Sunteți pe pagina 1din 76

Rapport de fin de cycle

RAPPORT D’ETUDE
AU CŒUR DES
CONFLITS MINIERS
EN REPUBLIQUE
DE GUINEE

ETUDE DIAGNOSTIQUE
DES CONFLITS DANS
LES ZONES D’IMPACT
DES MINES
INDUSTRIELLES

1
Rapport de fin de cycle

TABLE DES MATIERES

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS ...................................................................................................................... 3

LISTE DES TABLEAUX, GRAPHIQUES, FIGURES ET ENCADRES .................................................................... 4

GLOSSAIRE ............................................................................................................................................................................ 5

i. PRINCIPAUX RESULTATS ................................................................................................................................ 6


ii. PRINCIPALES RECOMMANDATIONS .......................................................................................................... 9

1. INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 12

2. CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L’ETUDE ........................................................................................ 13

3. OBJECTIFS, RESULTATS ATTENDUS ET PORTEE DE L’ETUDE .................................................... 14

3.1. Objectifs de l’étude .......................................................................................................................................... 14 3.2.


Résultats attendus de l’étude...................................................................................................................... 15
3.3. Portée de l’étude .............................................................................................................................................. 15

4. CADRE METHODOLOGIQUE DE L’ETUDE .............................................................................................. 16

4.1. Présentation de la méthodologie du volet étude diagnostique ...................................................... 16


4.2. Méthodologie du volet carte interactive et système d’alerte précoce .......................................... 19

5. ETAT DES LIEUX DES CONFLITS DANS LES ZONES MINIERES .................................................... 21

5.1. Vue d’ensemble des conflits dans les huit zones minières ............................................................. 21
5.2. Les conflits et leurs causes .......................................................................................................................... 38

6. ETAT DES LIEUX DES REPONSES AUX CONFLITS DANS LES ZONES MINIERES ................... 47

6.1. Vue d’ensemble de la prévention et de la gestion des conflits .................................................... 47 6.2.


De la complémentarité et la collaboration entre les mécanismes............................................... 53
6.3. Actions en riposte et de prévention cours ............................................................................................... 54

7. A CŒUR OUVERT, LES COMMUNAUTES EXPLORENT LEURS PROBLEMES ........................... 56

7.1. Zones minières ou zones minées: les problèmes de l’heure et les risques de
rebondissement des conflits associés ................................................................................................................ 56 7.2.
Problématique de l’accès à l’information et du dialogue social ................................................... 60
7.3. Le rêve minier ou ce qui en reste .............................................................................................................. 61

8. APERÇU DE L’IMPACT DES OPERATIONS SUR LES DROITS HUMAINS AU NIVEAU


COMMUNAUTAIRE ......................................................................................................................................................... 63
8.1. Quelques normes internationales en vigueur dans l’industrie extractive ............................... 63 8.2.
Quelques outils de promotion et de protection des droits humains au niveau national ... 63
8.3. Niveau de prise en compte des droits humains dans les opérations minières ...................... 64

9. CONCLUSION ...................................................................................................................................................... 70

2
Rapport de fin de cycle

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

BGEEE: Bureau Guinéen d’Etudes et d’Evaluation Environnementale


CBG: Compagnie des Bauxites de Guinée
CCLM: Comité de Concertation dans les Localités Minières
CDC : Convention de développement Communautaire
CECIDE : Centre du Commerce International pour le Développement

LISTE DES TABLEAUX, GRAPHIQUES, FIGURES ET ENCADRES

Tableaux

Tableau 1 – Sites et opérateurs miniers concernés par


l’étude……………………………………Erreur ! Signet non défini.
Tableau 2 - Interaction avec les sociétés minières .......................................................................... 18
Tableau 3 -Besoins et fonctionnalités proposés pour la carte ................................................... 20
Tableau 4 - Ampleur des conflits par localité .................................................................................... 30
Tableau 5 - Niveau de collaboration vu par les sociétés minières ............................................ 53
Tableau 6 - Comparaison offre et normes en infrastructures et services sociaux de base

3
Rapport de fin de cycle

....................................................................................................................................... Erreur ! Signet non défini.


Tableau 7 - Inventaire du passif lié à l'usage de la force ............................................................... 68

Graphiques

Graphique 1 - Ampleur des conflits dans les huit zones ............ Erreur ! Signet non défini.
Graphique 2 - Evolution des conflits par année ............................. Erreur ! Signet non défini.
Graphique 3 - Proportion pour chaque ordre et sous ordre de conflit ................................... 34
Graphique 4 - Répartition des conflits selon leur nature par localité .. Erreur ! Signet non
défini.
Graphique 5 - Vue rapprochée sur la nature des conflits par localité ..................................... 35
Graphique 6 - Ampleur des confliits .................................................. Erreur ! Signet non défini.
Graphique 7 - Nature du conflit selon l'ampleur ........................... Erreur ! Signet non défini.
Graphique 8 - Etat du conflit ................................................................. Erreur ! Signet non défini.
Graphique 9 - Mode de règlement ...................................................... Erreur ! Signet non défini.
Graphique 10 - Niveau de satisfaction .............................................. Erreur ! Signet non défini.
Graphique 11 - Causes des conflits ..................................................... Erreur ! Signet non défini.
Graphique 12 - Synopsis des conflits en zone SAG ....................... Erreur ! Signet non défini.
Graphique 13 - Synopsis des conflits en zone SMD ...................... Erreur ! Signet non défini.
Graphique 14 - Synopsis des conflits en zone FGM ...................... Erreur ! Signet non défini.
Graphique 15 - Synopsis des conflits en zone GAC ....................... Erreur ! Signet non défini.
Graphique 16 - Synopsis des conflits en zones Friguia ............... Erreur ! Signet non défini.
Graphique 17 - Synopsis des conflits en zone WAE ..................... Erreur ! Signet non défini.
Graphique 19 - Risque de rebondissement ........................................................................................ 56
Graphique 20 - Degré de stisfaction par zone de conflits .......... Erreur ! Signet non défini.

Encadrés

Encadré 1 - Kintinian .................................................................................................................................. 41


Encadré 2 - La situation sanitaire à Léro et Carrefour ................................................................... 43
Encadré 3 - Kintinian ou les revendiications à la chaîne ........... Erreur ! Signet non défini.
Encadré 4 - Siguirinii ou le berceau de la contestation du permis social .... Erreur ! Signet
non défini.
Encadré 5 - FGM ou la désillusion d'une communauté abusée Erreur ! Signet non défini.
Encadré 6 - GAC et son PARC, une première en Guinée ............. Erreur ! Signet non défini.
Encadré 7 - Une sécurité minière en manque de dynamisme ..................................................... 47
Encadré 8 - C'est quoi les CCLM? ......................................................... Erreur ! Signet non défini.
Encadré 9 - Axes stratégiques du PTA Chambre des Mines-SINU ............................................. 54
Figures

Figure 1 - Schéma de communication .................................................................................................. 45

4
Rapport de fin de cycle

GLOSSAIRE

Conflit : Dans le cadre de la présente étude, le conflit renvoie (pas aux conflits civils que
l’on peut noter à certains endroits du monde pour l’accès aux ressources minières et
minéralières pour nourrir ces mêmes conflits mais) à la manifestation de tout désaccord
par un acte violent ou non violent, larvé ou ouvert qui marque une rupture de dialogue
suite à un acte posé volontairement ou non par une société minière, une communauté
impactée, ou par les autorités locales etc… les conflits étudiés dans le cadre de cette études
sont ceux impliquant un des groupes d’acteurs sus cités opposé à un autre ou plusieurs de
ces groupes à la fois. Cela exclu donc les relations conflictuelles qu’un individu peut
entretenir avec une société minière du fait de la non satisfaction de revendications
légitimes au cours de laquelle l’adversité n’a pas entrainé un mouvement impliquant
l’ensemble ou une partie de la communauté dont l’individu est membre en signe de
protestation ou en soutien à la cause.

Conflit larvé : Encore latent, le conflit larvé est celui qui existe sans pour autant être
manifeste à l’instant ‘‘T’’. Il peut avoir été ouvert puis entré en latence pour plusieurs
raisons : des négociations ont pu calmer les protagonistes sans les avoir convaincus. Il
peut aussi renvoyer à un grief dont le degré de sévérité est prompt à déclencher un conflit.
Par exemple, l’endigage d’un cours d’eau par une société minière sans le consentement
des communautés qui en font divers usages en amont ou en aval peut ne pas entrainer de
conflit sur le champ de la part des communautés. Cependant, cet agissement qui est un
grief, leur reste au travers de la gorge et peut à tout moment déclencher un conflit : C’est

5
Rapport de fin de cycle

un conflit larvé et peut être résolu sans qu’il n’ait éclaté ou peut à tout moment éclater en
conflit ouvert avant d’être résolu.

Conflit violent : C’est toute rupture de dialogue entre les acteurs assortie d’actes de nature
à porter atteinte à l’intégrité physique des personnes ou visant la destruction de biens et
équipements. Ces actes peuvent être perpétrés autant par les communautés impactées
sur les autres groupes que par procuration par les forces de l’ordre sur les communautés
au profit de l’Etat ou des sociétés minières. A la différence d’avec les conflits larvés, les
conflits violents sont tous de nature ouverte. Cependant tout conflit ouvert n’est pas,
nécessairement violent.

Niveau de satisfaction: C’est l’appréciation collective que la communauté fait de la


solution proposée pour le dénouement d’un conflit, qu’il soit larvé ou ouvert. Parce que
les conflits étudiés ont un caractère collectif et donc extérieur à l’individu, l’appréciation
du niveau de satisfaction s’est nourrie de ce caractère extérieur en se fondant sur une
appréciation collective certes, mais unanime.

Communautés impactées: ce sont les populations habitant dans les localités qui
subissent de plein fouet les effets pervers des opérations minières. L’ensemble des
localités impactées constituent la zone minière.

Zone minière : Dans la présente étude, on entendra par zone minière l’ensemble des
localités impactées par une société minière donnée. Par exemple zones Rio Tinto renvie a
l’ensemble des localités impactées par Rio Tinto et effectivement couvertes par l’étude.
i. PRINCIPAUX RESULTATS
Au total, 96 conflits ont été recensés dans les 17 localités ayant fait l’objet de l’étude et
sont plus récurrents dans les projets miniers en exploitation que dans ceux en
développement. 70% des conflits ont lieu dans les projets en production contre 30% en
phase de recherche. On enregistre une moyenne de 14 conflits par société dans le premier
cas contre 10 pour le second. Indépendamment du cycle du projet, les conflits sont de
nature violente (52%) allant de la destruction de biens et équipements miniers aux morts
d’hommes. Le niveau de déclenchement indique 86% de conflits ouverts contre 14% de
conflits larvés. Le mode de règlement présente l’amiable comme la voie de résolution la
plus usuelle avec 96% des cas de conflits traités contre seulement 4% des cas pendent
devant les juridictions compétentes. L’état de résolution des 96% des cas de conflits
indique que les solutions sont diversement appréciées par les communautés en lien avec
le degré de satisfaction qu’elles en tirent. Ainsi, 10% des solutions proposées n’ont « pas
satisfait » contre une faible proportion de 22% ayant « satisfait » tandis que la majorité
des solutions proposées, soit 53,1% sont « mitigés ». Il en découle un air de tension
ambiante avec un passif 42% de conflits
pendants.

Selon la typologie, les conflits communautés-sociétés sont les plus récurrents, soit 77%
des conflits contre de faibles proportions, soit 23% pour les conflits sociétés-employés,
communautés-autorités et intercommunautaires.

L’absence manifeste de bénéfices visibles en compensation des effets pervers ainsi que les
impacts environnementaux à proprement parler sont des causes majeures des conflits.
Ainsi la problématique de l’emploi dans toute sa plénitude génère 37% de conflits tandis

6
Rapport de fin de cycle

que l’absence d’infrastructures et services sociaux de base est à l’origine de plus de 10%
des conflits enregistrés. Avec 34% des cas de conflits, les impacts environnementaux se
profilent comme la seconde cause de conflit après l’emploi. Dans un contexte social
marqué par une raréfaction des bénéfices, l’augmentation crescendo des impacts
environnementaux, résiduels ou majeures, est vécue comme une provocation et la
moindre apparition est une opportunité de remise en cause de la présence d’une mine qui
ne profite pas. A cela il faut ajouter d’autres causes mineurs telles les compensations, les
revendications salariales, le manque de communication, la mauvaise gestion des revenus
miniers au niveau local.

D’autres causes sous-jacentes mais non mois négligeables sont entre autre le nonrespect
des engagements par les sociétés minières, le mythe de l’emploi minier et des mines
laissés intactes dans l’imaginaire sociale des communautés hôtes ainsi que le manque de
communication et le déficit d’information.

En riposte, de nombreux acteurs étatiques et non étatiques interviennent dans la gestion


des conflits. Au niveau de l’Etat, ce sont : le Ministère des Mines à travers la Direction
Nationale de la Sécurité Minière, les CCLM et le Ministère de l’Environnement à travers les
CPS-PGES. A ces acteurs il faut ajouter les missions ad’hoc hybrides Etat + autres souvent
constituées de ressortissants des communautés impliqués dans les conflits. Ces moyens
employés concomitamment par l’Etat produisent peu d’effet sur le terrain des conflits. La
Sécurité Minière, Les CCLM ainsi que les CPS- PGES n’étant pas opérationnels, les
responsables de l’administration locale tout comme des collectivités, agissent en derniers
remparts de l’Etat. Ils jouent certes un rôle déterminent dans le dénouement des crises
ouvertes mais l’efficacité de leur action dépend étroitement de leur propre crédibilité aux
yeux des protagonistes et le clientélisme met à mal la neutralité de leur action. Le recours
aux missions ad’hoc qui est une gestion des conflits par procuration et un aveu
d’impuissance des acteurs étatiques face à la problématique des conflits avec pour seul
objectif d’«éteindre le feu à tout prix » et non pas de régler le problème dont il découle. En
dehors de toute fonctionnalité des organes dédiés à la gestion des conflits et l’absence
d’approche préventive efficace, les actions si elles existent, produisent peu d’effet et l’Etat
perd pied sur le terrain des conflits. D’où l’usage disproportionné de la force pour
‘‘rétablir’’ l’autorité de l’Etat au péril des vies humaines.

Au niveau des sociétés minières, le mécanisme de gestion de griefs constitue l’outil de


gestion des plaintes des communautés. Il est mis en place à des phases spécifiques des
opérations dont les impacts sont assez sévères sur les communautés aux fins de contenir
les griefs potentiels. Le cycle de vie ainsi que l’efficacité de ces mécanismes décroissent au
fur et à mesure que les risques diminuent. Si ce mécanisme peut être considéré dans une
certaine mesure comme une action de prévention de conflits, il reste handicapé par son
caractère éphémère et l’absence d’une culture de veille sur les conflits intégrée à la
structure et à la gouvernance des entreprises minières. Ainsi les conflits deviennent
l’affaire de tous les départements de l’entreprise quand ils éclatent. Le récent recours aux
agents communautaires pour la remontée des informations au niveau managérial est un
début de solution qui doit être intégrée dans un mécanisme plus large et pérenne en
mesure de donner des réponses appropriées.

Il existe des mécanismes traditionnel, qui tranchent certains conflits de la vie


communautaire à l’amiable. Les animateurs des mécanismes traditionnels ont été

7
Rapport de fin de cycle

impliqués dans la gestion de 10% des cas de conflits. Le mécanisme en tant qu’institution
sociale n’est pas directement sollicité mais voit ses principaux animateurs plutôt cooptés
par les sociétés en raison de leur influence sociale pour une intervention ponctuelle aux
relents de prestation. Les femmes, si elles font partie du mécanisme se limitent au cadre
traditionnel et ne sont pas impliquées dans les actions extra mécanismes dont les conflits
liées à la présence des mines.

Présente sur les grands chantiers des agendas internationaux mais peu visible sur le
terrain des conflits à l’échelon local, l’inertie de la société civile à la pointe de la
gouvernance minière en Guinée consacre le retour des « ambassadeurs ». Regroupés au
sein d’association dites de ressortissants, ils ont audience auprès des siens qu’ils
instrumentalisent à tort ou à raison. Dans ce double jeu de trouble-fête et faiseurs de paix,
ils sont employés comme médiateurs ex qualité dans certaines crises sur un terrain laissé
vacant par la société civile à qui ce rôle échoit mieux en raison de sa ‘‘neutralité’’.

En l’absence de mécanisme de prévention type et de réponses appropriées aux conflits,


les risques sociaux et les défis y liés restent énormes. Les communautés affichent un faible
niveau de satisfaction vis-à-vis des solutions proposées aux conflits dits résolus. Ce qui en
augmente le risque de rebondissement réel. Ainsi 52% des conflits ont un risque de
rebondissement réel de 100% en plus d’une forte probabilité de résurgence allant de 50
à 70% pour près de 9% des conflits.

Les opérations ont indéniablement un impact sur les droits humains tout comme il y a un
lien de causalité d’avec les conflits. Si à travers l’amélioration de l’offre d’eau potable,
d’éducation et de santé, l’Etat et les sociétés minières ont contribué à promouvoir le droit
qui s’y rattache ce droit ne s’en trouve pas garantie. En tout, l’Etat a contribué à la
promotion du droit à l’eau avec 46 forages pour une couverture déficitaire relative de
349% contre 22 forages pour l’ensemble de sociétés minières pour une couverture
relative de -505%. Avec une population totale de 61976 habitants (hbts) pour les 11
localités, il aurait fallu en tout 206 forages pour atteindre le ratio de 1 forage pour 300
hbts alors que les 68 forages existants donnent le ratio de 911 hbts par forage pour une
couverture absolue négative de -203%. Ce gap s’élève à un besoin de 139 forages et
constitue une opportunité à saisir par les parties prenantes, Etat comme sociétés
minières, afin de renforcer cette résilience communautaire qui rend du même coup le
droit à l’eau aux populations affectées par les projets miniers dont l’Etat est aussi
actionnaire.

Quant à l’éducation et à la santé, les droits y afférant sous le seul critère d’accessibilité
géographique deviennent caduques quand cette accessibilité ne garantit pas
nécessairement l’accessibilité physique. Une localité disposant d’une école peut toujours
en avoir besoin compte tenu de sa population scolarisable.

Si les deux principaux acteurs des mines contribuent à promouvoir les droits liés à la
jouissance des services sociaux de base, cela n’est pas nécessairement le cas pour le droit
à la vie et à la sécurité. En effet, l’Etat qui a l’obligation de respecter les droits humains a
enfreint à plusieurs reprises à la jouissance du droit à la vie et à la sécurité. En une
décennie (2004-2015), le bilan macabre de 18 morts survenus dans la répression des
conflits fait plonger les indicateurs de respect des droits humains au niveau
communautaire dans le cadre des opérations minières. Ces violations successives du droit

8
Rapport de fin de cycle

à la vie et à la sécurité par l’Etat ont bénéficié aux sociétés minières contrairement aux
prescriptions du Pact global.

ii. PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

a. Recommandations en renforcement des initiatives en place Au titre de l’Etat


1. Développer et mettre en œuvre une stratégie du contenu local afin de diversifier les
activités économiques et génératrices de revenus dans les zones minières

2. Faire un audit institutionnel, organisationnel et programmatique des CCLM et des CPS-


PGES en vue d’en améliorer la fonctionnalité et l’efficacité sur le terrain des conflits et
du suivi environnemental, respectivement.

Au titre des sociétés minières


1. Restaurer et renforcer les moyens d’existence (traditionnels) des populations
impactées et diversifier les sources de revenus afin de contenir et de désintéresser une
bonne frange de la population des emplois directes dans les mines.

Au titre de la société civile


1. Renforcer les formations sur les droits et obligations des parties dans l’activité minière
au profit des acteurs à travers le Guide pratique «Mines et communautés ».

b. Recommandations en complément des gaps Au titre de l’Etat


1. Adhérer à l'Initiative des Principes Volontaires pour la Sécurité et les Droits Humains
afin d’en faire un instrument national et mieux former les forces de sécurité publique
dans les zones minières sur le respect des droits humains.

2. Mettre en place les infrastructures et les services sociaux de base dans le respect des
normes dans les zones minières

3. Finaliser urgemment les textes pendant du code minier avec un grand potentiel de
réduction des conflits : le texte portant modèle de convention de développement
communautaire afin de fixer les bases légales de la cohabitation ainsi que le texte
portant compensation des propriétaires terriens.

Au titre des sociétés minières


1. Développer une vision partagée mines-communautés-autorités pour le court, moyen,
et long terme assortie d’une stratégie communautaire consensuelle de contenu local
qui doit en dernier ressort inspirer et guider la négociation de la convention de
développement communautaire.

2. Développer de façon consensuelle avec les communautés le système de gestion des


plaintes au niveau de la mine pour assurer qu'elle respecte les critères d'un recours
non-judiciaire. Ce système de gestion des plaintes devra être intégré au SLAP et
participer à la mise à jour de la carte interactive en ligne pour une prévention efficace
des risques de conflits une gestion participative.

3. Elaborer un plan annuel de création d’opportunités d’emplois locaux afin de mieux


préparer les communautés impactées à en bénéficier pleinement et diffuser le plus

9
Rapport de fin de cycle

largement possibles l’information afin de contenir les attentes souvent irréalistes des
populations au sujet des emplois locaux. Faire un bilan en fin d’année pour rendre
compte de la mise en œuvre du plan aux communautés impactées.

4. Renforcer les mesures de promotion des droits humains dans les opérations minières
en adhérant aux initiatives y relatives

5. Soutenir et développer l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes dans les


communautés impactées.

Au titre des communautés


1. Négocier et mettre en œuvre une Convention de développement local en lien avec la
vision des communautés,

2. Développer des protocoles de consultation pour améliorer la communication au sein


des communautés ainsi qu'entre les communautés et la mine

3. Faire un suivi local pour assurer une gestion responsable des retombées financières
tirées de la mine

4. Maintenir et développer les activités traditionnelles génératrices de revenus tout en


se positionnant davantage comme des fournisseurs locaux et de proximité des biens de
consommation courants productibles au niveau local.

Au titre de la a société civile


1. Renforcer la résilience de la gouvernance minière à la base à travers une participation
accrue à la prévention et à la gestion des conflits.

2. Accompagner la participation informée des communautés au processus de l'EIES ainsi


qu'au suivi de la mise en œuvre du PGES, notamment par un programme de suivi
conjoint des impacts environnementaux et sociaux ainsi qu’une communication
objective et structurée sur les externalités positives des projets miniers.

c. Recommandations collectives (Société civile, Chambre des mines, Partenaires


au développement, Etat)
1. Renforcer la veille sociale des conflits et la résilience à travers la mise en place d’un
système d’alerte précoce à base communautaire aux fins de suivi et de prise en charge
précoce des conflits au stade de grief. Le Système National d’Alerte Précoce (SNAP) et
de réponse rapide devra avoir deux niveaux de démembrement : Régional (SRAP) et
Local (SLAP). Ce système qui aura pour principal outil d’information la carte interactive
en ligne, doit pleinement intégrer la participation des opérateurs miniers, de l’Etat et
des communautés elles-mêmes réunis dans un cadre de dialogue tripartite technique
de prévention et de gestion des conflits dans les zones minières

2. Mettre en place une action conjointe de suivi et de contrôle permanent de la


gouvernance minière au niveau local, une sorte d’ITIE communautaire avec pour centre
d’intérêt le suivi participatif des paiements locaux, l’utilisation et la redevabilité à
travers l’audit social de la gestion des revenus miniers par les communautés et assurer
une large diffusion des informations y afférentes.

10
Rapport de fin de cycle

3. Initier des projets en mode Partenariat Public Privé pour réduire la pauvreté et le
chômage dans les zones minières

2. Initier des pôles de croissance autour de l’électricité produite et distribuée par les
sociétés minières afin de faciliter le décollage et l’autonomie économique des zones
minières. Ce décollage pourrait se préparer progressivement par la création d’un fond
autonome dans les zones minières et qui sera alimenté par les frais d’électricité payés
par les ménages puis remis à la consommation sous forme de prêts rotatifs. Cette
opération aurait le double avantage de générer des emplois indépendants de la mine,
une économie locale indépendante de la mine et, à terme, la production et la

11
Rapport de fin de cycle

1. INTRODUCTION

Le développement des ressources minières et minéralières a connu une véritable flambée


en cette dernière décennie. De nombreuses investissements miniers ont été réalisés tant
par les géants du secteur que par des compagnies juniors dans les pays riches en
ressources naturelles. C’est cas de la Guinée où en l’espace d’une décennie soit de 2004
à2014, 380 titres miniers ont été distribués dont 274 en l’espace de quatre ans seulement.
Soit respectivement 97% et 70% des titres miniers qui, toutes substances confondues,
culminent à 3921 au total. Cette floraison de projets miniers n’est pas sans conséquences
sur l’environnement biophysique dont les communautés sont une des composantes
essentielles. Diversement impactées par les opérations, les communautés riveraines de
ces projets manifestent souvent leur désapprobation à travers des actions multiformes de
désaveux des compagnies minières amonts dans leur terroirs. De ces manifestations
souvent réprimées dans le sang voire mortellement par la gendarmerie et l’armée en
passant par les impacts écologiques, l’image des sociétés minières n’est pas toujours
reluisante ou à la limite, laisse perplexe.

Ainsi, dans un article consacré à la qualité des relations entre les mines et les
communautés riveraines, le site www.burkinapmepmi.com dans un article paru en ligne
en est arrivé à se demander dubitativement si : «Les miniers sont (-ils) de mauvais voisins?»
2 Présent en Guinée et dans bien d’autres autres pays, le géant brésilien Vale, premier

producteur de fer dans le monde, affirme selon la même source avoir consacré au volet
responsabilité sociétal de ses opérations en cinq ans, 6 milliards de dollars (4,4 milliards
d’euros) pour un chiffre d’affaires de 46,5 milliards de dollars et un bénéfice net de 5,5
milliards en 2012. La même année, en Guinée, les relations de sa filiale ValeBSGR (VBG)
avec les communautés de Zogota autour des questions d’emploi se dégradaient à un point
de non-retour entrainant une révolte des communautés durement réprimée par la police
et la Gendarmerie avec un lourd bilan humain de huit (8) morts. Tandis que les dégâts
matériels se chiffraient à plusieurs millions de dollars, soit la quasi-totalité des
infrastructures et de la logistique sur le site. Ce qui, entre-temps a conduit à l’arrêt total
des activités de l’opérateur.

A l’image de Vale, de nombreuses sociétés minières opérant en Guinée connaissent aussi


des tensions mais à des degrés divers avec les communautés qu’elles impactent. De
Sangarédi à Siguirini en passant par Léro et Forécariah les griefs sont nombreux et les
conflits récurrents. Ce climat met à mal la paix, la coexistence pacifique et partant le
permis social3 des sociétés minières au point de ralentir le développement du secteur.
Afin d’apporter leur contribution à la problématique des conflits dans les zones minières,
depuis peu, les intervenants du secteur multiplient les initiatives allant des projets à la
mise en place de structures dédiés aux conflits. Si ces actions restent nobles dans leur
visée anthropique, elles se fondent rarement cependant sur une étude systématique de la
problématique des conflits qui puisse offrir une meilleure compréhension pour une
intervention efficace.

1 Sources : Cadastre minier guinéen


2 http://www.burkinapmepmi.com/spip.php?page=article&id_article=19991#ixzz2tJec0qH4
3 Acceptation, consentement tacite des opérations minières par les communautés impactées.

12
Rapport de fin de cycle

En vue de renforcer donc l’action des différents intervenants dans la prévention et la


gestion des conflits violents, l’ONG CECIDE, fortement impliquée dans la réforme minière
en Guinée, a entrepris de réaliser, avec l’appui financier de The Funds for Global Human
Rights et du PNUD Guinée 4 la présente étude diagnostique pour contribuer à la
documentation des conflits au niveau nationale. L’étude comprend deux volets et deux
extrants: le diagnostic qui a consisté en une analyse multidimensionnelle des conflits dans
les zones minières tandis que le système d’alerte précoce applicable aux mines se veut
une plateforme interactive exclusivement en ligne pour une prise en charge anticipative
des conflits dans les mêmes zones. Le volet diagnostic que présente ce rapport, fait un état
des lieux de la problématique des conflits dans les huit zones minières étudiées. Au-delà
de la présente étude, la carte est appelée à évoluer et à couvrir à terme toutes les zones
minières de Guinée dans un secteur de plus en plus conflictuel.

2. CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L’ETUDE


Partant du constat que l’activité minière connait diverses formes d’encadrement tant au
niveau international, national qu’à l’interne au niveau des compagnies minières
ellesmêmes, on comprend difficilement qu’un secteur aussi régulé ne soit pas en mesure
de contenir les conflits potentiels et entretenir de bonnes relations avec ses voisins que
constituent les communautés. S’il est évident que les conflits transforment les risques
environnementaux et sociaux en coûts de production, les pertes en vies humaines quant
à elles sont beaucoup plus difficiles à évaluer et l’éruption des conflits divers se présentent
comme la manifestation empirique de l’effritement du permis social des sociétés minières.
Certes, le degré et la nature des conflits pourraient différer d’une communauté à l’autre
mais ce qui leur est commun c’est qu’ils entrainent des abus de toutes sortes en matière
de droits humains dont les premières victimes sont les communautés.

De nombreux projets miniers sont en exploitation ou en cours de développement sur fond


de tension avec les communautés tant les manquements et les griefs sont nombreux. Ces
dernières années, le CECIDE, par sa présence dans les zones minières et à travers de
nombreuses consultations communautaires a pu recenser de nombreux cas dont certains
suivent:

A Zogota
En juillet 2012, les relations entre Vale-BSGR et les communautés riveraines se sont
dégradées dangereusement avec pour conséquences, des pertes en vies humaines chez
les communautés et d’importants dégâts matériels de l’ordre de plusieurs millions de
dollars et l’arrêt des opérations pour Vale-BSGR.

A Siguirini
Depuis de nombreuses années, communautés et société manifestent réciproquement
leurs mécontentements chacune vis-à-vis des relations que l’autre entretient envers elles.
Les frictions liées à de nombreux faits dont le non-paiement de trois (3) années d’arriérés
de taxes superficiaires, les brouilles sur le non-paiement des 10% de la vente de ferrailles
et composites revendique a tort ou à raison par la commune rurale de Siguirini comme
étant sa quote-part, les inondations de champs à Léro suite à l’endigage de la rivière Karta
par les opérations de la SMD. Si certains de ces conflits se résolvent à l’amiable, le
licenciement des travailleurs ressortissants de la communauté de Baraka fait l’objet d’un

4 The Funds For Global Human Rights a financé la première phase de l’étude et le PNUD, la seconde phase

13
Rapport de fin de cycle

procès opposant la Coopérative de BARAKA ARDEBA à la SMD. Condamnée en première


instance à verser les droits des travailleurs, la SMD a fait appel et entend casser le
jugement ainsi rendu.

A Carrefour (Léro)
L’extrême proximité des communautés avec le lac de de résidus de l’usine (issus du
procédé d’extraction par cyanuration) finit par désespérer les populations qui donnent de
plus en plus de la voix pour être déplacées; tant les risques de débordement sont élevés
surtout en saison hivernale.

A ce tableau peu reluisant s’ajoutent les pratiques de déplacements involontaires et les


compensations qui provoquent également des frustrations dans diverses zones minières
dont Dianéyah, Layah et Yomboyéli dans la préfecture de Forécariah. Fria, Zogota
Siguirini, Léro et bien d’autres zones minières ont connu des conflits ouverts à des degrés
de violence divers se soldant souvent par mort d’hommes. Dans d’autres zones minières
du pays, des conflits larvés couvent entre sociétés et communautés qui se guettent en
chiens de faïence. Ce sombre climat social qui émaille la relance du secteur minier pourrait
en limiter le décollage en dépit des réformes entreprises à cette fin.

Certes la Guinée n’a pas atteint le stade chaotique dans cette spirale de violence
communément appelé ‘‘malédiction des ressources naturelles’’, mais la fréquence de ces
conflits appelle le questionnement suivant :

- Pourquoi tous ces conflits ?


- Pourquoi se répètent-ils tout le temps ?
- Qu’en est-il du rôle de l’Etat ?
- Que font réellement les compagnies minières ?
- Que veulent précisément les communautés?
- Que fait la société civile ?
- Au niveau communautaire, que deviennent les lois et les instruments applicables à
l’activité minière ?
- Comment remédier durablement à ces conflits?

Ce questionnement témoigne de la complexité de la problématique des conflits qui


nécessite pourtant une lecture claire de l’action des principaux intervenants que sont
l’Etat, les sociétés minières, les communautés, la société civile etc. C’est pourquoi, le
CECIDE, fort de son expérience dans le secteur minier, inscrit la présente étude dans la
dynamique de la réflexion et de la collaboration avec l’ensemble des acteurs du secteur en
vue de trouver des solutions durables.

3. OBJECTIFS, RESULTATS ATTENDUS ET PORTEE DE L’ETUDE

3.1. Objectifs de l’étude


La présente étude ambitionne d’entrer au cœur des conflits dans les zones minières afin
d’en décrypter la nature, les causes profondes, les mécanismes de transmission et le
niveau d’implication des parties prenantes dans la prévention et la gestion ainsi que le
niveau de prise en compte des droits au niveau communautaire. De manière plus
spécifique, l’étude vise à:

14
Rapport de fin de cycle

- Identifier les sources et la typologie des conflits dans les zones minières et évaluer le
niveau d’implication des acteurs dans leur résolution ;
- Décrypter les conflits à la lumière des droits humains tels que garantis par les
différents instruments juridiques encadrant l’activité minière au niveau national et
international et donc s’appliquant en Guinée et aux sociétés minières qui y opèrent ;
- Evaluer le niveau d’engagement des acteurs vis-à-vis du respect des droits humains ;
Identifier et caractériser les mécanismes de prévention et/ou de gestion de conflits en
place tant au niveau de l’Etat qu’à celui des sociétés minières afin d’en analyser la
complémentarité et l’efficacité.

3.2. Résultats attendus de l’étude


Il est attendu que cette étude fasse un état des lieux des conflits miniers dans huit zones
minières en Guinée. Cet état des lieux devra permettre entre autres :
• D’identifier, catégoriser les zones de conflit ou à risque avec une appréciation du
niveau de risque de déclenchement pour les zones de conflits larvés et
d’aggravation pour zones à conflits ouverts indépendamment du niveau de
développement des projets miniers.

• Les parties prenantes ont une meilleure connaissance des actions de riposte
nationale aux conflits, des mécanismes de gestion des plaintes, de prévention et/ou
de gestion de conflits en place ainsi que leur niveau de complémentarité et de
collaboration.

• De mieux cerner le niveau d’engagement des acteurs vis-à-vis du respect des droits
humains au sens de décrypter les conflits à la lumière des droits humains tels que
garantis par les différents instruments juridiques encadrant l’activité minière en
Guinée.

• De proposer une ébauche de plan de mise en œuvre des principales


recommandations pour la prise en charge des conflits dans les zones minières

3.3. Portée de l’étude


Les communautés rurales, comme toutes autres formations sociales connaissent des
moments d’apaisement qui incarnent une symbiose entre ses différentes composantes
sociales mais aussi des moments de fortes dégradations des relations entre ces mêmes
composantes. Pris dans ce sens, les conflits constituent un élément intrinsèque et inhérent
à la vie en communauté dont les facteurs sont multiples. Dans les zones minières, la
présence ostensible des sociétés minières doublée des impacts de leurs opérations sur les
communautés font le lit de conflits multiformes qui troublent durablement les relations
communautaires. Mieux, ces conflits à biens des endroits dans le pays, ont eu des
répercussions considérables allant jusqu’à l’arrêt des opérations (Fria, Kiniéro…), aux
pertes en vies humaines (N’Nzérékoré). Dans le cadre de la présente étude, il s’est agi de
faire un état des lieux des conflits liés à la présence de la mine dans chaque zone et à
identifier, répertorier et analyser les conflits causés entre les différentes composantes aux
fins d’en offrir une meilleure lecture mais aussi de catalyser la mise en place d’un système
d’alerte précoce à travers la mise en ligne d’une carte interactive.

A la différence d’une simple cartographie des conflits tous genres dans les zones minières,
la carte interactive dont l’étude est assortie constitue une solution pour le suivi

15
Rapport de fin de cycle

systématique des griefs et des conflits latents du fait de la présence des sociétés minières
dans les zones ciblées. Il s’est agi de développer un système d’alerte précoce en ligne qui
permettra de prendre en charge de manière systématique et anticipative les risques de
conflits dès l’apparition des prémices. En plus de renseigner sur les faits conflictuels
actuels et d’anticiper sur les conflits futurs, la carte offre également un catalogue des
conflits ayant émaillé les relations entre les différents acteurs directement impliqués dans
l’activité minière au niveau communautaire.

Le CECIDE dans son ambition de couvrir tous les sites miniers de Guinée a adopté une
dynamique modulaire qui consiste à se déployer progressivement en fonction des
opportunités, des moyens techniques et financiers. Ainsi, l’étude a d’abord couvert trois
zones minières que sont les zones de la Société Ashanti Gold (SAG), les zones de la Société
Minière de Dinguiraye (SMD) et les Zones de Forécariah Guinea Mining (FGM). Dans la
deuxième phase ce sont cinq (5) autres zones qui ont été couvertes en l’occurrence les
zones du projet Guinea Alumina Corporation (GAC), celles de la Compagnie des Bauxites
de Guinée (CBG), Fria Guinea Alumina (FRIGUIA), West Africa Exploration (WAE) et les
zones du projet Simandou Sud de Rio Tinto. Ces deux phases ont couvert en tout huit (8)
sociétés minières soit dix-sept (17) localités affectées par les opérations minières.

4. CADRE METHODOLOGIQUE DE L’ETUDE


L’étude comprend deux volets complémentaires. Ce sont le volet diagnostic des conflits et
le volet carte en ligne pour le suivi des conflits (web-solution applicable aux mines). Le
présent cadre méthodologique présente pour chaque volet l’approche ayant prévalu.

4.1 Présentation de la méthodologie du volet étude diagnostique


4.1.1 Présentation des zones d’étude
Initialement, le projet prévoyait de cibler à la fois les opérateurs miniers en phase
d’exploration, de recherche et de production afin de pouvoir comparer l’ampleur des
conflit le long du cycle des projets miniers. Cependant, parce qu’il a été mis en exergue
dans la première phase de l’étude que les conflits sont plus récurrents à partir de la phase
de développement et augmentent crescendo pour le reste du cycle du projet, Il est apparu
nécessaire de prioriser dans un premier temps les projets en exploitation ou en phase de
recherche avancée. Et ce en vue d’observer le fait conflictuel dans toute sa plénitude. D’où
les localités priorisés selon les opérateurs ont été les suivants:

Tableau 1 – Sites et opérateurs miniers concernés par l’étude


OPERATEURS MINIERS LOCALITES COUVERTES NOMBRE
SAG Kintinian 1
SMD Siguirini; Léro; Carrefour 3
FGM Moussayah; Dianéyah; Yomboyéli 3
GAC Tchankountcholi (Touldé & Pétoundjiga); Filo Bowal 2
CBG Kamsar; Hamdalaye 2
FRIGUIA/RUSAL Fria; Kondékhouré 2
West Africa Exploration Bourata 1
Rio Tinto Simfer Beyla; Nionsomoridou; Moribadou 3
Total 8 8 17

L’échantillon a donc pris en compte huit (8) projets miniers et dix-sept (17) localités ainsi
qu’il suit :
- Trois (3) projet en production ce sont : la CGB ; la SAG et la SMD

16
Rapport de fin de cycle

- Trois autres (3) sont en développement et donc en passe d’entrer en production


dans un futur proche que sont : GAC, WAE et Rio Tinto Simfer et enfin,
- Les deux (2) derniers sont en état d’arrêt total. Il s’agit de FRIGUIA et de FGM.

Bien qu’étant fermé, FRIGUIA a été retenu du fait qu’il constitue un cas d’école de conflit
ayant précipité la fermeture impréparée d’un projet qui fut l’espoir de toute une
communauté aujourd’hui en proie au désarrois et à tous les maux de l’après mine.

La répartition spatiale des huit projets miniers dans les zones naturelles de la Guinée est
la suivante:
- Basse Côte : CBG, GAC, FGM, FRIGUIA
- Haute Guinée : SAG, SMD
- Guinée Forestière : Rio Tinto, WAE

Pour les huit zones minières, en tout dix-sept (17) localités ont été couvertes.

4.1.2. Critères de choix des localités couvertes par l’étude


Le niveau de sévérité des impacts subis a été retenu comme principal critère de choix des
localités étudiées. Ainsi, les choix ont été établis à la fois par les communautés, les miniers
et les autorités locales. Le choix une fois opéré avec un acteur selon le critère de sévérité
des impacts tels que vécus par les habitants, est recoupé avec les autres acteurs pour
s’assurer de l’objectivité. Cet exercice s’est appuyé sur l’Etude d’Impact Environnemental
et Social (EIES) là où cela est disponible (Rio Tinto, WAE, GAC). Ainsi, les 17 localités
ciblées sont donc celles qui font l’unanimité en termes de sévérité des impacts subis. Dans
la suite du rapport, la zone minière sera comprise comme l’ensemble des localités
impactées par une société minière donnée et prises en compte dans l’étude. Ainsi on
entendra par « les zones Rio Tinto » l’ensemble des localités impactées par Rio Tinto et
couvertes par l’étude.

L’étude s’est déroulée en deux phases distinctes. La première phase s’est déroulée en fin
2014 et a couvert trois (3) sites tandis que la deuxième phase en a couvert cinq (5) et a
été réalisée en 2015. Chacune des deux phases s’est déroulée selon le même schéma et a
intégré les étapes suivantes: L’étape préparatoire, l’étape de la collecte des données et
l’étape du traitement, d’analyse des données et de production des extrants.

4.1.2.1 L’étape préparatoire


La phase préparatoire s’est déroulée en deux étapes. La première a consisté à faire le point
de la littérature sur les conflits dans les zones minières en Guinée à travers une recherche
bibliographique propre à mieux renseigner le contexte de l’étude. L’élaboration de la
méthodologie et la conception des outils de collecte des données marqueront la
deuxième étape qui s’achèvera avec l’arrangement institutionnel qui a consisté à la mise
en place du Comité technique et la validation des documents de travail par ledit Comité.

4.1.2.2 L’étape de la collecte des données


Des outils de collectes de données
En tout, trois outils complémentaires ont été utilisés. Ce sont :
- le questionnaire de diagnostic des conflits adressé aux sociétés minières ;

17
Rapport de fin de cycle

- le questionnaire sur la chronologie des conflits adressé à la fois aux sociétés


minières, l’administration local, ainsi que les organisations communautaires de
base (OCB), et enfin;
- le canevas de diagnostic des conflits adressé aux communautés impactées.

La collecte des données


La collecte des données a été réalisée avec l’ensemble des acteurs du secteur tout en
mettant un accent particulier sur les sociétés minières et les communautés impactées.

- Organisation de la collecte des données avec l’administration centrale Les


personnes ressources interviewées sont essentiellement issues des Ministères et des
structures compétentes à l’encadrement des opérations minières. Au nombre d’une
douzaine réparties elles ont été ciblées tant au niveau des Ministères que des structures
techniques comme il suit dans le tableau:

Tableau 2 - Interaction avec les sociétés minières


Ministères Structure Nombre de personnes ressources
Relations publiques 1
Direction nationale de la sécurité minière 2
Mines Direction Nationale des Mines 1 BGEEE 4
Environnement Direction Nationale des Eaux et forêts 1
Agriculture 3 Total 12

- Organisation de la collecte des données avec les sociétés minières


Tirant les leçons de la phase pilote, une interaction s’est avérée nécessaire en amont avec
les acteurs impliqués dans l’étude au niveau des sociétés minières pour une organisation
harmonieuse de la collecte des données. Le volume du questionnaire à elles adressé ainsi
que le niveau de technicité de l’information demandée ont nécessité un travail de fond en
amont avec les sociétés concernées avant la descente sur le terrain. L’interaction proposée
a été structurée comme il suit :

Tableau 3 - Interaction avec les sociétés minières


ACTIVITES RESPONSABLES
Transmission des outils de collecte aux sociétés minières CECIDE
Mise en place à l’interne une équipe ad 'hoc sur la base des
Société minière
Départements pertinents concernés par l’étude
Interaction en ligne entre l’équipe ad ‘hoc et le Consultant pour une
Equipe Ad’hoc meilleure compréhension des outils et des attentes
Remplissage en amont des fiches de collecte pour plus d’exhaustivité Equipe Ad
’hocConsultant
Organisation de sessions de travail sur le site des opérations avec les
Société Minière- Equipe départements impliqués pour une interaction avec le Consultant sur
Ad’hoc/Consultant les informations fournies et la remise des outils de collecte

- Organisation de la collecte des données avec les communautés et les OCB Afin
de s’assurer de l’exhaustivité et de la fiabilité des informations collectées avec les
sociétés minières, les acteurs communautaires dans leur ensemble ont été
également impliqués dans l’étude. Ainsi, un focus group é été organisé avec
chacune des composantes sociales que sont les femmes, les jeunes, les sages, les

18
Rapport de fin de cycle

OCB dans chaque localité ciblée. Afin d’offrir un espace participatif, l’outil de
collecte a été reproduit sur un papier Kraft d’un mètre sur trois, scotché sur un
support mural où les participants ont été sollicités à :
- Identifier en vrac et dater tous les conflits vécus du fait de la présence de la mine;
- Prioriser les conflits par ordre de fréquence/récurrence;
- Procéder au remplissage participatif des variables supplémentaires exigées par le
questionnaire (Nature du conflit, causes, acteurs en conflits, niveau de règlement,
niveau de satisfaction, risque de rebondissement etc.).

De plus, l’on s’est assuré du respect des conditions de base de la tenue d’un focus group
(l’âge des participants, le nombre, le genre etc.), de la distribution équitable de la parole
entre les participants d’un même groupe et de la gestion des interventions pour gagner
en temps et en efficacité.

- Organisation de la collecte des données avec l’administration locale


L’administration locale en tant qu’acteur privilégié de l’activité minière a été incluse dans
l’échantillon afin d’obtenir des informations exhaustives. Elle a été fortement impliquée
dans l’identification des facteurs de conflits ainsi que l’exercice de catalogage
synchronique des faits conflictuels au sein des communautés impactées dont elle a la
charge d’administrer. Le questionnaire sur la chronologie des conflits leur a servi de
support de travail à cet effet.

4.1.3 Traitement, analyse des données et rapport


Les données primaires et secondaires obtenues ont été traitées et analysées. La technique
d’analyse de contenu a été appliquée aux données qualitatives tandis que les données
quantitatives ont fait l’objet d’un dépouillement statistique qui a permis de faire les tris et
les croisements nécessaires à une meilleure interprétation des résultats aux fins
d’analyses plus approfondies. En plus de la combinaison du quantitatif d’avec le qualitatif,
une dimension diachronique ou encore évolutive a été introduite dans l’analyse pour
comprendre les faits conflictuels passés, présents, et probables en termes d’analyse
anticipative des facteurs de risques potentiels de conflit. Afin d’obtenir une synthèse
équilibrée, les résultats ont été triangulés avec les différentes acteurs impliquées dans
l’étude.

Parce que le système d’alerte précoce devait s’inspirer des résultats de l’étude, la
méthodologie s’est étendue à la carte interactive qui en est le principal outil ainsi qu’il
suit.

4.2 Méthodologie du volet carte interactive et système d’alerte précoce


Le questionnaire sur la chronologie des conflits a servi à une triple finalité consistant à
cerner les conflits passés, présents et futurs. Pour chaque conflit, les variables directes et
indirectes des faits conflictuels ont été décrites chronologiquement de sorte à en
renseigner le cycle complet, du déclenchement à la résolution, y compris les risques de
rebondissement réels ou supposés. Les résultats ainsi obtenus pour chaque site minier
ont été chargés sur la carte: c’est l’état des lieux des conflits passés et en cours.

Dans un second temps, à l’aide d’une base de données à laquelle la carte sera intimement
liée, cette dernière devra s’auto actualiser à partir des renseignements sur les conflits et

19
Rapport de fin de cycle

griefs fournis régulièrement ou par-à-coup par un système de veille communautaire à


mettre en place. Les fonctionnalités proposées pour la carte sont les suivantes.

Tableau 3 -Besoins et fonctionnalités proposés pour la carte


Besoins Brève description des fonctionnalités
interactif et Une carte de la Guinée adossée à deux bases de données séparées : l’une sur les conflits
évolutif enregistrés et l’autre sur les conflits qui surviennent
Propriétés : A la La carte doit être (1) interactive, (2) en ligne et (3) utilisable hors ligne pour les
mêmes fois interactive besoins (4) téléchargeable et utilisable en local et locale
Synchronique et Diachronique pour pouvoir fournir les informations relatives à l’état des lieux dans
le diachronique temps et dans l’espace
Synchronique pour permettre le suivi et l’enregistrement de nouveaux conflits
Selon les besoins et à partir d’une application, la carte doit pouvoir générer un rapport Rapportage
périodique par (1) ordre chronologique croissant et (2) décroissant (3) hebdomadaire, automatique
mensuel, trimestriel, semestriel et annuel. La programmation devra laisser la porte ouverte à l’évolution du
système de rapportage afin qu’à terme la carte puisse générer des rapports pluriannuels.
La mise à jour se fera grâce à : (1) une plateforme SMS qui (2) devra recevoir les SMS d’alerte. La
plate-forme SMS (3) doit servir d’entrée de l’information et doit être (4) liée à la base de données sur les
anciens conflits déjà enregistrés qu’elle doit (5) alimenter au fur et à mesure.
(6) La mise à jour se fait automatiquement (Changement de couleur) à partir d’un
Mise à jour système de gradation sur un seuil critique qui reste à déterminer
(7) Chaque zone minière présentera 4 signaux distincts le vert, l’orange, le rouge et la bombe. (8)
Le passage d’un signal à un autre se fera automatiquement quand le seuil critique de gravité ou
d’amélioration défini est atteint. (9) Jamais deux signaux allumés à la fois pour un même site.
(10) Une option d’exception est à inclure pour passer de n’importe quel seuil à la bombe pour
prendre en compte les conflits spontanés dont l’évolution n’aura pas pu être appréhendée par
le système d’alerte précoce. (11) En plus des symboles et de la légende, la carte doit comporter
une bande défilante qui renseigne instantanément le visiteur à première vue sur l’actualité des
cas de conflits et invite à consulter la carte pour plus d’information.
Dynamique, Dynamique : le support doit pouvoir accepter les modifications physiques et les convertible,
changements au fil du temps
extensible, Convertible : l’opération de programmation doit permettre d’évoluer sur d’autres
compatible logiciels avec la carte
Extensible pour permettre de continuer à couvrir autant de sites miniers que possible
Compatible à l’usage d’interfaces divers : Web, Androïde, Smartphone
Autres Tous autres apports permettant aux concepteurs d’ajouter de la valeur aux
fonctionnalités de la carte

Le présent rapport s’articulant autour de quatre grandes parties : La première fait l’état
des lieux des conflits de conflits tandis que la deuxième partie dresse les réponses
existantes. Dans la troisième partie, les communautés explorent leurs problèmes à cœur
ouvert en mettant à nu les problèmes de l’heure et les risques de rebondissement de
conflits. Pour finir, la quatrième partie donne un aperçu de l’impact des opérations sur les
droits humains au niveau communautaire : comment ces droits sont pris en compte à
travers les impacts positifs et comment les impacts négatifs fragilisent ces acquis.
5. ETAT DES LIEUX DES CONFLITS DANS LES ZONES MINIERES
En rappel, l’étude a couvert dix-sept (17) localités relevant de huit (8) projets miniers à
différentes phases de leur évolution. Ce sont trois en phase de développement GAC, Rio
Tinto, WAE et trois autres en production SAG, SMD et CBG tandis que les deux dernières
restent fermées. Il s’est agi de FRIGUIA et FGM, L’exposé qui suit sur l’état des lieux offre
une vue d’ensemble sur les conflits à travers leurs différentes caractéristiques, leurs
causes ainsi qu’un synopsis des conflits dans les zones minières.

20
Rapport de fin de cycle

5.1. Vue d’ensemble des conflits dans les huit zones minières
Graphique 1 - Fréquence des conflits
Au total 96 conflits ont pu être
recensés, soit une moyenne de 12
conflits par sociétés minières. En
termes de nombre total de conflits par
société, la SMD a enregistré le plus de
conflits avec au total 25 conflits suivi
de Rio Tinto et de Friguia avec
respectivement 19 et 13 conflits.
Quant à la CBG et à Forécariah Guinea
Mining, elles enregistrent chacune 12
et 10 conflits. La fréquence des
conflits dans les zones minières est
illustrée dans le graphique 1 ci-contre.

5.1.1. La fréquence des conflits et selon le cycle du projet minier


Dans un ordre chronologique inverse, les conflits ont été catalogués de 2015 jusqu’à
l’implantation de la société et leur synopsis détaillé. Sur le terrain, l’approche a consisté à
rencontrer dans un premier temps les communautés à travers les différentes
composantes sociales, ensuite les sociétés minières et les autorités locales, afin de
recouper et de vérifier les informations recueillies tout en continuant le catalogage des
conflits. Cela a consisté à se fier à deux sources distinctes mais complémentaires : la
mémoire des communautés et les archives des sociétés minières là où elles étaient encore
disponibles.

5.1.1.1. Chez les opérateurs ayant leur projet en développement


5.1.1.1.1. Synopsis des conflits en zones GAC
Graphique 2 - Synopsis des conflits en zone GAC
Le projet GAC a la particularité d’avoir élaboré et mis en
œuvre un Plan d’Action de de Réinstallation et
Compensation (PARC) en phase de recherche. Une
première en Guinée qui s’est réalisée sur un fond de
(quasi) vide juridique certes, mais qui a intégré les
standards internationaux en la matière. Ainsi, afin de
minimiser ses impacts sur les populations les plus
impactées, l’opération a consisté à déplacer deux villages : Pétoundjiga et Touldé vers
Tchankountcholi comme village hôte. Réalisée depuis 2008, l’opération a consisté en une
réinstallation économique et physique à travers la compensation financière des pertes
subies et la restauration des moyens d’existence, ainsi que la reconstruction des
structures d’habitat et autres infrastructures communautaires.

Encadré 1 - GAC et son PARC, une première en Guinée


L’ensemble des conflits recensés dans les zones d’impact du projet GAC sont liés à l’emploi. De la perte
des moyens de subsistance sur l’ancien site du village aux réalités de la restauration des mêmes
moyens d’existence sur le site d’accueil, les promesses d’emplois semblent avoir démobilisé davantage
une jeunesse désœuvrée sous la pression et la rareté des ressources foncières. En effet, l’emploi a de
tout temps constitué la cause des conflits avec le projet et les réponses fournies par la plupart des
médiateurs lors des revendications ne sont pas près de réduire les attentes : ‘‘Rentrez chez vous et
attendez’’ disent ces derniers. Si cela peut modérer dans l’immédiat les ardeurs des communautés

21
Rapport de fin de cycle

dans leurs revendications d’emploi, il faut relever qu’ils attendent toujours selon les conseils des
médiateurs et que les ‘‘emplois arrachés’’ lors des revendications ont été perdus au motif qu’il n’y a
plus ‘‘rien à faire pour eux à la mine tandis qu’on continue d’embaucher d’autres’’. La fréquence des
conflits dans les zones GAC tels qu’illustrée dans le graphique risque fort d’augmenter si la jeunesse
n’est pas davantage accompagnée à s’intéresser à des sources de revenus autres que l’emploi minier.

Si certains conflits peuvent être durablement résolus, ceux liés à l’emploi ont le désavantage d’être
récurrents, versatiles, voire insaisissables, du fait de la nature toujours insuffisante de l’emploi minier
non qualifié par rapport à la demande des communautés.

5.1.1.1.2. Synopsis des conflits en zones West Africa Exploration (WAE) Graphique
3 - Synopsis des conflits en zone WAE
Le permis minier de West Africa
Exploration (WAE) est à cheval entre
Bourata et Kéoulenta. La société vient
d’obtenir son permis d’exploitation
suite à l’enquête publique
réalisée récemment en en septembre
2014. Comme dans la plupart des
nouvelles zones minières, cette
présence suscite déjà beaucoup d’espoir
mais aussi provoque des frictions
liés à
l’emploi tandis que l’opérateur attend toujours de relancer ses activités en berne pour
cause d’Ebola. De 2012 à 2015, la présence récente de la société a généré en tout trois (3)
conflits polarisés par l’emploi. En 2015, un conflit intercommunautaire fait un mort à
Doromou où deux groupes d’habitants se sont mortellement affrontés suite au de
détournement de femme d’autrui par un employé natif du village et engagé par une société
sous-traitante de gardiennage.

La pratique de détournement des femmes loin d’être un fait insolite du seul site de WAE
est un fait largement répandu dans les zones minières mais son caractère délicat en fait
plus ou moins un tabou. Par ailleurs Bourata, Kéoulenta, tout comme la plupart des
villages impactés, se revendiquent chacun comme étant l’hôte de WAE et de ce fait
devraient à eux seuls bénéficier des externalités positives du projet en termes de
réalisations. Cette perception fait le lit de nombreux conflits intercommunautaires tant
autour de l’emploi local que du choix des sites pour la réalisation des infrastructures
minières et annexes. Avec trois (3) conflits récences, la zone WAE concentre sur elle, 3%
des conflits.

Indépendamment de la présence de WAE, il existe entre Bourata et Kéoulenta un air


d’inimité liés à de vieux conflits intercommunautaires. Ce passif historique a le
désavantage d’exacerber les tensions. Il est fortement souhaitable pour la société d’initier
une étude approfondie afin de remédier durablement à cette inimité qui pourrait se
déteindre sur les opérations minières à terme. Cette suggestion reste extensible aux
sociétés minières opérant dans des localités à lourd passif conflictuel au niveau
communautaire ou intercommunautaire.

22
Rapport de fin de cycle

5.1.1.1.3. Synopsis des conflits en zones Rio Tinto


Graphique 4 - Synopsis des conflits en zone Rio Tinto
Nionsomoridou, Moribadou et dans une moindre mesure Beyla, présentent une
physionomie similaire de conflits. En effet, les trois localités ont connu de nombreux
conflits liés à l’emploi. De 1996 (date d’implantation de Rio Tinto) à 2010, les populations
ont attendu 14 ans avant de réclamer les emplois promis par les premiers géologues. Si la
plupart des conflits ont opposé les populations à la société, il faut relever que les trois
localités se ‘‘font aussi la guerre’’, accusant chacun Rio Tinto de faire la part belle aux
autres lorsqu’elle n’est pas privilégiée dans certains choix. Ainsi, l’installation du bureau
des recrutements locaux à Moribadou a provoqué une levée de boucliers tant à Beyla qu’à
Nionsomoridou. La première se voyant bafouée dans son statut de chef-lieu de commune
urbaine et la seconde s’estimant perdante en tant que Commune rurale face à un District.
Abstraction faite de la logique qui a prévalu au du choix de Moribadou pour cette
infrastructure plus proche de la base vie de Rio-Tinto, cette action y a drainé une marée
humaine au point où le District en est plus peuplé que la Commune rurale. En plus des
problèmes de planification eu égard au schéma d’aménagement du territoire, ce
déséquilibre démographique crée de plus en plus de tension et de rivalité entre les deux
villages.

Par ailleurs, Nionsomoridou et Moribadou incarnent le mieux les conflits


autoritéscommunautés. Depuis 1996, date d’installation de Rio Tinto, c’est en 2012, soit
après 16 ans, que les communautés vont découvrir pour la première fois l’existence de la
taxe superficiaire dûment payée par la société mais jusque-là gérée exclusivement par les
autorités sans la participation des communautés. Suite à deux formations consécutives
dont l’une par le Projet Faisons ensemble de l’USAID et l’autre par l’ONG CECIDE, les
communautés découvriront ce qu’elles ignoraient depuis. La veille citoyenne qui en a
résulté a abouti à un soulèvement social contre l’équipe municipale. L’autre motif évoqué
est que le « maire a trop duré à son poste ». Il serait en place depuis près de trois décennies.
Le Conseil municipal fera désormais ses délibérations à huis clos jusqu’en début 2015 en
lieu et place des sessions ouvertes afin d’en écarter volontairement le public. Les
populations décident alors de former une fronde sociale et de demander sans coup férir
le départ de l’équipe municipale dès mai 2015.

Dissout par le Secrétaire Général des Collectivités mais réhabilité par le Préfet avant d’être
dissout à nouveau par le Gouverneur, le Conseil municipal est emporté définitivement par
la fronde sociale. En guise de solution de sortie de crise, les acteurs conviennent de choisir
de deux leaders communautaires par chaque village aux fins de mettre sur pied une
délégation spéciale pour expédier les affaires administratives jusqu’à nouvel ordre. Dans
l’attente de l’installation officielle de la délégation spéciale, les tergiversations de
l’administration ont retardé le dénouement de la longue crise dont le dernier épisode
vient de faire trois morts suite à l’intervention des forces de l’ordre.

5.1.1.2. Chez les opérateurs ayant leur projet production


5.1.1.2.1. Synopsis des conflits en zones SAG

Graphique 5 - Synopsis des conflits en zone SAG


La zone SAG est assez névralgique tant elle fait
fréquemment l’objet de conflits entre
les communautés et la mine. Il est à noter que

23
Rapport de fin de cycle

ces conflits sont pour la plupart inhérents au


processus d’extension des opérations de la mine au
site de Séguélen et la réalisation des mesures
d’atténuation des preuves. Des deux sources, on
peut tirer la synthèse suivante :

Encadré 2 - Kintinian ou les revendications à la chaîne

Les opérations de la SAG impactent à la fois plusieurs communautés, parmi elles, Kintinian. Les
conflits majeurs ayant été répertoriés par la SAG dans cette zone d’impact se sont produits entre 2008
et 2014 selon la chronologie suivante:
- 2008 : Débrayages par les populations de Siguiri relatifs au projet d’électrification de
SiguiriBouré
- 2010 : Soulèvement des populations de Bouré. Motif : recrutement d’agents de sécurité bilingues
- 2014 : Soulèvement des habitants du village de Balato. Motif : Compression des travailleurs de la
Société sous-traitante AMCO

En sus des trois conflits majeurs essuyés par la mine, il faut ajouter les nombreux soulèvements des
populations de Kintinian nés du processus de mise en œuvre des mesures d’atténuation de l’extension
des opérations de la SAG au site de Séguélen.

- 2010 :‘‘Conflit Tamba’’ ou de contestation de Mr. Tamba alors Directeur des Ressources
Humaines de la SAG pour ses pratiques de recrutement désavouées par les populations
- 2013 : Mouvement à Koflandé pour raisons de recrutement
- 2013 : Manifestations à Kintinian pour cause de recrutement
- 2013 : Manifestations pour réclamation d’école de 9 classes
- 2014 : Soulèvement des femmes de Kintinian pour l’AEPS
- 2014 : Soulèvement des populations pour la réalisation de 15 km d’ouvrage de drainage

Notons que tous les conflits ont été ouverts ou violents. Certains ont entrainé l’arrêt des opérations
et même le sabotage des conduits de drainage d’eaux usées. Par ailleurs, les conflits liés aux impacts
résiduels tels que la pollution du réseau hydrographique et les émissions de poussières liées aux
mouvements des engins lourds sont assez récurrents. A date, le problème d’adduction d’eau potable
simplifiée, l’électrification, la gestion des 0,4%, le recrutement des entrepreneurs locaux, le bitumage
Bouré-Siguiri ainsi que les recrutements restent non encore résolus et polarisent les tensions entre
mine et communautés avec un grand risque de soulèvement.
5.1.1.2.2. Synopsis des conflits en zones SMD
Trois zones d’impact ont été retenues pour la SMD. De Siguirini à Léro en passant par
Carrefour, les zones SMD enregistrent la plus forte récurrence des conflits sur l’ensemble
des huit projets miniers. De 2006 à 2014, les conflits majeurs identifiés dans chacune des
localités sont présentés comme il suit dans l’encadré :

Encadré 3 - Siguirini ou le berceau de la contestation du permis social


De 2006 à 2014, onze (11) conflits majeurs ont émaillé les relations entre la SMD et les communautés
impactées. La période a été marquée par deux (2) conflits larvés contre neuf (9) ouverts. Parmi ces
conflits ouverts, quatre (4) ont été violents, conduisant souvent à des arrestations et détentions de
manifestants par les forces de l’ordre. Par ordre chronologique on

24
Rapport de fin de cycle

peut citer :
a. 2006 : Révolte de la population
b. 2010 : Débrayage de travailleurs
c. 2010 : ARDEBA-Coopérative Baraka
d. 2013 : Révolte des jeunes de Léro
e. 2013 : Révolte des sinistrés de Léro
f. 2014 : Mouvement des travailleurs compressés
g. 2014 : Révolte de la population de Siguirini
h. Chaque année : Emission de poussière dans les villages
i. Chaque année : Perte de bétail dans le parc à résidus
j. Depuis 2012 : Obstruction du cours de la rivière Karta
k. Chaque année : Affectation de champs par l’activité
minière

Si la SMD juge résolu l’ensemble de ces conflits majeurs, d’entre eux ont peiné à trouver une solution.
Ce sont les conflits liés à ARDEBA-Coopérative Baraka qui date de 2010 et la révolte de la population
de Siguirini en 2014 partie de l’ouverture de firifirini, une extension des opérations de la SMD a un
gisement satellite. En effet, les populations avaient pour exigence l’emploi de 150 personnes de
Siguirini. Cela a été en partie résolu à travers la création de 15 emplois directs par la SMD même si
toutes les demandes de la population n’ont pu être satisfaites.

Dans la résolution de ces conflits, l’administration locale et les leaders communautaires ont été mis
à contribution. Cependant, la révolte de 2006 et la question des taxes superficiaires ainsi que le
débrayage des travailleurs ont connu un dénouement judiciaire.

La SMD estime que les communautés sont satisfaites des solutions proposées dont l’impact serait
positif. Mais elle reconnait tout de même que le risque de rebondissement reste encore élevé pour
certains conflits supposés résolus. A Siguirini comme à Léro, la SMD évalue à 50% le risque de révolte
générale. A cela s’ajoute la question névralgique d’émission de poussière dont la propension au
conflit reste la plus élevée et donc évaluée à plus de 60%.

A ces conflits énumérés par la SMD, il faut également inclure ceux significatifs aux yeux des
communautés.
Source : SMD-Communautés

5.1.1.2.3. Synopsis des conflits en zones CBG

Graphique 16 - Synopsis des conflits en zone CBG


Implantée depuis 1958, la
Compagnie de Bauxite de Guinée produit
actuellement
500 000 tonnes de bauxite par jour.
Elle a la particularité
d’impacter à la fois
les populations tant dans la zone
d’opération à Hamdalaye
(Sangarédi) que dans la zone
portuaire de Kamsar village. Si à
Hamdalaye, les cinq (5) conflits
enregistrés sont liés
majoritairement aux impacts environnementaux, à Kamsar village, les déversements
d’eau à teneur élevée en acide dans les champs et le terres cultivables ont largement été
25
Rapport de fin de cycle

supplantés par le manque d’infrastructures d’emploi et l’électrification. En effet, de 1959


en 2008, sept (7) conflits majeurs ont émaillé les relations CBG-Kamsar village. Si pendant
la Révolution, ces conflits étaient ouverts, il est à noter qu’ils n’étaient pas tous violents.
C’est à partir de 2003 que la violence va connaître un regain, conduisant à des pertes en
vies humaines successivement en 2003, 2007 et 2008, suite à l’intervention de l’armée et
la gendarmerie. Selon le Chef de District, depuis 1973, seuls trois (3) ressortissants de
Kamsar village ont été employés mais sont aujourd’hui retraités. Les barres rouges du
graphique indiquent les conflits ayant entrainé mort d’homme.

Depuis 2011, avec le changement de leadership à la tête de le Compagnie, une nouvelle


dynamique est née dans les relations avec les communautés. En effet, entre 2011 et 2014,
la CBG a initié et soutenu la création de neufs (9) Très Petites Entreprises (TPE) avec 1500
emplois générés au profit des jeunes afin de résorber un tant soit peu, le chômage. Grâce
aux emplois générés, la jeunesse de Kamsar a pu améliorer ses conditions de vie et fait
des réalisations immobilières. Sans supposer que l’emploi minier se marchande à un
certain niveau, certaines indiscrétions font état de ce que des jeunes ont pu « s’acheter »
de l’emploi à la mine grâce aux revenus ainsi obtenus des TPE. Les micro-entreprises ont
eu l’avantage de réduire sensiblement les conflits liés à l’emploi et d’améliorer la
cohabitation avec la CBG. A contrario, Hamdalaye, en plus d’avoir perdu les quelques
emplois de gardiennage des rails arrachés par suite de grèves il y a quelques années, est
sous le coup d’un projet de réinstallation involontaire dans le cadre des perspectives
d’accroissement de 40% de la production de la CGB. Avec 12 conflits en tout, les zones
CBG concentrent près de 13% des conflits recensés sur les huit zones.

5.1.1.3. Chez les opérateurs en arrêt de production

5.1.1.3.1. Synopsis des conflits en zones FRIGUIA

Graphique 6 - Synopsis des conflits en zones Friguia


La mine de Fria a ouvert en 1972. Fermée en 2012, elle est la première mine à avoir fait
les frais des conflits mines-employés et Fria bat de loin tous les records pour ce type de
conflits. Soit au minimum sept (7) grèves de travailleurs sous la houlette de leur syndicat.
En bravant le régime de la révolution en 1975, et celui du redressement par deux fois en
1991 et en 96, les travailleurs de Fria feront de la grève leur principal moyen de
revendication jusqu’à la fermeture en 2012. Les arrestations, détentions et les mutations
des meneurs n’y changeront rien.

En plus des conflits mines-employés, Fria a connu de nombreux conflits avec les
communautés et Kondékhouré a le plus souffert des impacts des opérations. Située à
quelques 15 km de Fria, Kondékhouré est le plus proche des champs d’abattage de
minerai. Ce qui lui vaudra d’être régulièrement sous les impacts les plus sévères. De la
mémoire des communautés, cinq conflits majeurs ont émaillé leurs relations avec la mine
de 1975 à 1994. Après 1994, ils vont se résigner à subir les impacts par manque de
solution concrète jusqu’en 2003 où, un accord interviendra avec la mine suite à une
négociation ratée au sujet d’une éventuelle réinstallation. Si cet accord a concerné
d’autres villages impactés, celui de Kondékhouré avec une population de 2521 habitants
a bénéficié de la modique somme de 15.000.000 GNF. Sans être évoqué explicitement, ce
paiement qui s’apparente bien curieusement à une indemnité de poussière revient à une

26
Rapport de fin de cycle

compensation de 5950 GNF par tête d’habitant. Elle est répartie entre les chefs de ménage,
excluant ainsi les femmes et les jeunes.

5.1.1.3.2. Synopsis des conflits en zones Forécariah Guinea Mining (FGM)


Forécariah Guinea Mining a démarré ses opérations d’extraction et d’exportation en 2012.
Cette mine de fer, située à quelques 140 Km de Conakry s’est développée dans un contexte
particulier. En effet, le secteur minier Guinéen est en pleine réforme depuis 2010 avec
comme résultats immédiat l’adoption d’un code de troisième génération dès 2011. Ce
Code exige comme préalable à tout promoteur minier qui envisage demander un permis
d’exploitation industrielle, de réaliser une Etude d’Impact Environnemental et Social
(EIES) afin de permettre aux autorités compétentes de valider ou d’invalider la
recevabilité du projet. Curieusement, projet minier va démarrer ses opérations
d’extraction de minerai de fer de 2012 jusqu’en 2014 sans qu’aucune étude d’impact
social et environnemental ne soit validée. Le permis dont FGM tient le droit d’exploitation
a été acquis sans passer par les obligations prescrites dans le Code minier.

De là va découler une série d’insuffisances et de manquements vis-à-vis des communautés


de Moussayah, Dianéyah et de Yomboyéli qui seront les plus éprouvées jusqu’à
l’évanouissement de la société, laissant derrière elle, des populations traumatisées et
désabusées sans oublier les sous-traitants et les travailleurs abandonnées sans leurs dus.

Encadré 4 - FGM ou la désillusion d'une communauté abusée

En l’espace de trois (3) ans d’exploitation, FGM a réussi à impacter négativement et porter durement
atteinte au tissu social. Les principaux conflits (liste non exhaustive) identifiés par les communautés
comme ayant porté atteinte aux relations avec FGM sont les suivants :

Graphique 7 - Synopsis des conflits en zone FGM


Moussayah
- 2011 : Soulèvement des communautés pour l’emploi des jeunes
- 2012 : Protestations contre la dégradation de la piste de desserte
par les engins miniers et sa non-réhabilitation
- 2014 : Protestation contre le non-paiement des salaires des
membres des communautés employés

Dianéyah
- 2012 : Protestation contre les compensations des champs impactés
- 2012 : Perturbation des travaux champêtres par la coulée de boue en provenance des sites de
dynamitage jusque dans les champs
- 2012 : Insurrection contre le non recrutement des jeunes

Yomboyéli
- 2010 : Protestation contre le non emploi des jeunes
- 2012 : Protestation violente contre la turpitude de l’eau de la rivière5 provoquée par les nombreux
dynamitages et à la coulée de boue
- Protestation contre la valeur et l’extrême monétisation des compensations proposées qui
excluaient la restitution des terres

5 Les populations de Yomboyéli n’ont toujours pas accès à l’eau potable. Elles s’approvisionnent en eau de boissons dans
les rivières les plus proches du village qui, sous l’effet de l’abatage du minerai et de la coulée de boue depuis les sites
n’était plus consommable du fait de la turpitude de l’eau provoquée par les opérations.

27
Rapport de fin de cycle

- 2013 : Protestation contre la lenteur du projet de réinstallation involontaire

L’accumulation des conflits et leur fréquence font de Forécariah une autre zone minière névralgique
de la Guinée.
Source : Communautés-Enquêtes terrain 2014

En attendant de voir la société FGM renaître de ses cendres ou qu’elle soit reprise par
d’autres investisseurs, SARI et Rio Tinto qui ont d’importants projets en cours dans la zone
de Forécariah encore sous le trauma de FGM doivent nécessairement tenir compte du
lourd passif social et écologique ainsi que de leurs répercussions dans leur stratégie
d’implantation.

Il ressort que les conflits sont plus récurrents dans les projets en phase de production
qu’en phase de recherche. En effet, 5 des 8 sociétés minières ont atteint la phase de
production avant que 2 d’entre elles ne ferment. Elles enregistrent une forte proportion
de 70 % des conflits survenus avec une moyenne de 14 conflits par société contre 30%
des conflits pour les sociétés en phase de recherches qui se distribuent une moyenne de
10 conflits. L’augmentation des conflits au fil du cycle du projet et surtout en phase de
production tient son origine de l’ignorance des communautés locales en matière de mine.
Le manque d’accompagnement dans la compréhension et l’appropriation des enjeux dès
le début du projet fonde le lit et entretient l’illusion des externalités positives en
perspectives. C’est à l’apparition des premiers impacts sévères de nature à bouleverser
l’équilibre sociale que les conflits qui étaient sporadiques en phase de recherche vont
augmenter sous l’effet des revendications ou des protestations diverses. Si l’on peut
mettre cette réaction tardive au compte de la faible implication des communautés à la
prise de décisions depuis la conception du projet, il n’est pas non plus certain que cela
aurait été évité tant l’espoir des bénéfices éclipse l’impérieuse nécessité pour les
communautés de discuter et d’influencer le projet à leur profit et dès le début.

Contrairement à la Guinée, les conflits apparaissent plutôt et sont plus récurrents en début
de projet en Amérique du sud.6 En effet, mieux formées et outillées par les organisations
de la société civiles, les communautés dès les premières études s’attellent à comprendre
et à influencer les options de réalisation du projet. Les conflits surviennent donc plutôt à
ce stade de conception et sont plutôt le fait de désaccords majeurs sur les options et leurs
impacts sur les communautés qu’au stade de production où toutes les parties prenantes
agissent en fonction des engagements pris dès la conception.

5.1.2. L’ampleur des conflits par localité


Par rapport au nombre total de conflits par localité, la SMD reste en tête avec
respectivement 12 et 13 conflits générés à Léro et à Siguirini, suivie de Rio Tinto avec 10
conflits à Nionsomoridou puis la SAG avec 9 conflits à Kintinian. GAC et WAE qui ont
obtenu leur permis d’exploitation et en passe de démarrer la phase de développement
sont confrontées à moins de conflits. Soit respectivement 5 conflits pour chacune d’elles.

Parce que l’étude a pris en compte plus de localités chez certaines sociétés que d’autres, il
s’est avéré nécessaire de procéder à une analyse à l’unité. Ainsi à nombre de localités
égales, autrement dit par localités, la SMD et la SAG enregistrent le plus grand nombre de
conflits avec une longue avance de 13 conflits par localité contre 9 pour la SAG (pour la

6 Daniel Franks et al, 2014

28
Rapport de fin de cycle

seule localité de Kintinian). Friguia avec une moyenne de 7 conflits par localité devance
quant à lui la CBG ainsi que Rio Tinto, ces deux dernières ayant généré en moyenne 6
conflits par localité impactée.

GAC a enregistré le moins de conflits par localité soit 2 contre 3 pour FGM et WAE comme
présenté dans le tableau suivant qui fait la répartition des conflits dans les localités faisant
l’objet de l’étude.

29
Rapport de fin de cycle

leurs relations avec les communautés impactées,


la démarche a consisté à faire une rétrospection.
Ceci a permis de faire une analyse diachronique
des conflits de 1959 à 2015. On constate que les

30
Rapport de fin de cycle

conflits ont apparu dès les premières heures de


l’industrie minière en Guinée en 1959 et ont
évolué dans le temps et dans l’espace offrant ainsi
trois périodes distinctes : de 1959 à 1996 de 1996
à 2012 puis de 2012 à 2015.

La première période allant de 1959 à 1996 se distingue par une évolution insidieuse des
conflits caractérisés par leur faible nombre sur l’ensemble des deux mines existantes
d’alors que sont celle de la CBG et de FRIGUIA. En effet, avec un conflit par an, le premier
pic ne s’est manifesté que dans les années 1973 avec deux conflits pour rechuter ensuite
à 1 à partir des années 1980.

Dès 1996, une nouvelle ère commence. Celle d’une évolution certes erratique des conflits
mais avec une tendance régulière à la hausse jusqu’à atteindre le paroxysme en 2012 avec
16 conflits pour la seule année.

L’après 2012 sera caractérisée par une diminution progressive du nombre de conflits qui
va passer de 16 à 12 l’an avec en 2013, une résurgence éphémère à 13. Depuis 2014 on
constate une baisse caractérisée par une réduction continue. Les facteurs explicatifs de
ces évolutions sont de divers ordres. Pour la première période de 1959 à 1994, le faible
niveau de conflits est à mettre au compte de trois facteurs essentiels que sont :

- Le faible nombre de mines ouvertes soit au total 2, Fria et la CBG étant les seules mines
en exploitation à l’époque ;
- L’environnement politique marqué par la Révolution avec ses exigences 7 d’une part
ainsi que son prolongement dans la gestion des affaires du pays jusqu’en 1994 ;
- L’absence des communautés dans la gestion des mines qui ouvraient pratiquement
sans étude d’impact environnementale ni aucune forme d’implication véritable des
communautés. Ce qui faisait des mines une affaire d’Etat.

La période tumultueuse de 1994 à 2012 sera marquée par les conséquences de la


libéralisation progressive du secteur minier et tous les services associés. Ce sont entre
autres:
- La libéralisation des prix à l’économat à Fria ainsi que ses impacts sur les conditions de
vie des travailleurs ;
- L’arrivée de nombreuses sociétés minières cette dernière décennie comme illustré
dans le tableau suivant avec pour corollaire l’accumulation et l’amplification des
impacts des opérations minières sur les populations riveraines.

Tableau 5 : Situation des titres miniers délivrés


Nombre total de Nombre de titres délivrés selon la période
Minéraux
titres miniers 2004-14 Proportion (%) 2010-14 Proportion (%)

7 Les populations de Kondékhouré avec l’appui des autorités d’alors ont adressé plus d’une cinquantaine de lettres
manuscrites au Commandant de Cercle afin que ce dernier remonte l’information aux premiers responsables de la
Révolution quant aux risques environnementaux qu’ils couraient. La structure de la lettre finit d’éclairer le lecteur sur
les exigences de la Révolution. En effet, quelle que soit la gravité du motif de la plainte, la lettre laisse entrevoir qu’il
n’est pas permis à un révolutionnaire convaincu de se révolter. C’est pourquoi, en guise de formule de politesse après
l’exposé des motifs, les lettres se terminaient par « Prêt Pour La Révolution ». En un mot se plaindre oui mais se révolter,
non.

31
Rapport de fin de cycle

Fer 56 55 98 51 91
Or 195 192 98 128 66
Uranium 6 6 100 2 33
Bauxite 55 50 91 41 75
Diamant 53 50 94 33 62
Métaux de base 27 27 100 19 70
Total 392 380 97 274 70
Source : Cadastre minier, Décembre 2014

La troisième et dernière période qui court de 2012 à 2015 présente une tendance à la
baisse des conflits en raison des facteurs suivants :
- La fermeture de FRIGUIA à partir de 2012 et donc une zone conflictuelle en moins ;
- La réduction significative des opérations sur les sites miniers actifs suite à Ebola ;
- La mise en berne de nombreux projets en phase de développement pour cause d’Ebola.

5.1.4. Typologie des conflits


L’analyse des conflits révèle leurs caractères multiforme et complexe. Une meilleure
compréhension passe nécessairement par une dissection selon plusieurs modalités que
sont : la nomenclature, la nature (violente ou non violente), le niveau de déclenchement
(larvé ou ouvert), l’état de règlement, le type de règlement ainsi que le niveau de
satisfaction eu égard au règlement.

5.1.4.1. La nomenclature des conflits


Selon la nomenclature, les conflits peuvent être répartis selon quatre (4) ordres et quatre
(4) sous ordres soit au total huit (8) ordres. Selon la fréquence, les quatre ordres sont:
• Les conflits communautés # sociétés
• Les conflits employés # sociétés
• Les conflits intercommunautaires Les conflits autorités # communautés
Quant aux quatre sous ordres recensés, ce sont :
• Les conflits communautés # société # employés # société
• Les conflits communautés #société # autorités # communautés
• Les conflits intercommunautaires # communautés # société # employés
#société
• Les conflits intercommunautaires# communautés #société

5.1.4.2. Comment se manifestent ces ordres de conflits ?

5.1.4.2.1. Conflits communautés # sociétés


Ils se caractérisent par une opposition directe entre les communautés et les miniers et
sont de loin les plus fréquents avec une proportion écrasante de 76,5% des conflits
enregistrés contre seulement 23,5% pour l’ensemble de tous les autres conflits. Si ces
conflits sont récurrents dans toutes les zones minières, les localités les plus
problématiques sont d’une part Léro et Siguirini pour la SMD, Nionsomoridou pour Rio
Tinto puis Kintinian pour la SAG.

5.1.4.2.2. Conflits employés-sociétés


Il s’agit ici des conflits qui surgissent entre les employés et les sociétés. De l’ordre de 8,2%,
ils sont le fait de revendications corporatistes et salariales de la part des travailleurs des
mines et quelquefois liés aux cas de licenciement. Ces conflits sont fréquents dans toutes
les mines. Fria se présente comme le berceau des conflits employés # sociétés. De 1975 à
32
Rapport de fin de cycle

la fermeture en 2012, sept conflits du genre ont été enregistrés. La SAG, la SMD ainsi que
la CBG ont connu aussi des actions syndicales mais de moindre ampleur.

5.1.4.2.3. Conflits intercommunautaires


Ce sont les conflits pouvant naître entre deux ou plusieurs communautés distinctes du fait
de la présence de la mine. Ils surviennent généralement quand un acte posé par la société
minière est interprété comme désavantageux par une partie au profit des autres ou vice
versa. C’est le cas de l’implantation du Bureau de recrutement a Nionsomoridou par Rio
Tinto qui a provoqué une levée de bouclier tant à Beyla qu’à Moribadou s’estimant lésés
dans le choix du site.

La zone WAE regorge un important passif de conflits intercommunautaires datant de


longues années.. Bien qu’étant antérieur à la mine, cette situation nécessite une attention
particulière dans la mesure où elle a le désavantage d’exacerber les tensions autour les
externalités positives de la mine. Déjà, les prospections de sites pour la réalisation des
infrastructures minières et annexes provoquent des remous a Bourata ou l’on perçoit cet
élan de la société comme une « trahison » au profit de leur voisins sans même que les choix
définitifs ne soient encore opérés.

5.1.4.2.4. Conflits autorités#communautés


Dans la plupart des zones minières, c’est la mauvaise transmission ou la rétention de
l’information sur la mine qui était reprochée aux autorités locales. Dans leur rôle
d’interface, elles sont plutôt perçues comme un écran empêchant d’accéder directement
aux décideurs de la mine. Si cet état de fait est à mettre au compte des nombreux griefs
que les communautés ont à l’encontre des autorités locales, cela ne les met pas à l’abri de
conflits ouverts sur fond de mauvaise gestion ou de manque de transparence dans
l’utilisation des taxes minières reversées à la collectivité. On peut citer notamment le cas
en cours de Nionsomoridou/Moribadou qui a fini par emporter l’équipe municipale, et
celui de Fria qui couve toujours. Si les conflits autorités # communautés sont d’une
proportion relativement faible, soit 2%, ils méritent une attention particulière du fait
qu’ils révèlent un profond problème de gouvernance local qui est une caractéristique
majeure des communes rurale dans le contexte de la décentralisation. Le caractère récent
de ce type de conflit porte à croire que le problème pourrait être réel partout ailleurs mais
étouffé par l’ignorance des communautés.

5.1.4.3. Comment se manifestent les sous-ordres de conflits ?


Si la particularité des principaux conflits sus mentionnés est qu’ils opposent deux parties,
les sous ordres de conflits se singularisent par une combinaison plus complexe de
plusieurs acteurs. Ce sont donc des déclinaisons des formes de conflits précédant pouvant
mettre en confrontation autant d’acteurs que possible. Un exemple de ce sous ordre de
conflit est celui opposant actuellement la communauté de Baraka à la SMD qui, a priori ne
concerne que les deux entités alors que dans le fond, il en comprend plusieurs. En effet,
sur la base d’une convention entre les deux parties, des ressortissants de la communauté
ont été employés puis licenciés plus tard créant ainsi deux fronts de conflits : l’hostilité
des communautés envers la société d’une part et celle des exemployés envers la société
d’autres part d’où un conflit communautés-société-employéssociété.

33
Rapport de fin de cycle

Les autres sous-ordres de conflits sont à interpréter de cette façon et la succession des
acteurs dans la nomenclature des conflits indique leur implication effective. L’ensemble
des sous ordres représentent environ 5% des conflits.

Le graphique 3 suivant illustre la proportion de chaque ordre et sous-ordre de conflit.

34
Rapport de fin de cycle

5.1.4.4. Nature des conflits


La répartition des conflits selon la nature indique que la majorité des conflits dans les
zones minières sont plus violents. En effet, 52% des conflits se sont avérés violents
contre 48% de conflits non violents comme indiqué dans le graphique 4.

Les conflits non violents se caractérise nt par une


rupture du dialogue et par des actions pacifiques
tandis que les conflits violent s peuvent aller des
protestations faisant usage de barricade de rues à la
destruction d’engins roulants ou des installations
minières par les communautés. Ils incluent la
répression, les détentions ainsi que des pertes en vies
humaines. La répartition des conflit s selon leur nature sur l’ensemble des localités
couvertes par l’étude est présentée dans le graphique 5 suivant.
Graphique 5 : Répartition des conflits selon leur nature par localité
Dans ce sens, la
violence n’est
pas perpétrée
que par les
communautés
mais également
par les forces de
l’ordre qui
interviennent
avec un usage
excessif de la
force. Ainsi, en
terme de récurrence, Léro et Nionsomoridou ont enregistré le plus de conflits violents soit
25% contre 19% des conflits totaux tandis qu’à Moribadou, Tchankountcholi et Siguirini
les conflits sont moins violents.

35
Rapport de fin de cycle

Siguirini a connu des conflits très violents par le passé ayant entrainé des arrestations et
des détentions mais avec le temps, les communautés ont changé de mode de
revendication. Par exemple, suite à une série de griefs, les autorités locales ont entamé
des négociations avec la SMD tant sur le terrain qu’à Conakry sous la médiation du
Ministère des Mines. Certaines des revendications ont été réglés à l’amiable tandis que le

Récemment, ces acquis semblent s’être dégradés selon la SMD qui dit enregistrer « plus
de conflits et des plus violents à Siguirini. » Dans le graphique suivant chaque localité est
comparée à elle-même et la proportion des conflits violents par opposi tion à ceux non

Le graphique ressort deux extrémités : les zones à conflits totalement violents comme
Beyla, Léro et Nionsomoridou et les zones à conflits totalement non violents tels Filo
Bowal, Kondékhouré et à Moussayah. Si pour Moussayah et Filo Bowal la faible
récurrence des conflits pourrait expliquer cette situation, Kondékhouré s’illustre par
une longue tradition de communication avec les autorités. En effet, depuis les premières
cas spécifique de licenciement des travailleurs de la communauté de Baraka fait
actuellement l’objet d’un procès en bonne et due forme. Cette évolution marque un tant
soit peu un début de changement dans le mode de revendication des communautés qui
affirment de plus en plus leur leadership en usant des voies légales pour la résolution des
différends avec la SMD.
violents est illustrée comme il suit.

Graphique 6 - Vue rapprochée sur la nature des conflits par localité


heures de la mine, les communautés appuyées des autorités locales d’alors n’ont jamais
cessé d’adresser par écrit leur désarroi face aux nombreux impacts environnementaux
qu’ils subissaient. Soigneusement cataloguées par le Chef Secteur, ces lettres constituent
aujourd’hui une véritable mémoire des relations entre la mine et le village.

36
Rapport de fin de cycle

5.1.4.6. L’ampleur des conflits Graphique 9 - Ampleur des conflits


Afin de mieux saisir l’ampleur des conflits, deux
variables ont été utilisées: les conflits larvés et les
conflits ouverts. Les conflits ouverts sont toute
situation née de la rupture du dialogue entre les
parties. Ils peuvent être violents tandis que les
conflits larvés se caractérisent par leur état latent et
donc pas directement perceptibles. Ainsi la grande
majorité des conflits dans les zones minières sont
ouverts, soit 85,7% contre seulement 14,3% de
conflits larvés.
Graphique 10 - Nature du conflit selon l'ampleur
L’analyse des conflits selon la nature et l’ampleur
permet de déduire que les conflits non violents
cachent une forte proportion de 70,2% de conflits
ouverts contre seulement 28% de conflits larvés
tandis qu’à l’évidence 100% des conflits violents
étaient quant à eux ouverts. Le graphique qui suit
en est une illustration.

5.1.4.7. Etat du règlement


• L’état des lieux du règlement des conflits indique que les conflits se trouvent dans
trois états distincts à savoir les conflits réglés, pendants et non réglés. Les conflits réglés
sont de l’ordre de 53,1%. Ce sont les conflits ayant connu une solution définitive avec
dénouement heureux ou malheureux sans aucune possibilité de rebondissement.
Graphique 11 - Etat des conflits

• Les conflits pendants sont ceux en cours de résolution où l’espoir est encore permis.
42,9% des conflits enregistrés sont de cet ordre.

• Les conflits non réglés constituent le passif noir entre les communautés et les sociétés
minières et sont le fait de revendications lointaines abandonnées par les parties en
désespoir de cause, faute de solution, ou des revendications non solutionnées mais
tombées en désuétude compte tenu du temps écoulé. Les dégâts environnementaux
causés par FRIGUIA dans le village de Kondékhouré (champs, terres et rivières y compris)
depuis l’ouverture de la mine ne seront jamais compensés pas plus que les déplacés de
Kamsar village par la CBG dans les premières heures de l’industrie minière en Guinée. Ce
passif noir qui est vécu comme une plaie à vie par les populations est de l’ordre de 4,5%
des conflits.

5.1.4.8. Mode de règlement Graphique 12 - Mode de règlement


Les conflits dans les zones minières sont réglés essentiellement
à deux niveaux : le niveau non judiciaire pour les conflits qui
auront pu être réglés à l’amiable et le niveau judiciaire pour les
conflits ayant largement dépassé les compétences des
mécanismes non judiciaires en place. Ainsi, la forte majorité des
conflits ont pu être réglés dans le cadre de mécanismes non
judiciaires soit 96% contre 4% de conflits ayant été transférés
devant les instances judiciaires.

37
Rapport de fin de cycle

Le règlement judiciaire est le fait de cas extrêmes. On pourrait citer entre autres
l’emprisonnement des meneurs d’un soulèvement de Yomboyéli à Kindia en zones FGM,
le procès ARDEBA contre la SMD dans le cadre du licenciement des employés de Baraka
ainsi que le cas pendant de meurtre suite à un détournement de femme à Doromou en
zones WAE,

5.1.4.9. Niveau de satisfaction Graphique 13 - Niveau de satisfaction


Comme précédemment indiqué, 96% des
conflits ont été résolus à l’amiable à travers des
mécanismes non judiciaires contre 4% ayant
connu un dénouement ou en cours de
traitement judiciaire. La particularité des deux
mécanismes est que le premier réconcilie
tandis que le second tranche et condamne.

L’analyse du niveau de satisfaction des usagers des deux mécanismes a permis de cerner
leur appréciation des verdicts rendus dans le cadre de la gestion de l’ensemble des conflits
recensés. Comme l’illustre le graphique xx ci-contre, il y a quatre niveaux distincts de
satisfaction à savoir : « mitigé », « non défini » « pas satisfait » et « satisfait » A la lecture
du graphique on remarquera que la majorité des conflits dans leur règlement a abouti à
des solutions « mitigés » contre seulement 22,4% ayant trouvé une solution pleinement
appréciée qui « satisfait ». N’ayant pas obtenu gain de cause à travers les solutions
proposées, l’on ne s’estime « pas satisfait » du traitement de 10% des conflits, tout en
restant dubitatif sur 14,3% aux issues incertaines du fait qu’ils soient toujours pendants.

5.1.4.9.1. De la réalité des faits à la surenchère de la part des communautés Ces


appréciations sont à mettre au compte des attentes souvent trop élevées des
communautés lorsqu’elles entrent en revendication pour une cause spécifique. Par
exemple, dans le vocable des populations de Nionsomoridou et de Moribadou, tout
soulèvement n’ayant pas produit les résultats escomptés est considéré comme suspendu
jusqu’à nouvel ordre, attendant une meilleure occasion pour manifester à nouveau. Il faut
relever par ailleurs que les vagues promesses des médiateurs lors des conflits influent sur
ces appréciations. Dans la plupart des cas, après avoir reconnu que les communautés ont
raison dans leur action, elles sont priées de rentrer chez elles et d’attendre. Parce que la
solution escomptée ne viendra pas de sitôt, la suggestion des médiateurs qui est de «
rentrer et d’attendre » est perçue finalement comme la solution proposée au conflit.
Solution qui sera appréciée comme « mitigée ».

Une analyse des différents niveaux de satisfaction ainsi que de leur proportion laisse
entrevoir une certaine surenchère ainsi qu’une propension des populations à toujours
vouloir obtenir plus des sociétés minières jusqu’au-delà de l’équité. Ainsi de nouveaux
comportements apparaissent dans les zones diversement impactées. Tandis que les
sociétés minières sont décriées et dénigrées dans les communautés directement
impactées pour le manque d’égard à leur endroit, les communautés indirectement
impactées ou avoisinantes prient pour la découverte d’un gisement sur leur terroir afin
de bénéficier des retombées ne serait-ce qu’à la façon de leur voisins. Dans certains cas,
l’extension des opérations vers d’autres communautés n’est pas perçue d’un bon œil par
la communauté hôte qui y voit une fuite des avantages directs vers d’autres bénéficiaires.

38
Rapport de fin de cycle

A l’image de la plupart des sociétés minières dans leurs relations avec les communautés,
GAC est dorlotée à Tchankouncholi en sa présence pour être désavouée une fois absente
et à peu de frais en présence d’acteurs extérieurs tandis qu’au même moment la même
société (GAC) est acclamée dans les communautés abritant les nouveaux sites de
recherche. Sous le même registre, la prospection du site de Gbié par WAE pour abriter
potentiellement certaines infrastructures minières annexes en l’occurrence la base vie est
déjà perçue comme un affront par Bourata. Si dans l’absolu l’on ne peut totalement
blanchir les sociétés minières dans leurs démarches envers les communautés, ces
dernières entretiennent la posture de pleurer le ventre plein face à tout acteur extérieur.
Espérant ainsi bénéficier de sa sympathie pour faire davantage pression sur les sociétés
dans l’espoir d’engranger plus. Toujours plus. Cette culture du chantage perceptible chez
de nombreuses communautés est à mettre au compte de l’absence d’intervenants
crédibles pour une intermédiation sociale impartiale mine-communauté au bénéfice de
tous.

5.2. Les conflits et leurs causes


Les sources de conflits sont nombreuses dans les zones minières tant il est vrai que
presque tout est susceptible d’en provoquer. A l’analyse, il ressort deux catégories de
causes : les causes directes et les causes indirectes. Tandis que les causes directes sont
celles perceptibles, les causes indirectes sont plus insidieuses et sous-jacentes.

5.2.1. Les causes directes


Sept (7) causes majeures se dégagent et se présentent comme il suit par ordre
d’importance :
• l’emploi des communautés locales : 35,7%
• les impacts environnementaux résiduels et majeurs : 33,7%
• les infrastructures de base (tous genres) : 10,2%
• les compensations : 5,1%
• les revendications salariales : 4,1%
• le manque de communication : 3,1%
• la mauvaise gestion des revenus miniers au niveau local : 3,1%

Le graphique suivant, illustre bien plus en détail les causes des conflits.

Graphique 14 - Causes des conflits


35,7
33,7
5,1 3,1 5,1 4,1
3,1 3,1
1,0 1,0 1,0 1,0 1,0 1,0 1,0

39
Rapport de fin de cycle

5.2.1.1. L’emploi (des communautés) local et ses déclinaisons


Elle est de loin la cause la plus récurrente des conflits observés, soit 35,7%. De la gestion
des emplois disponibles à la publicité de l’information y relative, les communautés se
sentent flouées dans de nombreux cas et finissent souvent par entreprendre des actions
de revendication violentes. Les facteurs sous-jacents de ces conflits sont de plusieurs
ordres et se déclinent essentiellement comme il suit :
- L’infériorité de l’offre d’emploi par rapport à la demande
- L’accessibilité aux emplois disponibles par les communautés (employabilité)
- La gestion des opportunités d’emploi par les sociétés minières
- La répartition des emplois disponibles entres les différentes communautés
impactées

5.2.1.1.1. L’infériorité de l’offre d’emploi par rapport à la demande


Dans le cas des anciennes mines qui opèrent depuis des décennies, comme la SAG et la
SMD, la question est plus que jamais cruciale. La première génération qui a vu la mine
s’installer a conditionné l’implantation par l’emploi des membres de la communauté:

« Au début, on avait nos terres et nos pâturages et on était paisible. Ils sont venus nous
promettre l’emploi contre nos terres pour l’extraction de l’or. Maintenant, nous n’avons plus
nos terres et nous n’avons pas bénéficié des emplois promis, nos enfants non plus. Regardez
un peu autour de vous, toutes les anciennes plaines et autres terres fertiles sont devenues des
creux gigantesques. Les seules espaces disponibles sont les flancs des collines jonchés de
pierres. Dites-nous quelle culture peut réussir ici. On veut bien retourner dans nos champs
mais, il n’en existe plus. » Le chef du village de Léro dans un cri de désespoir. Il y a tout de
même lieu de souligner que l’orpaillage est devenu de loin la principale activité des
communautés de Léro, Carrefour, Siguirini. Cette activité s’est intensifiée avec l’arrivée
des machines détectrices d’or et devient ainsi la principale source de revenue surclassant
l’agriculture qui était jadis, l’activité traditionnelle. « La SMD dans les années antérieures
accompagnait les groupements villageois dans la réalisation de projets agricoles à petite et
moyenne échelles. Peu à peu les meurs ont mués et un désamour des travaux champêtres
s’est installé chez les jadis braves paysans. Du village au champ, la SMD a mis un bus à leur
disposition afin de les convoyer régulièrement et réduire la pénibilité du déplacement. La
dernière campagne de cette mésaventure a vu l’abandon de plus d’un hectare de riz non
récolté. Si au paravent, Siguirini était le grenier de toute la préfecture de Siguiri, aujourd’hui
on achète du riz importé en boutique. Les terres fertiles ont été décapées et les bas-fonds
ravagés sous l’effet de l’orpaillage. » Sources département communautaire, SMD.

A travers ce chef, on comprend qu’une nouvelle génération de paysans est née de l’effet
des mines : les ‘‘paysans déflatés’’. On les retrouve dans les anciennes mines qui ont ouvert
sur fond de vide juridique et où les réinstallations involontaires sont entrées tardivement
dans les pratiques des opérateurs miniers ainsi qu’exceptionnellement dans la zone de
Forécariah ou FGM n’a pas terminé son plan d’action de réinstallation avant de faire
banqueroute.

5.2.1.1.2. L’emploi des communautés : de la disponibilité à l’employabilité En


application du Code Minier Guinéen, les sociétés minières privilégient les communautés
impactées dans l’attribution des emplois non qualifiés. Mais dans la pratique, les
communautés dans leur quête d’emplois miniers se heurtent à l’épineuse question de la
qualification. Par exemple, le gardiennage qui est supposé être un emploi non qualifié

40
Rapport de fin de cycle

exige que le titulaire sache lire et écrire afin de pouvoir tenir un registre. Vu le nombre
important d’expatriés, certaines sociétés exigent l’anglais en sus. Dans un contexte de sous
scolarisation, ces profils sont perçus comme trop exigeants par les communautés. A
Kintinian (SAG) comme à Tchankouncholi (GAC), des recrutements de vigiles ont souvent
tourné au conflit sur ces bases perçues comme une forme d’exclusion déguisée. En dehors
de la phase de développement où l’implantation des superstructures et d’autres travaux à
haute intensité de mains d’œuvre génèrent des milliers d’emplois non-qualifiés qui
constituent des opportunités pour les communautés, la suite des opérations minières
offre peu d’emplois du genre et le passage de la phase de développement à la phase de
production active constitue souvent une période de délestage de personnel qui marque la
fin du rêve de l’emploi minier pour la plupart des employés non-qualifiés. Cet élagage se
vit mal par les communautés comme une entorse au bon voisinage et encore plus, comme
une dénégation des promesses tacites d’emploi faites par la société lors des phases
antérieures.

La suite des opérations minières exige un personnel qualifié et voit l’arrivée d’employés
guinéens mais ‘‘venus d’ailleurs’’ aux yeux d’une communauté qui comprend mal la
compression des siens. Pour elle, ces employés parachutés occupent les postes libérés par
les leurs déflatés. Le risque est encore plus élevé quand le nom de ces nouveaux employés
a une consonance avec les origines des principaux responsables de la mine. « Ils nous ont
débarqués pour envoyer leur frères à notre place. » Dans ces revendications aux relents
communautaristes, les exigences vont parfois jusqu’à prendre en compte des postes
techniques au-delà des compétences disponibles dans la communauté. Dans certains cas,
le poste de chargé des relations communautaires ou même de ressources humaines est
réclamé. Estimant que c’est à ce niveau que tout se joue et que les titulaires de ces postes
sont contre les intérêts de la communauté flouée au profit de personnes venants d’ailleurs.
Cette posture pose la problématique de l’interprétation de l’emploi local qui, dans
l’entendement des communautés, doit échoir à elles seules. Elles estiment donc qu’une
fois ces postes stratégiques en leur possession, il leur sera plus facile d’embaucher les
leurs à souhait. Ce malentendu traduit le ressentiment et le manque de confiance entre les
communautés et les sociétés minières. Les relations communautaires qui devraient servir
de ciment au développement intégré et durable des zones minières sont encore loin de ce
rôle tant elles sont empreintes de doutes et de défiance réciproques.

Encadré 5 - Kintinian

A Kintinian, les communautés ont « pris en otage » la proclamation des résultats d’un récent
recrutement pour le poste d’adjoint aux affaires communautaires lancé par la SAG. A la publication
de l’avis de recrutement, un natif a aussitôt été proposé par les jeunes qui exigent qu’il soit plébiscité
par les résultats qui viendront à sortir des délibérations de la société. Dans leur posture, c’est le seul
résultat acceptable quelles que soient les compétences des autres postulants Guinéens qualifiés.
Toute issue contraire étant susceptible de mettre le feu aux poudres.
Source : Enquête terrain

5.2.1.1.3. La gestion des opportunités d’emploi par les sociétés minières


Elle est au cœur de la répartition des emplois disponibles entre les communautés. Pendant
les opérations, des opportunités sporadiques d’emplois non qualifiés se présentent
surtout lorsque la société étend ses opérations à de nouveaux sites pour exploitation ou
pour continuer la recherche en vue d’accroitre son potentiel par la découverte de
gisements satellites éventuels. Dans ces cas, la société informe les communautés de
41
Rapport de fin de cycle

l’opportunité. Le différend nait généralement dans la répartition de ces emplois entre les
différentes communautés impactées qui ne s’entendent pas sur la clé de répartition des
emplois. C’est souvent une cause de conflits intra-communautaires.

5.2.1.2. Les impacts environnementaux


Majeurs ou résiduels, les impacts environnementaux constituent de loin la seconde cause
de conflits communautés-sociétés. Ils représentent 33,7% des conflits. Si les impacts
environnementaux peuvent s’observer sur tous les sites miniers, il convient cependant de
lever l’équivoque en relativisant cet état de fait. En effet, les données collectées dans les
zones SMD révèlent une récurrence d’impact environnemental sans commune mesure
avec les autres sites miniers. En effet, des cas fréquents de pertes d’animaux dans le lac de
résidus aux suspensions poussiéreuses en passant par l’endigage des cours d’eaux avec
ses incidences sur les activités agricoles en aval, les zones SMD enregistrent la plus forte
récurrence de conflits environnementaux. Chaque année en effet, la SMD enregistre au
moins un conflit pour chacune des composantes environnementales mentionnées, ce qui
positionne du coup les impacts environnementaux comme étant une cause majeure de
conflit.

5.2.1.3. Le manque ou l’absence d’infrastructures de base


Pour 10,2%, le manque ou l’absence d’infrastructures de base (tous genres confondus) se
présente comme la troisième cause de conflit dans les zones minières. Telles qu’illustrées
dans le graphique précédent, les revendications d’école 1%, d’eau potable 1%, de routes
5,1%, d’électrification 3% sont toutes des déclinaisons du manque d’infrastructures ; un
manque qui témoigne de la quasi absence de l’Etat en termes de réalisations visibles et
concrètes dans les zones minières en tant qu’acteur et garant du développement.
Cependant, les communautés dans leur appréciation des faits ne perçoivent pas cette
absence du fait de la confusion des rôles.

S’il est vrai que l’investisseur doit mitiger les impacts négatifs et bonifier les impacts
positifs nés de ses opérations, les défis du développement n’en sont pas moins nombreux
et les besoins réels, dans un contexte où l’Etat devrait jouer un rôle de premier plan. Dans
ce face à face mines-communautés, l’Etat se taille le beau rôle : celui de médiateur ou à la
limite de pompier et non d’accompagnateur d’un développement minier qui intègre
pleinement les réalisations sociales à coût partagé aussi bien par l’investisseur que l’Etat
lui-même, ne fut-ce que dans le cadre de programmes de développement intégré dont la
mise en œuvre engagerait les deux acteurs au profit du troisième que sont les
communautés.

L’Etat étant d’office détenteur de 15%8 des parts gratuites dans les sociétés minières à la
faveur du nouveau Code Minier, a un statut d’actionnaire, doublé de son rôle régalien de
protecteur des personnes et des biens. Ce renforcement du rôle d’agent économique de
l’Etat qui fait de lui un opérateur minier indirect devrait également faire de lui un
partenaire privilégié avec une présence accrue dans la réalisation des infrastructures de
base et l’accompagnement du développement communautaire dans l’optique de la
mitigation des impacts négatifs des opérations minières sur les communautés. Cette
approche qui aurait eu l’avantage de réduire sensiblement les conflits liés aux

8L’Etat ne détient aucune part dans certaines sociétés minières (SMD) tandis qu’il détient moins de 15%
sous des conventions passées avant la réforme qui a porté sa participation à 15% des parts gratuites. La
CBG reste la seule exception avec une participation étatique de 49% acquis sous la Première République.
42
Rapport de fin de cycle

infrastructures sociales de base dans les zones impactées reste à explorer aux fins
indiquées. Les textes d’application du volet communautaire du nouveau Code minier
pourraient y remédier s’ils sont mis en œuvre dans la lettre et dans l’esprit de la loi. En
attendant, la situation sur le terrain reste préoccupante et les infrastructures font toujours
l’objet de crispation entre mines et communautés.

Si à Kintinian la SAG a récemment passé une convention d’électrification à coût de


plusieurs millions de dollars, cette fourniture gratuite d’électricité au même titre que l’eau
a montré ses limites à bien des endroits et les nouvelles initiatives doivent se nourrir des
insuffisances du passé pour envisager durablement le futur.

A Fria : L’usine d’alumine a fourni gratuitement l’eau et l’électricité pendant des décennies
aux populations et sans aucune forme de prévoyance qui puisse favoriser une quelconque
autonomie de production et de distribution dans le futur. Depuis la fermeture, la ville de
Fria sent plus que jamais cette dépendance dans la mesure où, malgré l’arrêt des
opérations, RUSAL maintient toujours le service minimum pour éviter que la ville ne
sombre totalement.

A Bourata : Le forage réalisé par WAE pour améliorer l’accès à l’eau potable est tombé en
panne et ne peut être remis en service par un village de plus de 1500 habitants qui peinent
à mobiliser quelques 1500.000 GNF pour le dépannage. En attendant l’intervention
salvatrice du donateur, d’aucuns préfèrent retourner à la rivière. C’est dire que les
infrastructures sociales tout comme celles économiques telles la desserte d’eau courante
et l’électricité doivent être repensées et leur réalisation recadrée en dehors de toute
gratuité. On pourrait envisager un service payant dont les revenus générés peuvent
constituer un fond autonome de développement dans la zone minière concernée. En un
mot, la mine produit et distribue, les populations paient leurs consommations respectives
à un prix subventionné et les revenus générés sont placés dans un fonds séquestre
pendant une durée bien déterminée après laquelle la manne financière engrangée sera
transformée en fonds autonome de développement tandis que la production et la desserte
d’eau ou d’électricité elle, est rétrocédée à un conseil de gestion placé sous la tutelle de
l’entreprise. Car si l’assistanat gratuit a le mérite d’acheter le silence et la collaboration
des communautés, il a cependant le désavantage de créer le sentiment d’un bien être qui
ne tient qu’à un fil parce que illusoire. Dans tous les cas, une étude de faisabilité
approfondie s’impose et les mutations suggérées constituent une urgence pour l’Etat et
les sociétés minières afin de faire de la desserte d’eau et de l’électricité le moteur du
développement et de l’autonomie des zones minières.

Encadré 6 - La situation sanitaire à Léro et Carrefour


« Quand tu tombes malade, tu dois partir au Poste de Santé pour t’inscrire d’abord sur la liste des
malades puis te retourner à la maison pour revenir voir le lendemain si tu peux être reçu. Avec un
peu de chance, on peut t’examiner. » Dixit un habitant de Léro. Par jour, ce sont une trentaine de
personnes qui sont prises en charge par le personnel du poste de santé. Soit 15 enfants et 15
adultes pour une population de plus de 20582 habitants que compte la localité. Selon la longueur
de la liste d’attente, il peut arriver qu’un malade s’inscrive mais qu’il reste plusieurs jours avant
d’être reçu. Selon les données du service médical, 21416 personnes ont été consultées dans les
cliniques de la SMD en 2013 soit 59 personnes par jour.

Le Poste de Santé a été réalisé par la SMD pour son personnel externe. Mais en l’absence
d’infrastructure sanitaire communautaire, le seul Poste de Santé est fréquenté autant par les

43
Rapport de fin de cycle

travailleurs de la SMD que par les habitants de Léro et Carrefour. Cela crée un engorgement au
point de ne pouvoir répondre à la demande sanitaire des populations. Le taux d’accessibilité
journalière étant de 0,14%. L’effet d’attraction et de surpopulation qui est un phénomène inhérent
aux projets miniers n’a pas été suffisamment pris en compte dans la planification du
développement local. D’où en cas d’urgence, les malades sont obligés de se référer à Dinguiraye
ou à Siguiri respectivement distants de 115 et 155 km.
Source : Enquête terrain

5.2.1.4. Une kyrielle d’autres causes directes


En plus des trois principaux facteurs de conflits cités plus haut, plusieurs autres causes, à
faible récurrence cependant, ont pu être relevées. En effet, les compensations et les
revendications salariales comptent respectivement pour 5,1%, et 4,1% des conflits,
contre 3,1% respectivement pour le manque de communication et la mauvaise gestion
des revenus miniers au niveau local. Si les revendications salariales sont corporatistes et
ne surviennent que lorsque le besoin d’augmentation salariale se fait sentir chez les
employés, la faible récurrence des conflits liés à la compensation ou à la gestion des
revenus miniers ne signifie pas nécessairement que ces maux n’existent pas ailleurs. Bien
au contraire, ils peuvent exister sans avoir fait l’objet de conflits par pure ignorance des
communautés.

5.2.2. Les causes indirectes ou sous-jacentes


5.2.2.1. Le non-respect des engagements par les sociétés minières
Toutes les autres causes autant directes qu’indirectes procèdent du non-respect des
engagements par les sociétés. Il est présenté par les communautés comme l’une des
causes majeures de conflit. Il tire essentiellement son origine de trois facteurs : (i) le cycle
budgétaire et les contraintes du budget des opérations (ii) le changement de personnel,
cas de la SMD et (iii) le flou et l’imprécision dans les conventions communautés-sociétés.

Le cycle budgétaire représente une contrainte majeure pour les sociétés minières tant
dans la conduite des opérations que pour les investissements et les réalisations convenus
avec les communautés. Cependant, la plupart des conventions ou des engagements sont
pris avant que l’échéancier ne soit précisé. Il n’existe pas pour le moment un modèle
standard à l’échelle nationale. Il est donc pratiquement impossible de savoir quand ces
réalisations se feront. Ce qui crée un déphasage entre le niveau de réalisation (attentes
des communautés) et le calendrier de ces réalisations eu égard au cycle budgétaire. « Ils
promettent mais, on ne voit rien venir » entend-on dire. C’est pourquoi lorsque la patience
vient à manquer aux communautés, les mouvements de protestations éclatent.

Par ailleurs, le ‘‘turn over’’ ou la rotation du personnel à l’interne comme à la tête des
opérations sur le terrain peut raidir les relations avec les communautés. En fonction des
circonstances, la nouvelle équipe a tendance à recadrer l’héritage qu’elle tient de l’équipe
sortante, héritage généralement fait de consensus avec les communautés sur des
réalisations à leur profit. Cette rotation inévitable dans le fonctionnement des entreprises
minières a souvent le désavantage de changer la compréhension des engagements entre
l’administration et le top management. Et les changements brusques qui consistent à
remettre en cause les acquis ou à stopper des activités en cours peuvent durement
éprouver la cohabitation. C’est le cas de la SMD qui, selon les communautés, a «
complètement changé de visage » depuis le départ de Crew Gold au profit de Nordgold.

44
Rapport de fin de cycle

5.2.2.2. Le manque de communication et le déficit d’information


Il est la troisième cause majeure de conflit. L’accès à l’information est capital dans les
relations de bon voisinage entre mines et communautés. En effet, les communautés ont
besoin de s’informer sur l’évolution des activités pour une relation saine. Cela du fait que
les sociétés minières disposent de plans d’engagement des acteurs essentiellement fondés
sur la gestion des risques plutôt que sur le développement d’un partenariat véritable avec
les communautés. Par exemple les leaders communautaires populaires sont cooptés pour
des contrats d’embauche ou de prestations diverses espérant les isoler de leur base et
faire baisser les contestations et les mouvements de foule. Dans la pratique, les deux
approches sont employées par les sociétés minières selon les cas.

La première a l’avantage d’atteindre les communautés sans difficultés et avec les résultats
escomptés et les acteurs ont l’occasion de se parler d’égal à égal. La réaction, qu’elle soit
consensuelle ou non est perceptible dans l’immédiat et les parties en tirent les
conséquences. C’est d’ailleurs l’option réclamée par les communautés qui n’ont plus
aucune confiance aux pouvoirs locaux tout comme à l’administration locale accusés à tort
ou à raison d’être tantôt les complices des miniers ou des égoïstes qui retiennent ou
déforment l’information en leur faveur. Si cette approche reste simple et pratique sur le
terrain, elle enlève de facto certaines prérogatives aux collectivités locales dans l’esprit de
la décentralisation ou les pouvoirs locaux sont des destinataires de l’information tout
comme les autres composantes de la communauté et non comme des collaborateurs qui
doivent interagir avec les administrés.

La communication indirecte, elle, intègre l’administration locale et les collectivités comme


relais dans la chaîne de transmission de l’information. Elles deviennent ainsi à la fois
destinataires en tant que pouvoirs locaux et courroie de transmission vers les
communautés pour qui, cette approche les éloigne du centre de décision de l’entreprise
minière et les écarte de la gestion des affaires dont elles ne sont plus actrices mais plutôt
spectatrices passives.

Figure 1 - Schéma de communication


1 Société minière 2 Société minière

Administration et
collectivités locales

SourceInstances traditionnelles : Enquête terrain Associations formelles et 2014 Administration et


collectivités Instances Associations
informelles locales traditionnelles formelles et informelles

La conjugaison de ces facteurs tout comme un seul d’entre eux suffit à déclencher un
conflit entre mines et communautés. Par ailleurs, il en existe bien d’autres qu’il convient
de relever ; notamment le rôle d’interférence joué par l’administration locale dans la
gestion des fonds de compensation, le manque de mécanisme permanent de prévention
et de gestion de conflits établis.

5.2.2.3. Les mines : mythes et réalités


Les mines ont longtemps suscité l’espoir dans les communautés qui en abritent et
continuent de faire rêver d’autres. Cela du fait qu’elles occupent une place prépondérante

45
Rapport de fin de cycle

dans l’imaginaire social de ces communautés. Celles qui font le plus rêver sont les mines
d’or, avec tout le mythe que l’or incarne.

Dans l’imaginaire social des communautés l’or est symbole de suffisance, de richesse,
d’opulence ou encore de royauté. Il leur est donc difficile de comprendre que l’opérateur
qui extrait cette substance qui donne droit à tous les attributs incarnant la richesse à
divers degrés soit incapable de subvenir à leurs besoins et de contribuer à lever
durablement les défis de développement communautaire auxquels elles sont confrontées.

C’est sur ces perceptions sociales erronées laissées intactes que les mines se construisent.
Ce qui renchérit dangereusement l’attitude des communautés qui perçoivent les mines
comme une vache laitière. Plutôt que de percevoir les mines comme une opportunité, un
moteur de développement en mesure de dynamiser les autres secteurs satellites, les
communautés se laissent souvent aller dans une attitude d’éternelle assistance, sur fond
de revendications intempestives, confondant le rôle régalien de l’Etat chroniquement
absent sur le terrain à celui des sociétés minières.

Cette vision factice des mines restée intacte, qui n’est pris en compte dans le
développement des projets par aucune action de déconstruction et de reconstruction
d’idées reçues est probablement le plus gros risque non perceptible par les sociétés
minières qui n’en font donc pas une priorité.

Préoccupées par l’acceptation sociale du projet ainsi que la faisabilité environnementale,


les communications des sociétés lors de la phase de faisabilité et de développement des
projets miniers sont teintées d’un excès d’externalités positives allant de l’emploi aux
bénéfices sociaux. Cette quête effrénée du double permis social et d’exploitation qui vient
renchérir une perception sociale déjà exacerbée porte en elle-même les germes de la
dégradation inexorable du même permis social à terme.

Peu à peu donc, les communautés vont se replier au village, abandonnant ainsi les travaux
champêtres et autres sources alternatives de revenus; avec tous les yeux rivés à l’horizon
en attente d’un hypothétique emploi minier promis lors des communications sur le projet
et ce, même sans aucune formation ni qualification spécifiques. Dans cette quête
improbable, le raccourci passe par les conflits à répétition et les surenchères de la part
d’une communauté désœuvrée sous le double trauma des expropriations et de la
désillusion brutale sur les mines.

5.2.2.4. Représentations sociales de l’emploi minier


Il convient de relever que dans leur perception sociale, les communautés valorisent
l’emploi minier plus que toutes autres formes d’emplois liées aux opportunités créées par
la présence de la mine. Cette posture n’est pas fortuite mais tire son origine dans le fait
qu’au début des opérations minières, la stratégie de communication à l’endroit des
communautés se focalise exagérément sur les externalités positives dont l’emploi qui sera
perçu par la suite comme étant exclusivement et directement créé par la mine.

C’est pourquoi travailler dans une mine est perçu comme un prestige et une distinction
sociale tandis que les autres opportunités de fourniture de biens de consommation
productibles sur place ne le sont pas. L’emploi minier est synonyme d’un renouveau social

46
Rapport de fin de cycle

tandis que l’emploi agricole est vécu comme une continuation des rudes labeurs que
constitue le travail de la terre.

Si la récurrence des conflits est réelle, il convient de voir comment les principaux acteurs
s’impliquent et s’appliquent dans leur prévention et leur gestion. Les conflits ouverts
n’étant qu’une explosion sociale qui naît généralement de la somme des frustrations
engendrées par des griefs ou conflits latent non résolus ou mal résolus.

6. ETAT DES LIEUX DES REPONSES AUX CONFLITS DANS LES ZONES MINIERES

Les acteurs étatiques et les sociétés minières sont les plus concernés par la prévention et
la gestion des conflits mais de plus en plus, les partenaires au développement, à travers
des projets et programmes, s’y intéressent également. L’exercice a donc consisté à
identifier les initiatives en cours tandis que celles achevées seront analysées à travers
leurs acquis ainsi que les insuffisances constatées chez chacun des acteurs.

6.1. Vue d’ensemble de la prévention et de la gestion des conflits


6.1.1. Au niveau de l’Etat
Les efforts de l’Etat se concentrent sur l’action du Ministère des Mines et du Ministère de
l’Environnement. Au Ministère des Mines et de la Géologie, ce sont essentiellement la mise
en place des Comités de Concertation dans les Localités Minières (CCLM) et la création de
la Direction Nationale de la Sécurité Minière. Au Ministère de l’Environnement, les CPS
PGES ont été mis en place.

6.1.1.1. L’action du Ministère des Mines


Deux actes majeurs caractérisent l’action du Ministère des Mines. Ce sont : la création
d’une Direction Nationale de la Sécurité Minière et des CCLM.

De la création de la Direction Nationale de la Sécurité Minière


Le Ministère des Mines et de la Géologie comprend une Direction en charge de la Sécurité
Minière et elle est supposée jouer un rôle prépondérant dans la gestion des conflits.
Depuis sa création cependant, elle peine à tenir véritablement ce rôle. A la suite d’un audit
institutionnel du Ministère, il est prévu de créer un Secrétariat Général de la Sécurité
minière. Sa composition, ses attributions ainsi que son fonctionnement sont en cours de
finalisation pour parer aux insuffisances actuelles. L’encadré suivant reflète le vécu
institutionnel, logistique et opérationnel qui caractérise cette Direction.

Encadré 7 - Une sécurité minière en manque de dynamisme


Créée en 2011, la Direction Nationale de la sécurité minière est supposée jouer un rôle important
dans la prévention des conflits. Cependant « faute d’attributions claires, tout le monde s’occupe de la
sécurité minière sauf la Direction de la Sécurité Minière elle-même….Dans toutes les sociétés
minières, il y a des conseillers militaires de liaison. Dans les normes, le Ministère de la Défense, en
envoyant le Conseiller répond à la demande du Ministère des Mines. Mais dans les faits, le Ministère
de la Défense envoie le Conseiller sans que nous ne soyons au courant au niveau du Ministère des
Mines. On est informé quand ils sont mutés et des mois plus tard. Ces conseillers militaires de liaison
ne répondent pas de nous, et ne nous rendent pas compte. Ils ne rendent comptent qu’au Ministère de
la Défense qui n’interagit pas avec nous. Cependant, les sociétés minières non plus ne font pas
confiance à ces conseillers militaires, ils disposent d’un service de sécurité à qui ils font plus confiance.
Personne ne fait confiance à l’autre et on travaille comme ça. Quant aux CCLM, ils devraient se réunir

47
Rapport de fin de cycle

une fois par mois ou par semestre pour écouter les communautés sur les enjeux conflictuels avec les
sociétés minières. Ils sont tenus de faire des rapports sur les constats du terrain. Mais ils écrivent
directement au Ministre et nous, on n’est informé qu’en dernier ressort. »

A cela s’ajoute le confinement et la déconnection totale de la Sécurité minière du terrain. Un réduit


constitué d’un seul bureau abrite tout le personnel de la Direction Nationale y compris le Directeur
lui-même. Ce qui est loin d’être un choix délibéré pour l’open office, mais plutôt le symbole du
dénuement total dans lequel la Direction toute entière essaie d’opérer…quand elle peut.

Source : Direction de la Sécurité Minière


La création des CCLM
A travers une initiative conjointe du Ministère des Mines et du Ministère en charge de
l’Administration du Territoire, les CCLM ont été créés en 2012 par arrêté interministériel,
en remplacement des Comités Locaux de Médiation dissouts plutôt. A date, 42 CCLM ont
été installés, un partenariat est en cours avec le PNUD pour en installer 40 autres. Leur
mise en place a été largement financée par les sociétés minières.

Encadré 8 - C'est quoi les CCLM?

Créés par l’Arrêté conjoint N°A/2012/6862/MMG/MATD/CAB, du 26 juin 2012, les Comités ont été
mis en place par les autorités, suite à la prolifération des conflits dans les zones minières du pays. En
tant que structure de proximité, ils constituent un espace d’échanges et d’informations entre les
acteurs de l’activité minière au niveau local.

Leur mission est de prévenir et


de gérer les conflits entre les
sociétés minières et les
communautés locales,
d’établir le dialogue entre les
sociétés minières de la place et
tous les autres acteurs impliqués
dans l’activité minière,
et ce, pour le
maintien d’un climat de paix, de
sécurité et de cohabitation.

Les CCLM sont composés des


représentants des élus locaux
et de l’administration locale,
des sociétés minières et de la
société civile ainsi que des
organisations
communautaires de base.

A ce jour, une quarantaine de CCLM sont mis en place dans les zones minières du pays. Cependant, ils
sont pour la plupart inopérants du fait de manque de financement et de moyens logistiques pour leur
fonctionnement.

Les CCLM sont certes créés mais il n’existe pas d’acte administratif rattachant la gestion
des conflits ni au Département des Relations Publiques du Ministère des Mines, ni à une
instance des deux Ministères ayant signé l’arrêté conjoint portant sa création. D’où ils
restent sans véritable tutelle administrative et naviguent à vue sur le terrain des conflits.

48
Rapport de fin de cycle

De tous les CCLM, seul celui de Banora a pu mener quelques activités et produit un
rapport. Cet exploit qui est à mettre au compte de son Président qui s’est investi en
finançant certaines activités de lui-même dénote du même coup de la morbidité des
autres. Un récent financement octroyé par le PNUD permettra certainement de les
dynamiser davantage tant dans le fonctionnement que dans l’action. Cependant, un
diagnostic organisationnel et institutionnel s’impose afin de mieux renforcer leur action
sur le terrain conflictuel des mines.
6.1.1.2. L’action du Ministère de l’Environnement des Eaux et Forêts

La création des Comités Préfectoraux de Suivi des Plans de Gestion


Environnementale et Sociale (CPS-PGES)
Dans l’optique de mieux encadrer l’activité minière dans les limites de ses prérogatives, le
Ministère, à travers le Bureau Guinéen d’Evaluation et d’Etude Environnementale
(BGEEE) a mis en place une douzaine de CPS-PGES. Depuis leur création en 2012, ces
Comités sont supposés également jouer un rôle dans la gestion des conflits miniers. Par
manque de formation et d’accompagnement adéquat, ils n’ont pu se déployer sur la base
d’un plan d’action conséquent. Un financement récemment obtenu du Projet d’Appui à la
Gouvernance du Secteur Minier (PAGSEM) a permis au BGEEE de bénéficier d’une
assistance technique de BRGM en matière de suivi de PGES. A terme, cette assistance
technique devra permettre de renforcer également les capacités des Directeurs
Préfectoraux des Mines dans leur rôle de suivi des PGES et, partant, le renforcement de
leur rôle dans la gestion des conflits. En attendant, cette assistance technique a été mise
en berne depuis plusieurs mois pour cause d’Ebola.

6.1.1.3. Les missions ad’ hoc hybride (Etat+autres): Quand rien ne vas plus Face
à la faible capacité des structures en place à prévenir et à régler durablement les
nombreux conflits, l’Etat entreprend une gestion par procuration. En cas de conflits dans
les zones minières, cette procuration consiste à constituer rapidement une mission ad’
hoc comprenant des agents de l’administration centrale, locale et toutes autres personnes
ayant des liens sociaux importants avec la communauté concernée. Liens qu’il pourra
ensuite utiliser pour influencer et calmer les insurgés sans proposer des solutions viables
aux revendications à la base des conflits. Des hautes personnalités de l’Etat sont souvent
employées à cette tâche, non pas pour leurs attributions administratives mais plutôt pour
leurs liens avec les communautés concernées. Parce que le rôle est loin d’être de leur
ressort technique et administratif, le seul objectif immédiat est « d’éteindre le feu » et non
de véritablement résoudre le problème à travers des solutions viables. En vue donc
d’éteindre l’incendie, l’Etat se cache derrière le communautarisme.

6.1.2. Au niveau des sociétés minières


La mise en place de mécanismes de gestion des griefs relève des bonnes pratiques édictées
par les standards internationaux auxquels la plupart des sociétés minières souscrivent. Il
s’agit en particulier des standards de la Banque Mondiale à travers les normes de
performance en matière de durabilité environnementale et sociale de la Société
Financière Internationale (SFI) et des Principes de l’Équateur. Révisées en 2012, les
normes de performance n˚1 de la SFI exigent une « évaluation et gestion des risques et
impacts environnementaux et sociaux ». Cette norme a pour objectif entre autres de «
veiller à ce que les griefs des communautés et les communications externes émanant des
autres parties prenantes trouvent une réponse et soient gérés d’une manière appropriée.
» (…) « Elle vise à promouvoir et fournir les moyens nécessaires pour un dialogue concret

49
Rapport de fin de cycle

avec les communautés pendant tout le cycle du projet pour couvrir les questions qui
pourraient toucher ces dites communautés…. » p2.

Dans la pratique ces mécanismes sont mis en place à des étapes bien précises du projet
afin de prendre rapidement en charge les griefs pouvant naître de la gestion des questions
majeures telles les déplacements involontaires et les compensations ainsi que d’autres
opérations à fort impact sur les communautés. Généralement, le mécanisme baisse
d’efficacité à la fin du processus pour lequel il a été mis en place. Si dans certaines sociétés
il peut survivre aux besoins pour lesquels il a été mis en place, il reste cependant interne
au projet et donc peu ou pas accessible aux communautés.

Si ce mécanisme existe dans tous les projets, le format, l’accessibilité et l’efficacité par
rapport aux besoins et aux enjeux de collaboration avec les communautés peuvent en
constituer le frein.

Parce que tous les conflits n’évoluent pas tous insidieusement du stade de grief aux
conflits ouverts, les sociétés minières sont souvent prises de court par la spontanéité de
certaines manifestations violentes nées d’un profond ressentiment et de frustration qui
ne font pas forcément l’objet de plaintes. Le mécanisme de gestion des plaintes s’en trouve
donc limité voire dépassé sous la formule courante qui consiste à attendre que les
personnes affectées viennent loger leur plaintes pour suite à donner. De ce point de vue
on peut dire que la gestion des conflits n’est pas intégrée de manière systématique et
permanente dans la gouvernance de l’entreprise mais plutôt mise en mode de gestion de
risques.

En vue de se rapprocher davantage des communautés, les sociétés minières ont renforcé
leur présence sur le terrain avec l’entrée en scène des agents et relais communautaires
issus des mêmes communautés affectées. Ils font la liaison pour d’une part relayer
l’information auprès des communautés mais également pour relever les griefs et les
risques de conflits qu’ils remontent au management. Cette approche plus pratique est le
fait des sociétés telles GAC, CBG, WAE et Rio Tinto. Cependant, les problèmes recensés par
les agents communautaires, une fois remontés, ne trouvent pas forcement de solutions au
niveau du management tandis que ces fora et ces démarches de proximité sont perçus par
les communautés comme un cadre de discussion et de résolution des préoccupations
discutées. En effet, une fois les préoccupations soulevées et discutées, le processus
décisionnel interne à la société n’est pas perçu comme pouvant altérer leurs attentes une
fois parvenues au Management. C’est pourquoi, il est rétorqué régulièrement aux sociétés
minières de ne pas respecter leur promesses.

En cas de difficultés majeures, les sociétés minières recourent aux autorités locales et dans
une moindre mesure aux notabilités et aux imams lorsque les recours disponibles
s’avèrent impuissants. Cette action peut aller jusqu’à impliquer l’administration centrale
si la gravité de la crise le requiert.

6.1.3. Les mécanismes de prévention et de gestion des conflits au niveau


communautaire
Il existe chez les communautés des mécanismes traditionnels de prévention et de gestion
de conflits. Si la composition de ces mécanismes peut varier selon les zones et les cultures,

50
Rapport de fin de cycle

ils sont toutefois dirigés par des personnes incarnant l’autorité morale ou religieuse. Ainsi
selon la sphère sociale nous aurons :
- Les conseils des sages au niveau village
- Les conseils de district au niveau district

Ces mécanismes constituent à la fois une institution sociale et un cadre de prévention et de


gestion des litiges entre les différents acteurs de la communauté dont la particularité
consiste à trancher les différends à l’amiable en tant qu’instance non judiciaire. Ils ont donc
l’avantage de concilier les positions et de réconcilier les protagonistes afin de maintenir la
cohésion sociale et le vivre ensemble. Dans certains milieux, ces instances comprennent des
femmes qui participent à la résolution des conflits.

Pour les besoins des sociétés minières, les animateurs des mécanismes traditionnels ont
été impliqués dans la gestion de 10% des cas de conflits. Le mécanisme en tant
qu’institution n’est pas directement sollicité mais ses principaux animateurs sont plutôt
cooptés en raison de leur influence sociale pour une intervention ponctuelle qui
s’apparente à une prestation qui n’est aucunement suivie d’action de prévention. Parce
que l’action des femmes, si elle existe, se limite au cadre traditionnel du mécanisme, elles
en sont considérablement limitées et ne sont pas impliquées dans les actions extra
mécanismes. Or les conflits miniers ne sont pas traités dans le cadre traditionnel. Ce qui
en exclut les femmes.

6.1.4. L’inertie des OSC et les Associations des ressortissants : du jeu trouble à
la nécessité d’un nouveau rôle (A développer davantage)
Sur l’ensemble des 8 zones minières, les données révèlent une absence assourdissante des
OSC membres de la grande famille de la gouvernance minière dans la gestion des conflits.
Ainsi, de 1959 à 2015 aucun cas de résolution de conflit n’a été attribué à l’action d’une
quelconque OSC. Dans leur isolement, les communautés font appel à leurs ressortissants
souvent regroupés en association à Conakry. Parfois peu informées et peu formées sur les
questions minières dont-elles ne maitrisent pas nécessairement les enjeux, leurs
interventions consistent essentiellement à calmer la colère des leurs et non à proposer
des solutions viables dans un cadre de médiation éclairée.

Cette irruption des associations des ressortissants dans la gestion de 8% des cas de
conflits dans les zones minières s’insère dans la brèche laissée par les acteurs clé de la
gouvernance minière que constituent la société civile avertis des questions minières dont
l’apport aurait eu l’avantage de renforcer la résilience aux conflits dans les zones minières.
Alors que les ONG intervenant dans les zones minières sont systématiquement membres
des CCLM dans l’esprit et la lettre de l’Arrêté conjoint, certaines en ignorent toujours
l’existence tandis que les gros calibres sont beaucoup plus portés sur les agenda
internationaux qui font l’essentiel de leur action et de leur visibilité tout en restant peu
impliquées dans certains enjeux locaux dont la prévention et la gestion des conflits.

La conception et le lancement du Guide pratique à l’intention des communautés,


ABA|ROLI9, 2015, qui se veut un outil didactique vient certainement à point nommé pour

9 L’Initiative pour l’Etat de Droit de l’Association du Barreau Américain est une ONG internationale intervenant en
Guinée depuis près d’une décennie. Elle dispose d’une représentation en Guinée depuis 2013 et intervient dans divers
domaines tels la justice transitionnelle, la promotion des droits des communautés dans les zones minières et les
violences basées sur le genre. Ce Guide qui est le premier du genre en Guinée vise à outiller les OSC et les communautés

51
Rapport de fin de cycle

équilibrer l’agenda de la société civile guinéenne avec un contenu plus local qui renforcera
davantage leur présence au niveau communautaire.
6.1.5. L’administration et les autorités locales
L’administration et les autorités locales tiennent un rôle central dans la gestion des
conflits dans les zones minières. Ainsi, elles sont intervenues directement dans le
règlement de 45% des conflits en leur rang et qualité respectifs. Cette proportion doit être
revue à la hausse si l’on prend en compte certains cadres formels ou informels de gestion
de conflits auxquels ils participent également selon les zones minières. Lorsque le
Gouverneur est sollicité, il implique les autorités administratives et locales compétentes
dans sa démarche tandis que lorsque c’est l’inverse, l’autorité administrative ou locale
l’informe a priori comme a posteriori. Là encore, l’action de gestion ne s’inscrit pas dans
un cadre institutionnel existant mais plutôt dans une démarche tirant sa légitimité dans
le rôle régalien de l’Etat et donc de la puissance publique dont ils sont l’incarnation et les
mandataires.

Il ressort de l’état des lieux des conflits que les intervenants tels qu’identifiés sont tous, à
un niveau ou à un autre, acteurs de structures ou de cadres existants en lien avec les
conflits. Si la morbidité de ces structures n’est plus à démontrer, il convient de souligner
cependant l’émiettement des efforts dans des interventions isolées et non structurées de
la part des acteurs individuels, chacun y allant selon ses prérogatives et ses attributions.
Au cas où ces agissements seraient antérieurs à la mise en place des cadres existants, ils
n’en favorisent pas l’émergence au point de pouvoir jouer pleinement leur rôle. Dans le
cas contraire, leur création aura plutôt développé une approche clientéliste dans la prise
en charge des conflits. Dans tous les cas, la prévention en tant qu’effort constant de
minimisation des risques de conflits disparait nécessairement de l’agenda des
intervenants ponctuels dans leur prestation puisque leur rôle reste limité dans l’espace et
dans le temps. Parce que leurs interventions ne visent pas nécessairement à trouver une
solution immédiate mais plutôt à juste calmer les insurgés, le vide et l’amertume qui
caractérisent la suite de leur action ont fini de convaincre les populations que les
médiateurs « ont eu leur part ».

Jusqu’en 2012, il n’existait pas de mécanisme formel de prévention ni de gestion des


conflits au niveau étatique. Progressivement, le Ministère des Mines et le Ministère de
l’Environnement, chacun selon ses compétences, a initié des actions. Il s’agit
respectivement des Cadres de Concertation dans les Localités Minières (CCLM) au
nombre de 42 à date et des Comité Préfectoral de Suivi des Plans de Gestion
Environnementale et Sociale (CPS-PGES) au nombre de 12.

En l’absence de mécanisme type, il n’y a pas de point d’enregistrement des plaintes au


niveau de l’administration. Elles sont donc adressées pêle-mêle aux structures de l’Etat,
ainsi, entre 2007 et 2014 le Ministère des Mines a reçu de nombreuses plaintes non
cataloguées contre trois (3) plaintes logées au Ministère de l’environnement et trois (3)
autres au Ministère de l’Agriculture. Il est à souligner que les plaintes ne sont pas
documentées, ce qui en rend difficile le suivi. Les nombres avancés ne sont que ceux dont
les personnes ressources enquêtées se souviennent et ne sont pas issus de sources
d’archives. De l’absence de la société civile nationale à l’implication des associations des
ressortissants des zones minières, les cadres de gestion des conflits ou ce qu’il en reste,

à mieux exercer leurs droits sans violence, en offrant des voies de recours pour les nombreux cas de manquement qui,
en temps normal, pourraient provoquer des soulèvements communautaires.

52
Rapport de fin de cycle

sont davantage torpillés par les initiatives esseulées des parties prenantes de ces mêmes
cadres qui se meurent faute de capacités techniques, opérationnelles et financières.

De ce qui précède, les CCLM, les CPS-PGES, les Missions ad’ hoc et les mécanismes de
gestion des conflits internes aux sociétés minières sont les instruments en place dont il
convient de voir la complémentarité et la collaboration pour une meilleure prévention et
une gestion durable des conflits.

6.2. De la complémentarité et la collaboration entre les mécanismes


6.2.1. Complémentarité des mécanismes existants
Des CCLM aux CPS-PGES en passant par la Direction de la sécurité minière et les missions
ad’ hoc, le faible niveau de fonctionnement et le manque d’efficacité ont fait plonger la
plupart de ces institutions dans l’anonymat sur le terrain. Méconnues ou tout simplement
ignorées par les intervenants dans leur démarche, le faible niveau de fonctionnement d’1
CCLM sur 42, éloigne le Ministère des Mines des objectifs de réduction des conflits prônés
à travers la concertation que les CCLM sont supposés engager dans les localités minières.
Parce qu’elles ne sont pas opérationnelles, il ne saurait point être question de
collaboration ou de complémentarité d’une part entre elles et d’autre part avec les autres
acteurs du secteur.

6.2.2. Niveau de collaboration


L’analyse du niveau de collaboration a consisté à évaluer les relations entre les opérateurs
miniers et les acteurs institutionnels dans la prévention et la gestion des conflits tels que
cités plus haut. Elle s’appuie sur trois facteurs clés que sont la connaissance de l’existence
de l’acteur par l’opérateur, le type de collaboration existant entre eux mais aussi son
efficacité sur le terrain ainsi qu’il suit dans le tableau 6 suivant.

Tableau 6 - Niveau de collaboration vu par les sociétés minières


Connaissance Type de collaboration Efficacité /
Fonctionnalité
Acteurs institutionnels de l’existence
Oui Non Bon Moyen Inexistant Très Moyen Pas du
tout
Les Cadres de Concertation dans les
Localités Minières (CCLM) 75 25 0 0 100 0% 0 100 Les Comités
Préfectoraux de Suivi et Evaluation
Environnementale (CPS-PGES) 50 50
0 0 100 0 0 100
Direction de la Sécurité Minière 100 0 0 0 100 0 0 100
Source : Enquête terrain

Le tableau relève un faible niveau de collaboration entre les sociétés minières et les
différents intervenants. A la question de savoir si les opérateurs ont connaissance de
l’existence des acteurs institutionnels indiqués dans le tableau, il ressort ce qui suit :

• Par rapport aux CCLM : 75% des sociétés minières ont connaissance de leur
existence contre 25% qui n’en ont pas connaissance. Cette connaissance tient à la
participation des sociétés à la mise en place des CCLM et non à leur efficacité ni à
leur niveau de collaboration avec les opérateurs qui à l’inverse sont quasi nuls.

• Par rapport aux Comités Préfectoraux de Développement (CPD): leur récente mise
en place leur a valu d’être assez connus par les sociétés minières à 75% avec un

53
Rapport de fin de cycle

bon niveau de collaboration de 70%. Par contre leur efficacité reste moyenne selon
75% des sociétés minières contre 25% qui ne les estiment pas du tout efficaces.
• Par rapport aux CPS-PGES
Si la moitié des sociétés minières ont connaissance des CPS-PGES, toutes les
estiment cependant inefficaces pour avoir tous cessé de fonctionner. D’où il n’y
pratiquement plus de collaboration entre eux.
Le renforcement du rôle de l’Etat dans la prévention et la gestion des conflits à travers ses
démembrements passe nécessairement par une dynamisation de ces derniers afin de les
rendre plus efficaces dans le champ qui leur incombe. Si le mécanisme interne de gestion
de griefs au niveau des sociétés peut être considéré dans une certaine mesure comme une
action de prévention de conflits, il reste handicapé par son caractère éphémère et
l’absence d’une culture de veille sur les conflits intégrée à la structure et à la gouvernance
des entreprises minières. En définitive la réponse aux conflits se caractérise par une
absence de mécanisme type de prévention et de gestion des conflits dans un secteur à
hauts risques de conflits.

6.3. Actions en riposte et de prévention cours


A la chambre des Mines de Guinée (CMG)
La Chambre des Mines, en partenariat avec le PNUD, entend mettre en œuvre un vaste
programme couvrant toute la Guinée. Envisagé en cinq (5) axes stratégiques, le PTA vise
la prévention des conflits dans les zones minières, la promotion des emplois décents pour
les jeunes, le renforcement du rôle d’acteur de développement local chez les sociétés
minières entre autres tel que présenté dans l’encadré suivant.

Encadré 9 - Axes stratégiques du PTA Chambre des Mines-SINU


• Prévenir les conflits dans les zones minières à travers des renforcements de capacités des acteurs
en matière de consolidation de la paix à travers le dialogue communautaire et la prévention des
violences basées sur le genre.

• Mettre en place un cadre formel d’exercice de la responsabilité sociétale des entreprises pour
permettre aux industries minières d’investir dans le développement humain.

• Donner la possibilité aux entreprises minières de participer au développement local des zones
d’exploitation à travers le financement des services sociaux de base, notamment l’accès à l’eau, la
santé, l’éducation, la protection des personnes vulnérables et la lutte contre le VIH/SIDA.

• Promouvoir des opportunités d’emplois décents pour les jeunes et les femmes dans les zones
minières à travers le développement d’alternatives à l’activité minière de même que la création
d’emplois adaptés au profit des populations riveraines, et ce conformément aux principes édictés par
la RSE dans les zones minières.

• Prendre en compte la nécessité de se doter de capacités humaines et techniques nécessaires à la


mise en œuvre harmonieuse du PTA 2014. Il s’agit d’une part de sessions de formation/renforcement
des capacités des experts des Nations Unies et des compagnies minières afin de mieux cerner la nature
des cadres d’interventions et des principes directeurs qui régissent les deux parties engagées dans ce
partenariat stratégique ainsi que du recrutement d’un Chargé de Programme du sein de la Direction
Exécutive de la CMG.

Source : www.chambredesminesgn.com

54
Rapport de fin de cycle

A la GIZ
En juillet 2014, la GIZ a réalisé une étude sur les conflits dans les mines dans le but d’initier
un programme dans la zone de Forécariah. Le projet qui sera pluriannuel visera entre
autres à réduire considérablement les conflits dans la zone d’intervention. Les succès
pourront ainsi être dupliqués pour réduire sensiblement les conflits dans les zones
minières.

Au Ministère des Mines et de la Géologie (MMG)


En partenariat avec le PNUD, le MMG à travers son service de communication et des
relations publiques a bénéficié d’une subvention en 2014 pour l’implémentation d’un
programme triennal visant à renforcer l’efficacité et l’opérationnalité des CCLM.

- Le Projet Droit de Propriété et Développement du Diamant Artisanal


(DPDDA2) de l’USAID
Le projet vise à développer le diamant artisanal tout en prévenant les conflits dans les
zones de diaminage en Guinée. Intervenant à Forécariah et à Banora prioritairement, son
action de prévention et de gestion des conflits dans les mines artisanales de diamant
pourrait en cas de succès inspirer les acteurs dans les zones minières industrielles.

- Chez Rio Tinto


Profitant de l’impasse créée par l’épidémie à virus Ebola dans la poursuite du
développement du projet Simandou Sud, Rio Tinto est en passe de se doter d’une stratégie
de gestion des conflits applicable à ses zones d’intervention. Les acteurs étatiques et non
étatiques intervenant dans le secteur minier pourront certainement s’inspirer de ce futur
outil qui, s’il reflète effectivement le standard du commanditaire, permettra certainement
d’apporter une valeur ajoutée dans leur intervention.

- ARSYF (Association des Ressortissants et Sympathisants de Fria)


Créée dans le contexte de la fermeture de FRIGUIA, ARSYF intervient dans la commune de
Fria. Avec un financement du Peace Building Fund (PNUD), elle a pu mettre en place en
2014 des comités de gestion des conflits dans les sous-préfectures de Fria.

- CECIDE
La présente initiative du CECIDE s’inscrit dans le cadre du projet d’intermédiation sociale
initié en 2014 en partenariat avec le Fond Global. Le projet a visé à informer, former et
sensibiliser les acteurs des zones minières sur la gestion des conflits et les enjeux du
développement local. Ce partenariat a contribué au renforcement de la résilience
communautaire dans les zones minières.

- Le WANEP un acteur outillé mais loin du terrain minier


Le West Africa Network for peace (WANEP) est un réseau d’acteurs de la société civile
œuvrant pour la paix sociale en Afrique de l’Ouest. La branche Guinéenne, WANEPGuinée
a mis en place un mécanisme d’alerte précoce et de réponse rapide aux conflits dans
plusieurs domaines afin de préserver la paix sociale. Ce modèle peut être étudié et adapté
aux besoins du secteur minier.

La plupart des actions en riposte ou de prévention des conflits sont récentes directement
mise en œuvre par les initiateurs. Quoiqu’elles soient à saluer, elles auront besoin de
synergie pour produire plus d’impact.
55
Rapport de fin de cycle

7. A CŒUR OUVERT, LES COMMUNAUTES EXPLORENT LEURS PROBLEMES


Dans les zones d’étude, les communautés ont exploré d’elles-mêmes leurs difficultés dans
leur vécu à travers : (i) les problèmes de l’heure, (ii) l’accès à l’information et (iii) ce qui
doit changer avec les miniers et (iv) les risques de rebondissement des conflits.

7.1. Zones minières ou zones minées: les problèmes de l’heure et les risques de
rebondissement des conflits associés
Graphique 15 - Risque de rebondissement
En rappel, le niveau de satisfaction indiquait qu’une
large proportion de 53,1% des conflits ont connu un
dénouement « mitigé » tandis que 10,2 % n’étaient «
pas satisfaits » contre 23% de dénouements
satisfaisants. Ceci corrobore plus ou moins
clairement le risque de rebondissement des conflits
qui se nourrissent toujours des mauvais règlements.

En effet, selon les données d’enquête, 53% des conflits ont un risque de rebondissement
de 100%. Ce sont essentiellement les conflits liés à l’emploi et aux problèmes
environnementaux. Mêmes réglés, la plupart de ces conflits resurgissent toujours. Par
exemple, les emplois créés pour satisfaire des revendications n’arrêteront pas les
revendications futures dès que ces emplois sont menacés ou lorsque les jeunes sont
rattrapés par le chômage. Par ailleurs si 36% des conflits sont maîtrisés avec un risque de
rebondissement quasi nul, il n’en demeure pas moins que la tension reste palpable dans
les zones minières. Le niveau de satisfaction global des conflits selon les zones illustre
mieux cette situation.

Graphique 16 - Degré de satisfaction par zones minières

Sur les huit zones minières, trois restent explosives dans l’ensemble, du fait qu’elles
connaissent des conflits à répétition auxquels les solutions apportées sont parfois
mitigées. D’où une accumulation de ressentiments envers les mines. Par ailleurs, de
nombreux conflits sont pendants et restent pour le moment sans solutions concrètes. Les
plus significatifs aux yeux des communautés ont été répertoriés ainsi qu’il suit par zone.
Graphique 17 - Niveau de règlement des conflits par zone

7.1.1. Zones SAG


Les risques de conflits majeurs sont liés aux revendications pendantes ou mal résolues. Ce
sont :
- Le bitumage Kintinian-Siguiri
- La construction d’une poissonnerie (Chambre froide)
- Le projet d’électrification en cours

Le projet d’électrification de Kintinian préfinancé par la SAG est une véritable source de
crispation. Arrêté depuis, le préfinancement accordé par la SAG a laissé croire qu’il revient
à la mine de terminer les opérations. Cet état de fait exacerbe les tensions avec la mine. A
cela s’ajoute l’adduction d’eau potable simplifiée de Kintinian. L’extension des opérations
de la mine à Séguélen a ravivé les tensions avec la communauté. La plupart des
revendications en cours sont liées aux engagements pris par la SAG dans ce contexte de
56
Rapport de fin de cycle

développement de la mine qui implique surtout le déplacement économique des


personnes dont les champs sont affectés.

7.1.2. Zones SMD


Dans les zones impactées par la SMD, les risques de rebondissement de conflits tournent
essentiellement autour des questions suivantes :
- L’emploi des jeunes
- L’aménagement de la voirie locale (Pistes de desserte du village)
- Les pratiques de parachutage des travailleurs « venus d’ailleurs » par la SMD au
détriment des populations
- L’Accès à l’eau potable
- L’électrification rurale
- Le manque de centre de santé communautaire à Léro

De plus, la déviation et l’endigage des cours d’eau par la SMD constituent un problème réel
pour les communautés qui, en amont comme en aval, pratiquaient des activités agricoles
le long de ces cours d’eau. Ce sont Karta, et Tambimako qui sont menacées de disparition.
A cela s’ajoute le lac de résidus de cyanure qui constitue une menace pour les populations,
ainsi que les animaux domestiques. Ces résidus sont suivis et font objet de prélèvement
et analyse quotidiens pour assurer que les rejets satisfont les normes en la matière.
Cependant le risque de déversement en saison hivernale reste réel et contraint les
populations à exiger sans satisfaction une réinstallation depuis des années.
7.1.3. Zones FGM
En plus de l’énorme passif laissé par la défunte FGM qu’il faut solder impérativement
avant toute relance des opérations par un éventuel repreneur, les conflits laissés en l’état
ou de sérieux griefs, sources potentiels de conflits, sont tangibles. Ce sont essentiellement
:
- La reprise et l’achèvement des déplacements involontaires abandonnés par FGM -
L’emploi des jeunes
- Le profilage des pistes de desserte des localités impactées dont Moussayah
- La prise en compte des besoins en infrastructures sociales de base

7.1.4. Zones GAC


Les communautés disent avoir suivi le conseil des intervenants dans les différents conflits
qui les opposent à GAC. En effet, « nous sommes rentrés chez nous pour attendre l’emploi »
mais d’autres préoccupations majeures subsistent en l’occurrence la restauration des
moyens d’existence dans un contexte foncier marqué par la rareté de terres arables. Etant
en phase de recherche et donc pas en mesure de générer suffisamment d’emplois non
qualifiés compte tenu de la nature des opérations, GAC tout comme la plupart des sociétés
minières, font face à l’épineuse question de la répartition des opportunités d’emplois
disponibles entre les membres des communautés impactées qui constituent pourtant leur
cibles prioritaire dans la gestion des emplois.

Dans le cadre du déplacement physique, les structures d’habitat ont été remplacées par
des habitats neufs en matériaux définitifs et remis clés en main aux personnes affectées
par le projet. Après sept ans d’usage, la remise clés en main des structures d’habitat aux
bénéficiaires laisse toujours croire aux occupants que le Projet GAC doit en assurer
l’entretien à vie. Ainsi, la rouille constatée au niveau des matériaux ferreux tels les tôles
et les ouvertures ainsi que le pourrissement des plafonds sous l’effet des gouttes de pluies

57
Rapport de fin de cycle

constituent aujourd’hui des motifs de griefs contre GAC qui doit en assurer la réparation
voire l’entretien. Abstraction faite des éventuels efforts de communication pendant la
mise en œuvre du PARC, il est nécessaire d’engager un dialogue dans ce sens pour éviter
un raidissement des positions suffisamment divergentes entre les deux acteurs sur le
sujet. En d’autres termes, la construction et la remise clés en main des structures d’habitat
de remplacement contribuent à acérer et à entretenir un esprit de dépendance absolue
qui tue l’appropriation véritable des ouvrages de substitution.

Par ailleurs, les structures sont jugées exiguës et peu adaptées aux conditions climatiques.
En effet, il y fait très chaud en l’absence d’électricité nécessaire à la ventilation en saison
sèche.

7.1.5. Zones CBG


Kamsar village : Certes les revendications autour de l’accès à l’eau potable,
l’électrification et le bitumage de la voirie urbaine qui ont longtemps constitués les causes
des conflits sont toujours d’actualité mais ne font plus l’objet de revendication. Ce qui
frustre davantage les populations, en l’occurrence la couche paysanne, reste le
déversement des eaux acides qui sont par la suite drainées dans les champs et les terres
cultivables par les eaux de ruissellement avec pour conséquence la contamination des sols
devenus incultivables.

Hamdalaye : la réalisation d’une retenue d’eau sur le cours d’eau Bhoundouwandé a


généré des impacts environnementaux considérables, en particulier sur les moyens de
subsistance des populations de Hamdalaye. Depuis 2008, l’opération a entraîné l4
engorgements et l’inondation des champs et des terres de cultures en amont tandis qu’en
aval, les bas-fonds se sont desséchés et devenus infertiles, au détriment de la production
agricole. Informé en avril 2015 du projet de réinstallation involontaire en cours de
préparation par la CBG, Hamdalaye vit cette perspective comme un cauchemar puisque
les populations n’ont pas encore adhéré au projet tant elles redoutent que la « CBG ne
tienne pas parole comme lors de la résolution des nombreux conflits et griefs de par le passé.
»

7.1.6. Zones Fria


A Kondékhouré, l’accord de compensation des impacts de la poussière qui a été passé en
2003 entre la mine et le village a atténué un tant soit peu les tensions depuis lors. Mais au
fur et à mesure, les femmes et les jeunes dénoncent de plus en plus le caractère inique
5950 GNF/habitant et ne sont plus prêts à accepter les termes injustes de cet accord. Si
par le passé l’idée d’un déplacement involontaire n’a pas connu l’adhésion des habitants,
elle se positionne de plus en plus comme une condition sine qua none pour une éventuelle
réouverture de la mine. Les longues années vécues sous l’impact de la poussière, de
l’abattage du minerai ainsi que des pollutions et nuisances diverses ont largement
contribué à faire évoluer cette position. A la faveur de l’arrêt des opérations depuis 2012,
les populations ont connu une autre vie plus paisible dans un environnement stable
qu’elles ne sont plus prêtes à monnayer sous aucun prétexte.

Malgré l’arrêt total des opérations, certaines taxes seraient toujours versées aux autorités
locales par Russal, le dernier opérateur de la mine. Cependant, ces transactions ont été
niées par les mêmes autorités jusqu’à ce que les populations de Fria découvrent le
contraire. Si la ville a frôlé la révolte, les tensions couvent toujours quant à l’usage qui en

58
Rapport de fin de cycle

a été fait par les autorités qui, depuis trois ans, ont toujours nié le versement de telles
taxes.

7.1.7. Zones WAE


Le point névralgique des zones WAE est essentiellement lié aux attentes des populations
par rapport à l’emploi. Les inimités entretenues depuis des générations entre les
populations des villages riverains compliquent davantage l’équation tant toute action
posée par la mine dans une communauté est mal interprété comme un manque a gagner.
Ainsi, en prélude au démarrage des travaux de la construction des superstructures de la
mine y compris ses annexes, WAE a identifié des projets de sites dont l’adéquation reste
à définir par voie d’études techniques. Mais déjà, cette démarche est perçue par Bourata
comme une dépossession des opportunités d’investissement et de réalisation au profit
des autres villages environnants. Ces attentes gérèrent déjà des tensions
intercommunautaires. Certains voulant s’attirer à eux seuls toutes les faveurs de la mine
au détriment des autres. A ces tensions communautaires s’ajoutent les pratiques de
détournement de femmes d’autrui par les employés issus des communautés ellesmêmes.
Le dernier épisode sanglant et mortel impliquant un employé de WAE s’est produit à
Doromou. Si l’affaire suit son cours dans les instances judiciaires, il est à relever que ce
passif nécessite la mise en place d’un code de conduite pour le personnel communautaire
afin de réduire sensiblement les risques liés à de telles dérives.

7.1.8. Zones Rio Tinto


L’emploi, la gestion des taxes minières et le renforcement des moyens de subsistance font
l’objet des principales crispations dans les zones d’impact direct et indirect.

L’emploi : De Beyla à Nionsomoridou en passant par Moribadou, l’emploi tant promis est
aujourd’hui attendu de pied ferme par les populations. Lors de la gestion des conflits, les
intervenants extérieurs, tout comme les autorités, reconnaissent explicitement que les
communautés ont raison dans leurs actions de revendication mais leur ont toujours
demandé de garder patience. D’où le fait, selon les communautés, que les conflits sont
juste suspendus mais, non pas réglés.

Les taxes minières : la récente fronde communautaire ayant entrainé la dissolution, la


réhabilitation puis sa dissolution à nouveau témoigne de la détermination des populations
à « voir désormais clair » dans l’usage fait des revenus miniers locaux. Les frondeurs qui
restent toujours mobilisés malgré une apparente accalmie attendent impatiemment les
autorités compétentes, après avoir désigné des leaders communautaires, en vue de la
mise en place d’une délégation spéciale comme seule porte de sortie de cette crise.

7.2. Problématique de l’accès à l’information et du dialogue social


L’accès à l’information varie d’un site minier à l’autre et constitue un enjeu majeur dans
les zones minières.

Dans les Zones SAG, la principale source d’information sur la mine reste le bureau de la
jeunesse. Si les femmes pensent que les responsables de la mine communiquent
suffisamment, les jeunes ne sont pas de cet avis. Pour eux, cette information n’est pas
fiable et il faut aller directement à la mine et donc à la source pour se rassurer de sa
fiabilité. Cette divergence met à nu la problématique du respect de l’autorité de l’Etat et
celle de la crédibilité des élus locaux. Cependant les deux groupes s’accordent en revanche

59
Rapport de fin de cycle

pour reprocher le manque de cadre formel de discussion directe SAGCommunautés. Dans


la stratégie en place, le retour de l’information vers la SAG semble difficile aux yeux des
communautés pour qui les autorités leur font écran plutôt que d’être un véritable relais
de l’information dans le canal établi. Elles sont accusées de retenir l’information ou d’être
au service de la SAG. D’où l’impression que la SAG ne donne pas de suite aux
préoccupations des communautés en temps réel. Ce qui entraine les revendications en
cascade plutôt que de faciliter le dialogue constructif.

Dans les Zones SMD par contre, le canal de communication mis en place va du service
communautaire de la mine aux autorités locales puis aux communautés. Ce schéma global
semble marcher pour Siguirini, le Chef-lieu de la commune rurale. A Léro où la mine est
implantée, les communautés disent être chaque fois mises devant les faits accomplis. Elles
n’ont ni l’occasion de communiquer avec les responsables de la mine, ni celle de discuter
suffisamment de leurs problèmes en l’absence de tout cadre formel de concertation. D’où
le fait l’on recourt souvent aux quelques rares travailleurs de la communauté encore en
poste dans la mines pour avoir quelques informations laconiques. Dans ce grand écart qui
sépare la mine des communautés, les préoccupations de ces dernières sont rarement
prises en compte.

En Zones FGM, La stratégie de communication mise en place consistait à informer le Chef


de District, ce dernier devant informer à son tour le Chef du Sous-District qui, en bout de
ligne transmet le message à la population. Cette chaîne décrite par les communautés s’est
peu à peu altérée pour laisser place aux kiosques à café et aux rumeurs qui primaient sur
toutes les autres sources. A cela s’ajoute l’absence de cadre formel de discussion entre la
mine et les communautés. Autant il est vrai que la communication était entachée
d’insuffisance notoire, autant les communautés ignoraient également tout sur les
opérations minières. De Dianéyah à Moussayah en passant par Yomboyéli, c’est la
confusion totale : « on ne sait rien de la mine, ni la durée de vie, ni le volume du gisement, ni
le tonnage extrait ni le volume exporté. » Il en ressort donc que l’accès à l’information est
resté difficile durant toute la vie du projet, du moins avant que FGM ne disparaisse.

7.3. Le rêve minier ou ce qui en reste


La cohabitation avec les mines a durement éprouvé les communautés impactées. Faite de
rebondissements et peu stables, les relations communautaires sont souvent fragilisées
par la désillusion et le traumatisme de cohabitation nés de longues années d’opérations
minières dont l’appréciation reste fortement mitigée d’un site à l’autre. Ainsi, à la question
de savoir si l’on est mieux aujourd’hui (avec la mine) qu’hier (avant la mine), aucune mine
ne fait l’unanimité au sein d’un groupe d’acteurs impactés et le crédit s’effrite encore plus
à l’échelle communautaire. L’appréciation faite par les communautés fait ressortir trois
tendances majeures. Sur les sites miniers en exploitation depuis plusieurs décennies, l’on
est plus sceptique tandis que sur les sites en devenir, l’on entretient encore de « l’espoir »
malgré les difficultés de l’heure. Les critiques sont cependant plus rudes sur les sites dont
les opérations sont en arrêt comme à Fria et dans les zones FGM.

7.3.1. Les anciennes zones minières : entre rêve et désillusion


Les anciennes zones minières parmi les huit zones d’étude sont : CBG, Fria, SAG et SMD.
Les anciennes mines ont toutes un trait commun. Elles ont ouvert en effet sans étude
d’impact environnemental qui réponde d’une prescription juridique. Elles sont ainsi
entrées en exploitation sans précaution véritable du point de vue social et

60
Rapport de fin de cycle

environnemental. Certaines, comme la SMD et la SAG vont se rattraper plus tard en


réalisant des études. Mais les longues années d’opérations sans véritable encadrement
juridique marqueront durement et diversement les communautés. Les longues années de
cohabitation feront perdre l’espoir à plus d’un tandis que les plus irréductibles qui croient
encore au rêve minier à l’image de Keita Abdoulaye Ing. Métallurgiste au chômage à Léro
ont toujours de l’espoir quand ce dernier affirme que « La mine est un mal nécessaire »

7.3.2. Les nouvelles zones minières où l’espoir fait vivre


Dans les zones des projets GAC, WAE et Simandou (Rio Tinto), les populations
entretiennent davantage d’espoir certainement en raison de l’application des normes en
vigueur par les sociétés concernées depuis le début des opérations. Cela a l’avantage de
jeter les bases d’une meilleure performance sociale contrairement aux anciennes mines
qui ont ouvert pratiquement sans étude d’impact environnemental en l’absence de toute
prescription juridique ; même si, dans le temps, certaines ont dû se mettre en règle visà-
vis de cette exigence postérieure à leur implantation. En effet, chacune de ces trois mines
ont fait l’objet d’EIES dument valide par le CTAE sous la direction du BGEEE. Le quitus
environnemental qui en a résulté est la preuve que les titulaires sont engagés à opérer
dans les règles de l’art et conformément au cadre légal applicable en Guinée. Certes la
cohabitation n’a pas encore atteint le même niveau de traumatisme que dans les
anciennes zones.

61
Rapport de fin de cycle

7.3.3. Les zones minières au lourd passif social


Le lourd passif social souvent associé à la fermeture non planifiée des mines est vécu
comme un cauchemar sur les différents sites qui en souffrent . De Fria à Yomboyéli en
passant par Dianéyah, le rêve minier reste plus que jamais compromis et les
appréciations sur les mines font l’objet de contradictions flagrantes. Alors qu’à Fria l’on
se plaint que ce soit fini, à Yomboyéli tout comme à Kondékhouré à que lques 15 km de
Fria, on se plaint que ce soit arrivé . C’est après la fermeture de la mine que les
communautés ont connu une autre vie à ces endroits , celle de la tranquillité et d’un
environnement paisible. Les nombreux impacts environnementaux ayant disparu avec la
fermeture de la mine. Cette nouvelle ère aux allures paisibles et sans nuisance s semble
être sans prix et les populations ne sont pas prêt es à brader cette quiétude contre une
quelconque somme d’argent comme par le passé. Parce qu’aujourd’hui est mieux
qu’hier, elles conditionnent toute réouverture de la mine à un déplacement physique et
économique du village sur un site qui leur garantisse cette continuité.

62
Rapport de fin de cycle

8. APERÇU DE L’IMPACT DES OPERATIONS SUR LES DROITS HUMAINS AU


NIVEAU COMMUNAUTAIRE

8.1. Quelques normes internationales en vigueur dans l’industrie extractive


L’industrie minière est l’un des secteurs d’activité les plus encadrés au monde à
travers de nombreuses directives, principes et normes internationales ainsi que des
politiques de bonnes pratiques. Les sociétés minières entendent se donner une bonne
image en les employant au quotidien. Les normes les plus en vue dans le secteur sont entre
autres:

- La politique opérationnelle de la Banque Mondiale


- Les normes de performance de la Société Financière Internationale, 2012
- La Directive de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique
(OCDE) pour les multinationales, 2012
- Les Principes du Conseil International des Mines et Métaux (ICMM) - Les Principes
de l’Equateur (EP), 2012 - La Norme ISO10 26000, 2012 etc.

En plus de ces normes internationales, il existe d’autres instruments qui ont une
connotation directe avec les droits humains, ce sont :
- Le Pacte Mondial,
- Les Directives des Nations Unies en matière de sécurité minière
- Les Directives des Nations unies sur les droits humains

On remarquera que dans tous les cas, ces instruments n’imposent aucune contrainte aux
sociétés minières et revêtent davantage un caractère volontaire. Ils sont directifs et non
prescriptifs et servent de ce fait d’étalon de mesure du niveau de conformité des pratiques
des multinationales vis-à-vis des orientations données. Il faut donc faire le distinguo entre
normes internationales en vigueur dans l’industrie extractive et initiatives de protection
des Droits Humains. Les premières s’appliquent aux pratiques et la conduite des
opérations techniques sur le terrain, avec pour centre d’intérêt la valorisation «
responsable » des ressources minières. A contrario, les initiatives de promotion des droits
humains visent à faire entrer les droits humains dans la culture des multinationales.
Autrement dit, elles promeuvent la prise en compte des droits humains dans leurs
opérations.

8.2. Quelques outils de promotion et de protection des droits humains au niveau


national
La protection et de promotion des Droits humains est assurée par une constellation de
lois. Pour le secteur minier, la règlementation est principalement assurée par le Code
Minier et ses textes d’application ainsi que par les autres Codes et lois applicables. Ce sont
donc entre autres :
- Le Code Général des Collectivités Territoriales
- Le Code de l’Environnement - Le Code Forestier - Le
Code du Travail, etc.

10 International Standards Organisation/Organisation Internationale de Normalisation

63
Rapport de fin de cycle

8.3. Niveau de prise en compte des droits humains dans les opérations
minières
La problématique des droits humains dans les industries extractives reste assez complexe.
L’analyse de leur prise en compte l’est encore plus, tant le sujet fait rarement l’unanimité
au sein des acteurs de l’industrie et selon le centre d’intérêt. Sans prétendre couvrir tous
les champs du droit, l’exercice a concerné quelques droits fondamentaux au regard des
besoins immédiats des populations concernées. Ce sont : l’accès à l’eau, l’éducation, la
santé. Le droit à la sécurité et la vie ont été également analysés.

Pour ce faire, dans les trois premiers cas, le niveau de respect sera mesuré sous sa forme
d’expression la plus simple que constitue la contribution de l’Etat et des sociétés minières
à l’amélioration de l’offre de services et d’infrastructures sociales de base qui promeuvent
le (s) droit (s) qui s’y rattache (nt) le mieux. Par exemple, la réalisation de forage d’eau
promeut l’accès et le droit à l’eau (potable) tout comme les infrastructures scolaires
améliorent l’offre éducative et promeuvent le droit à l’éducation. Pour le droit à la sécurité
et à la vie, il sera analysé à travers la gestion des conflits au niveau communautaire et des
conséquences y afférentes.

Par rapport à l’amélioration de l’offre d’eau potable, de santé, d’éducation et partant de la


promotion des droits qui en découlent, le tableau suivant est un essai d’inventaire des
réalisations de l’Etat et des sociétés minières dans chacune des localités ayant fait l’objet
de l’étude. Cet inventaire vise à faire un rapprochement entre l’offre et la demande de
services et infrastructures sociales de base afin d’en déduire le niveau de prise en compte
des droits fondamentaux des communautés qui en découlent.

64
Rapport de fin de cycle

Tableau 7 - Comparaison offre et normes en infrastructures et services sociaux de base


Rapport de fin de cycle

66
Rapport de fin de cycle
Rapport de fin de cycle

8.3.1. Impacts positifs sur les droits humains


Les sociétés minières tout comme l’Etat reconnaissent explicitement les droits des
communautés à travers les différentes normes, et les textes régissant l’activité minière.
Dans l’analyse qui suit, les impacts positifs seront interprétés comme une promotion
directe des droits humains tandis que les impacts négatifs seront plutôt mis au compte de
la négation des mêmes droits tant par les sociétés minières que par l’Etat.

8.3.1.1. De la prise en compte des droits par les acteurs


Par rapport à l’eau
Le ratio pour l’accès à l’eau en milieu rural est de 300 habitants (hbts) par point d’eau.
C’est dire que dans les conditions normales, un village de 600 hbts devrait disposer de 2
forages d’eau. Un rapprochement de cette norme avec les réalités sur le terrain offre un
écart abyssal avec une couverture en eau dont le déficit va de -100% à -260%. Pour les 11
localités aux donnés disponibles dans le tableau. Seul Tchankountcholi a une couverture
excédentaire de 15% et ce, en raison de l’application des normes lors de la mise en œuvre
du PARC en 2008 par le projet GAC.

Avec respectivement 7560 hbts pour 5 forages, 20582 hbts pour 14 forages et 7250 hbts
pour 2 forages, Moribadou, Léro, et Layah victimes de la migration interne sont les
localités les plus déficitaires avec, dans le même ordre, une sous couverture de -260%,
390% et -1118%. Si l’Etat n’a aucune réalisation sur les 14 forages de Léro, il en a
cependant 3 sur les 5 de Moribadou dont 2 ont été réalisés par Rio Tinto. Les plus fortes
réalisations de l’Etat sont à Kintian avec 9 bornes fontaines et 10 forages puis 7 autres
forages à Siguirini. En tout, l’Etat a contribué à la promotion du droit à l’eau avec 46
forages en tout pour une couverture déficitaire relative de -349% contre 22 forages pour
l’ensemble de sociétés minières pour une couverture relative de -505%.

Avec une population totale de 61976 pour les 11 localités, il aurait fallu en tout 206
forages pour atteindre le ratio de 1 forage pour 300hbts alors que les 68 forages existants
donnent le ratio de 911 hbts par forage pour une couverture absolue négative de -203%.
Le gap qui est en même temps un besoin s’élève à 139 forages pour l’ensemble de la zone
d’étude et constitue une opportunité à saisir par les parties prenantes, Etat comme
sociétés minières, afin de renforcer cette résilience communautaire qui rend du même
coup le droit à l’eau aux populations affectées par les projets miniers dont l’Etat est aussi
actionnaire.

Par rapport à la Santé


La norme en matière de couverture sanitaire est de 5 km pour 1 poste de santé. Ainsi tout
village se situant au-delà de ce rayon devrait disposer d’un centre de santé. Partant de
l’accessibilité géographique érigée en norme, 54% des localités ont une couverture
sanitaire du fait qu’elles soient situées à moins de 5km d’un poste de santé. A contrario
46% des localités souffrent d’enclavement sanitaire dont le record est détenu par Léro
avec 17,5km d’éloignement du centre de santé le plus proche (Siguirini). La clinique de la
SMD étant dédiée aux travailleurs avec une faible accessibilité sous coupe réglée de 59
patients par jour après inscription préalable. Malheureusement le Conseil Préfectoral de
Développement (CPD) a priorisé la construction d’une maison des jeunes à hauteur de
600 millions GNF au détriment de la santé. Par ailleurs, le poste de santé réalisé à
Tchankountcholi par GAC n’est pas opérationnel faute de personnel. Ainsi, l’accessibilité
géographique cache certainement un problème d’accessibilité physique des centres de

68
Rapport de fin de cycle

santé au regard de la surpopulation des zones minières. En effet, Kintian avec plus de
20582 hbts dispose certes d’un centre de santé mais la capacité d’accueil reste infime par
rapport à la demande. D’où la nécessité de repenser le schéma de développement du
système sanitaire dans les zones minières pour mieux répondre à la réalité de la demande
et partant la prise en compte du droit à la santé dans ces zones en proie à une migration
interne massive.

Par rapport à l’éducation


La norme pour la dotation d’un village en école primaire tient en deux aspects. Soit le
village dispose de 100 enfants scolarisables soit il est distant de 7km de l’école la plus
proche. Dans l’analyse qui suit, le critère géographique (accessibilité) a été privilégié en
l’absence de données fiables sur le nombre d’enfants scolarisables. Ainsi, sur le terrain,
on constate que toutes les localités sont effectivement situées dans le rayon prescrit. Si
l’accessibilité géographique semble montrer que toutes les localités sont à l’abri du besoin
d’école, l’accessibilité physique au sens de la capacité d’accueil des écoles peut être remise
en cause. En effet, avec une école primaire pour 5300hbts, Siguirini a en projet de rénover
un vieux bâtiment administratif pour répondre à la forte demande de scolarisation due à
la croissance démographique. A l’instar de Bourata qui a réalisé son école de trois classes
d’elle-même, les enfants de cette localité sont obligés de se rendre à Kéolenta soit à 7
kilomètres pour continuer leurs études. De nombreuses autres localités souffrent
d’enclavement scolaire avec pour corolaire un fort taux d’abandon. Une meilleure prise
en compte du droit à l’éducation dans les zones minières compte tenu de la pression
démographique doit plutôt se fonder sur l’accessibilité physique et non géographique qui
cache les difficultés réelles en termes de capacité d’accueil.

8.3.1.2. Les taxes pour le développement local comme instrument de justice


sociale Chez les sociétés minières

La contribution au développement local indexée à 0,5% et 1% du chiffre d’affaires des


sociétés minières selon le type de minerai, est une forme de contribution directe au
développement local et, de ce fait, elle promeut le droit au développement si elle est
effectivement payée aux collectivités. Elle vise à instaurer une forme de justice sociale au
profit des communautés directement impactées par les opérations minières. Tout comme
le non-paiement de cette taxe, sa mauvaise utilisation est une négation du droit des
populations affectées comme cela s’est avéré à Moribadou et à Nionsomoridou, entrainant
la révolte ayant emporté l’équipe municipale.

L’Etat : un retour signé à 15% des revenus miniers au profit des


communautés
Après plusieurs décennies d’absence, l’Etat signe un retour remarquable à travers la
création du Fond de Développement Local (FDL). Plus qu’une contribution au
développement local, c’est une mesure de justice sociale et économique à l’endroit des
communautés qui sont les premières victimes des opérations minières et les dernières à
bénéficier des fruits en raison des principes budgétaires trop centralisés qui ne
favorisaient pas le retour de « dividendes » aux communautés ; les dépenses régaliennes
et de souveraineté ayant longtemps éclipsé les droits des communautés.

69
Rapport de fin de cycle

8.3.2. Impacts négatifs sur les droits humains


La gestion des conflits dans les zones minières implique très souvent l’intervention des
forces de l’ordre qui, dans leur action, font un usage disproportionné de la force. Le
tableau suivant fait l’état des lieux de l’usage de la force ayant abouti à des arrestations, à
des détentions ou à des pertes en vies humaines consécutives aux conflits.

Tableau 8 - Inventaire du passif lié à l'usage de la force


Nombre d’interventions armées Nombre
de
Sociétés Nombre
Zones conflits Nombre de
minières d’arrestations/ Année Année recensés morts
détensions
Léro 0
SMD Carrefour 11 2009 0
Siguirini 0
FGM Yomboyéli 14 2013 0
GAC Tchankountcholi 0 0
+100 3 2007
CBG Kamsar village +100 3 2008
+100 3 2009
Fria +20 0 Sur une longue période
FRIA Kondékhouré 0 0
WAE Bourata 0 0
Moribadou 0 3 2015
Rio Tinto Nionsomoridou 0 0
Vale BSGR* Zogota N/A +10 2012 6 2012
Total 96 455 18 2004-2015

Il ressort du tableau que les manifestations organisées par les communautés pendant les
conflits qui les opposent aux sociétés minières ont été durement réprimées résultant en
des détentions et même en des morts d’hommes. De la mémoire des communautés, plus
de 455 personnes ont été arrêtées dont plus de 300 uniquement à Kamsar. De 2003 à
2009, trois manifestations ont été réprimées dans le sang, causant neuf morts soit trois
morts par manifestation comme indiqué dans le tableau. Le cas de Zogota est inclu dans
le tableau à juste titre de rappel. En tout le décompte macabre en l’espace d’une décennie
(2004-2015) est de 18 morts.

L’analyse se nourrira essentiellement des deux premiers principes du Pacte Mondial11 sur
les droits de l’homme, (1) « les entreprises sont invitées à promouvoir et à respecter la
protection du droit international relatif aux droits de l'homme dans leur sphère
d'influence; et (2) veiller à ce que leurs propres compagnies ne se rendent pas complices
de violations des droits de l'homme ». De ce qui précède, il convient de rappeler les
obligations de l’Etat et des sociétés minières en matière de droits humains ainsi qu’il suit.
11 Le Pacte mondial invite les entreprises à adopter, soutenir et appliquer dans leur sphère d'influence un
ensemble de valeurs fondamentales, dans les domaines des droits de l'homme, des normes de travail et de
l'environnement, et de lutte contre la corruption. Ces dix principes sont inspirés de :
• La Déclaration universelle des droits de l'homme
• La Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail
• Organisation internationale du travail
• La Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement
• La Convention des Nations Unies contre la corruption

70
Rapport de fin de cycle

Obligations de l’Etat en matière de droits humains


- RESPECTER: l’obligation de respecter exige que l’Etat n’enfreigne en aucun cas
directement ou indirectement à la jouissance à aucun droit que ce soit.
- PROTEGER: l’obligation de protéger exige que l’Etat prenne des mesures pour
prévenir la violation des droits par des tiers, i.e. les entreprises.
- DONNER SUITE : l’obligation de donner suite exige que l’Etat adopte des mesures
appropriées pour garantir la jouissance pleine et entière de tous les droits humains
(ici, par les communautés).

Obligations des sociétés minières :


- Les entreprises doivent respecter les droits humains (ne pas commettre de
violation de droits).
- Les entreprises ne doivent pas bénéficier de la violation des droits humains.
- Les entreprises ne doivent pas être complices des violations des droits humains par
l’Etat.

Or l’Etat, dans son rôle régalien de protection des personnes et des biens, lors des conflits
dans les zones minières fait usage excessif de la force. Les détentions et les morts
d’hommes qui s’en suivent ont le désavantage de mettre ces actions en porte-àfaux avec
les Principes du Pacte Mondial12 et forcent les constats suivants :

L’Etat qui a l’obligation de respecter les droits humains a enfreint ici à la jouissance du
droit à la sécurité et a la vie avec un passif de 18 morts comme indiqué dans le tableau
tandis que les sociétés minières ont bénéficié de ces violations. Le décompte macabre a
fini par semer la terreur au sein des communautés qui prennent peur de manifester et
réclamer leurs droits. Par ailleurs, le manquement a l’obligation de protéger les droits qui
échoit à l’Etat, devient caduque quand ce dernier devient l’oppresseur dont l’action
bénéficie aux sociétés minières qui y consentent par leur mutisme, forme d’approbation
tacite.

Extraire les droits humains depuis les standards internationaux ainsi que les textes
nationaux et les pratiquer permet de lier l’entreprenariat minier aux droits et de soigner
davantage l’image des sociétés minières, image dont elles ont tant besoin pour consolider
leur permis social autant que leur performance sur les grandes places boursières du
monde.
12Droits de l'homme
1. Les entreprises sont invitées à promouvoir et à respecter la protection du droit international relatif aux droits
de l'homme dans leur sphère d'influence; et
2. Veiller à ce que leurs propres compagnies ne se rendent pas complices de violations des droits de l'homme.
Normes du travail
3. Les entreprises sont invitées à respecter la liberté d'association et à reconnaître le droit de négociation
collective;
4. L'élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire;
5. L'abolition effective du travail des enfants; et
6. L'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.
Environnement
7. Les entreprises sont invitées à appliquer l'approche de précaution face aux problèmes touchant
l'environnement;
8. A entreprendre des initiatives tendant à promouvoir une plus grande responsabilité en matière
d'environnement; et
9. A favoriser la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l'environnement.
Lutte contre la corruption

71
Rapport de fin de cycle

10. Les entreprises sont invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l'extorsion de fonds
et les pots-de-vin.
9. CONCLUSION

Sans verser dans le pessimisme, les conflits constituent la tâche noire de l’activité minière
en ce sens que tous les griefs sont des germes de conflits potentiels. Cela corrobore l’idée
que « l’activité minière porte en elle-même les germes du conflit. » N.M. Maléya Camara11.
Cependant, loin d’une fatalité, les conflits constituent un risque certes réel mais qui peut
être contenu voire réduit si les mesures appropriées sont prises pour y faire face. Pour
l’heure, les zones minières sont régulièrement en proie aux conflits tandis ces mesures
sont inopérantes voire inexistantes.

Dans les anciennes zones minières, le trauma de cohabitation avec les mines et la
désillusion ont conduit les communautés à développer une culture de contestation
consistant à bloquer les opérations minières pour obtenir gain de cause dans leurs
revendications. Véritable arme de négociation et de pression, cette attitude gagne du
terrain dans les nouvelles zones minières. Seuls face aux communautés, les miniers
tombent dans l’immobilisme voire l’impuissance devant des besoins sociaux réels et
urgents dont la responsabilité doit être aussi portée par l’Etat.

La déstructuration des économies locales, des moyens d’existence ainsi que des habitudes
culturales font de l’emploi minier un refuge face aux nombreux maux tandis que le
manque de bénéfices visibles de l’activité minière exacerbe davantage les tensions. Dans
ce contexte le moindre impact environnemental est senti comme une provocation par les
communautés. Les conflits doivent donc être compris comme une réponse ‘‘désespérée’’
des communautés prises dans le tourment du développement minier, tandis que leur
apparition tardive dans le cycle des projets miniers et à mettre au compte de
‘‘l’analphabétisme minier’’ qui ne permet pas aux communautés de décider et d’influencer
positivement le projet pour asseoir les bases d’un accord durable avant le démarrage des
opérations. Dans ce nouvel environnement social, en dehors de tout appui extérieur à la
hauteur des nouveaux défis nés de la présence de la mine, les exigences sont largement
au-delà des seules capacités d’adaptation endogène des communautés.

C’est pourquoi, la réduction des conflits doit nécessairement passer par un engagement
croissant de l’Etat et des sociétés minières dans la réalisation des infrastructures et des
services sociaux de base. D’autres parts, elle nécessite un développement communautaire
résilient à travers la viabilisation effective des services sociaux par l’Etat qui devra
infléchir son schéma directeur dans les secteurs concernés pour y parvenir.

De ce qui précède, toute action de prévention et de gestion durable des conflits doit
intégrer pleinement d’une part la résilience du développement communautaire en
réponse aux défis hérités des mines et d’autre part l’ancrage d’un mécanisme de
gouvernance des conflits pour un développement minier inclusif qui engage pleinement
l’Etat, les sociétés minières et les communautés.

11 Nènè Moussa Maleya Camara est Chef du Service des Relations Publiques du Ministère des Mines et de
la Géologie de Guinée.
72
Rapport de fin de cycle

Bibliographie sommaire

1. Arrêté conjoint portant création et fonctionnement des CCLM, 2013

2. Code Minier, République de Guinée, 2011

3. Plan de Gestion Environnemental et Social (PGES) Rio Tinto, 2012

5. Daniel Franks et al: Conflict translates environmental and social risks into business

4. Etude d’impact Environnementale et sociale, WAE, 2014

costs,

73
Rapport de fin de cycle

ANNEXE : PLAN D’OPERATIONALISATION ET DE MISE EN


ORUVRE DES RECOMMANDATIONS PAR LES PARTIES PRENANTES

Justification du plan
La mise en œuvre des recommandations de la présente étude nécessite la mobilisation et
la participation de tous les acteurs du secteur. Le présent plan d’opérationnalisation se
propose d’en définir les modalités afin que chaque acteur puisse s’approprier le rôle qui
lui échoit dans une démarche collaborative avec les autres.

Objectifs
Dans l’immédiat (1 à 8 mois au plus tard): Créer un cadre institutionnel opérationnel dédié
à la diffusion des résultats et la mise en œuvre diligente des principales recommandations
de l’étude.

A court terme (1 an): Organiser et finaliser la mise en chantier participative des principales
recommandations de l’étude.

A moyen terme (2ans) : Réduire les conflits à travers la mise en œuvre d’actions
participative en prévention et en réponse dans les zones minières.

Résultats
Dans l’immédiat (1 mois au plus tard) : Un cadre institutionnel opérationnel est créé et prêt
à entrer en action

A court terme (au bout d’un an): les principales recommandations sont toutes en chantier

A moyen termes (au bout de deux ans) : le secteur minier dispose d’un plan de prévention
et de réponse viable et fiable et les conflits en sont réduits.

Activités dans l’immédiat :

Activité 1 : mettre en place un Comité Opérationnel de Pilotage (COP) multipartite

Basé à Conakry et coparrainé par la Chambre des Mines, le PNUD, le Ministère des Mines
et le Ministère de la Décentralisation, les membres potentiels seront :
- Les sociétés minières en activités ayant participé à l’étude et toutes
autres sociétés désireuses d’y participer
- Les organisations de la société civile intervenant dans la gouvernance
minière ainsi que celles évoluant dans le système d’alerte précoce
- Des personnes ressources éventuelles

Le COP aura pour mission d’élaborer un échéancier pour mettre en œuvre des
recommandations du rapport dans le court terme et doit être abrité par l’une des acteurs
institutionnels qui le compose.

Afin de mieux renforcer le cadre d’action que constitue le COP, il convient de procéder aux
actions suivantes comme préalable à tout bon fonctionnement:
- Définir un code de conduite pour guider le mode opératoire du COP

74
Rapport de fin de cycle

- Faire prendre un acte de création par les services compétents

- Définir un calendrier de travail réaliste et réalisable (Planification)

- Mettre en place un budget adéquat pour soutenir le processus


d’opérationnalisation des recommandations qui, pour être plus diligent, sera le
plus souvent délocalisé sous forme de retraites hors de Conakry

Activité 2 : Organiser des consultations régionales sur le schéma d’intervention proposé


(Résultats et principales recommandations) à travers des fora réunissant l’ensemble des
acteurs miniers de chaque région pour en discuter l’efficacité en vue de l’améliorer et se
l’approprier véritablement.

Activité 3 : Réaliser un suivi et une récolte des feedback pour améliorer le schéma d’alerte
précoce et de réponse rapide proposé pour le niveau communautaire (SLAP) régional
(SRAP) et national (SNARP)

Activité 4 : Mettre en place progressivement les SLAP, les SRAP et le SNAP- Mines. Dote
d’un Coordination locale, régionale et nationale, le Système d’Alerte et de Réponse (SAR)
prendra le relais du COP (ou l’avalera) dans la planification et la mise en œuvre des
recommandations de l’étude.

Ressources et partenaires potentiels


La mise en œuvre des recommandations tout comme le succès du processus dépend
étroitement des moyens techniques et financiers effectivement disponibles. La présente
stratégie de mise en œuvre se veut nationale même si dans son déroulement l’on peut
adopter une approche progressive. Dans tous les cas, les membres du COP une fois
installés devront s’assurer d’élaborer un budget réaliste et conséquent pour lune mise en
œuvre efficace du processus.

Le PNUD, la GIZ, la Chambre des Mines, l’USAID qui est déjà engagés sur le terrain à travers
des initiatives sur les conflits pourront être approché par le COP afin de négocier un
partenariat. Dans cette démarche, le PAGSEM peut également être consulté.

La planification des activités immédiates est faite dans le tableau suivant :

75
Rapport de fin de cycle

Tableau de planification de la mise en œuvre des recommandations pour le COP (1-8 mois)
1 2 3 4 5 6 7 8
ACTEURS RECOMMANDATIONS ACTIONS

Mettre en place un Comité Opérationnel de Pilotage (COP) multipartite basé à Conakry et coparrainé par la Chambre
des Mines, le PNUD, le Ministère
1. Renforcer la veille sociale des des Mines
conflits et la résilience à travers Faire prendre un acte de création par le ministère
la mise en place d’un système des Mines
d’alerte précoce à base Définir un calendrier réaliste et réalisable communautaire aux fins de suivi
et de prise en charge précoce des Mettre en place un budget adéquat pour soutenir le conflits au stade de grief. Le
processus d’opérationnalisation des Système National d’Alerte recommandations qui, pour être plus diligent, sera
CECIDE, Précoce (SNAP) et de réponse le plus souvent délocalisé sous forme de retraites
PNUD, rapide devra avoir deux niveaux hors de Conakry
Chambre des Mines de de démembrement : Régional
Guinée, (SRAP) et Local (SLAP). Ce Organiser des consultations régionales sur le
Ministère des Mines, système qui aura pour principal schéma d’intervention proposé à travers des fora Ministère de outil 75
d’information la carte réunissant l’ensemble des acteurs miniers de l’Administration Territoriale interactive en ligne, doit
chaque région pour en discuter l’efficacité en vue
pleinement intégrer la de l’améliorer et se l’approprier véritablement participation des
opérateurs
miniers, de l’Etat et des Réaliser un suivi et une récolte des feedback pour communautés
elles-mêmes améliorer le schéma d’alerte précoce et de réponse réunis dans un cadre de
dialogue rapide proposé pour le niveau communautaire tripartite technique de (SLAP)
régional (SRAP) et national (SNARP) prévention et de gestion des
conflits dans les zones minières . Mettre en place les SLAP, les SRAP et le SNAP-
Mines

ECHEANCIER Immédiat

S-ar putea să vă placă și