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OUATTARA Klognigui Apollinaire

Département d’Histoire Université Alassane Ouattara de Bouaké (Côte d’Ivoire)

samageste12@gmail.com

« Pouvoir et contre-pouvoir au Songhay au XVe siècle : Sonni Ali versus les Oulémas de

Tombouctou »

La question du pouvoir politique et des libertés publiques, celle des relations entre les
politiques et leurs sujets ont attribué à l’étude des contre-pouvoirs un poids essentiel.
Universellement, le possédant de l’autorité politique, pour garantir l’accomplissement de ses
décisions use d’un mélange d’autorité et de contrainte et surtout le recours à l’armée.
Néanmoins, lorsque le pouvoir politique tend vers une dérive dictatoriale, il nait alors des
groupements sous la dénomination de ligues, de mouvements, d’ONG, etc. Ces associations,
avec pour objet la défense de la liberté du citoyen contre la tyrannie deviennent, des contre-
pouvoirs suscitant des contestations. Pour donc se faire admettre par tous ses sujets, le
politique doit trouver le juste équilibre entre vertu et cruauté d’une part et, respect et crainte
d’autre part. Et comme le souligne Nicolas Machiavel dans le Prince et autres textes, le
souverain doit exercer une politique de fermeté visant à endiguer la dissidence car, elle
demeure la racine de la révolte (1515, p.42). Ce mécanisme découvre ses souches dans
l’histoire des peuples.

En effet, l’empire songhay, dernier des trois grands empires du Soudan occidental, offre un
cas d’étude captivant. De 1464 à 1492, durant le règne de Sonni Ali-Ber, les lettrés
musulmans ont usé de l’importance acquise pour constituer un contre-pouvoir. Ayant hérité
du trône Songhay selon les normes traditionnelles réglementant la dévolution du pouvoir dans
l’empire Songhay, Sonni Ali dit le Grand avait toujours témoigné de l’estime à la science.
Malgré ce fait, l’homme, dans sa politique de gestion de l’empire fut confronté aux lettrés
musulmans qui ne manqueront pas de présenter de lui une image péjorative. Pour contrer leur
influence et surtout éviter toute sédition de leur part pouvant déstabiliser son pouvoir, Sonni
Ali mit en avant l’usage de la violence.

Mots clés : Pouvoir, contre-pouvoir, politique, empire songhay, Sonni Ali, lettrés musulmans
INTRODUCTION

« (…) C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en
abuser; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. (…). Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir,
il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir »1. Ces propos de
Montesquieu laissent entendre qu’il ne peut exister de pouvoir en l’absence de contre-pouvoir
capable de limiter et même de résister au pouvoir en place. Ils sont donc d’actualité. En effet,
l’actualité politique dans le monde et particulièrement en Afrique de l’ouest est dominée ces
derniers temps par le phénomène de contestation de pouvoir. Ces contestations demeurent le
fait de certaines minorités sociales ou politiques qui voient dans le pouvoir politique en place
des visées dérisoires. C’est donc une question qui a proprement parlé n’est pas nouvelle. En
effet, l’empire Songhay, dernier des trois grands empires du Soudan Occidental offre un cas
d’étude intéressant à savoir le contraste entre Sonni Ali et la classe influente des ulémas de
1464 à 1492. Avec la découverte des deux chroniques soudanaises telles le Tarikh Es-Soudan
et le Tarikh el-Fettach, une certaine concorde s’est construite autour des motifs explicatifs de
la contestation entre Sonni Ali et les Ulémas. En effet, les historiens comme Sangaré
Souleymane2 ou Sékéné Mody-Cissoko3 qui ont porté une étude sur l’empire songhay
affirment que la conquête de Tombouctou en 1468 ainsi que l’obédience religieuse de Sonni
Ali seraient à l’origine de la haine. Pourtant, en examinant méticuleusement la question, ces
réponses méritent d’être réévaluer car elles ne rendent pas incontestablement compte des
raisons à l’origine de ce ressentiment.

Cet article se propose donc d’appréhender et d’expliquer les relations entre Sonni Ali et
les lettrés musulmans au Songhay en rappelant dans un premier temps les raisons de cette
altercation. La seconde partie quant à elle s’attèlera à faire ressortir les manifestations et la
dernière partie aura pour objet de faire ressortir les effets de cette altercation dans l’empire
Songhay.

1
CH.S.MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Paris, éditions Gallimard, 1995, p112.
2
S.SANGARE, Afrique occidentale : Etats, gouvernances et conflits (VIIIe-XVIe siècle), Canada, éd. Différance
Pérenne, 2016, 196p.
3
S.M. CISSOKO, Tombouctou et l’empire songhay, Abidjan, Nouvelles éditions Africaines, 1975, 243p.
I- TOMBOUCTOU, OBJET DE L’ANTINOMIE ENTRE SONNI-ALI ET LES
LETTRES MUSULMANS

L’antipathie entre les Ulémas et Sonni-Ali a éclaté en 1468 suite à la conquête de la ville
de Tombouctou au détriment des Touaregs qui y régnaient. Pourquoi cette haine ? La question
du statut spécifique de Tombouctou ainsi que les visées politiques des Ulémas seraient à
l’origine de cette altercation.

1- Le problème du statut particulier de Tombouctou

Quatre ans après son accession au trône Songhay, Sonni Ali, dans sa politique de bâtir un
vaste empire fédérateur se retrouve confronté aux lettrés musulmans de Tombouctou. Ces
hommes de science, du fait de l’Islam avaient acquis de l’influence et constituaient de ce fait
un parti à ne pas sous-estimer. Mais bien avant de porter son dévolu sur la cité de
Tombouctou en 1468, le Souverain songhay avait porté ses armes contre la métropole de
Djenné qu’il parvint à prendre en 1473 après sept(07) ans, sept(07) mois et sept(07) jours
(CUOQ, 1984, p152). Parvenu à s’emparer de Djenné, Sonni Ali soumit le Djenné-Koï au
paiement d’un tribut tout en s’alliant par un mariage à la mère du jeune roi (DELAFOSSE,
1912, p79).Mais pourquoi cette dissimilitude dans le traitement ?

Pour élucider cette question, il faut la situer dans le contexte du moment. En effet, fondée
au XIIe siècle par « les Touaregs Immaqqasharan originaires du bassin d’Araouane »
(DEDE, 2010, p94), la ville de Tombouctou n’entama son authentique essor qu’au moment de
l’établissement de populations berbères Sanhadja venues des lisières sahariennes. Ce vaste
mouvement de migration s’est étendu sur approximativement un siècle, c'est-à-dire, du
XIIIème au XIVème siècle. La cité de Tombouctou, par sa situation géographique jouissait
d’une position captivante. Elle se trouvait à « l’intersection du Niger et des pistes sahéliennes
allant de l’Aouker à la boucle du Niger » (PARE, 2015, p124).Mais au XIVe siècle
l’importance de la ville de Tombouctou s’accrut « en raison de sa situation au carrefour de
plusieurs routes sahariennes et du Niger ». (TRIAUD J-L, 1973, p188). Pendant ce temps la
puissance du Mali déclina. Ainsi Tombouctou fut reprise par les Touaregs en 1433. En
prenant Tombouctou, les Touaregs prêtèrent le gouvernement de la ville à « Muhammad
Naddi, qui était un Massùfi de la tribu des Azer(Schinqit) de Walata ». Néanmoins cet
administrateur Messoufa, bien qu’étant là au compte des nomades Touaregs d’Akil détenait en
effet tous les pouvoirs. Il incarnait de ce fait le véritable responsable de la métropole
commerciale. Par ce fait les Naddi, plus particulièrement ces tribus Sanhadja dont ils étaient
issus « formaient dans la cité le groupe des lettrés tout entiers concentrés sur l’étude de la loi
(…) et pour le temporel, c’est-à-dire la défense et le commerce, ils s’en remettaient aux
chameliers du désert, aux Touaregs ! »(CUOQ, 1984, p149).Les nomades Touaregs
composaient la strate combattante tandis que les Sanhadja formaient la couche savante.
Réunies dans le ꞌꞌquartier universitaire de Sankoréꞌꞌ, ces hommes de sciences encore appelés
Ulémas étaient en effet les incontestables maîtres de l’opinion. Par leur homogénéité ils
formaient une puissance qui n’était pas insignifiante. Véritables dynasties de lettrés, ces
Ulémas firent de Tombouctou une entité politique se voulant autonome vis-à-vis des empires
Soudanais. Cependant en 1464, Sonni Ali dit le Grand, en accédant au trône du Songhay fut
confronté à ces lettrés musulmans de la cité de Tombouctou avides de leur indépendance.
Suite à la disparition de Mohammed Naddi alors gouverneur de cette localité, les rapports
entre le Souverain Songhay et ces hommes de lettres prirent un coup. En effet, sous
Mohammed Naddi, les relations entre Sonni Ali et Tombouctou se limitaient au paiement
d’un tribut. Cependant, à sa mort son fils Ammar rompit ces rapports par l’envoi d’une
correspondance au Souverain Songhay. Dans cette lettre en effet, il disait qu’il « avait de
nombreuses forces à sa disposition et tous ceux qui voudraient lui faire obstacle verraient
quelles étaient ces forces » (ES SA’DI, 1964, p105). Cette posture du jeune Tombouctou-Koï
témoigne en effet de la pensée de ces berbères de se dérober de la suprématie Songhay.
Pourquoi donc cette dérogation de la part du jeune Tombouctou-Koï ? En effet, Tombouctou
tout comme Djenné, Oualata et Tichit constituaient des zones de transit entre le Soudan et le
Maghreb. A côté de ce fait, Djenné et Tombouctou étaient indissociables sur le plan
économique ; Djenné centralisait avec Tombouctou tout le commerce entre le Sud et le Sahel.

C’étaient des zones stratégiques du commerce transsaharien et le contrôle « de ces


espaces stratégiques déterminait le tournant décisif de l’histoire politique et économique des
différentes dynasties qui ont régné au Soudan et au Maghreb du VIIIe au XVIe siècle »
(OUATTARA, 2017, p33). Ainsi, la privation de ces zones stratégiques signait en effet le
déclin des empires soudanais. Pourtant dans tous les empires fédérateurs soudanais, « la
légitime propriété des souverains sur leur territoire était toujours respectée. Sonni Ali agit
donc en suivant le même principe » (CUOQ, 1984, p152). Ainsi, très jaloux de son autorité, le
souverain songhay se voit donc obligé de châtier la classe savante de Tombouctou,
antinomique à sa tutelle et qui voulait faire de Tombouctou un Etat indépendant vis-à-vis du
Songhay.
2- Les desseins politiques des Ulémas de Tombouctou

A son accession au trône Songhay en 1464 Sonni Ali eut le dessein de bâtir un immense
empire à l’exemple de celui du Mali. Il se livra à de nombreuses conquêtes qui lui permirent
d’étendre les limites de son empire. Ainsi en 1468, il porta ses armes contre la cité de
Tombouctou dont il n’hésita pas à massacrer les habitants. Ce qui lui valut la haine des
Ulémas. Pourquoi ce massacre ? En effet au XIVe siècle, la ville de Tombouctou, en raison de
sa situation géographique avait acquis de l’importance. Grand nombre de commerçants et de
savants berbères s’y étaient installés. En 1433, les Touaregs conduis par Akil parvinrent à
s’emparer de la cité de Tombouctou au détriment de l’empire du Mali. De là, en poursuivant
leur existence nomade, ils instituèrent une sorte de gouvernorat dans laquelle le pouvoir
demeurait aux mains de la race berbère qui y était déjà établie. Le premier gouverneur de la
ville fut Mohammed Naddi. Il exerça la fonction de gouverneur du temps du Mali jusqu’à
l’avènement de Sonni Ali au pouvoir.

Aussitôt que Sonni Ali fut investi de l'autorité souveraine le Tombouctou-Koï, le cheikh
Mohammed-Naddi, lui adressa une lettre de vœux et de salutations (Sadi, 1964, p105). Dans
cette lettre, le Tombouctou-Koï reconnaissait l’autorité du Sonni. Mais après sa mort
Mohammed Naddi fut remplacé par son fils Omar. Dès son avènement, celui-ci écrivit à son
tour une lettre toute opposée de celle de son père .Dans cette lettre en effet, il disait
qu’il « avait de nombreuses forces à sa disposition et tous ceux qui voudraient lui faire
obstacle verraient quelles étaient ces forces » (ES SA’DI, 1964, p105). Cette attitude du jeune
Tombouctou-Koï démontre en effet l’idée de ces berbères de se soustraire de la suzeraineté du
Songhay. A côté de ce fait, les lettrés musulmans, par l’importance acquise avaient des
prétentions pour le pouvoir temporel. En effet aux yeux de ces orthodoxes, la première
exigence pour exercer le pouvoir c’est d’être musulman et d’admettre la prééminence du
Coran et du droit canonique .Et le chef de la communauté doit solliciter les Ulémas, tenir
compte de leurs opinions sur les questions indispensables. Ainsi donc ils prirent la religion
pour prétexte et « voulurent obtenir du Sonni quelques garanties légales, et une sorte de
charte jurée sur le Coran » (ADAM Paul, Paris, 1914). Par ces garanties ils cherchaient en
effet, comme le souligne Sékéné Mody-Cissoko, à « jouer le rôle de conseillers politiques et
diriger les affaires de l’état » (1966, p99). Mais bien que musulman, Sonni-Ali était un
homme sceptique en matière de religion. Souverain très despotique, jaloux de son pouvoir, il
détestait que les marabouts et les lettrés acquissent de l’importance politique.
II- DE LA CONQUETE DE TOMBOUCTOU A L’EXIL DES ULEMAS

Cette altercation entre Sonni Ali et les lettrés musulmans, singulièrement ceux de
Tombouctou, fut à l’origine de la conquête de la ville de Tombouctou ainsi que l’exil de
ces hommes de loi vers d’autres régions.

1- La conquête de Tombouctou

Quand Sonni Ali-Ber montait sur le trône, le Songhay occupait au Soudan une place des
plus modestes. Les Touaregs installés à Tombouctou rôdaient sur la bordure nord de ses états.
En effet ces nomades, vers la fin du prestige du Mali étaient parvenus à s’accaparer de la cité
de Tombouctou. Continuant leur nomadisme, ces Touaregs conduis par Akil confiaient la
gestion de la cité à un fonctionnaire, le Tombouctou-Koï moyennant le versement d’un tribut
qu’ils percevaient périodiquement. Cependant, avec l’opulence de la cité, les exigences de ces
Touaregs « s’augmentèrent démesurément : ce furent de véritables rançons que les habitants
et les caravanes eurent à leur payer » (DUBOIS.F, 1900, p265).Outre ce fait, Ammar,
successeur de Mohammed Naddi s’était précipité dès sa prise de fonction à exprimer son désir
de se soustraire de l’autorité du souverain songhay. Mais très vite, il se vit lésé par ces
Touaregs. Face donc aux exactions de ces nomades Touaregs, « les Tombouctiens cherchèrent
un maître » et Ammar, furieux des humiliations endurées par ces concitoyens et par lui-
même, « songea à se venger » (DUBOIS, 1900, p266). A cet effet, il n’hésita pas à faire appel
à Sonni Ali auquel il promit de donner la cité de Tombouctou. Ce dernier, sans se le faire dire
deux fois, arriva avec « une vitesse déconcertante, bouscula les Touaregs et s’empara de la
cité de Tombouctou ». Mais, à son arrivé à Tombouctou, les « saints hommes » essayèrent de
se rebeller contre le conquérant qui n’hésita pas à les faire emprisonner ou supprimer. La ville
fut ainsi sanguinairement traitée (HAMA.B, 1974, p136). Elle fut incendiée, ruinée et
soumise à d’immenses ravages. A ce effet, un grand nombre de personnes, surtout le ꞌꞌparti
musulmanꞌꞌde cette cité fut exterminé. Chose que ces hommes de loi garderont contre le
pouvoir Sonni.

2- L’exil des Ulémas de Tombouctou

En 1468, soit quatre ans après son avènement au trône songhay, Sonni Ali jette son dévolu
sur la cité commerciale et religieuse de Tombouctou. Comme souligné, cette ville, au temps
du Tombouctou-Koï Mohammed Naddi reconnaissait la suzeraineté du Sonni. Mais à sa
disparition, plus précisément sous le règne de son fils et successeur Ammar, les rapports entre
la cité commerciale et le souverain Songhay se détériorèrent suite au refus de ce dernier de se
soumettre à l’autorité du Sonni. Mais Ammar, impuissant face aux exactions des nomades
Touaregs se voit contraint de faire appel à l’empereur Songhay Sonni Ali-Ber. Ce dernier,
soucieux de libérer Tombouctou de l’emprise Touaregs ne se le fit pas dire deux fois. En
effet, la ville de Tombouctou, par sa situation géographique jouait un rôle capital dans le
commerce transsaharien et particulièrement dans l’économie de l’empire Songhay. Ainsi les
Touaregs, en profitant de l’opulence de la cité, se livrent à des exactions. Ainsi, ils portaient
atteinte au commerce dans cette localité. Ce qui ne fut pas sans conséquence pour le Songhay.
En effet, les villes-oasis entre autre Tombouctou, Djenné et Oualata, constituaient des zones
stratégiques pour les empires Soudanais. Ainsi, « le contrôle de ces espaces stratégiques
détermine le tournant décisif de l’histoire politique et économique des différentes dynasties
qui ont régné au Soudan et au Maghreb du VIIIe au XVIe siècle » (D.Yaya, 2014, p80).

De ce fait, le 29 ou 30 janvier 1468, Sonni Ali s’emparait de la cité commerciale de


Tombouctou. Ce ne fut pas sans résistance. En effet dès son arrivée, il fut confronté à
l’influence des marchands noirs musulmans ayant pour porte-parole les Ulémas. Ceux-ci
« entendaient sinon partager, du moins contrôler le pouvoir des rois » (NIANE.D.T, 1975,
p69). Ainsi, jaloux de son autorité, le Souverain songhay qui, tranchait les oppositions à
coups de sabre s’en prit à la classe des lettrés. Il fit périr un grand nombre parmi ceux qui
s’opposaient à sa tutelle. Ceux qui parvinrent à s’enfuir, se refugièrent à Birou, Foutouti et à
Tichit ; chacun cherchant un asile dans son pays d’origine (Tarikh el-Fettach, p94-95). La
ville fut ainsi évacuée et ceux qui restèrent sur place, prêtèrent allégeance à l’empereur
Songhay Sonni Ali-Ber.

Toutefois, cette mésentente entre l’empereur Songhay Sonni Ali et les classe zélée des
Ulémas de Tombouctou ne fut pas sans suites.
III- LES COROLLAIRES DE LA MÉSENTENTE ENTRE SONNI ALI ET LES
ULEMAS DE TOMBOUCTOU

Le choc entre Sonni Ali et les lettrés musulmans suite la conquête brutale de la cité
commerciale et religieuse de Tombouctou ne fut pas sans effets. Il eut pour résultats l’action
subversive de l’intelligentsia de Tombouctou vis-à-vis du pouvoir Sonni ainsi que la chute de
la dynastie Sonni.

1- La "portraiture" de Sonni Ali : action subversive des Ulémas de


Tombouctou

Au lendemain du ravage de Tombouctou par Sonni Ali, empereur Songhay, les milieux
musulmans, particulièrement « l’intelligentsia » de Tombouctou humiliés, gardèrent contre
Sonni Ali un souvenir horrifié. Aussi une haine sans mesure s’accumula chez ces hommes de
religion contre Ali-Ber et de surcroît contre sa dynastie. « Ils décident de contribuer à les
renverser et de mettre au pouvoir une autre famille » (SANGARE.S, 2016, p22). Pour ce
faire, ils décident par une campagne de dénigrement d’abreuver sa réputation d’affronts. En
conséquence, Sonni Ali qui, sans aucun sentiment antireligieux, avait combattu la classe des
lettrés qui s’étaient opposés à son pouvoir se voit confronter à toute la classe musulmane. « Le
supprimer ? Plus d’un y pensèrent. Le mieux n’était-il pas d’associer la divinité à sa
disparition » (CUOQ, 1984, p151).

Cependant, prenant la religion pour prétexte, ces lettrés musulmans ainsi que les
chroniqueurs soudanais ne manquèrent pas de tracer « de lui un portrait des plus sombres :
roi tyrannique, débauché et impie, ses « actes de cruauté » et de « funestes procédés
d’administration » remplissent les pages des Tarikh » (MAUNY.R, 1970, p169). En effet, aux
yeux de ces hommes de loi, le règne de Sonni Ali n’est qu’une suite d’horreurs et d’atrocités,
toutes dirigées contre les musulmans. Mais pour Daniel Cissé Amara, ces récits atroces, ces
images péjoratives que nous dépeignent ces derniers, « relèvent de la légende et contribuent à
nous cacher le véritable visage d’Ali le Grand. On voit qu’il fut ambitieux mais fourbe, adroit
politique mais cruel, ne sont-ce pas là des caractères communs à tous les meneurs d’hommes
de son temps et de tous les temps ? » (1988, p201). Homme d’action, grand conquérant,
Sonni Ali n’était pas pour autant un infidèle comme veulent le faire admettre les lettrés de
Tombouctou ainsi que les auteurs des deux Tarikhs soudanais. Ainsi le Tarikh es-Soudan, tout
préoccupé à l’idée d’exposer de Sonni une image dépréciative aux yeux de la population,
admet tout de même qu’il reconnaissait le mérite de ces hommes de loi en ce sens qu’il
affirmait : sans les savants, il n’y aurait en ce monde ni agrément, ni plaisir. Outre cela, il ne
ratait pas l’occasion de faire du bien à un certain nombre d’entre eux en les comblant
d’hommages. Toutefois, cette action subversive ne fut pas sans effet.

2- L’éviction de la dynastie Sonni

Cette tension entre Sonni Ali et la classe influente des Ulémas fut déterminante dans
l’histoire de la dynastie Sonni dans l’empire Songhay. En effet, humiliés, maltraités, les lettrés
musulmans mettront tout en œuvre pour discréditer le pouvoir de Sonni Ali. Mais de son
vivant, ils ne parvinrent à mener aucune action dissidente car comme le précise l’auteur du
Tarikh el-Fettach, Sonni Ali « était un prince obéi et respecté, et ses sujets le redoutaient à
cause de sa cruauté » (1964, p94). Souverain attaché à son autorité, Sonni Ali était un
conquérant brutal qui tranchait les différends à coups de lame. Toutefois les Ulémas issus de
riches familles de marchands et hommes d’affaires attendirent avec impatience l’occasion
avantageuse pour se venger de la dynastie Sonni.

Malheureusement, le cours des évènements changea. Conquérant, bâtisseur et passionné


d’expéditions, Sonni Ali mourut avant d’avoir mené à bien son œuvre qui fut de bâtir un vaste
empire. Sa disparition survint le 06 novembre 1492. Il se serait noyé dans un courant d’eau
(sail) appelé Koni. Son corps fut embaumé, mais nul ne sait où il fut déposé. C’est l’image
même du héros, disparaissant brusquement de la scène du monde et dont l’âme continue à
fréquenter les lieux de son passage terrestre, inspirant les uns, terrifiant les autres (CUOQ,
1984, p153). A sa disparition, son fils Sonni-Baro fut investi par l’armée. Mais il n’eut pas le
temps de s’organiser. En effet, impuissant de renverser Sonni Ali de son vivant, le parti
musulman, assoiffé de leur revanche profitèrent de la situation. Prenant une fois de plus la
religion pour prétexte, l’intelligentsia de Tombouctou, comme le soulignent les auteurs des
Tarikhs, après plusieurs essais infructueux de dissuader le nouveau souverain d’embrasser
l’Islam, vinrent à le renverser en portant au pouvoir un homme qui leur était favorable : Askia
Mohammed. Par ce fait, ils parvinrent à mettre fin à la dynastie des Sonni. Aussi l’éviction de
Sonni Baro du trône songhay serait la résultante de la maladresse commise par Sonni Ali vis-
à-vis de la classe influente des Ulémas. Ce fut comme le relève Cissé Daniel Amara, « de
s’attaquer durement aux Ulémas, aux docteurs et aux pieux marabouts de Tombouctou et de
Djenné. Car, en effet, l’une des constances politiques du Soudan(ou pays des Noirs), qui reste
encore vraie de nos jours est qu’un homme politique ou un général d’armée doit habilement
éviter de heurter de front les ordres intellectuels établis sous peine de susciter une certaine
émotion, et une indignation de la part de la population qui a un respect presque vénéré pour
l’homme du Livre ; aux yeux du peuple, l’intellectuel est toujours porteur de message »(1988,
p201). En somme, la chute de la dynastie Sonni advenue avec l’éviction de Sonni Baro en
1493 marquait ainsi le triomphe du parti musulmans avec à leur tête les Ulémas de
Tombouctou.

CONCLUSION

Au terme de cette analyse, il convient de retenir que la chute de la dynastie des Sonni
dans l’empire Songhay demeure la résultante directe du démêlé entre Sonni Ali et le clan zélé
des érudits musulmans. Ce fut un lent processus de fragilisation du pouvoir engagé au
lendemain du sac de la cité commerciale et administrative de Tombouctou en 1468 par Sonni
Ali-Ber. Ce mouvement a consisté en une campagne de diffamation lancée par ces savants
islamistes suite au massacre des leurs par Sonni Ali lors de la prise de Tombouctou. Cette
action subversive ayant consisté à ternir l’image de Sonni Ali et au-delà celle de la dynastie
des Sonni, eu pour corollaire l’écroulement de la dynastie des Sonni et l’avènement de celle
des Askia en 1493.

Pour finir, notons que cet article ouvre une perspective nouvelle sur l’étude des relations de
pouvoirs dans la naissance, la perpétuation et la ruine des empires africains bien avant la
colonisation.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIE

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