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Sur l’esclavage moderne, « la prise de

conscience est faible et dérisoire »


A l’occasion de la Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage, l’anthropologue et
économiste Tidiane N’Diaye dénonce le traitement des Noirs, qui persiste au delà de la Libye.

Propos recueillis par Jeanne Cavelier

LE MONDE Le 02.12.2017 à 12h21 • Mis à jour le 02.12.2017 à 12h49

Un reportage choc ​de la chaîne américaine CNN​ sur la


traite de migrants en ​Libye​, publié mi-novembre, a mis
en lumière la persistance de l’esclavage. ​Selon le
Global Slavery Index​, sur le continent africain, plus de 1
% de la ​population​ congolaise, soudanaise,
sud-soudanaise, somalienne, centrafricaine ​ou encore
mauritanienne​ serait en situation d’esclavage.

A l’occasion de la ​Journée internationale pour son abolition​, samedi 2 décembre,


l’anthropologue et économiste franco-sénégalais ​Tidiane N’Diaye​ revient sur ce
phénomène. Africain, musulman, il a dénoncé en 2008 treize siècles de traite
arabo-musulmane sur le continent noir dans son essai ​Le Génocide voilé​ (Gallimard),
réédité en poche en mars 2017.

Que pensez-​vous​ des ventes aux enchères d’immigrants subsahariens en Libye ?

Tidiane N’Diaye : ​C’est abject. Avec ces images rapportées par CNN, ​le monde, choqué,
semble découvrir l’esclavage moderne​. Mais ces faits étaient connus. En avril dernier, ​La
Nouvelle Tribune ​(quotidien d’actualité béninoise et africaine) dénonçait un système
esclavagiste mis sur pied dans le pays, depuis la fermeture des accès européens. Les
passeurs, en manque de ressources, avaient décidé de ​vendre​ ceux qui attendaient de
pouvoir​ traverser la Méditerranée. En fait, le fléau de l’esclavage des Noirs est comme une
tradition chez les peuples arabo-musulmans.

Faut-il encore le ​rappeler​, la traite négrière est une invention du ​monde​ arabo-musulman…
Bien avant les théories raciales nées en ​Europe​ au XIX​e​ siècle, il existait un paradigme de
l’infériorité de l’homme noir dans cette région du monde. Le grand savant Ibn Khaldun, le
plus écouté et lu, écrivait au XIV​e​ siècle : ​« Les seuls peuples à ​accepter​ l’esclavage sont
les Nègres en raison d’un degré inférieur d’humanité, leur place se situe au stade animal. »

C’est ainsi que la castration était planifiée, massive​, pour que les Noirs ne fassent pas
souche chez eux. Ceci explique que les Noirs aient presque tous disparu aujourd’hui en
Turquie​, au ​Yémen​, en ​Irak​, et qu’on les trouve en très petit nombre au Maghreb ou en
Arabie saoudite. Nous savons, sans toutefois pouvoir en ​chiffrer​ l’ampleur avec exactitude,
que l’esclavage perdure dans de nombreuses régions sahariennes, en Libye, au ​Niger​, au
Tchad​, au ​Mali​, mais aussi en ​Arabie saoudite​ et au ​Qatar​.

Pourquoi les dirigeants de ces pays n’agissent-ils pas contre ce fléau ?

Pour ​condamner​ ou ​combattre​ efficacement ​le racisme anti-Noir des pays arabes​, et leur
esclavagisme, encore faudrait-il accepter de le ​voir​. Pour beaucoup, intellectuels et
politiques compris, le sujet est sensible et reste tabou. La prise de conscience est faible et
dérisoire, en dépit de quelques efforts, ici et là.

A Nouakchott, en ​Mauritanie​, l’été dernier, les défenseurs africains des droits de l’homme
ont lancé un appel solennel à l’occasion du 27​e​ sommet de la ​Ligue arabe​. Mais tout ceci est
resté lettre morte, puisque dans l’inconscient collectif des arabo-musulmans, l’homme noir
reste un ​Abd​, un esclave. L’esclavage est toujours pratiqué en Mauritanie au vu et au su de
tous. Mais les dirigeants de ce pays continuent de ​sillonner​ le continent, sans que l’​Union
africaine​ ou leurs homologues leur demandent des comptes. L’omerta règne.
Comment définissez-vous l’esclavage moderne ?

C’est le contraire du travail décent. On estime le nombre de victimes à environ 46 millions


d’individus. L’esclavage moderne s’étend du travail forcé aux mariages forcés : c’est le droit
abusif que des hommes se sont octroyé, pour ​user​, ​disposer​, parfois ​abuser​ des services
d’une personne qui ne peut ​exprimer​ librement sa volonté, ni b
​ énéficier​ de justes revenus de
son ​travail​.

Qui sont les principales victimes ?

Ce sont pour 71 % des femmes, dont une partie est mineure. La plupart sont exploitées
sexuellement. Des travailleurs et travailleuses domestiques, également, se voient confinés
entre les quatre murs du domicile où ils sont exploités, sans pouvoir disposer de leur
passeport. Ils ne peuvent ​rapporter​ les nombreux abus dont ils sont victimes.

En 2013, une affaire de trafiquants de femmes qui convoient ​des candidates à l’immigration
en Arabie saoudite​ pour les vendre comme des esclaves, avait défrayé la chronique au
Sénégal​. Il semble que ce réseau soit toujours actif. Celles qui réussissent à s’enfuir n’ont
nulle part où se ​réfugier​ et se retrouvent dépouillées de tout statut légal.
Est-ce un phénomène en recrudescence ?

C’est le cas en ​Afrique​ subsaharienne, où ce fléau touche généralement les enfants.


L’esclavage moderne s’accroît principalement à cause du ​sida​. Nombre de ces enfants
exploités sont orphelins, contraints d’assurer un revenu familial à la suite du décès de l’un
de leur parent séropositif. ​L’ONG Human Rights Watch​ a pointé le problème et le fait que les
gouvernements ne se mobilisent pas assez pour y ​mettre​ un terme.

Quelles sont les formes d’exploitation les plus courantes de ces enfants ?

Par exemple, la moitié du chocolat produit aux Etats-Unis provient de cacao récolté par des
mineurs travaillant en Côte d’Ivoire. Ils sont généralement recrutés dans les pays voisins
comme le Mali et le ​Burkina Faso​. Des filles sont souvent embarquées sur des bateaux à
destination du ​Gabon​, où elles travaillent comme domestiques ou sur les marchés. Elles
sont forcées de ​travailler​ jour et nuit, se déplaçant sur les marchés pour y vendre des
marchandises, assurant la corvée d’eau et les soins à de jeunes enfants.

Au Sénégal se pose aussi le problème des enfants talibés. Ce sont des garçons âgés de 5 à
15 ans, issus de familles pauvres. Ils sont confiés par les parents à un maître coranique, qui
se charge de leur éducation religieuse. Celle-ci a lieu dans un ​daara​, une école coranique.
En contrepartie, le talibé doit s’acquitter des travaux domestiques. Il est généralement
contraint de ​mendier​ dans les rues afin de ​subvenir​ à ses besoins et à ceux de son maître et
de sa ​famille​. Cette exploitation peut ​être​ considérée comme de l’esclavage. La majorité de
ces talibés vivent dans des conditions précaires, logés en surnombre dans des maisons
délabrées, avec un accès limité à l’eau, l’électricité, la nourriture et la santé.

En savoir plus sur


http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/12/02/sur-l-esclavage-moderne-la-prise-de-co
nscience-est-faible-et-derisoire_5223711_3212.html#4lSKSt7YB9HVoUix.99

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