r> r
RGUARDINI
Lettre sur le mouvement litur-
gique.
LBOUYER
Le Bréviaire dans la vie spiri-
tuelleduclergé.
SExcMgrGUERRY FÉRET
A-G. MARTiMORT, H -M.
La spiritualité du clergé diocé-
sain.
La liturgie et le monde rural.
Une expérience des paralitur-
gies.
3
CENTRE DE PASTORALE LITURGIQUE
LA MAISON-DIEU
— Imprimeur, n°
D. L., lie trimestre 101,;). IR.
LA MAISON-DIEU
--
Cahier n° 3
SOMMAIRE
R. GUARDINI.
Mayence.
Lettre à S. Exc. Mgr l'évêque de
- P. DUPLOYÉ.L'œuvre-liturgique du P. 'Doncoeur
(1940-1945) 25
La Route et la liturgie (26). Péguy et le sacré » (27).
«
« Conditions d'une renaissance liturgique populaire »
le
(29). Sur baptême (32). « Conditionsd'une renaissance
del'officecanonial»(33).
1
clergé.
LA LITURGIE ET LA VIE SPIRITUELLE DU CLERGE
lité ».) -
missel jacisten.
, 109
«
Françoise-Romaine.
VI
UN CURÉ DE CAMPAGNE. Pour organiser une vraie sanc-
tification du dimanche. 113
(Document extrait des Cahiers du clergé rural.) D'excel-
lentes réflexions à propos de ce qu'on appelle, d'un
terme d'ailleurs fort malheureux, « les messes blanches ».
BIBLIOGRAPHIE
L'ACTION LITURGIQUE
lombes.
« Fêtes missionnaires et popu-
laires; » du Sacré-Cœur de Co-
164
de la grâce.Mais il
gloirede Dieu et initier les fidèles aux richesses du monde
y a eu, parallèlement, des tendances à
caractère trop exclusif, bizarre, qui ont obscurci le vrai sens
y
de l'ensemble. En sorte qu'il a, disons vingt-cinq ans, un
non-initié aurait pu penser qu'il s'agissait d'unetentative
de gens entichés d'histoire qui voulaient exhumer de vieux
textes, de vieilles formules du culte divin, qui ne sont plus
adaptées à la réalité présente; ou bien du désir de milieux
esthétiques de se créer une forme de vie religieuse qui ré-
ponde à leurs exigences, et de se construire un monde reli-
gieux à part, en marge de la communauté chrétienne.
Il est aujourd'hui impossible, si l'on est sincère, de soute-
nir des idées de ce genre. Tous ceux qui jugent sans parti-
:
pris savent que la liturgie n'est pas une manie historique
ou esthétique, mais quelque chose d'essentiel le culte offi-
ciel de l'Église, qui s'est développé organiquement à partir
du noyau central de l'histoire chrétienne; la « loi de la
»
prière (lex orandi), selon l'ancienne formule, qui est liée
indissolublement à la « loi de la foi» (lex credendi). Il se
trouve partout des choses déplaisantes, et elles n'ont pas
manqué non plus dans le mouvement liturgique; mais dans
son objet essentiel, il avait raison et était nécessaire. Il
voulait initier les fidèles à la vie liturgique de l'Église, les
y faire entrer : c'est là un objectif à peine moins important
que de les aider à connaître la vérité chrétienne; je dirai
plus : un examen plus approfondi de la question montrerait
que l'essentiel de cette vérité ne se révèle que dans le monde
de la vie liturgique.
Quiconque 'juge sans parti-pris s'est clairement rendu
compte, au cours de ces dernières années, qu'en matière de
pastorale, une époque a pris fin. Certaines méthodes, bon-
nes autrefois, ont perdu leur efficacité; cela est dû d'abord
au changement des conditions extérieures, mais surtout à
la transformation générale dans la façon de sentir et de pen-
ser. Le temps de ces méthodes est révolu, et il serait fort
dangereux, de refuser de le voir — ou même de s'obstiner à
considérer des choses qui sont liées à une époque, et donc
changeantes, comme des parties intégrantes de l'essence de
l'Église. -
Si les pronostics qu'on peut faire sont exacts, l'action
pastorale, à l'avenir, va être limitée, à un point inconnu
jusqu'ici, au domaine religieux proprement dit. Il n'en est
que plus urgent de lui redonner toute sa pureté et sa force. Il
ne faut pas viser uniquement à la « pratique ». Il ne faut pas
non plus tomber dans l'édification pure ou l'excès de mora-
lisme. Il faut que la vie religieuse se remplisse de toute la
richesse de la vérité révélée. Elle doit être déterminée par la
parole biblique et la vérité théologique.L'idéal de la perfec-
tion chrétienne doit s'y dresser dans toute sa grandeur exal-
tante.
Les symbolessacrés,prégnants, de l'Église, doivent l'illu-
miner. Le sentiment de la communauté de l'Église doit la
• porter.
Mais l'une des conditions primordiales pour arriver
à cela, c'est que l'on donne à la liturgie tout- le développe-
ment qui lui est nécessaire. Nous parlerons tout à l'heure
des limites qui lui sont fixées, mais il faut auparavant que
son importance soit bien mise en lumière. L'autel a tou-
joursété le centre de la vie de l'Église — ou du moins il
aurait toujours dû l'être — peut-êtrene sera-t-il bientôt plus
seulement le centre, mais cette vie tout entière. Il importe
donc beaucoup que ce qui se passe à l'autel et pénètre de là
dans la vie tle la famille et de l'individu prenne son sens le
plus riche et sa forme la plus pure. Naturellement il faut
orienter cet effort vers un ministère pastoral vivant. Il faut
que la pratique de la liturgie soit en fonction des paroisses
telles qu'elles sont en réalité. Il faut qu'elle ait en vue leurs
besoins, qu'elle voie leurs possibilités, et ne leur demande
rien qui soit encontradiction avec leur nature propre. Mais,
d'autre part, elle doit aussi leur faire crédit de toute la
somme de bonne volonté et de possibilités qu'elles possèdent
vraiment — et c'est beaucoup, beaucoup plus que ne con-
cèdent ordinairement les partisans des « choses pratiques ».
Mais comment peut-on parler d'un problèmeliturgique?
Si la liturgie est ce que nous venons de dire, ne devrait-elle -
pas constituer la base et la forme indiscutée de la vie reli-
gieuse? C'est exact; mais la liturgie est une réalité histori-
que, et comme telle elle possède tous les caractères de ce
« :
qui naît et se transforme, et c'est ainsi que naissent les
problèmes ». Par exemple les formes et les textes cultuels
qui se sont constitués à une époque déterminée sont-ils va-
lables aussi pour une époque postérieure? Certains motifs
psychologiques ou intellectuels ne prennent-ils pas avec le
tempsun aspect faux? Certaines formes essentielles ne se
sont-elles pas modifiées? etc. A l'époque la plus ancienne,
c'est la liturgie qui a déterminé toute la vie cultuelle; mais
peu à peu, le sentiment religieux populaire, si varié, et plus
tard celui de l'individu, se manifestent et créent des formes
particulières. En face d'elles, la liturgie prend des lignes
plus accusées, plus rigides, en tant que culte officiel, et la
question se pose de savoir quels sont les rapports récipro-
ques de ces deux domaines, quel est l'élément essentiel de
chacun, quelles sont leurs limites, etc. Tous ces problèmes
ontdes racines très profondes et sont fort compliqués. S'at-
tacher à leur trouver une solution, ce serait tenter une théo-
rie et une histoire de la vie religieuse chrétienne. Je n'ai
voulu que les indiquer pour montrer quel est l'arrière-plan
des questions dont il s'agit. Il me faut ici me borner à des
problèmes immédiats, et, pour cela, je voudrais prendre
pour point de départ un certain nombre de tendances trop
exclusives, qui se sont manifestées dès le début du mouve-
ment liturgique, et des dangers qu'elles recèlent. Je ne pour-
rai, ce faisant, éviter les formules globales. Celles-ci sont
peu recommandables, parce qu'elles risquent de défigurer
leur objet; mais je ne vois pas comment je pourrais les évi-
ter, et il me faut donc en accepter les inconvénients.
Je commence par une tendance à laquelle a conduit le
[.
mouvement liturgique lui-même, et qu'on pourrait appeler
le liturgisme. ] Le mouvement liturgique a pris naissance
*
* *
pas que dans la vie paroissiale la liturgie n'a plus, tant s'en
faut, la place qui lui revient. Ces adversaires des efforts
liturgiques mènent grand bruit autour de leur fidélité à
l'Église et sont très stricts dans toutes les matières dogmati-
ques et disciplinaires, — mais n'est-il pas étrange qu'ils
passent si aisément sur le fait que, malgré tout, la liturgie
est le culte de l'Église, culte qui remonte aux premiers
temps et est réglé par des lois non équivoques ? Ne faut-il
pas s'étonner que des hommes qui tiennent tant à l'obser-
vance exacte des traditions fassent passer au second plan,
en faveur de formes de dévotion d'introduction très tardive,
des choses qui ont la dignité de la tradition la plus ancienne
et la plus sacrée? Ou encore qu'eux, qui sont si prompts à
invoquer, contre toute idée inaccoutumée, la « lex cre-
dendi », oublient complètement qu'il existe aussi une « lex
orandi » à laquelle on n'a pas encore satisfait, tant s'en
faut, lorsqu'on a observé certaines rubriques, mais qui, au
contraire, constitue tout un ordre de vie religieuse et de-
mande à être accomplie avec amour et une intelligence de
:
plus en plus approfondie?C'est tout de même là un fait
troublant il existe dans l'Église un monde cultuel d'une
richesse admirable, issu de la tradition la plus vénérable,
réglé par toute une législation aussi minutieuse que sévère;
mais en pratique, on ne lui accorde nullement l'importance
qui lui revient; bien plus, celui qui défend ses droits est
soupçonné de rechercher les nouveautés et sa soumission à
l'Église paratt douteuse. Bien souvent, des dévotions
popu-
laires et privées, de valeur souvent fort problématique, rem-
plissent la vie religieuse de la paroisse. On ne trouve sou-
vent pas lamoindre trace d'une initiation sérieuse à la litur-
gie. Des actes du rang le plus élevé sont relégués au second
plan, ce qui a pour effet de priver le ministère pastoralde
possibilités irremplaçables; je citerai seulement la liturgie
a
du samedi saint qui lieu ordinairement dans des églises
vides. La célébration de la sainte messe elle-même tend bien
souvent à se rapprocher des dévotions populaires. La variété
a disparu, dans une large mesure, de la vie cultuelle, etil
en est résulté une monotonie intérieure dont on n'a pas
-encore assez reconnu les effets désastreux. La pratique des
sacrements s'est le plus souvent dissociée de. son milieu
essentiel, et s'est, .de ce fait, extériorisée; et il y aurait en-
core à dire bien des choses dece genre. Les conservateurs
déclarent telle chose trop élevée pour le peuple; telle autre
lui est trop étrangère; maison à toutes raisons de se deman-
der s'ils ont vraiment essayé de faire progresser ce peuple.
Ils disent que les femmes n'ont que faire de certaines cho-
ses liturgiques, et que les hommes ont besoin d'un régime
prétendu plus fortifiant; mais on se demande quels sont les
hommes et les femmes dont on exprime ainsi le sentiment,
et aussi si l'on s'est efforcé sérieusement d'éveiller chez
l'homme le sens de la forme grandiose de la liturgie, et
chez la femme le sentiment de son mystère riche et profond.
Le « peuple » comprend beaucoup plus qu'on ne veut sou-
vent flouer; celui qui se donne de la peine en toute
loyauté et patience fera des expériences qui lui causeront
autant de joie qu'elles humilieront sa trop grande estime de
ses propres capacités. Évidemment, il lui faut d'abord sa-
voir de quoi il s'agit et se mettre au travail avec conviction
et avec une bonne volonté sincère.
D'autre part, conservateurs et practicistes n'ont pas, des
véritables besoins religieux des fidèles, surtout des jeunes,
une connaissance aussi exacte qu'on pourrait le supposer en
les entendant souligner continuellement leur expérience.
Car dans ce cas ils verraient que les gens ont envie de se
sauver de l'église quand on leur impose des formes de dévo-
tion vieillies ou sans valeur, et que, pour beaucoup, la litur-
gie est tout simplement une nécessité vitale. Mais lorsqu'on
le leur dit, ils parlent de l'orgueil des gens cultivés à qui
il faut toujours des choses spéciales, et de l'outrecuidance
des jeunes qui prétendent tout savoir mieux que les autres,
une manière aussi banale que dangereuse de se débarras-
—
ser de ce qui les gène et de mettre les torts du côté des au-
tres.
:
Il y a plus les juges sévères des efforts liturgiques n'ont
parfois pas eux-mêmes une idée exacte de ce qu'est vrai-
ment la liturgie. Qu'on ne voie pas là une critique stérile,
si je fais remarquer à quel point la formation liturgique du
clergé a été insuffisante, en règle générale, et l'est encore
aujourd'hui. Pendant longtemps, la liturgie a fait partie de
ces matières qu'on traitait en cendrillons : celles qu'on
»
groupait sous le nom de « théologie pastorale et qui fai-
saient figure d'éléments fort accessoires dans l'ensemble de
la formation théologique. Aussi est-il compréhensible que
beaucoup se représentent la liturgie comme quelque chose
:
qui existe, mais dont, au fond, on n'arrive pas à compren-
dre le sens une espèce de représentation religieuse qui s'est
formée au cours des siècles, que l'on accomplit dans la me-
sure où l'on ne peut faire autrement, mais d'où l'on passe
aussi vite que possible à ce qui est vraiment important et
présente une utilité pratique. Si l'on ajoute à cela les regret-
tables erreurs signalées plus haut, il faut avouer que, de
leur point de vue, les conservateurs ont évidemment raison
dans leur lutte contre les efforts liturgiques, car ce qu'ils se
représentent sous ce vocable est effectivement fort problé-
matique — seulement ce n'est pas la vraie liturgie de l'É-
glise. Ce contre quoi ils luttent est un fantôme. Mais, dans
leur lutte contre ce fantôme, ils ne voient pas ce qui est
réellement, et qui possède la plus grande importance pour
le ministère pastoral, qui pourtant leur tient à cœur.
III
* Ife
:
nelle, elle aussi, est importante et indispensable. Elle est
liée à la vie liturgique, mais ne lui est pas identique il y
a entre elles une tension vivante et féconde. Il faut donc
parallèlement à l'éducation liturgique, une éducation pour
la prière individuelle, l'oraison, l'usage de l'Écriture, pour
une conception religieuse de la vie quotidienne et une inter-
prétation chrétienne de l'existence en général.
sième domaine autonome, authentique :
Entre la prière personnelle et la liturgie, il est un troi-
celui des dévotions
populaires. Chacun des deux autres lui fournit des règles,
des suggestions, des forces non négligeables; mais il a pour'
base des lois propres.
Ce domaine, lui aussi, demande qu'on s'en occupe sérieu-
sement, et je crois qu'ici encore, il y a beaucoup à faire. Il
:
faut rétablir des textes défigurés, retrouver encore bien des
vieux trésors. Mais on pourrait aussi créer du nouveau
serait une belle tâche pour ceux qui en sont vraiment ca-
pables.
ce
ROMANO GUARDINI.
L'ŒUVRE LITURGIQUE DU P. DONCOEUR
(19401945) 1
j
comme ceux de Louvain, par exemple :
ne dira jamais trop ce que notre génération doit à des maîtres
l'action spirituelle exercée
par la Revue des questions liturgiques et paroissiales est inappré-
ciable.
:
tère anémique de la vie chrétienne collective de la jeunesse catho-
lique française. En 1924, dans une plaquette Cadets, qui devait
avoir sur la génération montante une grande influence, le P. Don-
coeur définissait les orientations à prendre en matière de liturgie :
Revenus aux liturgies essentielles, ils (les jeunes chrétiens d'au-
jourd'hui) reprendraient l'intelligence du baptême, de la confir-
mation, de l'eucharistie, la connaissance parfaite de leur corps,
façonné une première fois par les mains divines, lavé dans l'Eau
et l'Esprit, oint des huiles consacrantes, nourri du Corps et du
Sang du Dieu incarné.
: :
l'intelligence et les mœurs de la vieille France. Ce caractère, Pé-
guy l'appelle le sacré. D'Ève, il disait « C'est un livre tout plein
de sacré, c'est-à-dire de ce dont nous manquons le plus, de ce
dont nous avons même perdu le sens. Cette affreuse pénurie du
sacré est sans aucun doute la marque profonde du monde mo-
derne. n Le livre du P. Doncoeur, Péguy, la révolution et le sacré,
:
le sacré, et non seulement le rélire, mais l'étudier, le prolonger.
Le chapitre le plus neuf du livre est celui qui s'intitule « Quel-
ques aspects nouveaux de la cité ». Les constatations capitales y
foisonnent : « On imagine difficilement plus de laideur qu'en la
banlieue des lotissements parisiens, parce que nulle part on n'a
osé de telles profanations. La bassesse d'un peuple se mesure à
l'insouciance avec laquelle il traite d'une main sacrilège son
pays. » Insouciance des loisirs ouvriers (quand on songe que
l'idole de la couturière parisienne peut être un Tino Rossi, un
Maurice Chevalier ou un Fernandel!), — le peuple privé des fes-
tivités qui sont essentielles à sa vie et n'ayant plus à quoi accro-
cher sa tendresse et son enthousiasme, — les cimetières indus-
trialisés, — le drapeau sali par un futur ministre de l'Éducation
nationale. Ce sont des signes divers mais convergents de « cette
affreuse pénurie du sacré » dont le pays est en train de mourir.
On dira que nous sommes loin, ici, de préoccupations liturgi-
ques. Nous y sommes en plein. Péguy disait que « le religieux
païen est le plus profondément religieux ». Il nous semble, quant
à nous, extrêmement difficile de susciter un « religieux chrétien »
dans une atmosphère générale qui, institutionnellement, corrode
et dissout le « religieux païen ». La liturgie chrétienne ne refleu-
rira que dans le cadre d'une renaissance de la liturgie française.
C'est dans cette recherche du caractère commun qui assure la
»
vitalité d'une race — appelons-le, avec Péguy, le « sacré — que
:
vantes. Comme celles de France, pays de Mission? auxquelles
elles se réfèrent explicitement, il faut les lire comme elles, elles
ne prétendent pas résoudre le problème qu'elles posent, mais
établir avant tout un constat et agir à la manière d'un appel.
Certains ont regretté ce qu'ils ne seraient pas loin d'appeler une
et
équivoque font remarquer à l'auteur que la liturgie n'est pas
un moyen direct d'apostolat auprès des non-chrétiens, et que
nous n'avons pas à lareforger en vue des seules nécessités actuel-
les de ce but2. Nous ne pensons pas, quant à nous, que telle ait
été jamais la pensée du P. Doncoeur. Une chose est certaine, c'est
que les Conditions d'une renaissance liturgique populaire consti-
tuent une pièce importante à verser au débat qui passionne, à
l'heure actuelle, tant de prêtres aussi complètement donnés que
le P. Doncoeur à la cause dé la sainte liturgie et, autant que lui,
soucieux de ne pas maintenir plus longtemps leur peuple écarté
de cette « source première et irremplaçable du
véritable esprit
chrétien ».
:
traduira par des gestes précis, conformes à notre foi renouvelée et
plus éclairée. Par exemple
Le parrain et la marraine.
Éveiller chez les enfants le sentiment du rôle que leur parrain et
leur marraine jouent auprès d'eux. Des parents font apprendre très
tôt à leurs enfants que leurs parrains et marraines sont les répon-
dants de leur vie chrétienne et qu'ils doivent recourir à eux en
toute confiance.
Refuser des parrainages trop nombreux, que, de ce fait, l'on ne
peut tenir. Il est difficile, surtout lorsque l'on a soi-même une
famille, des enfants, de suivre trois ou quatre filleuls. Il faut donc,
dans ce cas, avoir le courage de refuser de nouveaux parrainages.
Choisir les parrains et marraines de nos enfants non d'après
des considérations d'argent ou de famille ou de relations mondai-
nes, mais dans un profond souci de leur vie religieuse. Il faut avoir
assez de foi et de pureté pour ne pas offrir des parrainages à des
amis que nous savons peu chrétiens, et, à plus forte raison, in-
croyants.
La ratification du baptême.
La rénovation des vœux du baptême, qui est le plus souvent une
cérémonie banale que l'enfant subit plus qu'il ne la désire, pren-
drait une pleine signification s'il la faisait à l'âge où il s'y sent
prêt. Il y réfléchirait et il s'y rendrait comme à son premier enga-
gement libre viril.
L'immersion.
Le baptême, c'est plonger un homme, nu, dans un cours d'eau.
Aujourd'hui, c'est lui faire couler quelques gouttes sur le front.
La loi du moindre effort nous a fait éliminer tous les éléments
gênants, difficiles. La cérémonie du baptême est un exemple frap-
pant de cette minimisation progressive de quelque chose d'originel-
lement très concret et riche de signification.
Rien ne s'oppose à ce que vous obteniez pour votre enfant le bap-
tême par immersion dans une cuve d'eau tiède.
* * *
:
R. P. Doncoeur quand nous parvinrent les Études de mai 1945.
Elles contenaient un article de notre auteur Conditions d'une
renaissance de l'office canonial, qui nous semble marquer, à vingt
ans de distance, pour le mouvement liturgique français, un tour-
nant aussi décisif que l'article du 20 juin 1922. Avec quelle recon-
naissance ne devons-nous pas saluer des déclarations aussi libéra-
:
trices! Oui, il fallait le courage du R. P. Doncoeur pour oser
:
pousser ce cri d'alarme « Le bréviaire est en train dè mourir! »
et pour ajouter aussitôt cet avertissement « Là encore, c'est de
réformes de structure et non point de réformes morales qu'il faut
attendre la solution d'un malaise organique. »
La piétédu clergé français, à l'heure actuelle, n'est plus essen-
tiellement définie par une référence à la piété biblique. En ces
conditions, le bréviaire tend de plus en plus à ne pas alimenter
réellement la vie spirituelle des prêtres. De là un malaise profond
dont des confidences renouvelées permettent de mesurer la gra-
vité. Le Révérend Père indique trois causes du mal. Le texte est si
important pour la cause que nous défendons ici que nous n'hési-
tons pas à lui faire la plus grande place.
Dans, sa jeunesse, la prière liturgique jaillissait de la vie commu-
nautaire des moines ou des clercs, auxquels elle fournissait la forme
spirituelle de leur journée et sa nourriture. Alors, surtout dans les
monastères, l'unité était parfaite entre la prière et le temps, entre
l'office et l'ascèse, entre la prière et le travail, entre la vie person-
nelle intérieure et la vie conventuelle. Cette unité est aujourd'hui
brisée. Or rien ne rend l'effort pénible comme la multiplicité désac-
cordée des tâches, causa fatale des conflits, des embarras, des à-coups
plus lassants que le labeur même.
Nous trouvons ici la raison du malaise dont souffre notre prière
liturgique.
Car l'unité native a été deux ou trois fois rompue, catastrophes
auxquelles les palliatifs ne peuvent opposer que des défaites., N
*
* *
PIE DUPLOYÉ, 0. P.
1
sur
La Pastorale Liturgique du Baptême
Demandez-nous le tiré à part
du Questionnaire (franco 5 fr. l'exemplaire)
Répondez
et faites répondre.
LE BREVIAIRE
DANS LA VIE SPIRITUELLE DU CLERGE
.,
1
>
I. Par contre, si tant de prêtres ne disent le Bréviaire que contraints
et forcés, c'est une expérience frappante que le nombre croissant des
laïcs qui découvrent l'office divin avec joie et le récitent pour le pro-
fit spirituel qu'ils en retirent.
mii qui faisaient chaque jour ponctuellement une heure
d'oraison. Cas extrêmes, dira-t-on. Soit. Mais un cas tout à
fait courantest celui de prêtres qui prient et qui prient
bien, et qui prient chaque jour assez longuement, mais
dont la prière commence une fois qu'ils ont fermé leur bré-
viaire avec un « ouf! » très expressif.
:
Je crois donc que l'on peut et doit dire le bréviaire n'est
pas récité sans intérêt parce que, par force, récité trop vite,
mais il est récité trop vite, par force, parce que récité sans
intérêt, — parce que, dans le temps laissé à la prière par les
occupations du curé ou du vicaire, la vraie prière est celle
qui s'est organisée spontanément tout à fait en dehors du
bréviaire et qui, ensuite, ne fait à celui-ci sa place qu'à
regret.
Voyons, dans la majorité des cas, comment les choses
se passent quand le jeune clerc, ayant reçu le sous-diaconat,
en vient à la récitation quotidienne obligatoire de l'office.
A ce moment de son éducation cléricale, il a contracté déjà
depuis longtemps des habitudes d'oraison personnelle. Il
fait, depuis son enfance et avec de notables adjonctions de-
puis son entrée au séminaire, un certain nombre de prières
vocales adaptées en principe aux divers besoins de la vie
quotidienne. Chaque jour il dit, en outre, le chapelet. Fré-
quemment il pratique le Chemin de croix. A cela, s'il est
fervent, s'ajoute une lecture spirituelle personnelle et telle
ou telle dévotion de son cru. Je ne dis rien de l'examen par-
ticulier ni de la visite au Saint-Sacrement qui sont de règle.
Avec tout ceci, sa vie spirituelle, au plan des pratiques, est
complète, et même plutôt comblée. Ajoutez que le règle-
ment du séminaire lui impose un horaire astreignant, où
les temps libres sont assez parcimonieusement dispensés et,
d'ordinaire, saisis par le séminariste le plus fervent avec
une compréhensible avidité. Le bréviaire introduit dans
cet édifice complexe et parfois déjà surchargé un vaste bloc
sans nul rapport avec lui.
:
Le premier problème qui se pose au nouveau sous-diacre
-
:
remémorer respectueusement des thèmes de méditation
comme ceux-ci « Je prie maintenant pour l'Église, en son
nom, sa propre prière, — j'ai l'honneur d'être fait, devant
Dieu, le délégué de toute l'Église pour le louer, — j'ai la
charge officielle de tous les besoins des hommes qui doivent
être portés devant Dieu dans la prière, etc. » Mais on doit
envisager la psychologie toute naturelle du jeune clerc :
que pèserait bientôt, ou en tout cas à la longue, cette consi-
dération abstraite, s'il ne parvient pas à la rattacher au
détail concret des phrases latines qu'il lui faut brusquement
lire d'affilée plus d'une heure durant chaque jour? L'inu-
tilité apparente de leur introduction dans ce système de
prière, personnelle et collective, qui jusque-là les ignorait
et continue de les ignorer, ne va-t-elle pas s'imposer irré-
sistiblement à l'esprit? Pour y obvier, ne faudrait-il pas
qu'un intérêt nouveau fût créé par cette nouvelle occupa-
tion, telle qu'elle est en elle-même et non pas à grand ren-
fort de considérations rapportées? Or, précisément, quelles
chances y a-t-il que cet intérêt puisse être créé Quels ?
moyens le séminariste de bonne volonté a-t-il à sa disposi-
tion pour l'exciter? Ces moyens sont maigres; ces chances
sont réduiles.
On lui a donné sans doute quelques explications histori-
tous en mouvement :
délimité. Et voilà au contraire que la prière liturgique le
lance dans un vaste monde, plein d'objets de toutes sortes,
des rois, des peuples, des sages et des
:
prêtres, des ennemis maudits, des combats gigantesques,
tout cela passe ou s'affronte devant lui « Oreb et Zeb,
:
Zebee et Salmana », et bien d'autresencore! Cela ne suffit-
pas il faut que le monde extérieur, ce monde redoutable
sur lequel M. Tronson enseigne à si bien fermer les yeux,
fasse irruption tout entier dans sa prière. Et ce ne sont pas
des expressions discrètes et vagues à souhait, comme les
prières féneloniennes où l'on rend grâces à Dieu de nous
avoir tirés du néant, mais des poèmes glorieux où passent
la foudre et l'éclair, où tous les animaux se pressent autour
de l'homme,— et de grandes fresques historiques : l'Egyp-
tien jeté à la meravec ses chevaux et ses chars, la chute de
Babylone, et l'onction d'Aaron, et la faute de David. Com-
ment peut-on prier en pensant àtant de choses et dans un
tel apparent désordre ?
La comparaison d'ailleurs, non plus avec l'oraison men-
tale mais avec les prières vocales accoutumées, n'est pas
moins décevante. L'idéal decelles-ci, c'est de produire des
actes, c'est-à-dire d'exercer par une gymnastique spirituelle
appropriée tour à tour et à point nommé chaque vertu.
Pour cela on s'est habitué à se formuler à soi-même, tout
en s'adressant à Dieu, les diverses conditions psychologi-
ques dressées par les moralistes et les théologiens. C'est
ainsi qu'avant et après la communion on fait des actes de
désir, d'adoration, d'union, de remerciement où sont dé-
taillés; dans leur ordre technique, les sentiments que l'on
doit éprouver et les considérations sur lesquelles il faut les
appuyer. Pas trace de cela dans lebréviaire! Que peut pen-
ser notre jeune et pieux sous-diacre d'une prière qui se pro-
longe des heures durant sans formuler correctement un
seul acte de foi ou de charité?
Ceci pour les règles de la prière. Passons aux objets de
prière. La prière à laquelle notre séminariste est habitué
est une prière qui détaille en bon ordre des objets précis :
biens temporels ou spirituels définis, demande de la grâce,
prières pour les différentes activités apostoliques, etc. Le
bréviaire, sauf dans les litanies qu'on dit deux fois par an
et dans les brèves formules des preces feriales, ignore ces
requêtes en forme. « Quand on dit l'office, me déclarait -un
vieux prêtredésabusé, on ne sait jamais pourquoi l'on
prie. » On recommande parfois, il est vrai, de dire chaque
heure dans une intention particulière. Mais comme il est
impossible de relier d'ordinaire ces intentions à ce que l'on
dit, le danger n'est que trop réel de réciter les formules à
cette fin, simplement comme on ferait tourner un moulin
à prières thibétain. Dans cette voie, on rejoint vite la décla-
ration surprenante de Thomassin, affirmant, dans son livre
:
sur l'office divin, qu'il faut envier les religieuses qui le
disent sans y comprendre un mot « Le sens des paroles,
explique-t-il, ne risque plus de les empêcher de prier. »
Mais plus encore que tout cela, je le répète, c'est le style
général du bréviaire qui déroute d'emblée le clerc novice
dans sa récitation. Sans doute, il trouve ici ou là, dans les
psaumes, quelques beaux cris, quelques belles oraisons ja-
culatoires, quoique irrégulières dans leur forme et trop peu
pieuses (le Sacré-Cœur, saint Joseph, la petite Sœur Thérèse
n'y sont jamais mentionnés). Mais, dans l'ensemble, en
quoi sont-ce là, pour lui, des prières? C'est de la poésie, de
la grande poésie lyrique, obscure parfois, difficile souvent,
toujours d'un mouvement trop vaste, trop ample, trop ou-
vert pour ne pas éteindrecette petite flamme intime que la
prière est pour lui. Je le répète, l'office, les psaumes sur-
tout, ne sont pas pieux, au sens où sont pieuses les prières
du matin et du soir, les actes pour la communion, et tou-
tes les habituelles prières de dévotion, celles que les jeunes
gens angéliques copient au dos de leurs images d'ordina-
tion, et celles aussi bien que l'on dit à la J.E.C. ou à la
J.O.C. Tout cela est trop grand, peut-être trop beau. Mais
cela n'a pas le ton qu'il faut. Quand on prie, on n'a pas idée
de le faire ainsi. -
:
ments qui semblent encore plus éloignés de nous que ceux
qu'évoquent Abraham, Isaac ou Jacob le pessimisme mé-
taphysique de Job, la prudence aux lèvres minces des Sages
et des Scribes, etc. Faut-il l'avouer? les expressions d'un -
christianisme aussi peu de ce monde, aussi peu « Action
catholique » du type courant que celui des martyrs, et la
mystique nuptiale des vierges, et tout simplement les cris
du cœur d'un saint Paul, ne sont guère moins troublants
pour les habitudes spirituelles de notre jeune clerc.
Je l'ai dit : les choses vont plus loin, et c'est plus grave.
Le bréviaire, qui n'enseigne presque rien formellement, ne
respire tout de même pas la même atmosphère que les trai-
tés modernes de théologie dogmatique, ni même que le
catéchisme. Il ne parle pas tant du Dieu un en trois person-
nes, dont les actions ad extra sont communes, quedu Père
duquel tout procède, du Fils en qui tout a été créé et qui
nous associe à sa filiation, de l'Esprit qui fait de nous son
temple. Il ignore purement et simplement la distinction si
importante entre grâce sanctifiante et grâce actuelle. A pro-
pos des grandes fêtes chrétiennes, il fait tenir à saint Léon
des propos singuliers qui ne ressemblent en rien à ceux des
auteurs sérieux. Etc., etc. Enfin, il ignore tout sentimen-
talisme devant la crèche ou la croix. Il dédaigne dans la vie
du Sauveur ou de la Sainte Vierge l'anecdote émouvante
cultivée pour elle-même. D'emblée, il nous emporte à pro-
pos de l'historique dans le mystère, cependant qu'il néglige
d'en tirer les considérations morales et édifiantes qui « font
du bien », comme on dit.
Quand on tient compte de ces éléments, comment veut-
on que le pauvre petit sous-diacre se raccroche à quelque
chose dans tout ce latin qu'il lui faut quotidiennement in-
gurgiter? pensum divini officii!. Quand il sera prêtre et
qu'il sortira du séminaire, le pli sera pris. On subit le bré-
viaire. On s'en accommode. On le pousse doucement dans
les coins pour qu'il ne gêne pas trop. Cela devient avec
l'âge une habitùde dont on ne souffre plus. C'est a le ron-
ron », comme disait un vénérable chanoine, le ronron qui
vient mettre à heures fixes une pieuse vacuité dans l'exis-
* tence. La bouche s'habitue à couler les formules latines sans
effort. Si le cœur est bon, il ygarde attaché un petit filet
d'onction. Et cela suffit. Plus on avance dans le ministère
et dans la vie et plus les sources de la piété qu'on inculque
aux autres et qu'on pratique soi-même dissuadent de cher-
cher encore une autre source dans ce massif hétérogène.
Petit à petit on s'est habitué à ne plus le voir. Jele répète, -
Il
,
REMÈDES A CET ÉTAT DE CHOSES
-
:
qui correspond à l'usage jérusalémite ancien que nous re-
trace Silvia les laudes à la pointe du jour, précédant et
engageant l'oraison personnelle par une effusion de louan-
ges à la lumière qui vient; puis la célébration de la messe,
et prime pour passer de l'action de grâces aux activités du
jour.
En voici assez sur ces questions d'horaire. Je m'y suis
étendu longuement, parce que leur importance est bien
plus grande qu'il ne semble. La prière dubréviaire, c'est
la prière des heures. Si l'on commence par le méconnaître
on retired'emblée le bréviaire de la vie réelle de celui qui
le dit. Inutile après cela de chercher à intéresser le récitant
à ce dont on a fait de perpétuelles contre-vérités. J'ai été
sévère contreles bloquages. Je sais par expérience qu'il y
a des cas où ils sont inévitables. Mais il n'y a à peu près
:
pas de cas où l'on ne puisse du moins sauvegarder ce prin-
cipe de secours ne jamais dire plus de deux heures à la
suite. Aussi longtemps qu'on s'en tiendra au moins à cela,
le bréviaire gardera une signification. Plus moyen, par
contre, de le prendre au sérieux quand on en a fait cette
pâtée indigeste avalée quotidiennement en deux fois (quand
ce n'est pasen une seule), à laquelle, hélas! tant de prêtres
:
gente de l'office, la Bible et quelques écrits patristiques y
suffiraient la Bible avec les actes authentiques des mar-
tyrs, les Sentences des Pères du désert, l'Expositio in Psal-
mis attribuée à saint Athanase, les Enarrationcs de saint
Augustin, les Conférences de Cassien, quelques commen-
taires de saint Jean Chrysostome sur saint Paul, les Ser-
mons sur les fêtes de saint Léon, — voire la Bible seule à
côté du bréviaire repris à loisir.
Certes, les résultats des commentaires critiques modernes
atteints dans de sérieuses vulgarisations, comme la collec-
tion Verbum Salutis pour le Nouveau Testament, comme
l'excellent petit livre de M. Weber pour le Psautier, ces ré-
sultats apporteront une aide inappréciable, et généralement
indispensable. Mais ces introductions, si bien faites soient-
elles, ne serviront qu'à condition d'aller plus loin, qu'à
condition d'atteindre par elles à une intelligence directe des
textes, dans leur ensemble, dans leur mentalité, dirais-je,
bien plus que dans leur détail. Que les récits de l'Écriture,
que la forme immédiate de la Parole de Dieu avec toutes
ses résonances de parole adressée comme celle d'un homme
à d'autres hommes, que la réaction première éprouvée de-
vant elle par ceux qui restent à jamais nos Pères dans la foi,
puisque l'Église les dit ses propres Pères, que cet ensemble
fondamental où baigne la mens Ecclesiae, le voûe; XplOTOÛ,
devienne intérieur à la conscience de ses prêtres, passe dans
:
la substance de leur âme et ils n'auront plus qu'à ouvrir le
bréviaire sans se soucier d'une autre préparation ses pages
chanteront d'elles-mêmes sous leurs regards et sur leurs
lèvres.
Je voudrais insister cependant sur une étude privilégiée.
D'une part, elle résume en elle toute l'étude de la Bible,
par ce que celle-ci a de plus directement nourrissant. D'au-
tre part, elle est plus qu'aucune autre utile, voire indispen-
sable à la récitation fructueuse du bréviaire. Je veux parler
naturellement du psautier. L'essentiel de l'office, depuis les
origines, ce sont les psaumes. C'est une opinion solide de
moralistes que celui qui s'en tiendrait leur récitation satis-
ferait au précepte. Car l'office est venu tout entier de la réci-
tation continuelle du psautier par les moines anciens.
Il serait infiniment désirable que les prêtres comprissent
quel trésor simplement d'humanité l'Église leur met entre
les mains avec le psautier. Il faudrait qu'ils connussent
toute la variété originelle de formes littéraires, d'époques,
de milieux, de circonstances et de tendances que représente
ce recueil, superficiellement uniformisé par la version la-
tine et la disposition livresque. Mais il est absolument né-
cessaire, par-dessus tout, qu'ils s'initient à la vision du
Christ qui s'y est préparée, non seulement dans les psaumes
messianiques au sens strict, mais plus généralement dans
les hymnes du roi (prince, guerrier et juge), dans les can-
tiques sacerdotaux, et surtout peut-être dans les prières du
*
juste persécuté. Il leur faut s'associer en toute intelligence
à ce patriotisme surnaturel qui s'y ébauche, et, traversant
la Sion charnelle, instruit par l'expérience d'Abraham, de
Joseph, de l'Exode, des juges et des rois, puis fondu au
creuset de l'exil, atteint, dans les psaumes graduels, la vi-
sion de la Jérusalem d'en-haut, « celle qui, dit saint Paul,
est notre mère». Et il faut encore que derrière cette épouse
que le grand épithalame du psaume 44 place à la droite du
Roi, ils découvrent avec des yeux purifiés tout cet univers
nouveau, cet univers qui n'est plus le monde dont Satan
est le prince, mais la gloire du Créateur reconquise par le
Rédempteur, gloire chantée avec une telle exubérance par
la poésie des grands psaumes cosmiques.
Et en même temps qu'à cette religion du Christ premier-
né detoutes créatures, qu'ils accèdent à cette religion si
intérieure (et qui pourtant est la même), religion des pro-
phètes yahvistes et des Sages deutéronomistes : la loi de
Dieu qui restaure l'âme, la miséricorde de Dieu sur les
humbles, la certitude de sa présence illuminant les ténè-
bres, la confiance absolue qu'à sa lumière nous verrons la
lumière, qu'auprès de lui est la source de la vie. Enfin, et
peut-être surtout, que les psaumes, compris comme les
Pères les comprenaient, les fassent entrer dans cette prière
militante, cette prière combattante qui doit être sans cesse
celle des viatores que nous sommes, et tout ensemble les
pénètrent de cette victorieuse sérénité de la foi, de cette paix
devenue si naturellement la devise de ceux dont toute la vie
est de redire les psaumes et de les revivre.
Mais, j'y insiste une dernière fois, cette intelligence spi-
rituelle du Psautier pour laquelle les prêtres ne devraient
épargner aucun studieux effort, quelque bénéfice qu'elle
retire, quelque besoin qu'elle ait d'introductions spéciales
pourvues de toutes les ressources de la science moderne,
nécessitera plus que tout le reste la culture chrétienne, cette
cultureacquise bien mieux par simple contagion auprès des
anciens que par toute l'érudition des modernes.
Ce qui s'impose en définitive, c'est de regagner le sens
plein de la prière, c'est de reconnaître qu'elle n'est pas seu-
lement, ni surtout peut-être, méditation systématique, mais
conversation naturelle et familière avec Dieu, — non pas
A
d'abord exercice de l'âme appliqué à l'obtention d'un but
précis, mais libre contemplation qui est son but à elle-
même, ou plutôt qui trouve sa fin dans une préparation,
par une vue de foi portée sur toutes choses, à la vue de tou-
tes choses en Dieu que nous donnera la vision de gloire.
Le bréviaire, pour tant degens, même « surnaturels»,
c'est du temps perdu, parce que c'est sans rapport direct ni
avec l'acquisition méthodique des vertus, ni avec l'action
apostolique. Mais il faut enfin sortir de cet utilitarisme à
courtes vues, si bien intentionné soit-il. La vie intérieure,
l'apostolat, peuvent et doivent bénéficier de toutes les mé-
thodes modernes d'une psychologie rationnelle. Mais le
fonds du christianisme échappe à son emprise. Vouloir l'y
réduire, c'est vouloir l'étouffer. La vie spirituelle de l'indi-
vidu n'est pas seulement, n'est pas d'abord une affaire de
dressage. L'apostolat n'est pas seulement, n'est pas d'abord
:
uneaction empirique. Toutes les méthodes spirituelles n'ont
qu'un but l'accession à la liberté intérieure et au contact
:
personnel avec Dieu qu'elle permet et suppose. Tous le*
efforts apostoliques n'ont qu'une raison d'être transmet-
tre aux autres ce que soi-même on aura contemplé dans
cette rencontre. Le bréviaire, bien préparé, bien prolongé
par tout l'effort personnel de culture intérieure doit alimen-
ter en nous cette vie avec Dieu, en renouveler en nous le
jaillissement pour les autres. Comprenons enfin que c'est
cela la fin de tout le reste, et non le reste qui puisse en être
la fin.
Quel est le but, en effet, de toute notre religion, d'après
le simple catéchisme? Connaître Dieu et l'aimer. Mais com-
ment, dans la prière, s'exprimeront directement cette con-
naissance et cet amour? Par la louange. Or c'est là au fond
le mérite suprême du bréviaire, et de la psalmodie en parti-
culier : non seulement la louange y occupe la place princi-
pale, mais toutes les autres formes de la prière y sont enve-
loppées par la louange. Et c'est la raison pour laquelle, bien
plus que de nos modes accoutumés de prière, le bréviaire
semble proche d'un vaste poème lyrique. Qu'est-ce, en effet,
que la poésie lyrique, sinon la simple dégradation, la laïci-
sation de ce qui, à l'origine, était un hymne (l'histoire de
nos littératures méditerranéennes est là-dessus formelle)?
Ce qui nous déconcerte le plus dans l'office, ce n'est donc
pas le signe qu'il ne serait pas, qu'il ne serait que peu « de
la prière », mais plutôt le signe que nous avons réduit la
prière peu à peu à des aspects secondaires, — importants,
je le veux bien, mais secondaires. Un plein sens chrétien,
restauré par une authentique culture chrétienne, nous rap-
pellera que la prière est hommage rendu à Dieu avant d'ê-
tre exercice de vertu, avant même d'être instrument d'apos-
à
tolat. Le bréviaire rendra donc notre vie spirituelle comme
son atmosphère vitale. Inutile, sa prière désintéressée?
Aussi peu que sont inutiles à la croissance d'un arbre l'air,
le soleil et la pluie. Passez tout votre temps à l'émonder
rationnellement, et en même temps refusez-lui ces condi-
tions primordiales de sa vitalité, vous verrez ce que vous
aurez gagné et ce que vous aurez perdu.
Ajoutons-le. Il y a quelque illusion à se reposer trop abso-
:
lument sur les plus rationnelles des méthodes. Prenons un
exemple typique les formules modernes des actes de foi,
d'espérance, de charité ou de contrition auxquelles nous
sommes arrivés à donner tant d'importance. C'est une psy-
chologie bien courte que celle qui croit qu'on aura fait au-
tant d'actes de ces vertus qu'on aura de fois récité sérieu-
sement les formules. La volonté humaine ne se met pas en
branle si facilement. Il ne suffit pas de lui représenter avec
une exactitude rigoureuse les motifs qui doivent la déter-
miner pour qu'elle pose un acte. Il y faut tout un entraîne-
ment bien plus souple et bien plus prenant. Inversement,
on s'égarerait cette fois du tout au tout si l'on croyait qu'il
n'y aura pas d'actes parfaits de foi, d'espérance ou de cha-
rité, où il n'y aura pas l'usage de la formule exacte ou de
son équivalent. La vérité est que la récitation attentive du
miserere, par toute la suggestion que son ensemble exer-
cera sur l'âme religieuse, lui fera faire très probablement
bien plus d'actes d'amour et de contrition et de bien meil-
leurs que la récitation multipliée de formules théologique-
ment parfaites, mais psychologiquement inanimées parce
que abstraites. Nous sommes ramenés à la comparaison faite
si souvent de nos jours par les physiologistes, entre l'exer-
cice naturel comme la marche, etl'exercice artificiel comme
la gymnastique. A première vue, ce dernier donne un ren-
dement très supérieur. Mais, à la longue, la différence se
retourne contre l'exercice qui pousse artificiellement un
organe en laissant les autres à l'abandon, au bénéfice de
l'exercice qui développe, plus lentement mais peut-être plus
sûrement, l'harmonie de tous les organes.
Ceci m'amène à une question qui me permettra de con-
clure. La restauration du bréviaire dans la spiritualité des
prêtres doit-elle donc entrer en conflit, sourdement ou bien
ouvertement, avec des pratiques plus modernes de la spiri-
tualité sacerdotale, et notamment l'oraison méthodique?
Rien de plus faux.
Avouons-le au préalable, c'est une illusion dissipée par
la moindre lecture des écrits patristiques cités tout à l'heure
que de croire la vie liturgique exclusive, dans l'antiquité
chrétienne, d'une vie d'oraison personnelle. Ce qui est sai-
sissant au contraire, chez un Cassien par exemple, c'est la
compénétration admirable de la psalmodie chorale et de la
méditation privée. L'une est l'assimilation de l'autre; celle-
ci est l'effloraison de celle-là. Qui plus est, bien loin d'igno-
rer une pratique méthodique de l'oraison, nombre de ré-
flexions de saint Antoine ou des Pères du désert en formu-
lent les principes les plus sagaces. De même, rien qui soit
plus typiquement exposé chez les anciens spirituels que
l'application à une acquisition progressive des différentes
vertus. Ajoutons que l'agitation de la vie moderne rend
absolument nécessaires, pour les prêtres vivant dans le
monde, ces moments strictement délimités pour l'oraison
mentale que l'on a récemment, il est vrai, substitués à la
frange de méditation qui prolongeait simplement, jadis,
les prières vocales. Précisons encore que la multiplicité des
objets qui assiègent l'esprit moderne rend bienfaisant, et
souvent nécessaire, dans ces moments d'oraison, l'usage de -
règles plus ou moins strictes dont les anciens, plus naturel-
lement équilibrés, plus faciles à intérioriser, n'éprouvaient
pas le besoin.
Mais ce qui est déplorable, c'est d'opposer cette oraison
méthodique à l'office, comme si elle ne devait pas en être
plutôt l'adjuvant appelé par les circonstances. Et ce qui est
irrémédiable, c'est de la développer en ignorant l'office,
comme si la méditation organisée devait se suffire à elle-
même. Dans ce cas, évidemment, sa propre réussite con-
damnerait le bréviaire à devenir ou à demeurer une forme
vide.
Ce qu'il faut, c'est rétablir le contact entre le neuf et l'an-
cien. Toutefois, pour cela, il est une condition sine qua
non. Qu'on n'aille pas renverser l'ordre naturel. Qu'on ne
prétende pas, comme on l'a fait plusieurs fois, ramener
artificiellement l'office aux cadres de la spiritualité mo-
derne; c'est une dérision que de prétendre faire des matines
une méditation en trois points, sous prétexte qu'il y a trois
nocturnes; toutes les tentatives de ce genre sont condamnées
d'avance. Il ne s'agit pas de donner aux sources la forme
d'une bouteille, mais de mettre dans les bouteilles l'eau de
la source. Ce qui s'impose, c'est de nourrir à l'office lui-
même et à ses propres sources notre oraison, qui si souvent
se décourage parce que sa machinerie délicatement agencée
tourne à vide.
A cet égard, Bremond l'a montré d'abondance dans son
dernier volume, nous aurions à nous instruire des exem-
ples fournis par les prières de dévotion du XVIIe siècle.
Spontanément, alors, la méditation ordonnée se faisait sur
des thèmes, dans des lignes, avec des formules, dans un
esprit scripturaire et liturgique. Je ne citerai qu'un exem-
ple, qui n'est pas pris d'ailleurs à Bremond. Le grand mys-
tique bénédictin anglais, Dom Augustin Baker, à la suite de
son traité de spiritualité Sancla Sophia, donne de multiples
thèmes de méditation (sur les vertus fondamentales, sur les
fins dernières, etc.) qui ne sont généralement qu'un cen-
ton de formules tirées du psautier ou des passages de saint
Augustin cités à l'office. Celui qui s'en sera nourri ne
pourra pas ensuite redire son bréviaire sans qu'à chaque
instant ce dernier ranime en lui ce que saint François de
Sales appellerait le bouquet de son oraison.
Puisque j'ai cité un catholique anglais, il faut le dire,
nous aurions grand avantage à nous inspirer aussi de cer-
tains auteurs anglicans, tels ceux qu'on nomme les Caroline
Divines1. Redécouvrant eux-mêmes la liturgie catholique
et désireux d'en imprégner à nouveau une spiritualité deve-
:
vie intérieure, ne perdront rien à retrouver cet accent viril,
et plus encore cette réalité de la foi, au lieu des agréments
de l'imagination.
Et pour prévenir toute crainte, ajoutons qu'il n'y a pas à
redouter de la spiritualité du bréviaire, de la spiritualité de
l'Église qu'elle étouffe jamais dans le prêtre l'humanité.
Quel contre-sens historique que d'attribuer à la seule dévo-
tion post-médiévale le culte de l'humanité du Christ! Où
donc le Christ est-il plus humain que dans l'Évangile? Où
donc, après celle de l'Évangile, trouve-t-on une plus pure
perception de son humanité que dans les offices de Noël ou
de la Semaine Sainte? Seulement, dans les uns comme dans
les autres, on n'oublie jamais, on ne feint jamais d'oublier
que cette humanité est celle du Fils de Dieu. Et surtout ce
n'est pas, devant notre Seigneur et Sauveur, à un sentiment
simplement humain que l'on s'y arrête jamais; on va tout
de suite à la foi qui l'atteint tout entier, dans sa personne
comme dans son œuvre.
CONCLUSION
:
Je ne me le dissimule pas cet exposé aura déçu ceux qui
l'auront suivi patiemment jusqu'au bout. Vous attendiez
sans doute un mode d'emploi qui permît, en quelques le-
çons, de se servir enfin commodément d'un instrument jus-
:
qu'ici rebelle à l'usage. Je regrette à mon avis, le « truc »
V
-
très -édifiants. Mais parce que les modernes traducteurs bi-
bliques conjecturent en toute liberté, là où les anciens trans-
posaient candidement le mot à mot. Je ne sais si les autori-
tés suprêmes de l'Église accepteront jamais de patronner •
une version officielle de l'Écriture qui se départisse tout à
fait de ce littéralisme
Restent tout de même des contre-sens qui pourraient être
1. :
C'est fait une nouvelle version officielle du Psautier vient d'être
!
produite par l'Institut biblique. Elle répond aux plus osés de ces
desiderata. Deo gratias
débrouillés (surtout dans les temps des verbes); ces relou-
ches éclaireraient singulièrement la lecture. Sans doute.
Mais à s'en tenir là, il ne faut pas trop s'illusionner sur les
possibilités. Peut-être, tout compte fait, le plus simple et ce
à quoi l'Église consentirait le plus volontiers serait une
adoption du 3e psautier de saint Jérôme, secundum hebraï-
?
cam veritatem L'avenir seul nous fixera1.
Plus facile serait sans doute une rectification des coupu-
respratiquées dans les psaumes sous Pie X. Comme le disait
Dom Cabrol, on semble les avoir faites au double décimè-
:
tre. Il faudrait corriger un travail bon dans l'ensemble mais
trop hâtif dans les détails réunir ce qui a été malencon-
:
treusement séparé, disjoindre ce qui n'est uni par rien.
D'autres questions se poseraient la préparation des clercs
à la prière publique dont ils doivent être les ministres,
avant même de l'être du Saint Sacrifice. Mais ici je sortirais
tout à fait de mon domaine et je n'ai plus qu'à m'arrêter.
L. BOUYER,
de l'Oratoire.
I. Encore une fois, il nous a maintenant fixés. Une fois de plus, l'É-
glise a opté pour la hardiesse. Prochainement, les prêtres auront entre
les mains un psautier où il ne tiendra qu'à eux de tout comprendre
et de tout goûter.
Le texte du nouveau Psautier latin étant encore peu répandu en
France, nous pensons intéresser nos lecteurs; en leur donnant comme
spécimen le texte (sans De sommaire ni les notes) des psaumes de Com-
plies du dimanche.
Psaume 4
Cum invocavero, exaudi me, Deus iustitiae meae, qui in tribu-
latione me sublevasti.
Miserere mei et exaudi orationem meam.
?
Viri, quousque estis graves corde quare diligitis vanitatem et
quaeritis mendacium ?
Scitote : mirabilem facit Dominus sanctum suum;
Dominus exaudiet me, cum invocavero eum.
Contremiscite et nolite peccare, recogitate in cordibus vestris,
in cubilibus vestris, et obmutescite.
Sacrificate sacrificia iusta, et sperate in Domino.
?
Multi dicunt : « Quis ostendet nobis bona » Extolle super nos
lumen vultus tui, Domine!
Dedisti laetitiam in cor meum maiorem, quam cum abundant
tritico et vino.
In pace, simul ac decubui, obdormisco, quoniam tu solus,
Domine, in securitate me constituis.
Psaume 90 -
Psaume 133
Ecce benedicite Domino, omnes servi Domini; II
Qui statis in domo Domini, horis nocturnis.
Extollite manus vestras ad sancta et benedicite Domino.
Ex Sion benedicat tibi Dominus, qui fecitcaelum et terram.
DEBAT SUR LA SPIRITUALITE
DU CLERGE DIOCESAIN
Rapport du R. P. Féret
Je ne m'attendais pas àdevoir parler aujourd'hui de ce sujet. Aussi
bien ne voudrais-je, pour satisfaire à la requête qui m'est adressée,
- que proposer, en quelques brèves réflexions, un point de départ àla
discussion et quelques discernements qui me semblent majeurs.
:
Je rappelle tout d'abord l'actualité et la genèse de ce problème.
Son actualité besoin quasi universel du clergé d'avoir -à sa disposi-
tion une nourriture spirituelle plus substantielle, plus assimilable
aussi, que celle dont eh fait il se nourrit; impression qu'il lui man-
que quelque chose en cet ordre. D'où, chez un grand nombre de
prêtres, après quelques années de ministère, la tentation de l'éva-
sion vers d'autres états de vie, l'état religieux notamment, où ils
espèrent être plus soutenus et mieux nourris chrétiennement.
Le souci d'élaborer une spiritualité du clergé est né de là, pour une
large part. Étonnés à bon droit, sinon scandalisés de ce que le sacer-
doce ne puisse nourrir ceux qui en sont revêtus, et constatant par
ailleurs que tels autres états ou conditions chrétiennes, l'état reli-
gieux par exemple, attiraient les dissidents par leur tradition spiri-
tuelle, des théologiens ou des pasteurs d'Église (je songe, par exem-
ple, pour ne parler que des disparus, au vénéré cardinal Mercier) ont
pensé que le remède approprié serait d'élaborer pour le clergé sécu-
lier une spiritualité propre, une spiritualité de famille si je puis dire,
grâce à laquelle il trouverait dans son état la satisfaction de ses légi-
times et nécessaires aspirations vers la perfection chrétienne et évan-
gélique. Telle est, en bref, la genèse de notre problème.
Ici, je remarque que ce problème n'est pas propre au clergé; dans
le même temps, des prêtres et des apôtres, voire des théologiens, se
préoccupent pareillement d'élaborer une « spiritualité du laïcat »,
voire des spiritualités plus spécialisées encore pour tel ou tel milieu
laïc plus différencié.
Quant à la « Spiritualité de l'épiscopat », dont M. Martimort nous
a excellemment entretenus hier, je ne la mentionne que pour prévenir
:
l'équivoque dont cette expression pourrait encombrer le débat il
est clair que, par cette formule
:
« Spiritualité de l'épiscopat », il ne
s'agissait pas d'exprimer ni d'élaborer une spiritualité propre à l'é-
tat épiscopal (milieu éminemment spécialisé), mais de rappeler qu'é-
tant donnée la fonction essentielle, structurale, de l'épiscopat dans la
constitution de l'Église de Notre-Seigneur, nul chrétien, qu'il soit
laïc, moine ou prêtre, ne peut se sanctifier qu'en développant sa com-
munion avec son évêque, condition essentielle pour tous de cette
communion avec l'Église entière hors de laquelle il n'est point de
sainteté chrétienne possible. Saint Thomas note soigneusement que
cela vaut aussi bien pour les religieux exempts que pour les autres,
à ceci près que c'est le Pape qui est directement leur évêque sanctifi-
cateur.
»
La « Spiritualité de l'épiscopat dont nous a entretenus M. Marti-
mort n'est donc absolument pas en cause dans les remarques qui
vont suivre, ou plutôt c'est la seule, au sens que je viens de dire, qui
me paraisse à développer de plus en plus, en tant précisément qu'elle
est essentielle à l'unique « Spiritualité de l'Église chrétienne
faveur de laquelle je voudrais maintenant plaider.
» en
Car, pour le dire tout net, j'éprouve, comme théologien et comme
historien, un malaise croissant devant cette efflorescence contempo-
raine de spiritualités spécialisées, ou du moins de tentatives de spi-
ritualités spécialisées, et, à l'inverse, j'attends beaucoup des travaux
et de l'influence d'un Centre de Pastorale Liturgique pour la solu-
:
tion des problèmes très réels qui sont à l'origine de ces tentatives.
Mon malaise est celui-ci Existe-t-il des spiritualités ainsi distinc-
tes?
:
Je distingue
En histoire, en science d'observation, il y a des spiritualités diver-
ses et multiples, c'est indéniable. Elles sont l'objet de la science des
spiritualités qui ont existé de fait. Cette science nous apprend com-
ment des milieux humains différents, à des âges différents, ont réagi
au message de l'Évangile : spiritualités d'Orient et d'Occident, spiri-
tualités des différentes familles monastiques et religieuses, spiritua-
lité de la devotio moderna ou des Exercices, ou de l'Oratorio del
divino amore (cas extrêmement intéressant d'une spiritualité de
laïcs).
Mais en doctrine, en cette doctrine que le théologien doit sans cesse
élaborer au mieux, existe-t-il diverses spiritualités, non de fait, mais
?
de droit Je ne le pense pas. Remarquons tout d'abord ce que sont,
au regard de l'historien, ces diverses spiritualités que sa science lui
présente. Ce sont essentiellement des résultantes. Elles représen-
tent, ai-je dit, la façon dont certains milieux humains ont réagi au
message évangélique. Mais justement, en cette réaction même, leurs
»
de formuler une « spiritualité originale Je ne le pense pas leur :
initiateurs, ou leurs porte-paroles, avaient-ils l'intention d'exprimer,
?
intention était d'exprimer et de pratiquer de leur mieux et selon son
intégrité, selon son intégralité, le message de l'Évangile et de la
Révélation. Et il se trouvait que, de par leur condition concrète de
vie, ou d'activité, de par aussi les limitations de tout esprit, de toute
conscience humaine et son impuissance à assurer l'infinité spiri-
tuelle du message évangélique, ils aboutissaient à une réalisation
originale, que l'historien caractériserait après coup comme étant la
spiritualité de tel homme, de tel milieu, de telle famille, mais dont
l'originalité n'était pas recherchée ni voulue comme telle par l'ini-
tiateur. Encore une fois, au témoignage de l'histoire, il semble qu'une
spiritualité se constate post factum, mais ne se cherche pas a priori.
:
Je vais jusqu'au bout de ma pensée. L'histoire me paraît ne le mon-
trer que trop même post factum, il n'est pas souhaitable que les
membres d'une famille spirituelle, en christianisme, soient avant
tout soucieux d'être fidèles à telle spiritualité particulière héritée de
leur fondateur ou de la tradition issue de lui; ils risqueraient ainsi
de tomber dans cet esprit de chapelle qui est si facilement une mini-
misation, sinon même la négation de ce sens de l'unité qui est ce
qu'il y a de plus essentiel au message chrétien. Saint Dominique ne
fut pas d'abord soucieux de faire quelque chose de dominicain, mais
de prêcher l'Évangile, ni saint Thomas de créer un système thomiste,
mais de faire œuvre de théologien. L'un et l'autre ne furent soucieux
que d'être en totale symbiose, si je puis dire, avec la totalité du mys-
tère de l'Église, et de le servir chacun selon ce que postulait ce mys-
tère de l'Église au moment où ils vivaient. Ainsi de tous les grands
témoins. Comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, c'est
sans le savoir que, appartenant de naissance ou par fonction à telle
famille spirituelle, et réagissant face à l'Évangile selon le tempéra-
ment probablement commun aux membres de cette famille, on don-
nera un témoignage apparenté aux leurs. Il reste que la loi première
de ce témoignage n'aura pas été de chercher avant tout à demeurer
en cette parenté, mais bien de tendre à saisir et à exprimer le mieux
possible le message évangélique commun à toutes les familles, et pris
selon son intégralité.
L'histoire, disais-je, ne montre que trop ce danger de l'esprit de
famille lorsque, prenant la place du sens de l'Église et de son unité, il
devient un esprit de chapelle. Pour ne citer qu'un exemple, cela ne
fut que trop nuisible à l'Église à la veille de la réforme du XVIe siè-
cle. Je ne suis pas sûr que cela ne joue encore parfois de nos jours, au
détriment de l'unité et de la cohésion, partant du rendement de l'a-
postolat chrétien.
Est-il donc souhaitable que, entrant dans cette ligne, nous ayons,
non pas comme résultante, mais en conséquence d'une volonté a
:
priori, une spiritualité du clergé? Je ne le pense pas. Tout d'abord,
je le crains, nous n'aboutirions pas on ne crée pas plus une « spiri-
tualité » de façon artificielle qu'on ne crée un vivant d'une façon
artificielle. S'il doit naître une spiritualité originale du clergé, c'est
de la vie du clergé qu'elle naîtra et, si je puis dire, sans qu'on s'en
aperçoive d'abord. En outre, à vouloir la faire naître coûte que coûte,
je craindrais qu'on n'évite pas le danger de créer des divisions nou-
velles entre nous, de multiplier en la cathédrale les chapelles laté-
rales en lesquelles nous ne nous dispersons que trop, alors qu'il est
plus urgent que jamais de nous regrouper tous, dans la communion
vivante à l'unité de l'Église chrétienne, dans la grande nef où se
déroule, autour de la hiérarchie apostolique, l'unique liturgie de
cette même Église.
C'est ici que je rejoins l'effort du C.P.L. et que nous pouvons, je
crois, en attendre beaucoup.
Si, après un an à peine de ses travaux et de ses échanges, il est
deux vérités qui se sont imposées à lui et qui nous trouvent toti,
unanimes, ce sont bien, me semble-t-il, celles-ci :
rO Tout renouveau liturgique présuppose et, en retour, favorise un
renouveau biblique.
20 Tout renouveau liturgique présuppose et, en retour, favorise un
renouveau communautaire.
Or, à la lumière de ces certitudes, qu'est-ce que, comme historien,
il me semble constater en cette ligne de l'histoire des spiritualités ?
Ceci précisément — que je demanderai à mes confrères historiens de
confirmer ou d'infirmer dans la discussion qui suivra — que les « spi-
ritualités » qui apparaissent au cours de l'histoire du christianisme
sont en effet d'autant plus caractérisées, différenciées, particularis-
tes, si j'ose dire, d'un particularisme par lequel elles vont parfois
jusqu'à s'opposer entre elles, jusqu'à se déclarer irréductibles (sauf à
en rendre responsables, non, bien sûr, le message de l'Évangile, mais
les différenciations des catégories humaines qui le reçoivent), qu'elles
rejoignent de façon plus médiate et indirecte les sources bibliques
telles que les exploite la liturgie, et la vie communautaire de l'Église,
telle qu'elle s'exprime encore dans la vie liturgique. L'âge moderne,
avec ces deux grandes étapes des XIVe-XVIe et XYI6.XIX6 siècles, est
l'âge d'or des spiritualités, mais il est loin d'être l'âge d'or de la cul-
ture biblique, ou du sens communautaire dans l'Église, ni, partant,
de la grande vie liturgique. Il apparaît au contraire comme l'âge de
l'individualisme et d'une conception presque purement juridique de
l'Église, de la culture chrétienne de type dialectique où la parole de
Dieu n'estrejointe qu'à travers un enseignement plus systématique
que biblique et des dévotions privées se substituant à la grande prière
collective de l'Église qu'est la liturgie. Au contraire, l'âge patristique,
où la pensée chrétienne était essentiellement biblique, où les Églises
et communautés chrétiennes avaient un sens aigu de leurs liens com-
munautaires, fut aussi l'âge d'or de la vie liturgique. Or, à cet âge,
on eût bien surpris les docteurs chrétiens si on leur avait demandé
d'élaborer, par milieux spécialisés, des spiritualités spécialisées : la
spiritualité unique de l'Église, tout en trouvant selon les temps et
les régions, selon les fonctions aussi et les ministères, des expres-
sions variées, était celle qu'ils puisaient dans leur vie liturgique, en
laquelle ils puisaient aussi, inséparablement, le sens de la catholica,
de l'unique catholica.
Ainsi, me semble-t-il, devons-nous attendre beaucoup pour la solu-,
tion du problème des spiritualités, celle des prêtres eu celle des laïcs,
d'un renouveau liturgique qui marquerait et favoriserait tout à la
foisun renouveau du sens communautaire et un renouveau de la —
culture biblique dans l'Église.
A condition, bien entendu, qu'on conçoive ce renouveau tel que
M. le vicaire général-de Cambrai nous l'a fait entrevoir hier d'une
façon à la fois si concrète (« proche desfaits », comme il disait) etsi
pénétrante («éclairée par l'idéal »). Et c'est-à-dire comme étant d'a-
-bord le culte rendu à Dieu, en union avec la totalité cosmique du
mystère du Christ, par l'immense et unique communauté chrétienne
telle qu'elle s'organise autour de la hiérarchie apostolique ou épisco-
pale. Pour établir une pastorale liturgique, dit M. Marcant, il faut
considérer, non seulement les exigences pastorales (de , caractère pra-
tique), fussent-elles supérieures, mais la nature et les exigences
objectives du culte que l'Église doit rendre à Dieu. De même, le
P. Dondaine a bien marqué 1 que les sacrements (et, peut-on ajouter,
la vie.liturgique dont ils forment l'ossature proprement surnaturelle),
à
sont la fois l'expression majeure du culte qui monte de l'homme
vers Dieu (et qui, en christianisme consiste d'abord en l'exercice de
la foi, de l'espérance etde la charité), et l'instrument dont Dieu se sert
pour répandre sa grâce dans son Église et dans les âmes. Bref, c'est
en rendant à la liturgie sa grande animation religieuse et même théo-
logale, cette animation qui doit l'emporter toujours sur toutes consi-
dérations humaines et pratiques, qu'on en recevra en retour pour tous
les participants, chacun à son rang, ces grâces vivifiantes que l'on
était tenté de chercher dans les « spiritualités ».Que l'on revivifie
donc cette grande prière biblique, ce grand mystère christique
qu'est la liturgie, et chacun, individu ou collectivité, y puisera ses
aliments spirituels, les laïcs comme le clergé. Et s'il doit exister un
jour, pour l'historien de l'avenir, une spiritualité du clergé, il me
paraît que la première condition pour qu'elle ait une valeur digne de
ceux qu'on prétend nourrir par elle, peut-être même la première
condition pour qu'elle puisse naître un jour, c'est qu'on ne la cher-
che pas pour elle-même et que bien plutôt on rende au clergé les
possibilités, matérielles et spirituelles, de se nourrir à plein,de nou-
et
veau, à cette liturgie biblique communautaire dont il est, de par
son ordination, le ministre quotidien dans la communauté chré-
tienne.
:
Mais limiter à cela ou à quelques autres valeurs semblables, si capita-
les soient-elles, la spiritualité du clergé, serait l'exposer, je crois, pour
lui et pour son ministère, à un appauvrissement c'est face à la tota-
lité de la révélation et à la totalité du mystère de l'Église qu'il doit
spirituellement se développer et rien ne l'y aidera mieux, me sem-
ble-t-il, que le grand renouveau liturgique que nous souhaitons tous.
II
Lettre de M. l'abbé Martimort au R. P. Féret
Paris, 29 janvier 1945.
Mon Révérend Père,
J'ai réfléchi longuement, à la suite de votre communication de
jeudi dernier à Vanves, et il me semble que la divergence qui nous a
séparés sur la question de la spiritualité sacerdotale vient de ce que
je n'ai pas su m'expliquer suffisamment sur le sens du mot spiritua-
lité. Peut-être, après quelques distinctions nécessaires, nous trouve-
rons-nous pleinement d'accord.
Il me semble que le terme spiritualité peut être employé pour dési-
gner deux méthodes, deux processus tout à fait différents. Il recou-
vre tantôt un processus inductif, tantôt un processus déductif.
Supposons, par exemple, que nous parlions de spiritualité de Dom
Marmion, spiritualité de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.Qu'enten-
dons-nous par là ? que nous essayons de discerner d'une part quelles
sont les vérités doctrinales qui faisaient l'objet le plus habituel des
méditations de Dom Marmion, de sainte Thérèse, et sur lesquelles le
Saint-Esprit leur a donné des lumières particulières; d'autre part,
quelles sont les vertus dominantes de leur vie, les pratiques d'ascèse
qui leur étaient plus spécialement chères. Rien de plus légitime et
de plus fécond que cette recherche; le Saint-Esprit en effet donne à
chaque être une vocation originale, aucun saint ne doit ressembler
exactement aux autres, et ainsi s'approfondit dans l'Église la con-
naissance du Christ, dont chacun essaie à sa façon de retracer l'image
en lui-même, et de l'Evangile que chacun s'efforce de mettre dans sa
propre vie. Assurément, c'est le Christ que nous devons imiter, c'est
son message que nous devons méditer, pourtant dans ce travail les
saints nous sont une aide précieuse; dégager l'originalité spirituelle
de chacun d'eux, c'est progresser dans la connaissance du Christ.
Lorsqu'un saint a eu un dynamisme tout particulier, il a suscité
un courant d'imitateurs, qu'il a parfois formés lui-même ou qui se
sont trouvés spontanément réunis dans son culte. Ordres religieux,
congrégations sont définis peut-être moins par un genre particulier
de vie que par la fidélité à un esprit, celui du fondateur ou d'un
réformateur. Non que cette fidélité soit l'objet nécessairement d'une
étude, d'une recherche volontaire; mais il y a plusieurs demeures
dans la maison du Père, et l'originalité de chaque vocation n'empê-
che pas que des ressemblances, des affinités ne puissent se créer qui
déterminent, dans l'intérieur de l'Église, des familles spirituelles.
Constatant l'existence de ces familles, on est amené à rechercher
quelle est leur spiritualité, on parlera alors de spiritualité francis-
caine, spiritualité cistercienne.
Dans les deux cas que nous venons d'envisager, qu'il s'agisse d'un
saint isolé ou d'un groupement, on a, pour élaborer leur spiritualité,
procédé par induction. D'une vie spirituelle spontanée, on a, après
coup, essayé de dégager les lignes dominantes, dans l'ordre de la
contemplation comme dans l'ordre de l'ascèse. Dans les deux cas,
cette recherche n'intéresse pas les seuls historiens, elle éclaire tous
ceux qui veulent, à leur tour, servir le Seigneur, qui s'engageant
dans le chemin déjà défriché pourronlt, avec la grâce du Saint-Esprit,
s'avancer à leur tour plus profondément.
Mais on peut imaginer une autre manière d'étudier la spiritualité,
une méthode déductive. On peut chercher à élaborer, à l'usage d'un
mouvement d'action catholique, d'un ordre religieux, du sacerdoce,
:
du mariage, etc., une spiritualité de toutes pièces. On voit tout de
suite combien ce procédé diffère du précédent au lieu de partir de
la spontanéité de la vie pour dégager une théorie, on peut partir de
la théorie pour rejoindre la vie. C'est devant une telle méthode,
Révérend Père, que vous vous élevez, parce qu'elle mon
vous apparaît con-
traire à l'histoire, et qu'elle introduit dans l'Église des cloisonne-
ments, des chapelles qui font perdre un peu de vue l'unité la catho-
licité.
II me semble qu'une distinction doit pourtant être
introduite dans
cet ensemble. Mouvement spécialisé, ordre religieux sont des
groupe-
ments contingents, accidentels dans la vie de lÉglise; dès lors, on ne
saurait sans tomber quelque peu dans l'artificiel, tenter a priori.de
bâtir une spiritualité du scoutisme, une spiritualité dominicaine: il
semble que ceserait de ses propres mains briser l'unité ou cloisonner
la nef en chapelles. De fait, lorsqu'un ordre religieux a retrouvé une
vie intense après une période de décadence, ce n'est pas parce que
l'étude a fait retrouver la spiritualité des premiers temps, c'est parce
:
qu'il y a eu un réformateur qui a vécu une intense vie spirituelle et
l'a communiquée à d'autres les historiens ont beau jeu parfois de
relever des différences entre le premier esprit de l'ordre et l'esprit de
la réforme.
Mais à côté de ces institutions de droit humain, contingentes, acci-
dentelles, il y en a deux qui doivent être considérées à part parce
:
qu'elles sont de droit divin, et essentielles à la vie de l'Église, parce
qu'elles sont sacramentelles l'ordre et le mariage. Il yaura donc un
effort déductif très légitime pour élaborer une spiritualité de l'épis-
copat, du presbytérat, du diaconat, du mariage. Le procédé, appa-
remment, est identique à celui que nous venons de rejeter tout de
suite; en réalité, il est totalement différent, parce qu'ici nous fondons
notre recherche sur une institution divine; nous ne risquons pas
d'introduire dans la nef des cloisonnements et des chapelles mena-
çant l'unité, nous dégageons ses éléments structuraires de la nef elle-
même. Que sera par exemple la spiritualité du presbytérat Une ?
étude de la théologie du sacerdoce, mais une étude orientée vers la
vie, une étude en fonctionde la vie; une théologie destinée à nourrir
la contemplation du prêtre, à faciliter son union au Christ, à com-
mander sa vie.
:
Vous direz peut-être que le mot spiritualité faisant équivoque, j'au-
rais dû dire plutôt théologie théologie de l'épiscopat, théologie de
presbytérat. C'est que par la faute trop souvent des théologiens, bien
des gens ont un peu perdu de vue que le dogme était générateurde
la piété, etont affecté de voir dans la théologie une construction arti-
ficielle de l'esprit dépourvue de rapport avec la vie. Aujourd'hui, nous
devons réaffirmer avec la plus grande netteté que c'est la théologie
qui commande et fonde notre vie spirituelle. Pour reprendre la
fameuse distinction de Gabriel Marcel, la théologie étudie non pas
des « problèmes » qui nous laissent indifférents, mais des 4, mystè-
res » dans lesquels nous sommes engagés. Élaborer une spiritualité
du mariage ou du sacerdoce, c'est étudier la théologie de ces sacre-
ments, en montrant comment cette théologie commande la vie, oblige
à lasainteté, et fournit les moyens d'y parvenir.
Veuillez agréer, mon Révérend Père, l'expression de mes sentiments
respectueux et religieusement dévoués.
AIMÉ-GEORGES MARTIMORT.
III
Réponse du R. P. Féret à M. Martimort
IV
Communication de S. Exc. Mgr Guerry
*
**
se dégagent nettement :
Il nous semble que trois traits caractéristiques de cette spiritualité
!
Que l'on ne nous objecte pas surtout que, trop souvent, la vie des
diocèses ne nous apparaît pas sous cet aspect Tout le problème est
précisément, en retrouvant le sens précis de l'existence de ces com-
munautés dans l'Église, de les aider à devenir ce qu'elles devraient
être, ce qu'elles furent souvent dans le passé, ce qu'elles aspirent à
devenir de plus en plus aujourd'hui.
Dom Gréa a magnifiquement exposé le mystère de l'Église particu-
lière : une spiritualité du clergé diocésain devra nécessairement s'ins-
C'était lui qui aimait à redire à l'un de ses fils spirituels « Le:
pirer des lumières de ce profond et admirable théologien de l'Église.
XIXe siècle a été celui de l'Église universelle et de la papauté. Il fallait
:
que la grandeur du Souverain Pontife fut d'abord mise en pleine
lumière. Le XX" siècle sera celui de l'Église particulière l'heure est
venue de faire apparaître aux yeux des prêtres et des fidèles la vraie
mission de l'épiscopat, en union avec le Chef suprême de l'Église et
dans la soumission à son autorité. »
De fait, comment ne reconnaîtrait-on pas comme un commence-
ment de réalisation de ces vues prophétiques dans ce mouvement
puissant, qui porte aujourd'hui tant d'âmes de prêtres à retrouver
l'esprit du collège presbytéral, tel qu'il existait sous Ignace d'Antio-
che, serrant les prêtres autour de leur évêque et animant les premiè-
res communautés chrétiennes ? Ce mouvement, non seulement il
faut bien prendre garde de ne pas le sous-estimer, car il est riche de
promesses, mais il faut le bien comprendre pour l'aider à s'orienter
dans la ligne droite et à se réaliser.
Si tant de jeunes prêtres aspirent aujourd'hui à une vie commu-
nautaire, s'ils désirent si vivement voir se nouer plus fortement en
des institutions stables les liens qui les unissent à leur évêque, ce
n'est pas simplement parce qu'ils redoutent les dangers de l'isole-
ment et les appauvrissements de l'action individualiste; ce n'est pas
seulement non plus parce que beaucoup d'entre eux ont fait, dans
les mouvements d'Aaction catholique, l'expérience de l'esprit d'é-
quipe et découvert la supériorité du travail en commun. certes! il y
a tout cela dans leurs aspirations communautaires. Mais tout cela
n'est qu'une préparation providentielle. Au fond de toutes ces aspira-
tions, il y a quelquechose de très profond, de très noble, de très pur
il y a un besoinde vivre en membres du Corps mystique, de trouver
:
les moyens effectifs de participer au mystère communautaire de l'É-
glise, dans une vraie vie de famille, où s'expriment des relations de
paternité et de filiation, puis, par elles, des relations de fraternité, de
d'accomplir le suprême dessein du Sauveur :
compénétration mutuelle des âmes par l'unité de la charité, en vue
« Père, qu'ils soient
tous un,. en nous. comme toi et moi nous sommes un », à l'image
de l'unité de la Trinité Sainte où le Père et le Fils ne sont qu'un en
l'Esprit d'amour et afin de participer tous ensemble, par le Christ et
la hiérarchie de l'Église, à la vie trinitaire, à la vie « en société avec
le Père et le Fils », dont parlait saint Jean.
Il semble bien d'ailleurs que la vie de communauté soit appelée à
revêtir des aspects très variés et que si, pour certains, elle doive aller
jusqu'à la communauté d'habitation et de biens, comme cela s'est
fait déjà en certains diocèses, il y ait cependant aujourd'hui une ten-
dance très marquée à chercher avant tout une mise en commun de
l'activité spirituelle, intellectuelle, apostolique des prêtres de tout un
secteur donné (doyenné, archiprêtré) sous la conduite pastorale de
leur évêque. Quels bienfaits procurera à toutes ces âmes avides de
vivre à plein tout leur sacerdoce, une spiritualité répondant directe-
ment et immédiatement à leurs besoins et à leurs attraits !
*
* *
3° La mission pastorale.
Enfin, la vie du clergé diocésain présente un troisième trait carac-
téristique : son aspect pastoral. Le prêtre du clergé diocésain est
« curé» :'il a charge d'âmes. Sa mission propre est de prendre en
charge tous les êtres humains qui habitent sur un territoire déter-
miné, celui de la paroisse. De toutes ces âmes-là, il est responsable à
un titre que n'assume pas le religieux, prédicateur de passage ou
aumônier d'une œuvre particulière. A toutes ces âmes, il a mission
d'apporter les sources intégrales de la Rédemption du Christ.
La spiritualité du clergé diocésain sera donc tout naturellement et
essentiellement liturgique sous une triple forme.
des sacrements :
D'abord, c'est au prêtre de la paroisse qu'incombe l'administration
il répond aux différents besoins des âmes par son
ministère sacramentel dans les diverses étapes de leur cheminement
terrestre. Une pastorale liturgique devra donc aider les prêtres à
accroitre chaque jour davantage en eux le sens du sacré, leur appren-
dre à se sanctifier dans et par ce ministère, comme aussi à communi-
quer aux âmes l'intelligence, le goût, la nostalgie de cette vie sacra-
mentelle.
C'est également au prêtre de la paroisse qu'est confiée principale-
ment la mission de constituer la communauté chrétienne autour de
l'Eucharistie et par elle. C'est lui qui doit regrouper aux jours du
Seigneur, pour le grand acte liturgique, l'assemblée de famille des
enfants de Dieu. C'est lui qui doit la faire participer à l'action
rédemptrice du Christ, l'aider à s'approprier le sacrifice rédempteur
du Christ afin de rendre gloire au Père par le Fils dans l'Esprit et à
faire passer dans toute l'existence humaine la vie de charité, dont le
sacrifice eucharistique est la source inépuisable et le signe efficace.
C'est le prêtre de la paroisse enfin qui fera revivre à ses fidèles tout
le long de l'année liturgique les principaux mystères de la vie du
Christ; c'est lui qui leur donnera l'intelligence et l'amour des fêtes
liturgiques; c'est lui qui ouvrira leurs âmes aux grâces particulières
que produit efficacement l'Église en ceux qui participent activement
aux mystères de sa sainte liturgie.
Comment n'y aurait-il pas là tous les fondements d'une spiritua-
lité-répondant vraiment aux besoins particuliers du clergé diocésain 7
Certes, chaque prêtre reste libre de s'inspirer, dans sa vie de piété,
de telle ou telle école de spiritualité pour laquelle il ressent un attrait
personnel.
Toutefois, il est prêtre pour les autres; il s'est donné aux âmes et
:
c'est ce don qui doit éclairer et dominer toute sa vie. Lui aussi, en
dépendance de son évêque, est père c'est dans et par l'exercice de
cette paternité spirituelle qu'il peut et doit aller à une vraie sainteté.
C'est comme père des âmes qu'il doit prier, réciter son office, adorer,
faire son oraison, offrir et vivre sa messe. Parce qu'il est père, il doit
sans cesse s'oublier, s'immoler pour ses fils. L'ascétisme de sa spi-
ritualité, c'est celui de sa vie pastorale, desa fonction, de sa pater-
nité : il ne sera prêtre et apôtre qu'autant qu'il sera victime pour les
âmes, en union avec la divine Victime, dont il offre chaque matin
:
tout le sacrifice au Père pour son peuple chrétien. Voilà bien la mis-
sion propre du clergé diocésain le service spirituel de son peuple
A côté de tout ce qui se rattache au pouvoir d'ordre et au culte,
!
cette mission comprend aussi tout son ministère d'évangélisation par
la prédication de la vérité, et tout son pouvoir de gouvernement, qui
est, lui aussi, tout entier au service des âmes, comme la charité
rayonnante du Bon Pasteur, toujours prêt à donner sa vie pour ses
brebis.
Une spiritualité et une pastorale liturgique devront donc tenir
compte de tous ces éléments si elles veulent être complètes. Elles
redonneront, certes, et d'abord, à la vertu de religion, à la louange de
Dieu toute sa place. Mais en même temps, toutes pénétrées de la
charité qu'implique le regimen animarum, elles seront constamment
animées par le souci de conquérir les âmes au Christ pour les faire
Trinité Sainte. A ce sommet, c'est encore la liturgie qui fait l'unité
car ces âmes, qui auront été rassemblées dans la grande louange de la
:
participer toujours davantage à la vie du Fils et, par lui, à la vie de la
V
Spiritualité du clergé diocésain?
scolastiques
sous la plume de scoliastes la plus tyrannique des
celle du concret. Parler de spiritualités « spécialisées »,
c'est seulement un raccourci pour exprimer des applications complè-
mentaires de la même spiritualité, du même christianisme. « Le
?
Christ est-il divisé » Non, bien sûr, ou nous ne serions plus dans la
Catholica. Si cela est vrai dans le cas de toute vocation chrétienne, si 1
particulière qu'elle soit, cela doit l'être à bien plus forte raison du
clergé diocésain. Le prêtre diocésain, coopérateur de l'évêque, est à ce
titre, par essence, l'homme de l'unité dans l'Église. Il ne peut s'agir
pour lui d'envier les multiples petites chapelles qui fragmentent et
pulvérisent de plus en plus la grande Église, en y réduisant de plus
en plus la place de la nef. Il ne peut être question pour lui de vouloir
y ajouter la sienne; alors que son rôle estl de ramener et de rassem-
bler tout le troupeau autour de l'unique autel central.
En second lieu, le P. Féret le montre fort bien aussi, il ne faudrait
»
pas qu'à parler de « spiritualité on entendît opposer du pratique,
ou plus précisément peut-être des pratiques, à la théologie. Ce qui
importe avant tout, c'est que le prêtre reprenne une vraie conscience
de ce qu'implique, pour lui et les autres, son état dans l'Église. On
n'aurait rien fait, ou fait plus de mal que de bien, en lui proposant,
en lieu eti place de cela, de nouvelles méthodes, de nouvelles dévo-
tions, de nouveaux règlements de vie. S'ajoutant aux pratiques en
usage dans le clergé, cette addition n'aurait d'autre résultat que
d'accentuer un encombrement psychologique déjà trop réel et où tout
nouvel apport a pour effet premier, si de n'est unique, de fossiliser
dans ce qui l'a précédé ce qui ne l'était pas encore. N'y a-t-il pas des
prêtres pour qui l'oraison, prenant simplement la place qu'occupait
l office jadis au lieu d'en éclairer la récitation, l'a simplement, repoussé
?
dans le temps mort des obligations purement extérieures On pour-
rait multiplier à l'infini la liste de ces doublets qui apparaissent pério-
diquement dans la vie du clergé et qui n'ont d'autre effet que de
parasiter les formes traditionnelles et authentiques de sa vie spiri-
tuelle. Que ne risquerait-on pas à accroître la masse de ce déchet psy-
chologique au bénéfice de quelques excitants nouveaux qui, à leur
tour, très vile, feraient long feu, mais resteraient sur place comme
un poids mort de plus?
*
* *
*
* * *
:
diocésain ». Ce mot, dont le contenu fait l'objet du présent débat,
n'est pas écrit une seule fois dans le livre du P. de Lubac
cisme, et bien des prêtres pourraient témoigner que c'est dans la
Catholi-
vision de l'Église offerte par ce grand livre que le sens de leur sacer-
doce a trouvé ses plus riches révélations. Nous ne nous proposons pas
non plus, au CENTRE DE PASTORALE LITURGIQUE, comme but premier de
nos efforts l'élaboration d'une spiritualité du clergé diocésain. Nous
croyons pourtant, et c'est ce qui nous comble de joie, qu'en travail-
lant à rendre aux prêtres des paroisses le sens de la liturgie et plus
particulièrement celui de la grandeur de la liturgie sacramentelle,
»
en « parlant métier aux curés, nous leur parlons très immédiatement
de leur spiritualité. Le prêtre a comme bien propre et inaliénable le
pontifical, le missel, le rituel et le bréviaire. Ces quatre livres lui
appartiennent à lui, d'abord (le bréviaire n'est pas affaire de moine,
mais de clerc). Ses biens propres, encore, ce sont l'autel et le baptis-
tère, — c'est aussi son église cathédrale. Quand tous les prêtres rece-
vront, au séminaire, la conviction que ces trésors sont vraiment à
eux, quand on leur aura appris à en vivre 1 et à en faire vivre les
autres, nous avons l'ingénuité de penser que la spiritualité du clergé
diocésain apparaîtra comme une de ces réalités éternellement antiques
et éternellement neuves, que l'Église ne cesse de tirer de son trésor. Le
bénéfice alors sera double. On aura puissamment servi au renouveau
liturgique. Ensuite, on aura évité d'ajouter une cellule de plus à un
agglomérat qui n'est déjà que trop hétéroclite. On se sera, simple-
ment, replacé au centre des perspectives où elles se regroupent tou-
tes. On n'aura pas créé, dans la vie spirituelle des prêtres, quelques
comportements de plus. Abattant les cloisons, au contraire, on sau-
vera le prêtre de la dispersion, où il s'épuise en refaisant le lien entre
sa messe, son office, son oraison, sa lecture spirituelle, son ministère.
Mieux qu'aucun lien artificiel, l'unité de tous ces éléments de sa vie
spirituelle se retrouvera pour lui dans la notion vivante qu'il aura
du mystère de l'Église, contemplé dans son image catholique et pour-
»
tant « spécialisée qu'est le diocèse, et retrouvée dans sa cellule élé-
mentaire : la paroisse.
LA MAISON-DIEU.
1
-
daleux :
Titre paradoxal et, au jugement de pasteurs réalistes, presque scan-
? Non. Écho d'une réalité extrêmement belle la renaissance,
dans la chrétienté moderne, de l'antique forme de prière des vigiles.
Feux de camps religieux des routiers, veillées de prières jocistes, nous
avaient depuis longtemps rendu le sens de la réunion chrétienne à
la tombée du jour. Voici que le monde rural lui aussi vient à cette
forme de prières. Nous n'en voulons pour preuves que le livret
Veillée de prière 1945 : pour le grand retour de nos paroisses à la
:
pratique de la charité chrétienne 1. Plusieurs, à la lecture de ce texte,
avaient cru qu'il s'agissait de substituer la veillée à la messe parois-
le
siale du dimanche (la veillée, en effet, a été réalisée plus souvent
le samedi soir). Mais c'était là une mauvaise information. Autant
fairepeser pareil soupçon sur un chœur cistercien célébrant les vigi-
les au milieu de la nuit. Quoi qu'il en soit, on appréciera la saveur
traditionnelle de cette déclaration parue dans les Cahiers du Clergé
rural8:
A propos denotre veillée de prière
On a pu être étonné de la forme inusitée qui a été donnée à notre
veillée deprière. Il est peut-être bon, en effet, que nous fassionsplus
explicite notre pensée et que vous préveniez près de vos gens des con-
fusions possibles.
Il pourra être utile en certains endroits de préciser qu'il ne s'agit
2. Rédaction:
I. A la J. A. C., 7, rue Coëtlogon, Paris-6e.
Coëtlogon,Paris-6e.
27, rue Cassette, Paris-60. Administration:7, rue
:
pas d'un démarquage du saint Sacrifice on ne remplace pas la messe,
comme le dit explicitement notre soliste au moment de l'offertoire.
Cherchant à réaliser une veillée de prière à l'usage de la famille
paroissiale, il nous est apparu que nous ne pouvions mieux faire que
de nous couler humblement dans ce qui a été pendant deux mille ans
la forme-type de toute assemblée chrétienne et qui, par-delà le chris-
tianisme, rejoint la forme traditionnelle des réunions synagogales.
Qu'il s'agisse des offices liturgiques sans messe (liturgie des présanc-
tifiés, telle que nous l'avons le vendredi saint pour tous les fidèles et
chaque jour pour les catéchumènes) ou qu'il s'agisse même des réu-
nions traditionnelles non liturgiques (exercices de carême ou exercices
des missions paroissiales), c'est toujours ce même ensemble de priè-
res en commun, de lectures et prédications, et de chants, que 1'B-
glise nous propose.
Nous avons simplement voulu, cette fois, suivre jusque dans le
détail même de leur ordonnance ces indications persévérantes de ]'É-
glise.
Il nous apparaissait ainsi que, par surcroît, cette formule aurait l'a-
vantage de rendre tout à coup vivante, pour les fidèles, l'avant-messe.
qui les prépare chaque dimanche à la célébration de l'Eucharistie,
parce qu'ils auraient réalisé une fois entre eux, dans une atmosphère
- chaude et priante, la réunion de la communauté chrétienne locale.
Nous ne pouvons songer à reproduire ici tout le texte de la veillée.
Nos amis feront bien de le demander. C'est une belle réalisation et
elle ouvre une piste de travail très féconde.
Voici quelques morceaux particulièrement réussis.
L'assemblée entend d'abord cette déclaration d'un lecteur:
(Debout)
LE LECTEUR (en détachant bien). — Frères bien-aimés, qui êtes ici
réunis, c'est une antique tradition chrétienne qu'après vingt siècles
nous allons renouer.
enseignés par les apôtres :
Lorsque les premiers chrétiens — ceux qui avaient eu la joie d'être
Pierre, Paul ou quelqu'un des Douze —
s'assemblaient à Jérusalem, ou à Corinthe, ou à Rome, pour renou-
veler dans la messe les mystères du Corps et du Sang du Christ, ils
s'y préparaient, dans la soirée ou dans la nuit, par une veillée de
prière.
De leurs assemblées fraternelles, eux, puis les générations qui les
remplacèrent, nous ont laissé le programme en bien des textes, qui,
restés soudés au Sacrifice du Christ, sont devenus notre avant-messe,
depuis ses premières prières au bas de l'autel jusqu'au chant du
Credo 3.
Aujourd'hui, chrétiens du XXe siècle, nous mettrons nos pas dans
les leurs. Réunis comme eux, nous ferons selon l'antique tradition
notre veillée de prière.
Tous (en se signant lentement). — Au nom du Père, et du Fils, et
du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
::
l'église ou rangés au milieu de la nef centrale :
Trois brancards sont préparés d'avance et disposés au fond de
©
9
S. ou CH. Voici que s'avance le second brancard — portant la
deuxième offrande — celle du pain à bénir.
Tous. — Agréez notre offrande — Seigneur.
S. ou CH. — Autrefois nos Pères — se donnaient pendant la messe
— le baiser de paix — signe évident que devant l'autel — toute dis-
corde prenait fin. — Ce pain bénit que nous mangeons ensemble
et que nous porterons à nos absents — a la même signification
C'est — le pain de la Maison partagé entre les frères unis.
:-
-
Tous. — Agréez notre offrande - Seigneur.
III
* III
P. D.
Il
Pourrendre à nos paroisses rurales
le sens du baptême
**4
nage six paroisses à la fois. La paroisse de résidence a dû à des cir-
:
constances providentielles et à une suite de prêtres méritants de res-
ter une vraie paroisse les difficultés n'y sont pas les mêmes. Nous
n'en parlons que pour mémoire; il ne s'agit ici que des cinq annexes
païennes.
*
:
au baptême l'engagement d'honneur qu'il ira au catéchisme. Jus-
qu'à ce jour, il ne s'est agi que d'une demande orale la question
Les parents ne sont pas pris au dépourvu :
est posée devant toute l'assistance avant de commencer la cérémonie.
une visite du curé — ceci
est essentiel— a déjà travaillé à leur faire comprendre que c'est, s'ils
à
-ne peuvent comprendre autre chose, tout le moins un acte de
loyauté envers l'Églisedans laquelle l'enfant va être inscrit.On pour-
rait préférerun papier signé, annexé aux actes de baptême, mais il
ne peut être imposéque par une' décision de l'autorité supérieure.
- On obtient assez facilement cette promesse, même publique, ce qui
lui donne de lavaleur. Mais il peut se faire que la famille compte des
aînés baptisés, qu'on n'a jamais vus au catéchisme. Dans ce cas, la
promesse en question ne peut avoir quelques garanties d'exécution
que si les parents acceptent d'envoyer les aînés encore en âge d'aller
à l'école. Dans le cas contraire, on aurait le regret de refuser le bap-
tême du nouveau-né. En pareil cas, pour sauvegarder les intérêts de
l'âme de l'enfant, une bonne chrétienne du voisinage sera toujours
prévenue avec mission, si le dailger de mort survenait, de s'ingénier
à administrer, même sans y être invitée, un baptême in extremis dont
Dieu: seul serait témoin. Je dois à la vérité de dire que le cas ne s'est
encore présenté qu'une fois, et que l'enfant a été ensuite baptisé ail-
::
leurs. Mais l'affaire avait fait du bruit, beaucoup de bruit même.
Etc'est surtout ce qu'il fallait l'opinion était saisie du problème, et
maintenant l'idée est admise faire baptiser un enfant, c'est le pré-
senter à la mission enseignante de l'Église.
:
Deuxième effort, encore incomplètement réalisé s'assurer un sup-
plément de garanties en réhabilitant les fonctions de parrain et de
marraine. La visite préliminaire aux parents, sur laquelle on ne sau-
rait trop insister, permet de ne pas être pris de court. Laplupart du
temps, on nous propose des gens qui ne réunissent pas les conditions
canoniques. J'oserai dire que c'est le cas le plus favorable. Pour éviter
une offense difficilement pardonnée à la campagne, on ne les évince
pas tout à fait. On les admet comme témoins du baptême, ils signent
comme tels, et rien n'empêche de leur laisser l'honneur de payer les
dragées! Mais les parents sont priés de se pourvoir d'un vrai par-
rain, choisi parmi les catholiques pratiquants, dont le nombre est
plutôt restreint. La leçon est depuis longtemps faite à ceux-ci. Ils
acceptent volontiers, mais il faut auparavant leur accorder un droit
de regard et d'intervention dans la vie chrétienne de leur filleul.
« Que voulez-vous, disent-ils, je ne puis tout de même pas prendre
publiquement une responsabilité si vous ne me permettez pas de
l'exercer! » Tout cela peu à peu forge l'opinion.
Il est beaucoup plus gênant de voir se présenter des parrains q:ui
réunissent bien les conditions canoniques, mais n'ont plus aucune
vie chrétienne apparente. On ne pourra faire cesser cet abus qu'à
longue échéance. Là aussi un règlement serait nécessaire précisant un
degré minimum de vie chrétienne (serait-il exagéré d'exiger la com-
munion pascale ?) et aussi une proximité suffisante du filleul (parenté
ou voisinage) permettant au parrain de ne pas le perdre de vue. Mais
ce sont choses qu'un simple curé ne peut pas se permettre sur sa
seule initiative.
Telles sont chez nous les conditions d'admission des nouveau-nés
au baptême. On a visé à obtenir des garanties d'instruction. Fau-
de persévérance?
drait-il aller plus loin et chercher des garanties d'épanouissement et
Faudrait-il faire du baptême des nouveau-nés le
privilège des foyers chrétiens, une marque de confiance de l'Église
qui leur remet l'âme d'un fils de Dieu à orienter vers son Père Je ?
n'ai pas l'intention de résoudre cette grave question. Mais elle peut se
poser. Qu'on se souvienne de l'attitude de Pie IX dans la pénible
affaire Mortara. Le vieux Pape accepta de perdre sa popularité, affronta
le déchaînement de toute la presse impie du globe, plutôt que de
tolérer sur ses États l'éducation, par des parents juifs, d'un enfant
baptisé inconsidérément par une servante chrétienne trop zélée. Le
cas d'un baptisé placé chez des parents mariés civilement n'est-il pas
pire encore que celui du petit Mortara qui aurait au moins appris à
aimer le vrai Dieu et aurait attendu le Messie..: Et sur cette question
du baptême des enfants de non-chrétiens, les missionnaires en terre
infidèle ne nous donnent-ils pas des leçons de prudence ?
*
**
Nous obtiendrons donc ainsi quelques garanties humaines pour
l'instruction chrétienne de nos baptisés. Mais il est bien plus impor-
tant encore de tout mettre en oeuvre pour leur épanouissement total.
Ce sera le rôle du catéchisme centré sur le baptême, ou plus exacte-
ment sur leur adoption comme fils de Dieu. Au lieu d'une mosaïque
de chapitres n'ayant pas de suite apparente, nous aurons un fil con-
ducteur. Nous n'entrerons pas dans le détail, tout catéchiste un peu
averti peut y parvenir, chacun d'ailleurs avec sa note personnelle.
Est-il besoin d'ajouter que nous trouverons un secours des plus puis-
sants dans les publications et les activités des mouvements « Cœurs
Vaillants » et « Ames Vaillantes », si riches de sève chrétienne ?
Qu'il serait souhaitable aussi de posséder un ouvrage rédigé avec cette
préoccupation, et que soit étendu au gros catéchisme l'essai si heu-
reux de la communauté sacerdotale de Lugny-en-Mâconnais (Mon
premier catéchisme); dont le manuel est employé ici, pour les débu-
tants, avec d'heureux résultats.
Peu à peu, nos enfants ont acquis la fierté de leur baptême. Ils se
sentent privilégiés au milieu de leurs condisciples païens, ils se
savent l'objet d'une complaisance spéciale de la part du Père des
cieux. Pourquoi ne pas ajouter que le prêtre lui-même, à force de se
familiariser avec ces grandes réalités, en arrive à considérer ces petits
avec un respect croissant. Pour ma part, ce n'est pas sans émotion,
quand je passe devant une cour d'école grouillante d'enfants, que
je vois, submergés au milieu de nombreux autres, ceux en qui réside
et agit la Trinité vivante. Et quelle joie quand on apprend qu'en
telle ou telle circonstance, qu'il n'y a d'ailleurs pas lieu de prendre
au tragique, ils ont crânement confessé leur foi!
Ils se sent « un » dans le Christ, même avec les frères inconnus.
Ayant vaguement projeté une rencontre interparoissiale dont la réali-
:
sation tardait, je me suis fait rappeler ma promesse par cette phrase
qui en disait long « Dites, M'sieur l' Curé, c'est-y pas bientôt qu'on
passera une journée avec les petits chrétiens de tel endroit » ?
Pour rendre plus sensible la dignité du sacrement, la liturgie du
baptême leur sera très souvent expliquée. Elle leur est maintenant
tout à fait familière. Ils en savent presque par cœur les passages les
plus éloquents, surtout depuis que noussommes parvenus à faire de
chaque baptême un événement paroissal, intéressant toute la commu-
nauté : celle-ci se rassemble en effet pour accueillir son nouveau
membre.
Les baptêmes ont lieu le dimanche à la suite de la messe parois-
siale qui rassemble de vingt-cinq à quarante personnes. Les instants
du prêtre étant sévèrement comptés, à cause des doubles ou triples
services, il n'y a pas ces jours-là (sept à huit fois par an au plus) d'ins-
truction au cours de la messe. Mais tous les fidèles présents assistent
au baptême qui suit, les enfants au premier rang. Une petite allocu-
tion est d'abord adressée à la famille qui présente l'enfant. Quelle
que soit sa teneur, elle aboutit toujours à l'interrogation dont nous
avons déjà parlé. Sur la réponse affirmative, l'assistance entière est
prise à témoin, et le prêtre ajoute que, confiant en la parole d'un
homme d'honneur, il veut bien accepter, au nom de ses successeurs
comme au sien, de prendre devant Dieu et l'Église la responsabilité
de cette âme. Ce n'est qu'après ce préambule, qui n'est sans doute
pas nécessaire partout, mais qui est certainement nécessaire ici, que
commence la cérémonie.
Qu'il serait désirable, ceci soit dit en toute soumission, que l'É-
glise nous permît quelque jour d'utiliser la langue courante pour la
fonction baptismale! Qu'elle serait impressionnante pour toute l'as-
sistance! Mais évidemment, quelles que soient nos préférences, l'o-
béissance est toujours la meilleure solution. Le prêtre utilisera donc
le latin. Mais pour remédier à cette difficulté, on distribue un texte
français du Rituel, et, conduite par une personne préparée à ce rôle,
l'assistance entière, y compris ceux qui s'y trouvent exceptionnelle-
ment ce jour-là, le lit à haute voix (ceci pour empêcher les distrac-
tions des jeunes) pendant que le prêtre poursuit les rites. A chaque let-
tre N., lenouveau petit frère ou la nouvelle petite sœur est appelé
par son nom, ce qui donne à la cérémonie un caractère familial
remarquable auquel sont sensibles les parents du baptisé. Une fois
ou deux, — à moins que les cris de l'enfant ne le permettent,pas —
le prêtre s'interrompt pour commenter d'une phrase l'un ou l'au-
!
tre rite. Comme il a toujours affaire à la même assistance, en peu de
temps celle-ci finit par les comprendre tous. Après le baptême éclate
un vibrant Je suis chrétien. On aimerait varier le cantique, mais quel
?
autre choisir Et tout le monde n'est point capable d'en composer.
Après quoi, toujours en chantant, derrière le cierge qui peut très
bien êtrele cierge pascalde l'année en cours, tous vont devant l'au-
tel de Notre-Dame .pour la consécration habituelle, puis à la sacristie.
Nous sommes très heureux de cette innovation qui remonte bientôt
à trois ans. Il est trop clair qu'elle ne peut pas se pratiquer telle quelle
ans les paroisses importantes. Mais, même là, ne pourrait-on pas
s'arranger pour avoir aux baptêmes une délégation de la commu-
?
nauté, des séries différentes d'enfants ou de jeunes Pourquoi n'y
aurait-il pas chaquedimanche une heure H, exclusive de toute autre,
à laquelle auraient lieu, collectivement bien entendu, tous les bap-
?
têmes demandés dans la semaine Le groupement de toutes les famil-
les fournirait une assistance convenable. Tant pis ppur les préjugés
de classe, nous en mourons !
***
Nous avons déjà eu plusieurs fois la joie de voir nos jeunes chré-
tiens (10 ans, 12 ans) donner à des camarades le désir de venir au
Christ. Dans bien des cas, à cause de l'hostilité intraitable des parents,
ce n'est qu'un simple baptême de désir, désir qui paraît suffisam-
ment conscient, semble-t-il, pour que ces âmes de bonne volonté puis-
sent être considérées comme justifiées. N'est-ce pas le cas d'une fil-
lette dedouze ans qui récite tous les jours son Pater et son Ave dans
l'espoir d'avoir un jour Dieu pour Père et Marie pour Maman ?
Mais plusieurs fois aussi le Saint-Esprit a conduit les choses jus-
qu'au bout.Ceux que la grâce avait appelés ont trouvé les mots qu'il
fallait pour obtenir la permission désirée. Permission en bonne
forme, écrite et signée, permettant au prêtre de conférer le baptême,
acceptant que l'enfant se considère comme soumis en conscience aux
commandements de l'Église, et l'assurant d'une liberté complète à
ce sujet.
Devant des cas semblables, il n'y a aucune raison de laisser les dons
de Dieu cachés sous le boisseau. Et au lieu de procéder, comme on
fait trop souvent, d'une manière secrète et expéditive, la communauté
-
est invitée à accueillir très solennellement l'élu.
Les baptêmes d'adultes sont conférés avant la messe dominicale (la
plupart du temps il faut renoncer au samedi saint, qui a le grand
inconvénient d'être un jour ouvrable). Ces baptêmes sont annoncés
dans les paroisses voisines qui envoient des délégations, souvent à
jeun pour communier avec l'élu. Le parrain sera celui qui a conduit
le païen au baptême. Afin de leur donner une plus grande dignité, les
cérémonies sont minutieusement exercées de tous les participants
actifs.
Rien n'est omis du grand ritueldes adultes. Chant des psaumes au
chœur pendant que le postulant est seul près de la porte, parfois avec
ses parents. Puis c'est la procession qui va au-devant de lui, sa pré-
sentation au prêtre par leparrain, les signations si émouvantes, le
triple Pater. Il faut voir avec quel sérieux le parrain marque, avant le
prêtre, son filleul du signe de la croix. Il comprend que l'Église
ratifie publiquement la conquête qu'il a faite à titre privé. Au pre-
mier Pax tibi! les garçons ou les filles, suivant le cas, donnent l'ac-
coladeà
sans lui murmurer le salut des Cœurs Vaillants :
celui ou à celle qui va grossir leurs rangs si maigres, non
« Unis ! )j L'émo-
tion est générale lors de la prostration de l'élu. On aurait pu redou-
ter des sourires de gamins devant cette position à vrai dire inaccou-
tumée. Mais il n'en a rien été, au contraire, tant le climat se trouve
préparé par cecadre d'authentique liturgie.Comme vêtement blanc,
une aube de manécanterie, pu, pour les filles, une robe blanche et un
voile de communiante. L'élu se retire derrière un paravent où on lui
ajuste correctement son vêtement. Pendant ce temps, les assistants,
du moins les membres des groupements, renouvellent les vœux de
leur propre baptême. Quand le néophytereparaît ainsi revêtu de
blanc, on voit bien des yeux se mouiller. Le cortège remonte vers le
sanctuaire aussitôt après la remise du cierge, et la messe de commu-
nion commence immédiatement, sans autre interruption que le temps
de remplacer, à la banquette, la chape par la chasuble. Le baptisé y
assiste à l'entrée du sanctuaire, avec chaise et prie-Dieu,son cierge
posé près de. lui sur un chandelier. Son parrain l'aide à se recon-
naître dans son missel, lui cherche ses pages, le conduit à l'autel
pourl'offrande du cierge, présente lui-même le pain à bénir, et le
conduit également communier à l'autel où il communie après lui.
La majeure partie de l'assistance accompagne le baptisé à la sainte
table.
On ne sauvait croire quelle grâce est pour une paroisse un pareil
spectacle, imposant comme une ordination. Il y a là des non-catholi-
ques, camarades de l'élu, venus en amis ou en simples curieux. Ils
envient secrètement l'exaltation du compagnon de leurvied'écoliers.
Dans la suite, pas un ne raillera. Ils sentent qu'il s'agit là de quelque
chose de très grand et de très beau qui les dépasse.
Pour faciliter l'attention des. assistants, un lecteur bien exercé lit
la traduction des prières. Le prêtre, d'un mot très bref, donne le sens -
:
des principales phases. Par exemple, après l'introduction dans l'é-
glise, avant la prostration « Te voici dans la maison de Dieu, bientôt
:
tu seras son enfant. Mais d'abord reconnais qu'il est tout et qiue tu
n'es rien et pour cela jette-toi totalement à ses pieds. Pendant ce
temps, nous prierons pour que tu ne reprennes jamais œ que tu don-
nes aujourd'hui. » Et tous s'agenouillent en silence le temps d'un
Pater. Une brève allocution avant la communion achève la prépara-
tion du néophyte à l'Eucharistie.
Après la cérémonie, les assistants aiment à se procurer un livret de
, la liturgie des adultes qu'ils liront ou méditeront à loisir. Comme
on ne pouvait en trouver nulle part, il a fallu en composer un : il
est vraisemblable que l'on peut faire beaucoup mieux!
Inutile d'insister sur la joie des petits chrétiens dont ce baptême
couronne les efforts apostoliques et avec quelle ardeur ils se remet-
tent à l'œuvre pour en provoquer d'autres. Le rêve suprême de ces
enfants, c'est d'être parrain, dans un baptême solennel, d'unfilleul
amené par eux. Après ce spectacle aussi, il est beaucoup plus facile
de leur faire comprendre le sens de la fête de la communion solen-
nelle et de la profession de foi, telle qu'elle est actuellement conçue.
***
Tels sont les efforts tentés pour redonner à-nos quelques chrétiens
:
une plus grande estime de leur baptême. Nous ne prétendons pas
avoir, accompli des merveilles l'assistance dans nos pauvres églises
:
est toujours aussi clairsemée et le sera longtemps encore. Mais il sem-
ble qu'un premier résultat soit atteint même ceux qui vivent en
miarge de la vie chrétienne commencent à se rendre compté que le
baptême n'est pas seulement prétexte à un repas familial, mais que
c'est une chose sérieuse au sujet de laquelle l'Église ne plaisante pas,
et aussi un acte qui engage l'avenir de l'enfant. Est-ce si peu de chose
que d'être parvenu à cela?
Pour être complet, au risque de terminer sur une note moins
enthousiaste, j'ai le devoir d'avouer que dans notre paroisse de rési-
dence, qui, il faut le redire, n'est pas une mission, mais une vraie
paroisse, nous n'avons pas pu parvenir à mettre en aussi belle lumière
cette grandeur du baptême. Ici tous les enfants, catholiques et protes-
tants, sont baptisés. On ne réalise pas ce qu'est un païen, aussi
estime-t-on moins le privilège des chrétiens. Je n'ai jamais pu parve-
nir à faire rester qui que ce soit aux baptêmes s'il n'était invité par
la famille. Il est vrai que souvent le baptême a lieu sur semaine, deux
ou trois jours après la naissance, avec la seule présence des personnes
indispensables. Ce n'est plus qu'un acte privé auquel la communauté
ne participe pas. Ce baptême immédiat est pourtant plus conforme
Taux Vdgtix de l'église souvent manifestés. Y aurait-il antinomie enLre -
UN CURÉ DE CAMPAGNE.
III
:
Pourtant le peuple fidèle éprouve le besoin, quelquefois dans l'an-
née, d'un peu de variété on voudrait, par l'emploi de la langue ma-
ternelle, revivifier un peu le sens des divins mystères (et pour cer-
taines paroisses délaissées, il faut ce nécessaire palier avant la restau-
ration de la grand'messe, dont seuls les vieux ont gardé le souvenir);
on voudrait aussi, en certains jours de festivité populaire à résonance
humaine où la communauté fidèle s'élargit de sympathisants, quel-
que chose qui parle plus directement au « paysan moyen
un peu d'idéal chrétien dans sa lourde vie quotidienne.
» etrestaure
De ce double désir est née la « messe des paysans ». Inaugurée.
au Vel' d'Hiv', dans ce qui fut pour une heure, lors du triomphal
congrès national de la J.A.C., en avril 1939, l'église de village de
toute la France rurale, elle est sortie du cœur et de l'âme d'un curé
de campagne, M. l'abbé Bouvier, curé de Grainville-Ymauville, au
diocèse de Rouen.
« Je l'ai écrite, ainsi s'exprime l'auteur dans la préface, à la de-
mande de nombreux curés de village, qui, ayant souffert de l'incom-
préhension de la nef plus encore que de son silence, rêvent d'une
liturgie rurale plus sincère etdésirent connaître, quelquefois, dans
leur église de campagne, la joie d'une cérémonie comprise par tous et
bienfaisante pour tous. »
* *
# *
**
*
tôt chanter, dans nos plaines, les litanies de l'offertoire. Cela m'arri-
vera certainement, à moi-même, au cours de mes randonnées sur nos
routes normandes. »
L'expérience a hautement confirmé cette prophétie. - et c'est la
pierre de touche d'un succès authentique, car l'âme paysanne ne se
donne pas facilement, et il ne suffit pas qu'on lui propose un chant -
aux bonnes intentions, pour qu'elle le retienne et l'adopte. Or, de
nombreux témoignaes émanant des jacistes nous ont appris que ces
litanies, et quelques autres piècesde la messe, étaient devenues com-
pagnes de leur travail ou de leur roùte et qu'ils avaient retrouvé,
grâce à elles, le sens de la beautédivine de la Création et de l'offrande
de leurs humbles travaux.
L'herbefleurie de noStaluJ8, Nous vous l'offrons, Seigneur.
La chanson de nos angélus, d°
Le souffle odorant de nos prés, .- do
Le frisson chantant de nos blés, d°
Nos rudes mains, nos simples coeurs, Nous vous les offrons,Seigneur.
Nostravaux mouillés de sueurs, d°
Nos rêves silencieux, do
Nos gestes méprisés de paysans, do
*
**
Mais on nous dit que des liturgistes se seraient émus de ces har-
diesses et que certains condamneraient cette messe sansappel.
Nous pensons qu'il y a confusion.
Bien que quelques expressions de la préface puissent faire équivoque
pour un lecteur pressé — étant prises dans leur sens usuel, différent
de celui que connaît la précision du vocabulaire liturgique — il est
'bien entendu que cette messe n'est pas une.« messe chantée mais
»,
bien une messie basse, du type des messes basses accompagnées de
cantiques en langue vulgaire. Cette pratique est d'usageuniversel en
France et un décret de la Congrégation des Rites l'autorise expressé-
ment (3 janvier 1890, n°
Le célébrant
3880).
— contrairement à ce que des prêtres mal informés -et
qu'il faut hautement blâmer ont pu faire çà et là — n'y chante pas,
:
mais y rattache les fidèles à l'action sacrée par le dialoguelatin, parlé
à haute voix aux oraisons, à l'évangile, à l'offertoire, à la préface,
etc. « Cependant que, dans la langue de l'Eglise, le célébrant, à qui
tout le mouvement de la messe reste soumis, poursuivra sans inter-
ruption le drame sacré de l'autel », dit expressément l'auteur.
À vrai dire, il reste une objection, et qui porte.
Ce « doublage » de la messe, non seulement par une traduction
française, mais par une pensée continuellement différente de celle où
l'Église retient le célébrant en ce « dimanche vert », ce « doublage »
a quelque chose qui nous laisse insatisfaits.
Certes, la messe des paysans n'est pas seule à connaître la difficulté.
A la mémoire de tout curé surgira immédiatement un nombre impor-
tant de circonstances analogues où il lui faut se résigner au dou-
blage : la communion solennelle, les mariages aux' jours où la.m&sse
votive est empêchée, la confirmation, la cérémonie du Il novembre,
la fête du travail, la journée des mères ou celle des vocations, etc.
?
Qu'est-ce-à dire sinon que nous nous trouvons devant un besoin
nouveau de l'âme moderne, besoin que la liturgie actuelle ne semble
pas satisfaire. Dans un monde humain qui devient de plus en plus
« profane », « laïcisé », fidèles et pasteurs ressentent de plus en plus
la nécessité de relier au sacré, de christianiser les activités majeures
de la vie humaine, celles de la vie familiale, professionnelle ou civi-
que. Qu'on examine attentivement la question et qu'on me dise si la
multiplication — dans lesmissions paroissiales ou dans la liturgie do-
minicale; par.initiative de la hiérarchie ou par désir de la piété popu-
laire —. si cette multiplication des « messes » ou des « journées du
travail, des moissons, des fiancailles,des mères, des malades, des
»
absents ou des rapatriés, ne correspond pas à un besoin profond de
humaine ?
l'âme moderne qui veut retrouver le sens divin de toute sa vie
-
Et si le doublage est une mauvaise solution, quelle autre nous
demeutre dans la discipline actuelle ?
Je pose le problème. De plus compétents que moi diront s'il est
possible d'espérer que, quelquefois dans l'année, — la messe des pay-
sans n'est pas faite pour tous lesdimanches — notre liturgie se fasse
officiellement plus proche des grands problèmes humains ?
Pourrait-on espérer que quelque messe votive « des mères » ou. a ad
messem colligendam » puisse permettre, certains dimanches, l'accord
profond du prêtre à l'autel avec les préoccupations des fidèles dans
la nef — et qu'un usage modéré et limité de la langue maternelle
favorise, en ces jours, une proximité plus grande encore ?
Au fond, c'est la portée générale de ce débat. Le succès durable et
immense de la messe des paysans (en quelles campagnes de France
est-elle maintenant inconnue ?) montre éloquemment qu'un pro-
blème est posé, qu'on n'a plus possibilité d'esquiver : la vie humaine,
en ses rythmes profanes, veut être explicitement — et non plus
comme subrepticement — rattachée au sacrifice du Christ9
FERNAND BOULARD,
Aumônier national adjoint de la J.A.C.
But.
Unir à Dieu la masse rurale (agricole ou non, adulte ou jeune, d'Ac-
tion catholique ou non) par les textes liturgiques essentiels du missel
et du rituel, que l'on traduirait de manière accessible; et à côté des-
quels des textes extra-liturgiques et des illustrations mettraient en
relief une spiritualité rurale basée sur le sens chrétien du travail, de
la famille et de la vie communautaire humaine et surnaturelle.
L'Action catholique rurale (J.A.C., J.A.C.F., M.F.R.) s'en ferait un
instrument de conquête chrétienne et de renouvellement de la vie
liturgique des masses rurales.
4. Le Missel, comprenant:
3. La prière du chrétien, esprit et formules.
Remarques.
Ceux qui désirent un missel quotidien n'ont que l'embarras du
choix. Ne grossissons pas celui-ci à l'excès. Après l'édition du dond-
nical complet, il en sera sans doute extrait un dominical élémentaire
et sans illustrations, pour la propriété et l'usage des paroisses. Celui-
ci est pour la propriétéet l'usage des fidèles. -
v
Une session de sacristines rurales
:
Dans ces deux églises nous avons remarqué la netteté, la propreté
rigoureuse de la sacristie rien ne traîne, chaque objet a sa place
dans des tiroirs, des armoires, des placards (Saint-Ferdinand a un
noires.
placard pour les Saintes Huiles comme il se doit). Rien d'inutile, la
sacristie n'est pas le rebut des pots de fleurs, des vieilles statues
poussiéreuses ou des tentures
: il
Le dernier stage nous ramena rue de Varenne, car s'agissait
d'apprendre à repasser les linges sacrés corporal empesé, manuterge
,
:
veau de cet examen énumérons quelques-unes des questions aux-
quellesnous avons dû répondre le15 mars dernier. L'écrit compor-
tait deux questions étant donné une église totalement détruite par
un bombardement, quels sont les meubles et les objets nécessaires
pour y célébrer la messe et y administrer les sacrements? Qu'est-ce
que la sacristine doit préparer pour les cérémonies du matin, le
jeudi et le vendredi saints?
L'oral était présidé par M. Lesage qui posait deux ou trois questions
VI
DOCUMENT
Pour organiser une vraie sanctification du dimanche
!
est tenté de se décourager. Comme elle était triste cette réunion
autour de la table du doyen Des confrères sont morts et n'ont pas
été remplacés. D'autres curés, trop âgés pour pouvoir se déplacer,
n'ont pu venir. Et parmi les quelques prêtres présents, lequel peut
prétendre avoir une santé robuste ?
Alors que deviendra-t-on dans quelques années
? ?
Que deviendront
nos paroisses On voulait les maintenir coûte que coûte, tenir jus-
qu'à la relève des jeunes. Mais viendra-t-elle suffisamment tôt cette
relève attendue ?
Au moins, ce petit reste de prêtres, l'utilise-t-on rationnellement ?
Y a-t-il derrière les improvisations en apparence incohérentes un
?
programme concerté, un plan général arrêté Il n'ose plus le croire
le pauvre curé de campagne. En attendant, il a beau faire. -Mainte-
nant qu'il ne peut plus aller chaque dimanche célébrer la sainte
messe dans chacune de ses paroisses, il-les voit baisser à vue d'œil.
C'est d'abord les hommes, puis les jeunes, ensuite les dames. Le
groupe de jeunes filles commence à être entamé.
Pourtant, se répète le" pauvre curé, si vraiment on voulait, 011 pour-
-
rait
du dimanche !
enrayer ou au moins freiner cette décadence dans la sanctification
-
Depuis des années déjà, on a pris l'habitude, dans les paroisses où
le prêtre ne peut venir célébrer la messe ce dimanche-là, d'inviter les
paroissiens du lieu à se réunir la matinée à l'église pour y « dire une
messe blanche ».
En haut lieu, on entendsouvent prôner cette méthode, on la comble
même parfois d'éloges enthousiastes. Nos chefs hiérarchiques sont
mieux placés que le petit curé perdu dans -son bled pour apprécier les
résultats d'ensemble. Pourtant ne peut-on pas se demander si l'Au-
torité ne se laisserait pas abuser par des comptes rendus exception-
nels ou tendancieux ?
Après ces années d'essais improvisés, ne serait-ce pas le moment de
dresser un premier bilan sincère des résultats donnés en France par
cette « messe blanche » ?
En attendant cette statistique, il faut avouer ici que les messes
blanches que nous connaissons ne méritent pas toutes le même
enthousiasme. -
Que souhaiter ?
Certaines messes blanches ne devraient-elles pas être supprimées ?
?
quana, par exemple, à deux kilomètres, une messe sacramentelle peut
facilement être entendue Sinon, les gros hameaux qui se trouvent
à trois kilomètres de leur église paroissiale n'ont qu'à créer eux aussi
un centre de culte chez eux !
Ceci dit, reconnaissons maintenant nettement que, avec la législa-
tion actuelle, la messe blanche semble bien souvent, en fait, néces-
saire.
Alors, il faudrait se décider
-
une bonne fois, à finir ces improvisa-
tions continues et se mettre à organiser sérieusement cette messe
blanche:
En organiser d'abord l'obligation. On entend de plus en plus ceci
« Je ne vais plus à la messe dans la paroisse voisine depuis que Mon-
:
!.
chez vous — J'y allais de temps en temps au début
c'est pas une faute grave de la manquer »
:
seigneur ne nous y oblige plus. — Vous allez donc à la messe blanche
? mais puisque
» ?
En organiser ensuite la « doctrine ». Est-il nécessaire d'avoir en
principe une « copie de la messe sacramentelle Pourquoi, au lieu
de cetté messe blanche (dont le nom, d'ailleurs, nous déplaît) impro-
visée, qui est bien un non-sens avec la lecture du Canon, ne pas met-
»
tre l'accent sur le côté « prière dominicale de la communauté chré-
tienne du village?
Jadis, chez les Juifs, on ne pouvait sacrifier qu'au Temple de Jérusa-
lem, mais, dans chaque village, le sabbat réunissait les fidèles à la
synagogue pour la prière et l'instruction de la communauté de vil-
lage.
Plus tard, chez les premiers chrétiens, la réunion chrétienne amal-
gama progressivement et transposa ces deux grands actes et lieux
saints, la réunion à la synagogue donna notre avant-messe et le sacri-
flce du Temple se sublima dans les « saints Mystères ». Le lieu de l'as-
semblée chrétienne était à la fois la synagogue et le Temple.
Puisque, faute de consécrateur, nous ne pouvons maintenir aujour-
d'hui ces deux éléments unis, pourquoi, par respect bien compris
pour le sacerdoce et le sacrifice sacramentels, ne pas laisser vide et
inviolée la place du sacrifice et des prières sacrifiantes ?
Mais, par contre, pourquoi ne pas utiliser amoureusement et déve-
lopper l'avant-messe, faite de prières chantées, de lectures, d'accla-
mations dans les chants solennels des Gloria et Credo?
Organiser ensuite la liturgie pratique de cette « prière dominicale ».
Lesouvriers ardents et adroits ne devraient pas manquer.
Déjà, ici et là, pour l'office des dimanches soir, on voit fleurir des
essais de vêpres ou complies en français. Ces essais sont bien accueil-
lis. Il y a en effet un réel plaisir à entendre les quarante enfants de
ses catéchismes, du plus petit jusqu'au plus grand, chanter à plein
!.
cœur (et. à pleine voix) les versets de nos chers vieux psaumes ré-
adaptés en français
»
« Vespérales
On espère beaucoup, dans le milieu rural, des
annoncées par M. l'abbé Bouvier, l'auteur des populai-
res Messes des paysans, des mamans, et du Cérémonial de la profes-
sion de foi solennelle.
Ne pourrait-on pas attendre de ces mêmes auteurs un livre d'heures
»
rurales liturgiques pour les « offices matinaux du dimanche, offices
matinaux variant avec les heures de la journée et les temps liturgiques
comme le bréviaire?
Mais, pour conclure, n'oublions pas ceci!
L'office laïc communautaire si vivant, si adapté soit-il, ne rempla-
cera jamais — et ne devrait jamais prétendre remplacer — la sainte
messe dont il n'est et ne sera jamais après tout que la préparation
ou le complément.
La sainte messe est-elle vraiment impossible
à procurer plus s'osent à nos fidèles?
Que deviendra la communauté chrétienne du petit village qui devra
se nourrir trois dimanches sur quatre et parfois sept dimanches sur
huit, de l'office communautaire laïc?
Récemment encore, le respect des lois sur l'Eucharistie entravait ce
respect plus profond de l'Eucharistie qtfi est de s'en servir. Mater-
nellement l'Église vient d'assouplir la loi du jeûne eucharistique
devenu fréquemment un obstacle, et nous assisterons bientôt à une
renaissance eucharistique merveilleuse.
Le respect des lois sur les heures de célébration du saint Sacrifice
entrave de nos jours ce respect plus profond du Sacrifice qui serait de
le célébrer avec toute cette communauté chrétienne dispersée, et non
pas seulement avec quelques éléments privilégiés de cette commu-
nauté.
Le jour béni où l'Église donnera, au moins aux prêtres ruraux, la
permission de célébrer la sainte messe dans la soirée aussi bien que
les « heures vespérales
» »
dans la matinée, beaucoup de « messes blanches auront vécu. Mais
» ou les « heures matinales compléteront
toujours normalement la sanctification du dimanche selon que le
Serait-ce chimère que de rêver:
saint Sacrifice aura été offert dans la matinée ou dans la soirée.
1° une messe la veillée du samedi au dimanche (un effort significa-
1if de prières communautaires rurales est fait par les Mouvements
d'Action catholique rurale durant ces veillées de prière rurale organi-
sées d'ordinaire pour la veille des fêtes);
2° deux messes la matinée du dimanche;
3° une messe le dimanche dans la soirée?
Ainsi, combien de communautés de village pourraient être ravitail-
lées avec le Sacrifice et l'Hostie!
:
La messe durant la veillée peut surprendre. Cependant, réfléchissons
à ses avantages
1° Elle permet au prêtre de mieux répartir sur deux jours l'effort
physique de ces trois ou quatre messes;
2° On se réunit à une heure traditionnellement apte au recueille-
ment et à la prière, la journée étant finie. C'était la coutume de l'É-
glise primitive;
3° Cette formule a été retrouvée par le réalisme tâtonnant des Mou-
vements d'A. C. Qu'on le veuille ou non, le paysan compte toujours
sa vie de coucher de soleil en coucher de soleil, comme dans la journée
ancienne. C'est la veillée que, dans les communes où les écarts n'exis-
tent pas, le rural organise ses réunions municipales, ses veillées en
famille.
Ou si cette formule très vieille du jour ecclésiastique des premières
vêpres aux secondes vêpres effrayait, pourquoi ne pas-imaginer la
?
journée du dimanche avec deux messes le matin et deux le soir Mal-
heureusement, la fin de la soirée et la veillée du dimanche, portant
tout le poids des distractions dominicales, n'auraient plus leur fraî-
cheur du samedi soir (. mais ceci n'est peut-être que pure remarque
imaginative à vérifier à l'expérience!).
Retour en chrétienté.
Ces « innovations
de l'Église.
» ne seraient qu'un simple retour aux origines
Le jeûne eucharistique, désormais assoupli, n'est plus un obstacle,
aussi grand que récemment encore il pouvaitl'être.
Ces messes du soirsont-elles d'ailleurs si éloignées de la pratique
actuelle de l'Église?
Sous l'occupation allemande, nous avons bien dit la messe la veil-
lée de Noël avant la tombée de la nuit.
Dans les camps de prisonniers, de travailleurs déportés, et au moins
dans certaines unités militaires, les aumôniers n'ont-ils pas la possi-
bilité de célébrer la messe dans la soirée?
Quelle ardente action de grâces ne devrons-nous pas rendre à Dieu,
prêtres ruraux, quand dans nos églises actuellement délaissées nous
pourrons réunir, la soirée ou la veillée, notre petite communauté
chrétienne de village autour de la divine Victime!
UN CURÉ DE CAMPAGNE.
(Cahiers du Clergé rural, avril 1945, pp. 17-22.)
BIBLIOGRAPHIE
Prudence,tome I,
Cathemerinon liber (Livre d'heures). Texte
rétabli et traduit par M. LAVARENNE, pour laSociété d'édition
« Les Belles Lettres », collection des Universités de France,
-
publiée sous le patronage de l'Association Guillaume Budé.
Paris, 1943.
Les liturgistes, et surtout les disciples de la liturgie qui cherchent
à mieux la comprendre en lui rendant son atmosphère originelle, se
féliciteront de cette édition si commode du Cathemerinon. Ils y
retrouveront, à travers ces hymnes pour toutes les heures, pour le
jeûne, pour les funérailles, pour Noël et l'Épiphanie, une tonalité spi-
et
rituelle très proche des liturgies a extrême-occidentales », particu-
lièrement de la liturgie gallicane dont tant de pièces, aux alentours
de la fête pascale par exemple, ont passé à notre rit romain récent.
On accueillera avec faveur le fil apporté par cette traduction au laby-
rinthe de certaines phrases de Prudence. Mais on appréciera peut-être
moins les versblancs utilisés par le traducteur, iciou là, au lieu de
la prose, au gré d'une fantaisie assez arbitraire et selon des règles
pour lesquelles tous n'auront pas la même indulgence (cf. p.XXXIX).
Le commentaire appellerait de plus sérieuses réserves. Comme le
montrent déjà les notions par trop superficielles d'hymnographie chré-
tienne esquissées pages XXXV-XXXVI, M. Lavarenne ne semble guère au
fait du contexte liturgique où s'inscrit toute l'œuvre de Prudence.
C'est ainsi qu'il écarte d'un mot dédaigneux tout rapport entre
l'hymne ad incensum lucernae et la liturgie du feu nouveau, le
samedi saint (p. 25). Mais une familiarité élémentaireavec celle litur-
gie lui eût évité les réflexions malheureuses de la page XXXIII, car
elle lui aurait fait saisir aussitôt que le poète a voulu rassembler les
allusions bibliques non au hasardd'une imagination désordonnée,
mais à la suite des textes de la nuit pascale. De même, il n'aurait pas
I
écrit la note de la page 25, car à la complication pédantesque de ses
explications se serait substitué le simple rappel du feu tiré de la
pierre par le prêtre et de l'oraison gallicane qui accompagne encore
aujourd'hui cette cérémonie (c'est la toute première oraison de notre
actuel office pascal).
Espérons qu'un jour viendra où les philologues français admeLtront,
comme le font les Anglo-Saxons ou les Allemands, que l'histoire de
la liturgie chrétienne est une science et qu'ils n'ont pas plus le droit
-de la traiter par le mépris que celle des religions primitives. Ou bien
il leur faut renoncer à s'aventurer surce terrain, ou bien il leur faut
accepter, quoi qu'il en coûte, de s'initier aux disciplines qu'il
requiert.
L. B.
Saint GRÉGOIRE DE NYSSE La vie de Moïse. Traduction etintro-
:
duction du R. P. Jean Daniélou, S. J. Collection « Sources
Chrétiennes », i, auxÉditions du Cerf, Paris, 1943.
L'intérêt de cet ouvrage est très direct pour une spiritualité litur-
gique. Endépit de certaines subtilités artificielles que l'on trouvera
dans lé détail, il constitue un bon exemple de l'interprétation patris-
tique de l'Ancien Testament hors de laquelle l'emploi de celui-cidans
la liturgie demeurera toujours énigmatique. La clef d'un tel traité,
c'est l'idée que l'Ancien Testament est une pédagogie divine : Dieu a
introduitles hommes aux rapportsles plus spirituels avec lui en les
conduisant à travers une histoire temporelle, celle du peuple hébreu.
L'esclavage en Egypte, la délivrance miraculeuse de la Pâque, le pas-
sage de la Mer Rouge, la pérégrination au désert, tout ceci aboutissant
à la théophanie du Sinaï, — ces. expériences ont préparé lés âmes à
souffrir de l'esclavage du péché, à désirer la délivrance de la Croix,
l'initiation baptismale, puis à comprendre la nécessitéde purifications
successives qui amèneront peu à peu jusqu'à la rencontre divine (noter
l'idée, propre à saint Grégoire de Nysse, que la perfection est dans le
progrès incessant). Moïse devient ainsi le modèle du contemplatif
chrétien, au prix d'une transposition dont leprincipe est incontesta-
blement fondé en tradition, bien que les applications puissent en être
indéfiniment discutables.
Ajoutons à cela que la dernière partie du traité comporte uneabon-
dante exégèse de la liturgie du tabernacle, considérée comme une
reproduction « infiguris et in aenigmate » de la liturgie céleste. Ce
thème a une particulière importance, par suite de son succès dans la
mystique liturgique chrétienne (surtout byzantine), qui en a fait
l'application à nosliturgies.
La-traduction du P. Daniélou a le grand mérite d'être très lisible.
Ses notes dissiperont la plupart des obscurités; son introduction
ranime avec une belle ferveur la figure d'un des plus sympathiques
-
tous derniers temps. :
parmi les Pères, et des - plus mal compris des modernes jusqu'à ces
Un seul regret pourquoi le P. Daniélou a-t-il
• supprimé toute la portion du texte qui résume le récit de
?
l'Exode
Non seulement c'est faire trop confiance auxconnaissances bibliques
de nos contemporains, mais c'est introduire une brèche dans le prin-
cipe excellent de la collection : ne publier que des textes intégraux.
Mais ceci n'est qu):Une vétille. Cette traduction, ainsi présentée, mérite
de trouver denombreux lecteurs, pour lesquels elle sera souvent une
révélation. -
L. B.
-
Le lectionnaire de Luxeuil (Paris, ms. lat. 9427).Édition et étude
comparative. Contribution à l'histoire de la Vulgate et de la
liturgie en France au temps des Mérovingiens, par Dom Pierre
Salmon, Abbé de Saint-Jérôme. Un vol. in-8 de CXXIII-233 pp.
(Collectanea biblica latina, vol. VII), Rome, Abbaye Saint-
Jérôme; Cité du Vatican, Libreria Vaticana; Mâcon, Protat,
IgM, 200 fr.
La récente publication du Rme Père Dom Salmon marque une date
importante dans l'histoire des études liturgiques et elle constitue
en ce domaine l'un des événements les plus marquants de notre
siècle. Le titre et les sous-titres de ce volumineux ouvrage disent
:
assez la variété des problèmes qu'il aborde et l'intérêt qu'il présente
pour plusieurs sortes de médiévistes philosogues, paléographes, ha-
giographes, historiens, exégètes. Dans le texte critique établi avec soin,
et dans l'introduction copieuse qui le présente et le fait apprécier, les
érudits puiseront des réponses à de très anciennes questions et des
orientations qui leur permettront de poser des problèmes toujours
nouveaux. Le livre liturgique que Dom Salmon a publié et étudié
nous intéressera ici moins comme un document scientifique que
comme un monument de la culture chrétienne à l'une des époques
les plus troublées qu'ait connues l'Église des Gaules.
Ce manuscrit, « contenant les leçons scripturaires de la messe et de
quelques offices, au milieu desquelles est intercalé un tout petit nom-
»
bre de sermons et de passions de martyrs (p. LV), fut, dans sa plus
grande partie, écrit vers la fin du VIIe ou au début du VIIIe siècle à
l'abbaye colombanienne de Luxeuil et pour une église séculière, pro-
bablement celle de Langres; mais il porte des additions successives et
de différentes mains qui nous font assister à toute la vie d'un livre et
deviner, à travers lui, la vie de la liturgie du VIe au XIIIe siècle. Les
auteur unique :
formules que mettent sous nos yeux nos livres de prières et les lectu-
res qu'ils nous offrent n'ont pas été fixées une fois pour toutes par un
elles ont reçu, aux époques surtout et dans les
régions, comme c'est le cas ici, où toute centralisation faisait défaut
(p. LXXVII), des perfectionnements continus qui furent l'œuvre d'évê-
ques et de clercs anonymes, soucieux de répondre sans cesse aux
besoins des fidèles ou aux invitations des circonstances, tout en res-
tant fidèles au dépôt reçu des ancêtres; les additions marginales d'un
:
livre comme celui de Luxeuil nous font, pour ainsi dire, toucher du
doigt ce qu'est la tradition continuité et progrès 1. Le fonds de tex-
tes constitué au VIIIe siècle représente lui-même le résultat d'une éla-
:
boration qui, depuis le Ve siècle, se poursuivait au milieu de boule-
versements de toutes sortes aux troubles politiques occasionnés par
l'anarchie s'ajoutaient les invasions et les guerres; aux barbares venus
du Nord succédaient les Sarrasins qui, par les côtes de la Méditerranée,
faisaient des incursions en Gaule, prenant non seulement Narbonne
et Carcassonne qu'ils occupèrent pendant trente ans dans la première
moitié du VIIIe siècle, mais remontant jusqu'à Autun et jusqu'à
Langres.
Et pourtant, quel poème que cette liturgie dont vécurent des gens
:
consécration
d'évêque, ordination de prêtres et de diacres, bénédictionde vierges,
départ et retour de voyage, bénédiction des fruits nouveaux car il
n'est pas jusqu'aux événements concrets, en apparence les plus terre
à terre, qui ne soient ainsi élevés à la,dignité de symboles des réalités
du salutet ne deviennent des occasions de grâce. Mais tout cela reste
encadrépar le développement du cycle à la fois historique et logique
à
qui conduit chaque année de l'automne l'été, de l'Avent à la Pen-
tecôte et à ses prolongements. Dès cette époque, la structure de l'an-
née liturgique était constituée, en Gaule comme ailleurs; elle était
celle que nous avons encore de nos jours :' elle a pu s'enrichir, voire
même s'encombrer, elle n'a pas changé; si cet ordre s'impose avec une
sorte de nécessité, c'est parce qu'il est celui selon lequel s'est déroulée
l'histoire du monde et celle de son. Sauveur; en même temps qu'il
serre de prèsles événements et les exemples dont vit l'Église, il s'ac-
'-,
corde parfaitement à la psychologie humaine. Le lectionnaire de
Luxeuil nous fait sentir une fois de plus combien serait étrangère à
la.tradition catholique une vie chrétienne monotone, une pratique
religieuse dont les dimanches se ressembleraient tous, dont chaque
saison ne serait pas teintée par un reflet toujours nouveau du mystère
du Christ.
De même qu'il- s'impose aux relations des fidèles avec Dieu, l'or-
dre du cycle liturgique est le cadre normal de l'instruction de ceux
qui se préparent à entrer dans l'Eglise. La liturgie que représente le
lectionnaire deLuxeuil reste en grande partie une liturgie catéchu-
ménale; toute la communauté y participe encore à l'initiation des
néophytes; l'application du mystère du Christ à de nouveaux chré-
tiens s'insère dans le culte public. D'où l'importance de la solennité
de_Pâques, d'autant plus grande que, dans les Gaules, on ne conférait
le baptême qu'à cette occasion, et non à la Pentecôte (p. XCVI) comme
dans l'église romaine. L'office divin n'a d'ailleurs pas seulement un
rôle catéchétique auprès des convertis récents, mais auprès de tous -
les fidèles. L'exercice du culte nous apparaît ici comme un moyen
d'apostolat; à cette évangélisation toujours nécessaire des chrétiens
pourvoient lectures et sermons. Dom Salmon complète lesdonnées
que fournit sur ce point le lectionnaire de Luxeuil par quelques élé-
ment empruntés à saint Césaire d'Arles 1. Aux yeux de ce dernier, les
parties de l'office qui sont consacrées à l'instruction du peuple impor-
:
I. Le chanoine G. Bardy a également rassemblé récemment des tex-
205-230.
tes de saint Césaire où apparaissent les mêmes préoccupations La
prédication de saint Césaire d'Arles, dans Revue d'histoire de l'Eglise
de France, XXIX (1943), pp.
:
tent autant et même plus que la prière proprement dite « Un point
:
qui lui tient fort à cœur est celui de l'assistance aux lectures et aux
homélies qui les suivent si celles-ci sont trop longues, on peut abré-
ger la psalmodie en compensation » (p. LXXXIII). Le souci de se mettre
:
et de rester à la portée du peuple inspire à l'évêque d'Arles d'autres
recommandations qui méritent d'être relevées « Si les fidèles sont
fatigués, ils peuvent s'asseoir pour écouter (lectures et homélies);
si elles doivent durer plus qu'il ne convient, on peut les interrompre
et reporter la suite au lendemain. » Un homme aussi austère et aussi
attaché à la tradition que l'était saint Césaire n'a donc pas craint de
faire preuve d'une charité aussi condescendante et aussi délicate afin
que la liturgie gardât son caractère populaire et exerçât son influence
sur les âmes 1.
Ce qu'on lisait ainsi tout au long de l'année liturgique et ce que
les sermons expliquaient, c'était presque uniquement la Bible. Les
vigiles comportaient généralement douze leçons, prises le plus sou-
:
vent dans l'Ancien Testament, et la messe trois leçons, admirable-
ment réparties selon cette gradation un passage de l'Ancien Testa-
ment, puis un extrait des épîtres des Apôtres, enfin un péricope évan-
gélique. Les lectures privées elles-mêmes se devaient adapter au choix
de la liturgie. « Quant à ceux qui, pour une raison valable, ne pou-
vaient venir à l'église, saint Césaire les invitait à faire chez eux les
:
mêmes lectures de la Sainte Écriture que celles qui se faisaient dans
l'assemblée liturgique cela suppose que l'usage des lectionnaires con-
forme à l'ordre établi pour chaque église avait déjà commencé à «e
répandre; saint Césaire, constatant même combien il était facile de
s'en procurer, en profite pour engager ses auditeurs à lire fréquem-
ment la Sainte Écriture, d'autant plus que personne parmi les fidèles
ne devait avoir à sa disposition de bibles entières, et que par ailleurs
il n'existait aucun livre de lectures chrétiennes, si l'on excepte quel-
ques passions de martyrs et quelques rares recueils des œuvres des
Pères des premiers siècles » (p. LXXXIII). On n'avait pas de bibles, et
cependant on ne lisait guère que l'Écriture Sainte. N'est-il pas remar-
quable qu'on ait adopté, même pour les lectures à domicile, le choix
de textes dont la liturgie donnait l'exemple et l'ordre dans lequel
elle les présentait, constituant ainsi une sorte « d'année biblique »
dont le cycle coïncidait avec le développement des mystères du salut?
Le manuscrit de Luxeuil nous montre que la liturgie, et elle seule,
assurait l'unité de toutes les manifestations de la culture chrétienne
et de la vie religieuse. '« Le lectionnaire n'était pas seulement un
livre strictement liturgique, dont l'usage était réservé à l'accomplis-
sement des rites sacrés, mais aussi un des premiers livres de lecture
et de prière religieuses à l'usage des chrétiens vivant dans le monde »
rude,
I. Le latin dans lequel est écrit le lectionnaire de Luxeuil estplupart
et l'orthographe, pour être « moins barbare que celle de la
des autres textes mérovingiens » (p. LII), n'en est pas moins celle de
l'époque; la grammaire est souvent incorrecte (nombreux exemples
pp. LIII-LV) : nouveaux indices d'une certaine adaptation entre ce
livre liturgique et le milieu dans lequel il fut composé.
-
(p. LXXXIII). Un seul livre suffisait donc à tous les exercices de la vie
spirituelle.
A cette école, on apprenait à voir le monde et à parler à- Dieu comme
le fait la liturgie. Pour caractériser cette psychologie chrétienne, un
seul mot se présente à l'esprit :, celui de poésie. L'homme formé par
la Bible et informé par la grâce des sacrements apprend à reconnaître
:
en tous les événements et en toutes les créatures une beauté cachée
que la liturgie lui révèle tout lui devient symbole de l'œuvre de Dieu
dans le monde. Il n'y a plus rien de profane, tout est assumé par
l'Église, et tout est transforméen moyen de s'unir à Dieu. La « messe
»
à l'occasion des fruits nouveaux rappelle, d'après Joël (n, 21-27) et là
première épître aux Corinthiens (IX, 7-15), la signification des prémi-
:
ces sous l'Ancienne Alliance; puis, d'une sublime envolée, elle élève
les regards jusqu'aux réalités les plus spirituelles l'évangile est un
;
centon composé de plusieurs passages de saint Matthieu (XII, 1-8) et
de saint Jean (IV, 35-38; VI, 48-52) il raconte d'abord l'incident pro-
voqué par le fait que les Apôtres, en traversant les champs, cueil-
:
Avec le désir de voir qui, non sans résistances (Odon de Cluny
P. L., CXXXIII, 573 C-D; Guibert de Nogent
:
cf. St. BEISSEL, Die Vere-
hrung der Heiligen und ihrer Reliquien in Deutschland bis zum
Beginn des 18 Jahrhunderts, Fribourg, 1890, pp. 101 s., 124 s.),
provoquait l'ostension des reliques et la conservation, sur l'autel
ou in vase cristallino (P. L., CLXXXV, 1370), des espèces eucharis-
tiques miraculeusement transformées, cette préoccupation domi-
nante de la présence réelle contribuait à modifier d'une manière
sensible le cours de l'antique canon par l'élévation de l'hostie qui
-
Christ
:
I. Une malencontreuse distraction a fait écrire « à la personne du
» (p. 151), au lieu de : « à l'humanité du Christ ».
est attestée officiellement, pour la première fois, par les Statuts
synodaux d'Eudes de Sully, évêque de Paris (1196-1208) : c. 28, P. L.,
CCXII, 65 (cf. P. BROWE, Die Verehrung der Eucharistie im Mittel-
alter, Munich, 1933, pp. 26 s.; A.-L. MAYER, Die heilbringende Schau
in Sitte und Kult, dans Heilige Ueberlieferung (Festgabe Herwegen),
:
Munster, 1938, pp. 234-262), et généralement répandue au milieu du
XIIIe siècle. Elle constituait aussi tout un cérémonial cierges allumés,
lampe du Saint-Sacrement (attestée d'abord dans la Règle des Hospi-
taliers, 1155-1160. Cf. P. BROWE, Die Verehrung d'er Eucharistie, p. 3,
et L. GOUGAUD, De la veilleuse de certaines églises antérieure à la
lampe du Saint-Sacrement, dans Ephemerides Liturgicae, XLVI (1932),
pp. 435-438), et, à l'élévation, cierges allumés, tintement de cloches,
génuflexions du prêtre, salutations au Corps et au Sang de Jésus (Ave,
Salve)
La littérature, si abondante malgré les protestations de Florus
de Lyon, des Expositiones Missae inspirées d'Amalaire, n'étaient pas
:
à même, avec leur interprétation narrative et moralisante, de réta-
blir l'équilibre pour Bernold de Constance (t 1100) et Honorius
d'Autun (t vers 1152) entre autres, chaque cérémonie et presque cha-
que parole du prêtre représentaient un événement de la carrière ter-
restre du Sauveur ou offrait Une leçon de morale1.
Aussi bien, le chrétien du XIIe siècle pouvait être assidu à la messe;
sa piété, qui préparait celle de la fin du moyen âge, y avait déjà de tout
autres caractères que celle des fidèles de l'antiquité. Si un célébrant
soucieux de réprimer ses distractions à l'autel — comme, peu après la
mort de saint Bernard, saint Thomas Becket (1162-1170) — tenait sans
cesse en mains quelque ouvrage spirituel, de préférence le livret des
Prières de saint Anselme, pendant que sa chapelle exécutait les longues
pièces de chant, rien d'étonnant que les assistants aient dit des priè-
res qui étaient sans rapport ou en relation assez éloignée avec le sacri-
fice eucharistique. Des religieuses, comme sainte Elisabeth de Schônau
(t 1165) avaient, durant la messe, des visions et entendaient des paro-
les qui n'avaient rien à faire avec l'action sacrée, et qui les instrui-
saient sur toutes sortes de choses. A ce moment-là, les personnes
pieuses ont dû déjà, comme on le ferait fréquemment au XIII' siècle,
lire l'histoire de la Passion ou méditer sur les souffrances et la mort
du Christ. La révérence pour le saint sacrifice et pour le repas sacri-
ficiel de la communauté chrétienne se transforma peu à peu en une
dévotion plus individualiste et sentimentale à la personne du Christ.
Cette transposition d'accent, ce changement de perspective devait
avoir aussi des conséquences dans la conception de la communion, de
la fréquence autorisée et de la préparation à y apporter. D'autre part,
tandis que les progrès de l'élucidation doctrinale allaient provoquer
le rejet, par un grand nombre d'esprits, de la théorie amalarienne de
la consécration par contact (M. ANDRIEU, Immixtio et consecratio. La
:
cas exceptionnels) et, quand elle l'est, il n'est pas aisé de discerner
quel est le degré de fréquence autorisée ou conseillée par exemple,
dans la lettre de Grégoire VII à la comtesse Mathilde (p. 153, note 7) ou
dans un modèle de sermon du début du XIIe siècle ou de la fin du
XIe (Revue Bénédictine, XXII (1905), p. 52o)j Ce texte dit « souvent »;
mais c'est le terme employé plus tard par saint Bonaventure au sujet
de saint François d'Assise qui ne communiait qu'aux grandes fêtes1).
Sur les Cisterciens, voir BROWE, Die hausige Kommunion, pp. 74 s.
Quant à l'Imitation de Jésus-Christ, que M. Fliche s'est laissé entraî-
ner par Pourrat à citer ici mal à propos, elle manifestera encore la
crainte respectueuse du moyen âge (IV, 10, 5).
A la différence de l'antiquité chrétienne, le moyen âge, qui commu-
nie peu, recourut fréquemment au sacrement de pénitence (p. 154).
Le paragraphe d'une vingtaine de lignes que M. Fliche consacre à ce
vaste sujet a les allures d'un résumé abstrait et n'envisage point con-
crètement la variété des pratiques qui visaient à assurer le pardon des
péchés, soit mortels, soit véniels, et la remise de la peine (éternelle ou
temporelle) due en conséquence des fautes.
Le pardon des péchés seulement véniels n'était point sollicité, dans
l'antiquité, par un recours au pouvoir des clefs; on l'attendait de l'ac-
complissement d'œuvres de pénitence, du jeûne spécialement, mais
aussi de la distribution d'aumônes, de l'efficacité des prières- et parti-
culièrement du Pater, le « baptême quotidien ». Cependant l'aveu des
fautes, voire des tentations à un père spirituel était, depuis Cassien et
saint Benoît, vivement recommandé dans les milieux monastiques
d'Occident; dès les VIIe et VIIIe siècles, il se calqua sur la confession
privée des péchés graves dont la pratique, déjà attestée au Ve siècle,
tendait à se répandre et fut accompagné de l'absolution sacramentellé.
A partir du XIe siècle, les membres de certaines communautés bénédic-
tines recouraient régulièrement chaque semaine à ce remède spirituel.
Le XIIe siècle vit, parmi les religieux, la lente diffusion de cet usage qui
devait, par la suite, être prescrit chez les cisterciens (1232 et 1339), les
bénédictins (1886) et les chanoines réguliers de Saint-Augustin et qui,
ici ou là, était adopté également par des laïcs; des personnes pieuses se
confessaient même chaque jour, comme la mère de Guibert de Nogent
(t 1124). Si la communion était rare, la confession tendait à devenir
le grand moyen de perfection.
En même temps que se propageait la confession de dévotion, l'o-
bligation de confesser tous les péchés mortels, affirmée de divers
côtés dès le VIIe siècle, était de plus en plus admise couramment.
La distinction entre les péchés graves et légers s'était précisée; de
plus, la valeur purificatrice de la communion eucharistique, qui
avait paru à certains théologiens (et peut-être encore à Grégoire
de Bergame, + 1146, et à Rolànd Bandinelli, le futur pape Alexan-
dre III, 1159-1181) suffire à libérer les pécheurs même de leurs
fautes mortelles, se trouvait réduite à de plus justes proportions par
la considération, alors accentuée, des exigences de la préparation spi-
rituelle à apporter à cet auguste sacrement. En même temps, la con-
fession, qui était regardée de plus en plus comme une pénitence et
un signe de contrition, avait pris plus d'importance dans le processus
pénitentiel. Le peuple était donc engagé par les évêques (Otto de
Bamberg, + 1189, concile national hongrois de 1114) à recourir à la
confession sacramentelle avant la communion pascale, ordinairement
:
avant le carême, et même avant les communions obligatoires des deux
même démarche :
autres grandes fêtes de l'année Noël et Pentecôte, voire plus fréquem-
ment. D'autres circonstances invitaient aussi les fidèles à faire la
le mariage (et pour les femmes l'enfantement), les
pèlerinages et, dès le XIIe siècle qui en vits'accroître le nombre, puis
s'ébaucher la doctrine, les indulgences.
Des aumônes étaient habituellement offertes aux confesseurs, sur-
tout pour l'échange de pénitences plus légères, et parfois des prêtres
les exigeaient, malgré les protestations des conciles (Westminster 1138,
Latran 1170) qui prescrivaient de confesser les pauvres, de ne pas faire
dépendre l'absolution de la richesse ou de la générosité du pénitent, de
ne pas demander des arrhes, de ne pas imposer pour pénitence l'obli-
gation de donner de l'argent pour la célébration de messes votives «pro
peccatis ». En même temps que l'intrusion de l'argent, l'obligation de
ne faireiles confessions imposées que dans l'église paroissiale dont le droit
exclusif a été ordinairement maintenu par les papes du XIIe siècle,
pouvait causer une certaine gêne à maints fidèles. Au surplus, les curés
étaient peu aidés, et parfois négligents dans la tâche de confesseur qui
réclamait plus de temps qu'aujourd'hui. Enfin, le grand nombre de
péchés réservés, en ce temps-là, à l'évêque obligeait pas mal de péni-
tents à se rendre à la ville épiscopale auprès du pénitencier. Ces con-
ditions onéreuses ne facilitaient point la fréquence de la confession,
et, à la fin du XIIe siècle, Alain de Lille se plaignait que les fidèles et
les clercs se confessaient à peine une fois l'an.
Cependant le devoir, pour le confesseur, de protéger de toute indis-
crétion l'aveu sacramentel, déjà affirmé par un concile provincial de
Carthage (419) et par saint Léon le Grand (459), était de plus en plus
mis en lumière depuis le IXe siècle, c'est-à-dire depuis que la confes-
sion de tous les péchés mortels avait été communément proclamée
t
obligatoire. Les écrivains, comme Lanfranc de Cantorbéry, 1089, les
statuts synodaux (tels ceux d'Eudes de Paris, t 1208) et les conciles
(Rouen 1074, Antivari en Dalmatie 1199) y faisaient une allusion de
plus en plus nette et pressante, en attendant la solennelle sanction du
:
quatrième concile du Latran (1215). Il est vrai, le principe de cette
obligation n'était pas toujours rigoureusement appliqué il arrivait
parfois, au XIIe et jusqu'au XVIe siècle, qu'pn n'étendît point la loi
du secret sacramentel à tout ce qui avait été dit en confession, ou
qu'on la déclarât caduque, dès qu'elle entrait en conflit avec le bien
de l'État ou de l'Église, ou avec le souci de prévenir le sacrilège et
d'assurer la licéité dans la réception de la communion pascale, du
mariage ou des saints ordres, ou avec l'intention d'obtenir l'absolu-
tion des péchés réservés ou de solliciter un conseil..
Deux autres pratiques pénitentielles, qui ne se rattachaient plus au
pouvoir des clés, furent aussi passablement courantes au XIIe siècle
la confession aux diacres et aux laïcs. La charge confiée par saint
:
Cyprien aux diacres de recevoir à défaut de prêtre l'exomologèse des
lapsi à l'article de la mort avait été\ légitimée depuis quelques siècles
par certains théologiens; et maintes fois, encore à l'époque de saint
Bernard, des évêques (tel Étienne d'Autun, + 1136) continuèrent d'ac-
corder aux diacres l'autorisation de remplacer les prêtres, en cas de
besoin pressant, dans le ministère de la confession (cf. LAultAIN, De
l'intervention des laïques, des diacres et des abbesses dans l'adminis-
tration de la pénitence, Paris, 1896; E. VACANDARD, Revue du Clergé
français, XLIV (1905), pp. 342-344). Quant à la coutume, qui s'intro-
duisit dès le commencement du XIe siècle, de confesser même les péchés
graves à un laïc en cas de nécessité et en l'absence d'un prêtre, elle ne
se rattache point à la délégation épiscopale accordée aux diacres, et elle
demeure distincte soit de la coulpe monastique, soit de l'usage de
communiquer toute sa conduite intérieure et extérieure à un père
spirituel (ou à une abbesse). Recommandée vers io5o par le traité De
vera et falsa poenitentia qui se couvrait abusivement de l'éminente
autorité de saint Augustin (P. L., XL, 1122) et par l'interprétation de
certains textes scripturaires (Prov., XXVIII, 13; Jac., v, 16), elle s'enra-
cina dans les mœurs du peuple au XIIe et au XIIIe siècle, comme l'at-
testent les chansons de geste, car, par suite de l'adoucissement des
œuvres satisfactoires, la confession, qui était regardée elle-même de
plus en plus comme une pénitence et comme un signe de contrition,
avait pris plus d'importance Lans le processus pénitentiel. Toutefois
l'efficacité reconnue à cet aveu n'était point rattachée directement au
pouvoir des clés, mais à la sainteté éventuelle et aux prières du laïc,
surtout à la vertu de l'humiliation qu'il comportait et au désir du
prêtre qu'il manifestait. Cette pratique était déclarée non seulement
licite, mais encore obligatoire par les théologiens, même par ceux
qui, ne réduisant pas l'absolution sacerdotale à une simple constatation
de pardon (saint Anselme, t 1109), attribuaient au pouvoir des clés la
rémission de la peine éternelle (Hugues de Saint-Victor) ou de la peine
temporelle (Pierre Lombard). Sur ce sujet, voir notamment A. TE-
TAERT, La confession aux latques dans l'Église latine depuis le Ville siè-
cle jusqu'au XIVe siècle, Bruges-Paris, 1926.
Le développement de la piété mariale (p. 156) est un trait notable de
ce XIIe siècle qui se caractérise, dans la littérature (cf. J. VAN Ginneken,.
S. J., De Geschiedeqis derMiddel-Nederlansche letterkunde in het licht
der ethnologische literatuur-wetenschap, Nimègue, 1928, p. 28 s.), par
la renaissance de la culture matriarcale néolithique de l'Europe préhis-
torique. Après Finke (Die Frau im Mittelaltier, 1913, p. 112 s.), Mgr B-
Bartmann a relevé des analogies entre diverses expressions de la dévo-
alors manifestée à la reine ou, dans les seigneuries, à la princesse :
tion mariale de ce temps et celles de la considération croissante qui est
reine est couronnée aussi bien que le roi; si celui-ci est pater patriaer
1111
celle-là est mater regnorum, elle est le bras droit de son époux, distri-
buant des fonctions au nom du roi, obtenant la grâce de gens condam-
nés ou poursuivis par la justice (Maria im Anjang der Scholastik, dans-
Theologie und Glaube, 5 (1913), p. 706). Pas plus que le mouvement
des croisades qui entraînait des groupes importants vers la Terre
Sainte, ces transformations ne suffisent point à expliquer l'épanouis-
sement de la dévotion mariale du XIIe siècle; mais elles n'ont pas été
sans influencer le vocabulaire mariologique ou inspirer certaines
démonstrations de la piété manifestée alors pour la Mère du Christ.
Le développement du culte rendu alors à Marie aurait pu être ici
(p. 156) illustré par la diffusion de la fête de la Conception de
Notre-Dame que l'Angleterre avait célébrée, au XIe siècle, dès avant
la conquête normande et que Lanfranc avait supprimée (cf. Wil-
mart, Auteurs dévots, pp.46 s., 202; Noyon, dans Bulletin de Lit-
térature ecclésiastique, 1911, 1914, 1914-1916 et 1920).Si le culte cles
saints jouissait de la naïve confiance des foules (p. 157), il était atta-
qué par les hérétiques (cf. p' L., CLXXXIII, iog5 B : irrident nos..-
quod sanctorum suffragia postulamus). Surtout dans la prière privée-
l
qui disposait d'un nombre croissant de recueils, saint Jean 'Bvangé-
liste était uni à la Vierge Marie (cf. Wilmarw, op. cit., pp. 497 s., etc.;
G. SCHREIBER, Die Pràmonstrâtenser und der Kult des heiligen Johan-
nes Evangelist. Quellgrunde mittelalterlicher Mystik, dans Zejtschrift,:
filr katholische Theologie, LXV (1941), pp. 1-31), ainsi que sainte Anne
dont la fête liturgique était célébrée à Worcester et à Apt (WILMART,
:
op. cit., p. 46). Enfin le culte des reliques prenait plus de place dans
la piété on désirait les voir et on mettait les châsses bien en vue
Il. BRAUN, Das christliche Altar in seiner geschichtlichen Entwick-
lung, t. II, Munich, 1924, pp. 554 s.).
Je ne m'arrêterai point aux pages (162-175) qui évoquent, avec l'é-
panouissement de l'architecture romane et la formation de l'art
gothique, la résurrection de la statuaire et l'essor de l'orfèvrerie. Sou-
vent inspirée par la Psychomachie de Prudence et marquée par l'in-
fluence monastique, l'iconographie romane a reçu de la miniature
carolingienne des thèmes hellénistiques; mais, par divers traits réa-
listes ou pathétiques, par l'ordonnance de plusieurs compositions
(comme le Baptême du Christ sur les fonts baptismaux de René de
Huy, à Saint-Barthélemy dEtLiége, 1107-1118), elle manifeste la péné-
tration en Occident de l'iconographie cappadocienne. Ce fait impor-
tant que n'a point souligné M. Fliche a été mis en lumière par le
B. P. G. de Jerphanion, en particulier dans l'étude du cycle de Sant"
Anlo in Formis (La voix des monuments, I, Paris-Bruxelles, 1980,
quer l'iconographie du XIIe et du XIII" siècle. ,
pp. 260-280); quiconque l'oublierait ne pourrait pleinement sExpli-
J'ai loué ailleurs (Bévue du moyen âge latin, 1 (1945), pp. ao4-
208) ce volume qui charme par la limpidité de l'exposé comme
par sa science ample et précise. Les seules pages que j'avais à recen-
ser ici sont — à l'exception de celles qui traitent de l'art et de la
réforme ecclésiastique — moins parfaites que n'importe lesquelle du
reste de l'ouvrage. Il faut néanmoins remercier l'auteur de n'avoir
pas consenti à exclure entièrement de ses recherches ce-domaine de
la vie religieuse proprement dite qui relève — non ultimo gradu —
- de l'histoire de l'Eglise, "Souhaitons que des travailleurs portent leurs
investigations dans ce champ trop négligé,
H. CmRAT.
Il vaut peut-être mieux laisser les fidèles dans l'ignorance que leur
Jivrer un enseignement aussi malhabile.
!
1
Des sermons prononcés par M81 Chevrot à Saint-François-Xavierpen-
£
dant l'occupation On s'attend à lire des exhortationsd circonstance,
pleines de sous-entendus à la fois subtils et courageux, capables de
relever l'énergie de ceux quinouaient-et d'encourager à la résistance !
Tel est bien le cas, en effet. Il est évident que les sermons sur « les
»
Antéchrists et sur « l'espritdesérvitude » doivent aux circonstances
dans lesquelles ils ont été prononcés des résonances très spéciales.
Mais s'il n'y avait que cela, ce recueil ne mériterait qu'un succès de
curiosité; il ne vaudrait que comme un document intéressant surune
douloureuse époque, heureusement révolue. Il devrait donc se démo-
der très vite. En outre, il apparaîtrait davantage comme un acte civique
que comme un enseignement proprement chrétien. Or on n'a jamais,
9
en lisant ces pages, l'impression à la fois excitante et décevante que
nous donnent parfois tels sermons dont le prétexte religieux ne sert
qu'à l'agitation politique. Au contraire, ils demeurent comme un
enseignement authentiquement et premièrement chrétien; soucieux
des conjonctures temporelles, mais, comme l'étaient les épîtres d'un
saint Paul ou l'Apocalypse d'un saint Jean, pour en tirer des leçons
durables et profondément spirituelles. D'où vient cette alliance d'un
?
frémissement si humain avec une telle sérénité catholique Sans doute
du talent de l'auteur, mais d'abord, croyons-nous, de ce que sa pré-
dication est vraiment « pastorale et liturgique ». Et il nous semble
qu'il y a là d'importants leçons pour un renouveau de notre prédica-
tion qui oscille si souvent entre un souci de l'actualité qui la rend
superficielle et vide, et un souci de la doctrine qui la rend abstraite
et inassimilable.
La prédication de Mgr Chevrot est liturgique parce qu'elle s'inspire
du mystère de chaque fête, en l'actualisant, mais sans le rétrécir. Elle
est biblique, parce qu'elle est nourrie de l'criture, traduite souvent
avec un rare bonheur d'expression, qui la rend vivante et proche de
nous. Elleest pastorale enfin, parce qu'elle est nourrissante pour la
piété, simple et affectueuse : c'est vraiment ici le père qui parle à sa
:
famille paroissiale dont il partage toutes les peines et toutes les joies.
Un tel volume est-à lire par tous par les fidèles à qui il apprendra à
vivre leur christianisme avec simplicité et profondeur, par les prêtres
à qui il apprendra à parler d'homme à hommes, ou plutôt de prêtre à
chrétiens. Ces sermons ne sont pas dans la tradition éloquente et
abstraite des Bourdaloue et des Bossuet, mais la tradition des Pères et
de l'Evangile. Nous ne pouvons leur donner de plus bel éloge.
:
Sans crainte je me couche, en ses bras je m'endors,
je m'éveille au matin car il est mon soutien.
Je ne crains rien devant ces milliers d'adversaires
Qui de tous les côtés sà dressent contre moi.
#
Levez-vous, Seigneur,
sauvez-moi, mon Dieu! *
Frappez au visage
ceux qui me poursuivent,
et brisez les dents
de mes ennemis.
*
Le salut est en vous, Seigneur.
Puisse votre main bénissante
se reposer sur votre peuple!
(La syllabe du troisième vers, imprimée en caractères gras, indique
que l'accent rythmique se pose là, et non pas à la césure classique.)
Nous croyons que cette traduction,des Psaumes pourra rendre de
grands services pour les assemblées de prière qui veulent puiser dans
le trésor des prières de l'Église.
A.-M. R.
:
Avant d'entrer dans le sujet, notons un caractère qui se retrouve et
dans l'action liturgique, et dans le jeu dramatique scout pas de dis-
tinctionl entre acteurs et spectateurs, tous participent à ce qui se fait,
tous « entrent dans le jeu ».
:
groupent autour de la table où va se jouer l'action, autour de la table
entourée d'autant plus de respect que l'action sera plus grande, plus
dramatique l'autel.
Tout d'abord, alternant avec les premières prières, c'est l'enseigne-
ment. Ils ne l'écouteront pas comme des écoliers qui doivent rester
les bras croisés, mais activement. L'enseignement lui-même devient
:
action et cause immédiate d'action. Il inspire les attitudes (assis pour
l'épître, debout pour l'évangile); il inspire les chants 1glise fait
chanter son enseignement pour le rendre plus efficace, plus dramati-
que; elle a cru avant nous à l'efficacité du chant.
Cherchez des récits particulièrement pathétiques chantés de façon
tout spécialement dramatique.
Mais l'enseignement, source d'une nouvelle activité, les leçons
entendues deviennent comme un levain qui anime, soulève et fait
naître les résolutions de l'offrande. et c'est l'aventure merveilleuse
du pain et du vin, cette oblation collective — et pourtant spontanée —
faite au Père,des éléments mêmes de notre subsistance, cette nouvelle
:
pour la messe; la question est de même ordre, et demande au moins
autant d'attention la Route et la vie, la messe et la vie, voilà le pro-
blème essentiel.
:
L'Eglise donne ce nom de mystères aux principales actions accom-
plies par le Sauveur durant son passage sur la terre par exemple. le
labeur dei ses mains dans l'atelier de Nazareth, son jeûne et sa prière
dans le désert de la sainte Quarantaine.
Mystère, au sens large, veut dire chose cachée.
Ces actions furent des mystères, parce qu'elles contenaient un
secret qui ne fut pas saisi immédiatement. Elles donnaient aux hom-
mes un exemple, iri de pénitence, là de travail. Elles leur méritaient
pour plus tard la grâce de faire de même.
Exemples et grâces que le monde ne pouvait porter encore, le Sau-
veur les ramassait dans son divin Cœur. Il se réservait de les- dispen-
ser, dans la suite des siècles, à ses âmes fidèles. Il inspirerait les
leçons, il donnerait les forces. Ce serait, en toute réalité, de lui à nous
une transfusion de sentiments et de dispositions, une circulation de
vie nouvelle.
L'application à chacun de nous des divers mystères du Christ peut
s'obtenir déjà en méditant l'Évangile avec foi et amour, puis en réci-
tant le Rosaire, mais surtout en profitant des temps liturgiques.
D'où vient aux temps liturgiques cet intéressant privilège?
D'abord de la volonté de l'Église, qui n'est pas différente de la
volonté du Christ. A chaque dimanche de l'année et à certains grairas
jours de semaine, l'Église rattache le souvenir d'un mystère distinct
jours exaucée.
du Christ en respectant l'ordre de l'histoire d'autrefois. Elle demande
officiellement à Dieu qu'en ce dimanche, qu'en ce jour, tel mystère
revive et profite à ses enfants. Et nous savons que sa prière est tou-
:
sonnages évangéliques. Mais, pour le sens chrétien du bon peuple,
aucune méprise n'était possible le drame authentique se déroulait à
l'intérieur, sous les arceaux des nefs et du chœur, dans la splendeur
des fonctions sacrées.. ,
Aujourd'hui, les jeux sous le porche ont disparu. La messe nous
suffit, pleine et vraie. En elle, chaque événement important de la vie
voyageuse du Christ devient un don à notre usage. Le choix des tex-
tes dans le Lectionnaire et l'Évangéliaire, la teneur des oraisons, l'ex-
pression des chants, la couleur des ornements évoquent déjà puis-
samment le mystère assigné à notre dévotion. L'action eucharistique
proprement dite, ou consécration, le fait réellement revivre. Elle
nous rend, avec la présence sacramentelle du corps et du sang de
Jésus-Christ, l'esprit et la grâce de tous les mystères.
:
profonde de la liturgie du Temporal :
Telle est la puissance créatrice du sacerdoce catholique ses gestes
continuent et prolongent ceux du Christ. Telle est aussi la valeur
sous les souvenirs, diligem-
ment ordonnés, de l'histoire du Sauveur, il y a, tout à notre portée,
un contenu mystique, une vie divine, un drame prêt à être vécu à
nouveau.
Les gestes, les signes, les chants, les alternances du choeur, comme
dans le chœur antique, aideront à le réaliser. Parfois l'action drama-
tique apparaîtra semblable à une reconstitution historique (recher-
chez des exemples), mais, encore une fois, il y aura toujours la réa-
lité.
Et combien l'année liturgique nous rapproche des entreprises
::
d'un clan, d'un feu, ou, du moins, l'inspire! Premier trimestre
préparation du Noël; second trimestre semaine sainte dans une
:
paroisse délaissée; troisième trimestre pèlerinage du clan ou du
feu. C'est à lafois une justification de nos activités et un enseigne-
ment. Quel contresens ce serait pour un routier, pour une G. A.,
de ne considérer la préparation de son Noël que comme une entre-
prise théâtrale, alors qu'il s'agit de se préparer à révéler l'Incarna-
tion aux hommes de bonne volonté. Vous voyez à quel point « route
et vie », « liturgie et vie » sont des problèmes connexes.
2) Un sacrement.
la Pénitence.
— Considérons le sacrement de pénitence tel
:
qu'il se
présente de nos jours. Il revêt l'aspect de quatre actes dramatiques
le drame des fautes, c'est la confession; le drame du regret de ces
fautes, c'est la contrition; le drame du pardon de ces fautes, c'est
l'absolution; le drame de la réparation, et c'est la satisfaction.
Sans doute, cette action dramatique est aujourd'hui ramassée et se
déroule en l'espace de quelques minutes. Mais quelle ampleur,
quelle profondeur! Comme on est loin là d'une simple formalité! Et
!
quelle part active nous y est faite Sur quatre éléments qui composent
le sacrement de pénitence, trois sont nôtres, et le quatrième est un
geste actif qui enveloppe les trois autres. Lisez attentivement les
prières qui suivent la formule de réconciliation et voyez tout ce qu'el-
les englobent d'activité et de vie. Il est bon, de temps en temps, de
reprendre ces belles paroles qui donnent un sens de renouveau à tout
ce qui va se présenter par la suite.
Ne trouvez-vous pas que la formule qui suit l'absolution ouvre
une analogie avec les consignes du départ routier ?
Remarquez aussi tout ce qu'il y a d'actif, d'une activité plus grande
que les actions humaines, dans ce simple mot dit par un prêtre
Absolvo.
:
pour voir tout ce qu'il y a d'actif, de
Ce que nous venons de faire
dramatique, dans la messe et le sacrement de pénitence, vous pour-
rez le reprendre pour chaque sacrement. Fautes vous-même ce tra-
vail.
Alors que nous aimons les cérémonies scoutes si simplement dra-
sacramentelles ?
matiques, pourrions-nous rester insensibles au drame des cérémonies
On nous a parfois reproché d'en arriver, à
force
d'exalter le « Départ », à une conception voisine de celle du « Départ-
sacrement ». Le Départ est riche, c'est vrai, riche de tout ce que
nous y mettons, mais les sacrements de l'Église sont riches de tout ce
que le Christ y. à mis; à nous de savoir les animer.
QUESTIONNAIRE
, G. MORIN, F. PICARD,
de l'Oratoire,
A TRAVERS LES REVUES
dénonçons:
ce bien est autre chose que l'âme. Lorsqu'on dit que l'on travaille à
sa perfection, on n'évite pas non plus toujours l'équivoque que nous
car on entend parfois par là une vie spirituelle orientée
vers l'âme, alors qu'il faudrait entendre une vie spirituelle orientée
vers les objets pour lesquels l'âme est faite et d'où lui viendra la per-
fection. Le mot de vie intérieure porterait le même danger si on le
tournait dans un sens purement subjectif. Il est bien vrai qu'il y a
lieu de se retirer des objets distrayants et de se recueillir en soi-
même; cependant, on ne le fait qu'afin de s'occuper d'autres objets,
ceux qui nourriront l'âme au lieu de la dissiper. Faute de ceux-là, on
ne tarderait pas à languir. Car aucune bonne volonté, encore une fois,
ne fera qu'on enfreint sans dommage les lois naturelles de la vie. En
rappelant la nécessité pour l'âme de s'appliquer à de certains objets,
nous avons plaidé pour l'exigence toute première de la vie spirituelle.
Rien n'égale le dommage qu'il y aurait à la méconnaître, sinon le
bénéfice sans doute qu'on s'assurera à l'observer.
:
joué ni par des sentiments ni par des idées, mais par des choses
et des faits le Corps et le Sang du Christ, les événements de sa
vie et ses mystères toujours actuels, son corps sacramentel, les
sacrements eux-mêmes, avec leurs éléments solides, la marche
du monde, avec la course des saisons et des heures. Si ce n'était
la crainte d'être taxé de snobisme, on parlerait de spiritualité
existentielle.
t
La Bible dans la vie.
:
vue
Nous saluons avec sympathie
LaBibledans la vie :
l'appa~tion
d'une nouvelle re-
Foyers. L'Anneau d'Or, dont le sous-titre dit bien l'objet
Cahiers de Spiritualité familiale1. De nombreux articles du pre-
mier cahier nous intéressent. Et d'abord celui du R. P. DANIÉLOU
1.
j
Christ par des textes de l'Ancien Testament. A cet égard, la lecture
liturgique de la Bible, où les textes ne sont pas considérés en eux-
mêmes, mais seulement comme des préfigurations des mystères du
Christ, constitue la vraie forme, la seule pleinement exacte, de la lec-
:
Six cahiers à paraître dans l'année. Souscription ordinaire
1, rue des Poitevins, Paris-6e. C. c. p. Paris 3042-04.
raofr.
ture de l'Ancien Testament. Par là, l'Église nous enseigne à y cher-
cher les mystères du Christ. On s'étonne parfois que l'Église ait
détourné les chrétiens de lire le texte de l'Écriture; tout au contraire,.
elle le leur propose en nourriture par la lecture liturgique. Mais elle
leur enseigne par là que lire l'Écriture sans en avoir la clef, qui est le
Christ, lire l'Ecriture sans la rapporter tout entière au Christ, c'est
s'exposer à bien des erreurs, dont la plus grave est de prendre au sens
littéral des prescriptions qui n'ont trouvé que dans le Christ leur
accomplissement. Et la richesse incomparable de la liturgie, c'est
qu'elle nous parle toujours d'une même réalité, le mystère du Christ,
:
la seule réalité après tout qui nous intéresse. Mais elle nous montre
cette réalité sur des registres différents préfigurée dans les institu-
tions, les événements, les hommes de l'Ancien Testament, réalisée
dans l'histoire du Christ, continuée dans son Église, accomplie en cha-
cune de nos âmes, achevée dans la vie éternelle. Et les divers sens de
l'Écriture : prophétique, historique, spirituel, anagogique, correspon-
dent à ces divers aspects.
C'est bien ainsi que les chrétiens ont entendu l'Écriture pendant
dix-sept siècles, de saint Paul à Bossuet. Toute l'œuvre des Pères de
l'Église est un commentaire de l'Ancien Testament où ils ont inlassa-
blement cherché tout ce qui y parlait du Christ, de l'Église, de Notre-
Dame. Toute la culture chrétienne médiévale est fondée sur cette idée.
On ne la comprend pas si on n'en a la clef. Et si les vitraux reprodui-
sent l'histoire de Joseph vendu par ses frères, d'Abraham sacrifiant
Isaac, c'est que tous ces épisodes étaient pour eux autant de figures
qui leur racontaient la vie du Christ et leur propre vie; Moïse traver-
sant la Mer Rouge, c'était le baptême, qui les avait menés loin de
l'Egypte pécheresse dans la terre promise de l'Église, en passant par
l'eau vivifiante du baptême. Et, au XVIIe siècle, Pascal écrit encore
que, dans l'Ancien Testament, « Jésus-Christ est l'objet de tout et le
centre où tout tend ».
A propos du baptême.
:
Quand un chœur français s'improvise, le mal ne vient pas tant de
ce que certains chantent faux; il vient de ce que chacun chante sans
s'inquiéter d'autrui. Cent fois vous avez enndu La Marseillaise cent
fois vous avez constaté que jamais le départ n'avait lieu en commun.
Certains chanteurs sont régulièrement en retard de plusieurs mesu-
:
n'en tiennent pas compte. Tout cela manque de densité et de soumis-
sion. On peut employer à leur endroit les mots dont d'autres ont déjà
usé au sujet de la famille ou de la corporation elles ne sont pas pré-
sentement capables de remplir leur rôle de formation, d'entraînement
à la vie sociale; elles ont besoin d'être étayées et intégrées dans un
milieu plus fort et de plus puissante armature.
n'est
dignement :
Personne à l'intérieur dressé ni éduqué.
:
Et cela suppose que la vie matérielle d'une chorale doit être assurée
donc, il faut une politique financière de la musique. Et
cela suppose que sa vie spirituelle doit être enrichie
une politique d'enseignement de la musique 1.
donc, il faut
Messes d'enfants.
Dans L'Union, « revue mensuelle du clergé paroissial dont »
on sait le bel effort pour une rénovation de la pastorale, une
description attristée des « messes d'enfants :
» 1
Du fond de la chapelle arrive le célébrant. Un grand coup de
claquoir, voilà tout ce petit monde à genoux. « Prenez page tant ».
:
et l'on débite avec entrain, sinon avec le ton, les formules du manuel
des catéchismes. Voilà l'épître « Numéro tant ». Et M. le Vicaire
d'attaquer à pleine voix un cantique, bientôt « braillé » par toute
l'assistance. De nouveau les prières du manuel, un cantique, des
Vulgarisation liturgique.
On connaît l'O.B.E. (Œuvre de la Brochure à l'Église) qui
diffuse des opuscules de doctrine religieuse sur des rayons placés
à l'entrée des églises, où fidèles et visiteurs peuvent se servir à
leur gré sans avoir rien à demander à personne. Dans le dernier
Bulletin les responsables de cesbibliothèques (ou « bibliaires »)
sont invités à collaborer au mouvement liturgique :
Au premier abord, on voit mal les services que l'O.B.E. peut rendre
à la liturgie. Celle-ci est apparue longtemps comme une science réser-
vée aux prêtres, aux cérémoniaires.
Aujourd'hui, le mouvement liturgique intéresse tous les fidèles con-
formément à sa vraie nature. La liturgie n'est pas l'art de réaliser
des cérémonies impeccables, mais de réaliser une prière vivante, ausi
intelligible que possible, à laquelle tout le peuple prenne une part
active et intelligente.
Par la liturgie, le peuple chrétien des baptisés s'associe au mystère
:
du Christ célébré par l'Eglise. La liturgie, loin d'être un mouvement
facultatif de la vie chrétienne, est donc à la source et au centre de
toute vie chrétienne le dogme, la morale, la spiritualité en découlent
et y aboutissent. En outre, la liturgie ne peut être comprise sans un
minimum d'intelligence de la Bible, et elle contribue à donner le goût
des connaissances bibliques.
C.P.L.:
Ici quelques lignes sur le mouvement liturgique actuel et le
*
Ce travail considérable et de longue haleine est aujourd'hui achevé
'ct dote l'Église protestante de Genève d'un instrument remarquable
dont on ne tardera pas à apprécier la valeur. Notons-en brièvement
les traits les plus caractéristiques.
Que les traditionnalistes se rassurent. Une des fonctions de la litur-
gie étant de faire entendre la voix des siècles et d'exprimer cette con-
tinuité dans le temps qui est une des particularités dé l'Église chré-
tienne, les auteurs de la nouvelle liturgie ont sagement évité de sacri-
fier au goût de la nouteauté et se sont fait un devoir de conserver le
meilleur des liturgies anciennes et de reprendre même certains élé-
ments que l'on avait peu à peu délaissés.
Désireux en outre d'enrichir le trésor liturgique genevois, ils ont fait
d'heureux emprunts à la fameuse liturgie d'Eugène Bersier, ainsi qu'à
celles des Églises de France, de Neuchâtel et de Vaud. C'est là une
excellente contribution au mouvement qui tend à rapprocher de plus
en ps entre elles les diverses familles spirituelles de la Réforme (Je
langue française. On constate également cette tendance œcuménique
dans l'introduction de textes tirés des anciens formulaires de l'Église
des premiers siècles et d'avant la Réformation.
Voilà pour la tradition. Mais on ne saurait oublier que les textes
liturgiques doivent être compris de tous les hommes de notre temps.
Aussi la commission a-t-elle eu le souci de donner une voix aux pré-
occupations sociales de nos contemporains et de prévoir, à côté dt'
formulaires traditionnels du mariage et du baptême, des textes rédigés
en un style aisément compréhensible pour les personnes peu familia-
risées avec la terminologie biblique et ecclésiastique.
Enfin, le nouveau recueil se distingue des anciens par un matériel
biblique abondant, ce dont il y a lieu de féliciter ses auteurs. Car,
ainsi que l'ont fait remarquer plusieurs spécialistes de l'art liturgique.
la Bible elle-même contient à cef égard des richesses qu'il importe de
mettre en valeur. Il est normal d'ailleurs que, dans une liturgie pro-
testante, la Bible soit à la place d'honneur.
(
:
plaquer artificiellement une formule dramatique toute faite de recons-
titution médiévale ou antique. Le théâtre populaire devra refaire pour
lui-même tout le chemin et toute l'expérience réinventer sa forme,
selon ses besoins, sa puissance, son public.
Que l'on commence par le chant et la danse. La tragédie est l'abou-
tissement du chant choral; la comédie jaillit des réunions et des fêtes,
agrémentées de chansons et de- farces du cru, hantées par les silhouet-
tes de personnages locaux. Un Eschyle, un Aristophane, un Molière,
ne surgiront que lorsque nous serons prêts à les entendre, et, pour
y être prêts, il faut s'y préparer, par ces fêtes, ces chants et ces dan-
ses, ces chœurs et ces farces. Alors les œuvres littéraires auront mûri
dans le peuple pour lequel elles auront été faites; elles se seront
renouvelées, rafraîchies à la source et développées organiquement,
naturellement. Elles seront vraiment neuves, puisqu'elles seront vrai-
ment vivantes.
Dans cette élaboration, le rôle des Mouvements de jeunesse devrait
être capital. Leurs jeunes gens, loin d'être coupés du peuple, de-
vraient en sentir et en exprimer les besoins; être un lien vital entre le
peuple et le poète. La discipline d'une troupe scoute devrait aboutir
tout naturellement à la formation d'un groupe choral homogène,
réplique moderne du chœur grec.
?
Cela devrait être, cela n'est pas. Pourquoi braille-t-on au lieu de
chanter Pourquoi un feu de camp insulte-t-il si souvent à la majesté
?
de la nuit et à la lumière des étoiles C'est qnle la plupart du temps
sous prétexte qu'il s'agit là d'un jeu, d'un divertissement, on n'y
apporte ni le sérieux ni la foi, ni la ferveur qui seuls pourraient pal-
lier au défaut de compétence ou d'imagination. Mais surtout, ces jeux,
même les meilleurs, ne sont le plus souvent qu'amusettes ou dilettan-
tisme, ils n'expriment aucun sentiment humain simple, profond,
populaire. C'est que la plupart des Mouvements de jeunesse, le scou-
tisme français en particulier, se ressentent de leur origine bourgeoise.
»
Leurs « jeux furent, à l'image de la société, futiles, pharisiens, déca-
dents. Que les Mouvements de jeunesse entrent franchement dans le
sens de la révolution du XXe siècle, s'ils veulent être à même de jouer
le rôle d'éducateurs de la nation qui devrait être le leur par le
divertissement dramatique en particulier.
Il faudrait considérer à part le cas de la J.O.C. et de ses « chœurs
parlés » : dire tout ce que les jocistes, qui sont, eux, dans le sens de
l'histoire, ont suexprimer de vérité humaine sociale, donc dramati-
que, sous une forme fruste et primaire, dans un genre dramatique-
ment -et esthétiquement faux et laid. Que ceux qui détiennent la cul-
ture les aident à épanouir leur vérité dans la beauté et l'harmonie
d'une forme dramatique authentique, et l'on trouverait peut-être là
des richesses insoupçonnées.
Que, dans tous les Mouvements de jeunesse, les animateurs lancent
le mot d'ordre de la ferveur, de la qualité,de l'invention, de la médi-
tation, et les jeunes des Mouvements auront leur part — une part
qui pourrait être primordiale
notre pays.
- dans le renouveau dramatique de
Bible et liturgie.
La Maison-Dieu est née à l'ombre de La Vie Intellectuelle. Les
Frères Prêcheurs qui assurent la direction de la première sont en —
étroit contact avec ceux qui dirigent la seconde. Les uns et les
autres se réclament de l'esprit de leur regretté fondateur, le
P. Bernadot, qui eût été si heureux, lui qui avait tant fait pour
le renouveau chrétien de notre pays, de voir que le Centre de
Pastorale Liturgique était rattaché à la maison à laquelle il a
donné pendant vingt ans le meilleur de ses forces et de son esprit.
La Vie Intellectuelle annonce la parution régulière de sections de
Bible et Liturgie. Les deux premières parues sont très promet-
la même encyclique :
participer à cette transcendance dont le souverain pontife parle dans
« la prière publique, comme procédant de
notre Mère l'Église, à cause de sa qualité d'Épouse du Christ, l'em-
»
porte sur toute autre 2, bref, pour faire partie de son Canon litur-
gique, et être le signe authentique de son pouvoir sacerdotal, une
décision officielle de l'autorité suprême de l'Église, insérant cette
prière dans son canon liturgique, est nécessaire. Cette décision écrite
in
L'Église, dans son culte propre, dans sa liturgie s'est souciée à
toutes les. époques (ses livres liturgiques en font foi) de fournir à la
piété de ses enfants des thèmes de prière substantiels et opportuns.
Les supplicationsdu vendredi saint, si profondément catholiqiues et
conquérantes, donnent bien l'allure habituelle de ses prières cultuel- -
les.Elleest l'école authentique de la vraie prière; ses enfants doivent
recevoir deson magistère sacerdotal les consignes de l'apostolat de la
prière unanime.
Et, de fait, grâce à la célébration annuelle des mystères du Christ,
des saisons liturgiques, des fêtes de Notre-Dame et des saints, bref, de
toutes les richesess si variées de son cycle, l'Église dégagede son culte
quotidien une vertu à pratiquer, une demande à formuler, un sacri-
fice à unir au grand Sacrifice. Bref, elle fixe à sesenfants les inten-
tions de sa prière. Chaque jour, après avoir fait contempler le mys-
tère sous tous ses aspects, la liturgie, dans ses collectes, ses homé-
lies, ses hymnes, implore pourtoute l'Église les largesses divines et
nous suggère des réformes précises et pratiques à réaliser dans notre
vie. Elle fait contempler avec ferveur et enthousiasme, pour corriger
et réaliser avec énergie et persévérance.
IV
-./
1.Can. q.
2.Codex J. C., lib. I, tit. I, et lib. II, tit. VII, chap. IV spécialement
can. 253,
3. Can.818.
d'égaler et de remplacer définitivement la prière universelle et sacer-
dotale de l'Épouse du Christ. Malgré tous les encouragements et
toutes les faveurs; malgré les documents apostoliques les plus élo-
gieux dont l'œuvre se glorifie à juste titre; malgré l'approbation,
purement verbale d'ailleurs, des intentions mensuelles, cet organisme
ne partage en rien la dignité et l'efficacité du culte de l'Église. Il
reste donc une entreprise collective mais privée, bénie et approuvée,
mais nullement intégrée dans cet ensemble grandiose et transcen-
dant, dans lequel le sacerdoce du Christ trouve ici-bas son authenti-
que réalisation.
tance :
pléances si opportunes perdront de leur universalité et de leur impor-
comme au printemps, la végétation en plein vent et en pleine
terre fait oublier les bienfaits de la culture si précieuse en serres
chaudes. Pour parler sans figure, rappelons ici les paroles significati-
ves du Pape Pie XI, qui justifient le point de vue exposé plus haut.
« L'Église est très large, disait le Saint-Père; elle est même d'une
largeur parfois étonnante. Elle accepte des manières de voir, de prier
qui sont très déficientes et très imparfaites, parce qu'elle a pitié de
la faiblesse des pauvres hommes. Soit, dit-elle, puisque vous ne pou-
vez prier autrement, priez comme cela, pourvu que vous priiez vrai-
:
ment. Mais quand on veut savoir comment Elle entend la prière, alors
c'est tout autre chose c'est dans la liturgie qu'on le trouvera. Il
faut imiter l'Église et ne pas prohiber ce qu'elle consent à accepter
en matière de prière; mais il faut chercher à élever peu à peu et à
:a
apprendre aux fidèles à prier oomme Elle. La liturgie est une très
grande chose c'est le plus important organe du magistère ordinaire
:
de l'Église. Il y ici-bas si peu de choses vraiment importantes, qui
vaillent la peine qu'on s'en occupe le Christ, l'âme, la vie de E-
? t
glise. Tout le reste, que vaut-il Or la liturgie, ce n'est pas la didas-
calie de tel ou tel; mais la didascalie de l'Egnse 1. »
DU SACRE-CŒUR DE COLOMBES
:
cipline actuelle, le matin, il est difficile à des travailleurs de nos jours
d'y prendre part aussi la paroisse de Petit-Colombes a-t-elle organisé
une cérémonie du soir pour chacun de ces jours. Le jeudi, suivant la
méthode déjà signalée pour la fête de Noël, la lecture du récit évangé-
lique est accompagnée de sa figuration scénique, le tout préparant et
encadrant l'office liturgique du lavement des pieds, puis la procession
au reposoir — nulle part peut-être, dans tous les essais que nous pro-
pose ce livre, liturgie et paraliturgie ne sont plus intimement liées.
:
création soutient la comparaison avec son aînée. Nous pouvons donc
être rassurés l'élan mystique qui, à chaque époque du passé, a enri-
chi la piété des chrétiens de prières que nous aimons à redire inlas-
sablement et à méditer, cet élan est toujours aussi intense, et capable
de produire, aujourd'hui encore, des œuvres dignes de demeurer.
La portée d'un tel effort d'adaptation populaire et missionnaire est
donc très grande, plus grande même que l'équipe du Sacré-Cœur ne
l'a sans doute soupçonné. Car il y a à entreprendre un travail de péda-
gogie liturgique auprès des masses d'aujourd'hui, si ignorantes de
tout notre passé chrétien et du sens de notre culte; et pour cela les
paraliturgies telles qu'on les a essayées à Colombes constituent une
excellente liturgie du seuil, introduisant progressivement dans la
grande liturgie. Mais il y a davantage, paroe que chaque temps, cha-
que civilisation doiventapporter leur contribution à La prière commu-
nautaire, et l'on doit par ailleurs sanctifier le monde d'aujourd'hui
tel qu'il est, la vie d'aujourd'hui telle qu'elle est, s'il est vrai que
l'Eglise doit amener au Christ tous les. hommes, tous les siècles, tou-
tes les sociétés, toutes les formes sociales, et sanctifier toute la terre.
N'est-ce pas vers ce but que nous convient, selon leurs moyens, M. Mi-
chonneau et ses collaborateurs ? Il faut donc encourager leur effort
et souhaiter que d'autres se hasardent sur la même voie.
n
Cette expérience a cependant des limites, limites très étroites et qui
doivent' être marquées nettement. Aussi bien, les auteurs le savent,
et nous en avertissent à diverses reprises.
Tout d'abord, il faut reconnaître que beaucoup de ces paraliturgies
répugnent à être transportées hors du milieu qui les a fait naître.
Car elles sont franchement populaires, et la spontanéité avec laquelle
elles se déroulent à Colombes jette dans l'ombre des défauts qui, dans
une autre atmosphère, choqueraient la délicatesse du goût, de même
que l'ardeur de la prédication et de la prière de saint Augustin lui
faisait pardonner des solécismes et des africanismes auxquels étaient
sensibles en revanche ceux qui venaient à l'église en curieux et non
en fervents. Pour notre part, nous ne sommes pas sans inquiétude,
par exemple, sur l'effet que doit produire l'utilisation d'airs grégo-
riens pour des paroles françaises; sur certaines chorégraphies, très
belles par ailleurs, comme celle qui accompagne la fête de la paix;
sur quelques textes de forme assez négligée ou même parfois un peu
étonnants, comme « nous vous offrons ces terres lointaines que vous
»
ne connaissez pas (p. 23).
Surtout ces cérémonies communautaires ne veulent pas et ne doi-
vent en aucune façon supplanter la liturgie proprement dite. « Nous
n'avons pas, dit la préface, l'intention d'esquisser les traits d'une
nouvelle liturgie », et ceux qui croiraient étourdiment qu'un tel livre
est de nature à remplacer notre vieux missel, se tromperaient de façon
bien lourde. Quel que soit en effet l'intérêt, quelle que soit même la
nécessité des paraliturgies que nous propose la paroisse de Petit-
Colombes, elles ne sont que des à-côtés devant la messe, les sacre-
ments et la célébration du cycle annuel des mystères du Christ, qui
font partie de la structure de l'Église et qui dépassent l'humaine
mesure, puisque le divin y est présent mystérieusement sous les
signes. La façon d'associer le peuple au souvenir de la vie du Christ
peut varier dans ses détails, mais il faut toujours parvenir à l'essen-
tiel : la mémoire explicite de tous les grands événements de cette vie,
et la communion à ces mystères par l'initiation chrétienne et le sacri-
fice eucharistique. Or ceci amène une double remarque qui restreint
singulièrement la portée des paraliturgies qui nous sont offertes, dont
pourtant, encore une fois, nous tenons à proclamer la valeur et l'im-
portance.
D'une part, il faudrait blâmer sévèrement toute célébration parali-
turgique qui aurait l'air d'empiéter sur la messe. C'est ainsi que,
pour notre compte, nous ne saurions accepter sous aucun prétexte les
doubles de la messe tels que ceux qui nous sont proposés à la fête
du travail (p. 65) et à la fête de la sainte Église (p.38). Il y a là en effet
un déroulement à deux- bandes parallèles et étanches : le prêtre lisant
de son côté lesformules du missel, tandis qus la foule prie sans
aucun contact avec lui sur des thèmes qui d'ailleurs ne suivent qu'in-
complètement et de très loin ceux du célébrant. Celanous paraît aussi
« »
mauvais que les messes basses avec chants ou les messes de onze
heures agrémentées découvert d'orgue.
D'autre part, loin de résoudre le prcblème liturgique tel qu'il se
pose aujourd'hui, ces paràliturgies ne font que le rendre plus doulou-
reux et plus urgent. Car les paraliturgies se célèbrent en langue vul-
gaire, avec toutes les ressources de la technique moderne, elles inter-
prètent les préoccupations et les aspirationsdes hommes d'aujour-
d'hui, aussi soulèvent-elles un bel enthousiasme communautaire, un
intense sentiment de ferveur. A côté d'elles, laliturgie de la messe,
:
du baptême, du mariage risque d'apparaître très pauvre, hermétique,
étiolée après un magnifique catéchuménat, nous pouvons craindre de
voir nos. élus découragés au seuil du mystère. Nous nous retrouvons
donc toujours en définitive devant la situation que décrivait ily a deux
ans d'une façon si saisissante le R. P. Paul Doncoeur dans ses articles
de Cité Nouvelle et dans sa communication aux journées de Vanves
le culte officiel de l'Église, la liturgie essentielle est actuellement
:
dépourvue de son caractère populaire; seuls la goûtent de plain-pied
ceux qui ont une-forte culture classique ou qui ont hérité d'une lon-
gue tradition chrétienne.
III
A ces réserves, formulées ou au moins entrevues déjà par les
auteurs mêmes de Fêtes missionnaires et populaires, et que nous
nous sommes cpntentési de mettre en pleine lumière, nous en ajoute-
rons quelques autres. Vis-à-vis de M. Michonneau et de son équipe de
:
Petit-Colombes, ce seront moins des critiques que des suggestions très
fraternelles c'est un service à'leur rendre que de les aider et les
orienter dans leur effort, et ils y verront la promesse d'une collabora-
tion plus étroite des liturgistes à l'œuvre qu'ils ont entreprise. Mais
dans cette Revue il faut parler nettement, pour mettre en garde, con-
trertains lacunes, le clergé qui accepterait sans discernement les
fêtes de ce livret.
Certaines cérémonies en effet nous apparaissent un peu pauvres et
mièvres, et cela vient de ce qu'il fallait créer de toutes pièces un for-
thème :
mulaire en vue d'assemblées dont la tradition ne fournissait pas le
veillée demilitants, veillées au reposoir le jeudi saint, com-
:
munion privée. Et peut-être, à ce sujet, faut-il s'élever tout de suite à
une considération d'ordre plus général les paraliturgies devraient
s'orienter davantage vers le style liturgique. Ce style suppose comme
élément de base les lectures de la Bible, le chant des cantiques de
l'Ancien et du Nouveau Testament; il s'élève naturellement à la con-
templation théocentrique et eucharistique, il aboutit toujours à l'in-
vocation de la Trinité et comporte un mélange de prière en silence,
d'acclamations, et de formules solennelles réservés à la hiérarchie.
Il semble que l'on pourrait, en respectant ce style, trouver de quoi
satisfaire les besoins les plus actuels de la piété chrétienne avec la
garantie d'éviter le poncif, le verbiage et la fadeur.
A plus forte raison doit-on corriger toute infraction à la tradition
liturgique authentique. Ainsi nous jugerions sévèrement le fait de
renvoyer à l'après-midi la rénovation des promesses du baptême
(p. 194), parce qu'il faut bien marquer, comme les Pères le faisaient
inlassablement, que l'initiation chrétienne a son couronnement et
son terme dans la réunion eucharistique. Dans le même sens, nous ne
pouvons nous défendre d'un certain étonnement à voirproposer une
formule de promesse baptismale trop différente de la formule tradi-
tionnelle : « Sur l'Évangile et devant mes parents, je promets au d'être
chrétien toute ma vie » (pp. 195 et 63) — et une symbolique cierge
un peu déviée (pp. 193-194).
Il semble en outre que la notion des fêtes du cycle des mystères du
du cantique de Siméon :
Christ n'apparaisse pas dans sa pleine richesse. C'est ainsi que le
2 février est devenu la Fête des missions lointaines; le commentaire
Lumen ad revelationem gentium, y a fait
disparaître si complètement le souvenir du fait historique qu'il fal-
lait commémorer, que l'on peut nous renvoyer impunément, pour la
messe, « au texte du chœur parlé qui se trouve plus loin, à la fête de
l'Église » (p. 22) ! Et le jour des Rameaux, on se laisse aller au déve-
loppement trop complaisant de certaines formules des sacramentaires
:
gallicans pour la bénédiction des palmes, au point de masquer encore
le vrai sens de la célébration commémorer, par une procession figu-
rative, l'entrée de Jésus à Jérusalem. De vrai, les auteurs sont excu-
sables, parce que la cérémonie liturgique elle-même a subi un désaxe-
:
ment par suite des superfétations qui lui ont été imposées et d'un
tassement qui s'est opéré qui donc comprendrait aujourd'hui, en
voyant se dérouler l'office des Rameaux dans nos cathédrales, que la
procession avec des palmes est l'essentiel, et que la bénédiction des
:
Rameaux, la station à la porte, ne sont que des détails anecdotiques
très accessoires? Ne cessons pas de le redire les fêtes du cycle n'ont pas
un but homilétique ou parénétique; elles sont un mémorial du fait
historique de la vie du Christ qu'il faut rappeler, et rappeler sans
ment: :
cesse, parce que le Verbe s'est fait chair. Mais ce mémorial est sacre-
il est pour nous porteur de grâce, car les mystères du Christ
sont nôtres depuis notre baptême il faudrait citer en ce sens res
belles études de l'École française du XVIIe siècle et les livres de Dom
Marmion. Ce n'est que de surcroît, et quand l'essentiel a été amrmé,
qu'on peut tirer de ces mystères des « enseignementsparaliturgies,
».
Nous voudrions aussi retrouver, même dans les le
:
caractère ecclésial de la prière liturgique. Une paroisse, une commu-
nauté de chrétiens est réunie pour prier cette communauté n'est pas
ITBglise tant que nous ne voyons pas la prière présidée et dirigée par
la hiérarchie, tant que nous n'assistons pas à l'intervention du prê-
tre comme médiateur sacré éntre Dieu et les hommes, parlant au nom
de tous dans le silence de l'assemblée. Les chœurs parlés qui nous
sont proposés dans Fêtes missionnaires et populaires font presque
toujours du prêtre un simple coryphée, meneur de jeu, ce qui est-
traditionnellement le rôle dw diacre. Et nous avons été frappé encore
plus d'une telle lacune lors de la Réception de l'évêque : on chante,
on prie pour l'évêgue, les militants font leur promesse; à aucun
moment ne s'élève la voix du pontife lui-même, qui est pourtant dans
l'Eglise le liturge.par excellence (sacerdos et pontifex). Peut-être y
a-t-il là'plus qu'une omission de détail, car la Fête de la sainte Église-
(p. 38) semble ne pas voir que l'Église est non seulement la grande
missionnaire, mais aussi la réunion hiérarchisée et sacrée de ceux qui
louent le Seigneur. Insensiblement,si l'on n'y prend garde, nous lais-
serions s'acheminer le sentiment religieux vers une espèce de protes-
tantisme, où l'individualisme de la vie chrétienne ne serait tempéré-
que par des réunions charismatiques; la hiérarchie finirait par n'ap-
paraître que comme un organe purement administratif.
Enfin nous croyons devoir attifer l'attention sur la tendance qu'ont
ment :
les auteurs de ce livre, dans leurs essais de messe dialoguée (notam-
fête de la messe, fête du travail), à développer démesurément
les rites d'offrande, quitte à laisser complètement de côté certains
éléments essentiels, comme l'anamnège, la fraction, ou à mettre à
une place trop secondaire l'action de grâces. C'est oublier d'abord
que l'offrande, quoique très suggestive, demeure accessoire, puis-
:
qu'elle n'a été en usage que dans la seule liturgie romaine. Surtout
nous craignons que le sens en soit faussé l'offrande liturgique, c'est
avant tout l'offrande de la matière du sacrifice, en vue de marquer
nettement la participation des fidèles au sacerdoce et à l'offrande du
Corps du Christ, tandis qu'on semble trop nous montrer le fidèle
offrant le sacrifice de sa vie à lui, de son travail, de ses souffrances.
Non; la messe est le mystère du Christ, le mémorial d'un événement
historique — la Croix — se renouvelant au milieu) de nous et faisant
sentir ses effets rédempteurs; le fidèle qui y prend part communie au
Christ immolé, offre au Père la Victime sans tache; après cela, bien sûr, *
comprendra-t-il qu'une vertu rédemptrice s'attache à sa propre immo-
lation dans a mesure où ilest incorporé au Christ. Mais, de grâce,
qu'on ne dissimulepas le vrai mystère de la messe, offrande pure,
sous un nouvel holocauste de boucs et de taureaux.
0
A vrai dire, les critiques que nous venons de formuler atteignent,
par delà le livre de M. Michonneau et de ses confrères, toute l'abon-
dante floraison de « chœurs parlés » et « d'explications de la messe »
que l'on voit surgir aujourd'hui d'un peu partout. Déjà, en 1942,
Dom Bernard Capelle, en un article des Questions liturgiques et
paroissiales (qui, soit dit en passant, n'entraîne pas une approbation
sans mélange), avait rendu compte d'une longue liste d'ouvrages sur
la messe, pour conclure à l'insuffisance de la théologie qui leur servait
de fond. Pour que les pasteurs, qui sont en contact immédiat avec les
besoins actuels des âmes, surtout de la grande masse populaire, et qui
se sentent obligés à donner d'urgence une satisfaction au désir des
chrétiens d'être associés d'une façon plus active à la prière commu-
nautaire, pour que les pasteurs puissent se livrer sans inconvénients
ni péril à des expériences du type de Petit-Colombes, il faut, d'une
façon aussi urgente, qu'on puisse leur proposer une théologie de la
liturgie et une théologie de la messe dégagées de tout esprit de con-
troverse et de spéculation, nourries de la tradition patristique, éclai-
rées de l'étude comparative du donné liturgique.
ÂIMB-GEO,\GES MARTIMORT.
*
**
1
Un autre intérêt que l'on peut attendre de cette publication, c'est
qu'elle aide à promouvoir un renouveau de l'architecture ecclésiasti-
que, et, plus spécialement, de l'architecture des Ordres religieux en
France. L'historien de l'art religieux s'étonnera dans quelques déca-
des devant la stérilité culturelle, à peu près complète dans ce do-
maine, depuis la Révolution française, des grandes communautés
religieuses. L'histoire de l'architecture en Europe fut liée pendant des
siècles à la vie des Ordres religieux. Je ne connais rien de plus triste,
à cet égard, que les constatations qui s'imposent au promeneur soli-
taire d'une cité.où demeurent encore les témoins de nos gloires pas-
sées et les témoins, hélas!non moins indestructibles de notre déca-
dence depuis cent cinquante ans. J'en ai eu la révélation brutale à
Louvain. Trois des plus belles églises de la ville demeurent les ancien-
nes églises bénédictine (Sainte-Gertrude), dominicaine (Sainte-Marie
aux Prêcheurs) et jésuite (Saint-Michel, dont il ne reste plus, depuis
mai 1944, tjue l'admirable façade). Les trois églises modernes cons-
truites par ces mêmes Ordres religieux révèlent l'abîme : la lourde
architecture beuronienne du Mont-César, l'insignifiante église domi-
nicaine, la triste prétention de l'église des Jésuites, rue des Récollets.
Egresms est a filia Sion omnis décor ejus. Au gré de mes courses, les
mêmes constatations, arriéres, n'ont cessé de s'imposer. Le fier collège
des Jésuites de Lyon (l'actuel lycée Ampère), comparé à cette caserne
qu'est l'actuelle mairie du VIe (ancien collège S. J., volé en 1903 et
à l'église de la rue Sainte-Hélène de la même ville, — les Jacolins de-
Toulouse et le couvent actuel de la rue Espinasse, — tant d'églises
monastiques du Poitou et la récente église des Bénédictins de Ligugé
Je ne parle que des plus grands, préférant ne pas considérerl'innom-
brable prolifération des chapelles de quartier. L'architecture du
clergé diocésain révélerait la même chute. Parallèlement aux Monas-
tèreà de France, il faudra bien un jour réunir en album ces magnifi-
»
ques anciens « grands séminaires de France qui, dansbeaucoup de
nos villes de province sont encore debout, témoins de l'ancienne
splendeur d'une Église doat les évêques étaient princes, et en avaient
les goûts : je pense à Saint-Flour, Coutances, Besançon. Mettez en
face de ces monuments la série des bâtisses (c'est le nom qui leur
convient) des séminaires bâtis depuis 1903 : ceux de Lille, de Saint-
Irénée, à Lyon, avec leur fausse grandeur, sont à mon avis la mesure
du genre.
C'est à un examen collectif que nous sommes conviés. On critique
:
fort le système des commandes tel qu'il est pratiqué par la plupart
des administrations diocésaines un grand séminaire est souvent con-
fié à un architecte qui n'a d'autre mérite que d'être un militant
d'action catholique, ou, souvent même, le dirigé du vicaire général
L'architecture des Ordres religieux obéit-elle, le plus souvent, à d'au-
?
tres critères Il est proprement scandaleux que la responsabilité de
la construction d'un couvent important qui conditionne le bien vivre
de plusieurs générations religieuses et leur rayonnement apostolique
repose parfois sur un seul homme. N'y aurait-il pas nécessité à ce
que cet homme s'entoure d'un conseil de majores, d'hommes expé-
rimentés, les uns dans l'art de l'architecture, les autres dans la
?
sagesse claustrale Il existe une géographie, une onomastique, une
économie monastiques, — une science des conditionnements humains
de cette forme de vie déterminée qu'est la vie en monastères. Cette
science a ses documents, ses savants, ses fervents. On voudrait que
»
les « architectes des Ordres religieux soient autre chose que de soli-
:
des brasseurs d'affaires1. Le Commun des Abbés au rite monastique
contient cette appropriation du livre de la Sagesse « Habentes stu-
dium pulchritudinis. » des
,
:
>
Nos anciens gardaient la mémoire grands religieux qui assurè-
rent à la vie monastique des demeures dignes d'elle. Les pierres chan-
tent la mémoire des hommes pourquoi faut-il que cette mémoire,
maintenant, ne soit pas, toujours, une mémoire de bénédiction ?
PIE DUPLOYÉ.
Congrès National
2e
de Pastorale Liturgique
Eté 1947
Le numéro 4 de La Maisbn-Dieu
sera consacré au compte rendu
du premier Congrès National de Pastorale Liturgique
, avec publication des principaux rapports
LA MAISON-DIEU
Cahiers du Centre de Pastorale Liturgique
paraissant quatre fois par an
Directeurs: P. DUPLOYE, O. P.
A.-M. ROGUET, O. P.
0
Le fascicule : :
65 francs, franco 70 francs
On peut souscrire à quatre cahiers (les souscriptions par-
tent du premier cahier de chaque année).
o
CONDITIONS DE SOUSCRIPTION
Quatre cahiers. France :: 200 francs
:
Etranger 250 francs
SOUSCRIPTION DE SOUTIEN
Quatre cahiers. France :: :
1.000 francs
Etranger 2.000 francs
9
Avis important
Les numéros 1et 2 de La Maison-Dieu étant complètement
épuisés, aucune souscription nouvelle ne sera acceptée avant
la parution du numéro 4.
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