Histoire 118, 64
"WÈBER (Henri) :
Les Livres. La Boéfie : HE-uvres politiques 115, 136
WEYL (Roland) :
Principes du Droit soviétique 118, 121
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vit le jour, son: importance, son originalité et ses points faibles ainsi que le rôle
décisif qu'elle a joué pour préparer la formation de partis ouvriers indépendants.
•L'auteur rappelle le rôle capital de Karl Marx et de Friedrich Engels comme
théoriciens et militants du mouvement ouvrier qui s'affirme tout au long de
l'histoire de la création et de l'existence de la Première Internationale.
•C'est dans sa première adresse inaugurale qu'elle aboutit, en conclusion, au mot
d'ordre du Manifeste du Parti Communiste: Prolétaires de tous les pays: unissez-
vous. Lénine dira de cette Première Internationale: « ...elle est inoubliable, elle
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