Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
monétaire
Olivier Musy⇤
M1 Economie Paris Ouest Nanterre - 2013
Un point important est qu’il s’agit à chaque fois d’un choix optimal. Il ne
s’agit pas d’une annonce mensongère dont on a intérêt à ne pas la respecter.
L’autre point important est que le changement de choix entre les deux dates
n’est du à aucun évènement extérieur.
Exemple du cours et de l’examen
1
On peut par exemple penser à un problème de taxation et d’épargne : épargner
coute de la consommation à la date 1 pour le secteur privé mais augmente la
production et donc la consommation de date 2. Le gouvernement peut choisir
de son côté un taux optimal d’imposition du capital et du travail.
Les préférences des agents sont données. On note s la décision prise par
l’agent privé et x la décision prise par le gouvernement. On indice par i = 1, 2
pour la date de la décision (S 1 est donc la décision privée en 1, S2 la décision
privée en 2 etc...).
Chaque agent prend donc un doublet de décision : (s1 ; s2 ) pour le secteur
privé, et (x1 ; x2 ) pour le gouvernement.
La fonction d’utilité du secteur privé est U (s1 , s2 , x1 , x2 ).
Celle du gouvernement : V (s1 , s2 , x1 , x2 ).
Le gouvernement déterminer ses choix en premier, puis le secteur privé déter-
miner les siens en second (jeu à la Stackelberg). Les deux agents font leurs choix
au tout début du jeu, juste avant la date 1, pour les deux périodes à la fois. Ces
solutions optimales forment la Solution de Ramsey. On va chercher à montrer
que cette solution est incohérente dans le temps (les acteurs voudront changer
leurs stratégies plus tard, sans que l’environnement ne soit changé).
Au moment de jouer, le secteur privé observe donc les valeurs de x1 et x2 ,
et le prend comme des données. Il maximise U en choisissant s1 et s2 . Le choix
du secteur privé prend donc la forme d’une fonction de réaction :
S1 = S1 (x1 , x2 )
S2 = S2 (x1 , x2 )
Le gouvernement joue en leader de Stackelberg et anticipe la façon dont va
réagir le secteur privé. Son programme est donc :
M ax V (s1 , s2 , x1 , x2 )
x1 ,x2
2
La CPO de ce programme est :
Ut = (⇡t ⇡te ) + ✏t
3
soit Ū < Ũ . Ce chômage ciblé est donc négatif dans notre modèle, ce qui est
juste une simplification. On suppose pour simplifier que ⇡¯ = 0. Le programme
de la banque centrale est de minimiser sa fonction de perte, compte tenu de la
contrainte imposée par la structure de l’économie, soit :
2 2
Ut Ū (⇡t ⇡
¯)
M axLt = +✓
⇡t 2 2
s.c. Ut = (⇡t ⇡te ) + ✏t
Cela donne une condition du premier ordre (CPO) telle que :
1
⇡t = ⇡e Ū + ✏t
1+✓ t
Cette condition est une fonction de meilleure réponse pour la BC qui déter-
mine pour chaque niveau d’inflation anticipée ⇡te le taux d’inflation optimal.
Si par exemple les anticipations d’inflation sont égales à la cible de la BC,
soit ⇡te = ⇡
¯ = 0, on a alors
1 1
⇡t = Ū + ✏t
1+✓ 1+✓
4
Il n’y a donc aucun gain en terme de chômage car à l’équilibre les agents ne
sont pas trompés et anticipent rationnellement l’action de la BC. La cible n’est
pas atteinte Ut = Ũ = 0 > Ū . En revanche, la cible d’inflation n’est pas atteinte
non plus, alors qu’elle pourrait l’être . On note qu’en mettant de côté les chocs,
nuls en moyenne, on a :
✓ ◆
1
E (⇡t ) = Ū > ⇡
¯=0
✓
Le chômage ne varie pas et l’inflation est trop élevé, on appelle cela le “bi-
ais inflationniste” (il est égal à ✓1 Ū à cet équilibre). Il est dû à l’incohérence
dans le temps du plan optimal de la BC, qui aimerait pour atteindre le meilleur
équilibre possible fixer les anticipations d’inflation sur la cible, de telle sorte
que ⇡te = ⇡t = ⇡ ¯ . Dans ce cas, on a bien également Ut = Ũ < Ū comme
dans le cas précédent, mais sans biais inflationniste. Le problème est que si les
agents fixent leurs anticipations sur cette valeur, la BC a intérêt à dévier et aug-
menter l’inflation. Si elle ne peut pas s’engager sur cette action, alors les agents
anticiperont rationnellement un niveau d’inflation avec biais inflationniste.
On note que ce biais inflationniste provient notamment du fait de l’existence
d’une différence entre la cible de chômage fixée par le gouvernement et le taux de
chômage naturel. Si le gouvernement se fixe une cible égale à taux de chômage
naturel (égal à 0), on voit que ce biais inflationniste disparait. Une question
importante est donc de savoir d’où vient cet écart entre les deux. Une réponse
possible est de dire que le gouvernement recherche le niveau optimal de chômage,
alors qu’il existe dans l’économie des distorsions et des imperfections faisant que
le taux effectif de chômage est plus élevé.
On note LD t la perte avec politique discrétionnaire et Lt la perte en utilisant
R
une règle crédible (sans savoir pour l’instant d’où viendrait cette crédibilité).
Les deux politiques donnent la même performance en termes de chômage. En
revanche, elles diffèrent en termes d’inflation. On a ainsi :E
1 2
E LR
t = Ū
2
✓ ◆ 2
1 2 1 1
E LD
t = Ū + Ū
2 2 ✓
Soit E LR t < E LD t . La possibilité d’utiliser une politique discrétionnaire
n’apporte donc dans ce cadre aucune amélioration en moyenne. En revanche,
comme la BC réagit aux chocs dans le cas discrétionnaire, elle stabilise mieux
l’économie.
A près avoir calculé les moyennes, on peut calculer les variances du chômage
et de l’inflation :
✓ ◆ 2
2 1 1 1
V ar (⇡) = [⇡t E (⇡t )] = Ū + ✏t Ū
✓ 1+✓ ✓
5
2 2
En notant que 2
= V ar (✏) = [✏t E (✏t )] = (✏t ) , on a au final
✓ ◆2 ✓ ◆2
1 1 2
V ar (⇡) = ✏t =
1+✓ 1+✓
Concernant le chômage, on a :
2 2
V ar (U ) = [Ut E (Ut )] = [ (⇡t ⇡te ) + ✏t E (Ut )]
✓ ◆ ✓ ◆ 2 ✓ ◆ 2
1 1 1 1
V ar (U ) = Ū ✏t + Ū + ✏t 0 = ✏t 1
✓ 1+✓ ✓ 1+✓
Soit au final ✓ ◆2
✓ 2
V ar (U ) =
1+✓
6
2.2.1 Les clauses de sortie
Une façon de bénéficier de l’engagement tout en bénéficiant d’une certaine flex-
ibilité se fait par l’utilisation de clauses de sortie. En présence d’une règle avec
clause de sortie, le décideur politique s’engage à respecter une règle précise
quand un certain nombre de circonstances sont rencontrées, tout en annonçant
qu’il utiliser une politique discrétionnaire sous certaines autres circonstances.
Ce qui est important alors est que ces circonstances soient connues à l’avance
et explicitées.
Si tous les états de la nature sont prévisibles et que l’on peut associer un
comportement de politique économique à chacun, le comportement reste alors
totalement celui d’une règle (une règle contingente à chaque état de la nature).
La clause de sortie sera utilisée dans les situations où il n’est pas possible de
spécifier une telle règle associant une action à tous les états possibles de la
nature.
Ut = ⇡te ⇡t + ✏ t
7
La contrepartie est qu’en cas de choc, le chômage réagira moins dans le cas
discrétionnaire que dans le cas avec règles. Dans le cas discrétionnaire, on a
✓ Ū . La valeur du chômage est donc la suivante :
1
⇡te =
✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆
1 1 1
UtD = Ū Ū + ✏t + ✏t
✓ ✓ 1+✓
soit ✓ ◆
✓
UtD = ✏t
1+✓
Avec la règle, on a ⇡te = ⇡tR = 0. Le chômage est donc égal à
✓ ◆
✓
UtR = ✏t > ✏t
1+✓
On a donc UtR > UtD . En cas de choc positif, le chômage sera plus élevé
avec la politique de règle qu’avec la politique discrétionnaire.
Il se peut donc que pour des chocs particulièrement importants, l’utilisation
de la politique discrétionnaire soit préférable.
En enlevant pour l’instant le coût fixe, en notant LD t la perte avec poli-
tique discrétionnaire et LR
t la perte suite à l’utilisation d’une règle (non plus en
espérance mais en tenant compte de la valeur réalisée des chocs). On a :
1 2 ✓ D 2
LD
t = UD Ū + ⇡
2 t 2 t
soit
✓✓ ◆ ◆2 ✓✓ ◆ ✓ ◆ ◆2
1 ✓ ✓ 1 1
LD
t = ✏t Ū + ✏t Ū
2 1+✓ 2 1+✓ ✓
De la même façon, on a
1 2 ✓ R 2
LR
t = UR Ū + ⇡
2 t 2 t
soit
1 2
LR
t =
✏t Ū
2
Compte tenu de ces pertes, pour une valeur donnée du choc, on a LD R
t < Lt
lorsque : ✓ ◆
2 1+✓
> Ū 2
✓
où 2 = ✏2 est la variance du choc. On voit donc que pour si la variance
des chocs (et indirectement la variance du chômage) est très forte, la discrétion
peut devenir préférable à la règle. Lorsque c’est le cas, la règle discrétionnaire
permet de répondre aux variations trop forts du chômage en augmentant un peu
l’inflation et en diminuant le chômage, alors qu’une politique de règle laissera
fluctuer fortement le chômage pour ne se préoccuper que de l’inflation.
8
A partir de quel seuil de choc utiliser la politique discrétionnaire ?
En réintègrant le coût fixe dans les calculs, la question reste la même : à partir
de quel seuil de valeur des chocs ✏t est-il préférable de ne plus utiliser la règle
et de choisir la solution discrétionnaire, ce qui implique de payer le coût fixe ?
On peut déterminer cette valeur comme celle qui égalise la perte discrétionnaire
avec la perte en cas de règle. On suppose pour simplifier que ✏t est distribué de
façon uniforme sur l’intervalle [ v, v].
Dans le cas discrétionnaire, on a
1
⇡t = ⇡e Ū + ✏t
1+✓ t
Le terme de perte lié au chômage dans le cas discrétionnaire est alors égal à
:
1
Ut Ū = ⇡te ⇡t + ✏ t Ū = ⇡te ⇡e Ū + ✏t + ✏t Ū
1+✓ t
soit
✓
Ut Ū = ⇡ e Ū + ✏t
1+✓ t
On peut donc écrire la perte discrétionnaire comme :
h i2 h i2
✓ e 1 e
1+✓ ⇡ t Ū + ✏ t 1+✓ ⇡ t Ū + ✏ t
LDt = +✓ +
2 2
soit
1 ✓2 2 1 ✓ 2
LD
t = ⇡e Ū + ✏t + ⇡e Ū + ✏t +
2 (1 + ✓)2 t 2 (1 + ✓)2 t
soit
1 ✓ 2
LD
t = ✏t Ū + ⇡te +
21+✓
Lors de l’emploi de la règle d’inflation nulle, on a toujours ⇡t = 0. La perte
liée à l’inflation est donc toujours nulle. En revanche, la banque centrale ne
réagit pas aux chocs sur le chômage. On a donc :
1⇣ e ⌘2 1
⇡t ⇡t + ✏¯t Ū + ✓ (⇡t )
2
LR
t =
2 2
soit
1 2
LR
t = ✏t Ū + ⇡te
2
La BC déviera donc de sa règle si la perte liée à la discrétion (incluant le
coût fixe ) est inférieure à la perte en utilisant la règle : LDt + < LRt . Lorsque
c’est le cas, l’inflation d’équilibre est alors égale à celle du modèle précédent.
LDt + < LR t est vérifié lorsque :
1 ✓ 2 1 2
✏t Ū + ⇡te + < ✏t Ū + ⇡te
21+✓ 2
9
soit
1 2
2 < ✏t Ū + ⇡te
1+✓
On atteint donc le seuil de choc ✏ˆt donnant un intérêt à la politique discré-
tionnaire dès que p
✏ˆt = Ū ⇡te + 2 (1 + ✓) (1)
L’idée d’une règle flexible est donc d’annoncer le suivi de la règle dans les
cas “normaux”, c’est-à-dire l’orsque les chocs ne sont pas trop élevés, mais en
même temps d’annoncer que la règle ne sera plus suivie et que la BC utilisera
une politique discrétionnaire, réactive, lorsque la réalisation du choc est partic-
ulièrement élevée.
Comment les agents privés anticipent-ils l’inflation dans un tel cadre ?
Pour les chocs inférieurs à la valeur seuil, soit ✏t ✏ˆt , les agents du secteur
privé s’attendent à une inflation nulle. Dès que les chocs sont supérieurs à cette
valeur, soit ✏t > ✏ˆt , ils s’attendent à une sortie de la règle et donc à une valeur
de l’inflation discrétionnaire calculée lors la section précédente. L’anticipation
rationnelle de ⇡t est donc :
La valeur rationnelle choisie par le secteur privé pour déterminer leur antic-
ipation d’inflation est égale à cette valeur : ⇡te = E (⇡). On reste donc dans un
cadre avec anticipations rationnelles, mais avec une règle de comportement plus
complexe, capable de réagir aux chocs trop forts.
Pour résoudre la fin du modèle, il faut résoudre l’équation précédente pour
déterminer ⇡te et ensuite intégrer cette valeur dans l’équation (1) afin de déter-
miner le seuil de choc nécessitant une intervention discrétionnaire de la part de
la B.C.. Les calculs sont un peu fastidieux et on ne résolvera pas entièrement le
modèle.
Lorsque ✏t ✏ˆt , le choc est d’une ampleur limitée, la BC n’y réagit pas et
suit sa règle d’inflation nulle. Lorsque ✏t > ✏ˆt , le choc est d’une forte ampleur et
la BC choisit d’y réagir. Elle ne suit pas plus sa règle d’inflation nulle et met en
place une politique discrétionnaire afin diminuer le taux de chômage, fortement
10
en hausse à cause du choc. Le niveau d’inflation choisi sera croissant avec la
taille du choc ✏t .
On peut montrer que si la variance des chocs est assez grande, le comporte-
ment avec clauses de sortie donne une perte plus faible comparé à la politique
discrétionnaire pure ou à la règle d’inflation nulle stricte. Il peut donc y avoir un
gain à annoncer de façon claire que l’on ne suivra pas toujours la règle d’inflation
nulle, tout en décrivant précisemment dans quelles conditions cette sortie sera
effectuée.
11
propre comportement ultérieur (Ulysse et les sirènes), dans la mesure où ils
ne pourront pas agir en dehors du cadre de cette loi. Si la loi implique des
contraintes sur la liberté fiscale, commerciale ou monétaire, elle augmente donc
la crédibilité de politiques promettant de ne pas agir de la sorte.
Le problème des lois est que si le gouvernement est capable de les modifier au
moment de l’annonce de sa politique, il sera également capable de les modifier au
moment de la mise en place de la politique. De ce point de vue, la loi peut être
simplement un déplacement du problème d’incohérence temporelle. Pourquoi
une loi obligeant de suivre une politique d’inflation nulle pour la BC serait plus
crédible qu’une simple annonce d’inflation nulle par la BC ?
La différence principale entre les deux est qu’une annonce peut être reniée
sans coûts, tandis qu’il est plus difficile de modifier la loi. A partir du moment
où il existe des pénalités à modifier la loi. Ces pénalités peuvent être d’ordres
différents, comme la durée de la procédure législative et les coûts qui y sont
associés. Ce qui compte alors est d’étudier les aspects spécifiques de chaque loi
qui génèrent des pénalités plus ou moins grandes en cas de changement de celle-
ci. A ce titre, des pénalités trop fortes ne sont pas les plus crédibles car cela
pourrait générer une incitation à ne pas appliquer ces sanctions le cas échéant.
Une analogie avec l’application de la peine de mort peut être faite : promettre
de punir de la peine de mort n’importe quel délit mineur peut être très efficace
tant que l’application de cette peine est crédible. En revanche, une fois les délits
commis, il peut y avoir un coût à appliquer réellement cette sanction lorsq’un
délit est commis (on revient à nouveau à la question de l’incohérence temporelle
déplacée à un autre niveau). Il existe un niveau optimal de pénalité maximisant
le degré de crédibilité de son application.
En résumé, les lois et les institutions peuvent augmenter la crédiblité en
augmentant les coûts et ne diminuant les bénéfices résultant d’une déviation
d’une trajectoire annoncée de politique économique.
12
dans une situation d’engagement très crédible la concernant. Pour reprendre
l’exemple du budget français, il est toujours annoncé à moyen terme un retour
vers l’équilibre budgétaire, mais à chaque décision de court terme, le budget est
en déficit. De ce fait, la crédiblité des annonces devient très faible et les antici-
pations restent sur des budgets déséquilibrés (ce qui peut jouer notamment sur
les taux auxquels l’Etat peut emprunter).
Les constitutions sont donc une forme extrême d’engagement fixe, non révo-
cable, ce qui implique comme on l’a vu des coûts importants en termes de
flexibilité. Il ne s’agit donc pas de constitutionnaliser n’importe quoi. A nou-
veau avec l’exemple du déficit public, on voit que cela pourrait beaucoup trop
lier les mains des gouvernements en cas de période de crise. Par ailleurs, consti-
tutionnaliser trop de lois dévaluerait la force que la constitutionnalisation leur
donne, toujours pour des raisons de crédibilité dans l’application. Les lois liées à
la constitution doivent donc concerner des aspects primordiaux, où l’importance
de l’engagement est fort et pour lesquels les autres solutions ont échoué.
Un avantage de la constitution, notamment en raison des règles de majorité
forte pour la changer, est qu’elle peut préserver certaines lois contre les change-
ments fréquents de majorité qui surviennent dans les démocraties.
13
4.1.1 L’expertise
L’expertise représente la meilleure connaissance technique et la plus grande
expérience qu’aura un agent par rapport au principal. Les responsables du gou-
vernement peuvent ainsi avoir une moindre connaissance de la macroéconomie
et de la politique monétaire que ne peuvent l’avoir des spécialistes des ques-
tions monétaires. Aux Etats-Unis, Janet Yellen vient d’être nommée à la tête
de la FED. Elle était auparavant à l’université de Berkeley et était connue
comme une économiste académique de renommée internationale. Idem pour
son prédécesseur Ben Bernanke, qui était Professeur à Princeton et spécialiste
mondial reconnu des questions monétaires, notamment concernant la crise de
1929. La délégation peut ainsi permettre de nommer les personnes les plus
compétentes à certains postes.
14
L’indépendance sur les instruments Une banque centrale est indépen-
dante sur les instruments quand elle a la liberté de choisir des instruments
qu’elle souhaite pour mener à bien la politique monétaire et les objectifs as-
signés. Dans les faits, la plupart des BC sont indépendantes sur les instruments
(masse monétaire, taux d’intérêt etc...).
L’indépendance sur les instruments peut intégrer d’autres types de consid-
ération, comme par exemple la possibilité ou non de monétiser la dette publique.
Une BC sera considérée comme plus indépendante sur la conduite de la politique
monétaire si il lui est par exemple interdit de participer au marché primaire de
la dette publique (autrement, sa conduite de la politique serait trop fortement
contrainte par ce que fait le gouvernement en matière de déficit public).
Ut = (⇡t ⇡te ) + ✏t
Nous supposons une fontion de perte pour la société semblable aux précé-
15
dentes :
2 2
Ut Ū (⇡t ⇡
¯)
Lt = +✓
2 2
Nous supposons que la BC se voit attribuer une fonction de perte différente
:
2 2
Ut Ū B ⇡t ⇡ ¯B
LB
t = + ✓B
2 2
Les paramètres Ū et ⇡
B
¯ représentent les cibles d’inflation et de chômage
B
qualifié de “conservateur”.
L’inflation jouée par ce banquier central est déterminé de la même façon que
dans le modèle de base, on a donc :
1 1
⇡t = B
Ū + ✏t
✓ 1 + ✓B
On a alors ✓ ◆ ✓ ◆
1 1
E (⇡) = Ū < Ū
✓B ✓
et ✓ ◆2 ✓ ◆2
1 2 1 2
V ar (⇡) = <
1 + ✓B 1+✓
L’espérance et la variance de l’inflation sont donc plus faible en présence
d’un banquier central conservateur.
On remarque toutefois que le biais inflationniste perdure sauf dans le cas
limite où l’on nomme un banquier central extrêmement conservateur, soit ✓B !
1. Dans ce cas, on a bien E (⇡) ! 0. Un banquier central très conservateur
ne cherchera jamais à influer sur le taux de chômage car cela ne l’intéresse pas.
Il n”y aura donc pas de crainte à ce qu’il fasse de l’inflation pour compenser les
chocs et pour réduire le chômage. Cela se fait au coût d’une variance bien plus
grande du chômage.
✓ ◆2 ✓ ◆2
✓B 2 ✓ 2
V ar (U ) = >
1 + ✓B 1+✓
16
4.2.4 Les études empiriques sur l’indépendance des banques cen-
trales
Plusieurs études empiriques testent testent la question de l’indépendance des
BC et son impact sur les variables macroéconomiques. La démarche consiste
dans un premier temps à construire des indicateurs du degré d’indépendance et
ensuite à voir leur corrélation avec les variables macro.
Un article d’Alesina et Summers (1993, Journal of Money Credit and Bank-
ing) trouve que l’indépendance des BC a un effet négatif sur la moyenne de
l’inflation et sur sa variance et aucun effet significatif sur la moyenne et la
variance de la croissance, de l’emploi et du taux d’intérêt réel. En résumé,
l’indépendance a un effet sur les variables nominales mais pas sur les variables
réelles. C’est différent des prédictions de notre modèle où l’indépendance a un
effet sur la variance du chômage qui croit avec le degré de conservatisme. Ce
résultat est confirmé par d’autres articles.
Deux lectures possibles de ce genre de résultats : 1) Résultat très moné-
tariste. La politique monétaire n’influence que les variables nominales et non
les variables réelles (dichotomie). On peut être de ce point de vue indifférent
à la question de l’indépendance de la BC dans la mesure où son impact sur les
variables réelles est nulle. 2) La lecture standard qui a été retenue est en fait que
l’indépendance de la BC réduit le biais inflationniste sans coût réel additionnel
et elle est donc désirable de ce point de vue.
Un problème avec l’étude de l’impact de l’indépendance des BC sur l’inflation
est celui de l’endogénéité. En effet, la corrélation entre degré d’indépendance
et inflation faible peut ne pas être causale mais résulter du fait que les insti-
tutions monétaires sont endogènes et que les pays les plus averses à l’inflation
vont mettre en place les institutions facilitant le plus facilement le contrôle de
l’inflation.
17
du comité de politique monétaire, présente les prévisions d’inflation qui l’ont
amené à prendre ses décisions.
La lutte contre l’inflation peut aussi refléter la mise en avant d’intérêts par-
ticuliers, comme ceux des marchés financiers, qui sont demandeurs de politiques
faiblement inflationnistes.
18
relativement plus importante pour le banquier central que pour la société. Imag-
inons que l’économie soit toujours représentée par l’équation de chômage suiv-
ante :
Ut = ⇡te ⇡t + ✏t
La fontion de perte pour la société est semblable aux précédentes, mais on
ne suppose pas forcément la cible d’inflation nulle :
2 2
Ut Ū (⇡t ⇡
¯)
Lt = +✓
2 2
La fonction de perte de la BC a le même ✓ mais peut avoir des cibles dif-
férentes :
2 2
Ut Ū B ⇡t ⇡ ¯B
LB
t = + ✓
2 2
Supposons dans un premier temps que l’on applique la politique avec les
préférences de la société. Si l’on résout le modèle exactement de la même façon
que dans la situation de base du modèle de biais inflationniste, on a l’inflation
suivante à l’équilibre (la seule différence provient de la présence de la cible
d’inflation, qui était égale à 0 dans le cadre initial) :
1 1
⇡t = ⇡
¯ Ū + ✏t
✓ 1+✓
On a ✓ ◆
1
E (⇡t ) = ⇡
¯ Ū > ⇡
¯
✓
L’équilibre de premier rang est atteint lorsque ⇡t = ⇡ ¯ . On voit qu’il n’est
pas atteint ici, en raison du biais inflationniste mis en évidence précédemment.
Si c’est le banquier central qui applique sa politique, on a le taux d’inflation
suivant :
1 B 1
⇡tB = ⇡
¯B Ū + ✏t
✓ 1+✓
soit ✓ ◆
B B 1
E ⇡t = ⇡ ¯ Ū B
✓
Si l’on veut atteindre l’optimum de premier rang, il faut donc fixer E ⇡tB =
¯ , soit :
⇡ ✓ ◆
1
¯B = ⇡
⇡ ¯+ Ū B
✓
Si comme pour la société, on a Ū B < 0, on a ⇡
¯B < ⇡¯ . Le taux d’inflation
pratiqué à la date t sera donc :
✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆
1 1 1 1 1 1
⇡tB = ⇡¯B Ū B + ✏t = ⇡
¯+ Ū B Ū B + ✏t = ⇡¯+ ✏t
✓ 1+✓ ✓ ✓ 1+✓ 1+✓
19
On a donc bien E ⇡tB = ⇡ ¯ . L’inflation est égale à sa valeur à l’optimum de
premier rang. En terme de chômage moyen, on a toujours E (U ) = 0. Il s’agit
bien d’un équilibre optimal, sans coût en termes de variabilité de l’emploi et de
l’inflation, car celles-ci sont celles de l’équilibre discrétionnaire. On a en effet
✓ ✓ ◆ ◆ 2
B
⇥ ⇤2 1 B 1 1
V ar ⇡ = ⇡tB E ⇡tB = ⇡
¯ B
Ū + ✏t ⇡
¯ B
Ū B
✓ 1+✓ ✓
soit ✓ ◆2
1
V ar ⇡ B = 2
1+✓
Concernant le chômage, en rappelant que ⇡te = E ⇡ B , on a :
2 2
V ar (U ) = [Ut E (Ut )] = [⇡te ⇡t + ✏ t E (Ut )]
✓ ✓ ◆ ◆ 2 ✓ ◆ 2
1 1
V ar (U ) = ⇡
¯ ⇡
¯+ ✏t + ✏t = ✏t 1
1+✓ 1+✓
Soit au final ✓ ◆2
✓ 2
V ar (U ) =
1+✓
On a exactement les mêmes variances que dans le cas discrétionnaire, et
les valeurs moyennes du cas avec règle. Le ciblage de l’inflation permet donc
d’atteindre sa cible en moyenne, tout en se donnant de la flexibilité pour répon-
dre aux chocs.
On note que la cible de chômage apparait dans la fonction de perte de la
BC. Un cas de ciblage d’inflation “stricte” consisterait à poser comme dans
le cas du banquier central conservateur un terme ✓B ! 1. Blinder, dans
un livre paru en 1998, raconte son expérience au sein du comité de politique
monétaire de la Federal Reserve et dit qu’un tel cas représente très mal la façon
dont les banquiers centraux se comportent en réalité, de la même façon qu’ils
ne cherchent pas une cible de chômage inférieure aux estimations du taux de
chômage naturel1 . L’écart entre la cible de chômage et le taux de chômage
naturel, ainsi que la valeur du paramètre ✓ indiquent dans une certaine mesure
l’horizon de temps décidé par la BC pour atteindre sa cible. Celle-ci le sera
immédiatemment lorsque ✓B ! 1 mais cela prendra plus de temps dans les
autres cas. On peut alors parler de ciblage de l’inflation “flexible”.
Le point à garder en tête est de se dire que la délégation à une autorité
monétaire avec des préférences permet d’obtenir le résultat désiré. Il y a tout
1 Une difficulté à ce sujet est la possibilité que le taux de chomâge naturel fluctue au cours
du temps. Par exemple, lors de la phase économique de la fin des années 90, qui a correspondu
à la “nouvelle économie”, pour certains le taux de chômage naturel avait diminué, ce qui rendait
la politique monétaire habituel trop restrictive.
20
de même un problème posé par ce cadre, à savoir que ce qui est atteint par la
BC est la cible d’inflation de la société ⇡
¯ , mais jamais sa propre cible d’inflation
¯ B , qui sera systématiquement dépassée (on a ⇡
⇡ ¯B < ⇡¯ ). Un banquier central
considéré comme efficace dans notre modèle est un banquier central qui n’atteint
jamais la cible qui lui est assignée. Le risque est alors de perdre en crédibilité
sur le fait de vouloir réellement atteindre ⇡ ¯ B plutôt que ⇡¯.
21
l’autre, car ralentir une politique monétaire restrictive ralentit à la fois l’inflation
et la production.
On se retrouve donc dans une situation où la BC utilise une règle annoncée
comme dans le cas du ciblage de l’inflation, mais avec la particularité supplé-
mentaire de tenir compte des variations de la production et d’y réagir, ce qui
n’est pas le cas dans la situation précédente.
Dans la pratique, le ciblage du revenu nominal est compliqué à implémenter
pour plusieurs raisons. D’une part, la procédure est plus technique et plus
complex, notamment parce que la cible est plus compliquée à comprendre et
retenir et également car le PIB fait l’objet de plusieurs mesures de révision
chaque année. La véritable évolution du PIB n’est ainsi connue qu’avec un
certain retard, ce qui pose des problèmes en termes de communication.
Ut = ⇡te ⇡t + ✏ t
!0 1 1
⇡t = ⇡
¯ Ū + ✏t
✓ ✓ 1+✓
22
On voit que l’optimum de premier rang est atteint en fixant ! 0 = Ū comme
pénalité pour chaque unité de déviation de l’inflation par rapport à la cible de
la société. Dans ce cas, on a E (⇡) = ⇡ ¯ et les variances restent celles du cas
dicrétionnaire, avec donc limitation des fluctuations du chômage. La pénalité
est vue comme une façon de décourager la banquier central à faire une politique
inflationniste.
Un élément important est que le schéma incitatif est ici très simple, mais cela
résulte du fait que l’économie modélisée soit très simple. Dans une structure
plus complexe, le schéma devient lui même plus complexe. En cas de chocs
multiples, un contrat optimal doit spécifier toutes les contigences possibles, ce
qui serait très compliqué à faire en pratique.
Un autre type de règle peut consister à renvoyer le banquier central dès lors
qu’un seuil d’inflation est dépassé. Walsh (1995) montre que les propriétés de
ce contrat peuvent être similaires à celles du contrat précédent. Un schéma de
ce type a été d’une certaine façon mis en pratique en Nouvelle Zélande. Le
banquier central du pays décide de la trajectoire d’inflation à suivre avec le
gouvernement et est ensuite responsable de l’atteinte ou non de cette cible2 .
Une autre critique possible est à nouveau celle du déplacement du problème
de l’incohérence temporelle. Est-ce que le gouvernement aura bien intérêt ex
post à pratiquer la punition annoncée ?
5 Réputation et crédibilité
Dans la section précédente étaient présentées des solutions au biais inflationniste
qui reposaient sur l’existence d’arrangements institutionnels et légaux ou sur la
délégation de l’autorité monétaire. Dans cette section, nous étudierons la façon
dont la crédibilité peut être construite via des effets de réputation. Réputation
et crédibilité ne sont pas la même chose. Nous avons montré que la crédibilité
pouvait se gagner via des arrangements institutionnels qui en tant que tels ne
faisaient pas appel à la notion de réputation.
suivi un schéma de ce type peuvent lire l’article suivant de Walsh (1995) dans le JMCB :
http://people.ucsc.edu/~walshc/MyPapers/RBNZActJMCB1995.pdf
23
cadre la possibilité d’interactions répétées entre les agents, ce qui n’était pas le
cas pour l’instant.
Ut = ⇡te ⇡t
✓ 2 ✓ 2
Lt = U t + (⇡t ) = ⇡te ⇡t + (⇡t )
2 2
En termes de représentation des préférences, cette spécification a deux im-
plications :
1. L’avantage est que pour un taux d’inflation donné, le gouvernement préfère
toujours avoir un taux de chômage plus faible, ce qui semble assez réaliste.
2. En retour, le fait que la perte associée au chômage soit linéaire tandis que
celle associée à l’inflation soit quadratique fait que l’arbitrage entre les
deux termes peut se modifier. Pour un certain niveau d’inflation, il sera
toujours préférable d’accepter de larges variations du chômage pour éviter
de petites variations de l’inflation.
Le biais inflationniste existe toujours dans ce cadre. La CPO donne en effet
l’action optimale suivante pour la banque centrale :
1
⇡t =
✓
24
et cela quelle que soit la valeur de l’inflation anticipée ⇡te . On observe alors
que tant que l’on n’a pas ✓ ! 1, on a ⇡t > ⇡ ¯ = 0. Or, en parallèle, dans ce jeu
statique, on a
1
⇡te = E (⇡t ) =
✓
On a donc Ut = 0. Il existe donc également un biais inflationniste dans ce
modèle (biais que l’on peut toujours résoudre par la mise en place d’un banquier
central conservateur).
Ut = ⇡te ⇡t
25
pour la période 0). Si à une date donnée, le gouvernement ne joue pas ce qui
était anticipé, le secteur privé anticipe alors que sera joué ultérieuement une
politique inflationniste. On parle dans ce cas de “trigger strategy” (ou stratégie
de punition) : tout “bon” comportement de la BC induit en retour un comporte-
ment coopératif qui se traduit ici par des anticipations d’inflation nulle. Tout
comportement “déviant”, même unique, induit une révision des anticipations,
cette révision pouvant même avoir un caractère “punitif”.
On a ainsi le schéma suivant :
t=0 ⇡e = 0
t>0 ⇡te = 0 si ⇡t 1 = ⇡te 1
t>0 ⇡te = autrement
✓
où 1 représente le degré de “punition” infligé en cas de comportement
“déviant” de la part de la BC.
Si T est fini (horizon fini), il faut spécifier les anticipations de dernière péri-
ode. Le secteur privé sait qu’il ne pourra pas punir ultérieurement un comporte-
ment déviant et joue donc une prévision de politique inflationniste. Si la BC a
coopéré la période précédente, il joue simplement l’inflation d’équilibre sur une
période. Si ce n’est pas le cas, il joue une prévision d’inflation “punitive” (soit
> 1), soit :
1
t=T ⇡Te = si ⇡T 1 = 0
✓
t=T ⇡Te = autrement
✓
26
qui est la solution optimale de son programme dans le jeu à un coup.
On remonte ensuite d’une période, en T 1, afin de voir si il est effectivement
optimal pour le gouvernement de jouer ⇡T 1 = 0. On sait que la valeur optimale
de l’inflation pour la BC est à chaque date égale à 1/✓, quelle que soit la valeur
anticipée. On suppose que le secteur privé anticipe une politique d’inflation
nulle, soit
⇡Te 1 = 0
Si le gouvernement accomode ces anticipations en jouant une inflation nulle,
sa perte instantanée sera donc LT 1 (0, 0) = 0. Si le gouvernement joue son
taux d’inflation optimal, sa perte instantanée devient alors
✓ ◆ ✓ ◆2
1 1 ✓ 1 1
LT 1 ,0 = + =
✓ ✓ 2 ✓ 2✓
On voit donc que sa perte est plus faible et que l’intérêt à dévier existe
(le gain est égal à 1/ (2✓)) . Il y a toutefois un coût à cette déviation, qui
provient de la punition survenant à la date T , prenant la forme d’anticipations
d’inflations fortes (et donc d’un chômage plus élevé en T ). Plus précisemment,
les anticipations en T seront de /✓ au lieu de 1/✓. La perte sera donc plus
forte demain. La valeur actualisée de cette perte supplémentaire est égale à :
✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆
1 1 1 1 1 1 1
LT , LT , = + = ( 1)
✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 2✓ 2✓ ✓
27
5.2.4 Le problème de la rationalité séquentielle
Toute menace pose la crédibilité de son application lorsqu’elle doit être ap-
pliquée. Le problème de la solution précédente est que si jamais le gouverne-
ment décide malgré tout de dévier du “bon comportement”, alors il ne sera
pas rationnel pour le secteur privé de punir le gouvernement en pratique des
anticipations d’inflation élevées.
28