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Chapitre 2 : Incohérence temporelle et politique

monétaire
Olivier Musy⇤
M1 Economie Paris Ouest Nanterre - 2013

1 Qu’est-ce que l’incohérence temporelle


1.1 Définition
Supposons qu’un décideur politique soit responsable de la politique économique
à mener à commencer de la date t pour plusieurs périodes à venir (par exemple
un choix de niveaux de taxe pour plusieurs années). Considérons le choix du
niveau de taxe en t + s, on dénote par ⇡t+s (t + j) le politique choisie à la date
t + j pour la date t + s, 0  j  s. Il y a deux façons de fixer le niveau de
taxe pour t + s : soit attendre cette date et le fixer au début de la période, soit
choisir le niveau de taxe en t + s dès la date t.
Si il n’y a aucun choc non anticipé entre les deux dates, ni aucun changement
dans les préférences et la technologie, on pourrait se date que cela ne change
rien de déterminer le valeur du taux de taxe en t ou en t + s, la valeur devrait
être la même.
L’incohérence temporelle existe lorsque dans un tel cadre, alors que rien n’a
changé, les deux choix ne coïncident pas :

⇡t+s (t + s) 6= ⇡t+s (t)

Un point important est qu’il s’agit à chaque fois d’un choix optimal. Il ne
s’agit pas d’une annonce mensongère dont on a intérêt à ne pas la respecter.
L’autre point important est que le changement de choix entre les deux dates
n’est du à aucun évènement extérieur.
Exemple du cours et de l’examen

1.2 Une présentation formelle


Supposons un modèle avec 2 agents dans l’économie : le gouvernement et le
secteur privé. Il existe deux périodes de temps dans l’économie, avec un lien
intertemporel : ce qui se fait en 1 influence ce qui se fait en 2, et inversement.
⇤ Economix, Bureau 517 C, Bâtiment G. E-mail : omusy@u-paris10.fr

1
On peut par exemple penser à un problème de taxation et d’épargne : épargner
coute de la consommation à la date 1 pour le secteur privé mais augmente la
production et donc la consommation de date 2. Le gouvernement peut choisir
de son côté un taux optimal d’imposition du capital et du travail.
Les préférences des agents sont données. On note s la décision prise par
l’agent privé et x la décision prise par le gouvernement. On indice par i = 1, 2
pour la date de la décision (S 1 est donc la décision privée en 1, S2 la décision
privée en 2 etc...).
Chaque agent prend donc un doublet de décision : (s1 ; s2 ) pour le secteur
privé, et (x1 ; x2 ) pour le gouvernement.
La fonction d’utilité du secteur privé est U (s1 , s2 , x1 , x2 ).
Celle du gouvernement : V (s1 , s2 , x1 , x2 ).
Le gouvernement déterminer ses choix en premier, puis le secteur privé déter-
miner les siens en second (jeu à la Stackelberg). Les deux agents font leurs choix
au tout début du jeu, juste avant la date 1, pour les deux périodes à la fois. Ces
solutions optimales forment la Solution de Ramsey. On va chercher à montrer
que cette solution est incohérente dans le temps (les acteurs voudront changer
leurs stratégies plus tard, sans que l’environnement ne soit changé).
Au moment de jouer, le secteur privé observe donc les valeurs de x1 et x2 ,
et le prend comme des données. Il maximise U en choisissant s1 et s2 . Le choix
du secteur privé prend donc la forme d’une fonction de réaction :
S1 = S1 (x1 , x2 )
S2 = S2 (x1 , x2 )
Le gouvernement joue en leader de Stackelberg et anticipe la façon dont va
réagir le secteur privé. Son programme est donc :

M ax V (s1 , s2 , x1 , x2 )
x1 ,x2

s.c. s1 = s1 (x1 , x2 ) , s2 (x1 , x2 )


Le choix optimal du gouvernement pour la date 2 (x2 ) résulte donc de la
CPO suivante :
@V @s1 @V @s2 @V
+ + =0
@s1 @x2 @s2 @x2 @x2
Les valeurs d’équilibre de ce jeu à la Stackelberg sont données par le quadru-
plet suivant :
sS1 , sS2 , xS1 , xS2
On a supposé pour le moment que tout était décidé au tout début de la
période 1. Question : les résultats sont-ils inchangés si le gouvernement peut
ré-optimiser juste avant le début de la période 2 ?
On se place en début de période 2. Les valeurs de période 1 ont déjà été
choisies. On suppose que le secteur privé ne peut pas changer son choix de
période 2. On a donc toujours les valeurs suivantes de déterminées : sS1 , sS2 , xS1 .
Si le gouvernement peut changer son choix, son programme devient alors :

M ax V sS1 , sS2 , xS1 , x2


x2

2
La CPO de ce programme est :

@V sS1 , sS2 , xS1 , x2


=0
@x2

On note xI la solution de cette équation. On remarque que xI 6= xS .


Il y a donc incohérence temporelle, le plan optimal du gouvernement à la
date 1 ne l’est plus à la date 2.
Les agents privés vont alors anticiper cela, et modifier leurs choix dès la
période 1.
2 implications :
Possibilité d’un divorce entre les annonces et la pratique de la politique
économique. La solution de Ramsey, qui était la solution optimale, n’est plus
possible, car les agents privés vont anticiper le retournement du gouvernement.
Ils ne vont plus jouer sS1 , sS2 et l’économie ne sera plus sur un équilibre optimal.

2 Un exemple avec la politique monétaire


2.1 Le biais inflationniste de la politique monétaire (Barro-
Gordon, 1983)
2.1.1 Le modèle canonique
On suppose un gouvernement menant une politique monétaire dans un cadre
simple où l’économie est représentée par une courbe de Phillips du type :

Ut = (⇡t ⇡te ) + ✏t

où Ut est le niveau de chômage, ⇡t le taux d’inflation choisi par la banque


centrale, ⇡te le taux d’inflation anticipé par le secteur privé et ✏t un choc sur le
chômage exogène i.i.d. (identiquement et indépendamment distribué) au cours
du temps, de moyenne zéro et de variance 2 .
Les agents privés sont de très petite taille et ne peuvent pas influencer le
niveau d’inflation ou de chômage. Tout ce qu’ils peuvent faire est d’anticiper
au mieux l’inflation, en supposant qu’ils fixent leur anticipation ⇡te avant que la
banque centrale ne fixe l’inflation ⇡t , en se servant de toute l’information à leur
disposition, soit : ⇡te = Et 1 ⇡t .
Du point de vue de la banque centrale, on suppose un contrôle parfait de ⇡t
, mais ⇡te n’est pas une variable stratégique. On suppose une fonction de perte
dans la lignée de celle discutée dans le chapitre précédent :
2 2
Ut Ū (⇡t ⇡
¯)
Lt = +✓
2 2
où Ū est la cible de chômage du gouvernement et ⇡
¯ la cible d’inflation. On
suppose l’existence d’un taux de chômage naturel normalisé à 0, de sorte que
e = 0. On suppose que le gouvernement cible un niveau de chômage inférieur,
U

3
soit Ū < Ũ . Ce chômage ciblé est donc négatif dans notre modèle, ce qui est
juste une simplification. On suppose pour simplifier que ⇡¯ = 0. Le programme
de la banque centrale est de minimiser sa fonction de perte, compte tenu de la
contrainte imposée par la structure de l’économie, soit :
2 2
Ut Ū (⇡t ⇡
¯)
M axLt = +✓
⇡t 2 2
s.c. Ut = (⇡t ⇡te ) + ✏t
Cela donne une condition du premier ordre (CPO) telle que :
1
⇡t = ⇡e Ū + ✏t
1+✓ t
Cette condition est une fonction de meilleure réponse pour la BC qui déter-
mine pour chaque niveau d’inflation anticipée ⇡te le taux d’inflation optimal.
Si par exemple les anticipations d’inflation sont égales à la cible de la BC,
soit ⇡te = ⇡
¯ = 0, on a alors
1 1
⇡t = Ū + ✏t
1+✓ 1+✓

En rappelant que Ū < 0, on trouve donc que la BC va chercher à augmenter


le taux d’inflation au delà de sa valeur ciblée afin de diminuer le chômage et
de le rapprocher de sa cible (voir graphique, qui suppose une cible d’inflation
positive pour une meilleure qualité de présentation graphique).
Les agents privés ne vont donc pas suivre la cible d’inflation de la BC, mais
plutôt calculer à partir de cette valeur leur meilleure anticipation possible de
l’inflation qui sera fixée par la BC : ⇡te = Et 1 ⇡t , avec Et 1 Ū = Ū (la cible de
chômage est une constante), Et 1 ✏t = 0 (le choc est de valeur nulle en moyenne)
et Et 1 ⇡te = ⇡te . Cela donne au final :
✓ ◆
1 1
⇡te = ⇡te Ū () ⇡te = Ū
1+✓ ✓

En injectant cette valeur dans l’équation précédente, on obtient alors l’inflation


d’équilibre suivante :
1 1
⇡t = Ū + ✏t
✓ 1+✓
Voir graphique pour l’équilibre du jeu. Ceci représente la solution tem-
porellement cohérente.
En l’absence de chocs, on note que ⇡te = ⇡t . Les agents privés ont donc
anticipé l’inflation de façon optimale. On remarque qu’en moyenne, le chômage
est égal à son niveau naturel. En remplaçant cette valeur d’inflation dans la
courbe de Phillips, on a en effet :

E (Ut ) = E [ (⇡t ⇡te ) + ✏t ] = 0

4
Il n’y a donc aucun gain en terme de chômage car à l’équilibre les agents ne
sont pas trompés et anticipent rationnellement l’action de la BC. La cible n’est
pas atteinte Ut = Ũ = 0 > Ū . En revanche, la cible d’inflation n’est pas atteinte
non plus, alors qu’elle pourrait l’être . On note qu’en mettant de côté les chocs,
nuls en moyenne, on a :
✓ ◆
1
E (⇡t ) = Ū > ⇡
¯=0

Le chômage ne varie pas et l’inflation est trop élevé, on appelle cela le “bi-
ais inflationniste” (il est égal à ✓1 Ū à cet équilibre). Il est dû à l’incohérence
dans le temps du plan optimal de la BC, qui aimerait pour atteindre le meilleur
équilibre possible fixer les anticipations d’inflation sur la cible, de telle sorte
que ⇡te = ⇡t = ⇡ ¯ . Dans ce cas, on a bien également Ut = Ũ < Ū comme
dans le cas précédent, mais sans biais inflationniste. Le problème est que si les
agents fixent leurs anticipations sur cette valeur, la BC a intérêt à dévier et aug-
menter l’inflation. Si elle ne peut pas s’engager sur cette action, alors les agents
anticiperont rationnellement un niveau d’inflation avec biais inflationniste.
On note que ce biais inflationniste provient notamment du fait de l’existence
d’une différence entre la cible de chômage fixée par le gouvernement et le taux de
chômage naturel. Si le gouvernement se fixe une cible égale à taux de chômage
naturel (égal à 0), on voit que ce biais inflationniste disparait. Une question
importante est donc de savoir d’où vient cet écart entre les deux. Une réponse
possible est de dire que le gouvernement recherche le niveau optimal de chômage,
alors qu’il existe dans l’économie des distorsions et des imperfections faisant que
le taux effectif de chômage est plus élevé.
On note LD t la perte avec politique discrétionnaire et Lt la perte en utilisant
R

une règle crédible (sans savoir pour l’instant d’où viendrait cette crédibilité).
Les deux politiques donnent la même performance en termes de chômage. En
revanche, elles diffèrent en termes d’inflation. On a ainsi :E
1 2
E LR
t = Ū
2
✓ ◆ 2
1 2 1 1
E LD
t = Ū + Ū
2 2 ✓
Soit E LR t < E LD t . La possibilité d’utiliser une politique discrétionnaire
n’apporte donc dans ce cadre aucune amélioration en moyenne. En revanche,
comme la BC réagit aux chocs dans le cas discrétionnaire, elle stabilise mieux
l’économie.
A près avoir calculé les moyennes, on peut calculer les variances du chômage
et de l’inflation :
 ✓ ◆ 2
2 1 1 1
V ar (⇡) = [⇡t E (⇡t )] = Ū + ✏t Ū
✓ 1+✓ ✓

5
2 2
En notant que 2
= V ar (✏) = [✏t E (✏t )] = (✏t ) , on a au final
✓ ◆2 ✓ ◆2
1 1 2
V ar (⇡) = ✏t =
1+✓ 1+✓

Concernant le chômage, on a :
2 2
V ar (U ) = [Ut E (Ut )] = [ (⇡t ⇡te ) + ✏t E (Ut )]

 ✓ ◆ ✓ ◆ 2  ✓ ◆ 2
1 1 1 1
V ar (U ) = Ū ✏t + Ū + ✏t 0 = ✏t 1
✓ 1+✓ ✓ 1+✓

Soit au final ✓ ◆2
✓ 2
V ar (U ) =
1+✓

2.1.2 Le débat règles contre discrétion


Ce qui crée le biais inflationniste est la possibilité pour la BC d’utiliser sa
politique de façon libre (“discrétionnaire”) et de pouvoir revenir sur ce qu’elle
souhaitait mettre en place initialement. La politique discrétionnaire a donc un
coût en termes de bien-être, qui peut être évité si la BC s’engage de façon crédi-
ble et utilise une règle connue et intangible de comportement. Nous verrons
plus tard comment de telles règles peuvent être mises en place. Une règle de
comportement dans ce modèle serait donc l’annonce d’un comportement sys-
tématique et annoncé à l’avance, non révocable, consistant ici à jouer sa cible
d’inflation sans avoir la possibilité de revenir sur cette décision. La solution
discrétionnaire résiste toutefois à l’incohérence temporelle, ce qui n’est pas le
cas de la solution avec règles.

2.2 Engagement contre flexibilité


Dans l’exemple précédent, si la BC arrive à s’engager de façon crédible à pra-
tiquer son taux d’inflation cible, le biais inflationniste disparait. Il y a donc
un gain à être capable de s’engager de façon crédible. Il y a également un
coût à l’engagement, à savoir la perte de flexibilité due au respect forcé de cet
engagement, même si des évènements innatendus surviennent.
L’incohérence temporelle avait été vue comme l’idée de ne plus adopter pour
(t + s) le plan optimal fixé en t alors que rien n’était survenu entre les différentes
périodes. Dans la réalité, de nombreux chocs non anticipés surviennent à chaque
date et de chocs négatifs diminuent le niveau de bien-être social, sans que la BC
ne réagisse si elle suit une règle stricte d’engagement. Il peut donc y avoir un
arbitrage entre engagement et flexibilité dans un monde stochastique : quel est
dans ce cas le degré optimal d’engagement ?

6
2.2.1 Les clauses de sortie
Une façon de bénéficier de l’engagement tout en bénéficiant d’une certaine flex-
ibilité se fait par l’utilisation de clauses de sortie. En présence d’une règle avec
clause de sortie, le décideur politique s’engage à respecter une règle précise
quand un certain nombre de circonstances sont rencontrées, tout en annonçant
qu’il utiliser une politique discrétionnaire sous certaines autres circonstances.
Ce qui est important alors est que ces circonstances soient connues à l’avance
et explicitées.
Si tous les états de la nature sont prévisibles et que l’on peut associer un
comportement de politique économique à chacun, le comportement reste alors
totalement celui d’une règle (une règle contingente à chaque état de la nature).
La clause de sortie sera utilisée dans les situations où il n’est pas possible de
spécifier une telle règle associant une action à tous les états possibles de la
nature.

Les hypothèses du modèle On suppose qu’il existe un coût fixe à utiliser


la politique discrétionnaire, égal à . La cible d’inflation reste égale à 0. Si
le gouvernement joue autre chose que sa cible d’inflation nulle, il doit payer le
coût fixe . On a donc (⇡t ) = si ⇡t 6= 0 et (⇡t ) = 0 si ⇡t = 0 .
Le chômage est toujours donné par l’équation

Ut = ⇡te ⇡t + ✏ t

La BC détermine le taux d’inflation optimal après avoir observé le choc ✏


et devra donc décider si elle réagit ou non à ce choc. Sa fonction de perte à
minimiser est dans notre cas :
2 2
Ut Ū (⇡t )
Lt = +✓ + (⇡t )
2 2

Comparaison des avantages et inconvénients à utiliser une règle ou


une politique dicrétionnaire L’avantage de la solution avec règles est comme
on l’a vu d’avoir une inflation plus faible en moyenne (le biais inflationniste
disparait). Supposons qu’il existe un mécanisme garantissant que celle-ci sera
appliquée. On a dans ce cas ⇡tR = ⇡ ¯ = 0.
Si le gouvernement joue sa solution discrétionnaire, cela revient au cas avec
biais inflationniste, soit :
✓ ◆ ✓ ◆
1 1
⇡tD = Ū + ✏t
✓ 1+✓

On a bien E ⇡ D > E ⇡ R . Il y a deux sources d’écart entre les deux taux


d’inflation. La première est le biais inflationniste ✓ Ū . La seconde est le fait
1

que le gouvernement réagisse aux variations de la conjoncture, ce qui se traduit


par la présence du terme de choc ✏t . L’inflation est donc encore plus forte en
cas de choc positif, car la BC cherche à limiter le niveau de chômage.

7
La contrepartie est qu’en cas de choc, le chômage réagira moins dans le cas
discrétionnaire que dans le cas avec règles. Dans le cas discrétionnaire, on a
✓ Ū . La valeur du chômage est donc la suivante :
1
⇡te =
✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆
1 1 1
UtD = Ū Ū + ✏t + ✏t
✓ ✓ 1+✓
soit ✓ ◆

UtD = ✏t
1+✓
Avec la règle, on a ⇡te = ⇡tR = 0. Le chômage est donc égal à
✓ ◆

UtR = ✏t > ✏t
1+✓

On a donc UtR > UtD . En cas de choc positif, le chômage sera plus élevé
avec la politique de règle qu’avec la politique discrétionnaire.
Il se peut donc que pour des chocs particulièrement importants, l’utilisation
de la politique discrétionnaire soit préférable.
En enlevant pour l’instant le coût fixe, en notant LD t la perte avec poli-
tique discrétionnaire et LR
t la perte suite à l’utilisation d’une règle (non plus en
espérance mais en tenant compte de la valeur réalisée des chocs). On a :
1 2 ✓ D 2
LD
t = UD Ū + ⇡
2 t 2 t
soit
✓✓ ◆ ◆2 ✓✓ ◆ ✓ ◆ ◆2
1 ✓ ✓ 1 1
LD
t = ✏t Ū + ✏t Ū
2 1+✓ 2 1+✓ ✓
De la même façon, on a
1 2 ✓ R 2
LR
t = UR Ū + ⇡
2 t 2 t
soit
1 2
LR
t =
✏t Ū
2
Compte tenu de ces pertes, pour une valeur donnée du choc, on a LD R
t < Lt
lorsque : ✓ ◆
2 1+✓
> Ū 2

où 2 = ✏2 est la variance du choc. On voit donc que pour si la variance
des chocs (et indirectement la variance du chômage) est très forte, la discrétion
peut devenir préférable à la règle. Lorsque c’est le cas, la règle discrétionnaire
permet de répondre aux variations trop forts du chômage en augmentant un peu
l’inflation et en diminuant le chômage, alors qu’une politique de règle laissera
fluctuer fortement le chômage pour ne se préoccuper que de l’inflation.

8
A partir de quel seuil de choc utiliser la politique discrétionnaire ?
En réintègrant le coût fixe dans les calculs, la question reste la même : à partir
de quel seuil de valeur des chocs ✏t est-il préférable de ne plus utiliser la règle
et de choisir la solution discrétionnaire, ce qui implique de payer le coût fixe ?
On peut déterminer cette valeur comme celle qui égalise la perte discrétionnaire
avec la perte en cas de règle. On suppose pour simplifier que ✏t est distribué de
façon uniforme sur l’intervalle [ v, v].
Dans le cas discrétionnaire, on a
1
⇡t = ⇡e Ū + ✏t
1+✓ t
Le terme de perte lié au chômage dans le cas discrétionnaire est alors égal à
:
1
Ut Ū = ⇡te ⇡t + ✏ t Ū = ⇡te ⇡e Ū + ✏t + ✏t Ū
1+✓ t
soit

Ut Ū = ⇡ e Ū + ✏t
1+✓ t
On peut donc écrire la perte discrétionnaire comme :
h i2 h i2
✓ e 1 e
1+✓ ⇡ t Ū + ✏ t 1+✓ ⇡ t Ū + ✏ t
LDt = +✓ +
2 2
soit
1 ✓2 2 1 ✓ 2
LD
t = ⇡e Ū + ✏t + ⇡e Ū + ✏t +
2 (1 + ✓)2 t 2 (1 + ✓)2 t

soit
1 ✓ 2
LD
t = ✏t Ū + ⇡te +
21+✓
Lors de l’emploi de la règle d’inflation nulle, on a toujours ⇡t = 0. La perte
liée à l’inflation est donc toujours nulle. En revanche, la banque centrale ne
réagit pas aux chocs sur le chômage. On a donc :
1⇣ e ⌘2 1
⇡t ⇡t + ✏¯t Ū + ✓ (⇡t )
2
LR
t =
2 2
soit
1 2
LR
t = ✏t Ū + ⇡te
2
La BC déviera donc de sa règle si la perte liée à la discrétion (incluant le
coût fixe ) est inférieure à la perte en utilisant la règle : LDt + < LRt . Lorsque
c’est le cas, l’inflation d’équilibre est alors égale à celle du modèle précédent.
LDt + < LR t est vérifié lorsque :

1 ✓ 2 1 2
✏t Ū + ⇡te + < ✏t Ū + ⇡te
21+✓ 2

9
soit
1 2
2 < ✏t Ū + ⇡te
1+✓
On atteint donc le seuil de choc ✏ˆt donnant un intérêt à la politique discré-
tionnaire dès que p
✏ˆt = Ū ⇡te + 2 (1 + ✓) (1)
L’idée d’une règle flexible est donc d’annoncer le suivi de la règle dans les
cas “normaux”, c’est-à-dire l’orsque les chocs ne sont pas trop élevés, mais en
même temps d’annoncer que la règle ne sera plus suivie et que la BC utilisera
une politique discrétionnaire, réactive, lorsque la réalisation du choc est partic-
ulièrement élevée.
Comment les agents privés anticipent-ils l’inflation dans un tel cadre ?
Pour les chocs inférieurs à la valeur seuil, soit ✏t  ✏ˆt , les agents du secteur
privé s’attendent à une inflation nulle. Dès que les chocs sont supérieurs à cette
valeur, soit ✏t > ✏ˆt , ils s’attendent à une sortie de la règle et donc à une valeur
de l’inflation discrétionnaire calculée lors la section précédente. L’anticipation
rationnelle de ⇡t est donc :

E (⇡t ) = 0 + E (⇡t | ✏t > ✏ˆt ) P r (✏t > ✏ˆt )

L’inflation discrétionnaire est donnée par


1
⇡t = ⇡e Ū + ✏t
1+✓ t
et la fonction de distribution de ✏t a ét supposée uniforme sur [ v, v]. La
proba de dépasser le seuil ✏ˆt est donc v 2v✏ˆt . Lorsque ce seuil est dépassé,
l’espérance de la valeur du choc est alors v+ˆ 2 .
✏t

L’anticipation rationnelle de l’inflation est alors :


✓ ◆✓ ◆✓ ◆
1 v ✏ˆt e v + ✏ˆt
E (⇡) = ⇡t Ū +
1+✓ 2v 2

La valeur rationnelle choisie par le secteur privé pour déterminer leur antic-
ipation d’inflation est égale à cette valeur : ⇡te = E (⇡). On reste donc dans un
cadre avec anticipations rationnelles, mais avec une règle de comportement plus
complexe, capable de réagir aux chocs trop forts.
Pour résoudre la fin du modèle, il faut résoudre l’équation précédente pour
déterminer ⇡te et ensuite intégrer cette valeur dans l’équation (1) afin de déter-
miner le seuil de choc nécessitant une intervention discrétionnaire de la part de
la B.C.. Les calculs sont un peu fastidieux et on ne résolvera pas entièrement le
modèle.
Lorsque ✏t  ✏ˆt , le choc est d’une ampleur limitée, la BC n’y réagit pas et
suit sa règle d’inflation nulle. Lorsque ✏t > ✏ˆt , le choc est d’une forte ampleur et
la BC choisit d’y réagir. Elle ne suit pas plus sa règle d’inflation nulle et met en
place une politique discrétionnaire afin diminuer le taux de chômage, fortement

10
en hausse à cause du choc. Le niveau d’inflation choisi sera croissant avec la
taille du choc ✏t .
On peut montrer que si la variance des chocs est assez grande, le comporte-
ment avec clauses de sortie donne une perte plus faible comparé à la politique
discrétionnaire pure ou à la règle d’inflation nulle stricte. Il peut donc y avoir un
gain à annoncer de façon claire que l’on ne suivra pas toujours la règle d’inflation
nulle, tout en décrivant précisemment dans quelles conditions cette sortie sera
effectuée.

3 Les solutions institutionnelles à l’incohérence


temporelle
On a vu que la solution optimale était obtenue quand le gouvernement arrivait
en mettre en place à la date t + s la politique annoncée en t, plutôt qu’une autre
politique, et l’implémentation de cette politique était connaissance commune de
tous les agents (de façon à ce que ceux-ci puissent anticiper l’implémentation de
cette politique et agir en conséquence, ce qui permet au gouvernement d’agir en
sachant cela). En d’autres termes, l’optimum est atteint si l’annonce en t de la
mise en place d’une politique optimale pour une date ultérieure est crédible, au
sens où les agents privés anticipent que cette politique sera bien mise en place.
Nous avons vu pour l’instant les gains de la crédibilité et les coûts du manque
de crédibilité. La question est alors de savoir comment acquérir une telle crédi-
bilité. Il y a plusieurs façons. La première est de créer des institutions garantis-
sant que les politiques annoncées seront effectivement mises en place. L’objectif
de ces institutions est de placer des contraintes sur les décideurs politiques afin
d’influer sur leur comportement et les amener à avoir le comportement optimal.
Ces institutions peuvent prendre la forme de lois ou de constitutions, ou bien
encore la forme de normes sociales. Ce sera l’objet de la section suivante.
Une autre est de construire une réputation, fondée sur les actions passées.
En effet, les problèmes de PE sont des problèmes récurrents, qui se répètent
de période en période. Même si notre problème est statique, il est répété. Les
agents anticipent que seront reconduites dans le futur les actions qu’ils observent
actuellement et qu’ils ont observé par le passé. Ce sera l’objet d’une section
ultérieure.

3.1 Lois, constitutions et normes sociales


Une première façon d’augmenter la crédibilité sur les annonces de politiques
économiques est de mettre en place des contraintes légales sur les possibilités
ultérieures de changement.

3.1.1 Les lois


Les lois sont une première contrainte sur les actions des gouvernements. Dans
cette optique, les gouvernements peuvent passer des lois afin de contrainte leur

11
propre comportement ultérieur (Ulysse et les sirènes), dans la mesure où ils
ne pourront pas agir en dehors du cadre de cette loi. Si la loi implique des
contraintes sur la liberté fiscale, commerciale ou monétaire, elle augmente donc
la crédibilité de politiques promettant de ne pas agir de la sorte.
Le problème des lois est que si le gouvernement est capable de les modifier au
moment de l’annonce de sa politique, il sera également capable de les modifier au
moment de la mise en place de la politique. De ce point de vue, la loi peut être
simplement un déplacement du problème d’incohérence temporelle. Pourquoi
une loi obligeant de suivre une politique d’inflation nulle pour la BC serait plus
crédible qu’une simple annonce d’inflation nulle par la BC ?
La différence principale entre les deux est qu’une annonce peut être reniée
sans coûts, tandis qu’il est plus difficile de modifier la loi. A partir du moment
où il existe des pénalités à modifier la loi. Ces pénalités peuvent être d’ordres
différents, comme la durée de la procédure législative et les coûts qui y sont
associés. Ce qui compte alors est d’étudier les aspects spécifiques de chaque loi
qui génèrent des pénalités plus ou moins grandes en cas de changement de celle-
ci. A ce titre, des pénalités trop fortes ne sont pas les plus crédibles car cela
pourrait générer une incitation à ne pas appliquer ces sanctions le cas échéant.
Une analogie avec l’application de la peine de mort peut être faite : promettre
de punir de la peine de mort n’importe quel délit mineur peut être très efficace
tant que l’application de cette peine est crédible. En revanche, une fois les délits
commis, il peut y avoir un coût à appliquer réellement cette sanction lorsq’un
délit est commis (on revient à nouveau à la question de l’incohérence temporelle
déplacée à un autre niveau). Il existe un niveau optimal de pénalité maximisant
le degré de crédibilité de son application.
En résumé, les lois et les institutions peuvent augmenter la crédiblité en
augmentant les coûts et ne diminuant les bénéfices résultant d’une déviation
d’une trajectoire annoncée de politique économique.

3.1.2 Les constitutions


La constitution se situe à un niveau supérieur de la loi et concerne en général
les lois les plus basiques d’une société. Son rôle sur la question que nous étu-
dions peut consister à rendre plus crédible l’annonce que les lois ne seront pas
changées. Les constitutions elles-mêmes ont des procédures de modification plus
compliquées sur les autres lois, ce qui garantit qu’lles seront changées encore
mois souvent. Dans la pratique, les modifications de la constitution impliquent
des majorités qualifiées, des referendums, des délais assez longs etc...
En outre, comme les constitutions concernent souvent des issues fondamen-
tales, les aspects légaux concernés par les constitutions sont perçus comme plus
difficiles à modifier. Il est toutefois parfois difficile de savoir ce qui est fonda-
mental et ce qui ne l’est pas.
Dans les débats récents, on a pu assister en France à des débats sur l’opportunité
ou non de mettre dans la constitution des éléments obligeant le gouvernement
à mettre en place un budget équilibré chaque année. L’idée est une fois qu’une
lois est constitutionnalisée, il devient très difficile de la modifier. On est donc

12
dans une situation d’engagement très crédible la concernant. Pour reprendre
l’exemple du budget français, il est toujours annoncé à moyen terme un retour
vers l’équilibre budgétaire, mais à chaque décision de court terme, le budget est
en déficit. De ce fait, la crédiblité des annonces devient très faible et les antici-
pations restent sur des budgets déséquilibrés (ce qui peut jouer notamment sur
les taux auxquels l’Etat peut emprunter).
Les constitutions sont donc une forme extrême d’engagement fixe, non révo-
cable, ce qui implique comme on l’a vu des coûts importants en termes de
flexibilité. Il ne s’agit donc pas de constitutionnaliser n’importe quoi. A nou-
veau avec l’exemple du déficit public, on voit que cela pourrait beaucoup trop
lier les mains des gouvernements en cas de période de crise. Par ailleurs, consti-
tutionnaliser trop de lois dévaluerait la force que la constitutionnalisation leur
donne, toujours pour des raisons de crédibilité dans l’application. Les lois liées à
la constitution doivent donc concerner des aspects primordiaux, où l’importance
de l’engagement est fort et pour lesquels les autres solutions ont échoué.
Un avantage de la constitution, notamment en raison des règles de majorité
forte pour la changer, est qu’elle peut préserver certaines lois contre les change-
ments fréquents de majorité qui surviennent dans les démocraties.

3.1.3 Les normes sociales


La définition d’une norme sociale dans une approche économique peut être
la suivante : “une norme sociale est une trajectoire de comportement qui est
habituelle, anticipée et implique elle-même sa réalisation (“self-enforcing”). Cha-
cun s’y conforme, chacun anticipe que les autres vont s’y conformer, et étant
donné cela, chacun a alors intérêt à s’y conformer”. Elles doivent représenter un
équilibre au sens de la théorie des jeux.
Comme pour la loi, il doit exister des coûts à sortir des normes sociales pour
que celles-ci aient un impact. De ce fait, ne pas les respecter est couteux, ce qui
contraint crédiblement les comportements.

4 Institutions et délégation de l’autorité


4.1 Pourquoi déléguer l’autorité de décision ?
Dans le modèle Barro-Gordon présenté dans la section 2, le gouvernement et
la BC étaient un seul et même agent, dans le sens où les objectifs de la BC
(l’autorité monétaire) étaient les mêmes que ceux du gouvernement. De ce point
de vue, le fait que dans la pratique la conduite de la politique monétaire soit
déléguée à la BC et ne soit pas menée directement par le gouvernement est sans
importance. Dans cette section, nous étudions les situations où la délégation de
la politique monétaire à la BC a une importance. Il s’agit donc d’une situation
où un principal (“le gouvernement”) délègue les choix de politique monétaire à
un agent (l’autorité monétaire, la BC). L’intérêt de la délégation peut être à
deux niveaux : celui de l’expertise et de différences dans les fonctions objectifs.

13
4.1.1 L’expertise
L’expertise représente la meilleure connaissance technique et la plus grande
expérience qu’aura un agent par rapport au principal. Les responsables du gou-
vernement peuvent ainsi avoir une moindre connaissance de la macroéconomie
et de la politique monétaire que ne peuvent l’avoir des spécialistes des ques-
tions monétaires. Aux Etats-Unis, Janet Yellen vient d’être nommée à la tête
de la FED. Elle était auparavant à l’université de Berkeley et était connue
comme une économiste académique de renommée internationale. Idem pour
son prédécesseur Ben Bernanke, qui était Professeur à Princeton et spécialiste
mondial reconnu des questions monétaires, notamment concernant la crise de
1929. La délégation peut ainsi permettre de nommer les personnes les plus
compétentes à certains postes.

4.1.2 Les objectifs


La délégation peut amener à nommer des agents qui n’ont pas totalement
les mêmes objectifs que le principal. C’est d’autant plus vrai quand l’agent
représente un collectif de principaux. Dans ce cas, les préférences de ces derniers
sont hétérogènes et l’agent n’aura pas les mêmes préférences qu’eux. Le point
important est que l’existence de fonctions objectif différent peut amener à ce
que les décisions prises par l’agent ne soient pas les mêmes que celles qu’auraient
prises le principal. Dans le reste de la section, l’objectif sera de montrer dans
quelle mesure il peut justement être optimal pour le principal de nommer un
agent n’ayant pas les mêmes préférences que lui. Dans ce cadre, le choix de
l’agent revient également à un choix d’objectifs. Ceux-ci deviennent donc égale-
ment un choix stratégiques, permettant de répondre aux actions stratégiques
des agents privés.

4.2 Une application : l’indépendance des banques cen-


trales
4.2.1 Définition de l’indépendance des banques centrales
Dans la plupart des pays, on constate au niveau macroéconomique que la poli-
tique monétaire est déléguée à des banques centrales plus ou moins indépen-
dantes. L’indépendance des BC se définit à deux niveaux : indépendance sur
les objectifs et indépendance sur les instruments.

L’indépendance sur les objectifs Une banque centrale est indépendante


sur les objectifs quand elle définit elle-même les objectifs qu’elle poursuit. Dans
la plupart des cas, les BC ne définissent pas elles-mêmes les grands objec-
tifs poursuivis (stabilité des prix, croissance), mais peuvent avoir une marge
d’interprétation assez large. Par exemple, la BCE se voit assigner un objectif
de stabilité des prix qu’elle n’a elle-même pas déterminé. En revanche, elle a
interprété cet objectif de stabilité des prix comme tout niveau d’inflation positif
et inférieur à 2%.

14
L’indépendance sur les instruments Une banque centrale est indépen-
dante sur les instruments quand elle a la liberté de choisir des instruments
qu’elle souhaite pour mener à bien la politique monétaire et les objectifs as-
signés. Dans les faits, la plupart des BC sont indépendantes sur les instruments
(masse monétaire, taux d’intérêt etc...).
L’indépendance sur les instruments peut intégrer d’autres types de consid-
ération, comme par exemple la possibilité ou non de monétiser la dette publique.
Une BC sera considérée comme plus indépendante sur la conduite de la politique
monétaire si il lui est par exemple interdit de participer au marché primaire de
la dette publique (autrement, sa conduite de la politique serait trop fortement
contrainte par ce que fait le gouvernement en matière de déficit public).

4.2.2 Pourquoi rendre les banques centrales indépendantes ?


C’est une question très large à laquelle de nombreuses réponses existent. Parmi
les arguments standards, il y a l’idée que l’horizon temporel d’une BC indépen-
dante est plus grand que celui de gouvernements élus, devant faire face régulière-
ment aux élections et aux sondages sur leurs actions. Il y a un risque en laissant
la politique monétaire aux gouvernants d’être trop souvent dans une logique de
court terme au détriment du long terme.
Un autre argument, qui sera l’objet d’étude du reste de la section, consiste à
analyser l’indépendance des BC comme un instrument permettant d’augmenter
la crédibilité des BC à mener des politiques faiblement inflationnistes.

4.2.3 Pourquoi déléguer à une banquier central indépendant et con-


servateur ?
L’idée proposée par Rogoff dans un article publié en 1985 dans le Quarterly
Journal of Economics est que la délégation de la politique monétaire à une au-
torité mettant un poids beaucoup plus grand dans la lutter contre l’inflation
que le gouvernement peut aider à faire disparaitre le biais inflationniste. Il y
a deux façons d’intepréter ce banquier central conservateur. Il peut s’agit soit
d’un banquier central qui aurait une indépendance à la fois sur les objectifs (en
choisissant sa fonction objectif) et sur les instruments (en choisissant la valeur
de ⇡t maximisant sa fonction objectif. Soit d’un banquier central sélectionné
justement parmi l’ensemble des prétendants en raison de son fort degr de conser-
vatisme et à qui on laissera ensuite une indépendance forte sur les instruments,
de façon à ce qu’il puisse mettre en place la politique qu’il souhaite (ex. :
Jean-Claude Trichet). Nous nous plaçons dans le cadre de la seconde situation.
Etudions ce point dans le cadre du modèle Barro-Gordon présenté précédem-
ment.
Le chômage est toujours donné par l’équation

Ut = (⇡t ⇡te ) + ✏t

Nous supposons une fontion de perte pour la société semblable aux précé-

15
dentes :
2 2
Ut Ū (⇡t ⇡
¯)
Lt = +✓
2 2
Nous supposons que la BC se voit attribuer une fonction de perte différente
:
2 2
Ut Ū B ⇡t ⇡ ¯B
LB
t = + ✓B
2 2
Les paramètres Ū et ⇡
B
¯ représentent les cibles d’inflation et de chômage
B

de la BC, qui peuvent différer de celles du gouvernement. ✓B représente le


poids relatif accordé aux écarts de l’inflation à sa cible, relativement aux écarts
du taux de chômage à sa cible. Ce terme peut également différer de celui du
gouvernement.
Supposons que les cibles du banquier central soient les mêmes que celles du
gouvernement (Ū B = Ū et ⇡ ¯B = ⇡ ¯ ) mais qui diffère en revanche sur le poids
accordé à l’inflation (✓ > ✓ ). C’est en ce sens que ce banquier central est
B

qualifié de “conservateur”.
L’inflation jouée par ce banquier central est déterminé de la même façon que
dans le modèle de base, on a donc :
1 1
⇡t = B
Ū + ✏t
✓ 1 + ✓B
On a alors ✓ ◆ ✓ ◆
1 1
E (⇡) = Ū < Ū
✓B ✓
et ✓ ◆2 ✓ ◆2
1 2 1 2
V ar (⇡) = <
1 + ✓B 1+✓
L’espérance et la variance de l’inflation sont donc plus faible en présence
d’un banquier central conservateur.
On remarque toutefois que le biais inflationniste perdure sauf dans le cas
limite où l’on nomme un banquier central extrêmement conservateur, soit ✓B !
1. Dans ce cas, on a bien E (⇡) ! 0. Un banquier central très conservateur
ne cherchera jamais à influer sur le taux de chômage car cela ne l’intéresse pas.
Il n”y aura donc pas de crainte à ce qu’il fasse de l’inflation pour compenser les
chocs et pour réduire le chômage. Cela se fait au coût d’une variance bien plus
grande du chômage.
✓ ◆2 ✓ ◆2
✓B 2 ✓ 2
V ar (U ) = >
1 + ✓B 1+✓

Dans le cas limite où ✓B ! 1, on voit que toute la variance des chocs


est répercutée sur la variance du chômage : V ar (U ) ! 2 . On retrouve les
caractéristiques de la solution avec règle d’inflation nulle et le banquier central
conservateur peut donc être vu comme un moyen institutionnel d’obtenir cette
crédibilité dans la lutte anti-inflation.

16
4.2.4 Les études empiriques sur l’indépendance des banques cen-
trales
Plusieurs études empiriques testent testent la question de l’indépendance des
BC et son impact sur les variables macroéconomiques. La démarche consiste
dans un premier temps à construire des indicateurs du degré d’indépendance et
ensuite à voir leur corrélation avec les variables macro.
Un article d’Alesina et Summers (1993, Journal of Money Credit and Bank-
ing) trouve que l’indépendance des BC a un effet négatif sur la moyenne de
l’inflation et sur sa variance et aucun effet significatif sur la moyenne et la
variance de la croissance, de l’emploi et du taux d’intérêt réel. En résumé,
l’indépendance a un effet sur les variables nominales mais pas sur les variables
réelles. C’est différent des prédictions de notre modèle où l’indépendance a un
effet sur la variance du chômage qui croit avec le degré de conservatisme. Ce
résultat est confirmé par d’autres articles.
Deux lectures possibles de ce genre de résultats : 1) Résultat très moné-
tariste. La politique monétaire n’influence que les variables nominales et non
les variables réelles (dichotomie). On peut être de ce point de vue indifférent
à la question de l’indépendance de la BC dans la mesure où son impact sur les
variables réelles est nulle. 2) La lecture standard qui a été retenue est en fait que
l’indépendance de la BC réduit le biais inflationniste sans coût réel additionnel
et elle est donc désirable de ce point de vue.
Un problème avec l’étude de l’impact de l’indépendance des BC sur l’inflation
est celui de l’endogénéité. En effet, la corrélation entre degré d’indépendance
et inflation faible peut ne pas être causale mais résulter du fait que les insti-
tutions monétaires sont endogènes et que les pays les plus averses à l’inflation
vont mettre en place les institutions facilitant le plus facilement le contrôle de
l’inflation.

4.2.5 L’indépendance des BC est-elle souhaitable ?


Du point de vue d’une analyse à la Rogoff, la réponse est oui car elle permet
d’atteindre un équilibre préféré.
Il faut garder en tête que même indépendante, une BC est une entité à
laquelle l’Etat délègue une partie de son pouvoir et continue à nommer les
membres dirigeants. Dans un sens il est plus pertinent de parler d’autonomie.
Un des problèmes de l’indépendance des BC est d’ordre démocratique. La
politique monétaire affecte le bien-être de la communauté dans son ensemble.
Pourquoi des individus non élus seraient mieux à même de juger de l’intérêt de la
collectivité que la collectivité elle-même ? Toute politique doit être contrôlable
et contrôlée. Le problème devient alors celui de la transparence des politiques
menées par la BC. Dans la pratique, la BCE a très peu de comptes à rendre, ses
délibérations sont secrètes et elle n’a pas à motiver ses décisions. Elle ne trans-
met qu’un rapport annuel à certains responsables, qui n’est pas discuté mais
seulement présenté. Les choses sont assez différentes à la FED ou à la Banque
d’Angleterre. Cette dernière publie les “minutes” du déroulé des délibérations

17
du comité de politique monétaire, présente les prévisions d’inflation qui l’ont
amené à prendre ses décisions.
La lutte contre l’inflation peut aussi refléter la mise en avant d’intérêts par-
ticuliers, comme ceux des marchés financiers, qui sont demandeurs de politiques
faiblement inflationnistes.

4.2.6 Critiques des théories découlant d’une analyse à la Barro-


Gordon

4.3 La politique de ciblage d’inflation


4.3.1 Présentation et pratique du ciblage d’inflation
Un certain nombre de pays ont mis en place une politique explicite de ciblage de
l’inflation. Les initiateurs de ce genre de polique ont été des pays anglo-saxons
commen l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni, mais
également des pays comme la Suède, la Corée du Sud, le Brésil ou Israël. La
politique de ciblage de l’inflation consiste en l’annonce d’une valeur cible pour
l’inflation. La banque de Suède cible ainsi une valeur de 2% d’inflation annuelle
(http://www.riksbank.se/en/Monetary-policy/Inflation/Adoption-of-the-inflation-
target/). Cela peut parfois consister non pas en une valeur précise mais en une
zone ciblée. Par exemple, la Banque d’Afrique du Sud cible un taux annuel de
croissance des prix compri entre 3 et 6% (http://www.resbank.co.za/MonetaryPolicy/DecisionMaking/Pages/In
Cela peut également être un mélange des deux : la Banque du Canada vise ainsi
une zone comprise entre 1 et 3% d’inflation, tout en annonçant une préférence
pour la cible du milieu, 2% (http://www.bankofcanada.ca/monetary-policy-
introduction/framework/inflation-control-target/).
Le point clé est l’annonce publique de ce qui est ciblé et le fait que la réussite
de ce ciblage est une priorité de la BC, devant les autres objectifs possibles. Il
est parfois fait mention de déviations à la cible d’inflation quand certains ex-
ceptionnels sont connus, mais ces déviations possibles sont annoncées à l’avance
(on se retrouve dans un cas similaire à celui de règles avec clauses de sortie).
L’avantage d’une politique de ciblage de l’inflation est sa simplicité et la
facilité à communiquer dessus, notamment car la politique monétaire se résume
en une variable. Elle fait également diminuer le rôle attribué à tous les ob-
jectifs intermédiaires, comme les objectifs de croissance de la masse monétaire.
La politique de cible de l’inflation peut donc être vue comme un dispositif in-
stitutionnel visant à garantir la primauté attribuée à la lutte contre l’inflation
comme objectif prioritaire de la BC. La simplicité de la règle permet une forte
transparence ainsi qu’une évaluation facile de la réussite de la politique menée.

4.3.2 Comment représenter la politique de ciblage d’inflation dans


le modèle Barro-Gordon ?
La politique de ciblage d’inflation revient en quelque sorte à un cadre avec
banquier central conservateur, dans la mesure où la lutte contre l’inflation est

18
relativement plus importante pour le banquier central que pour la société. Imag-
inons que l’économie soit toujours représentée par l’équation de chômage suiv-
ante :
Ut = ⇡te ⇡t + ✏t
La fontion de perte pour la société est semblable aux précédentes, mais on
ne suppose pas forcément la cible d’inflation nulle :
2 2
Ut Ū (⇡t ⇡
¯)
Lt = +✓
2 2
La fonction de perte de la BC a le même ✓ mais peut avoir des cibles dif-
férentes :
2 2
Ut Ū B ⇡t ⇡ ¯B
LB
t = + ✓
2 2
Supposons dans un premier temps que l’on applique la politique avec les
préférences de la société. Si l’on résout le modèle exactement de la même façon
que dans la situation de base du modèle de biais inflationniste, on a l’inflation
suivante à l’équilibre (la seule différence provient de la présence de la cible
d’inflation, qui était égale à 0 dans le cadre initial) :
1 1
⇡t = ⇡
¯ Ū + ✏t
✓ 1+✓
On a ✓ ◆
1
E (⇡t ) = ⇡
¯ Ū > ⇡
¯

L’équilibre de premier rang est atteint lorsque ⇡t = ⇡ ¯ . On voit qu’il n’est
pas atteint ici, en raison du biais inflationniste mis en évidence précédemment.
Si c’est le banquier central qui applique sa politique, on a le taux d’inflation
suivant :
1 B 1
⇡tB = ⇡
¯B Ū + ✏t
✓ 1+✓
soit ✓ ◆
B B 1
E ⇡t = ⇡ ¯ Ū B

Si l’on veut atteindre l’optimum de premier rang, il faut donc fixer E ⇡tB =
¯ , soit :
⇡ ✓ ◆
1
¯B = ⇡
⇡ ¯+ Ū B

Si comme pour la société, on a Ū B < 0, on a ⇡
¯B < ⇡¯ . Le taux d’inflation
pratiqué à la date t sera donc :
✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆
1 1 1 1 1 1
⇡tB = ⇡¯B Ū B + ✏t = ⇡
¯+ Ū B Ū B + ✏t = ⇡¯+ ✏t
✓ 1+✓ ✓ ✓ 1+✓ 1+✓

19
On a donc bien E ⇡tB = ⇡ ¯ . L’inflation est égale à sa valeur à l’optimum de
premier rang. En terme de chômage moyen, on a toujours E (U ) = 0. Il s’agit
bien d’un équilibre optimal, sans coût en termes de variabilité de l’emploi et de
l’inflation, car celles-ci sont celles de l’équilibre discrétionnaire. On a en effet

 ✓ ✓ ◆ ◆ 2
B
⇥ ⇤2 1 B 1 1
V ar ⇡ = ⇡tB E ⇡tB = ⇡
¯ B
Ū + ✏t ⇡
¯ B
Ū B
✓ 1+✓ ✓

soit ✓ ◆2
1
V ar ⇡ B = 2
1+✓
Concernant le chômage, en rappelant que ⇡te = E ⇡ B , on a :
2 2
V ar (U ) = [Ut E (Ut )] = [⇡te ⇡t + ✏ t E (Ut )]

 ✓ ✓ ◆ ◆ 2  ✓ ◆ 2
1 1
V ar (U ) = ⇡
¯ ⇡
¯+ ✏t + ✏t = ✏t 1
1+✓ 1+✓

Soit au final ✓ ◆2
✓ 2
V ar (U ) =
1+✓
On a exactement les mêmes variances que dans le cas discrétionnaire, et
les valeurs moyennes du cas avec règle. Le ciblage de l’inflation permet donc
d’atteindre sa cible en moyenne, tout en se donnant de la flexibilité pour répon-
dre aux chocs.
On note que la cible de chômage apparait dans la fonction de perte de la
BC. Un cas de ciblage d’inflation “stricte” consisterait à poser comme dans
le cas du banquier central conservateur un terme ✓B ! 1. Blinder, dans
un livre paru en 1998, raconte son expérience au sein du comité de politique
monétaire de la Federal Reserve et dit qu’un tel cas représente très mal la façon
dont les banquiers centraux se comportent en réalité, de la même façon qu’ils
ne cherchent pas une cible de chômage inférieure aux estimations du taux de
chômage naturel1 . L’écart entre la cible de chômage et le taux de chômage
naturel, ainsi que la valeur du paramètre ✓ indiquent dans une certaine mesure
l’horizon de temps décidé par la BC pour atteindre sa cible. Celle-ci le sera
immédiatemment lorsque ✓B ! 1 mais cela prendra plus de temps dans les
autres cas. On peut alors parler de ciblage de l’inflation “flexible”.
Le point à garder en tête est de se dire que la délégation à une autorité
monétaire avec des préférences permet d’obtenir le résultat désiré. Il y a tout
1 Une difficulté à ce sujet est la possibilité que le taux de chomâge naturel fluctue au cours

du temps. Par exemple, lors de la phase économique de la fin des années 90, qui a correspondu
à la “nouvelle économie”, pour certains le taux de chômage naturel avait diminué, ce qui rendait
la politique monétaire habituel trop restrictive.

20
de même un problème posé par ce cadre, à savoir que ce qui est atteint par la
BC est la cible d’inflation de la société ⇡
¯ , mais jamais sa propre cible d’inflation
¯ B , qui sera systématiquement dépassée (on a ⇡
⇡ ¯B < ⇡¯ ). Un banquier central
considéré comme efficace dans notre modèle est un banquier central qui n’atteint
jamais la cible qui lui est assignée. Le risque est alors de perdre en crédibilité
sur le fait de vouloir réellement atteindre ⇡ ¯ B plutôt que ⇡¯.

4.3.3 Critiques des politiques de ciblage de l’inflation


Critiques générales Un problème lié à cette politique est que dans la pra-
tique, la BC ne contrôle pas très facilement le taux d’inflation. Beaucoup de
facteurs influençant l’inflation sont hors de contrôle de la politique monétaire et
les effets de celle-ci sont en général longs à se traduire dans les faits (on estime
qu’une action de politique monétaire du type changement de taux directeur a
un impact maximal sur l’inflation de 12 à 18 mois plus tard, ce qui conforte la
formule de Milton Friedman sur les délais “longs et variables” de la politique
monétaire). Il est donc parfois difficile, lorsque la cible n’est pas atteinte, de
distinguer ce qui est du ressort de la BC et ce qui est du ressort de facteurs non
contrôlés. Or, comme l’intérêt de cette politique repose sur l’idée de respon-
sabilité de la BC et de sa politique dans ce qui advient, cette politique peut
perdre de son intérêt.

Critiques plus récentes L’économiste de Harvard Jeffrey Frankel a suggéré


en 2012 que la politique de ciblage de l’inflation avait été fortement remise en
question avec la crise financière de 2008. Cette politique a pour lui amené les BC
a accordé beaucoup trop d’importance à l’inflation et trop aux questions de prix
d’actifs. Cette politique a également généré selon lui des répones inappropriées
à certains types de chocs. D’autres règles sont également possibles, telles que le
ciblage du revenu nominal, qui donne une trajectoire de revenu à suivre, fonction
du potentiel de long terme. Cette règle n’intègre pas le suivi du prix des actifs
mais permet une meilleure réaction aux chocs sur la production.

4.3.4 La politique de ciblage du revenu nominal


Une politique de ciblage du revenu nominal consiste à déterminer une trajectoire
de revenu nominal à travers le temps. Le revenu nominal ciblé augmente avec le
taux d’inflation ciblé ainsi que le taux de croissance ciblé, tandis que le ciblage
de l’inflation ne s’occupe que de l’inflation, négligeant les chocs sur le produit.
L’avantage de cibler le produit nominal est de tenir compte des chocs sur la
production. Si celle-ci est trop faible, alors la BC doit mener une politique
expansionniste, qui augmente à la fois l’inflation et la production (si la relation
du type courbe de Phillips est robuste). Une relation du type courbe de Phillips
est centrale dans le bon fonctionnement de ce mécanisme. En effet, si la valeur
du produit nominal est supérieur à sa cible, cela peut impliquer que soit la
croissance est trop forte, soit l’inflation est trop forte (soit une combinaison
des deux). L’action à mettre en place reste la même que l’origine soit l’une ou

21
l’autre, car ralentir une politique monétaire restrictive ralentit à la fois l’inflation
et la production.
On se retrouve donc dans une situation où la BC utilise une règle annoncée
comme dans le cas du ciblage de l’inflation, mais avec la particularité supplé-
mentaire de tenir compte des variations de la production et d’y réagir, ce qui
n’est pas le cas dans la situation précédente.
Dans la pratique, le ciblage du revenu nominal est compliqué à implémenter
pour plusieurs raisons. D’une part, la procédure est plus technique et plus
complex, notamment parce que la cible est plus compliquée à comprendre et
retenir et également car le PIB fait l’objet de plusieurs mesures de révision
chaque année. La véritable évolution du PIB n’est ainsi connue qu’avec un
certain retard, ce qui pose des problèmes en termes de communication.

4.4 L’idée de contrats optimaux pour les banquiers cen-


traux
Une autre façon de raisonner en termes de différences d’objectifs entre société
et banquier centraux à qui l’on délègue l’autorité monétaire est de rajouter des
incitations privées à destination des banquiers centraux. La question est de
savoir si le gouvernement peut proposer au banquier central un contrat inci-
tatif permettant de faire disparaitre le biais inflationniste tout en lui laissant la
possibilité de répondre aux chocs.
Pour montrer cela, on reprend la fonction de perte du banquier central, dans
laquelle on introduit un terme supplémentaire d’incitation privée (par exemple
une prime monétaire au banquier central en cas de réalisation d’objectifs). Ce
terme de récompenser privée à destination du banquier centrale prend donc une
forme du type ! (⇡t , Ut ) dont la forme optimale précise est à déterminer.
Supposons une forme linéaire de récompense qui dépend uniquement de la
performance d’inflation, du type ! 0 ⇥ (⇡t ⇡ ¯ ) où ! 0 est un coefficient à déter-
miner représentant la pénalité du banquier central pour chaque unité de dévia-
tion de l’inflation. On peut ainsi réécrire la fonction de perte du banquier central
de la façon suivante (on suppose les autres paramètres de sa fonction de perte
alignés sur ceux de la société, la seule différence réside dans cette incitation
privée) :
2 2
Ut Ū (⇡t ⇡
¯)
LB
t = +✓ + ! 0 ⇥ (⇡t ⇡
¯)
2 2
Le chômage est toujours donné par

Ut = ⇡te ⇡t + ✏ t

L’inflation d’équilibre obtenue dans ce cas est alors égale à

!0 1 1
⇡t = ⇡
¯ Ū + ✏t
✓ ✓ 1+✓

22
On voit que l’optimum de premier rang est atteint en fixant ! 0 = Ū comme
pénalité pour chaque unité de déviation de l’inflation par rapport à la cible de
la société. Dans ce cas, on a E (⇡) = ⇡ ¯ et les variances restent celles du cas
dicrétionnaire, avec donc limitation des fluctuations du chômage. La pénalité
est vue comme une façon de décourager la banquier central à faire une politique
inflationniste.
Un élément important est que le schéma incitatif est ici très simple, mais cela
résulte du fait que l’économie modélisée soit très simple. Dans une structure
plus complexe, le schéma devient lui même plus complexe. En cas de chocs
multiples, un contrat optimal doit spécifier toutes les contigences possibles, ce
qui serait très compliqué à faire en pratique.
Un autre type de règle peut consister à renvoyer le banquier central dès lors
qu’un seuil d’inflation est dépassé. Walsh (1995) montre que les propriétés de
ce contrat peuvent être similaires à celles du contrat précédent. Un schéma de
ce type a été d’une certaine façon mis en pratique en Nouvelle Zélande. Le
banquier central du pays décide de la trajectoire d’inflation à suivre avec le
gouvernement et est ensuite responsable de l’atteinte ou non de cette cible2 .
Une autre critique possible est à nouveau celle du déplacement du problème
de l’incohérence temporelle. Est-ce que le gouvernement aura bien intérêt ex
post à pratiquer la punition annoncée ?

5 Réputation et crédibilité
Dans la section précédente étaient présentées des solutions au biais inflationniste
qui reposaient sur l’existence d’arrangements institutionnels et légaux ou sur la
délégation de l’autorité monétaire. Dans cette section, nous étudierons la façon
dont la crédibilité peut être construite via des effets de réputation. Réputation
et crédibilité ne sont pas la même chose. Nous avons montré que la crédibilité
pouvait se gagner via des arrangements institutionnels qui en tant que tels ne
faisaient pas appel à la notion de réputation.

5.1 Définition de la réputation


L’idée de réputation se réfère aux croyances que l’on se fait à propos des carac-
téristiques d’un individu ou d’une entité puis d’inférer comment ces caractéris-
tiques vont influencer leur comportement. Dans notre cadre, cela va revenir à
penser la réputation en termes d’inférence sur les actions futures des décideurs
politiues. L’inférence sur le comportement futur se fait sur la base du comporte-
ment passé du décideur politique. Les actions de ce dernier construisent donc
sa réputation future auprès des agents privés et il doit en tenir compte lors de
chacune de ses prises de décision. Il est donc nécessaire d’introduire dans notre
2 Les étudiants interessés par la question de savoir si la Nouvelle-Zélande a effectivement

suivi un schéma de ce type peuvent lire l’article suivant de Walsh (1995) dans le JMCB :
http://people.ucsc.edu/~walshc/MyPapers/RBNZActJMCB1995.pdf

23
cadre la possibilité d’interactions répétées entre les agents, ce qui n’était pas le
cas pour l’instant.

5.2 Un modèle de réputation en information complète


Dans les modèles étudiés précédemment, le cadre était celui d’un problème dy-
namique, que nous pouvions ramener à un problème statique (“one-shot game”)
en supposant qu’il n’y avait pas de lien entre le choix du gouvernement sur
l’inflation courante et toute variable future pertinente. La politique économique
est dans ce cadre une suite de problèmes statiques identiques. Dès lors que nous
introduisons des effets de réputation, cette hypothèse n’est plus possible, car les
choix faits aujourd’hui en matière d’inflation vont influencer les anticipations
demain.
Nous étendons ici une version simplifiée du modèle à un cadre d’interactions
répétées. Les préférences du gouvernement sont toujours parfaitement connues
(information complète). Il s’agit donc d’introduire dans ce cadre une possibilité
de “punition” de la part des agants privés, de telle sorte que cette punition
corrige tout comportement déviant du gouvernement.

5.2.1 Une version statique du modèle simplifié


Nous proposons une version simplifiée du modèle sur deux éléments : les chocs
sur le chômage ne sont plus pris en compte, et la perte associée au chômage n’est
plus quadratique par rapport à une cible mais linéaire par rapport à son niveau.
Nous supposons ainsi les formes suivantes (la cible d’inflation est supposée égale
à 0 de nouveau pour simplifier):

Ut = ⇡te ⇡t

✓ 2 ✓ 2
Lt = U t + (⇡t ) = ⇡te ⇡t + (⇡t )
2 2
En termes de représentation des préférences, cette spécification a deux im-
plications :
1. L’avantage est que pour un taux d’inflation donné, le gouvernement préfère
toujours avoir un taux de chômage plus faible, ce qui semble assez réaliste.
2. En retour, le fait que la perte associée au chômage soit linéaire tandis que
celle associée à l’inflation soit quadratique fait que l’arbitrage entre les
deux termes peut se modifier. Pour un certain niveau d’inflation, il sera
toujours préférable d’accepter de larges variations du chômage pour éviter
de petites variations de l’inflation.
Le biais inflationniste existe toujours dans ce cadre. La CPO donne en effet
l’action optimale suivante pour la banque centrale :
1
⇡t =

24
et cela quelle que soit la valeur de l’inflation anticipée ⇡te . On observe alors
que tant que l’on n’a pas ✓ ! 1, on a ⇡t > ⇡ ¯ = 0. Or, en parallèle, dans ce jeu
statique, on a
1
⇡te = E (⇡t ) =

On a donc Ut = 0. Il existe donc également un biais inflationniste dans ce
modèle (biais que l’on peut toujours résoudre par la mise en place d’un banquier
central conservateur).

5.2.2 Le modèle avec jeu répété


Nous prenons le modèle présenté mais cette fois-ci dans un cadre intertemporel.
Le problème du gouvernement en t devient de choisir une séquence de taux
d’inflation ⇡s de façon à minimiser sa fonction de perte intertemporelle espérée
⇤t (composée des fonctions de perte instantanées actualisées au taux à chaque
période, soit le taux d’actualisation s pour la perte de la période s). Celle-ci
s’écrit comme :
T
! T ✓ ◆
X X ✓
s s
⇤ t = Et Lt+s = Et Ut+s + ⇡t+s
s=0 s=0
2

Une question d’importance est celui de l’horizon temporel de la BC T . En


effet, les résultats obtenus sont impactés par le fait que cet horizon temporel
soit fini ou infini.
Le taux de chômage à chaque date reste déterminée par

Ut = ⇡te ⇡t

La fonction de perte de la date t reste également identique à celle de la


sous-section précédente :
✓ 2
Lt (⇡t , ⇡te ) = ⇡te ⇡t + (⇡t )
2
Si on suppose que les anticipations sont toujours déterminées comme précédem-
ment, ce jeu répété donne exactement les mêmes solutions à chaque date que le
jeu statique, soit
1
⇡t =

Si on suppose à présent que les individus fondent leurs anticipations à par-
tir des observations passées, les choses changent. On continue de supposer que
l’information du secteur privé reste complète, c’est-à-dire que celui-ci connait
parfaitement les préférences de la BC et le problème auquel elle fait face. Dès
lors que l’on suppose une règle d’anticipation de ce type, plusieurs modélisa-
tions sont possibles. Nous utiliserons une modélisation très simple, où le public
anticipe une inflation nulle tant que le gouvernement a joué un taux d’inflation
conforme à ces anticipations par le passé (on suppose une anticipation semblable

25
pour la période 0). Si à une date donnée, le gouvernement ne joue pas ce qui
était anticipé, le secteur privé anticipe alors que sera joué ultérieuement une
politique inflationniste. On parle dans ce cas de “trigger strategy” (ou stratégie
de punition) : tout “bon” comportement de la BC induit en retour un comporte-
ment coopératif qui se traduit ici par des anticipations d’inflation nulle. Tout
comportement “déviant”, même unique, induit une révision des anticipations,
cette révision pouvant même avoir un caractère “punitif”.
On a ainsi le schéma suivant :
t=0 ⇡e = 0
t>0 ⇡te = 0 si ⇡t 1 = ⇡te 1

t>0 ⇡te = autrement

où  1 représente le degré de “punition” infligé en cas de comportement
“déviant” de la part de la BC.
Si T est fini (horizon fini), il faut spécifier les anticipations de dernière péri-
ode. Le secteur privé sait qu’il ne pourra pas punir ultérieurement un comporte-
ment déviant et joue donc une prévision de politique inflationniste. Si la BC a
coopéré la période précédente, il joue simplement l’inflation d’équilibre sur une
période. Si ce n’est pas le cas, il joue une prévision d’inflation “punitive” (soit
 > 1), soit :
1
t=T ⇡Te = si ⇡T 1 = 0


t=T ⇡Te = autrement

5.2.3 L’équilibre de Nash


L’objectif ici est de montrer qu’avec l’annonce d’un tel schéma d’anticipations
de la part du secteur privé, la BC n’aura aucun intérêt à dévier de la politique
d’inflation nulle (excepté lors de la dernière période quand le jeu a un horizon
fini).

L’équilibre de Nash du jeu avec horizon fini Dans un jeu répété, un


équilibre de Nash est défini comme le fait que chacun des joueurs joue sa stratégie
d’équilibre (ici une séquence de décisions optimales), étant donné le comporte-
ment d’équilibre des autres joueurs.
Voyons si la politique d’inflation nulle est effectivement un équilibre de Nash.
On étudie le jeu en partant de la dernière période. Lors de celle-ci, on a en cas
de politique d’inflation nulle, soit ⇡T 1 = 0, l’anticipation suivante pour T :
1
⇡Te =

A la date T, le choix optimal du gouvernement consiste à jouer effectivement
1
⇡T =

26
qui est la solution optimale de son programme dans le jeu à un coup.
On remonte ensuite d’une période, en T 1, afin de voir si il est effectivement
optimal pour le gouvernement de jouer ⇡T 1 = 0. On sait que la valeur optimale
de l’inflation pour la BC est à chaque date égale à 1/✓, quelle que soit la valeur
anticipée. On suppose que le secteur privé anticipe une politique d’inflation
nulle, soit
⇡Te 1 = 0
Si le gouvernement accomode ces anticipations en jouant une inflation nulle,
sa perte instantanée sera donc LT 1 (0, 0) = 0. Si le gouvernement joue son
taux d’inflation optimal, sa perte instantanée devient alors
✓ ◆ ✓ ◆2
1 1 ✓ 1 1
LT 1 ,0 = + =
✓ ✓ 2 ✓ 2✓

On voit donc que sa perte est plus faible et que l’intérêt à dévier existe
(le gain est égal à 1/ (2✓)) . Il y a toutefois un coût à cette déviation, qui
provient de la punition survenant à la date T , prenant la forme d’anticipations
d’inflations fortes (et donc d’un chômage plus élevé en T ). Plus précisemment,
les anticipations en T seront de /✓ au lieu de 1/✓. La perte sera donc plus
forte demain. La valeur actualisée de cette perte supplémentaire est égale à :
 ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆
1  1 1  1 1 1 1
LT , LT , = + = ( 1)
✓ ✓ ✓ ✓ ✓ 2✓ 2✓ ✓

La BC choisira donc de respecter les anticipations d’inflation en T 1 tant


que le gain procuré par une déviation à cette date ne compense pas le coût en
T , soit tant que ✓ ◆
1 1 1
 ( 1) ()  1 +
2✓ ✓ 2
On voit donc que  > 1. Il faut donc mettre en place une menace de punition
pour que la BC ait intérêt à suivre la politique d’inflation nulle. Lorsque cette
condition est respectée, on voit que la BC n’a plus d’intérêt à dévier de l’inflation
nulle, sauf en dernière période, où plus aucune punition ultérieure n’est possible.
Si l’on remonte encore d’une période en arrière, on observe que l’on retrouve
exactement le même arbitrage. On peut donc remonter le jeu jusqu’à la période
0 et on observe que la politique d’inflation nulle de 0 à T 1 est donc un
équilibre de Nash, dans le sens où il est optimal pour le secteur privé de jouer
⇡te = 0 et pour la BC de jouer ⇡t = 0. Aucune déviation n’est unilatéralement
profitable compte tenu du mécanisme de sanction annoncé. A la date T , il est
optimal pour chaque jouer de jouer ✓1 . A nouveau, personne n’a intérêt à dévier.
Nous sommes donc bien dans un équilibre de Nash fondé sur une hypothèse de
mécanisme de punition du secteur privé, qui incite la BC à conserver sa “bonne
réputation”, dans le sens où elle ne cède jamais à sa tentative d’augmenter le
taux d’inflation pour faire diminuer le chômage.
On note que la menace a simplement besoin d’exister. A l’équilibre, elle
n’est jamais pratiquée.

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5.2.4 Le problème de la rationalité séquentielle
Toute menace pose la crédibilité de son application lorsqu’elle doit être ap-
pliquée. Le problème de la solution précédente est que si jamais le gouverne-
ment décide malgré tout de dévier du “bon comportement”, alors il ne sera
pas rationnel pour le secteur privé de punir le gouvernement en pratique des
anticipations d’inflation élevées.

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