Sunteți pe pagina 1din 26

I.

Présentation et justification

A. Contexte

Quand on s’intéresse à la philosophie, il nous est quasi impossible de réfléchir sur son
développement sans pour autant interroger son histoire. C’est ainsi qu’en philosophie morale,
un diagnostic profond nous révèle qu’en cette discipline, l’humanité a traversé une longue
trajectoire qui va du monde ancien jusqu’à l’époque moderne en passant par la période
classique et l’avènement de l’utilitarisme. A travers ces différents moments, la morale a connu
de multiples transformations qui, parfois même, troublaient les hommes en ce sens où ils
n’arrivaient que difficilement à savoir à quelle théorie se fier.

Ainsi, dans l’Antiquité ou plus exactement dans la philosophie ancienne, la morale


reposait sur une parfaite conformité aux lois de la nature. Á cette époque, agir moralement
était synonyme de respecter l’ordre naturel des choses. Car la nature apparaissait comme un
tout organisé, fini et capable de générer pour l’homme les règles de conduite de vie. Selon
cette conception, l’agir moral s’identifiait à l’acte qui permet de réaliser les fins de l’homme.
Et puisque celles-ci se trouvaient dans la nature, il était opportun que l’homme agisse en
parfaite harmonie avec sa nature. C’est ainsi que Marc AURELE, en parlant de la mort,
confirme cet idéal stoïcien selon lequel il faut traiter les choses telles qu’elles nous
parviennent. Sous ce rapport, il écrit : « Ne maudit pas la mort ; mais fais-lui bon accueil
comme étant du nombre de ces éléments que veut la nature. »1 A travers cette injonction, on
comprend d’abord que la mort est un fait de la nature. Ensuite, comme tel, elle ne doit pas
causer du chagrin à l’homme puisque celui-ci n’en est pas l’auteur, même si quelque fois il est
coupable. Ce qui fait que l’homme doit s’inscrire dans une posture non moins conforme à ce
que lui prescrit la nature s’il veut, en tout cas, trouver son bonheur. Une telle conception est
celle que l’on appelle le cosmologico-éthique.

Cependant, malgré l’importance de cette forme d’éthique, il n’en demeure pas moins
qu’elle rencontre quelque problème majeur allant même jusqu’à provoquer son discrédit. Ce
problème lui, est dû à l’avènement de la théorie newtonienne de la physique ayant trait à
l’ordre cosmique. Selon Newton (1642-1727), en effet, le monde, considéré autrefois comme
un cosmos harmonieux et hiérarchisé, n’en est plus un. C’est-à-dire, il n’y a aucun prétendu
ordre à partir duquel on pourrait trouver la règle de la moralité. Au contraire, ce que nous

1
Marc AURÈLE, Pensées pour moi-même, Livre IX, III, Trad. J. BARTHELEMY-SAINT-HILAIRE, 1876.
Page 1
trouvons dans le monde, ce n’est, comme dit Luc FERRY, qu’ « un chaos sans valeur,
axiologiquement neutre »2. Autrement dit, l’univers n’a plus la possibilité de régir l’ordre
moral des hommes, car il est lui-même ignorant des lois qui le régissent.

Au-delà de cette idée cosmique de la théorie éthique, il en existe une autre qui, elle
aussi, précède la morale telle que conçue par Kant : il s’agit du théologico-éthique. En
vérité, cette forme de morale est basée sur l’existence d’un être suprême générateur de
principes moraux auxquels l’homme est invité à se soumettre. Ici, c’est la conception
religieuse de la morale qui est en œuvre et qui, comme on vient de le souligner, repose sur
l’existence de Dieu, créateur du monde, parfaitement bon et en tant que tel, fournisseur de
l’exemple de ce qui relève de la moralité des actions. Car l’homme, en lui seul, se définit
comme manque et, comme tel, il ne peut se donner la règle de sa conduite morale. C’est
pourquoi Descartes d’ailleurs, dès sa première maxime de la morale, opte pour un
conformisme parfait tout en privilégiant le respect de la religion. Ainsi, citant par ordre ses
trois maximes de la morale par provision, il affirme que « La première était d’obéir aux lois
et coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m’a fait la grâce
d’être instruit »3. Cette morale héritée de Descartes, est celle que les continuateurs du
cartésianisme vont, eux aussi, enseigner dans l’école rationaliste dont les principaux
représentants sont Leibniz et Wolff.

Mais le principal problème de cette morale religieuse est que l’on ne pouvait pas
prétendre étendre ses capacités au-delà d’elle. Il y avait donc une sorte d’emprise de la
religion sur la liberté individuelle. C’est-à-dire, il était impossible pour l’homme, à l’image de
ce qui est ci-dessus évoqué, de se passer des principes inhérents à la religion. Toujours est-il
que nous devons fonder nos actions sur la base de ces principes.

A côté de ces deux formes de morale fondés l’une sur la cosmologie et l’autre sur la
théologie, il y en a une autre qui, elle aussi, va jalonner l’histoire de l’humanité. Cette forme
de morale, est celle que l’on nomme utilitarisme. En effet, l’utilitarisme, dont Jérémy
Bentham (1748-1832) fut le père fondateur en tant que théorie éthique, apparaît comme une
doctrine morale dont l’objectif est de travailler au bonheur des hommes. Ainsi, pour définir
cette théorie, dit Pauline HIEU dans son Mémoire de Maîtrise, il faut la rapporter au principe

2
Luc FERRY, Kant Une lecture des trois critiques, éd. Bernard GRASSET, 2006, p 14.
3
DESCARTES, Discours de la Méthode, édition établie et présentée par Frédéric BUZON, Gallimard, Coll.
FOLIO/ESSAIS, 1991, p 94-95
Page 2
de plaisir. C’est pourquoi : « Par le plaisir, l’utilité désigne le bonheur.»4 A partir de là, nous
constatons que la préoccupation majeure de la théorie utilitariste est de savoir comment faire
pour permettre à l’homme d’avoir son salut. En un mot, elle renvoie à une doctrine qui évalue
l’action morale en fonction des conséquences qu’elle peut avoir. C’est pourquoi d’ailleurs
l’utilitarisme est souvent désigné par le nom de « conséquentialisme ». Ainsi, l’utilitariste
considère que si l’action est capable de maximiser le plus grand « bonheur pour le plus grand
nombre »5 (principe de base de Bentham), alors elle est moralement bonne et juste. Dans le
cas contraire, c’est-à-dire si l’action ne fait que diminuer ou même fait perdre le bonheur de la
majorité, ou encore si elle ne tend qu’à augmenter la souffrance et la douleur du plus grand
nombre, alors elle est mauvaise et injuste du point de vue de la morale.

Mais de ce point de vue, une chose prête à équivoque : c’est le fait que la théorie
utilitariste a tendance à aller jusqu’à empiéter sur la liberté même des individus pour la bonne
et simple raison qu’elle vise la satisfaction de la collectivité. Cette théorie ne prend pas en
compte le fait que l’homme, quel que soit son rapport avec les autres, soit d’abord et avant
tout un être humain doté de raison et de dignité. Ce qui fait qu’il ne doit pas se percevoir
comme un simple moyen au service du bien commun. En ce sens, la théorie utilitariste
apparaît comme une « instrumentalisation politique des droits fondamentaux ». En d’autres
termes, il viole les droits humains les plus absolus. Ce qui est pourtant contraire à toute
ambition de sauvegarde du bien-être de la collectivité, car celui-ci commence d’abord et
avant tout par une jouissance de la liberté individuelle. L’utilitarisme est ainsi la troisième
forme d’éthique ayant précédé l’avènement du kantisme en morale.

En dépit de ces difficultés que présente chacune des morales antérieures


(Cosmologico-éthique, Théologico-éthique et Utilitarisme), on retient l’idée qu’il n’y a pas de
solution définitive au problème de la conduite humaine. Ce qui fait donc qu’il est nécessaire
de trouver une autre forme d’éthique capable de combler le manque que renferme en son sein
chacune des théories éthiques que l’on vient juste d’évoquer. C’est sous ce rapport que va
naître la théorie kantienne de la morale. Ce qui ne veut point dire que la morale kantienne
comble tout ce qui manquait à cette théorie. Mais quand même, pour cette raison, nous
pouvons dire que le kantisme est né dans les ruines des systèmes antérieurs. C’est ainsi que
pour Luc FERRY, cette théorie kantienne :
4
Pauline HIEU, Introduction à la morale utilitariste de John Stuart Mill, Mémoire de Master 2 de Philosophie,
Université de Nantes, 2012, p 4.
5
Hanafi NAOUFEL, « L’utilitarisme et la notion de l’utilité », Dogma, Revue de philosophie et sciences humaines,
p. 2.
Page 3
« rompt avec le monde ancien – ce qui suppose que l’on prenne en compte, au moins
pour une part, l’objet de cette rupture ; elle se situe en permanente discussion avec
ses prédécesseurs les plus illustres – Descartes, Leibniz, Spinoza… - comme avec ses
contemporains, à commencer par Hume, le plus éminent représentant de ce qu’on
désignera plus tard comme la pensée « anglo-saxonne ». Mais elle annonce aussi la
période contemporaine, tout entière orientée vers cette déconstruction des illusions de
la métaphysique à laquelle Kant ouvre la voie. »6

En d’autres termes, la philosophie kantienne dans son ensemble (théorie, pratique, esthétique,
etc.) se détache des systèmes philosophiques développés non seulement avant lui, comme la
pensée ancienne, mais aussi par ses contemporaines ou même avec lui, notamment le
rationalisme et l’empirisme anglo-saxon.

Mais, vu l’échec des théories morales que nous venons juste de présenter, une
nécessité de changer de procédure saute aux yeux. C’est ainsi qu’avec Kant, contrairement à
ses prédécesseurs qui plaçaient la morale dans une instance extérieure au sujet, nous voyons
naître une forme de morale pour laquelle le sujet constitue le fondement. Ceci dans la simple
mesure où tout homme, en tant qu’être de raison, est capable de distinguer ce qui est bien et
juste de ce qui est mal et injuste. Et Kant va même plus loin en concédant que « même le
scélérat le plus hardi connaît, par les reproches de son cœur, la loi morale »7. C’est-à-dire, la
loi morale est si évidente que même si on voulait l’ignorer, on ne le pourrait pas. C’est
pourquoi, à en croire Kant, il n’est plus besoin de recourir à une instance autre que le sujet
pour savoir ce qu’il a comme obligations et comme devoirs. Il préconise dès lors de partir de
l’homme lui-même pour donner un fondement solide à nos jugements. D’où alors la fonction
éducative qu’attribue Victor DELBOS aux Fondements de la métaphysique des mœurs
puisque pour Kant, « l’homme ne peut devenir homme que par l’éducation »8 et que les
Fondements sont établies pour donner la formule de cette éducation.

En outre, cette décision de tout donner au sujet se justifie aussi par le fait non moins
imminent que Kant est un penseur du siècle des « Lumières »9. Or durant cette période, tous
les aspects de la vie humaine se trouvèrent être mis à l’épreuve, et par conséquent tous

6
Luc FERRY, op.cit. pp. 7-8.
7
KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. Victor DELBOS revue par A. PHILONENKO, Paris,
LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN, 2004, p. 13.
8
KANT, Réflexions sur l’éducation, trad. Fr. A. PHILONENKO, Paris, Librairie Philosophique J. VRIN, 1966, p. 73.
9

Page 4
s’assujettissent au libre jugement de la raison. Ce n’est pas alors la morale qui va en être
épargnée. Sous ce rapport, Kant écrit :

« Notre siècle est proprement le siècle de la critique, à laquelle tout doit se soumettre.
La religion, parce qu’elle est sacrée, et la législation à cause de sa majesté, veulent
communément s’y soustraire. Mais elles suscitent dès lors vis-à-vis d’elles un soupçon
légitime et ne peuvent prétendre à ce respect sans hypocrisie que la raison témoigne
uniquement à ce qui a pu soutenir son libre et public examen. »10

En d’autres termes, le XVIIIe siècle en tant que siècle de la lumière, n’accorde à aucun facteur
de la vie humaine le pouvoir de s’élever au dessus de la raison critique : ni la religion ni la
législation encore moins la morale ne vont sortir de cette nécessité d’être amenées à
comparaître au tribunal de la raison. Tout est désormais appelé à passer à une évaluation par
le« bon sens »11 pour parler à la manière de Descartes. En vérité, dans l’esprit des Lumières
l’homme ne doit pas se laisser conduire par un autre, mais il doit dégager sa propre
responsabilité afin qu’il puisse accéder à son bonheur.

Toutefois, même si Kant décide de réorienter la théorie de la moralité, il n’en demeure


pas moins que cette réflexion ne vise non pas à créer une morale à la manière d’un Descartes
qui se propose de se donner une morale provisoire avant de nous en livrer la définitive. Ce
qu’il préconise alors, c’est de « remonter des jugements moraux prononcés par la conscience
commune jusqu’au principe qui les fonde »12.C’est ce qu’il appelle la méthode analytique13,
c’est-à-dire celle qui consiste à partir de la conscience morale commune de la moralité
jusqu’au principe suprême qui la fonde. A ce niveau, Kant institue un rapport nouveau entre le
sujet qui est appelé à agir de façon morale, et les principes suivant lesquels il doit se conduire.
Et c’est tout l’intérêt de notre thème qui consiste à éclairer la véritable nature du rapport entre
le sujet et la morale chez Kant.

10
KANT, Critique de la raison pure, trad. A. RENAUT, GF – Flammarion, 2006, note 1, p 65.
11
DESCARTES, Discours de la méthode, Introduction et notes par Etienne Gilson, Paris, Librairie philosophique J.
VRIN, 1992, p. 80.
12
KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. Victor DELBOS, Paris, Librairie Philosophique
Delagrave, 1994, p. 37.
13
Cette méthode est le propre des deux premières sections des Fondements de la métaphysique des mœurs.
Mais dans la troisième section de ce même ouvrage, Kant procède synthétiquement, c’est-à-dire qu’il part du
principe à la conscience commune, et cette partie n’est qu’une esquisse de la Critique de la raison pratique car
c’est dans ce chef d’œuvre que Kant développe de manière plus approfondie cette méthode synthétique en
partant du concept de liberté auquel il avait abouti dans les deux premières sections.
Page 5
B. Problématique

Partant de ce que nous venons d’énoncer, il semble évident que le problème philosophique qui
nous interpelle est justement de savoir le rapport qu’entretiennent le sujet et la morale chez
Kant. Ainsi, pour résoudre une telle équation, il est clair qu’une série d’interrogations
s’impose : Quelle place Kant accorde-t-il au sujet dans sa perspective morale ? Dans cette
optique, il s’agira précisément de voir sur quoi Kant fonde-t-il sa morale. Est-ce qu’il a suivi
ses prédécesseurs en tirant les principes moraux dans une instance autre que le au sujet ? ou,
s’il prend ses distances par rapport à eux en donnant l’opportunité au sujet de fonder en lui la
loi morale ? ou encore, si le sujet participe ou non à l’élaboration des principes moraux ? A la
suite de quoi, nous tenterons de répondre aux interrogations suivantes : quelle est en réalité la
conception kantienne de la morale ? Qu’est-ce qui l’a poussé à placer le sujet au fondement de
sa morale ? Quelle est la richesse ou la difficulté de la morale kantienne dans une société où
les gens sont quasiment tous animés par leurs propres intérêts ? Est-il vraiment acceptable de
donner au sujet la responsabilité de sa conduite ?

Mais avant d’en arriver là, il conviendrait mieux de réfléchir au préalable de façon beaucoup
plus large sur la façon dont la morale a été appréhendée par les prédécesseurs de Kant.
Ensuite, il sera question de savoir quelle est la particularité de la morale kantienne vis-à-vis de
cette morale qui lui est antérieure ? Ce qui nous aidera à mieux saisir la nature du rapport
entre le sujet et la morale dans la philosophie pratique de Kant. Aussi, une définition de
« sujet » d’une part, et de « morale » d’autre part, nous sera encore plus utile pour
appréhender ce dit rapport. Enfin Kant, en parlant de sujet, fait-il allusion à l’ensemble des
hommes ? Ou existe-t-il un être particulier auquel il colle l’étiquette de sujet ?

Page 6
II. Développement et argumentation

Dans notre présentation, nous avions parlé de trois doctrines morales contre lesquelles
s’est construite la morale de Kant. Il s’agissait du cosmologico-éthique, du théologico-éthique
et de l’utilitarisme. Cette fois-ci, il nous incombe d’étudier, pour nous faire l’économie de la
répétition, d’autres types de morale qui ont tant rayonné avant ou au moment même de
l’avènement du kantisme : le rationalisme et l’empirisme.

Le premier, c’est-à-dire le rationalisme, est une doctrine philosophique qui voit en la


seule raison la source de toute la connaissance humaine et qui l'attribue ainsi un pouvoir
infaillible. C’est-à-dire, parce que la raison possède un pouvoir illimité, elle est du même coup
apte à tout connaître. Mais, pour mieux comprendre la position de cette théorie sur la question
de la morale, il faudrait bien la rattacher à la conception que ses défenseurs se font de
l’homme. En effet, pour ce courant, philosophique bien sûr, l’homme est un être fini
relativement à Dieu. Celui-ci étant lui seul omniscient et omnipotent. Lui seul sait faire toutes
les choses avec toute la perfection nécessaire. Par conséquent Dieu seul est pleinement moral.
Et si l’homme veut faire des choses avec beaucoup de perfection, il lui faut nécessairement
avoir une connaissance de ces choses. Autrement dit, plus il connaît, plus il se rapproche de
Dieu et plus il devient un être moral. Dès lors, on constate que chez les rationalistes, « pour
être moral, il faudrait connaître d’une manière scientifique le cours général des choses, la
totalité du monde et de l’histoire »14. En ce sens, il n’existe pas de morale du côté de
l’ignorant. Car, seule la connaissance que nous avons des choses nous permet d’agir
moralement. Et, puisque l’homme est dispensé de la totalité de la connaissance des choses, il
ne peut donc être pleinement moral.

Par ailleurs, cette conception de la morale fondée sur la connaissance peut nous être
justifiée par John RAWLS dans ses Leçons sur l’histoire de la philosophie morale tentant d’y
expliquer la position du philosophe rationaliste, Christian WOLFF. A en croire RAWLS,
WOLFF considère deux types de désir qui affectent l’homme : les désirs guidés par des objets
et ceux guidés par des principes. Par les premiers, RAWLS entend « tous les désirs qui nous
affectent et qui entrent en conflit en nous »15. Quant aux seconds, les désirs guidés par des
principes, il souligne qu’ils renvoient à ceux-là qui sont conduits par des concepts. Le devoir
de l’homme est alors de satisfaire ces désirs. Mais, se limiter à la simple satisfaction de ces

14
Ferdinand ALQUIÉ, Leçons sur Kant, éd. La Table Ronde, 2005, p. 13
15
John RAWLS, Leçons sur l’histoire de la philosophie morale, éd. La Découverte, Paris, 2002, p. 152.
Page 7
besoins ne suffit pas. Ce dont il est également besoin pour être moral, c’est la connaissance de
ce que notre nature exige de satisfaire. D’où la conception rationnelle de la morale des
rationalistes dogmatiques.

Cependant, à cette conception rationaliste de la morale s’oppose une autre, celle dite
empiriste. En réaction contre la vision rationaliste, les tenants de la philosophie empiriste,
notamment LOCKE et HUME, avancent l’idée selon laquelle ce n’est pas la raison qui nous
permet de connaître comme l’imaginait Descartes, mais l’expérience. En effet, la raison ne
reprend que ce qui est déjà passé par l’expérience. C’est pourquoi, reprenant un adage
aristotélicien dans son ouvrage intitulé Essai sur l’entendement humain (1690), le philosophe
anglais, John LOCKE écrit : « Nihil est in intellectu quod non antea fuerit in sensus »,
formule latine qui signifie : « il n’y a rien dans l’intellect [ou dans l’entendement] qui n’ait
été au préalable dans les sens ». A cette conception lockéenne, s’ajoute celle de Hume, qui
s’attaque lui aussi à ces penseurs héritiers de la modernité cartésienne. Le fond de l’idée
humienne a trait au principe de causalité. En vérité, ce principe, considéré autrefois par les
rationalistes comme un fait de la raison, présente un certain problème chez Hume. Ainsi selon
ce dernier, la raison n’a rien à voir avec la causalité des phénomènes. Au contraire, dit-il, tout
ce qui arrive dans ce monde est bien dicté par une cause extérieure à notre intelligence. Donc,
par contraste avec ces rationalistes qui prennent ce principe comme une donnée inhérente à
notre raison, Hume avance l’idée qu’un tel principe vient de notre habitude de percevoir les
choses d’une façon répétée. Concrètement, c’est parce qu’on a beau voir des évènements se
succéder, que l’on conclut qu’une fois qu’on aura un évènement A, il s’en suivra directement
un autre évènement appelé B. Cette relation, dit Hume, n’est pas une nécessité logique
inhérente à la raison humaine. Elle est, par contre, un fruit de l’expérience ou de
l’expérimentation.

Mais, cette vision empiriste sur la connaissance ne s’arrête pas à la simple conception
de la connaissance. Elle s’applique aussi à la théorie de la morale. Car, nos jugements de
connaissance exercent une influence remarquable sur la pratique. En termes clairs, de la
même façon que la raison n’est pas la source de nos connaissances, de la même façon elle
n’est pas apte à générer les principes de moralité. Ce qui nous conduit à affirmer qu’avec les
empiristes, c’est également de l’expérience que nous tirons les principes d’après lesquels nous
agissons. Aussi, tandis que chez les rationalistes il faut faire le tri entre les désirs auxquels il
faut répondre, dans le camp des empiristes, il est d’une extrême nécessité d’avoir une « paix

Page 8
avec soi-même ». C’est-à-dire, l’action morale, selon le point de vue des empiristes, vient de
ce que nous constatons une harmonie entre « nos tendance égoïstes et nos tendances
altruistes ». Il n’est donc pas question d’abandonner les parties les plus intimes que la nature
nous a fait le plaisir de nous offrir. Par contre, puisqu’il existe en chaque homme une tendance
naturelle à faire le bien, le sentiment intérieur, donc la morale n’exclut pas la dimension
charnelle de l’être humain. Elle se ramène donc plutôt à « un pur élan du cœur »16.

Cependant, l’empirisme tout comme le rationalisme, présente aux yeux de Kant


certaines limites. C’est ainsi que, en dépit du fait qu’il ait été pendant longtemps un adepte du
rationalisme dogmatique, il demeure évident que Kant s’était démarqué quand même de ce
groupe de penseurs dont l’idéal était de fonder la connaissance sur la simple raison. Et dans la
Critique de la raison pure (1781), c’est ce qu’il démontre en affirmant que la raison humaine
est bornée dans l’espace et dans le temps (objets d’étude de l’Esthétique transcendantale).
De ce fait, la connaissance de l’homme étant radicalement limitée, l’idéal d’une morale qui
serait fondée sur elle (la connaissance) serait vain et d’avance frappée de nullité. Car si c’est
la connaissance qui fonde la morale, seul Dieu peut être moralement bon parce que lui seul
détient une connaissance totale des choses. Est-ce à dire qu’on ne peut pas parler de moralité
du côté de l’être humain ? Non, assurément. Mais où fonder cette nouvelle morale ? En tout
cas pas sur la connaissance, car dira F. Alquié, « Kant veut montrer [dans ses Recherches sur
l’évidence des principes de la théologie naturelle et de la morale (1763)] que l’évidence des
principes moraux […] n’est pas une évidence mathématique. »17 Cela signifie que l’action
moralement bonne ne se mesure pas chez Kant à la connaissance théorique ou démonstrative
des objets de la nature. D’où alors la nécessité de trouver une forme de morale qui serait
expurgée de tout contenu théorique. Cela veut-il dire que Kant est contre tout usage de la
raison dans les jugements moraux ? Non, car lui-même le dit en ces termes : « il existe une
raison pure pratique »18, c’est-à-dire une raison capable de déterminer la volonté du sujet de
façon universelle. Il ne s’agit donc pas de voir en Kant un protagoniste absolu du
rationalisme. La preuve est que lui-même est un rationaliste, mais un rationaliste critique en
ce sens où il part de la critique de la raison par elle-même.

De même, contre l’empirisme, le philosophe de Königsberg fait remarquer que si, d’un
côté, les défenseurs de cette doctrine pensent que l’action morale se réduit à de « bons

16
F. ALQUIÉ, op.cit. p. 19.
17
Ibid. p. 17
18
KANT, Critique de la raison pratique, Préface, trad. Luc FERRY et Heinz WISMANN, Gallimard, 2012, p. 19.
Page 9
sentiments, c’est-à-dire de la tendresse du cœur, de la sympathie, de l’amour des hommes, de
l’émotion que nous ressentons devant le malheur d’autrui », de l’autre, « une impulsion
sentimentale, même si elle est bonne, peut conduire à des actes injustes »19. En ce sens nous
empruntons l’exemple donné par Ferdinand Alquié dans ses Leçons sur Kant et à travers
lesquelles il montre que l’on peut être frappé intérieurement par la misère d’autrui et, tout
d’un coup, porté à décaisser tout notre argent et le lui remettre, sans penser que l’on avait
contracté une dette. Une telle attitude ne peut être qualifiée d’acte moral parce que, nous le
savons, cela pourrait nous contraindre à nous acquitter de la dette. Sous ce rapport, bien que la
morale est orientée vers les autres, mais elle ne stipule pas que l’on s’ignore soi-même. Ce qui
prouve l’idée développée par Kant et selon laquelle de bons sentiments peuvent déboucher sur
de mauvais actes.

Aussi, nous avons montré qu’aux yeux de Hume il n’existe pas de connaissance a
priori20 ni de principes moraux a priori. Tout ce qui existe, c’est ce qui est a postériori, c’est-
à-dire ce qui est obtenu grâce à l’expérience. Mais quoique d’accord avec Hume sur la
question de la connaissance a postériori, Kant n’en pense pas moins qu’il existe dans
l’expérience même quelque chose d’a priori comme il l’a montré dans sa première critique.
Et, de la même façon qu’il existe des connaissances a priori, il existe aussi des principes a
priori de moralité. C’est ce que Kant appelle les jugements synthétiques a priori, c’est-à-dire
des jugements moraux qui ne dépendent que de la forme pure de la volonté pour qualifier les
actions de bon ou de mauvais moralement. Donc selon Kant, la méthode proposée par les
empiristes, elle aussi comme celle des rationalistes, possède des limites et doit être dépassée
pour parler dans le langage de Hegel. Pour résumer, nous disons qu’en plus des théories
évoquées dans notre présentation, ces deux doctrines morales que sont le rationalisme et
l’empirisme peinent elles aussi à tenir le coup selon la vision de Kant.

Avec de telles difficultés, et surtout avec la nécessité de développer une nouvelle


forme de morale, il est important de noter que chez Kant, la morale n’est vraiment morale que
dès lors qu’elle est fondée à partir du sujet. Mais pourquoi à partir du sujet ? Parce que pour
Kant, tout individu possède au sein de son esprit l’idée de ce qui est bien ou mal. Et, de ce
fait, nous n’avons pas besoin que l’on nous dise comment agir ou en quoi consiste notre
19
Ibid. p.20
20
Le terme a priori désigne chez Kant ce qui dans l’expérience ne dépend pas de cette expérience. Il s’oppose en
ce sens à l’a postériori qui désigne après l’expérience, c’est-à-dire une connaissance qu’i s’établit par le biais de
l’expérience. Il se caractérise selon Gilles DELEUZE par « l’universel et le nécessaire ». Et, « Il se peut que l’a
priori s’applique à l’expérience et, dans certains cas, ne s’applique qu’à elle ; mais il n’en dérive pas. » (Gilles
DELEUZE, La philosophie critique de Kant, Presses Universitaires de France, Coll. SUP, 1971, p. 10).
Page
10
devoir envers les autres et envers nous-mêmes. La morale ne tire donc désormais sa source ni
d’une transcendance ni d’une connaissance. Ce qu’il faut alors faire ou ne pas faire, nous
n’avons pas à attendre de la religion ou de la philosophie qu’elles nous le disent. Il suffit au
contraire, pour que nos actions puissent recevoir l’étiquette de moralité, qu’elles trouvent leur
source en nous-mêmes. Et c’est en examinant « les jugements du sens commun moral
concernant la valeur morale des actions et du caractère qu’elles reflètent »21, que Kant
parvient à l’idée que nous pouvons être la cause motrice de nos principes de jugement. Et
c’est cet examen qui lui permettra de prouver que dans tout homme il y a une inclination
envers le bien. Lui-même le dit de ses propres mots : « L’entendement le plus simple sait ce
qu’il doit juger bon ou non »22. Il s’agit simplement de le trouver un fondement.

C’est ainsi qu’à l’aide d’une telle analyse, Kant se permet d’entrevoir que : « De tout
ce qu’il est susceptible de concevoir en ce monde, et même en général hors du monde, il n’est
rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon si ce n’est seulement une bonne volonté.» 23
C’est à partir de là, nous pouvons le dire, que Kant a trouvé le principe qui fonde les
jugements moraux. En vérité, dit Kant, une action n’est moralement bonne que dans la mesure
où elle est faite par bonne volonté. Autrement dit, tout ce qui se fait sans que ce soit par bonne
volonté, ne peut être qualifié de moral, car cela peut déboucher sur de l’anarchie et « servir à
l’exécution des pires desseins »24. Tel est le cas des richesses, des pouvoir et de toutes les
autres satisfactions qui résident la vie heureuse. Tandis que la bonne volonté, même dans une
pire réalisation, est et demeure toujours ce qu’elle est.

Mais qu’est-ce qu’en réalité la bonne volonté ? En tant que principe suprême de la
moralité, elle désigne la volonté d’agir par simple vouloir, sans considération d’aucun objet
extérieur. C’est, dit Kant, « la volonté d’agir par devoir »25, c’est-à-dire par respect pour la loi
morale26. Expliquant la particularité de la bonne volonté par rapport aux autres choses qui
peuvent avoir l’étiquette de bonté, Kant souligne que la première est toujours bonne, avant
comme après l’accomplissement de l’action. Ce qui veut dire qu’elle ne présuppose pas tel ou
tel résultat pour être bonne. Et il faut signaler que chez Kant, tout homme qui agit, le fait
21
John RAWLS, op.cit. p. 148.
22
KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs, Trad. Victor DELBOS, LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE
DELAGRAVE, 2004, pp. 7-8.
23
KANT, Ibid. Librairie Delagrave, 1994, p. 87.
24
, Ibid. p. 38.
25
Ibid. p. 39.
26
Une loi morale est une loi pratique, c’est-à-dire une loi capable de déterminer la volonté du sujet d’une façon
universelle. Contrairement à la maxime morale qui ne vaut que pour le sujet agissant, la loi est un principe
pratique qui dépasse le cadre de son propriétaire pour s’installer dans un cadre général.
Page
11
d’après « un principe d’adoption de bonnes ou de mauvaises maximes (maximes contraires à
la loi), et ceci universellement en tant qu’homme, de telle sorte qu’à travers cette adoption il
exprime en même tant le caractère de son espèce. »27 Il en découle que mon action « tire sa
valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime d’après
laquelle elle est décidée ; elle ne dépend donc pas de la réalité de l’objet d’après lequel
l’action est produite sans égard à aucun des objets de la faculté de désirer »28. De ce point de
vue, la morale renvoie à l’ensemble des « obligations et des interdits que nous nous imposons
à nous-mêmes, indépendamment de toute récompense ou sanction attendue, et même de toute
espérance. »29 De là le formalisme dont il est souvent reproché par ses successeurs, Hegel en
tête. Car comment pouvons-nous agir en dehors de tout égard à une fin quelconque alors que
nous sommes des êtres dont les inclinations déterminent la nature ?

Mais malgré ce reproche, la bonne volonté reste, d’après la découverte de l’analyse de


la conscience commune, le principe suprême d’après lequel nous devons conduire nos actions.
Car elle seule ne tient pas compte de nos intérêts qui pourraient obscurcir notre tendance à la
moralité. Il suffit donc que l’action soit déterminée par le principe du bon vouloir, principe qui
consiste à vouloir que mon action soit érigée en loi universelle. Ceci, dit Ramatoulaye Diagne
MBENGUE dans son ouvrage Philosophie : Classes de Terminale, « tout être doué de raison
n’a pas à attendre de la philosophie ou de la religion qu’elles lui enseignent ce qu’est le bien
moral »30.

En résumé, il convient de noter que là où les prédécesseurs de Kant fondaient le bien moral
sur une instance extérieur au sujet, le plus grand représentant allemand des Lumières quant à
lui, le fait reposer sur le sujet lui-même, précisément sur sa volonté. Mettant en branle
l’argument du mensonge, Ramatoulaye DIAGNE précise que ce que l’homme a à faire, c’est
« d’utiliser sa raison et de se demander s’il peut vouloir, sans contradiction, que tous les
hommes puissent mentir pour préserver des intérêts individuels »31. Et, il est certain que si
l’on se pose une question pareille, la réponse en sera négative, car personne n’aurait accepté
qu’on mente à sa défaveur. D’où alors la pertinence de cette forme de morale instituée par
Kant et dont le soubassement part du sujet.

27
KANT, Sur le mal radical dans la nature humaine, Trad. Frédéric GAIN, éd. Rue D’ULM, Presse de l’Ecole
Normale Supérieure, 2001, p. 13.
28
KANT, op.cit. 2004, p. 92.
29
André COMTE-SPONVILLE, Dictionnaire de philosophie, Presses Universitaires de France, Paris, 2001, p. 389.
30
Ramatoulaye Diagne MBENGUE, Philosophie : Classes de terminale, LAFON, Education MAGUILEN, 2010,
p. 370.
31
Ibid. p. 371.
Page
12
Cependant, la question qui nous interpelle et qu’il convient de comprendre, est de
savoir comment un être tel que l’homme, aussi enclin aux penchants naturels que l’homme,
peut être à l’origine des principes d’action. Ne peut-il pas penser à des principes servant
uniquement à refléter ses propres intérêts ? Pour répondre à ces questions, Kant met en avant
deux choses que la nature nous a offertes en tant qu’être humaine (et nous passons par là pour
donner une définition du sujet) : il s’agit de l’instinct et de la raison. Il s’en suit que le sujet
est un être constitué de deux natures : une nature sensible et une nature raisonnable. Mais pour
atteindre sa fin (le bonheur) de manière beaucoup plus efficace, l’homme doit se focaliser sur
sa partie instinctive, c’est-à-dire sensible. Par conséquent, la nature aurait tort si elle confiait
cette tâche à la raison, qui n’a d’ailleurs pas de fin. Ou, du moins, si elle peut en avoir, ce ne
peut être « qu’une fin plus haute et plus noble, que seule elle (la raison) peut atteindre, en
dépassant les inclinations, par ses ressources »32. Ce qui fait qu’il faudrait mieux, dit Kant,
qu’elle s’appuie sur l’instinct, fil conducteur de la sensibilité humaine en tant qu’inclination.

C’est tout le sens de l’objectivité de la morale kantienne qui fait d’ailleurs l’objet du
chapitre 2 de la deuxième partie de notre travail. La morale de Kant est objective en ce sens
où elle est affranchie de toute inclination sensible. Elle est donc une morale d’un sujet libre.
Ici, la liberté est entendue comme une « faculté d’arrachement à soi, comme un pouvoir de
dire non aux tendances égoïstes »33. Ainsi, lorsque la liberté apparaît comme la capacité qu’a
l’homme de se départir de sa nature animale (sensible) ou de la dépasser afin de viser des
intérêts communs, l’être humain devient quelqu’un qui a le sens de la moralité. Et cette
conséquence morale, Kant la définira de manière assez claire à travers deux aspects : « l’idée
d’action désintéressée et celle d’universalité »34. Ces deux idées, le désintéressement et
l’universalité, sont pour Luc FERRY les principaux piliers de la morale kantienne. Et ce sont
elles aussi qui peuvent permettre de penser à une certaine objectivité de la morale. Par le
désintéressement et l’universalité, la bonne volonté peut garder sa nature de principe suprême.
En d’autres termes, une action n’est vraiment morale que dans la mesure où, d’un côté, son
auteur se limite seulement à son intention (abstraction faite du contenu ou de la matière) et, de
l’autre, elle est capable d’être accomplie par tout le monde sans restriction. Et c’est ce que
Kant veut faire entendre quand il pose sa première formule de l’impératif catégorique : « Agis
de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse en même temps toujours valoir comme

32
KANT, Op.cit. 1994, p. 39
33
Luc FERRY, Kant : Une lecture des trois critiques, éd. GRASSET, 2006, p. 139.
34
Ibid. p. 127
Page
13
principe d’une législation universelle. »35 Autrement dit, pour agir moralement, nous n’avons
pas besoin de sortie de notre intériorité. Il suffit juste de nous demander si tout le monde peut
agir à notre manière, c’est-à-dire si notre action peut être universalisable.

Mais, la réalisabilité d’une telle action se manifeste dans l’éventualité que la volonté
qui anime le sujet soit une volonté libre de tout déterminisme. D’où il suit que, en plus de ces
deux piliers de la morale kantienne (le désintéressement et l’universalité), le concept de
liberté aussi occupe une place primordiale dans l’entreprise philosophique de Kant. En effet,
elle (la liberté) constitue la toile de fond de sa théorie morale. C’est pourquoi, écrit Mai
LEQUAN, « si la liberté constitue le cœur de la morale, elle est plus profondément et plus
généralement « la clef de voûte de tout l’édifice d’un système de la raison pure et même de la
raison spéculative » »36. En d’autres mots, l’importance de la liberté chez Kant est telle que, là
où il n’y a pas liberté, il n’y a pas morale. Car c’est en étant libre que l’être raisonnable peut
déployer sa volonté vers des actions désintéressées et universelles. Donc il est clair que sans
la liberté du sujet, il serait difficile de juger son action. Et c’est ce que défend aussi René LE
SENNE dans son ouvrage intitulé Traité de Morale Générale. Pour lui en effet, c’est la liberté
qui garantit à l’homme non seulement sa raison d’être, mais aussi sa dignité d’être humain.
C’est pourquoi, pour LE SENNE, il est plus qu’urgent de redonner la liberté à l’individu
agissant dans la société parce que, dit-il, « là où un déterminisme est substitué à une
laborieuse liberté, l’individu perd toute sa raison d’être et toute sa dignité »37. En définitive,
dans la condition où la morale du philosophe allemand de l’Aufklärung 38 est subjective en ce
sens où elle se fonde sur la volonté du sujet, elle est [aussi] objective dans la simple mesure
où elle est pure de toute inclination sensible, c’est-à-dire dégagée de tout intérêt. Ce qui n’est
possible que parce que la volonté humaine est libre.

Cependant, de la première Critique à la dernière en passant par les Fondements de la


métaphysique des mœurs, la philosophie Kantienne n’a pas pu échapper à plusieurs « levés de
boucliers » pour parler comme Alexis PHILONENKO39, et cela du vivant même de Kant.
35
KANT, Critique de la raison pratique, trad. Luc Ferry et Heinz Wismann, Coll. FOLIO/ESSAIS, Gallimard, 2012,
p. 53.
36
Mai LEQUAN, La philosophie morale de Kant, éd. Seuil, Novembre 2001, pp. 13-14.
37
René LE SENNE, Traité de Morale Générale, 5e édition mise à jour par Paul LEVERT, coll. LOGOS, Préface,
Presses Universitaires de France, Paris, 1967, p VII.
38
Ce nom désigne les Lumières allemandes. Chez Kant, celles-ci se définissent comme « la sortie de l’homme de
la minorité dont il est lui-même responsable, leur devise Sapere aude invite chacun à se servir de son propre
entendement, à faire usage de sa Raison » (Jöel Wilfert, Kant (1724-1804), ellipses, coll. Philo-philosophes
dirigée par Jean Pierre Zarader, 1999, p. 7).
39
PHILONENKO, L’œuvre de Kant : La philosophie critique, Tome II, Introduction, 5e éd. Paris, Librairie
Philosophique J. Vrin, 1997, p. 9.
Page
14
Nous ne pouvons certes pas dénommer toutes ces critiques. Mais parmi elles, nous pouvons
compter celle de Hamann dans sa lettre du 08 février 1764. En effet dans cette lettre, dit
Victor DELBOS à propos des Fondements de la métaphysique des mœurs, l’auteur « annonce
à Herder que Kant travaille à « une Anticritique » »40. Bien plus ; après Kant, beaucoup de ses
successeurs, dont Hegel et Schopenhauer, se mirent à fustiger le système philosophique du
philosophe de Königsberg, plus précisément sa dimension morale.

Ainsi pour le premier, quoique dépouillée de toute inclination sensible, la morale


kantienne n’est point objective puisque son auteur établit et maintient une scission entre la
forme et la matière, et s’oppose ainsi à toute tentative de prise en compte de la seconde dans
l’ordre moral. Mais, montrons d’abord objectivement que Hegel partage avec Kant une idée
très importante, celle de savoir que l’action morale doit avoir une posture universelle. Sauf
que, à la place de « universalité », le philosophe de l’absolu préfère dire que la morale doit
être « totale », « entière » et non « contingente ». Cette idée de totalité ou d’entièreté, on l’a
retrouve dans la Phénoménologie de l’Esprit. Dans cet ouvrage, montrant le rôle que la
société, l’Etat et la famille jouent sur la vie de l’homme, Hegel rend compte que la véritable
morale se réalise dans la famille. Sous ce rapport, il écrit :

« Le but propre à la famille, son but positif, est le singulier comme tel. Afin que
ce rapport soit éthique, ni celui qui agit ni celui à qui l’action se réfère ne doivent se
présenter selon un côté contingent, comme cela arrive dans une aide ou dans un
service rendu quelconque. Le contenu de l’action éthique doit être substantiel, ou doit
être entier et universel. L’action éthique ne peut donc se rapporter qu’à l’être
singulier total, ou à l’être singulier en tant lui-même qu’universel. »41

En d’autres mots, chez Hegel, l’action véritablement éthique est celle qui, partant du sujet, ne
s’arrête pas à lui. Mais c’est celle qui dépasse le cadre du personnel pour s’installer dans le
tout. Par ailleurs, dans le même ouvrage, Hegel déclare en se qui concerne les différentes
manifestations de l’esprit (le subjectif, l’objectif et l’absolu), que c’est dans le monde éthique
que celui-ci (l’esprit) arrive à la conscience de soi-même. Ainsi, en tant que tel, c’est
seulement en ayant conscience de soi dans la nature, que l’esprit peut être libre et, par
conséquent, être capable de moralité effective ou d’actions morales universelles. Cela veut
dire qu’en dehors du savoir de l’esprit par lui-même, la conscience serait incapable de

40
KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs, Op.cit. 2004, p. 10.
41
HEGEL, Phénoménologie de l’Esprit, trad. J. HYPPOLITE, t. II, Aubier, éd. Montaigne, Paris, 1941, p. 19.
Page
15
moralité libre et universelle. Ce savoir est si important dans la science morale, que pour
Hegel :

« Ce que la conscience ne saurait pas, n’aurait aucun sens et ne pourrait


constituer aucun pouvoir pour elle. Dans sa volonté imprégnée par le savoir libre se
sont résorbés toute l’objectivité et tout monde. Elle est absolument libre du fait qu’elle
sait sa liberté, et c’est justement ce savoir de sa liberté qui est sa substance et son but
et son unique contenu. »42

Il faut donc connaître les instruments de la nature à travers une réconciliation du subjectif et
de l’objectif dans un absolu. C’est ainsi que s’explique toute la possibilité de l’action éthique
ou morale. Mais il faut signaler que ce savoir ne se limite pas à la simple possibilité de la
morale, il rend aussi possible la conscience du devoir. En tant que substance, le savoir
constitue l’essence même du devoir. Et, « La conscience de soi morale sait immédiatement le
devoir comme essence ; et cette pure immédiateté a la valeur de toute l’effectivité »43. La
conscience du devoir apparaît à cet effet comme le fruit de l’investigation théorique. C’est-à-
dire, pour savoir comment agir, il faudrait au préalable savoir sur quoi et avec quoi agir. Cette
connaissance, se rapportant chez Hegel à la matière, est celle de l’objet visée par l’auteur de
l’action, ici le bonheur. Cependant, on sait qu’avec Kant la vision morale de nos actions est
indépendante du bonheur. D’ailleurs c’est ce qui fait qu’il soit aux antipodes du monde grec
pour lequel l’action morale se réduisait à la simple réalisation du bonheur. S’agit-il alors de
dire que Kant nie toute recherche du bonheur ? Non, absolument pas. Mais c’est faire de sa
quête une action morale qu’il récuse.

Or, avec Hegel, c’est exactement cette conscience morale des anciens qui renaît d’une
certaine façon. Pour ce philosophe, en effet, il est difficile voire impossible de faire de la
félicité un aspect extérieur à l’agir moral. C’est pour cette raison que chez lui, « La
conscience morale ne peut pas renoncer à la félicité ; elle ne peut pas laisser partir ce
moment de son but absolu. Le but, qui est énoncé comme pur devoir, a essentiellement en lui
la nécessité de contenir cette conscience de soi singulière. »44 Dès lors, la morale apparaît
selon Hegel comme une sorte de réconciliation de la loi morale et de l’objet auquel doit tendre
l’agent moral. Par contre si on pense rester à la seule intention d’agir 45, la morale qui en
42
Ibid. p. 143
43
Ibid. note 4
44
Ibid. pp. 145-146
45
Chez KANT, le jugement moral s’effectue à partir simplement de la volonté d’agir. Et c’est le paradoxe apparent
d’une telle volonté qui fait que pour Kant il est difficile de donner un seul exemple d’action morale, c’est-à-dire
Page
16
résultera sera une morale formelle et subjective. Et c’est là qu’il critique la morale kantienne
laquelle « n’a aucune assise concrète et refuse celle-ci comme étant de nature empirique »46.
Donc l’acte moral est une intention actualisée ; il faudrait que l’action soit réalisée pour que
l’on puisse la qualifier de morale étant donné que c’est elle que l’on juge et non point la
simple intention. C’est pourquoi pour Hegel, la vie morale est une jouissance et non une
simple disposition (à agir). Elle se situe pour cette raison dans le « concept de son
actualisation effective »47 au lieu de se borner à la simple forme de l’action que Laurant
GIASI, dans son texte intitulé La forme : Critique du formalisme kantien chez Hegel et
Scheler, identifie à une abstraction. Ainsi, dira-t-il, « Formalisme et abstraction vont de pair :
la forme sans la matière (les catégories) correspond au « subjectif tel qu’il apparaît dans son
état épuré de la multiplicité, comme la pure unité abstraite » (Hegel, Foi et Savoir, Paris,
Vrin, 1988, p. 115) »48.

En définitive, nous pouvons préciser que selon l’auteur de la Phénoménologie de


l’Esprit, il faut certes que l’action soit actualisée pour avoir l’étiquette de moralité, mais elle
ne se limite pas à la simple forme de la volonté ; elle concerne aussi la matière de ladite
volonté. Mais puisque l’homme est un être enveloppant en son sein une quantité importante
de tendances égoïstes, il lui faut garder une harmonie entre ses pulsions agressives et
charnelles et ce qu’exige la bonne conduite. Et c’est ce que suppose la moralité, c’est-à-dire
l’universalité. C’est dans cette logique que Hegel déclare que « l’harmonie de la moralité et
de la félicité est pensée comme étant nécessairement ; en d’autres termes, elle est postulée. »49
Car, renchérit-il, « la moralité qui en resterait à l’intention d’agir sans agir ne serait plus
même intention morale. »50 Ainsi donc, si chez Kant la forme du principe de l’action est
extérieure à la matière, chez Hegel au contraire, qui développe une philosophie de
réconciliation entre l’apparence et l’essence, entre le sujet et l’objet ou encore entre la forme
et la matière, l’action moralement bonne n’est telle que lorsqu’elle est prise aussi du côté de la
matière. Autrement dit, la simple forme de la volonté ne suffit pas à qualifier l’action de
morale. Encore faut-il qu’elle réussisse à combler les attentes du sujet. C’est ce qui fait que
chez Hegel, la morale kantienne se ramène à une simple forme. Cette critique se justifie, nous

d’action accomplie par devoir.


46
Laurant GIASI, La forme : Critique du formalisme kantien chez Hegel et Scheler, Philopsis, 2013, p. 3.
47
HEGEL, Op.cit. p. 146
48
Laurant GIASI, Op.cit. p. 5.
49
HEGEL, Op.cit.
50
Ibid. note 10.
Page
17
l’avons dit, par le fait que Hegel est un philosophe de l’Absolu, c’est-à-dire quelqu’un qui
tente de relier l’Idée et la matière dans la façon la plus absolue qui soit.

Tout comme Hegel, son compatriote, Arthur Schopenhauer, s’inscrit dans cette même
logique tendant à montrer que la morale kantienne contient des limites. Mais comme il est de
coutume qu’un philosophe, avant de remettre en cause la doctrine d’un autre, surtout celle de
celui dont il a subi l’influence, commence par reconnaître ses mérites, nous avons choisi pour
notre tour de montrer quel est le mérite que Schopenhauer attribue à Kant. Ainsi, l’auteur de
Monde comme volonté et représentation a certainement réservé un accueil chaleureux à la
première œuvre critique du philosophe allemand des Lumières. Ce mérite de Kant s’explique
par l’apport gigantesque qu’il a fait dans l’histoire de la philosophie moderne et
contemporaine. Schopenhauer dira à cet effet que : « On commence par s’apercevoir de toute
part que la véritable, la sérieuse philosophie en est toujours au point où Kant l’a laissée.
Quoi qu’il en soit, je ne vois pas que de lui à moi il ait été fait quelque chose en cette
matière ; aussi je me rattache à lui. »51

Mais pourquoi un tel témoignage de la part de Schopenhauer ? Parce qu’à ses yeux, c’est Kant
qui, le premier, a établi et maintenu avec profondeur un dualisme entre l’objet en tant que
phénomène, et l’Idée en tant que noumène. Ainsi, dira-t-il : « les avoir distingué, « c’est le
plus grand mérite de Kant » »52. Pourtant, ce qu’il faut préciser, c’est que cette appréciation
est de nature à bien préparer la critique que Schopenhauer adressera plus tard à la philosophie
kantienne. A partir de ce moment, on retient que s’il apprécie d’un côté le dualisme kantien
entre phénomène et noumène, de l’autre, il suppose le noumène, c’es-à-dire la chose en soi,
est bel et bien connaissable ; qu’elle n’est pas en dehors de l’expérience sensible, mais à
l’intérieur. Ce qui n’était pas, nous le savons, la vision de Kant. Donc là où Kant place l’objet
de la métaphysique au-delà des possibilités de l’expérience, Schopenhauer, lui, voit en elle
une science qui s’intéresse à des choses auxquelles peut accéder la raison humaine,
naturellement portée à des spéculations métaphysiques. C’est pourquoi dit-il, que « […] le
devoir de la métaphysique n’est point de passer par-dessus l’expérience, en laquelle seule
consiste le monde, mais au contraire d’arriver à comprendre à fond l’expérience, […] sans
contredit la source principale de la connaissance »53. On comprend maintenant que chez

51
SCHOPENHAUER, Critique de la philosophie kantienne servant d’appendice au premier volume du Monde
comme volonté et comme représentation, éd. Sotchek Bucarest, 1889, p. 7.
52
SCOPENHAUER, Fondement de la morale, Introduction, Paris, Aubier Montaigne, 1978, p. XII.
53
SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme représentation (1912), éd. Numérique Guy Heff & Co,
Avril 2013, p. 975.
Page
18
Schopenhauer, l’objet de la métaphysique est, certes, la chose en soi, mais que cette dernière
ne renvoie pas à un inconnaissable. Elle est plutôt la simple volonté qui, pour lui, est « de
toutes les choses possibles la mieux connue de nous, la seule à nous immédiatement donnée,
et par suite la seule propre à expliquer toutes les autres. »54 Sous ce rapport, Schopenhauer
partage avec Kant l’idée que la volonté apparaît comme le principe explicatif de tous les
jugements moraux.

Ceci dit, le malentendu qui existe entre eux est que pour Kant, la volonté est libre et,
sur ce, elle est capable de légiférer sans condition. Et puisque l’homme agit toujours en
fonction de maximes (Kant même le dit dans son œuvre, Du mal radical dans la nature
humaine), il se doit seulement de se poser la question de savoir si tout le monde peut agir en
tenant compte de sa propre maxime. Et c’est uniquement de cette façon que l’on peut juger de
la moralité des actes humains. Il s’agit alors de se donner à soi-même une règle de conduite
pour mieux entretenir ses relations avec ses semblables. D’où alors le nom de déontologie que
l’on peut attribuer à la morale de Kant. Ce qui ne réussit pas à avoir l’assentiment de
Schopenhauer. Car le fait d’agir selon sa volonté ou selon une loi, même émanant
immédiatement de notre raison, est ce qui contredirait même la nature de notre volonté dans la
mesure où celle-ci n’est point libre ; elle est toujours animée au contraire par des tendances
égoïstes. De plus, agir en suivant un des principes ou des lois, est selon Schopenhauer, le
propre de la théologie. Or Kant lui-même excluait toute possibilité de recourir à la religion ou
à une quelconque science pour savoir nos droits et devoirs. Donc établir le fondement de la
morale selon des normes resterait toujours la même chose que ce que prescrivait la théologie.

« Ainsi, argue Schopenhauer, Kant aurait commencé par emprunter sans rien
dire, en cachette, cette forme impérative d’éthique à la morale des théologiens : ils en
étaient donc inséparables ; bien plus, ils y étaient contenus implicitement : dès lors,
Kant eut beau jeu, quand il s’agit, à la fin de son exposé, de faire sortir de sa morale
une théologie, la fameuse morale. »55

Pour Schopenhauer alors, Kant, bien qu’il eut pensé à abandonner les valeurs morales telles
que prescrites par les théologiens, n’a pas pour autant fini par échapper au piège. Car, alors
qu’il exclut la recherche du bonheur dans les jugements moraux, il le fait ressurgir sous une
autre forme, sous forme de souverain bien. Et c’est pour cette raison que Schopenhauer pense

54
Ibid. p. 2470.
55
SCHOPENHAUER, Fondement de la morale, Op.cit., Chap. II, § 4, p. 21.
Page
19
que Kant n’a pas du tout éliminé la quête du bonheur dans la question de la moralité. Ou, du
moins, « ce serait plutôt en apparence qu’en réalité, que Kant aurait banni de la morale le
souci du bonheur. Il conserve en effet entre la vertu et le bonheur un lien mystérieux, par sa
théorie du souverain bien »56. Cependant, contrairement à Kant qui avançait l’hypothèse de
loi, et par opposition à la théologie morale qui en faisait sienne, Schopenhauer affirme qu’en
philosophie, il n’existe pas de loi à laquelle l’individu peut se soumettre. Même si une telle loi
existe, nous n’en avons pas pu justifier la réalité.

En résumé, si : « En général, depuis le christianisme, la morale philosophique a


emprunté, sans le savoir, sa forme à la morale des théologiens »57, Schopenhauer au contraire
suppose que les philosophes ne connaissent pas de loi parce qu’ils n’en ont pas la preuve. Par
conséquent s’il y a une loi à laquelle il convient de penser en tant que philosophe, « c‘est celle
qui « exige que toute l’action soit simplement la conséquence d’un motif suffisant. Elle est
comme la loi de causalité en général, une loi de la nature. » »58 Dès lors, l’action morale sera
celle qui satisfera à la condition naturelle de la vie humaine, c’est-à-dire celle qui répondrait
concrètement aux attentes de la volonté humaine.

56
Ibid. chap. II, § 3, p. 13.
57
Ibid. p. 18.
58
Ibid. p. 16.
Page
20
III. PISTES DE RECHERCHE ET PLAN POUR LE
MASTER 2

Dans le souci de bien conduire notre recherche sur le projet kantien de refondation de
la morale à partir du sujet, nous avons choisi de scinder notre travail en trois grandes parties.

D’abord, il est question de montrer le processus qui a conduit Kant à penser à une autre forme
de morale. Il s’agit dans ce cas de partir d’un historique de la réflexion morale, c’est-à-dire de
voir comment celle-ci a été conçue avant l’avènement du kantisme. Précisément, nous
comptons étudier de manière beaucoup plus approfondie, comme esquivé plus haut, des
théories telles que le rationalisme et l’empirisme qui ont retenu pendant un certain moment
l’attention du philosophe allemand. Mais après cela, on verra quelles sont les limites que
peuvent avoir chacune des doctrines sus-évoquées sur le problème de la morale et qui
concourent à la nécessité de passer leurs visions pour en fonder une autre.

Ensuite, une fois que ce rappel des théories antérieures et de leurs limites sera fait,
nous analyserons le statut que la morale possède chez Kant. Il s’agira de montrer,
contrairement aux théories antérieures, que chez Kant la morale, pour être telle, doit se fonder
à partir du sujet. En effet, notre ambition à ce niveau consiste à faire voir que si auparavant la
morale se fondait dans une instance autre que le sujet, maintenant et surtout avec Kant, elle
fait office d’une science dont la base est le sujet, c’est-à-dire l’être raisonnable. Mais au-delà
de cet aspect subjectif de la morale kantienne, il convient de démontrer qu’il s’agit là d’une
morale objective. Car elle est, certes, l’œuvre d’un individu agissant, mais que celui-ci ne se
fonde point sur sa propre subjectivité, c’est-à-dire sur ses propres intérêts pour établir la loi
morale. Au contraire, il fait abstraction de ses inclinations personnelles et s’installe dans une
volonté générale, pour parler comme Rousseau, afin de déterminer la loi morale.

Enfin, nous étudierons quelques philosophes qui ont des visions morales tout à fait
différentes voir opposées à celle de Kant. Il s’agit notamment de Hegel et de Schopenhauer.
Avec le premier, nous parlerons du formalisme dont fait office la morale de Kant. Autrement
dit, nous montrerons que malgré ce qu’on aura évoqué dans le Chapitre 2 de notre Deuxième
partie, la morale de Kant demeure aux yeux de Hegel une morale formelle. Dans un autre
ordre d’idées, nous nous pencherons également vers l’analyse schopenhauerienne de la
morale kantienne. Nous verrons plus concrètement que d’après cette analyse, Schopenhauer
voit en cette morale un déontologisme. Là aussi, pour terminer, il nous incombera de parler de
Page
21
façon un peu plus explicite des raisons qui ont présidé à une telle qualification de la morale du
philosophe allemand des Lumières.

Proposition de Plan :

Introduction

Première partie : Genèse da la morale kantienne

Chapitre I : De la conception antérieure de la morale

Chapitre 2 : Des limites de la morale antérieures et nécessité de fonder une autre morale
(limites des systèmes morales antérieurs et nécessité d’une nouvelle morale)

Deuxième partie : Du statut de la morale chez Kant

Page
22
Chapitre I : Le sujet au fondement de la morale (le sujet comme dépositaire de la loi
morale)

Chapitre II : Une morale objective (objectivité de la morale kantienne)

Troisième partie : De la postérité de la morale de Kant

Chapitre I : Hegel et le formalisme kantien

Chapitre II : Schopenhauer et le déontologisme moral de Kant

Conclusion

IV- BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE

Ouvrages de Kant

- Critique de la raison pratique, trad. Luc Ferry et Heinz Wismann, Coll.


FOLIO/ESSAIS, Gallimard, 2012, 252 pages.
- Qu’est-ce que les lumières, trad. Jean Michel MUGLIONI, Paris, Hatier, 2007, 96
pages.

Page
23
- Critique de la raison pure, trad. A. Renaut, GF-Flammarion, 2006, 749 pages.
- Vers une paix perpétuelle, Que signifie s’orienter dans la pensée ?, trad. Jean François
POIRIER et François PROUST, GF Flammarion, Paris, 2006, 209 pages.
- Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. V. Delbos, Introduit et annoté par A.
Philonenko, Librairie Philosophique Delagrave, 2004, 208 pages.
- Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science,
trad. L GUILLERMIT, Deuxième édition corrigée et augmentée d’un index, Paris,
Librairie Philosophique J. Vrin, 2001, 185 pages.
- Sur le mal radical dans la nature humaine, trad. Frédéric GAIN, éd. Rue D’ULM, Presse de
l’Ecole Normale Supérieure, 2001, 175 pages.
- Critique de la faculté de Juger, trad. Alain RENAUT, GF Flammarion, Paris, 2000, 540 pages.
- Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. V. Delbos, Librairie Delagrave,
1994, 213 pages.
- Métaphysique des mœurs, Doctrine du droit, Doctrine de la vertu, trad. A. Renaut, GF-
Flammarion, Paris 1994, 278 pages.
- Logique, trad. L. GUILLERMIT, seconde édition revue et augmentée, Paris, Librairie
Philosophique J. Vrin, 1970, 207 pages.
- Réflexions sur l’éducation, trad. A. Philonenko, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin,
1966, 160 pages.
- La religion dans les limites de la simple raison, trad. J. Gibelin, 2e éd., Paris, J. Vrin,
1952, 269 pages.
Commentateurs de Kant
- ALQUIÉ Ferdinand, Leçons sur Kant, éditions de la Table Ronde, 2005, 286 pages.
- BILLIER Jean Cassien, Kant et le kantisme, éd. Armand Colin, Paris 1998, 95 pages.
- BOUTROUX Émile La philosophie de Kant, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1926, 376
pages.
- DE QUINCEY Thomas, Les derniers jours d’Emmanuel Kant, trad. Marcel
SCHOWB, éd. L’Herne, Paris, 2013, 177 pages.
- DELEUZE Gilles, La Philosophie critique de Kant (Doctrine des facultés), Presses
Universitaires de France, 1971, 111 pages.
- FERRY Luc, Kant : Une lecture des trois critiques, éd. GRASSET, 2006,
- LEQUAN Mai, La morale de Kant, Editions du Seuil, 2001, 509 pages.
- LACROIX Jean, Kant et le kantisme, P.U.F., Paris, 1977, 128 pages.
- MAILLET Elodie, Kant entre désespoir et espérance, l’Harmattan, Paris, 2001, 127
pages.
- PHILONENKO Alexis, L’œuvre de Kant : La philosophie critique, Tome II, Morale et
Politique, 5e éd. Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1997, 292 pages.
- TISSOT Jean, Mélanges de Logique d’Emmanuel Kant, Librairie de Ladrange, Paris, 1862,
474 pages.

Page
24
- VIALATOUX Joseph, La morale de Kant, Paris, Presses Universitaires de France,
1956, 87 pages.
- WEIL Eric, Problèmes kantiens, Paris, Vrin, 1998.

- Wilfert Jöel, Kant (1724-1804), ellipses, coll. Philo-philosophes dirigée par Jean
Pierre Zarader, 1999.

Ouvrages généraux

- Compte-Sponville André, Dictionnaire de philosophie, Presses Universitaires de


France, Paris, 2001, 646 pages.
- CHÂTELET François, La philosophie : de Kant à Husserl, Librairie Hachette, Paris, 1979,
320 pages.
- Descartes René, Discours de la méthode, Introduction et notes par Etienne Gilson, Paris,
Librairie philosophique J. VRIN, 1992, 146 pages.
- Descartes René, Discours de la Méthode, édition établie et présentée par Frédéric BUZON,
Gallimard, Coll. FOLIO/ESSAIS, 1991, … pages.
- HUME David, Traité de la nature humaine : Essai pour introduire la méthode
expérimentale dans les sujets moraux, Traduction, Préface et Notes de André LEROY,
Tome II, 1968, 766 pages.
- Hegel George Wilhelm Frédéric, Phénoménologie de l’Esprit, trad. J. HYPPOLITE, t. II,
Aubier, éd. Montaigne, Paris, 1941, 359 pages.
- LE SENNE René, Traité de Morale Générale, 5e édition mise à jour par Paul LEVERT, coll.
LOGOS, Presses Universitaires de France, Paris, 1967, 787 pages

- MBENGUE Ramatoulaye Diagne, Philosophie : Classes de terminale, LAFON,


Education MAGUILEN, 2010, 391 pages.
- NAOUFEL Hanafi, « L’utilitarisme et la notion de l’utilité », Revue de philosophie et
sciences humaines, Octobre 2012, 12 pages.
- RAWLS John, Leçons sur l’histoire de la philosophie morale, éd. La Découverte, Paris, 2002,
378 pages.
- Schopenhauer Arthur Critique de la philosophie kantienne servant d’appendice au premier
volume du Monde comme volonté et comme représentation, éd. Sotchek, Bucarest, 1889, 203
pages.
- Schopenhauer Arthur Fondement de la morale, Introduction, Paris, Aubier Montaigne, 1978,
200 Pages.

Page
25
- Schopenhauer Arthur, Monde comme volonté et représentation (1912) [en ligne], éd.
Numérique Guy Heff & Co, Avril 2013, www.schopenhauer.fr (consulté à partir du 28
Septembre 2017).
- VERGEZ André, HUME, Presse Universitaires de France, Paris, Coll. SUP
ʺPhilosophesʺ, 1969, 93 pages.
Webographie
- https: //philitt.fr/2012/10/28/schopenhauer-critique-de-la-morale-kantienne/
- La-philosophie.com/Kant-morale
- Durkheim.uchicago.edu/Texts/1884/59.html
- La.philosophie.com/critique-de-la-raison-pratique-Kant
- digression-forum-actif.net/t303-Hegel-critique-de-Kant
- www.dogma.lu
- https://fr.m.wikipedia.org/wiki/le_Monde_comme_volonté_et_comme_représentation
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophie_pratique_de_Kant
- https://blogs.madiapart.fr/anaxagore/blog/160810/la-morale-selon-Kant-et-ce-que-
j’en-ai-compris
- https://fr.wikiversity.org/wiki/Morale_kantienne/Exposé
- www.onelittleangel.com/sagesse/citations/Kant.asp?level=3
- www.philolog.fr/problématisation-de-la-morale-kantienne/

Page
26

S-ar putea să vă placă și