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FIGAROVOX/ANALYSE - Le 1er novembre est la journée mondiale du véganisme.

Ce combat militant
devenu très médiatique interpelle par la radicalité de ses positions. Mais derrière la violence caricaturale du
mouvement, l‘antispécisme est une doctrine bien plus inquiétante et cohérente qu'il n'y paraît.

Paul Sugy est journaliste au FigaroVox.

«Jeudi 1er novembre 2018, les passants flânant près de la place du Palais-Royal tomberont nez à nez avec
une scène sanglante, organisée par notre association à l'occasion de la Journée mondiale végan» prévient
l'association Vegan Impact dans un appel au rassemblement envoyé à ses militants. Et en matière de mises
en scène sanglantes, les végans ne sont en effet pas en reste.

Un renouveau militant?

L'activisme en faveur des droits des animaux semble faire de plus en plus appel à la violence en France,
calquant les mouvements créés aux États-Unis où cette violence n'est pas neuve: l'Animal Liberation Front
(ALF) par exemple, fondé en 1976, s'était immédiatement fait connaître pour ses actions illégales dont la
plus célèbre fut l'opération Bite Black, en 1991, une série de raids incendiaires visant à détruire les élevages
destinés à produire de la fourrure.

Mais de ce côté-ci de l'Atlantique, c'est récemment que la montée en puissance d'une tendance
abolitionniste, plus violente, a donné au mouvement une visibilité médiatique accrue. Jusqu'ici, les végans
s'étaient concentrés sur des actions essentiellement à visée symbolique, destinées à éveiller les consciences:
production de documentaires ou d'affichages «choc». À présent, les happenings publics se multiplient, au
cours desquels des militants miment des animaux conduits à l'abattoir, à grand renfort de mises en scènes
ensanglantées allant parfois jusqu'au marquage au fer rouge.

L'assimilation de la production de la viande à la Shoah fait d'abord partie d'une stratégie de communication
bien huilée.

L'association 269 Libération animale appartient à ce renouveau militant, avec le mouvement Vegan Impact
ou encore Boucherie Abolition. Ces organes de lutte ne dissimulent pas leurs divergences avec l'association
historique, L214, créée en France en 2008. «On ne travaille plus ensemble parce qu'on n'est pas sur les
mêmes axes politiques», confie à La Dépêche une militante de «Boucherie Abolition».

Ainsi, et c'est la nouveauté, parmi les actions menées désormais par ces associations, de nombreuses
dégradations commises sur des boucheries ont eu lieu depuis cet été, au point d'inquiéter le président de la
Confédération française de la boucherie Jean-François Guihard qui a alerté à ce sujet le ministère de
l'Intérieur pour demander une protection policière.

La comparaison avec la Shoah

Cette radicalisation est aussi sémantique. Dans Les Terriens du samedi 6 octobre sur le plateau de Thierry
Ardisson, Solveig Halloin, la porte-parole du collectif Boucherie Abolition, compare la consommation de
viande à l'Holocauste - et même un «nolocauste»: un génocide programmé dès la naissance. Sur sa page
Facebook, les textes écrits par la militante sont d'une violence comparable, sinon pire encore.

Les militants végans sont assurément de bons clients pour les talk-shows télévisés, car ce sont des
spécialistes du buzz. L'assimilation de la production de la viande à un crime de masse comme la Shoah fait
d'abord partie d'une stratégie de communication bien huilée visant à coloniser le débat public par un
renouvellement sémantique. Plus l'image choque, plus elle interpelle et plus elle offre une visibilité à celui
qui l'emploie. Et ça marche! D'après un sondage IFOP de mars 2017, 80 % des Français considèrent la cause
animale comme «importante» ou «très importante».

Par ailleurs, cette radicalité lexicale justifie la violence des actions militantes menées par les défenseurs des
droits des animaux. Qui pourrait nier en effet la légitimité d'une mobilisation, même violente, qui dénonce
ou combat un crime de masse? Personne aujourd'hui ne songerait à reprocher aux auteurs de l'opération
Walkyrie d'avoir utilisé les armes pour attenter à la vie d'Adolf Hitler.

L'antispécisme, une doctrine redoutablement cohérente

La vraie question n'est donc pas de savoir si le mode d'action utilisé est légitime ou non, mais si l'idéologie
qui le nourrit est juste. Si elle l'est, la violence des végans est sans doute largement compréhensible.

Mais au fait, de quelle idéologie parle-t-on? L'antispécisme est un courant de pensée, apparu aux États-Unis
sous la plume de Peter Singer (La Libération animale, 1975), qui refuse de considérer l'espèce auquel
appartient un animal comme un critère déterminant pour justifier des différences de traitement, moral ou
juridique, à son endroit.

Cette radicalité lexicale justifie la violence des actions militantes menées par les défenseurs des droits des
animaux.

Les grands principes de cette doctrine sont bien plus cohérents qu'il n'y paraît - et du reste, les positions
caricaturales des militants animalistes masquent souvent le sérieux de ce courant de pensée, qui regroupe
beaucoup d'intellectuels et d'universitaires renommés.

Il s'agit en réalité d'une déclinaison possible de la philosophie utilitariste, qui prescrit comme unique critère
moral la maximisation du bien-être collectif. Une action n'est morale que si ses conséquences sont les moins
nocives possible, et non plus (comme dans le vieux monde kantien) si le principe qui préside à son
accomplissement est lui-même moralement bon.

L'antispécisme s'appuie alors sur un argument extrêmement solide: la «sentience», ou la capacité, pour un
animal, à ressentir une douleur physique ou un affect psychique. Celle-ci s'observe, de manière plus ou
moins développée selon les espèces, par la biologie: en particulier, un animal qui peut ressentir de la douleur
est souvent aussi capable de modifier son comportement pour l'éviter, comme une vache évite de s'approcher
trop près de la clôture pour ne pas subir de décharge électrique.

Le critère de la sentience permet ensuite de classer les espèces vivantes en fonction de leur «intérêt»: un
animal sentient a pour intérêt d'éviter, autant que faire se peut, la douleur... contrairement à une graine de
quinoa, pour qui toute souffrance est insignifiante puisque cet être vivant est incapable de la ressentir.

On peut donc manger du quinoa, pas de la vache. Les antispécistes considèrent en effet que seule cette
hiérarchie est recevable sur le plan moral, car en réalité les différences entre espèces ne sont pas essentielles:
en clair, rien ne permet, biologiquement, de déterminer un critère fondamental qui serait le «propre de
l'homme». Ils s'appuient notamment pour l'affirmer sur les avancées récentes de l'éthologie, la science qui
étudie le comportement animal. Ainsi donc, qu'aurait l'homme en propre qu'on n'observerait chez aucun
autre animal? Le langage articulé? Certains oiseaux en disposent aussi. Le comportement politique? Les
chimpanzés en ont des similaires. Des scientifiques avancent même que les chats ont développé une forme
de sens de l'humour...

Qu'on se rassure: les philosophes antispécistes ont bien conscience que l'homme est autrement plus
intelligent que le reste du règne animal. Seulement ils n'y voient qu'une différence de degré, pas de nature.
Les implications d'un tel raisonnement semblent donc imparables: puisque notre capacité à souffrir est
rigoureusement identique à celle de toutes les bêtes que nous mangeons, il est strictement immoral de
perpétuer ce «zoophagisme». Il ne s'agit pas de donner aux animaux des droits rigoureusement identiques
aux nôtres, mais de faire respecter ceux qui leur échoient par nature, du fait de leurs capacités à être affectés
par la douleur, en premier lieu desquels le droit de ne pas être torturés pour les besoins alimentaires de qui
que ce soit.

Là où ça coince

Il n'est pas simple bien sûr de résumer en quelques lignes un courant de pensée qui s'appuie sur des
bibliothèques entières de publications, d'essais et de revues, et dont les tenants ne sont d'ailleurs pas tous
d'accord entre eux. Néanmoins à ce stade, deux observations peuvent être faites, qui suffisent à mettre en
péril tout l'édifice intellectuel sur lequel repose l'antispécisme.

Les bêtes sauvages se dévorent entre elles à longueur de journée, et nous n'y pouvons d'ailleurs absolument
rien. Comment se satisfaire d'une telle injustice ?

On pourrait commencer en pensant par l'absurde: pousser jusqu'au bout les conséquences logiques du
raisonnement. Si donc l'homme est un animal «comme les autres», et qu'en conséquence de quoi il doit
s'abstenir de manger d'autres animaux innocents ou de leur infliger quelque souffrance que ce soit, il n'existe
après tout aucune bonne raison de penser qu'il doive être le seul animal à s'en tenir à de pareils principes. Or
il n'a échappé à personne que l'homme est loin d'être le seul animal carnivore: les bêtes sauvages se dévorent
entre elles à longueur de journée, et nous n'y pouvons d'ailleurs absolument rien. Comment se satisfaire
d'une telle injustice?

Mais voilà: il existe des penseurs de l'antispécisme pour défendre, le plus sérieusement du monde, l'idée que
l'on doive aussi empêcher les lions de manger les gazelles. David Olivier est de ceux-là, et tente de trouver,
pour y parvenir, d'autres méthodes que de tuer tous les lions: «Le lion doit recevoir des antibiotiques si c'est
ce dont il a besoin pour survivre. Mais le droit à la vie d'un lion lui permet-il d'exiger d'une gazelle qu'elle
lui cède ses organes - de fait, son corps entier? Je ne vois pas comment cela pourrait se justifier.» À vrai
dire, cet argument par l'absurde n'est pas le plus pertinent: le fait qu'il soit grotesque ne présage en rien de sa
validité. Ce n'est pas parce que nous ne savons pas par quels moyens poursuivre un but que celui-ci est
moins moral pour autant. Après tout, les sociétés humaines ont toujours tâché d'empêcher le meurtre et
aucune d'elle n'y est parvenue...

Bien plus intéressante en revanche est la question philosophique que pose l'antispécisme. Cette doctrine
repose sur une option discutable, et discutée depuis des siècles: en philosophie morale, l'utilitarisme n'est en
effet pas la seule manière de raisonner. Il existe au contraire une morale fondée non sur l'utilité mais sur des
principes d'action: ce n'est plus la conséquence d'une action qui détermine de sa moralité, mais la maxime
qui la guide.

Or c'est là le point aveugle de l'antispécisme. Car cette doctrine se fonde sur une approche exclusivement
centrée autour de la biologie et des connaissances que cette science du vivant nous donne du monde animal.
Mais s'il est bien un domaine où la biologie se révèle inapte, c'est précisément pour penser la conscience
qu'a l'homme de lui-même, et la réflexion qu'il mène sur les principes de sa propre action. Cette
connaissance nous vient de l'ensemble des sciences humaines: l'homme se connaît lui-même par la
psychologie, la sociologie, les sciences politiques, la philosophie ou même la littérature... Nos principes
moraux et juridiques ont été élaborés, au fil des siècles, grâce à la somme de toutes ces connaissances. Les
sciences humaines réussissent donc ce dont la biologie seule est incapable: isoler l'homme de toutes les
autres espèces animales, comme étant un être réflexif, capable de penser sur sa propre pensée.

Beaucoup de sciences ont eu tendance à se considérer comme les seules légitimes à poser un discours sur un
objet donné.

Dénonçant ainsi le «pari naturaliste» des antispécistes, le philosophe Étienne Bimbenet ajoute: «lorsque
vous considérez l'être humain en biologiste, vous ne le regardez qu'en tant qu'animal: il est donc normal de
conclure que l'homme est un animal. Il est vrai par exemple que l'homme partage 98,6 % de ses gènes avec
le chimpanzé ; mais conclure à partir de là que l'homme est un «troisième chimpanzé», c'est juste oublier
que la génétique n'est pas tout: elle ne représente qu'un point de vue très restreint sur ce que je fais chaque
jour comme être humain, les rites de politesse, les paroles échangées, les convictions morales ou politiques,
les curiosités scientifiques ou artistiques…»

Pour conclure: le «constructivisme» en question

Les pistes de réflexion évoquées ici sont en réalité fondamentales, non seulement pour percer à jour
l'imposture des antispécistes, mais aussi pour comprendre de manière plus générale comment la lutte contre
les inégalités ou les discriminations a pu tendre vers une déconstruction perverse de pratiquement tous les
acquis de notre civilisation.

C'est qu'en réalité, beaucoup de sciences ont eu tendance à se considérer comme les seules légitimes à poser
un discours sur un objet donné. Ainsi, comme certains naturalistes ont pu ne considérer l'homme que sous le
prisme de l'animal, les sociologues avant eux ont procédé de la même manière avec de nombreux objets des
sciences sociales, comme le genre. Oubliant ainsi que si une partie de l'identité sexuée des individus est
effectivement une construction sociale, on ne saurait réduire la différence sexuelle à cela - et du reste, sa
première manifestation reste avant tout biologique.

Les défenseurs des droits des animaux nous promettent probablement aujourd'hui un chamboulement au
moins comparable à celui opéré par les intellectuels partisans des «gender theories» du siècle passé. Or
l'histoire a montré que ces derniers ont gagné sur tous les plans: l'écriture inclusive ou la mention «autre»
pour renseigner le sexe à l'état-civil en sont témoins...

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