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GEORGES BATAILLE ET LA MODERNITÉ : « LA POLITIQUE DE

L'IMPOSSIBLE »
Jean-Michel Besnier

La Découverte | « Revue du MAUSS »

2005/1 no 25 | pages 190 à 206


ISSN 1247-4819
ISBN 2707146137
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GEORGES BATAILLE ET LA MODERNITÉ :


« LA POLITIQUE DE L’IMPOSSIBLE »

par Jean-Michel Besnier1

Je ne suis pas un disciple de Bataille. Les spécialistes de Bataille, en


France, se présentent volontiers comme des disciples consentants. Je récuse
de manière tout à fait « bataillenne » le qualificatif de disciple. Il y a d’ailleurs
un maniérisme de l’écriture chez Bataille qui m’insupporte, mais je trouve
intéressant de m’aider de son œuvre pour opposer communication et sys-

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tème. Aujourd’hui encore, ce que je trouve très important dans son œuvre,
c’est la dimension du rire, de l’insolence, de la turbulence. Bataille a sou-
vent objecté aux surréalistes ce qu’il appelait une « morale turbulente et
heureuse », ce qu’il ne trouvait pas chez eux, pétris et compassés. La vertu
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de Bataille c’est le décalage, la possibilité d’objecter un point de vue décalé


à ce qu’on qualifierait aujourd’hui de prêt-à-penser. Je retire également de
Bataille une morale de l’antiréductionnisme tant politique que scientifique.
Aujourd’hui encore, on est toujours tenté de réduire. Les intégrismes rédui-
sent évidemment. Mais dans le champ scientifique, les réductionnismes
sont à l’œuvre. Je travaille avec des scientifiques qui sont toujours tentés
de tout réduire aux gènes, aux neurones, à la pulsion… Je me sers sponta-
nément de Bataille pour étayer mes objections à ces réductionnismes.
Comme à Hegel autrefois qui supprimait des aspects – supposés par lui
contingents – de la réalité humaine. Bataille disait qu’il a peut-être tout
déduit dans son système, mais qu’il n’a pas déduit les larmes, la mort, la
révolution, l’enthousiasme…, tous ces états qui sont réfractaires à la concep-
tualité. Sur le terrain de l’épistémologie ou de la politique aujourd’hui, il
faut avoir cette attitude d’objection aux entreprises réductionnistes.
Sans être un disciple de Bataille, je trouve qu’il est salutaire d’utiliser
son œuvre à des fins anti-académiques. C’est un penseur qui nous invite
continuellement à une curiosité « interdisciplinaire ». En 1946, il fonde la
revue Critique, un événement dans le champ culturel français de l’époque.
Cette revue avait pour objectif avoué de mettre en perspective les différents
savoirs. On interrogeait aussi bien la cybernétique que l’ethnologie de Lévi-
Strauss ou des penseurs de l’écriture comme Blanchot…

1. Nous reproduisons ici une conférence donnée devant l’association « Politique autrement »
le 17 janvier 2004. Nous en avons gardé le style parlé mais supprimé les questions et
réponses qui ont suivi l’exposé. Les lecteurs intéressés peuvent se procurer la brochure complète
auprès de : Politique autrement. Club politique autrement, BP 07, 78401 Chatou cedex, ou
club@politique-autrement.asso.fr (site : www.politique-autrement.asso.fr).
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GEORGES BATAILLE ET LA MODERNITÉ… 191

Je vous propose donc un parcours au sein de l’œuvre de Bataille. En


un premier temps, je voudrais montrer que, comparé à Breton par exemple,
Bataille est davantage lesté de culture et de préoccupations philosophiques.
À cet égard, Habermas a suffisamment pris au sérieux Bataille pour le pré-
senter comme un des grands penseurs critiques de la modernité. Bataille
occupe une position paradoxale : il est critique de la modernité tout en étant
réfractaire à toute position régressive, réactive, voire réactionnaire. Dans
un deuxième temps, j’aborderai ce que Bataille nomme la « souveraineté ».
À partir de là, on pourra dessiner une figure de l’intellectuel opposée à celle
de l’intellectuel sartrien. J’évoquerai quelques grands débats qui ont mis
Bataille aux prises avec des penseurs de l’engagement.

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UNE PHILOSOPHIE CRITIQUE DE LA MODERNITÉ

On définit en général la modernité par rapport au temps. Être moderne,


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c’est assumer une volonté de rupture avec les traditions. C’est nécessaire-
ment refouler le passé. C’est ne pas s’embarrasser d’héritage. C’est aspi-
rer à tout prix à l’avenir. L’avenir est la seule valeur mobilisatrice. En outre,
la modernité justifie le privilège accordé à la subjectivité. Les modernes
sont tous des subjectivistes en ce sens qu’ils considèrent que le sujet est
l’unique point d’appui qui demeure, l’unique foyer de normativité qui s’im-
pose. En étant moderne, vous récusez toutes les transcendances : les tradi-
tions, la religion, la nature. Le point fixe est la subjectivité. Elle est le
foyer dynamique de la modernité. Quand aujourd’hui on parle de post-
modernité, on inclut toujours la critique de cette subjectivité-là. La moder-
nité déploie à partir du sujet, supposé transparent à lui-même, supposé
conscient, une activité de domination de la nature destinée justement à
confirmer la ruine des absolus traditionnels. Le moderne est un homme
qui décide de prendre en charge son destin. C’est pour cela qu’on situe la
naissance de la modernité à la fin de la Renaissance, au moment où les
hommes mettent à bas les traditions médiévales et décident de s’ériger en
maîtres et possesseurs de la nature. Ils développent alors les techniques, la
science, la réflexion politique; ils pensent l’État sur un mode prospectif et
les conditions du vivre-ensemble politique. Cette définition assez banale
de la modernité (rapport au temps, privilège accordé à la subjectivité et
domination de la nature) révèle l’attitude paradoxale de Bataille.
Léo Strauss2, dont on sait l’importance dans le contexte américain d’au-
jourd’hui et qui pourrait sembler avoir flirté avec la figure de Bataille, avait
un verdict très simple sur la modernité : elle était pour lui le triomphe du

2. Léo Strauss (1899-1973), philosophe politique américain d’origine allemande, auteur


de nombreux ouvrages dont Le libéralisme ancien et moderne [1990].
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positivisme et de l’historicisme. Triomphe du positivisme, parce qu’elle


accorde le primat au fait sur le droit, contre l’absolu; aujourd’hui seul le
fait est vrai et constitue la norme. Mais aussi triomphe de l’historicisme,
parce qu’on considère que nos valeurs même les plus sublimes (le beau, le
vrai, le bien) ne sont jamais éternelles, qu’elles sont toujours liées à l’his-
toire, ancrées dans un contexte historique et qu’elles ne sont plus à ce titre
des absolus, mais seulement des phénomènes relatifs. Léo Strauss en tire
comme conclusion que nous ferions bien mieux d’en revenir aux Grecs,
aux anciens, en essayant de retrouver les absolus que nous avons perdus.
La philosophie de Bataille est une philosophie « paradoxale », comme
il l’a souvent nommée. Elle érige même le paradoxe en principe : nous ne
pouvons être dans la modernité qu’en étant antimodernes. Nous sommes

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modernes pour autant que nous accueillons ce qui prétend se dérober à la
modernité, à l’espace du temps présent. Nous n’avons pas réellement la
liberté de choisir un parti qui nous mettrait à distance de la modernité.
Habermas a eu assez de clairvoyance pour consacrer à Bataille l’un des
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chapitres d’un livre important, Le discours philosophique de la modernité


[1988], ce qui a étonné bon nombre de philosophes français qui avaient
complètement écarté Bataille du champ de leurs préoccupations. On par-
lait alors de Lyotard, Derrida, Deleuze, mais Bataille paraissait exotique. Il
fallait qu’un Allemand, parlant de la France avec les lunettes de Sirius,
vienne nous dire que Bataille n’était pas seulement l’auteur sulfureux de
certains textes érotiques comme Histoire de l’œil ou Madame Edwarda,
mais l’une de nos références philosophiques les plus significatives.
Selon Habermas, Bataille et Heidegger entendent « s’évader de la cap-
tivité imposée par la modernité », échapper à « l’univers clos forgé par la
raison occidentale ». Ils partagent l’ambition de « vaincre le subjectivisme ».
Ils auraient engagé une critique de la rationalité occidentale laquelle a débou-
ché sur l’univers réifiant de l’économie et de la technique. Habermas n’ignore
pas cependant les différences entre Heidegger et Bataille. Il en signale
d’abord une : Bataille n’impute pas la modernité à la métaphysique de la
subjectivité qui prend ses racines chez Descartes et qui culmine avec Hegel.
Il ne partage pas le point de vue de Heidegger qui considère que la moder-
nité est née avec Descartes, c’est-à-dire avec la proclamation du sujet
autofondateur (le cogito) et l’ambition pour ce sujet fondateur de construire
les conditions de la vie humaine, de se faire « comme maître et possesseur
de la nature ». Selon Heidegger, la modernité serait née de cette décision
cartésienne et elle aurait culminé au début du XIXe siècle avec Hegel qui
aurait en quelque sorte bouclé le projet cartésien par la réalisation du savoir
absolu en révélant l’achèvement de l’histoire. Bataille ne participe pas de
cette idée de la modernité. Pour lui, la modernité n’est que le triomphe de
la rationalité instrumentale, c’est-à-dire d’une rationalité téléologique qui
cherche à inscrire ses fins dans le monde, d’une rationalité calculatrice.
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Bataille est sans doute plus proche de Max Weber et de l’analyse du


désenchantement du monde, mais aussi de Horkheimer et d’Adorno, pen-
seurs de l’école de Francfort qui ont une attitude sociologique critique à
l’égard des Temps modernes.
Contrairement à Heidegger, il ne s’agit pas pour Bataille de déconstruire
la subjectivité et de retrouver la « question de l’être » sur un mode contem-
platif, mais d’émanciper la subjectivité du carcan utilitariste. À ses yeux,
l’essentiel est de penser les conditions de la souveraineté au sein même d’un
monde désacralisé. Bataille cherche la restitution, pour l’être limité qu’il
sait être, de la continuité qui le fonde. L’« être » est aussi bien le continu, la
communication qui nous soude en profondeur et que nous oublions, dans le
triomphe de la rationalité occidentale, car nous vivons sur le mode de la

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sérialité, de l’atomisation. Toute la question de l’« être » est de savoir si cet
être limité que je suis – car je vis dans un monde instrumenté, avec des fonc-
tions, des personnages – tient encore par l’essentiel à cette continuité fon-
damentale. L’essentiel de l’œuvre de Bataille est une manière de prospecter
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cette question. S’il s’intéresse à l’érotisme, à la communication, à la sou-


veraineté, aux expériences du sacré, à la révolution…, c’est toujours sur fond
de cette préoccupation de savoir par quel biais je reste ancré dans cette conti-
nuité fondamentale qui traverse les hommes et qui est cette part obscure,
cette part maudite. Bataille sollicite toutes ces « expériences limites ».
Habermas [1988, p. 253-254] écrit : « L’ouverture au domaine sacré
que poursuit Bataille ne signifie pas la soumission à l’autorité d’un destin
indéterminé que son aura ne ferait qu’annoncer. Mais la transgression des
limites pour aller vers le sacré ne signifie pas la démission soumise de la
subjectivité, mais sa libération et son accès à la souveraineté vraie. » Si je
suis un être limité et si j’ai comme obsession de retrouver l’être fonda-
mental qui nous traverse les uns et les autres, je suis à ce moment-là dans
une démarche de transgression de cette limite que je suis, et cette trans-
gression n’est pas destinée à me déposséder en tant que sujet au profit d’une
espèce de transcendance, mais au contraire à faire accéder la subjectivité
à une dimension supérieure que l’on pourra appeler souveraineté.

EN FINIR AVEC LE PROJET

Bataille, dans son ouvrage L’expérience intérieure (1942), annonce son


projet d’en finir avec le projet lui-même. D’emblée, la pensée de Bataille
se situe dans ce rapport au temps, à la fuite du temps. Le projet est tou-
jours une invitation à ajourner l’existence à plus tard, à renoncer à l’ici et
maintenant; c’est dire que demain sera meilleur qu’aujourd’hui; c’est sacri-
fier aujourd’hui pour demain. Bataille commence L’expérience intérieure
en écrivant : « Je forme le projet d’en finir avec le projet ». Il ne s’agit
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donc pas de tourner le dos au temps pour se hisser dans l’éternité, mais
d’aller au bout de cette temporalité qui caractérise l’expérience et dont le
sens est rapporté par Bataille aussi bien à la négativité hégélienne (nier
aujourd’hui pour produire demain, la conscience étant conscience de pro-
jet) qu’aux traditions bouddhistes, au zen, à la mystique chrétienne, ceux-
ci ayant en commun d’en finir avec le temps en s’efforçant ascétiquement
d’aller au bout du temps. Le temps est incarné par le corps qui est le signe
même du temps avec son caractère éphémère et périssable. La démarche
du mystique consiste à aller au bout du corps par une certaine ascèse. La
démarche hégélienne et la démarche mystique sont les deux ingrédients qui
signalent que chez Bataille, le temps est la composante essentielle avec
laquelle on a nécessairement affaire en tant qu’être limité.

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L’attitude de Bataille à l’égard de la révolution peut illustrer ce propos.
Dans mon livre, La politique de l’impossible [1988], j’ai tâché de montrer
comment le projet révolutionnaire – le projet de faire advenir des temps
nouveaux à partir de la décision de rompre avec le passé et de forger son
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destin – s’est infléchi chez Bataille au point de se présenter très vite comme
le prétexte à l’exaltation collective, susceptible de cristalliser dans l’instant
la continuité qui solidarise l’humanité. Il existe au moins deux manières
d’assumer la révolution, en particulier dans le contexte des années trente.
La première consiste à faire advenir la société idéale, d’ailleurs
exemptée du temps historique. Le communisme est l’utopie d’une sus-
pension du temps. On ne vit plus que sur le rythme de la nature. Il n’y a
plus de classes, ni de luttes, donc il n’y a plus de processus apportant des
événements. On a supprimé jusqu’à l’événement dans cette utopie révolu-
tionnaire communiste; et c’est sans doute Dionys Mascolo, l’auteur de Le
communisme : révolution et communication ou la dialectique des valeurs
et des besoins [1953], qui la décrit le mieux, en soulignant le projet qui
l’anime et qui enjoint de sacrifier aujourd’hui pour faire advenir la fin de
l’histoire. On s’explique par là qu’il faille imposer une morale extrêmement
contraignante (stalinienne, trotskiste…).
L’autre manière d’assumer la révolution, c’est celle qu’illustre Bataille.
La révolution n’est plus pensée comme un projet, mais comme une expé-
rience limite qui va provoquer cette exaltation collective et cristalliser
dans l’instant cette continuité que les hommes ont perdue dans les socié-
tés atomisées, privées de cette communication qui ferait de nous des êtres
soudés les uns avec les autres. Là encore, il s’agit bien d’en finir avec le
temps, avec l’eschatologie, avec la vision d’une fin des temps, en s’im-
mergeant dans l’épaisseur de l’histoire. Bataille compose avec le mouve-
ment révolutionnaire pour le déborder, pour en conjurer l’eschatologie. Ce
rapport entre la limite et la transgression justifierait que Bataille fasse corps
avec la modernité. Il est moderne, car il est dans le camp de la révolution,
mais pour outrepasser ce projet de la modernité.
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L’EXISTENCE DÉCHIRÉE

La modernité se définit par le privilège accordé à la subjectivité et


cette dimension est au plus haut point présente chez Bataille. L’expérience
intérieure le prouve. Bataille y médite une phrase de Maurice Blanchot :
« L’expérience est à elle-même son autorité, mais toute autorité s’expie. »
Bataille la commente en considérant que le sujet n’obéit jamais qu’à lui-
même, mais même appliquée à soi-même la limite appelle la transgression,
le mal, la culpabilité. Ce qui se traduit par le vertige des moments souve-
rains que Bataille appréhende indifféremment sous la forme de la dépos-
session extatique, du délire érotique, des larmes, des débordements

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révolutionnaires, du supplice ou de la mort. Tous ces moments limites, issus
d’une espèce de débordement de la limite du sujet autofondateur, témoi-
gnent bien de cette espèce d’expiation nécessaire du moment de la sub-
jectivité. On ne comprend pas comment la souveraineté appelle la révolte
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sans finalité, si on ignore que le sujet chez Bataille ne s’expérimente jamais


que dans le déchirement. C’est justement par là qu’il satisfait à l’exigence
de communication qui le définit comme humain. Nous ne sommes humains
que lorsque nous sommes déchirés, parce que nous ne communiquons jamais
mieux que par nos blessures. Un être autosuffisant, clos sur lui-même,
sans déchirure, ne communique pas.
En 1937-39, dans ses célèbres conférences sur la Phénoménologie de
l’esprit de Hegel, Kojève fait la démonstration de la fin de l’histoire.
Hegel a en effet montré que l’histoire est achevée. En 1806, Napoléon tra-
verse Iéna. Il a unifié l’Europe et fondé le Code civil qui permet de stabi-
liser la situation entre les peuples. Plus d’événements, désormais tout est
prévu par le droit dont le triomphe est le signe même de cette fin de l’his-
toire. Kojève a cru d’abord en cette date : 1806. Puis il a dit que c’était
en 1917 avec la Révolution russe, ensuite il a parlé de 1968…, mais il était
de toute façon convaincu que l’histoire était achevée, c’est-à-dire que la
modernité a déployé toutes ses potentialités et qu’il n’y a plus qu’à les
étendre à l’échelle de la planète. Fukujama reprend intégralement cette thé-
matique en 1989 : le camp soviétique a sombré; les valeurs occidentales
ont triomphé. Potentiellement, la planète est unifiée. Nous sommes dans
une phase d’homogénéisation des valeurs. Il n’y a plus rien à faire quand
l’histoire est achevée. Avec Hegel, on définissait l’homme par l’action,
par la négativité. Être homme, c’était dire non à ce qui est, pour faire
advenir ce qui n’est pas encore. C’était être capable de formuler des pro-
jets. Si l’histoire est achevée, il n’y a pas à dire non à quoi que ce soit.
L’homme ne va-t-il pas être ravalé au rang de l’animal qui vit sur le
rythme des saisons, qui vit sur le mode du retour des générations? Kojève
disait, et Bataille reprendra ce thème, qu’il existe trois manières de rester
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humain : par l’art qui nous met à distance de la réalité, par le jeu avec la
sollicitation du hasard et par l’amour. Il n’y a plus rien à faire sinon à jouir
par l’art, le jeu et l’amour.
Toutefois, et c’était l’objection de Bataille, le conflit demeure au cœur
de l’homme. Certes l’histoire est achevée, elle devrait abolir le temps du
projet, mais moi, sujet, je me sens toujours limité et je souffre. Ce senti-
ment de souffrance témoigne d’une irréconciliation avec le monde, avec
les autres. Il demeure de la faille en moi. Je vis encore une forme de tra-
gique. Or le malheur est que je ne peux plus investir ma subjectivité dans
quoi que ce soit d’autre, de nouveau, puisque l’histoire est achevée. Bataille
disait : « Je me sens comme une négativité sans emploi3. » Une négativité
parce que je suis irréconcilié, je suis toujours dans l’opposition à la réalité,

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mais « sans emploi », car je ne peux pas mobiliser cette opposition pour
faire advenir quelque chose de nouveau, car il n’y aura plus jamais rien de
nouveau. Je suis contraint d’affronter l’« impouvoir » comme mon unique
perspective. La seule issue, dit Bataille, c’est l’impossible, l’« impouvoir ».
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C’est justement cela la souveraineté qui me voue à exister et non plus à


agir. La fin de l’histoire ne signale pas l’universelle réconciliation, mais
elle milite en faveur de l’existence déchirée et donc de la communication,
tant il est vrai, comme je l’ai rappelé, que l’on ne communique jamais que
par ses blessures. La souveraineté, loin d’abolir la subjectivité, l’exacerbe,
la porte à l’illimité et la restitue à la « sauvage impossibilité » que je suis
et que la vie sociale cherche obstinément à refouler. Conformément à l’idéo-
logie moderne, le sujet reste bien la source de toute norme, le principe de
toute émancipation, mais à condition d’ajouter que dans l’expérience qu’il
fait de lui-même, le fondement se dérobe à lui, l’ouvrant ainsi à la conti-
nuité qui le traverse. La modernité, chez Bataille, rencontre le point où ces
objectifs doivent s’infléchir et se livrer à une sorte d’autogaspillage.

LA PERMANENCE DU SACRÉ

La modernité, c’est l’entreprise de domination du monde, c’est réduire


ce dernier au calcul, le soumettre à une démarche rationalisante au sens
vulgaire du terme. Bataille est très sensible à cette désacralisation du
monde. Mais jamais il ne cède à la vaine nostalgie d’un monde qui aurait
conservé ses repères symboliques. Il pense que le triomphe de la vie pro-
fane est pernicieux, bien entendu. C’est même sur ce plan qu’il situe son
analyse du fascisme. Dans « La structure psychologique du fascisme »
(1934) – ce texte, publié dans La Critique sociale, la revue dirigée par

3. Cf. « Lettre à Kojève du 6 décembre 1937 » [p. 369-371 et p. 562-565].


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Boris Souvarine4, est sans doute l’une des toutes premières analyses phi-
losophiques du fascisme –, il développe la thèse selon laquelle les démo-
craties de l’époque sont intégralement désacralisantes. C’est sans doute,
selon lui, ce qui fait qu’elles sont fragiles, vulnérables et même déliques-
centes. Le risque encouru par ces démocraties, c’est qu’elles laissent
s’installer des puissances qui auront la vertu de réactiver des pôles d’at-
traction en misant sur le fanatisme, sur le goût pour l’exaltation collective
qui reste irrépressible chez les hommes. Le fascisme est le théâtre d’une
dialectique de l’hétérogène et de l’homogène. L’homogène se manifeste
dans les conditions de vie de nos démocraties où nous sommes tous « séria-
lisés » comme dira Sartre, où nous vivons sur les mêmes bases avec les
mêmes valeurs : nous sommes des alter ego, nous vivons sur le plan de la

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similitude, nous sommes égalitaristes, unidimensionnels. L’hétérogène,
c’est le séparé, le sacré que la modernité veut expulser. On évoquera plus
loin « Contre-Attaque », ce mouvement que Bataille anime à la fin des
années trente et qui est destiné à faire pièce au fascisme sur son propre ter-
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rain en tâchant de solliciter cette dimension polarisatrice attractive qui


signale le sacré. Le fascisme risque d’être cette entreprise de repolarisation
de la société sur des éléments de sacralité. Il sait ainsi jouer sur les grands
spectacles, régénérer les mythes; il constitue une entreprise de reconstitu-
tion de la société sur un plan fusionnel, au moment où les démocraties
modernes ont laissé se déliter les liens, en expulsant tout élément de sacralité.
Telle est, pour Bataille, la situation en 1933.
Contrairement à ce que Kojève croyait, Bataille n’a pas la naïveté de
penser qu’on peut créer du sacré à volonté. Il ne s’est jamais dit qu’on pou-
vait réactiver une sacralité qui permettrait de reconstituer le corps social
et de redonner cette dimension fusionnelle aux individus. Le Collège de
sociologie qu’il fonde en 1937 avec Michel Leiris, Roger Caillois et Jules
Monnerot, n’est pas une machine, un cénacle, une société de complot qui
voudrait réanimer la communication entre les hommes en réinsufflant de
l’hétérogène. Bataille n’était pas aussi naïf. Il s’agissait pour lui de pen-
ser comment résister à l’entropie des Temps modernes et le Collège de
sociologie (qui s’appelait justement Collège de sociologie sacrée) devait
jouer un rôle en ce sens. L’essentiel pour ce collège était de mettre en œuvre
ce que ses protagonistes appelaient une « sociologie active », qui engage-
rait effectivement et qui chercherait à identifier intellectuellement les fac-
teurs de la cohésion sociale. Il essayait de répondre à la question : à quelles
conditions peut-on réactiver du lien social? Et il avait trois objets d’étude
particuliers : le pouvoir (comment un individu peut-il prendre barre sur un

4. Boris Souvarine, révolutionnaire russe, auteur de la résolution du Congrès de Tours


qui aboutira à la création du PCF. Il prendra le parti de Trotski puis rompra avec le communisme
dont il fera une analyse critique. Il crée la revue La Critique sociale en 1929.
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198 MALAISE DANS LA DÉMOCRATIE

collectif?), le mythe (pourquoi les sociétés ont-elles besoin de mythes ?


Que se passe-t-il quand une société refoule ses mythes?) et le sacré (quelles
sont les sources du sacré ?). Pendant deux ans, ce collège a tenu des confé-
rences5 sur des sujets très variés tels que le chamanisme ou les sociétés de
complot au début du XIXe siècle en Allemagne… Ce Collège de sociolo-
gie, fondé et animé par Bataille, a suscité en interne des dissensions avec
Caillois, mais aussi avec Jules Monnerot, que l’on a plutôt perdu de vue,
mais qui a tout de même écrit une importante Sociologie du communisme
[1946].
Monnerot reprochait à ses compagnons de s’en tenir seulement à l’étude
des notions (pouvoir, sacré, mythes) et de reculer devant l’action. C’est
ainsi que Bataille a été conduit à creuser la question de l’opposition entre

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le faire et l’être. Cela illustre son attitude paradoxale à l’égard de la
modernité. Il est moderne, mais complètement étranger au volontarisme.
Si Bataille ne se soucie guère de déplorer la « profanisation » du monde
contemporain, c’est qu’il est convaincu que le sacré reste patent en toute
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situation. Il n’y a pas besoin de vouloir créer du sacré, le sacré est toujours
là. Il affleure toujours dans les situations humaines et sociales. Un très beau
texte de Bataille s’intitule « L’absence de mythe est aussi un mythe », et il
ajoute : « le plus froid, le plus pur, le seul vrai ». Georges Bataille disqua-
lifie toute entreprise qui se voudrait régénératrice. Dans le contexte des
années trente, il ne manque pas de « régénérateurs » qui veulent une nou-
velle renaissance; il suffirait, croit-on, de mettre en place les conditions de
l’émergence du mythe, du sacré, du communiel, de la souveraineté qui exis-
tent dans les hommes. Bataille invite quant à lui à prospecter une « até-
léologie », c’est-à-dire une entreprise qui ne se prétend pas orientée vers
une fin que la volonté voudrait faire advenir. Au contraire, il s’agit de s’as-
sujettir à une espèce d’ascèse qui suspende la volonté et permette de faire
émerger ce que la vie sociale et volontaire contribue à étouffer.
Si l’on voulait tirer une leçon générale de cela (ce que Bataille ne fait
pas), on pourrait déchiffrer dans cette invitation à suspendre la volonté le
refus de toute idéologie moderniste, de toute idéologie de la fuite en avant,
du faire obsessionnel et de l’illusion d’une promesse de l’action volontaire.
Attitude paradoxale à l’égard de la modernité. Il ne s’agit pas d’en revenir
à quelque éden spirituel ou social, il s’agit bel et bien de coller à l’histoire,
de s’impliquer éventuellement dans l’épaisseur de cette histoire, non pas
avec les armes d’une pensée volontaire, mais dans une forme d’ascèse. L’ex-
périence intérieure (1943), suivie de Méthode de méditation (1947), est une
invitation à semblable ascèse.
Bataille est pour nous d’autant plus actuel qu’il endosse ainsi les para-
doxes de la modernité. Je connais assez peu de penseurs qui ont mieux su

5. Qui ont été publiées – cf. Denis Hollier, Le Collège de sociologie 1937-1939 [1995].
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GEORGES BATAILLE ET LA MODERNITÉ… 199

exprimer cet inconfort que nous vivons tous au quotidien, lorsque nous
réfléchissons sur notre attitude à l’égard des Temps modernes. L’appétit
de jouissance associé au désir frileux d’enracinement, l’ambition progres-
siste doublée d’une angoisse diffuse devant les risques technologiques, l’eu-
phorie devant la victoire des forces de la liberté nuancée par la peur du vide
aiguisée par la disparition de toute adversité, le refus des intégrismes jugés
archaïques mais tempéré par une intarissable soif de transcendance…
Tout ce qui fonde notre paradoxe au quotidien et le caractère ambigu de
nos attitudes habite l’œuvre de Bataille. Pour cette raison même, cette œuvre
s’est parfois placée sous le signe de ce que son auteur appelait une « philo-
sophie populaire », car elle endossait les ambiguïtés qui sont les nôtres par
rapport aux Temps modernes.

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LA FIGURE DE LA SOUVERAINETÉ
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Ce que Bataille appelle la « souveraineté » s’impose donc sur fond de


la conviction que la dimension du faire doit céder la place à la dimension
du vivre et du jouir. Le « souverain » n’agit pas et n’est pas préoccupé par
le pouvoir. Il reste qu’il n’est pas apaisé et qu’il n’est pas serein; il vit encore
sur le mode de l’irréconciliation. Bataille se définit lui-même, je l’ai dit,
comme une « négativité sans emploi ». Il ne se reconnaît pas dans la figure
du citoyen universel évoqué par Kojève qui disait qu’il n’y aura ni maître
ni esclave à la fin de l’histoire, mais un « citoyen de l’État universel homo-
gène ». Le citoyen fait la loi et obéit à la loi; il intègre quelque chose de
l’esclave puisqu’il obéit et quelque chose du maître puisqu’il commande.
Kojève était persuadé qu’en 1960, le « citoyen de l’État universel homo-
gène » allait s’imposer. C’est pourquoi, après la philosophie, il a choisi de
travailler dans la haute administration publique6.
La souveraineté concerne l’individu lui-même, même si elle peut aussi
qualifier des comportements collectifs. Le souverain, c’est potentiellement
tout individu qui se sait fini, limité, et en même temps incapable de se satis-
faire de cette finitude et de cette limitation. Le souverain est qualifié par
l’impatience au sens fort du terme : il ne peut pas se contenter de cette limi-
tation. C’est pourquoi il n’est pas dans la sérénité, dans l’apaisement.
L’individu souverain a en commun avec ses semblables cette exaspération
constitutive qui le porte sans cesse à vouloir excéder ses limites, à vouloir

6. Kojève avait des responsabilités dans la structure qui a donné naissance à l’OMC.
Olivier Wormser écrit : « Si jamais on élève un monument à la mémoire de ceux qui ont permis
à la CEE naissante de se développer, de ne pas être étouffée dès le départ par ses vrais et ses
faux amis, comme par ses ennemis déclarés ou cachés, il faudra bien qu’il y ait dans ce
monument quelque chose qui rappelle Kojève » (Commentaire, n° 9, 1980).
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200 MALAISE DANS LA DÉMOCRATIE

transgresser ce qui le définit et l’enferme. Et c’est de ce point de vue qu’on


peut concevoir que la « souveraineté » s’accompagne d’une exigence de
communication intersubjective. C’est pourquoi Bataille a très tôt associé
la figure du souverain à l’idéal communiste. Pour lui, le communisme – et
c’est naïf aujourd’hui de le dire – allait restaurer les conditions de la com-
munication entre les hommes en éliminant l’objectivité qui les aliène, notam-
ment en leur restituant du temps. Le communisme permettrait aux hommes
de devenir intégraux; Bataille retrouvait l’existence totale en filigrane dans
le programme communiste.
Bataille est également allé chercher des figures de la souveraineté dans
l’anthropologie. La pratique du sacrifice consiste en effet à désigner un
élément en tiers (l’homme, l’esclave ou l’animal qu’on va sacrifier) et à

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susciter à l’occasion de sa mise à mort cette espèce d’extase qui va conduire
tous les participants au sacrifice à se sentir soudés les uns aux autres, com-
plices d’une dimension à la fois cathartique et communielle. Dans le pre-
mier tome de la Part maudite, il consacre des pages intéressantes à décrire
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le monde aztèque et son souverain qui se donne lui-même comme l’in-


termédiaire entre un individu et les autres. Fonctionnellement, le souve-
rain aztèque occupe une position destinée à favoriser la communication.
Un individu donne sinon sa vie, du moins ses richesses à l’occasion de
cérémonies sacrificielles destinées à restaurer la continuité entre les
hommes.
La « souveraineté » peut apparaître comme le produit d’une ascèse,
d’une conquête paradoxale. On l’obtient lorsqu’on s’arrache à l’atomisa-
tion à laquelle nous voue la vie sociale. Elle est subversive au sens fort du
terme, puisqu’elle déborde les conditions qui réduisent les êtres sociaux
à n’être que le simple support de fonctions unidimensionnelles (dans la
société, nous sommes professeur, facteur, ouvrier…). La « souverai-
neté » est révolte ou elle n’est pas. En ce sens, elle suppose une forme
d’extraversion, de générosité même qui la rend réfractaire au pouvoir. Le
pouvoir est toujours repli frileux sur soi, accumulation. La « souverai-
neté », c’est la crue; l’individu souverain « déborde ». C’est le gaspillage
de l’excédent qui signale toujours la vie derrière la fonction, derrière la
fermeture sur soi. Elle s’offre dans ce que Sartre nommera, en 1960, dans
La critique de la raison dialectique, les « moments parfaits ». Sartre a ren-
contré sur plus d’un point l’œuvre de Bataille. L’extase, l’expérience révo-
lutionnaire, l’érotisme, la littérature…, toutes ces expériences sont présentées
chez lui comme ce qui permet à l’individu d’échapper au statut du « salaud »,
de celui qui s’enferme dans sa fonction sociale et consent à s’autochosifier.
Mais la « souveraineté » de Bataille exclut le volontarisme, puisqu’elle
ne résulte pas d’un projet délibéré. On ne s’y inscrit pas dans une téléo-
logie, dans une démarche finalisée. Au contraire, la souveraineté résulte
d’une espèce d’attente sans objet, elle consiste dans la mise à disposition
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GEORGES BATAILLE ET LA MODERNITÉ… 201

de soi. Ce qui la caractérise le mieux, c’est l’expérience empathique, ce


débordement qui survient dans des situations particulièrement propices à
l’exaltation collective : le sacrifice, la révolution, l’érotisme… De ce point
de vue, l’ascèse qui conduit à la souveraineté nous ouvre sur l’illimité.
Bataille reconnaît donc à la souveraineté la vertu de réveiller le senti-
ment de la continuité de l’être. Elle est une expérience limite. La « sou-
veraineté » est mieux décrite dans le lexique religieux que dans le
lexique politique.
Bataille a confié à l’écriture le soin de réaliser cette expérience limite
destinée à faire surgir la souveraineté. Il en résulte une écriture ressas-
sante, méditative qui n’est pas forcément dénotative. D’une certaine
manière, elle se moque assez d’être reçue conceptuellement. Elle est de

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l’ordre de l’incantation. C’est ce qui a fasciné bon nombre d’écrivains
contemporains. Si Sollers aime tellement Bataille, c’est qu’il y a trouvé
la complicité qui existe entre l’écriture et la révolution, un thème forte-
ment développé dans les années soixante-dix. L’écriture performative vous
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conduit à sortir de vous-même et Bataille ne pouvait pas souscrire à l’écri-


ture de l’intellectuel engagé et répondant à une cause qui viendrait d’en
haut, à des mots d’ordre, à des projets…

LE PROCÈS CONTRE BATAILLE :


FASCISTE, STALINIEN OU MYSTIQUE ?

Les historiens des intellectuels du XXe siècle ne font pas une place notable
à Bataille. C’est sans doute le grand oublié des historiens de la pensée qui
sont très sévères avec lui. Bataille est souvent présenté comme un irres-
ponsable, un homme qui ne se serait pas soucié de transformer le monde,
qui n’aurait pas formulé d’idéaux régulateurs, qui ne se serait pas embar-
rassé du devoir de représentation et d’exemplarité. Et c’est vrai qu’il ne
s’est pas soucié de transformer le monde, qu’il n’a pas formulé d’idéaux
régulateurs, qu’il ne s’est pas soucié d’être un tribun.
Quand on cherche à le disqualifier en tant qu’intellectuel, on porte sur
lui trois types de jugement. On dit d’abord que Bataille était hostile à la
démocratie dans les années trente. Or les démocraties étaient déliques-
centes. C’est pourquoi il a plus ou moins assumé tous les verdicts négatifs
contre la démocratie. Il aurait été, ajoute-t-on, séduit par le fascisme. Il
aurait même orchestré la célébration des valeurs du nazisme au sein du Col-
lège de sociologie et surtout au sein de la société secrète « Acéphale ».
Daniel Lindenberg a colporté ces ragots dans son livre Les Années
souterraines [1990].
Deuxième jugement : on ne le dit plus fasciste, mais stalinien. Il aurait
flirté avec le trotskisme, au début des années trente. Il est vrai qu’il est alors
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202 MALAISE DANS LA DÉMOCRATIE

proche de Souvarine. Mais par la suite il se serait déclaré stalinien


intransigeant dans le contexte de la guerre froide, comme en témoignerait
son attitude à l’égard de Kravtchenko7.
Troisième chef d’accusation enfin, c’est celui que formule Sartre lors-
qu’il affirme que Bataille n’aurait été qu’un chercheur de Dieu, même s’il
ne l’admet pas. C’est un nouveau mystique qui inviterait à déserter l’his-
toire et qui voudrait faire l’expérience d’un « évanouissement extatique »
(Sartre). Récemment encore, un livre comme celui de Jean-Claude Renard,
L’Expérience intérieure de G. Bataille ou la négation du mystère [1987],
présente Bataille comme un mystique.
Fasciste, stalinien, mystique…, c’est beaucoup pour un seul homme et
cela mérite qu’on y regarde de plus près. Le lecteur un peu sérieux de Bataille

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peut le constater : disculper Bataille de l’accusation de fascisme n’est pas
difficile. Certes, il s’est mis dans une position délicate, mais il a formulé
très tôt l’idée que pour lutter contre le fascisme, il fallait tenter de retour-
ner les armes du fascisme contre lui. Il n’y avait pas, pensait-il, d’autre
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moyen de lutter efficacement, car les démocraties de l’époque n’avaient


aucun ressort pour combattre le fascisme. L’animateur du groupuscule anti-
fasciste « Contre-Attaque8 » qu’il était, pensait que la seule manière de
répondre à l’urgence, dans le contexte de déliquescence morale et politique
de l’avant-guerre, consistait à susciter un « sur-fascisme », comme à l’époque
on parlait du « sur-rationalisme » (Bachelard) ou du « sur-réalisme » (Bre-
ton). Le surréalisme n’est pas la tentation de déserter la réalité, le sur-
rationalisme n’est pas la tentation de rompre avec la raison, le sur-fascisme
n’est pas la tentation de s’accorder avec le fascisme. Il s’agit de battre le
fascisme sur son terrain, comme il faut dépasser la raison traditionnelle
pour comprendre la mécanique quantique, comme il faut dépasser le réa-
lisme de Courbet pour accéder à la réalité quand on est un surréaliste. Le
mouvement a été dissous par Bataille lui-même, lorsqu’il se rendit compte
que sa position était trop périlleuse. Le malentendu était trop patent : vou-
loir retourner les armes du fascisme contre lui risquait de donner à penser
qu’on lui cédait. Bataille et Monnerot que j’évoquais précédemment ont
rompu précisément sur cette question. Monnerot n’a pas été capable de
faire cette analyse des risques encourus. À la différence de Bataille, il est
resté fasciné par le pouvoir, au point de déchiffrer dans le nazisme un mythe
régénérateur.

7. Kravtchenko, haut fonctionnaire soviétique réfugié aux États-Unis. Dans son livre,
J’ai choisi la liberté, il apporte son témoignage et dénonce les conditions de vie, la terreur
stalinienne et les camps. La publication de son livre en France en 1947 donnera lieu à de
violentes attaques du PCF. Il intente un procès en diffamation qui a lieu en 1949 contre la
revue Les Lettres françaises, liée au PCF, qui le traite de suppôt des Américains.
8. « Contre-Attaque, Union de lutte des intellectuels révolutionnaires » : telle était la
désignation complète du mouvement fondé en 1935.
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GEORGES BATAILLE ET LA MODERNITÉ… 203

Quant au Bataille « stalinien », je m’étonne qu’on ait fort peu lu le


gros livre qu’il a consacré au stalinisme : La Souveraineté9. Ce livre fait
une extraordinaire analyse de la figure de Staline, en soulignant son carac-
tère paradoxal : Staline est en position de « souveraineté », puisqu’il ins-
taure une société censée restituer aux hommes les conditions de la
communication; mais en même temps il est un « souverain » qui s’épuise
à interdire et à s’interdire à lui-même la jouissance, c’est-à-dire la dépense
improductive. Pour cette raison, il s’expose à réveiller les forces du refus
dirigées contre les tsars avant la révolution.
Pour répondre à Sartre, il est facile d’invoquer le militantisme de Bataille
au sein de Contre-Attaque, son intention d’« abattre l’autorité capitaliste
et ses institutions politiciennes », selon les termes du Manifeste du grou-

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puscule en 193510, et sa volonté de traduire des paroles en actes dans la
rue. Bataille n’était pas le mystique que Sartre disait. Les deux écrivains
sont presque contemporains et Sartre, à part l’écriture, n’a pas fait grand-
chose avant la guerre, alors que Bataille était plutôt sur le terrain. Sans vou-
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loir opposer des biographies, la vérité est de dire que si Sartre a été si sévère
à l’égard de Bataille, c’est parce qu’il n’éprouvait aucune sympathie pour
le gauchisme du mouvement animé par Bataille. Contre-Attaque dénonçait
d’un même geste le moralisme bourgeois, la compromission électoraliste
et les magouilles du Parti communiste soviétique. Quand Sartre entre en
politique après la guerre, il le fait en conservant sans doute son refus du
moralisme bourgeois, mais aussi en développant une animosité à l’égard
du gauchisme et des critiques présumées anticommunistes : « Les anti-
communistes sont des chiens! » proclamait-il.
Il est évident qu’il y a du mystique chez Bataille. L’« expérience inté-
rieure » est cette ascèse qui consiste à essayer de retrouver l’existence totale
et la communication intersubjective en travaillant sur soi-même. Mais elle
n’invalide nullement la part de militantisme dans la vie de Bataille.

LA LITTÉRATURE EST SOUVERAINE

Il est incontestable que Bataille a refusé de se laisser imposer le thème


de l’engagement sartrien. Plusieurs épisodes en attestent. Il y a d’abord eu
un litige opposant Bataille et Caillois, en 1939. Ils travaillent ensemble au
sein du Collège de sociologie. Caillois se montre irrité « de la part faite
par Bataille au mysticisme, au drame, à la dépense, à la folie et à la

9. Selon toute vraisemblance, l’ouvrage a été achevé en 1953, mais il n’a été publié
qu’après la mort de Bataille. Voir sur ce point les remarques de Thadée Klossovski dans les
Œuvres complètes de G. Bataille [t. 3, p. 592-593].
10. Voir sur ce point J.-M. Besnier [1988, p. 102].
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204 MALAISE DANS LA DÉMOCRATIE

mort ». Il faut, dit-il, rester des « intellectuels » et donc rompre avec tout
ce désordre existentiel11. Le Collège de sociologie connaît à cette époque
ses derniers moments. Caillois considère qu’il a échoué dans la mesure où
il n’a jamais voulu « ajuster la théorie à l’action ». Il aurait fallu tirer des
leçons de l’étude du pouvoir, du mythe et du sacré et en déduire un prin-
cipe d’action, ce qui, selon Caillois, est la vocation d’un intellectuel. La
réponse de Bataille est claire : je veux bien me reconnaître intellectuel, à
condition de ne pas me payer de mots, à condition de ne pas donner à croire
que je reste droit et honnête en renonçant à embrasser la totalité de l’exis-
tence sous prétexte de m’en tenir à la science ou en laissant imaginer que
nous pourrions dominer scientifiquement le cours imprévisible des choses
(Lettre du 20 juillet 1939). Autrement dit, l’intellectuel est toujours contraint

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de se mentir; il doit s’imaginer que son savoir l’autorise à agir en connais-
sance de cause, alors même que le monde est imprévisible et qu’il ne peut
effectivement le transformer grâce à ce savoir. Or Bataille est manifeste-
ment plus humble tout en étant plus exigeant, puisqu’il déclare pour sa part
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ne pas pouvoir renoncer à l’homme entier en tournant le dos à la part mau-


dite qui ne cesse de hanter l’humanité. Cette part maudite qui le condui-
sait à investir le drame, la folie, le sacré, l’érotisme, la violence qui tiennent
au corps de l’humanité et qu’il est vain et mensonger de vouloir expulser
en se disant scientifique et dépositaire d’un savoir qu’on pourrait appliquer
dans l’action.
Un autre débat l’a opposé à René Char. Celui-ci avait lancé, au début
des années cinquante, une enquête sur les rapports entre la littérature et la
politique et sur leur compatibilité12. En répondant à cette enquête, Bataille
répond en réalité à Sartre pour lui signifier son absolue résistance aux argu-
ments en faveur de l’engagement des intellectuels, fût-ce au service de la
liberté par le socialisme. Sartre venait d’écrire son texte de 1947, « Situa-
tion de l’écrivain » (dans Qu’est-ce que la littérature?), où il développait
l’idée que l’écrivain devait se mettre au service du socialisme. Je voudrais
juste citer un passage de la réponse de Bataille : « L’incompatibilité de la
littérature et de l’engagement, qui oblige, est donc précisément celle de
contraires. Jamais homme engagé n’écrivit rien qui ne fût mensonge ou ne
dépassât l’engagement. S’il semble en aller autrement, c’est que l’enga-
gement dont il s’agit n’est pas le résultat d’un choix, qui répondît à un sen-
timent de responsabilité ou d’obligation, mais l’effet d’une passion, d’un

11. Cf. R. Caillois, Approches de l’imaginaire [1974, p. 58-59] et G. Bataille, Lettres à


Roger Caillois (4 août 1935 – 4 février 1959), annotées et présentées par Jean-Pierre Le Bouler
[1987]. Voir aussi « La guerre et la philosophie du sacré » [1951].
12. Enquête sur le thème : « Y a-t-il des incompatibilités? » et centrée notamment sur
les rapports entre la littérature et la politique que « les ressources de la dialectique »
disposent trop facilement à régler. Texte de l’enquête publié dans Contre-toute-attente, n° 7,
F. P. Lobies (p. 12) et repris in G. BATAILLE, Œuvres complètes, tome 12.
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GEORGES BATAILLE ET LA MODERNITÉ… 205

insurmontable désir, qui ne laissèrent jamais le choix13. » À nouveau, Bataille


parle de mensonge : l’intellectuel ment s’il met sa plume au service d’une
cause qui lui est imposée de l’extérieur. Selon lui, on n’écrit jamais sur
commande, de même qu’on ne se jette jamais dans l’action mû par un sen-
timent de responsabilité ou d’obligation. L’écriture comme l’investisse-
ment de l’histoire apparaissent donc comme « l’effet d’une passion, d’un
insurmontable désir, jamais comme le produit d’un choix raisonné, sauf à
se résoudre à l’inauthenticité14 ». En d’autres termes, la littérature est fon-
cièrement souveraine, elle ne sert aucun maître, aucune valeur; c’est pour-
quoi elle est diabolique et révèle l’impossible en l’homme. « Je ne doute
pas, écrit Bataille, qu’à nous éloigner de ce qui rassure, nous nous appro-
chions de nous-mêmes, de ce moment divin qui meurt en nous, qui a déjà

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l’étrangeté du rire, la beauté d’un silence angoissant15. »
La réponse de Bataille à Sartre n’est pas conjoncturelle et elle ne trahit
pas quelque mesquine animosité à l’égard de celui qui l’avait taxé de nou-
veau mystique. Déjà en 1944, dans un article de Combat, Bataille avait
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dénoncé la littérature de propagande orchestrée par le fascisme et lui avait


opposé un idéal d’inutilité ainsi que son mépris pour les partis pris et les
mots d’ordre. L’écrivain n’enseigne qu’une chose : le refus de la servilité
et la haine de toute propagande. C’est pourquoi il n’est pas à la remorque
des foules, et qu’il sait, dit Bataille, « mourir dans la solitude », c’est-à
-dire souverainement.

BIBLIOGRAPHIE
BATAILLE Georges, « La structure psychologique du fascisme » (La Critique sociale,
n° 10, novembre 1933, et n° 11, mars 1934), Œuvres complètes, tome 1, Gallimard,
Paris.
– « Histoire de l’œil », Œuvres complètes, tome 1.
– « Madame Edwarda », Œuvres complètes, tome 3,
– « L’expérience intérieure », Œuvres complètes, tome 5.
– « La guerre et la philosophie du sacré » (Critique, 1951 n° 45), Œuvres complètes,
tome 12.
– « La Part maudite », Œuvres complètes, tome 5.
– « La souveraineté », Œuvres complètes, tome 3.
– « Lettre à Kojève du 6 décembre 1937 », Œuvres complètes, tome 5.
– 1987, Lettres à Roger Caillois (4 août 1935-4 février 1959), annotées et présentées
par Jean-Pierre Le Bouler, éditions Folle Avoine.
BESNIER Jean-Michel, 1988, La Politique de l’impossible, La Découverte, Paris.

13. Œuvres complètes, t. 12, p. 16.


14. Voir sur ce point J.-M. Besnier [1988, p. 215-219].
15. Œuvres complètes, t. 12, p. 23.
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206 MALAISE DANS LA DÉMOCRATIE

CAILLOIS Roger, 1974, Approches de l’imaginaire, Gallimard, Paris.


HABERMAS Jürgen, 1988, Le Discours philosophique de la modernité, Gallimard,
Paris (réédité en 1997).
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