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Geneviève de Taisne
2010/1 n° 25 | pages 9 à 20
ISSN 1628-9676
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ISBN 9782847951837
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-imaginaire-et-inconscient-2010-1-page-9.htm
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Geneviève de Taisne
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C’est ce voyage que j’ai tenté de faire pour vous et avec vous.
C’est donc en plongée sous marine que je vous emmène cet après midi
pour aller visiter la partie immergée d’un de ces icebergs fatigue qu’on ren-
contre dans nos cabinets.
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Fatigue et Handling
Nous allons donc regarder ces différents éléments cliniques puis les ana-
lyser au regard de la théorie.
Mon hypothèse, en lien avec les recherches actuelles, est que ce type de
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fatigue dont je vais parler renvoie aux premières relations entre le parent et
son enfant, dans le sens de Winnicott :
Selon Winnicott, la mère intervient auprès du bébé de trois manières dif-
férentes :
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de couleur à sa disposition. Et pour me montrer que le gris ce n’est par
hasard, il m’en dessine un autre avec un cerf volant vert, fabriqué par son
grand père, vert couleur de la vitalité. Les parents sortent. Je dis à l’enfant :
« Et bien dis donc il pleut beaucoup, il fait tout gris heureusement qu’il y a
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« Tu veux faire un dessin ; « non »
« Tu veux jouer avec les animaux : « non »
« Tu aimes ton école ; « non »
« Le dimanche, tu fais quoi ? » Elle hausse les épaules. « Souvent, rien »
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vient pas à bout ? Ces patients qui attendent tout d’une thérapie tout en ayant
le plus grand mal à travailler sur eux. Parfois, seules les larmes coulent.
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Apathie et suractivité
L’autre versant de cette apathie pourrait être une certaine forme de sur-
activité.
Il y a deux sortes de suractivité, celle qui intervient le soir au moment du
coucher et qui ne permet le repos que lorsque l’épuisement le rend instinc-
tif.
Claude Smadja en rend compte : « Ce n’est pas un refus de la passivité
mais un défaut de passivité. Le patient ne peut se laisser aller à un état de
passivité psychique en raison d’un sentiment de terreur à l’idée de perdre le
contrôle de lui même. » Il le relie à une défaillance de « la capacité de la
mère à sublimer sa pulsionnalité en tendresse maternelle qui induit la nuit le
repli narcissique et le jour le travail du rêve. »
Et la suractivité dans la réalité autour de mille engagements bien souvent
au service des autres. Mais ces activités ne les remplissent pas et c’est en
cela que je rejoins l’analyse de Claude Smadja :
« La sexualité psychique, (la libido, ou le plaisir trouvé dans les activi-
tés) agit comme un facteur qui dissipe la fatigue. Ils sont un antidote à la
fatigue.
Et c’est en cela qu’on peut avoir mille activités et ne pas être fatigué
parce qu’elles sont source de plaisir et que la même dose d’activités génère
une fatigue à type dépressif.
« Je ne sais pas ce que je veux faire ; je n’ai pas de désir ; je voudrais res-
ter toute la journée sous la couette. »
Or cette jeune fille est la troisième de six enfants, s’occupe de tout le
monde, a mille engagements à l’extérieur.
« Si ce que vous ressentiez était une image. »
« Un palmier sur une île déserte. »
Comme une réponse à ma question sous-jacente, elle me dit la semaine
d’après qu’elle s’est énervée. Silence. Je lui demande ce qu’elle ressent.
GENEVIÈVE DE TAISNE • DES MAUX DE LA TRISTESSE 15
AUX MOTS DE LA VIE
Silence.
« Vous me demandez ce que je ressens ; je ne sais pas, mais une image
est venue. De l’eau ; je suis en train de nager. Si on nage on ne coule pas.
Ici, comme si je veux rester à la surface ; j’ai pas envie de plonger. »
« Plonger ? »
« Ne pas pouvoir respirer… être plus fragile, me perdre peut-être. »
L’énervement ? Il venait d’un manque d’attention à ce qu’elle avait fait.
Cela l’a étonnée, n’étant pas d’un tempérament colérique.
Comme si l’hyperactivité là est une course épuisante à une reconnais-
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sance, à une place, mais qu’elle ne permet pas la construction de soi.
Dans cette course, la colère n’a pas sa place.
Quand je demande à Patricia ce qu’il y a derrière le mur gris :
« Un très beau paysage, des montagnes, des volcans éteints. »
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Quant à Isabelle, jamais un mot plus haut que l’autre. Quand elle a été
obligée de vendre sa maison à laquelle elle était très attachée, elle n’a expri-
mé aucun ressentiment, juste de la tristesse. Mais elle s’est foulée la cheville
au moment où les futurs acheteurs venaient diner chez elle.
D’où le dernier élément qui fait le titre de cet exposé : des maux pour le
dire.
C’est pourquoi le rêve éveillé est un outil vraiment précieux parce qu’il
va permettre cette représentation ces affects.
Je propose à Anne de s’imaginer enfant : « Je me vois dans les bras de ma
mère. Elle me donne le biberon mais c’est comme si elle ne s’intéressait pas
à moi. »
Mère présente, mère aimante mais vide au sens qu’elle ne peut s’inté-
resser au bébé. « Qu’aimeriez vous ? »
« Qu’elle me regarde, qu’elle me parle. »
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En conclusion de cette première partie : vers où nous
emmènent tous ces signes ?
Isabelle dira combien sa mère était présente pour s’occuper physique-
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ment d’eux, mais qu’elle n’était pas attentive à leurs émotions. D’ailleurs on
ne partage jamais dans ce domaine là à la maison.
La mère de Léo travaille beaucoup. Elle dit qu’elle se sent très mère mais
pas quand ils sont petits. Quant à la mère d’Anissa, elle était soignée pour
dépression légère. Je n’ai pas parlé des pères. Souvent dans ce type de
pathologie ils sont présents absents. Dans le cas de mes patients, ou ils
étaient absents ou ils n’étaient pas distanciés par apport à leur enfant fille ce
qui introduit un élément trop complexe.
Et donc voilà ce qui m’est apparue passionnant. On parle beaucoup du
holding, la capacité de la mère à contenir l’enfant. Tous ces enfants ont eu
une famille contenante, des soins appropriés, de l’amour. Mais tous ont
manqué de ce que Winnicott a appelé le « Handling » et du « object-presen-
ting » c’est à dire la capacité de la mère à se centrer non sur elle mais sur les
besoins du bébé et de lui donner conscience de son moi naissant.
La fatigue sert de contenant comme rempart par rapport à l’extérieur,
mais aussi par rapport à un espace interne vide, fragile qui a manqué de
regard, de mots de la mère pour se dire, se trouver, se construire. « Ce serait
un château fort, à l’intérieur c’est vide ; il n’y a pas de fenêtre, ni d’accès. »
Paul Denis dit : « le sujet investit sa fatigue …comme un écran entre sa
vie et la vie. Il investit cette sensation comme lutte contre l’angoisse ou une
menace. »
Seule une capacité d’adaptation aux désirs ou aux besoins de l’environ-
nement vont permettre au self, même faux de fonctionner et de donner une
vraie adaptation à la réalité avec un sentiment de tristesse interne une peur
de l’effondrement, un manque de goût pour la vie puisque ce qui constitue
le moi est en partie ignoré.
GENEVIÈVE DE TAISNE • DES MAUX DE LA TRISTESSE 17
AUX MOTS DE LA VIE
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D’abord, il y a le cadre. L’antre du thérapeute est tout d’abord un espa-
ce, un lieu, un temps.
Puis, le thérapeute une personne entièrement consacrée à « ça ».
A ça qui ne peut pas se dire, et que là, Il, le thérapeute devra percevoir
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dans le non dit des maux physiques ou les bribes de rêves ou les jeux trans-
férentiels.
« Je vous entends bouger. J’ai l’impression que vous ne m’écoutez pas. »
« Vous êtes là et c’est comme si vous n’y étiez pas. Je ne sens pas de rela-
tion. En moi, c’est comme fermé. Je me sens seule, toute seule »
Cette fragilité est « fatigante » pour l’analyste mais combien émouvante.
Elle nous renvoie à la détresse du petit enfant qui a besoin pour s’ouvrir
à la vie de cette qualité d’attention qui lui permet de s’habiter lui même.
Le thérapeute est comme un funambule, sur le fil des émotions para-
doxales du patient, toujours tendu de peur qu’un mot ne réactive une bles-
sure, ou qu’il soit prononcé trop tôt, trot tard, et qu’il conduise l’inconscient
à tout renfermer. Cette fatigue est comme un manteau qui protège du froid
du non regard mais aussi un cri silencieux. Ce cri vient de loin, très loin.
Alors bien souvent il m’est arrivé de remplacer les interprétations par des
récits.
« Ce que vous me dites me donne à imaginer cette petite fille qui reve-
nait de l’école avec tous ses soucis et qui avait tellement envie d’en parler
et qui tout d’un coup ne trouvait pas d’oreilles adultes. Peut être avait – elle
un nounours ? » « Oui, se met – elle à dire un gros ; je l’ai gardé longtemps. »
Comme si je remplaçais l’enveloppe fatigue par celle des mots.
Le rêve éveillé dans sa fonction de laisser venir les images, de mettre en
mouvements, puis de nommer va faire fonction de miroir interne et de mère
intériorisée. Ma pratique rejoint ce que dit P. Marty dans son article sur la
fatigue, à propos d’un patient.
« La pensée suppose de laisser venir, laisser faire, se laisser faire, posi-
tion des plus difficiles mais que je peux vivre avec M. B.
Avec lui, la rêverie permet la reprise du travail psychique.
Comme si, aussi, j’avais envie de lui raconter ce rêve, d’apporter de la
pulsion au vide de ses souvenirs, d’insuffler du désir de vivre à son désir de
non-vie, face à la présence constante de la mort et de la souffrance en lui. »
18 IMAGINAIRE & INCONSCIENT
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Le rêve se raconte, l’image devient récit, l’image hallucinatoire devient rêve.
CONCLUSION
Comment conclure ? La fatigue dont on vient de parler a des liens avec
la tristesse ; celle de l’enfant seul en lui même, perdu au creux de son être
en devenir.
La tristesse n’est pas qu’un état, un mot, d’ailleurs elle a peu de mots.
Elle est vivante ; elle a un corps, toute en sensibilité.
Pour se déployer la tristesse a besoin d’espace et on la comprend car
l’histoire de toute tristesse c’est l’écrasement, justement le non espace de
parole, d’écoute, de compréhension.
Alors se déployer n’est pas une mince affaire, une affaire fragile, très
fragile car on risque de la froisser, de la casser de l’abîmer encore plus si
on ne laisse pas se déployer l’immensité du chagrin qui la tisse. La tristesse
s’accommode mal du cadre analytique qui limite le temps, celui de se dire.
Elle agit le contre transfert du thérapeute le laissant lui même dans la tristesse
déposée, fatigué qui voit partir l’autre déçu, frustré. L’enfant lui est malin !
Ou il s’arrange pour emmener un pétale de fleur, un bout de pâte à modeler,
ou il laisse un tel bazar qu’il sait qu’il va être là encore bien après lui ! Notre
inconscient sait prendre tout ce qui lui fait du bien. Alors pour nous tous il
est bon de se souvenir que ce qui est le meilleur vaccin à cette fatigue là,
ce sont nos liens d’affection, c’est le rire partagé, c’est le plaisir d’être
ensemble. Plaisir que je viens d’avoir. Merci de votre écoute.
Geneviève de TAISNE
Psychanalyste Rêve éveillé
5, rue de Turbigo
75001 Paris
GENEVIÈVE DE TAISNE • DES MAUX DE LA TRISTESSE 19
AUX MOTS DE LA VIE
BIBLIOGRAPHIE
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Geneviève de Taisne – Des maux de la tristesse
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Protegge il suo senso di vuoto interno con un alone di stan-
chezza che gli funge da holding o da io-pelle. Il transfert
funge da appoggio a questo difetto di narcisizzazione e l’im-
magine permette la rappresentazione e l’ampliamento di ques-
te sensazioni.
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