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06/01/2019 Bacon et la méthode : la libération de l’invention

Revue LISA/LISA e-
journal
Littératures, Histoire des Idées, Images, Sociétés du Monde Anglophone – Literature,
History of Ideas, Images and Societies of the English-speaking World

vol. XII-n°5 | 2014 :


Les discours de la méthode en Angleterre à l’époque classique
Francis Bacon et ses émules

Bacon et la méthode : la
libération de l’invention
Bacon and Method : How to Set Invention Free

LUC PETERSCHMITT

Résumés
English Français
In this article, I examine how Bacon is able to justify his promise that the new way he proposes
to follow in science is fruitful. I show that such a promise makes sense only if Bacon does not
claim that he totally rejects past philosophy. If this were the case, then even the bare possibility of
knowledge could not be warranted and Bacon would be a mere sceptic. This leads me to reassess
Bacon’s claim to novelty and rupture with past philosophers. I take such a claim to be mainly a
rhetorical strategy aiming at preventing men from being satisfied with their present knowledge.
In its turn, such a strategy implies that progress must be infinite and that it is impossible to
determine completely a priori the way that must be followed to produce new knowledge. One can
give but indications, which may always be improved, according to the progress of knowledge. In
this sense, it is not possible to foresee progress : nobody can tell what knowledge will be. That is
why one may say that Bacon’s philosophy aims at setting invention free.

Dans cet article, j’examine comment Bacon peut justifier sa promesse, selon laquelle la voie
qu’il propose de suivre dans les sciences est féconde. J’entends montrer que cette promesse n’a de
sens que si Bacon ne rejette pas entièrement la philosophie passée. Si c’était le cas, on ne pourrait
même pas garantir la seule possibilité de la connaissance, et Bacon ne serait que sceptique. Cela
me conduit à réinterpréter la revendication baconienne de la nouveauté et de la rupture avec les
philosophes passés. Cette revendication correspond en réalité à une stratégie rhétorique dont le

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but est d’empêcher que l’on se satisfasse de la connaissance présente. La conséquence de cette
stratégie est que le progrès doit être infini et qu’il est impossible de déterminer a priori la voie
qui doit être suivie pour produire de nouvelles connaissances. On ne peut donner que des
indications, modifiables en fonction des progrès accomplis. Dans cette mesure, on ne peut
prévoir le progress : personne ne peut dire ce que sera la connaissance. C’est pourquoi l’on peut
dire que le but de la philosophie de Bacon est de libérer l’invention.

Entrées d’index
Index de mots-clés : Bacon Francis, invention, méthode, réforme des savoirs (instauration),
progrès, nouveauté, Démocrite, Télésio
Index by keywords : Bacon Francis, invention, method, progress, novelty, Democritus, Telesio,
reform
Index géographique : England, Angleterre
Index chronologique : 17th century, XVIIe siècle

Texte intégral
1 De façon assez générale, le commentaire se plaît à souligner une forme de paradoxe.
Face au jugement de l’histoire, ou ce qui est supposé tel, l’ambition de Bacon apparaît
comme une vaine prétention. Bacon voulait réformer la science – entendons bien, cela
veut dire inaugurer une nouvelle science, et il est passé à côté de la véritable science
moderne : la physique mathématique. Que l’on se souvienne du jugement
particulièrement sévère d’Alexandre Koyré dans une note de bas de page lapidaire :

« Bacon initiateur de la science moderne » est une plaisanterie, et fort mauvaise,


que répètent encore les manuels. En fait, Bacon n’a jamais rien compris à la
science. Il est crédule et totalement dénué d’esprit critique. Sa mentalité est plus
proche de l’alchimie, de la magie (il croit aux « sympathies »), bref de celle d’un
primitif ou d’un homme de la Renaissance que de celle d’un Galilée, ou même d’un
scolastique1.

2 Un tel jugement, pour être parfaitement excessif, n’en est pas moins significatif.
A. Koyré tient clairement qu’il n’y a de science que mathématique – et sous ce
présupposé effectivement, il se pourrait que Bacon soit passé à côté de la science, c'est-
à-dire de son objet. La « rupture » baconienne reste prise dans les savoirs qui lui sont
contemporains et qui sont destinés à être bientôt dépassés par Galilée, Descartes etc. La
philosophie de Bacon serait pour le moins ambiguë : de nombreuses remarques le font
apparaître « davantage comme le philosophe de la rupture que comme celui de la
continuité. Mais dans bien d’autres chapitres, il partage entièrement les vues
scientifiques erronées de ses prédécesseurs »2.
3 Cette tension n’est que celle d’une promesse. Comment peut-on démontrer la valeur
d’une voie qui n’existe pas encore et qui n’a donc pu faire ses preuves ? Disons-le plus
abruptement : ce n’est pas parce que l’on parvient à démontrer que les autres n’ont pas
appliqué une bonne méthode que celle que l’on propose est meilleure. Toute la difficulté
est celle de la rupture initiale. S’il faut effectivement rompre avec le passé, alors la
promesse n’est pas justifiée – parce qu’on ne peut que se référer à ce qui a déjà été fait
pour avoir des raisons de croire une promesse. C’est donc la question de la rupture qu’il
convient d’examiner. Nous soutiendrons que l’articulation du nouveau et de l’ancien est
chez Bacon plus fine que la simple rupture revendiquée – ce qui ne signifie pas, tout de
même, que Bacon ne revendique pas la nouveauté. C’est ce que l’examen de l’histoire
des savoirs doit permettre de montrer3.
4 Schématiquement, si l’on suit Bacon, trois périodes doivent pouvoir être distinguées :
l’histoire préalable ; le moment de l’Instauratio ; et l’histoire postérieure (l’histoire du
savoir devenu science). Ce que sera cette histoire aux yeux de Bacon ne fait guère de
doute à ses yeux, du moins si ses recommandations sont suivies : ce sera un progrès.
C’est cette certitude et ses raisons que nous examinerons.

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La notion de rupture
5 Dans ce premier moment, nous traiterons une difficulté classique : elle concerne la
possibilité de la rupture, ou pour employer un terme qui est sans doute plus baconien,
la possibilité de la nouveauté (quelle que soit la façon dont on comprend la notion
d’instauratio, il est bien clair que Bacon entend introduire de la nouveauté dans
l’histoire des savoirs). La position de Bacon soulève deux types de difficultés. Tout
d’abord, on peut se demander s’il est possible de rompre avec le passé. Si tout ce qui a
été dit et fait n’est pas de la science, comment est-il possible de produire de la science ?
Même si l’on peut prouver que rien de ce qui se présente comme savoir n’est
satisfaisant, comment être sûr que l’on peut faire mieux ? En second lieu, en supposant
qu’une réponse satisfaisante puisse être apportée au premier problème, il reste à
comprendre pourquoi Bacon reste à ce point attaché aux savoirs de son temps. Il ne
semble guère satisfaisant de souligner comme le fait Paolo Rossi que :

[…] la complexité et la contradiction ne sont pas absentes des écrits de Bacon.


Ainsi on a assez naturellement vu en lui le premier philosophe moderne, un
produit typique de la culture de la Renaissance, le théoricien et le père de
l’empirisme, un rationaliste, le philosophe de la science industrielle, un homme
gorgé de magie et d’alchimie, le démolisseur de la tradition scolastique, un
philosophe médiéval hanté par un rêve moderne4.

6 Certainement, bien des contradictions signalées par P. Rossi ici n’en sont pas5 ;
néanmoins, ce jugement est significatif. Et de fait, bien des défenses de Bacon
soulignent combien il faut le replacer dans son contexte pour le comprendre6. La
difficulté évidente alors est que l’on retire tout sens à la promesse baconienne : à
montrer que sa méthode se rapporte à ce que l’on savait déjà, on prouve en même
temps combien elle est éloignée de ce qui se fera au cours du XVIIe siècle. Ce type de
défense est au mieux une victoire à la Pyrrhus : elle montre que si Bacon a un rapport
effectif à la science, c’est à une science peut-être déjà en voie d’être dépassée.
7 Nous partirons du premier problème : l’examen critique de la notion de rupture et de
la façon dont on a peut-être survalorisé celle-ci nous indiquera une solution pour le
second problème. Ce problème a deux moments : i) comment juger de l’irrecevabilité
des savoirs antérieurs ? et ii) comment assurer, au contraire, de la recevabilité de la
proposition baconienne de réforme ? Bacon fait du premier aspect de la question un
thème tout à fait explicite en exposant les divers signes de l’irrecevabilité des doctrines
antérieures7 : la stérilité, la contradiction, la soumission à l’autorité et enfin et surtout le
renoncement sceptique, qui conduit à attribuer à la nature les difficultés que seul celui
qui cherche (mal) à la connaître rencontre.
8 Or, si tout ceci permet de récuser les doctrines8, cela ne dit rien de ce qu’il faut faire.
Suite à ces réflexions de Bacon, on pourrait en rester au scepticisme. Bacon se distingue
des Sceptiques, au moment où il reconnaît la proximité de son propos avec le leur :

On dira encore qu’en empêchant l’esprit de se prononcer et de poser des principes


aussi longtemps qu’il n’est pas dûment parvenu, par les degrés intermédiaires, aux
propositions les plus générales, nous sommes favorables à une certaine
suspension du jugement, que nous conduisons l’entreprise à l’acatalepsie. Or ce
que nous avons en vue et proposons n’est pas l’acatalepsie mais l’eucatalepsie :
nous n’ôtons pas aux sens, mais nous les assistons ; nous ne méprisons pas
l’entendement, mais nous le gouvernons9.

9 Les Sceptiques se sont arrêtés en chemin, et ont désespéré face à la faiblesse de


l’entendement. Bacon propose au contraire de remédier à cette faiblesse de
l’entendement et des sens, de façon à pouvoir continuer la recherche. Mais pour le
moment, rien ne vient prouver la valeur de l’assistance qu’il propose, c'est-à-dire des
règles de gouvernement.
10 Bacon ne semble rien pouvoir donner de mieux que des « raisons d’espérer ». Il ne
peut donner au sens strict de preuves de la validité de sa nouvelle voie, justement parce
qu’elle est nouvelle. Elle diffère, dit-il, complètement de ce qui existe. Cela a pour
conséquence que nous ne sommes pas armés pour la juger :

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Nous ne dispensons ni ne promettons des œuvres particulières. On pourrait
cependant nous objecter qu’à faire si souvent mention des œuvres et à tout y
ramener, nous ferions bien d’en présenter quelques-unes, à titre de gages. Mais la
méthode que nous suivons (nous l’avons répété en termes clairs et il est utile de le
dire encore) ne consiste pas à tirer des œuvres d’autres œuvres, des expériences
d’autres expériences, comme le font les empiriques, mais à tirer des œuvres et des
expériences les causes et les axiomes et en retour, des causes et des axiomes de
nouvelles œuvres et expériences comme le font les interprètes légitimes de la
nature.
Et bien que dans nos tables d’invention (composant la quatrième partie de la
Restauration), dans les exemples de particuliers (présentés dans la seconde
partie) et aussi dans nos observations sur l’histoire (décrite dans la troisième
partie de l’ouvrage), un lecteur d’une pénétration et d’une ingéniosité même
moyennes relèvera partout l’indication et la désignation d’un assez grand nombre
d’œuvres importantes, cependant, nous avouons franchement que l’histoire
naturelle à notre disposition, qu’elle résulte de nos lectures ou de notre recherche
propre, n’est pas assez abondante ni assez vérifiée, pour pouvoir satisfaire et
prêter assistance à une interprétation légitime10.

11 Il est impossible de donner des « gages ». Si Bacon prétend donner des « œuvres »,
c'est-à-dire des résultats à la fois théoriques et pratiques, il n’en propose que des
indications. Et il ne donne que des interprétations partielles ou locales, ne concernant
que quelques phénomènes (la chaleur, la blancheur essentiellement), loin de fournir
une interprétation de la nature. Celle-ci est impossible, faute d’une base expérimentale
suffisante. En somme, la seule preuve possible de la validité de la voie baconienne est
manquante. Au total, Bacon établit si bien le diagnostic de la faiblesse de l’entendement
ou de l’esprit en général qu’on voit mal comment il serait possible de le soigner – cela
reviendrait à vouloir que le malade se soigne lui-même. Or il y a un fossé entre d’une
part savoir qu’on est malade et d’autre part établir le diagnostic pour envisager une
médication.
12 Il faut encore faire un pas pour bien prendre la mesure de la difficulté. Il faut purifier
l’entendement, en sorte de le rendre capable de recevoir ou de comprendre les vraies
images des choses. Or le seul moyen définitif d’y parvenir, c’est la nouvelle logique elle-
même – ou, pour le dire encore, seule l’interprétation permettra de véritablement
guérir l’entendement :

Je me contenterai de dire ce qui contient la rationem totius : le savoir dispose la


constitution de l’esprit à ne pas se fixer ou s’installer dans ses propres défauts. Il la
rend capable et même susceptible de grandir et de se réformer. L’ignorant ne sait
pas ce que c’est que descendre en soi-même, ni de se demander des comptes. Il ne
connaît pas non plus le plaisir de cette suavissima vita, indies sentire si meliorem.
Il apprendra sans doute à montrer à plein ses bons côtés, à s’en servir habilement,
mais non à les augmenter ; ses fautes, il apprendra à les cacher, à les colorer, non
à les corriger. Il sera comme le mauvais faucheur, qui continue toujours à faucher,
mais n’aiguise pas sa faux. Il en va tout autrement de l’homme instruit, qui
toujours entremêle à l’emploi de son esprit sa correction et son amélioration11.

13 Seul l’homme instruit peut se réformer. Tout le problème est qu’avant d’être instruit,
il était ignorant et donc incapable de se réformer. Comment donc est-il devenu
instruit ? Accordons donc le soupçon de Michèle Le Dœuff : « l’espérance serait-elle un
deux ex machina qui viendrait résoudre une situation parfaitement bloquée ? Après
tout, le fait que l’on parvienne parfois à connaître quelque chose semble tenir du
miracle »12. Ce n’est sans doute pas pour rien que Bacon achève la présentation de
l’Instauratio Magna sur une prière :

Tout tient en ceci : sans jamais détourner les yeux de l’esprit des choses mêmes,
en recueillir les images parfaitement fidèles. Car Dieu n’aurait pas permis que
nous prenions un rêve de notre imagination pour modèle du monde. Mais puisse-
t-il plutôt, dans sa bienveillance, nous octroyer la faveur d’écrire l’apocalypse et la
véritable raison des marques et des empreintes du Créateur sur les créatures.
Toi donc, ô père, qui en prémices as fait don à la créature de la lumière visible, et
qui en couronnement de tes œuvres as communiqué à la face de l’homme la
lumière intellectuelle, daigne protéger et conduire notre ouvrage issu de ta bonté
et destiné à ta gloire. Après t’être retourné pour contempler les œuvres qu’avaient
faites tes mains, Tu as vu que tout était bon ; et Tu t’es alors reposé. Mais

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l’homme, lorsqu’il s’est retourné vers les œuvres qu’avaient faites tes mains, a vu
combien tout était vanité et tourment de l’esprit ; et il n’a trouvé nul repos. Si donc
nous arrosons de notre sueur l’œuvre de tes mains, Tu feras de nous les
participants de ta vision et de ton sabbat. Suppliants, nous te demandons de nous
maintenir dans cet esprit ; daigne enfin, par nos mains et par celles de ceux
auxquels tu auras fait don du même esprit, dispenser de nouvelles aumônes à la
famille humaine13.

14 On ne peut être certain à l’avance de réussir. Il se pourrait que la voie baconienne soit
en réalité une impasse. Mais dès lors, la rupture semble impossible, sauf à la résoudre
en un acte de foi pour le moins douteux.
15 Cependant, toute cette analyse suppose que le discours de Bacon soit effectivement
une philosophie de la rupture, entendue en un sens radical. Ce n’est pourtant pas
nécessairement le cas. La nouveauté selon Bacon n’a peut-être pas besoin de ce point de
radicalité qu’il faille éradiquer le passé en totalité. Une lecture rapide des déclarations
de rupture les plus violentes permet de le montrer. Le contexte de ces discours est assez
clairement une recherche de la meilleure façon d’instituer une nouvelle voie pour les
sciences, c'est-à-dire de conduire le lecteur à admettre cette nécessité. Dans ces essais,
Bacon entend récuser les (pseudo-)savoirs existants. Notons que cette tentative restera
sans suite : ces traités ne seront pas publiés, sans doute parce que les stratégies
rhétoriques mises en œuvre ne convenaient pas au projet baconien14. Et de fait, dans de
nombreux textes postérieurs, on trouve des éléments qui contredisent la récusation
complète que Bacon propose ici. On ne peut prendre ces textes pour l’état définitif de la
pensée baconienne. Or même dans ces textes, la récusation est loin d’être monolithique.
16 Ainsi, dans le texte le plus abrupt, La Production virile du siècle, Bacon parvient à
faire preuve de quelques nuances. Notamment, il trouve parmi les modernes, « la
catégorie la pire », les purs rhéteurs ; mais il ajoute « moins intolérables sont ceux qui
font preuve de plus de variété et de spécificité dans les observations et les expériences,
bien que ce soit dilué et noyé au milieu des allégations les plus stupides : tels sont
Arnaud de Villeneuve et d’autres de cette espèce »15. Sans doute ne sont-ils pas
parfaits ; mais il y a une apparence de quelque chose qui pourrait être sauvé. Plus
important encore, chez les chimistes. À la fin de ses insultes à Paracelse, Bacon ajoute
un curieux passage sur l’un de ses disciples :

Je ne t’envie Paracelse, qu’un seul de tes disciples, Pierre Séverin, homme indigne
de mourir au milieu de telles inepties. Assurément Paracelse, tu as envers lui une
dette immense, car ce que toi, fils adoptif d’ânes, tu avais coutume de braire, il l’a
rendu agréable et harmonieux par une sorte de chant et de mélodie, grâce à de
délicieuses inflexions de voix, transformant ainsi d’odieux mensonges en petites
fables divertissantes. Je te pardonne, Séverin, si dégoûté de la doctrine des
sophistes, qui non seulement ne pouvait plus rien produire mais encore professait
le désespoir, tu as recherché d’autres soutiens pour notre édifice chancelant16.

17 Certes, Séverin17, chimiste paracelsien danois, n’est pas exempt de tout défaut, Bacon
ne manque pas de le faire remarquer – notamment, il aurait dû suivre la voix de la
nature plus que celle de Paracelse. Mais il est clairement distingué des autres chimistes,
« cloués par la stupeur devant cette sentence portée contre Paracelse »18.
18 Restent enfin les penseurs antiques – non Platon et Aristote, bien sûr, mais ceux qui
viennent avant : Héraclite, Démocrite, Pythagore, Anaxagore, Empédocle et d’autres. Là
encore, Bacon fait presque preuve de nuance : « De l’Antiquité j’approuve un ou deux
fragments (des découvertes veux-je dire, et non des livres) et encore y vois-je une
preuve d’ardeur et de bonne volonté plus que la marque d’un créateur de science »19. Il
est donc possible de retenir quelque chose de cette Antiquité-là. Certes cela fait peu,
mais quelque chose échappe à la radicalité de la récusation en bloc des doctrines.
19 Bien sûr, Bacon conclut que ce n’est pas dans les ténèbres de l’Antiquité qu’il faut
aller chercher des lumières pour connaître la nature. Ajoutons qu’il n’est pas besoin non
plus d’aller lire les livres obscurs de ses contemporains. La conclusion est tout de même
étrange et si elle est à prendre strictement à la lettre, on voit mal quelle est la fonction
de ces nuances que Bacon ajoute à sa diatribe destinée à récuser complètement et
définitivement les doctrines anciennes (et modernes). Nous proposons l’hypothèse

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suivante : ces remarques doivent assurer que la réforme proposée par Bacon est
possible, parce qu’il y a des traces de science dans le passé.

Figures du savoir : Démocrite et Télésio


20 La crédibilité d’une promesse repose sur ce qui a déjà été fait. Promettre donc qu’une
science ou un progrès à venir n’a de sens que si l’on sait déjà que l’esprit humain est
capable de science et de progrès. En somme, la seule promesse qui puisse être faite est
celle d’une amélioration de ce qui existe – la reformatio n’est pas une création. Mais
précisément, Bacon accorde l’existence d’un savoir chez les philosophes eux-mêmes.
Nous en retiendrons deux exemples : Démocrite et Télésio.
21 La figure de Démocrite proposée par Bacon est intéressante parce qu’il fut, à tout le
moins à ses yeux, dépositaire d’une sagesse perdue par la faute d’Aristote :

La philosophie d’Aristote après avoir, par des réfutations belliqueuses, égorgé les
autres philosophies (comme les Ottomans le font pour leurs frères), prononce sur
chaque point ; et la chose faite, le maître s’aménage des questions de son cru, pour
en venir ensuite à bout, afin que tout soit certain et tranché20.

22 En somme, Aristote a voulu rompre avec le passé. C’est peu dire qu’il n’aurait pas dû ;
mais ce reproche que lui fait Bacon est pour nous intéressant. La volonté de rupture est
ambigüe : elle peut correspondre à la volonté de se faire valoir aux dépens de ceux
auxquels on s’oppose, comme ce fut le cas d’Aristote.
23 Or, s’il faut récuser Aristote, Bacon considère qu’on ne peut faire l’économie de la
philosophie de Démocrite :

Tout homme qui s’engagera dans l’étude de la nature rencontrera cette opinion de
Démocrite, tandis que jamais il n’en viendra aux deux autres [sc. de Platon et
d’Aristote], mais les laissera à l’écart pour les écoles et les propos de table21.

24 Un tel éloge est récurrent et sérieux. Bacon ouvre ainsi ses Cogitationes de Natura
Rerum : « La doctrine de Démocrite portant sur les atomes est soit vraie, soit utile à la
démonstration »22. Reste à voir quelle est la nature exacte de ce passage obligé. Cette
déclaration n’est pas si évidente. La disjonction « soit vraie soit utile pour la
démonstration » pose problème. Elle semble redondante : pour Bacon, une doctrine ne
peut être vraie si elle n’est en quelque façon utile et réciproquement. Autrement dit, si
« utile pour la démonstration » veut dire « lumineuse », alors la doctrine atomiste de
Démocrite est soit vraie, soit vraie, ce qui n’a guère de sens. Pour que la disjonction ait
un sens, il faut que cette doctrine ne soit pas nécessairement vraie. Si elle est utile, ce ne
peut donc être que parce que l’erreur est préférable à la confusion, parce que l’on peut
en tirer quelque chose. Autrement dit, même lorsque Démocrite a tort, on peut
considérer qu’il fournit un point de départ pour la démonstration de la vérité. Or un tel
point de départ est nécessairement celui d’une réfutation. Démocrite échappe à la
récusation qui disqualifie les philosophies antérieures en bloc et sans examen de détail.
De fait, dans la suite de ce texte, Bacon prend le temps de montrer que Démocrite a
tort. En somme, l’atomisme de Démocrite n’est pas acceptable comme tel ; mais il met
sur la bonne voie23.
25 La figure de Démocrite que dessine Bacon n’est donc pas sans ambivalence. Sous les
éloges, la critique n’est jamais loin. Toutefois, cela ne suffit pas à justifier la promesse.
On pourrait en effet arguer que la rupture aristotélicienne a tout ruiné ; et que,
aujourd’hui, l’esprit est devenu trop malade après tant de temps de déformation, pour
être réformé. Nous avons déjà pour partie répondu à cette objection ; jusque dans la
philosophie médiévale, Bacon trouve quelques savants qu’il excepte au moins
partiellement de ses critiques. Mais plus proche encore de lui, Télésio témoigne que
l’esprit n’a pas entièrement perdu ses capacités. Non que Bacon en reprenne la
philosophie ; mais loin de la récuser, il prend le temps de la réfuter. Or si la méthode de
la récusation est liée au fait qu’on ne peut réfuter que ce dont on partage les principes,
alors il faut admettre que Bacon partage les principes de quelques-uns de ses
contemporains :
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À quelques-uns, il peut sembler qu’il ne vaille pas vraiment la peine de faire un tel
effort pour réfuter la philosophie de Télésio, une philosophie dont on parle peu et
qui n’est pas admise. Mais je ne m’arrête pas à de telles questions de dignité. Car
j’ai une bonne opinion de Télésio lui-même, et je reconnais qu’il est amant de la
vérité, utile aux sciences, réformateur de certaines opinions et premier parmi les
modernes ; en même temps, ce n’est pas à Télésio en lui-même que j’ai affaire,
mais à Télésio le restaurateur de la philosophie de Parménide, à qui l’on doit
beaucoup de respect. Mais ma raison principale d’être plus complet dans cette
partie est que traiter de celui qui vient le premier me donne l’occasion de discuter
bien des questions, ce qui peut être utilisé pour récuser d’autres sectes dont j’aurai
à parler plus loin, de façon à ne pas me répéter24.

26 Télésio mérite d’être discuté, et Bacon le fait de façon très détaillée. Deux raisons
expliquent ce choix. Télésio est recommandable (et il est clairement l’une des sources
positives de la philosophie naturelle de Bacon25). Mais surtout, il a été capable de
reconnaître la valeur de Parménide, c'est-à-dire finalement de voir où se trouve au
moins une lueur de vraie sagesse – prouvant ainsi qu’il a su garder un esprit
relativement sain. Non que ce qu’il a défendu soit absolument vrai. Mais dans ce
contexte, il est plus intéressant de le réfuter que de le récuser – cette réfutation pouvant
à son tour servir pour récuser en bloc d’autres « sectes », dit Bacon. Nous retrouvons ici
une attitude comparable à celle que Bacon adopte envers Démocrite. Comme si quelque
chose de la sagesse des anciens était tout de même parvenu jusqu’au XVIIe siècle.
27 On peut dès lors accorder ce qui fonde la promesse baconienne. Certes, l’esprit doit
être réformé ; mais on ne part pas de rien. Les idoles qui assiègent et déforment l’esprit
ne sont pas un obstacle dirimant. En somme, il y a effectivement une pente naturelle de
l’esprit qui le mène vers la connaissance : « il y a assurément dans l’âme humaine, tout
occupée et assiégée qu’elle est, une partie de l’entendement qui est pure et qui peut
accueillir la vérité ; et il existe un chemin légèrement incliné qui y mène »26.

La libération de l’invention
28 Tout ceci nous laisse cependant sur un paradoxe. Si effectivement la philosophie
baconienne mêle le nouveau et l’ancien, quel sens doit-on donner à cette volonté
clairement affichée de Bacon d’introduire quelque chose de neuf dans la connaissance ?
La contradiction dont nous sommes partis n’est pas résolue, au contraire, nos analyses
ne font que la rendre plus criante. C’est que la réforme est elle-même paradoxale.
Comme l’écrit Chantal Jaquet :

[…] l’entendement a moins besoin d’une réforme que d’une formation. Il ne se


restaure qu’en s’instaurant, c'est-à-dire en accomplissant son œuvre
d’interprétation. C’est pourquoi le projet baconien se présente comme une grande
instauration des sciences (Instauratio magna) et non pas comme une
restauration. Contre l’erreur sans cesse renaissante, l’invention est en somme la
meilleure des préventions27.

29 Il n’y a pas nécessairement de cercle vicieux (pour éviter l’erreur, il faut inventer, ce
qui suppose d’éviter l’erreur). Ce serait le cas si, au départ, on était toujours et
nécessairement dans l’erreur, ce qui n’est pas vrai. Il faut donc comprendre que le
cercle ici est dynamique : l’invention doit permettre de nouvelles inventions – ce qui
finalement protège de l’erreur autant qu’il est possible. En un sens, si faible que soit la
pente qui mène l’esprit à la vérité, la réforme promue par Bacon consiste
essentiellement à lever les obstacles qui empêchent l’esprit d’avancer.
30 Or la façon dont Bacon présente sa position dans l’histoire a cette fonction. C’est une
leçon qu’il prétend tirer, d’ailleurs, des anciens. Ainsi selon lui, les fables des anciens
recèlent des vérités. Notamment, l’interprétation de la fable de Prométhée permet de
comprendre la position de Bacon : selon la version qu’il en donne, ce sont les hommes
qui ont dénoncé aux dieux Prométhée après qu’il a volé le feu, ce dont ils se voient
récompensés. Curieux paradoxe que de couvrir de bienfaits celui qui dénonce son
bienfaiteur ! Selon Bacon, cela signifie que les hommes ne doivent pas se contenter de

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ce qu’ils ont – parce que le fait de croire que les arts et les sciences sont bien avancés est
l’une des causes de la stérilité et de l’absence de progrès :

L’allégorie veut signifier qu’en accusant leur nature et l’art, les hommes font
preuve d’un excellent état d’esprit, qui leur réussit, alors qu’en faisant le contraire,
ils attirent la haine des dieux et le malheur. Car ceux qui vantent à l’excès la
nature humaine ou les arts déjà acquis, qui prodiguent leur admiration pour les
choses qu’ils possèdent et dont ils jouissent, qui veulent enfin faire passer pour
parfaites les sciences qu’ils professent et cultivent, ceux-là manquent d’abord de
respect à la nature divine, puisque c’est tout juste s’ils ne donnent pas à leurs
œuvres le même degré de perfection. Ce sont ensuite des hommes complètement
stériles, parce qu’ils pensent avoir déjà atteint la cime de l’univers et, comme s’ils
étaient définitivement arrivés, ne cherchent plus outre. Au contraire, ceux qui
dénoncent et accusent l’art et la nature, qui ne cessent de se lamenter, font en fait
preuve d’un esprit plus modeste, et sont perpétuellement tendus vers de nouveaux
travaux et de nouvelles découvertes28.

31 Croire que l’on sait déjà est évidemment un obstacle majeur à la recherche du savoir.
En somme, il faut concevoir que le thème de la rupture est une stratégie de Bacon :
instiller l’idée qu’il faut se (re)mettre à chercher. Or, il faut remarquer que cette attitude
est rapportée à Empédocle et Prométhée qui se plaignent fort et à Démocrite, dont la
plainte est plus douce, tous trois opposés à la fois à Aristote qui a cru savoir et à la
Nouvelle Académie, qui a désespéré de savoir.
32 Toutefois, si cela résout la tension dont nous sommes partis, il reste en suspens la
question de la validité de la promesse. Certes, Bacon a le droit de promettre un progrès,
justement parce que cette promesse ne repose pas sur une rupture absolue qui la
rendrait vaine. Il n’en reste pas moins que dans son contenu, la promesse baconienne
ne s’est pas réalisée – ou du moins pas sous la forme qu’il semblait vouloir donner à la
science. En somme, il y a bien eu progrès dans la connaissance à partir du XVIIe siècle ;
mais ce progrès n’a pas suivi la voie baconienne. Pour achever notre propos, nous
voulons suggérer que cela n’invalide pas totalement la promesse de Bacon. Ce serait le
cas s’il avait effectivement voulu donner une forme déterminée au savoir. Or cela n’est
pas évident. Considérons la promesse de Bacon de la façon la plus formelle : la voie qu’il
propose doit permettre enfin un vrai progrès dans les sciences. Autrement dit, elle a
pour but de libérer l’invention. Or il y aurait un paradoxe à vouloir que l’invention suive
un chemin tracé d’avance, au sens strict une méthode définitive. Tout l’effort de Bacon
consiste à libérer l’invention des obstacles qui l’entravent. Mais dès lors, elle en devient
imprévisible. Non sans règles peut-être ; mais les règles ne peuvent être déterminées
une fois pour toutes.
33 L’effet de l’instauratio peut être compris de façon différentielle : elle nous fait quitter
l’impasse dans laquelle nous nous trouvons pour une autre voie, infinie. Mais cela
signifie que le devenir de la science est imprévisible. Autrement dit, l’idée de progrès ne
peut être déterminée. Pour le montrer, partons du critère de vérité tel que l’énonce le
Valerius Terminus :

Que la découverte de nouvelles œuvres et de directions actives inconnues


auparavant est le seul test que l’on doive recevoir ; et qu’il ne s’agit pas là du cas
où un particulier en met au jour un autre, mais de celui où des particuliers
induisent un axiome, ou une observation, lequel axiome une fois dégagé découvre
et désigne de nouveaux particuliers. Que ce test, par nature, ne décide pas
seulement si l’on peut ou non tirer profit de la connaissance, mais si elle est vraie
ou non ; non qu’il vous soit toujours permis de conclure que l’Axiome est vrai
quand il découvre de nouvelles instances, mais, au contraire, vous pouvez
conclure sans risque que s’il ne découvre aucune nouvelle instance, il est faux et
sans consistance29.

34 Pour être vrai, le savoir doit être lumineux – c'est-à-dire fécond. L’idée de fécondité
est ici très claire : le savoir vrai permet d’avancer dans des directions qui étaient
auparavant inconnues. Il faut tirer toutes les conséquences de cette affirmation.
35 La première est assez évidente. Supposons qu’à partir d’une histoire naturelle bien
faite on ait pu induire correctement des axiomes moyens corrects. On en déduira de
nouveaux particuliers. À leur tour, ceux-ci vont servir de base pour une nouvelle

https://journals.openedition.org/lisa/6285 8/13
06/01/2019 Bacon et la méthode : la libération de l’invention

induction qui, si elle est bien menée, permet d’aboutir à de nouveaux axiomes : « Les
axiomes, lorsqu’ils sont abstraits d’une manière réglée et ordonnée, à partir des
particuliers, indiquent et désignent aisément de nouveaux particuliers. Et c’est par là
qu’ils rendent les sciences actives »30. Une science active produit de nouvelles
connaissances, en un cercle infini d’inductions et de déductions pratiques31. Mais du
coup, la connaissance vraie n’a pas de fin assignable. Si on admet le critère de Bacon,
alors il est impossible d’achever le savoir – tout axiome qui n’indiquerait pas de
nouveaux particuliers est faux. Cet inachèvement est celui d’une invention libre.
36 Une conséquence particulièrement importante en est la façon de présenter les
sciences. Contre la présentation systématique, qui donne l’illusion de la complétude et
contribue ainsi à empêcher le progrès32, Bacon veut que le savoir soit présenté sous
forme d’aphorismes :

On peut transmettre le savoir par aphorismes ou dans des exposés méthodiques


[…]. L’écriture sous forme d’aphorismes a de nombreuses et excellentes qualités,
que l’écriture en système est loin d’égaler. En effet, premièrement, cette manière
d’écrire par aphorismes éprouve le propos de l’auteur et elle en révèle la
superficialité ou la consistance. Les aphorismes, à moins d’être ridicules, ne
peuvent être faits que de la moelle et du cœur des sciences : le discours
d’illustration est supprimé, la rhétorique de la liaison et de la mise en ordre est
supprimée, les descriptions de la pratique sont supprimées. Ainsi, il ne reste plus
pour remplir les aphorismes qu’une bonne quantité d’observations. Par
conséquent, nul n’est capable d’écrire des aphorismes, nul ne s’y essaiera, sans
une connaissance solide et bien assise […]. Deuxièmement, les méthodes sont plus
propres à emporter l’assentiment ou la persuasion [que les aphorismes] mais
moins aptes à orienter vers l’action car elles mènent à une sorte de démonstration
en orbe ou en cercle, une partie en éclairant une autre, et par conséquent elles
procurent satisfaction à l’esprit. Mais les éléments particuliers, étant en eux-
mêmes dispersés, sont plus en accord avec les directives dispersées. Enfin les
aphorismes, en tant qu’ils présentent un savoir morcelé, invitent les hommes à
pousser leur recherche plus loin, tandis que les méthodes, offrant l’apparence
d’une totalité, rassurent les hommes, comme si le point ultime était atteint33.

37 Les aphorismes supposent donc un savoir solide, dont ils montrent en même temps
l’inachèvement. Pas de paradoxe ici, mais une conséquence nécessaire : la solidité du
savoir entraîne pour Bacon une inachevabilité de principe.
38 Ce choix de l’écriture aphoristique a un effet qui n’a pas encore été assez exploré. Si
l’on s’en tient à ce que dit Bacon dans ce passage et les passages parallèles, cette forme
concerne d’abord l’exposition du savoir. Or, le Novum Organum est écrit sous forme
d’aphorismes, et ce de façon tout à fait cohérente avec ce que nous venons de voir :

Nous devons rappeler que dans le présent Organum, nous traitons de la logique,
et non de la philosophie. Mais comme notre logique enseigne et forme
l’entendement non point à attraper et à entortiller, avec les vrilles ténues de
l’esprit, telles ou telles abstractions des choses (ainsi que le fait la logique
commune), mais à disséquer véritablement la nature et à inventer les vertus et les
actes des corps, ainsi que leurs lois déterminées dans la matière, en sorte que cette
science ne découle pas seulement de la nature de l’esprit, mais aussi de la nature
des choses – on ne s’étonnera pas que notre logique ait été partout émaillée et
illustrée de considérations et d’expériences sur la nature, que nous avons avancées
comme exemples de notre art34.

39 La logique et la science ne peuvent être vraiment séparées. On ne peut donner sens à


des préceptes logiques que s’ils sont productifs – le critère de vérité portant sur les
axiomes vaut aussi des règles du raisonnement (les syllogismes ne sont pas faux, ils
sont parfaitement valides, mais absolument stériles35).
40 La voie proposée par Bacon est certes sûre ; mais rien n’implique qu’elle soit
absolument définitive. Tout ce que Bacon dit de la science vaut manifestement pour la
logique. Ainsi achève-t-il les Cogitata et visa :

Il [sc. Bacon] veut encore que l’on sache qu’il ne met en demeure (comme on le
fait aujourd’hui chez les hommes en matière d’arts) d’appliquer aucune formule
d’invention, mais qu’après l’essai de toutes, la formule de recherche qu’il a
approuvée et révélée, au terme d’une longue pratique, et en faisant preuve, croit-il,
d’un peu de jugement, est la plus exacte et la plus utile. Pourtant, il ne s’oppose
https://journals.openedition.org/lisa/6285 9/13
06/01/2019 Bacon et la méthode : la libération de l’invention
pas à ce que les hommes qui ont plus de loisir, ou qui auront déjà surmonté les
difficultés inévitables des commencements, ou qui ont une intelligence plus vaste
et plus élevée, apportent des perfectionnements à cette formule, car il estime, pour
sa part, qu’incontestablement l’art d’inventer s’accroît au fur et à mesure des
inventions36.

41 Il faut certes faire la part de la rhétorique dans ce genre de déclaration. Mais on en


trouve assez de versions sous la plume de Bacon pour devoir les prendre au sérieux. S’il
s’agit ici de perfectionner la méthode qu’il promeut, le Novum Organum semble plus
radical, en indiquant une certaine plasticité de la méthode. Ainsi Bacon reprend-il la
nécessité d’adapter la méthode à son objet : « Nous faisons entrer dans notre doctrine
de l’interprétation un grand nombre de préceptes divers, qui, dans une certaine mesure,
ajustent le mode d’invention à la qualité et à la condition du sujet de la recherche »37.
Mais là encore, avec le progrès des sciences, de nouveaux particuliers apparaissent, et
avec eux de nouveaux sujets de recherche. De proche en proche, non seulement la
méthode n’est pas un corps unifié, mais il se pourrait que sous le thème général de
l’induction, elle se divise en divers corps particuliers. C’est ce que souligne la conclusion
de la première partie du Novum Organum :

Le temps est venu d’exposer l’art même d’interpréter la nature. Quoique nous
pensions avoir renfermé en lui des préceptes très utiles et très vrais, nous ne lui
attribuons pas cependant une nécessité absolue (comme si rien ne pouvait être fait
sans lui), ni même une perfection entière. Notre sentiment est en effet celui-ci : si
les hommes avaient à leur disposition une juste histoire de la nature et de
l’expérience et s’y appliquaient avec soin ; s’ils pouvaient s’imposer deux règles : la
première de renoncer aux opinions et aux notions reçues ; la seconde, de retenir
pour un temps leur esprit loin des propositions les plus générales et de celles qui
s’en approchent ; il se pourrait alors que, par la force propre et naturelle de celui-
ci, sans autre art, ils en vinssent à notre forme d’interprétation. Car
l’interprétation est l’œuvre vraie et naturelle de l’esprit, quand tous les obstacles
ont été ôtés. Il est certain cependant que nos préceptes rendront tout plus facile et
beaucoup plus ferme38.

42 Ce qui vaut de l’interprétation vaut de l’histoire naturelle elle-même :


43 La principale partie en cette matière repose sur ceci : que ceux qui entreprendront
d’écrire une histoire naturelle gardent à l’esprit qu’ils ne doivent pas consulter le plaisir
du lecteur, ni même l’utilité que l’on peut immédiatement tirer de ce qu’ils rapportent ;
mais qu’ils doivent chercher et rassembler des choses en assez grand nombre et
suffisamment diverses pour qu’elles permettent de former des axiomes vrais. Qu’ils se
souviennent de ceci et ils trouveront d’eux-mêmes la manière de composer l’histoire.
Car la fin règle la manière39.
44 Ce n’est pas dire que la méthode proposée par Bacon ne sert à rien. Nous y voyons
plutôt l’idée que Bacon propose une voie qui, pour être bonne, n’est pas la seule
possible. Précisément, dans la mesure où l’on ne peut séparer la science et sa logique,
toute évolution de la science ne peut manquer d’avoir des effets sur la logique elle-
même. Dès lors, on peut donner tout son sens à la proposition de Didier Deleule, selon
laquelle l’Instauratio doit être comprise comme une « bifurcation »40 : on parvient à la
croisée des chemins, et l’Instauratio indique qu’une autre voie est possible, en
indiquant comment commencer à la suivre. Mais Bacon ne dit rien de la façon dont il
faudra continuer. Pour dire les choses de façon encore un peu différente : la voie est
ouverte – tout ce que l’on sait, c’est qu’elle mène au but (le savoir). Cela reste formel :
on ne sait pas exactement comment elle y mène ni jusqu’où cela va, car le propre du
savoir est de nous donner des directives ou des directions encore inconnues. C’est ce
que signifient les remarques qui achèvent la Distributio operis, c'est-à-dire la
présentation d’ensemble de l’Instauratio Magna :

La sixième partie de notre œuvre (au service et au soutien de laquelle toutes les
autres sont vouées) ouvre enfin la porte et la carrière à la philosophie, enfantée et
constituée à partir de cette voie de recherche légitime, purifiée et sévère, que nous
avons auparavant enseignée et préparée. Mais achever et mener à terme cette
dernière entreprise surpasse nos forces et outrepasse nos espoirs. À nous de lui
avoir apporté des commencements, espérons-le, non méprisables ; à la fortune
future du genre humain de lui apporter son aboutissement, un aboutissement que

https://journals.openedition.org/lisa/6285 10/13
06/01/2019 Bacon et la méthode : la libération de l’invention
dans l’état actuel des choses et des esprits, les hommes pourraient sans doute
difficilement concevoir et mesurer. Car il ne s’agit pas seulement ici du succès de
la spéculation, mais de la condition et de la destinée humaine, et de toute la
puissance des œuvres41.

45 Bacon n’achève pas l’Instauratio, ni même le Novum Organum. Il est d’ailleurs sans
doute significatif que son dernier grand ouvrage soit le De Augmentis, la version
amplifiée de Du progrès et de la promotion des savoirs : à la fin de sa carrière, la liste
des desiderata reste quasiment telle qu’elle était en 1605. Ce n’est pas que les forces ont
manqué à Bacon, comme il le dit lui-même42. C’est bien plutôt que la voie sur laquelle
Bacon entend engager la science ne permet pas, par principe, d’achever quoi que ce soit.
46 Pour conclure, nous voulons insister sur quelques éléments. Le premier concerne
Bacon lui-même. La proposition méthodique de Bacon est normative. Il est bien évident
que Bacon pense qu’elle est bien meilleure que les autres. Mais c’est un point de départ.
La méthode est plastique et ne peut que s’améliorer de ses propres succès. En retour, ce
sont ceux-ci qui fourniront la dernière preuve de la validité de la méthode. Si la voie est
certaine, elle n’est pas définitivement tracée : Bacon se veut un guide, il donne des
indications – bref, il montre une direction, en instaurant les conditions du progrès. La
suite relève et ne peut que relever du travail du savoir lui-même, qui pavera sa propre
route en avançant. La logique baconienne dès lors est celle d’une science se faisant43.
Nous pouvons alors proposer une hypothèse à propos de la façon dont Bacon constitue
les règles qu’il propose. Puisqu’il n’est pas question de s’affranchir totalement de tout
savoir existant, on peut penser que Bacon établit ses règles par une forme d’induction :
il se repose sur des procédures en usage productrices de savoir, sur le modèle de la
production des axiomes dans les sciences. La stricte rupture avec le passé est dès lors
impossible : c’est dans le savoir existant que Bacon doit chercher ses règles, ou encore,
c’est à partir de ce savoir qu’il doit les inventer. Deux solutions sont possibles. Soit de
telles règles existent, au sein de procédures inutiles : il faut les extraire – ainsi des
« essais d’expérience » des empiriques. Ou bien elles n’existent pas ; mais nous sommes
alors dans le cas des propositions négatives, qui sont tout aussi lumineuses que les
autres, à condition de savoir ce que l’on peut en conclure. Le relevé des obstacles
indique ipso facto ce que l’on peut faire : ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent et a
conduit à ne pas progresser.

Notes
1 Alexandre Koyré, Études galiléennes, Paris : Hermann, 1966, 12 n.4.
2 Jean-Claude Margolin, « L’idée de nouveauté et ses points d’application dans le Novum
Organum de Bacon », in Michel Malherbe et Jean-Marie Pousseur (Dir.), Francis Bacon. Science
et méthode, Paris : Vrin, 1985, 31.
3 Cf. Didier Deleule, Francis Bacon et la réforme du savoir, Paris : Hermann, 2010,
introduction. D. Deleule souligne le nécessaire entremêlement du passé et du présent dans la
philosophie de Bacon. Nous entendons en démêler la logique.
4 Paolo Rossi, Francis Bacon. From Magic to Science, trad. S. Rabinovitch, Londres :
Routledge and Kegan Paul, 1968, 2d ed. Chicago & Londres : The University of Chicago Press,
1978, introduction (non paginée), IV-V (notre traduction).
5 Cf. en particulier Bernard Joly, « Bacon réformateur de l’alchimie : tradition alchimique et
invention scientifique au début du XVIIe siècle », Revue philosophique de la France et de
l’étranger, 128, 2003/1, 23-40.
6 Pour une tentative récente allant en ce sens, cf. Mickaël Popelard, Francis Bacon.
L’humaniste, le magicien, l’ingénieur, Paris : PUF, 2010, 7-19 ; pour un exposé critique d’autres
défenses, cf. Luc Peterschmitt, « Bacon et la chimie. À propos de la réception de la philosophie
naturelle de Francis Bacon aux XVIIe et XVIIIe siècles », Methodos, 5, 2005, §§ 5-15
(http://methodos.revues.org/385).
7 Cf. Francis Bacon, Novum Organum, trad. Michel Malherbe et Jean-Marie Pousseur, Paris :
PUF, 1986, I, §§ 71-77. Nous donnerons les références à Bacon dans les traductions françaises
lorsqu’elles existent ; sinon, nous nous référerons à The Works of Francis Bacon, éds. James
Spedding, Robert Leslie Ellis & Douglas Denon Heath, 14 vols., Londres, 1857-1858 [1848].
8 Bacon procède à la récusation lorsque la réfutation n’est pas possible. La réfutation est en
effet une discussion des positions, ce qui suppose un terrain commun ou des principes partagés

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06/01/2019 Bacon et la méthode : la libération de l’invention
permettant de circonscrire le désaccord. Quant à elle, la récusation est un rejet en bloc ou une fin
de non recevoir opposée à une doctrine ou un philosophe.
9 Francis Bacon, Novum Organum, op. cit., I, 126, 179.
10 Ibid., I, 117, 170-171.
11 Francis Bacon, Du progrès et de la promotion des savoirs, trad. Michèle Le Dœuff, Paris :
Gallimard, 1991, 72-73 ; pour des commentaires à ce propos, cf. P. Rossi, Francis Bacon. From
Magic to Science, op. cit., 163 et Chantal Jaquet, Bacon et la promotion des savoirs, Paris : PUF,
2010, 287 : « la seule thérapie qui vaille : l’instauration du savoir ».
12 Michèle Le Dœuff, « L’espérance dans la science », in M. Malherbe et J.-M. Pousseur (Dir.),
Francis Bacon, Science et méthode, op. cit., 42.
13 F. Bacon, Distributio operis, in Novum Organum, op. cit., 87.
14 Cf. l’introduction de D. Deleule, in F. Bacon, Récusation des doctrines philosophiques et
autres opuscules, trad. Georges Rombi et Didier Deleule, Paris : PUF, 1987, 13 sq. ; si le modèle
rhétorique change, cependant Bacon ne cesse pas de marquer la nouveauté de son projet.
15 F. Bacon, Production virile du siècle, in F. Bacon, Récusation des doctrines philosophiques
et autres opuscules, ibidem, 55
16 Ibid., 64-65.
17 Pour une présentation de Séverin, cf. Jole Shackelford, A Philosophical Path for Paracelsian
Medicine : The Ideas, Intellectual Context, and Influence of Petrus Severinus (1540–1602),
København : Museum Tusculanum Press, 2004 ; pour un commentaire sur les relations entre
Bacon et Séverin, cf. B. Joly, « Bacon réformateur de l’alchimie : tradition alchimique et
invention scientifique au début du XVIIe siècle », op. cit., passim.
18 Francis Bacon, Production virile du siècle, op. cit., 65.
19 Ibid., 67.
20 F. Bacon, Novum Organum, op. cit., I, 67, 128.
21 F. Bacon, Le « Valerius Terminus » (de l’interprétation de la nature), traduction, notes et
commentaires de François Vert, Paris : Méridiens Klincksieck, 1986, 37, voir également, Novum
Organum, op. cit., I, 51, 63, 71, 86, II, 35, 39, 43, 48 ; à propos de cette opposition, cf. P. Rossi,
Francis Bacon. From Magic to Science, op. cit., 88 s.
22 F. Bacon, Cogitationes de Natura Rerum, I, in The Works of Francis Bacon, op. cit., III, 15.
23 On peut ainsi comprendre l’apparente contradiction entre ces déclarations, reprises dans le
De Principiis atque Originibus secundum fabulas Cupidinis et Coeli, sive Parmeniis, et Telesii et
praecipue Democriti philosophia tractata in fabulae Cupidini de 1624 et le Novum Organum, où
Bacon déclare : « On n’en viendra pas pour cela aux atomes qui présupposent le vide et une
matière non changeante (deux choses également fausses), mais aux véritables particules, telles
qu’on les découvre réellement » (Novum Organum, op. cit., II, 8, 193-194). Sans doute Bacon
modifie-t-il sa position à l’égard de la notion de vide interstitiel, qu’il finit par refuser après
l’avoir admise à la suite de Démocrite. Mais surtout, on peut faire l’hypothèse que Démocrite met
sur la voie de ces particules véritables. L’éloge reste donc justifié, et l’atomisme est toujours une
position intéressante, à défaut d’être vraie.
24 F. Bacon, De principiis atque originibus…, in The Works of Francis Bacon, op. cit., III, 113-
114.
25 Cf. Stephen Gaukroger, Francis Bacon and the Transformation of Early Modern
Philosophy, Cambridge : Cambridge UP, 2001, 175s.
26 F. Bacon, Récusation des doctrines philosophiques, op. cit., 91.
27 C. Jaquet, Bacon et la promotion des savoirs, op. cit., 288.
28 F. Bacon, La Sagesse des Anciens, traduction, annotations et introduction par Jean-Pierre
Cavaillé, Paris : Vrin, 1997, 132.
29 F. Bacon, Valerius Terminus, op. cit., 56 (trad. mod.).
30 F. Bacon, Novum Organum, op. cit., I, 24, 106.
31 Cf. Michel Malherbe, “Bacon’s Method of Science”, in Markku Peltonen (ed.), The
Cambridge Companion to Bacon, Cambridge : Cambridge UP, 1996, 95 sq.
32 Cf. en particulier F. Bacon, Novum Organum, op. cit., I, 86, 147.
33 F. Bacon, Du progrès et de la promotion des savoirs, op. cit., 186-187.
34 F. Bacon, Novum Organum, op. cit., II, 52, 332.
35 Cf. A. Charrak, « La critique du syllogisme dans Bacon et Descartes », Les Études
philosophiques, 75, 2005/4, 469-484.
36 F. Bacon, Cogitata et visa, XIX, in Récusation des doctrines philosophiques et autres
opuscules, op. cit., 215.
37 F. Bacon, Novum Organum, op. cit., I, 127, 180.

https://journals.openedition.org/lisa/6285 12/13
06/01/2019 Bacon et la méthode : la libération de l’invention
38 Ibid., I, 130, 183.
39 F. Bacon, Parasceve ad historiam naturalem et experimentalem, § 2, Sp. I, 396.
40 D. Deleule, Francis Bacon, la réforme du savoir, op. cit., 55.
41 F. Bacon, Distribution de l’œuvre (Distributio operis), in Novum Organum, op. cit., 86-87.
42 Ainsi déclare-t-il : « nous ne proposons aucune théorie universelle ou complète. Il ne
semble pas en effet que le temps soit venu pour une telle entreprise. Au demeurant, nous
n’espérons pas vivre assez longtemps pour mener à terme la sixième partie de la Restauration
(consacrée à la philosophie qu’on invente par l’interprétation légitime de la nature) » (Novum
Organum, op. cit., I, 116, 170).
43 Il est alors possible d’interpréter ce que Stephen Gaukroger reproche à la Nouvelle
Atlantide, à savoir son indécision fondamentale : Bacon sait qu’une institution est nécessaire.
Mais la forme exacte qu’elle doit prendre dépend aussi de ce qu’on y fera, et qui n’est guère
prévisible. Il n’y aurait donc pas de sens à vouloir établir des statuts et règles définitifs. Bacon ne
manque donc pas de sens pratique. D’autant moins dira-t-on que l’initiative d’une telle
réalisation doit relever de l’État et non de l’initiative privée : l’auteur Bacon a vocation à
conseiller, et pour cela illustrer, mais non à faire – cf. S. Gaukroger, op. cit., 165-166.

Pour citer cet article


Référence électronique
Luc Peterschmitt, « Bacon et la méthode : la libération de l’invention », Revue LISA/LISA e-
journal [En ligne], vol. XII-n°5 | 2014, mis en ligne le 15 octobre 2014, consulté le 06 janvier
2019. URL : http://journals.openedition.org/lisa/6285

Auteur
Luc Peterschmitt
Luc Peterschmitt est agrégé de philosophie et docteur en histoire de la philosophie et histoire
des sciences. Ses travaux portent sur les rapports entre sciences et philosophie à l’âge
classique. Il a publié notamment Berkeley et la chimie. Une philosophie pour la chimie au
XVIIIe siècle, Classiques Garnier 2011 et dirigé une anthologie de textes Espace et
métaphysique de Gassendi à Kant, Hermann, 2013.

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