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Essai sur les privilèges

([Reprod.]) [par Sieyès]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Sieyès, Emmanuel-Joseph (1748-1836). Essai sur les privilèges
([Reprod.]) [par Sieyès]. 1788.

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nez que c\fl une p?uvic

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pofOHloj chlï
bouUvcifc»' i! hflhâ de
les uns ,de cîécowfiger les
auc^v?
leur dans leur nature» ££'.
Elle m'engageroit f quant à l'orig ne
dans une difcufrion de faits c'eft-à-clire
dans une querelle interminable ar,
que ne trouve-t-on pas dans les f its
en cherchant comme l'on cher he ?
J'airne encore mieux fùppofer fi l'on
veut, aux Privilèges l'origine la plus
pure. Leurs partifans, c'efl-à-dire à peu-
près tous ceux qui en profitent ne peu-
vent exiger davantage.
Tous les Privilèges, fans diftinéVion
ont certainement pour objet ou de dif-
penfèr de la loi, ou de donner un droit
cxcluffk quelque chofe qui n'eft pas
défendu par la loi. Ce qui conftitue le
Privilège efl d'être hors du droit com-
mun, & l'on ne peut en fortir que de
l'une ou de l'autre de ces deux manières.
Nous allons examiner, fous ce double
point de vue tous les Priviléges à la
fois.
Demandons-nousd'abord quel efl l'ob-
jèt fans doute d'empêcheur
qu'il né foift porte atteinte à la liberté 6u|:
la propriétéde quelqu'un. On ne fait pas
des loix pour le plaifir d'en faire. Celles
qui n'auroient pour effet que de gêner
mal-à-propos la liberté -des Citoyens,
feroient contraires à la fin de to te
afïbciation il faudroit fe hâter de es
abolir. Il 'eft une loi mére d'où tou es
les autres doivent découler 'ynt fais point
de tort autrui. C'eII cette grande oi
naturelle que le Législateur donne en
quelque forte en détail dans les diver es
applications qu'il en fait pour le bon
ordre de la fociété & d'où réfultent
toutes les loix pofitives. Celles qui peu-
vent erppêcher qu'on ne faffe du tort à
autrui font bonnes. Celles qui ne fervi-
roiént à ce but ni médiatement ni imrmé.
diatement, font néceffairement mauvai-
fes car elles gênent la liberté, & font
oppofées aux véritables bonnes loix.
Le long afrerviffemcnt des efprits a
introduit les préjugés les plus déplora-
bles. Le peuple croit prefque de bonne.
foi 'qu'il n'a droit qu'à ce qui lui eft
permis par des loix exprêflès. Il fe noble
ignorer que la liberté eft antérieure 1 a
toute fociété à tout Légillateur que,-
les hommes ne fe font réunis que pour
fnettfe leurs droits a couvert des et..
pfifes des méchans & pour fe li rer,
à l'abri de cette Sécurité, à un dévelop-
pement plus étendu, plus énerg que,
& plus fécond en jouiflances'de leurs
facultés morales & phyfiques. ,Lc Lé-
giflateur eft établi, non pour acco der,
mais pour protéger nos droits. S'il orne
notre liberté, ce ne peut être que pour
les actes qui feroient nuifibles à la fo-
ciété, Se par conséquent la liberté ivile
s'étend à tout ce que la loi ne d fend
pas.
A ,l'aide. de ces principes élémentai-
res, nous pouvons juger les privilèges*
Ceux qui auroient pour objet de di(^
penfer de la loi ne peuvent pas fe
foutenir. Toute loi, avons nous ob-
fervé dic ou dbectemenc ou indirec-
tement, ne fais point ton à autrui. Ce
feroit donc te aux
vous de faire ton à autrui,
pas de pouvoir à qui il foit dpnne de]
faire une pareille conceflion, Si U loij
eft bonne, elle doit obliger tout le,
monde li elle efl mauVaifc, il fatft
l'anéantirelle eft un attentat contre
la liberté.
Pareillement on ne peut donner à
perfonne un droit exclusif à quelque
chofe qui n'en pas défendu par la ou
ce feroit ravir aux citoyens une poriiotv
de leur liberté. Tout ce qui n'eft pas
défendu par la loi, avons-nous obfcrvé
auflî eft du domaine de ia Kb;rtç
civile & appartient à tout le mouch.
Accorder un privilège cxclufif à.qiief-
qu'ùn fur ce qui appartient à tout te.
monde, ce feroit faire tort à toufcli^
monde paai1 quelqu'un. Ce qui jjrê-
fente à la fois l'idée de Tinjùftiçé ÔC
de la plus abfurde dérâifoiK
Tous les privilèges font donc pdr hi
nature dés choses, injuftes, odieux; iSc
fin fupréme de touje
fociété politique. Les priviléges honori-
fiques ne peuvent être fauvés de la pro [-
cription générale, puisqu'ils ont un des
cara&ères que nous venons de remar-
quer, celui de donner un droit exclufif
ce qui n'eil pas défendu par I loi;
fans compter que fous le titre hypo-
crite de priviléges honorifiques, il n'eit
prefque point de profit pécuniaire qu'ils
ne tendent à envahir. Mais comme
méme -parmi les bons efprits ti en
trouve plufieurs qui fe déclarent pour
ce genre de privilèges ou du moins
qui demandent grace pour eux, il eft
bon d'examiner avec attention, fi réel-
lement ils font plus excufables que les
autres.
Pour. moi, je le dirai franchement je
leur trouve un vice de plus, & ce vice
me paroît lé plus grand de tous; G'eft
qu'ils tendent à avilir le grand corps
des Citoyens, & certes, ce n'eft pas un
petit mal fait aux hommes que de les
ment on a pu co&ferjttrà vouloir eiafi
humilier vingt -cinq
mille hommes, pour ert honorer ridk u-
lement trois cent milte, II n'y* -affùté-
ment là rien de conforme à l'intcrdo'é-
néral. i
Le titre le plus favoraKlc, îà la xon-
ceffion d'un PrtvUégeihonorifique :re-
roit d'avoir rendu un .grandfervicé.à la

peut être que


Eh bien
bien mérité,du
l'abfurde folie de rabaifler le corps.-viis-
à-vis du
eft toujours la ebofe principale; la chbfe
qui eft fervie. Doit-elle, en aâbuiî fens,
être facrifiée au Serviteur qui
dû un prix que pour. l'avoir fervie?
Une contradiction aufli choquapte/ au-
roit dû ft faire généralementfentir?JE;©ia
de-,là, notre réfultàt paroîtra peut-^trç
nouveau ou du moins fort étrange^
une qui rép u e
la raifon, & s'offènfe même' du ou
Quelques peuples fauvagesté plaifèntjà
de ridicules difformités, & leur rendent
l'hommage dû la beauté naturelle.
Chez les Nations Hyperboréennes c'èft
à des éxcroifiancespolitiques, bie plus
difformes^ ôe- fur-tout bien autrement
deflèthent le corps-
fodalyqife l'on pïodigufe de cupides
hommages^;Mai* la fupérftitionpane,
reparoit
dans:toute fa force 6c fâ beauté natu-
Telle. >• -.v. • .- •'•
que vous ne
-voulez pas recohnôftre les fervices ren-
,du'$ à l'Etat? Pardonnez-moi, niais je
'ne fais cohiiîler les récompenses ce l'E-
tat en aucune choie qui foit injufte ou
perîfei? ^quelqu'un aux dépens <^un autre.
Ne-,confondons point deux chofe$ auflî
différentes entr'elles, que le font le*
Privil/g<s & les récompenfes.
_vous de lerviccsr ordinaires?.
Il y à. jfour les acquitter les falaires or-
dinaires1, ou des gratifications de même
nature. S'agit-il d'un fervice important,
d'une; aéïion d'éclat ? offrez
ou un avan-
cernent rapide de grade, ou un emploi
diftingué en raifon des talens de celui
que vous avez :à récompenfer. Enfin,
s'il le faut, ajoutez la reffource d'tne
penfion, mais dans un très-petit nombre
de cas, & feulement, lorfqu'à caufe es
circonltances telles
_que vieillefle, bkC-
fures, &c. &c: aucun autre moyen né
peut tenir lieu de récompenfe fuffifa te.
Ce n'eft pas aflèz, dites-vous it
nous faut encore de%diftincYions appa-
rentes. Nous voulons nous aflTurer les
égards & la confidération publique. A
mon tour, je vous réponds avec lëiiriijpjè
bon fens, que la véritable diftinc*Woh
eft dans le fervice que vous avez rendu
à la Patrie, à l'humanité, que les
égards & la considération publique né
peuvent manquer d'aller ou ce enre
de mérite les appelle.
Laifïêz binez le Public clfpènfer
librement les témoignages de fo effime.
Lorfque dans vos vues philofc phoques
vous la confidérez, cette eftime commue
une monnoie morale puiffante pair fes
effets, vous avez raifon; mais fi vous
voulez que le Prince s'en arroge la dis-
tribution» vous vous égarez d ns vos
idées. C'eft un bien du Public; c'efl
fa dernière propriété; & la nature plus
philofophe que vous n'a attaché le
fentiment de la confidération, qu'à la
feulé reconnoiffance du Peupl;. Ceft
que là,, & là uniquement n:fide la
Patrie là font les véritables befoins
ces befoins iâcrés que les Gouverne-
mens dédaignent mais qui feront
éternellement l'objet adoré de la
vertu
& du génie. Ah laiflèz-^nle prix
naturel couler librement duièin de la
iJation, pour acquitter fa dette, Ne
dérangez tien a ce fublime commerce
entre les fervices rendus aux Peuple»
par les Grands Hommes, & le tribut d^
considération offert aux Grands Homf
mes par les Peuples. Il eft pur,
il en:
vrai il eft fécond en bonheur & en
vertus, tant qu'il naît de ces rapports
naturels & libres.
Mais fi la Cour s'en empare, ell le
corrompt, elle le perd. L'eftime pu-
blique va s'égarer dans les canaux em-
poifonnés de l'intrigue de la faveur
ou d'une criminelle complicité. La vertu
& le génie manquent de récompense,
& à côté, une foule- de fignes j6c
de décorations diverfement bigarr s
commandent impérieufement le refpec\
les égards envers la médiocrité,, la
baflefle &le vice; enfin, les honneurs
étouffent l'honneur, & les ames.ibnt
dégradées.
Mais je veux bien que, vertueux vous-
même, vous ne confondiez jamais ce-»
lui qui eft digne de récomperifè^avec
celui qu'il faudroit punir; au "moins
faut-il convenir que la diflin&ion que,
vous avez accordée, fi celui qui la porte;
vient à dégénérer ,v ne peut plus fervir;
qu'à faire honorer un homme bas
peut-être un ennemi de la Patrie. Vous
avez aliéné, fans retour, en fa faveur, une
portion de la çopfidération publique.-
Au contraire Périme qui érriane des
Peuples, néceffairement libre, fe r tire
à rinçant qu'elle ceflfe d'être méritée.
C'eft-là le feul prix toujours proportionne
à Pâme du Citoyen vertueux; le eul
propre à infpirer de bonnes a&ions,
& non à irriter la foif de la vanité &
de l'orgueil, le feul qu'on puiflè re-
chercher, & obtenir fans manoeuvres
& fans baflèflè.
Encore une fois, làiflèzles Citoyen
faire les honneurs de leurs
& fe livrer, d'eux-mêmes, à cette ex;
preffion fi iîatteufe, fi encourageante
Qu'ils iàve,nt leur donner comme par
Inspiration j. Ôc vous connoîtrez ajow
au libre concoures de toutes lés attt»
qui ont de l'énergie, aux efforts mul-
tipliés dans tous les genres de bien, ce
que doit produire, pour l'avancement
focial, le grand reffort de l'eftime pu-
blique.
Mais votre parefle & votre orgueil
s'accommodent mieux des Privilèges. Je
le vois, vous demandez moins à e re
diftîngué par vos Concitoyens, que v us
ne cherchez à être diilingué de vos Con-.
citoyens. Si cela eft, vous ne mériter
ni l'un ni l'autre, & ce ne peut lus.
être de vous qu'il s'agit, quand on s'oc-
cupe des récompenfes à -décerner au
mérite.
De ces confidérations générales fur
les Privilèges honorifiques, descendons
dans leurs effets, Soit relativement à l'in-
térêt public, foit relativement à l'inté-

Au moment où le Prince imprime à


un citoyen le caractère de privilégié, il^
Quvre fame de ce citoyen à un intérêt
particulier la ferme plus ou moins
aux infpirations de l'intérêt commun.
L'idée de Patrie fe reflerre pour 1 i; elle
fe renferme dans la cafte oû il e ado-
pté. Tous fes efforts auparavant em-
ployés avec fruit au fervice de la chofe
nationale vont fe tourner contre elle.
On ,vouloit l'encourager à mieux faire
on n'a réuffi qu'à le dépraver. Alors naît
danssfon ame une forte de befoin de
primer, undéfir infatiable de domina-
tion. Ce défir malheureufemen trop
analogue à la constitution humaine, eft
une vraie maladie anti-fociale. Il n'eft
perfônne qui n'ait dû le fentir mill fois
& fi par fon eflence il doit toujours
être nuifible, qu'on juge de fes ravages,
lorfque Popinion & la loi viennent lui
prêter leur puiffant appui.
Pénétrez un moment dans les nou-
veaux fentimens d'un privilégié. Il 'le
confidere avec fes collègues, comme
faifant un ordre à part, une nation choi-
Ce dans la naxjon. Il penfe ,qu'il fe doit
d'abord à ceux de & cafte & s'il con-
tinue à s'occuper des autres, ce ne font
plus en effet que les autres, ce ne iôn
plus les fiens. Ce n'eft plus ce corps do
il étoit membre. Ce n'eft que le Peuple
le Peuplé qui bientôt dans fon langage,
ainfi que dans fon coeur n'eft qu'ui
aflemblage de gens de rien une cïaflb
d'hommes,créée tout exprès pour fervir,
au lieu qu'il eft fait, lui, pour comman-
der, & pour jouir. Oui, les privilégi
regard r
en viennent réellement à fe
comme une autre efpece d'hommes (1.
Cette opinion en apparence fi exagérée
& qui ne parok pas s'allier avec la nc^
non du Privilège en devient infenfiblj-
ment comme la conféquence naturelle
& finit par s'établir dans tous les efprits.
7e le demande à tout privilégié franc éc

(i> Comme je ne veux pas qu'on m'acçufe


d'exagérer, lifo à la fin une piece authentique
& cuneufe que je tire du Pro^ès-verbd de l'Ordsc
de la Nobkfie aux Etats de
loyal
voit comme fans doute il s'en e;
auprès de lui un, homme
du Peuple qui n'eft pas venu 1 pour
fe faire protéger n'éprouve-t-il as le
plus fouvent, un mouvement involon-
taire de répulfion, prêt à s'échapjîer fur
le plus léger préxexte par quelque pa-
role dure, ou quelque gefte mépiifam ?
Le faux ientimenr d'une fupcriofité
perfonnelle efl tellement cher au privi-
légiés, qu'ils veulent l'étendre tous
leurs rapports avec le refte des citoyens.
Ils re font point- faits pour être confon-
dus, pour être à côté, pour fe trouver
ehjemble &c. &c. C'eil fe TOa^i/ej-eflèn-
tiellement, que de difputer, que de pa-
rôître avoir tort quand on a ton: c'eft
fe cômpromettre même que d'avoir raifon
avec, &c. &c. Mais il faut voir fur-
tout dans les campagnes éloignées, dans
les vieux Châteaux, comment ce fenti-
ment ee nourrit, & s'enfle au fein d'une
otgueilieufe Ôifiveté. Ceft la qu'on le
reïpec'te, qu'on fait tout ce que vaut un
comme il faut qu'on méprife'lej'atitres
tout à [on aife c'eft la qu'on careflc
qu'on idolâtre de bonne foi fa haute di-
gnité, & quoique tout feffort d'une
telle fuperâition ne puitfe donner à une
auffi ridicule erreur, le moindre degré
de réalité n'importe le privilégié y
croit avec autant d'amour avec autant
de conviction que le fou du Pyn*e
croyoit fa chimère.
La vanité qui pour l'ordinaire eft in-
dividuelle & le plaît à s'ifoler fe tra f
forme ici promptement en un efprit e
corps indomptable. Un privilégié vient-
il à éprouver la moindre difficulté de la
part de la daffe qu'il méprife d'abocd
il s'irrite il fe fent blefle dans fa pré o-
gative, il croit l'être dans fon bien da s
fa propriété &>ientôt il excite, il en-
flamme tous fes coprivilégiés, & il vient
à bout de former une confédération ter-
rible, prête à tout facrifier pour le main-
tien, puis pour Paccroiflèment de fôn
©dieufe prérogative/ C'eft ainf que l'or-
dre politiqué fe renverfe & ne laifx
plus, voir qu'un déteftable ariftocracifmî.
r Cependant dira-t-on; oneft poli
dans la fociété avec les non-privilégié^
comme avec les autres. Ce n'eft pa m<j>i
qui ai remarqué le premier, le cirac-
tere de la politeffie françoife. Le rivï-
légié françois n'eft pas poli parce qu'il
le doit aux autres, mais parce qu'il croit
le devoir à lui-même. Ce n'etl pas les
droits d'autrui qu'il refpecle, c'eft foi,
c'cft fa dignité. Il ne veut point, par
fes manierels être confondu avec ce
qu'on nomme mauva f compagnie. Que
dirai-je ? Il craindroit que l'objet e la
poljtefïè ne le prît pour un non-privîtégié
comme lui.
Cardons -nous de nous hiifïèr
réduite par ces apparences grimacières
& trompeufes-i ayons le bon eiprit de
ne voir en elles, que ce qui y efl, un
orgueilleux attribut de ces mêmes Privi-
lèges que nous détenons.
tow expliquer cette foif fi ardente
d'acquérir des Privilèges on penfi*
peut-être, que du moins, au prix du
bonheur public il s'eft compofé en
faveur des privilégiés, un genre de frli-
cité particuliére, par le charme enivrant
de cette fupériorlté dont le petit nom re
jouit auquel un grand nombre afpire &
dont les autres font réduits à fe ven er
par les reffourcesde l'envie oude la hai e.
Oublieroit-on que la nature n'impofa
jamais des loix impuiflantes ou vaines
& qu'elle a arrêté de ne départir le bon-
heur aux hommes que dans Pégaliié ?
On ignoreroit donc que c'cil un échange
perfide que celui qui efl offert par la va-
nité contre cette multitude de fentimens
naturels dont la félicité réelle fe com-
pofe. Ecoutons là-defïus notre propre
expérience (i) ouvrons les yeux fur

La Société eftpour tous ceux que le fort nyi


i
pas condamnés un trâvail fans relâche la
Source
la plus pure & la plus Seconde de jouiflknees
,agréables on le fent & le peuple qui fe croit
«elle de tous les grands Privilégiés, de
tous les grands Mandataires que leur

le pl us civilise fe vante au ffi d'avoir la neilleure


fociété. Où doit être la bonne fociété? Là fans
doute où les hommes qui fe conviendi oient le
mieux poutroient fe rapprocher librement, &
ceux qui ne fè conviendroient pas fe féparer fans
dbftacle. Là, où dans un nombre donné d'hommes,
il y en auroit davantage qui pofiederoïentles ta-
%ns & l'esprit de fociété, ou le choix, parmi
eux, ne feroit embarrafle d'aucune con/ideration
étrangère au but qu'on fe propofe en f<: reunif-
(ànt^u'on dife fi les préjugés d'état n s'oppo-
fefit point de toutes les manieres à cet arrangement
iî iîmple. Combien de maîtreffes de maifon font
forcées d'éloigner les hommes qui les intér 'fleroient
le -plus par égard pour les hauts privilégiés
qui les ennuient. Vous avez beau dans vos fo-
çiétes lî vantées & Il infipides finger cérte cga-
Utc dont vous ne pouvez vous difpenferde fbntir
l'abfolue néceffité. Ce n'eft pas dans des inîtans
jraflagers où les hommes peuvent fe modifier in-
térieurement au point de devenir les uns pour les
autres tout ce qu'ils feroient fans doute, fi l'é-
galité etoit la téafeté de toute la vie plutôt-que
de tous les prétendus charmes dèîi W
périorrté. Elle fait tout pour eux 1 cette
fupériorité cependant ils fe trouvent
feuls, l'ennui fatigue leur amè, &: ven&e
tes droits de la nature. Voyez à l'ardeur
impatiente avec laquelle ils reviennent
chercher des égaux dans ta capkale
combien il' eU infènfé de femer conti-
nuellement fur le terreih de là vanité-
quand on n'y peut recueillir qa Tes
ronces de l'orgueil,,
l'ennui.
les pavois, de

Nous ne confondons point avec l'a


fupérioiité abfurde & cHimériquc: qui
èft l'ouvrage des PrivHéges cerr fu-
périorrté légale qui fuppofe feulement:
des Gouvernàns & des Gouvernes.
Celle-ci eft réelle; elle eft néceflafre-
Elle n'enorgueillit pas les uns, elle n'hu-
milie pas les autres: c'eftune fùpériorité

le feu de quelques momens. Cette matferc| fero:c


kicpuifàble j je ne guis ^a'indjquer quelque* vue&
de fondions & non de perfonnes; i ot
f cette Supériorité même. ne peut dé-
dommager des douceurs de l'égalité, que
f
doit-on pe$|fe:de la chimère dont rej-
paifïènt les impies Privilé g iés ?
AhVfî les hommes vouloient %on-
naître leurs intérêts s'ils favoient ifairc
quelque chofe pour leur bonheur, s'ils
confentoient à ouvrir enfin les yeux fur
la cruelle imprudence qui leur a fai dé-
daigner fi long-temps les droits de Ci-
toyens libres pour les vains Privilèges
de la Servitude, comme ils fe hâter ient
d'abjurer les nombreufes vanités ux-
quelles ils ont été dreffés dès l'enfonce.
Comme ils fe méfieroient d'un ordie de
chofes qui s'allie fi-bien avec le defpo-
tifme. Les droits de Citoyen embraffent
v tout les Privilèges gâtent tour & ne dé-
dommagent de rien.
Jufqu'à préfent j'ai confondu tous les
Privilégies,ceux qui font héréditaires avec
ceux que l'on obtient foi-même, ce n'eit
pas qu'ils foient tous également nu,.fi-,
bles, égalernent dangereux dans ï'ét iii
fbcial. $'il y a des places dans l'ordre
des maux & de Pabfufdité, c'èit, fans
doute les Privilèges héréditaires qui
doivent y, occuper la première & je
n'abaiflèrai pas ma râifon jufqu'à prou-
ver une vérité fi palpable. Faire d'un.
Privilège une propriété tranfmifîiblé y
c'eft vouloir s"ôtér jufqu'aux foibles pré-
textes par lefquels on cherche à julttfier
la cohceflfîon des Privilèges ren-
verrer tout principe ^toute raifon.
Vautres observations jetteront un
nouveau jour fur les funefles effets des
Privilèges. Remarquons auparavantune
vérité générale; c'eft qu'une fauflfe idée
n'a befoio que d'être fécondée par ^in-
térêt, & foutenue de l'autorité de quel-
ques fiecles pour corrompre «t la fin tout
l'entendement. Infenfiblement M dé
préjugés en préjugés on en vient te
former un Corps de doctrine qui pré-
fente l'extrême de la déraifon, $c ce
çi'elîè a de plus révoltant, fans Jamais
parvenir à ébranler la longue 6c fupetf-
titieufe crédulité des Peuples.
Ainfi, voyons-nous s'élever fous nos
yeux, & fans que la Nation fong même
à réclamer, de nombreux effaims de Pri-
vilégiés, dans une religieufe peifuafion
qu'ils ont une forte de droit acquis par
feule la naiflance aux honneurs, &;par
leur fimple exigence, à une portion du
tribut des Peuples.
Ce n'étoit pas allez, en effet, que les
Privilégiés fe regardaient comme une
autre efpece d'hommes; ils en font venus
à fe regarder modérément, & refque
de bonne-foi, eux & leurs de[ce dans,
comme un befoin des Peuples non
comme fonctionnaires de la chofe pu-
blique; à ce titre, ils reffembleridient à
l'univerfalité 'des Mandataires publies,'
de quelque claffe qu'on les tire.
comme formant un Corps privilégié
qu'ils s'imaginent êtr&nécefTaires à toute
fociété qui vit fous un régime Monar-
chique. S'ils parlent aux Chefs du Gou-
eu au
ils fe repréfentent comme l'appui du
trône, & fes défenfeurs naturels contre
le Peuple fi au contraire ils parlent
la Nation, ils deviennent alors les v ais
défenfeurs d'un Peuple qui, fans eux^
feroit bientôt écrafé par le defpotifme.
Avec un peu plus de lumières, le
Gouvernementverrait qu'il ne faut dar.i
une fociété que des Citoyens vivan 6c
agilïàns fous la proteCtion de la loi
& une autorité- tutélaire chargée de
veillerade protéger. La. feule hié ar-
chie néceffailre nous l'avons dit, s'é-
tablit entre les agens de la fouverain té
c'eft là qu'on a befoin d'une gradation
de pouvoirs^ c'eft là que fe trou ent
les vrais rapports d'inférieur à fupérieur,
parce que la machine publique ne peut
fe mouvoir qu'au moyeit de cette cor-

des Citoyens égaux devant la loi tous


dépendans, non les uns des autres ce
feroit une fervitude inutile mais de
l'autorité qui les protège, qui
qui les défend &c. Celui qui jouit des
plus grandes pofïèffions n'efl pas,sj>/i/j
que celui qui jouit de fon falaire jour-!
nalier. Si le riche paie plus de contri-
butions, il offre plus de propriétés à:
protéger. Mais le denier du pauvre
feroit-il moins précieux? fon droit moins
respectable? §c fa fécurité ne doit-elle
pas repofer fous une protection au moins
égale?
C'eft en confondant ces notions fim les
que les privilégiés parlent fans cefle
de la néceifité d'une fubordination
Tefprit militaire veut juger des rapp rts
civils, & ne voit une nation que comme
une grande caferne. Dans une brochure
nouvelle on a ofé établir une com-
paraifon entre les foldats & les officiers
d'un côté, & de l'autre, les Privilé-
gics 6c les non Privilégiés Si vous
confultiez reprit monacal,qui a tant
de rapport avec Pétrit militaire, il
répondroit auflî qu'il n'y aura de l'ordre
dans une nation que quand on l'auil
foumife aux réglemens qui gouverne) n
fes nombreuses vi&imes. /I/efpru mo*
nacal conferve parmi nous, fous un nom j
moins avili plus de faveurs qu'on ne
penfe.
Toutes ces vues ne peuvent appa e-
nir qu'à des gens qui ne connoiflèitt
rien aux vrais rapports qui lient les
hommes dans l'état focial. Un Citoyen
quel qu'il foit, qui n'en point mand
taire de l'autorité, n'a autre chofe à
faire que de s'occuper à, améliorer ion
fort, de jouir de fes droits fans blefflèr
les droits d'autrui, c'eft- à- dire, fana
manquer à la loi. Tous les rappo ts
de Citoyen à Citoyen font des rap-
ports libres; l'un donne fon temps ou
fa marchandife, l'autre rend en échange
fon argent il n'y point jà de Aiborcii-
nation, mais un échange eQntinueL,(i)é

(i) Je crois important pour la facilité de la


sonverfâtion de diftinguer tes deux hiérarchies
Si dans votre étroite politique- » vctfr
diainguez un corps de Citoyens pour

dont nous venons de parler par les noms de


vraie & de faujfe hiérarchie. La gradation entre
les Gouvernans & l'obéiflance des Gouvernés for-
ment la véritable hiérarchie néceffaire dans toutes
1 es Sociétés. Celle des Gouvernés entr'eux,n'eft
qu'une faufle hiérarchie, inutile, odieuf:, refte

t
informe d'opinions qui ne font plus
Féodales
établies fur rien de réel. Pour concevoir une
fubordination entre les Gouvernés il fup-
pofcr une troupe armée, s'emparant d'u pays,
ie rendant propriétaire, &'confervant, pour la
défehfe commune, les mêmes rapports de la dit=
cipline militaire. Çeft que-la, le Gouveimement
cft fondu dans l'état civil il n'en eft pa:> diftin-
gué. Chez nous au contraire les différentes bran-
ches du pouvoir public exigent à part, & (ont or-
ganiféçs, y compris une armée immenfe, de Imaniere
n'exiger des fimples citoyens que *:la contribution
pour acquitter les charges publiques. Qu'on ne
s'y trompe point, au milieu èe tous les noms de/L-
bordination de dépendance &c. que les Privilégiés
invoquent avec tant de clameur, ce n'eft pas l'in-
térêt de la véritable fubordinatioaqui les conduit
1e mettra entre le Gouvernement
les peuples, ou ce corps partagera les
tis ne font cas que de hfaujji hiérarchie, c'eft cet e-
ci qu'ils voudroient rétablir Air les débris de la
véritable. Ecoutez-les lorfqu'ils parlent des ag'ns
ordinaires du Gouvernement, voyez avec quel ié-
dain un bon Privilégié croit devoir les trai er.
Que voient-ils dans un Lieutenant de Poli :e,
un homme de peu ou de de rien, établi p ur
faire peur au Peuplc mais pour eux comme
ils mépriferoient un ordre venant de ce Magiftiat
Je m'arrête à cette idée qu'on dife de bonne
foi s'il eft un feul Privilégié qui fe croie i
é-
rieur au Lieutenant de Police. Comment regar-
dent-ils les autres Magiftrats, & les mandat 'res
des différentes branches du pouvoir exécutif, ex-
cepté ceux qui font dans la feule hiérarchie mi-
litaire ? Eft-il fi rare de les entendre dire Je
Miniftre
ne fuis pas fait pour me foumettre au
» fi le Roi me fait l'honneur de me donner des
ordres à la bonne heure J'abandonne ce
fujet à l'imagination du lecteur il étoit bon de
tire remarquer que les véritables ennemis de îs
Subordination & de la vraie hiérarchie, ce font
ces hommes-là même .qui
prêchent avec tant
ardeur la fourniflÎQn à la faujjè hiérarchie^
fondions du Gouvernement., Or- ajorï
fera la claffe privilégiée dora:
ce ne pas
sous parIons ou bien il n'appartient
dra pas aux frondions effèntielles d4
pouvoir -public & alors qu'on 'ex-
plique ce que peut être un corps i ter-
médiaire, fi ce n'en: une malfe étran-
gère, nuifible foit en interceptant lés
rapports dire&s entre les gouvernans
& les gouvernés f6it en prenant fur
les rcfforts de la machine publique*, foit
enfin en devenant par tout ce qui h
diflîngue*du grand corps des Citoyens,
un fardeau de plus pour la commu-
nauté.
Toutes les clanes de Citoyens ont
leurs fonctions leur genre de
travail
particulier, dont l'enfemble forme le
mouvement ,général de la fociécé. S'il
en éft une qui prétende fe fouftraire à
Cette loi générale on voit bien qu'elle
Aefe contente pas d'être inutile & qu'il,
faut nécefTàirement qu'elle foit à charge
^ux autres.
le befoïn que l'on a de l'un ôc de l'autre
qu'elle fe foutient &ce n'eil pas ['un
fans l'autre que ces deux befoins doi ent
fe faire fentir dans une nation où l'ort
connoît le prix des bonnes moeurs. Le
defir de mériter l'eftime publique &
il erueft une pour chaque profeiBon#
eft un frein néceflàire à la paffion de$
richefïès. Ilsfaut voir comment ces eux
fend mens doivent fe modifier dala
clafïe privilégiée.
Pour l'honneur, il lui eft afluré, peft
fon apanage certain que pour les a tres
Citoyens, l'honneur foit le prix de la
conduite à la bonne heure. Quant au.4
Privilégiés il leur a fuffi de naître.

(i).
'Ils ne fentiront pas le befoin de Tac-
querir, & ils peuvent renoncer de-
vance atout ce qui tend a le méri-
ter

(i) te, k&vjt î'âppçr^oic qu^ o«w w coq


-Quant \ï* argent, les Privilèges, il
eft vrai, doivent en fentir vivement: le
befoin. Ils font même plus difjofes à
fe livrer aux infpirations de cette {j>af-
fion ardente parce que le préjugé de
leur fupériorité les excite fans cefïç à
forcer leur dépenfe & parce #u'en
s'y livrant, ils n'ont pas à craindre,
comme les autres de perdre tout
honneur, toute conf dération.
Mais par une contradiction b farre
en même temps que le préjugé d'état
pouffe continuellement le Privilégié à
déranger fa fortune il lui iriter^ im-
périeufemenc prefque toutes les voies
honnêtes par où il pourroit parvenir
à la réparer.
Quel moyen reftera-t-il donc aux
Privilégiés pour fatisfaire cet amour de
l'argent, qui doit les dominer plus
que les autres? -L'intrigue & Wmendi-

fondons pas ici l'honneur avec le point d'hon-


fw% ^u'on a cm çn &re le dedommagement.
cité, Ces deux occupations deviendront
Vinèufirlc particulière de cette claflè «Je
Citoyens. S'y
ils y excelleront, 6c par tout où ces
deux talens pourront s'exercer, avec
profit, ils s'y établiront de manière à
écarter toute concurrence de la parc
des non Privilégiés.
Ils rempliront la Cour ilsafïïégçrcnt
les Miniflres ils accapareront toutes
les grâces, toutes les penfions, te us
.les bénéfices. L'intrigue jette un regard"
univerfel fur l'Eglife, la Robe & l'EpfeJ
Elle appérçoit un revenu confidéraWc,
ou bien un pouvoir qui y mène at a-
ché à une multitude innombrable de
places, & bientôt elle vient à bout de
faire confidérer ces places comme des
po es, a argent, établis non pqur
remplir des foriélions qui exigent des
.talens mais pour afliirer un état cent
venable des familles privilégiées.
'Ils ne Ce raflureronr^pas fur leur pro-
fonde habileté dans l'art de l'intrigue,
& comme s'ils. craignoient que la feule
çoiifidératioiï du bien public rie' vîntj
dans quelques intervalles, à féduire e
Miniftere, ils profiteront a prop s e
l'ineptie ou de la trahifon de quelques
Adminiftrateurs j ils feront enfin coti-
facrer leur monopole par de bc nnes
Ordonnances, ou par un régime d'ad-
mîniftratîon équivalent à une loi exclu-

C'etl ainfr qu'on dévoue l'Etat aux


principes les plus deftru&eurs de oute
économie publique. Elle a beau pref-
crire de préférer en toutes choies les
ferviteurs les plus habiles & les moins
chers le monopole commande de choi-
fir les plus coûteux^ & aécefTairement
les moins habiles, puisque le mono-
pole a pour effet d'arrêter rèfïbr
connu
de ceux 'qui auroient pu montrer des
talens dans une concurrence libre.
La mendicité privilégiée a moins d'in-
convéniens pour la chôfe publique. C'eft
une branche gourmande qui defleche
tant qu'elle peut mais au moins eEs
ne prétend pas remplacer les rameaux
utiles. Elle confifte, comme toute men-
dicité à tendre la main, en s'efforça |
d'exciter la compaffion & à recevoir
gratuitement feulement la pofture Il
moins humiliante, & elle femble quand
il le faut di&er un devoir, plutôt
qu'implorer un recours. Au rené il a
fuffi pour l'opinion que l'intrigue & la
mendicité, dont il s'agit ici, fuflènt
fpécialement affeclées à la clâflè pri i-
légiée, pour qu'elles devinrent horio-
rables & honorées; chacun efl bien venu
fe vanter hautement de fes fuccès en
ce genre; ils inspirent l'envie, l'ému-
lation, jamais le mépris.
Ce genre de mendiciré s'exerce prin-
cipalement à la Cour, où les hommes
les plus puiflans & les plus opulens. en
tirent le premier & le plus grand parti.
De-la cet exemple fécond va ranimer
jufques dans le fond le plus reculé
H4e vivre çians l'oifiveté & aux dépens
-du Public.
Ce n'eft pas que l'ordre des Privilé-
giés ne foit déjà & fans aucune |ei-
pece de comparaifon le plus riche du
Royaume que prefque toutes les
terres Se les grandes fortunes n'appar-
tiennent aux membres de cette claffe.
Mais le goût de la dépende, & le plaiiir
de Te ruiner font fupérieurs à toute ri-

qu'oh entend le mot de pauvre


uni a celui de Privilégié il s'élève une
forte de cri d'indignation. Un Privilé-
gie hors d'ctar de foutenir ion nom,
la dignité, eft certes une honte oour la
Nation il faut fe hâter de rerr edier a
ce public.; & quoiqu'on ne
demande pas exprefTcment pour cela un
excédent de contribution, il eft bien
clair que tout emploi des deniers publics
ne d'autre origine.
Ce n'eft pas vainement que l'Àdntu-
niftration eft compose de Privilégies,
Elle veille avec une tendreiTe paccr-f-
nelle à tous leurs intérêts. Ici, ce ioni
des établiflèmens porripeux vannes,.
comme l'on croir de toute PEurope
pour^donner ¡'éducation aux pauvreÈr
Privilégiés de l'un ôc de l'autre fcxe*
inutilement le hafard fe raontroit plut-
fage que vos inftitutions & votioit
ramener ceux qui ont befoirt à loi I
communede travailler pour vivre. Voui-
ne voyez dans ce retour au bon o rdre
qu'un crime de la fortune; & vous vous
gardez bien de donner à vos éleve les,
habitudes d'une profeffion commune
capable de foutenir celui qui l'exerce.
Dans vos admirables dépeins, Voua
allez jufqu'à leur infpirer une forte d'or-
gueil d'avoir été.dç fi bonne heure à.s
la charge du Public comme fi dans
aucun cas, il pouvoit être plusglorieux
d'avoir befoin de charité que de s'en
paflfer. Vous les récompensez par des;
fecdùrs d'argent par des penfion's j
par des cordons d'avoir bien voulu
confentir a recevoir ce premier age
de votre tendrefîe.
A peine fortis de l'enfance, les jeunes
Privilégiés ont un état & des app in-
temens, & on ofe les plaindre de eur
modicité. Voyez cependant parmi les
non Privilégiés du mêrne âge, q fe
deflinent aux profeffiohspour lefqu lles
il faut des talens & de l'étude voyez
s'il en eft un feul qui, bien qu'att ché
à des occupations vraiment pénibles, ne
coûte long temps encore à les parons
de grandes avances, avant qu'il Foit a mis
à la chance incertaine de retirer de
fes- longs travaux, le nécenaire de la
vie..
Toutes les portes font ouvertes à la
follicitation des Privilégiés. Il leur fuffit
de remontrer & tout le monde fait
honneur de s'intéreflèr à leur avance-
ment. On s'occupe avec chaleur dé Ii^ur*;
affaires, de leur fortune. L'Etat lui-même,,
oui, la chofe publique a été forcée pluà
d'une fois de concourrir a des arrange-
mens de famille, de négocier des 'mà-j-
riages, de fe prêter à une acquifîtion>
&é. &c.
Les Privilégiés les moins favorifés
trouvent par tout d'abondantes ref-
fources. Une foule de Chapitres pour
l'un & l'autre fexe des ordres militaires
fatis objet, ou dont l'objet eft inju e Se
dangereux leur offrent des prében es
des commanderies) des penfions, St tou-
jours des décorations. Et comme ce
n'étoit pas affez'des fautes de nos pères,
on s'occupe avec ardeur depuis quelque
temps d'augmenter le nombre de ces
brillantes foldes de l*inutilitc ( i ).

bizarre
(1) II fe maru&fte une con«adi<fHon
dans la condui c du Gouvernement. Il aide d'un
côté, à décimer fans mefure contre les bien*
Ce feroit une erreur de croire que la
mendicité privilégiée dédaigne les pe-
tites occafions ou les petits fecours.
Les fonds devinés aux aumônes du Roi
font en grande partie abforbés par elle,
& pour fe dire pauvre dans Perdra dès
Privilégiés on n'attend pas que la Na-
ture pâtifïè, il fuffit que la vanité fo ffrê.
Ainfi, la véritable indigence de toutes
les claies de Citoyens èft Serinée dés
befoins de vanité.
Les Pays çl'Etat s'occupent d puis
long-temps des penfions à donne la
pauvre clajfe privilégiée. Les Adminis-
tracions Provinciales Suivent déjà de fi
nobles traces, & les trois Ordress en
commun, parce qu'ils ne font encore

consacres au culte & qui difpenfent au moins


le tréfor national de payer cette partie des fonc-
tions publiques & il cherche en même i^ems à
dévouer le plus qu'il peut de ces biens & d'au-
tres j à la clafle des Privilégiés fans fondions.
avec une refpeélueufe approbation tpos
les avis qui 'peuvent tendre à fouler
la pauvre clajè privilégiée. Les Intendaïls
fe font- procurés des fonds particuliers
pour cet objet; un moyen de iuccès
pour eux eft de prendre un. vif intérêt
au trille fort de la pauvre
giée enfin, dans les. Livres, dansles
Chaires, dans les Difcours Académi-
ques, 'dans les Converfatiqns & par-
tout, voulez- vous intérefier à ri fiant
tous vos Auditeurs, il rr*y a qu'à parler
de la pauvre dajfe privilégiée,, A voir
cette pente générale des efprits l\ç les
innombrables moyens que la fuperfli-
tion, à qui rien n'eft iinpofîible s'eft
déjà ménagée, pour fecourir les pauvres
Privilégiés, je ne puis m'expliquer pour-
quoi on n'a pas encore ajouté, s'il
n'exifte déjà ^à la porte des Eglifes,

gUe(i).
un tronc pour la pauvre clajje privilé-.

K i ) Je m'attends bien que l'on trouvera cet endroit


trafic inépuifable en richeifes pour le;;
Privilégiés. Il eft fondé d'une part
fur la fuperftition des noms, de l'autre
fur l'avidité des richefles. Je parle de ce
qu'on ofe appeller les Méfalliances (2);,
fans que ce terme ait pu déeourage les
cupides Citoyens qui paient fi cher pour
fe faire infulter. Dès qu'à force de tra-
vail & d'induMe, quelqu'un de l'ordre
commun a élevé une fortune digne d'en-
vie dès que les agens du fifc, pa des
moyens plus faciles font parvenus à
entafler des trétots, toutes ces richeffes
font afpirées par les Priyilégi'5. Il feiri-
ble que notre malheureufe Nation foit

-de mauvais ton. Cela doit être; le pouvoir de


piofcnre fur.ee prétexte des expreffions esaftei,
"eft encore un droit des Privilégiés.
(i) On devroit bien, ne rut-cj| que pour la clarté
du langage fe fervir d'un autre mot pout défi-
guer l'att dé s'approprier les riches 'offrandes de la.
(attife,. & marquer clairement de quel côte' eft la
condamnée a travailler & à s'appau-

que les fabriques le commerce, Se t


vrir fans ceffe pour la claflè Privilégiée.
C'eft inutilement que l'agriculture,

les arts réclament pour fe foutenir, pour


s'aggrandir,&pourla profpérité publique,
une partie des capitaux immenfës qu' s
ont fervi a former. Les Privilégiés
gloutiflent & les capitaux & les per-
e
fonnes, & tout eft voué fans retour à
la ilérilité -Privilégiée.*
La matiere des Priviléges eft inépui-
fable comme les préjugés, qui confpi-
rent à les foutenir. Mais laiiîbns ce fuj t,
& épargnons-nous les réflexions qu'il
infpire. Un tems viendra ou nos neveux
indignés rendront ftupc faits à la lecture
de notre histoire, & donneront, à la
plus inconcevable démence, les noms
qu'elle mérite. Nous avons vu, datis
notre jeunette des hommes de Lettrés
fe fignaler par leur courage r à attaquer
des opinions aufTi puiffantes que per-
hicienfes à l'humanité. Aujourd'hui ils
ïecontentent de répéter dans leum pm*
po$ éedans leurs écrits des raiibnne-
mens furannës contre des préjugés qui
n'esiftent plus. Celui des Privilèges jeft
le plus dangereux, peut-être, îui |att
paru fur la terre; il s'eft plus intime-
ment lié avec l'organifation fbciiîe il
la corrompt plus profondément^ plus
d'intérêts s'occupenta le défendre. Voila
bien des motifs pour exciter le z le des
patriotes & pour réfroidir celui des
1 sens de Lettres.
Extrait du Procès-verbal de la NohleM'i
aux États de iSi^page 113.

Du mardi matin z 5 Novembre «


audience,
en cette forte:
de ayant <m
&

Senecey (1) parla au Ilot

JIRE,
«« La bonté de nos Rois a concédé de tout tc.m»
cette liberté à leur Noblefle, que de recour
eux en toutes fortes d'occations l'éminence de
leur qualité les ayant approchés auprès de leurs
personnes, qu'ils ont toujours été les principaux
exécuteurs de leurs royales adions.
« le. n7aurôis jamaisfait de rapporter à V. M. tout
ce que l'antiquité nous apprend que ia naiflanec
a donné de prééminences à cet Ordre, & avec
telle différence de ce qui eft de tout le refte du

(i) M. le Baron de Senecey étoit Préûdeut de 1«


Koblefià
SiRB
tendre«j ce difeoufs mais une vérité û diire
<ue
n'a pas befoin de témoignage plus certain
ce qui eft connu de tout le monde. & pjuis
je parle' devant^le Roi lequel nous e

nous par ipons de fon luftre, que nous (aurions


t'être de 1'en requérir & Aippiier, bien marri
qu'une nouveauté extraordinairenous o vre la
bouche plutôt aux plaintes qu'aux très-humbles
fiipplicationspour lefquellesnous fommesaflemV
blés.
» SIRE Votre Majefléa eu pour agréablede
convoquerles Etats Généraux des trois Ordresde
votre Royaume Ordres devines & {e'pai»^en-
tre eux de fonâdons & de qualirés. L'
vouée au fervicede Dieu & au régimede ames,
y tient le premier rang nous en honor ns les
Prélats &Miniftrescommenos pères, & oomme
médiateurs de notre réconciliationavecE lieu.
» La Nobleffe SI RE y tient le fécondrang,
Elle eft le bras droit de voirejustice, le jfoutien
de votre Couronne, & les forces invinciblesde
'
'l'Etat.
:'[. 7.
Sous les heureux aufpices &valeureusecon-
duite dés Rois, au prix de leur Cyig & par
publique a &ç établie; & parleO»pciae* ôç ni-
vaux, le Tiers-Etat va Jouiflant des commodités
que la paix leur apporte.
» Cet Ordre S
R B, qui tient le dt.?\ ier rang,.
en cette Aflemblée, Ordre compofé,du Peuple
des villes & des champs, ces derniers font quafî j
tous hommageri& jufticiables des deux premiers
Ordres Ceux des villes, Bourgeois Marchantis
Artifans, si quelques Officiers. Ce font. ceux-ci
qui méconnoiffent leur condition, & oubli
toute force de devoirs, fans aveu de ceux qu'ils
repréfentent le veulent comparer à nous.
»> J'ai honte Si RE de vous dire les ternes
qui de nouveau nous ont olffenfés. Ils comparait
votre Etat à une famille composée de crois frères.
Ils dirent l'Ordre, Eccle'fiaitique être. l'aîné, le
nôtre le puîné & eux Ils cadets ( i ).
"En quelle miférable condition fommes-n us
tombés Ci cette parole eft véritahle En quoi t nt
de fervices' rendus d'un tems immémorial, tant

Telle eft l'injure dopt la demande


veille le la-tête d'une
députation du Tiers-État, avoir ofé dire trait1ez-

» nous comme cadets & nous vous hono-


«Thonncurs Et de dignités tranfmifes hcrcd tair<
Soént à làNoblèffê & îtairités par leurs liibeûrs
& fidélité rantoient-elle bien, au lieu de Pc lever,
tdiement rabaiffée qu'elle fut avec le vulgaire
en la pîus étroite forte de fociété qui foit parmi
les hommes, qui eh la fraternité. Et non contens
de- Ce dire treres, ils s'attribuent la reftau ration
de l'Etat, à quoi, comme la France fait' affez
quils n'ont aucunement participés auffi chacun
conhoît qu'ils ne peuvent en aucune façon le com-
parer à nous, & feroit infupportable une entre-
prife fi mal fondée.
M Rendez, SlRE^le jugement, êc par une
déclaration pleine de juftice faites-les mettre
en leurs devoirs, & reconnoitre ce que nous
tommes, & la différence qu'il y a. Nous en fup-
plions très-humblement Votre Majefté au nom
de toute la nobleffe de France puisque c'efl: d'elle
que nous fommes ici députés, afin que, confetvée en
fes prééminences,elle porte, comme elle a toujours
faitjfon honneur & fa vie au fervicé de Votre

FIN.
RAPPORT

graghicqm
BIBLIOTHÈQUE
NATIONALE

CHÂTEAU
de
SABLÉ

1988

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