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Les étrangers en situation irrégulière enfermés en


CRA sur décision préfectorale (jusqu’à 90 jours) n’ont
La police se met aux drones pour surveiller
souvent commis aucun délit – le fait de séjourner en
les étrangers en rétention France sans papiers ne constituant plus une infraction
PAR MATHILDE MATHIEU
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 11 JUILLET 2019 depuis des années.
D’après nos informations, la police recourt à un drone La majorité d’entre eux sont d’ailleurs libérés avant
pour surveiller des étrangers placés en rétention, au d’être embarqués, soit sur décision d’un juge, soit pour
moins dans un établissement à Rennes. Une mesure des raisons de santé, soit que l’administration française
jugée disproportionnée par des associations et les échoue à récupérer auprès des pays d’origine les
« sans-papiers » eux-mêmes. « laissez-passer » nécessaires (voir notre reportage).
De mémoire de militants, c’est du jamais vu. Un À Rennes, pourtant, un drone peut désormais zoomer
drone est désormais utilisé par la police pour surveiller sur le moindre de leurs faits et gestes, dès qu’ils se
des étrangers placés en rétention, au moins dans dégourdissent les jambes dans les courettes, jouent au
l’un des vingt-cinq centres de rétention administrative foot ou aux échecs.
(CRA) de France – ces lieux où les préfets enferment Des militants ont également eu affaire à l’engin,
des personnes en situation irrégulière en vue de leur samedi 6 juillet, alors qu’ils organisaient leur habituel
expulsion (ou « éloignement forcé », dans le jargon). « parloir sauvage » avec des retenus (des hommes
D’après des informations obtenues par Mediapart, et des femmes de nationalité algérienne, géorgienne,
cette « innovation » est en marche dans l’établissement congolaise, etc.), soit des discussions informelles à
de Saint-Jacques-de-la-Lande, en banlieue de Rennes. travers les grilles qui ne se déroulent jamais en dehors
de la présence de policiers.
« Un drone tourne dans la cour au-dessus de nos têtes,
témoigne Max* auprès de Mediapart, un retenu de « On était huit avec quelques escabeaux, raconte
nationalité africaine qui se déclare choqué. À quoi ça Karen, membre de ce collectif parfaitement connu des
sert ? On est déjà gardé par plein de policiers [des services de l’État qui se bat pour la régularisation
agents de la PAF, la police aux frontières – ndlr]. » des « sans-papiers », pour la liberté d’installation et
l’abolition des CRA. Le drone a volé au-dessus de nos
têtes jusqu’à ce qu’on rejoigne les voitures, il nous a
même suivis jusqu’au parking. C’est trop d’honneur,
et complètement démesuré. »
Sollicité par Mediapart, le chef du CRA, un capitaine
de la PAF, n’a pas retourné notre appel. Mais le service
Le centre de rétention de Saint-Jacques-de-la-Lande, près de Rennes,
en 2017. © Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté
de communication de la police nationale (Sicop) nous
a longuement répondu pour défendre l’usage légal de
En France, si les CRA ne sont pas officiellement des
cet « outil », simple « adaptation technologique », qui
prisons, ils en ont souvent le parfum et l’allure. Celui
n’aurait rien à voir avec « Big Brother ».
installé à proximité de l’aéroport de Rennes, de taille
modeste et doté d’une soixantaine de places (y compris Précisément, un arrêté signé du ministre de la défense
pour des enfants), est ainsi équipé de hautes grilles, autorise le déploiement de drones affrétés par l’État
de barbelés, d’un chemin de ronde, d’un système de « dans le cadre de missions […] de police » lorsque
vidéosurveillance, etc. « les exigences de l’ordre et de la sécurité publics le
justifient ». Ce serait le cas ici, d’après le Sicop.
« Et maintenant, quand on lève la tête pour regarder
le ciel, on voit ce drone. Ça fait mal mentalement, ça
nous rabaisse », s’indigne Max.

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« Il y a un contexte local, avec des bagarres entre Du côté de la Cimade (association de défense des
retenus, des tentatives de fuite, des dégradations, droits des étrangers), présente à l’intérieur du CRA
des jets d’objets [par-dessus les grilles]… Le drone pour accompagner juridiquement les retenus, des
permet de surveiller tout cela d’un coup. L’idée n’est salariés tiennent à rappeler qu’un nouveau « filet
pas de surveiller les personnes mais les infractions. anti-parachutage » venait déjà d’être installé, au
Ce n’est pas de dire que [les retenus] sont des printemps, surnommé « filet anti-kebab » parce que les
délinquants en puissance, mais de pouvoir identifier objets « volants » sont de la nourriture bien souvent
s’ils le sont. »Idem pour les militants suspectés de (mais aussi des cigarettes, des cartes SIM, voire des
profiter des « parloirs sauvages » pour lancer des objets éléments dangereux aux yeux de la PAF).
à l’intérieur. « Pendant l’installation de ce filet, les droits de visite
Depuis quand exactement la PAF fait-elle voler un des retenus ont d’ailleurs été restreints au motif que
drone en rétention ? Pas de réponse. Mais notre les policiers étaient occupés à surveiller lestravaux,
interlocuteur précise que les images ne sont pas glisse Adrien Cornec. Et maintenant un drone ?
conservées, simplement visionnées en temps réel : Je ne vois pas ce que ça apporte. Par contre, ça
« C’est un outil d’observation, pas de preuve. Si le donne aux retenus l’impression d’être criminalisés.
télépilote constate une infraction, il en avise le chef Les CRA ressemblent encore davantage à des prisons,
de poste, qui déclenche une intervention humaine. » ça participe de leur “carcéralisation”. Et bien sûr, ça
Et insiste : « C’est proportionné dès lors qu’il y a un met la pression sur les militants. »
risque de trouble à l’ordre public. » À l’issue d’une visite à Rennes en 2017, la Contrôleuse
Ne serait-ce pas un moyen, aussi, de pallier générale des lieux de privation de liberté (une autorité
l’insuffisance des effectifs policiers, alors que administrative indépendante) avait déjà pointé du
plusieurs syndicats ont réclamé des renforts dans les doigt, dans un rapport, « la multiplication de
CRA (dont le taux d’occupation a explosé depuis barbelés, concertinas et vidéosurveillance destinés à
un an) ? « Un drone muni d’une caméra verra dissuader les fugitifs », s’étonnant au passage que
toujours, à cinquante mètres, beaucoup plus de choses « tous les volets des chambres [soient] immobilisés en
que dix personnes positionnées à pied, y compris à position fermée par des cadenas ».
des endroits stratégiques », balaye le Sicop. Pour le Si l'institution reconnaissait l’existence d'« incidents »,
dialogue et la médiation, c’est autre chose. elle regrettait « la prisede mesures d’ordre
L’été dernier, la presse locale avait fait état de exclusivement sécuritaire » en réponse, « dont
nombreux « cas d’épuisements professionnels » parmi certaines pèsent exagérément sur les conditions de vie
les policiers du CRA (« une trentaine » en deux des personnes retenues, leur sécurité et leurs droits
ans, d’après Le Télégramme), au point qu’une enquête ». Et de prévenir : « Ces mesures provoquent un
interne avait été déclenchée. sentiment de “carcéralité” susceptible d’alimenter
« La politique migratoire actuelle fait peser une des tensions et de porter atteinte au respect de la
forte charge de travail sur nos collègues », grondait dignité des personnes ». Comment réagira-t-elle à
alors une source syndicale policière, évoquant un l’usage d’un drone ?
« management basé uniquement sur les résultats Boite noire
chiffrés » et « une situation qui nie les hommes qui Les prénoms avec * ont été modifiés pour préserver
travaillent là ». l'anonymat des personnes interviewées, à leur
demande.

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