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Revue Philosophique de la France et de l'Étranger
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La mémoire collective chez les musiciens
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 137
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138 REVUE PHILOSOPHIQUE
netteté. A plus forte raison en est-il ainsi de ceux qui n'ont appris
ni à déchiffrer, ni à exécuter. Qu'ils sortent d'un concert où ils ont
entendu une œuvre pour la première fois, il ne reste dans leur
mémoire presque rien. Les motifs mélodiques se séparent et leurs
notes s'éparpillent comme les perles d'un collier dont le fil est
rompu. Certes on peut, même quand on est ignorant de la trans-
cription musicale, reconnaître et se rappeler telle ou telle suite de
notes, airs, motifs, mélodies, et même accords, et parties d'une
symphonie. Mais alors ou bien il s'agit de ce qu'on a entendu plu-
sieurs fois, et qu'on a appris à reproduire vocalement. Les sons
musicaux ne se sont pas fixés dans la mémoire sous forme de sou-
venirs auditifs, mais nous avons appris à reproduire une suite de
mouvements vocaux. Quand nous retrouvons ainsi un air, nous nous
reportons à un de ces schemes actifs et moteurs dont parle M. Berg-
son qui, bien qu'ils soient fixés dans notre cerveau, restent en
dehors de notre conscience. Ou bien il s'agit de suites de sons que
nous serions incapables de reproduire nous-mêmes, mais que nous
reconnaissons quand les autres les exécutent et rien qu'à ce moment.
Supposons alors que le même air que nous avions entendu
précédemment jouer au piano soit exécuté maintenant sur un
violon. Où est le modèle auquel nous nous reportons, quand nous
le reconnaissons ? Il doit se trouver à la fois dans notre cerveau, et
dans l'espace sonore. Dans notre cerveau, sous forme de disposition
acquise antérieurement à reproduire ce que nous avons entendu,
mais disposition insuffisante et incomplète, parce que nous n'aurions
pas pu le reproduire. Mais les sons entendus à présent viennent à la
rencontre de ces mouvements de reproduction ébauchés, si bien que
ce que nous reconnaissons c'est ce qui, dans ces sons, s'accorde avec
les mouvements, c'est-à-dire non pas le timbre, mais essentiellement
la différence de hauteur des sons, les intervalles, le rythme, ou en
d'autres termes ce qui, de la musique, peut en effet se transcrire
et se figurer par des symboles visuels. Certes, nous entendons autre
chose. Nous entendons les sons eux-mêmes, les sons du violon, si
différents des sons du piano, l'air exécuté sur le violon, si différent
de l'air exécuté au piano. Si nous reconnaissons cependant cet air,
c*est que, sans lire les notes, les voir telles qu'elles sont inscrites sur
la partition, nous nous représentons cependant à notre manière
ces svmboles qui dictent les mouvements des musiciens et qui sont
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 139
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140 REVUE PHILOSOPHIQUE
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 141
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1.42 REVUE PHILOSOPHIQUE
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 143
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144 REVUE PHILOSOPHIQUE
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 145
par celui qui le précède. Mais nous savons bien qu'il n'en est rien,
que l'empreinte en creux s'explique par la composition en relief,
et que l'action de celle-ci subsiste, et ne change pas de nature, alors
même que les caractères en relief ne sont plus appliqués sur leur
empreinte. De même lorsqu'un homme s'est trouvé au sein d'un
groupe, qu'il y a appris à prononcer certains mots dans un certain
ordre, il peut bien sortir du groupe et s'en éloigner. Tant qu'il use
encore de ce langage, on peut dire que l'action du groupe s'exerce
toujours sur lui. Le contact n'est pas plus interrompu entre lui et
cette société qu'entre un tableau et les mains ou la pensée du
peintre qui l'a composé autrefois. Il ne l'est pas davantage entre
un musicien et une page de musique qu'il a lue ou relue plusieurs
fois, alors même qu'il paraît s'en passer maintenant. En réalité, loin
de s'en passer, il ne peut jouer que parce que la page de musique
est là, invisible, mais d'autant plus active, de même qu'on n'est
jamais mieux obéi que quand on n'a pas besoin de répéter chaque
fois les mêmes ordres.
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146 REVUE PHILOSOPHIQUE
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 147
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148 REVUE PHILOSOPHIQUE
lorsqu'on suppose que Phomme est isolé. Ce fait, c'est que ces signes
résultent d'une convention entre plusieurs hommes. Le langage
musical est un langage comme les autres, c'est-à-dire qu'il suppose
un accord préalable entre ceux qui le parlent. Or, pour apprendre
un langage quelconque, il faut se soumettre à un dressage diffìcile,
qui substitue à nos réactions naturelles et instinctives une série de
mécanismes dont nous trouvons le modèle tout fait hors de nous,
dans la société.
Dans le cas du langage muscial, on pourrait croire qu'il en est
autrement. Il y a en effet une science des sons qui repose sur des
données naturelles, physiques et physiologiques. Admettons que
le système cérébral et nerveux de l'homme soit un appareil de
résonnance, capable naturellement d'enregistrer et de reproduire
les sons. Le langage musical se bornerait à fixer sous forme de signes
les mouvements de ces appareils placés dans un milieu sonore. La
convention que nous indiquons serait donc fondée dans la nature,
et elle existerait virtuellement tout entière dès qu'un seul de ces
appareils serait donné. Mais, lorsqu'on raisonne ainsi, l'on oublie
que les hommes, et même les enfants, avant d'apprendre la musique,
ont entendu déjà beaucoup d'airs, de chants, de mélodies, que leur
oreille et leur voix ont contracté déjà bien des habitudes. En
d'autres termes, ces appareils ont fonctionné déjà depuis longtemps,
et, entre leurs mouvements, il n'y a pas qu'une simple différence
de degré, comme si les uns étaient plus sonores que les autres, ou
comme si les mêmes notes y étaient plus distinctes. Mais les notes
sont différentes, ou plutôt elles sont combinées différemment. La
difficulté consiste précisément à faire en sorte qu'ils deviennent ou
redeviennent des appareils identiques, dont les pièces se meuvent
de la même manière, et il faut bien alors partir d'un modèle qui ne
se confond avec aucun d'entre eux.
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 149
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150 REVUE FHILOSOPHrgUE
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS l&l
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15t REVUE PHILOSOPHIQUE
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 153
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Í54 REVUE PHILOSOPHIQUE
les accents que peut prendre la voix humaine, les chants populaires
et exotiques, tous les ébranlements sonores produits par les choses
et par les hommes ont passé dans les compositions musicales. Mais
ce que la musique emprunte ainsi aux milieux naturels et humains,
elle le transforme suivant ses lois. On pourrait croire que, si Tait
imite ainsi la nature, c'est pour lui emprunter une partie de ses
effets. N'est-il pas vrai que certaines œuvres se construisent sur des
thèmes qui ne sont pas eux-mêmes musicaux, comme si Ton voulait
renforcer l'intérêt de la musique par l'attrait du drame ? Les titres
de telles compositions laissent supposer que l'auteur a voulu éveiller
chez ses auditeurs des émotions d'ordre poétique, évoquer dans leur
imagination des figures et des spectacles. Mais cela tient peut-être
à ce que la société des musiciens ne réussit pas quelquefois à s'isoler
de la société en général, et à ce qu'elle n'y tient pas toujours. Quel-
ques musiciens sont plus exclusifs, et c'est chez eux qu'il faut cher-
cher le sentiment de ce qu'on pourrait appeler la musique pure.
Plaçons-nous donc dans l'hypothèse où le musicien ne sort pas
du cercle des musiciens. Que se passe-t-il, lorsqu'il introduit un motif
emprunté à la nature ou à la société dans une sonate ou une sym-
phonie ? D'abord, si ce motif l'a retenu là où il Ta rencontré, c'est
pour ses qualités proprement musicales. Tandis qu'un profane est
frappé par un passage, dans une sonate, parce qu'il pourrait être
chanté, un musicien fixera son attention sur un chant, dans une
fête villageoise, parce qu'il pourrait être noté, et figurer comme
thème dans une sonate ou dans une composition orchestrée. Le
profane détache la mélodie de la sonate. Inversement, le musicien
détache le chant des autres chants, ou dans le chant il détache l'air
des paroles, et même certaines mesures de l'air tout entier. Ainsi
détaché, dépouillé, appauvri d'une partie de sa substance, l'air va
être maintenant transporté dans la société des musiciens, et se
présentera bientôt sous un nouvel aspect. Associé à d'autres suites
de sons, fondu peut-être dans un ensemble, sa valeur, la valeur de
ses parties sera déterminée par ses rapports avec ces éléments
musicaux qui lui étaient jusqu'ici étrangers. S'il joue le rôle de
thème, on le développera, mais suivant des règles purement musi-
cales, c'est-à-dire qu'on tirera de lui-même ce qui y était sans doute
contenu, mais qu'un musicien seul y pouvait découvrir. S'il joue
le rôle de motif, il donnera une couleur originale à toutes les parties
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HALBWACHS. - MÉMOIBE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 1&5
* *
Parce que la musique dégage ainsi les sons de toutes les autres
données sensibles, nous nous figurons quelquefois qu'elle nous
détache du monde extérieur. Certes, les sons ont bien une réalité
matérielle. Ce sont des phénomènes physiques. Mais tenons-nous en
aux sensations auditives, car le musicien ne va guère au delà. Si
la musique vient du dehors, rien ne nous oblige à en tenir compte.
Car elle offre ceci de particulier que tandis que les couleurs, les
formes et les autres qualités de la matière sont attachées à des
objets, les sons musicaux ne se trouvent en rapport qu'avec d'autres
sons. Comme rien de ce qui est donné dans la nature ne ressemble
aux œuvres des musiciens, nous imaginons volontiers qu'elles
échappent aux lois du monde extérieur, et qu'elles sont ce qu'elles
sont en vertu du pouvoir de l'esprit. Le monde où la musique nous
transporterait serait alors le monde intérieur.
Mais regardons-y d'un peu près. Une combinaison ou une suite
de sons musicaux ne nous paraît détachée de tout objet que parce
qu'elle est elle-même un objet. Cet objet n'existe, il est vrai, que
pour le groupe des musiciens. Mais qu'est-ce qui nous garantit
jamais l'existence d'un fait, d'un être, d'une qualité, si ce n'est
Taccord qui s'établit à son sujet entre les membres d'une société,
c'est-à-dire entre les hommes qui s'y intéressent ? Ce n'est pas un
individu qui tire de lui et de lui seul un thème nouveau, une combi-
naison de sons que son esprit a créée de rien. Mais il le découvre
dans le monde des sons, que la société des musiciens est seule à
même d'explorer ; c'est parce qu'il accepte ses conventions, c'est
même parce qu'il s'en est pénétré plus, que ses autres membres,
qu'il y parvient. Le langage musical n'est pas un instrument inventé
après coup en vue de fixer et de communiquer aux musiciens ce que
tel d'entre eux a imaginé spontanément. Au contraire, c'est ce
langage qui a créé la musique. Sans lui il n'y aurait pas de société
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156 REVUE PHILOSOPHIQUE
1. Schopenhauer, Die Well als Wille und Vorstellung. Leipzig, Reclam, p. 338.
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 157
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158 REVUE PHILOSOPHIQUE
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 15»
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100 REVUE PHILOSOPHIQUE
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 161
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162 REVUE PHILOSOPHIQUE
tard, soit qu'on fasse partie du cercle des musiciens, soit qu'on se
souvienne d'y avoir pénétré et séjourné, sinon en reconstituant
autour de soi, au moins en pensée, cette société elle-même, avec sa
technique, ses conventions, et aussi ses façons de juger et de sentir ?
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 163
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164 REVUE PHILOSOPHIQUE
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HALBWACHS. - MÉMOIRE COLLECTIVE CHEZ LES MUSICIENS 165
lesquels ils ont passé : ici encore, les mots passent à l'arrière-plan,
et si Ton tient à ce qu'on les répète exactement, c'est qu'on pense
que l'esprit est inséparable de la lettre : mais c'est tout de même
l'esprit d'abord que la mémoire collective du groupe religieux cherche
à retenir.
Les musiciens au contraire s'arrêtent aux sons, et ne cherchent
point au delà. Satisfaits d'avoir créé une atmosphère musicale, d'y
avoir déroulé des motifs musicaux, ils se désintéressent de tout ce
qu'ils peuvent suggérer, et qui ne s'exprimerait pas dans leur
langue. Il sera toujours aisé et d'ailleurs loisible à un poète, à un
philosophe, à un romancier, et aussi à un amoureux, à un ambitieux,
dans une salle où l'on exécute des œuvres musicales, d'oublier à
demi la musique, et de s'isoler dans leurs méditations ou leurs
rêveries. Tout autre est l'attitude d'un musicien, soit qu'il exécute,
soit qu'il écoute : à ce moment, il est plongé dans le milieu des
hommes qui s'occupent simplement à créer ou écouter des combi-
naisons de sons : il est tout entier dans cette société. Ceux-là n'y
ont engagé qu'une très petite partie d'eux-mêmes, assez pour s'isoler
un peu dans leur milieu habituel, dans le groupe auquel ils tiennent
le plus étroitement, et dont, en réalité, ils ne sont pas sortis. Mais
alors, pour assurer la conservation et le souvenir des œuvres musi-
cales, on ne peut faire appel, comme dans le cas du théâtre, à des
images et à des idées, c'est-à-dire à la signification, puisqu'une
telle suite de sons n'a point d'autre signification qu'elle-même.
Force est donc de la retenir telle quelle, intégralement.
La musique est, à vrai dire, le seul art auquel s'impose cette
condition, parce qu'elle se développe tout entière dans le temps,
qu'elle ne se rattache à rien qui demeure, et que, pour la ressaisir,
il faut la recréer sans cesse. C'est pourquoi il n'y a point d'exemple
où l'on aperçoive plus clairement qu'il n'est possible de retenir
une masse de souvenirs avec toutes leurs nuances et dans leur
détail le plus précis, qu'à condition de mettre en œuvre toutes les
ressources de la mémoire collective.
Maurice Halbwachs.
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