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RECENSIONS
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F. OST, A quoi sert le droit ? Usages, fonctions, finalités,
coll. Penser le droit, Bruxelles, Bruylant, 2016, 570 p.
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Cette revue, vol. 2016.76, p. 241.
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R.I.E.J., 2016.77 À quoi sert le droit ?
publicité, ou de durabilité » (p. 47). F. Ost examine ensuite les divers usages
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dont le droit fait l’objet, tant de la part des autorités que des particuliers, et
on s’en doute, l’intérêt réside davantage dans les usages qui contournent
voire détournent les finalités attendues du droit que dans ceux qui s’y
conforment. Examinant notamment les thèmes de la désobéissance civile,
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Jérémie van Meerbeeck R.I.E.J., 2016.77
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l’exigence d’effectivité de la règle de droit, regrette l’auteur, on perd trop
souvent de vue son rôle pédagogique et symbolique, voire de précurseur qui
est « l’expression d’une certaine capacité d’utopie » (p. 231).
Les fonctions secondaires sont au nombre de quatre : une fonction de
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R.I.E.J., 2016.77 À quoi sert le droit ?
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de l’humain. Les finalités intrinsèques sont « celles que l’on attribue au droit,
si et seulement si, on en subordonne les fonctionnalités » à la poursuite de
ces trois finalités extrinsèques (p. 8). On l’aura compris, cette dernière partie
se veut résolument normative et, forcément, est la plus susceptible de
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susciter le débat.
Voici comment l’auteur énonce les trois finalités intrinsèques d’un droit
voué à la promotion de la démocratie, de la justice et de la constitution de
l’humain : « (1) définir un équilibre social général à vocation opératoire, (2)
susceptible d’être imposé par une contrainte contrôlée génératrice de la
confiance, et (3) de nature à être remis en cause, au moins dans une
certaine mesure, dans le cadre de procédures déterminées » (p. 338). A la
lecture de cette formulation, deux objections peuvent venir à l’esprit.
D’une part, si une finalité doit « trouver sa justification en elle-même et
ne dériver que de sa désirabilité intrinsèque » (p. 329), peut-on qualifier ainsi
ce qui est subordonné à des finalités extrinsèques ? Même à s’en tenir au
domaine du droit, l’imposition d’une contrainte peut-elle être élevée au rang
de finalité et n’est-elle pas, souvent, un aveu d’échec pour le droit ?
L’objection s’estompe toutefois lorsque, passé l’écueil terminologique, on
s’attarde sur la définition et la portée de ces finalités intrinsèques. Selon
l’auteur, elles représentent « le chaînon intermédiaire entre les fonctions
instrumentales du droit et les finalités extrinsèques – la manière spécifique
au droit de les décliner » (p. 59) et leur examen vise à « savoir précisément
comment » le droit poursuit les finalités extrinsèques et à « mettre en
lumière la manière absolument spécifique dont le droit met ses fonctions au
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service des finalités retenues » (p. 330) . Il s’agirait, en quelque sorte, du
modus operandi du droit qui se met au service de la démocratie, de la
justice et de l’institution de l’humain.
D’autre part, les finalités proposées sont-elles bien spécifiques au
droit ? La politique ne pourrait-elle également se réclamer de la finalité
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consistant à définir un équilibre social général à vocation opératoire ? Le
droit n’a par ailleurs pas le monopole de la contrainte, même réglée. Une
telle objection omet cependant l’importante précision de l’auteur, qui
reconnaît qu’on pourrait dire « qu’aucune de ces trois finalités, envisagée
isolément, n’est spécifique au droit » (p. 339) mais insiste sur le fait que « la
véritable spécificité du droit tient dans le lien dialectique qui les réunit » (p.
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Nous soulignons.
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Selon A. BAILLEUX, la finalité spécifique du droit consiste moins à assurer un
arbitrage social général qu’à l’organiser et à le civiliser (« La part du droit dans
l’arbitrage social général », à paraître).
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Jérémie van Meerbeeck R.I.E.J., 2016.77
8). L’équilibre visé par la première finalité n’existe « qu’en vue de sa mise en
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œuvre visée par les deux autres dimensions d’application et de révision », la
contrainte de la deuxième finalité ne concerne pas n’importe quelle force
mais un « pouvoir de coercition s’inscrivant dans un compromis social
général et susceptible de contrôle, voire de remise en cause » tandis que la
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Allant plus loin, il suggère que c’est précisément leur conjonction qui confère à ces
finalités ce qu’elles ont « de spécifiquement normatif et d’éthique » : « par exemple,
ce n’est que si elle s’inscrit dans le cadre d’un compromis social d’ensemble et reste
toujours susceptible de discussion, que la mise en œuvre de la contrainte est
acceptable (acceptable du point de vue éthique s’attachant aux finalités) » (p. 338).
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Il précise qu’il « n’en voit pas de plus fondamentale ».
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tissage et de bornage, est forte et nous semble rencontrer la définition
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précitée de « finalité » . Ainsi précisée, elle nous paraît également être
spécifique au droit.
La deuxième finalité intrinsèque que F. Ost attribue au droit « fait
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justice au moment coercitif de l’ordre qu’il institue – pour le dire sans voile :
l’imposition par la force, et au besoin par la sanction » (p. 417). Il serait en
effet naïf de croire que le droit moderne aurait définitivement conjuré la
violence primitive à l’origine de toute société. Nous ajoutons : compris en ce
sens que le droit à vocation à civiliser cette violence primaire, on peut en
effet parler d’une finalité, et même d’une finalité qui lui est propre.
Lorsqu’il évoque la « force du droit », le philosophe du droit ne vise
pas seulement « la violence qui conserve, protège, garantit, assure
l’imposition d’une loi, l’application d’une mesure administrative ou l’exécution
d’une décision de justice » mais également « la force qu’on met en œuvre
pour recouvrer un droit, revendiquer un territoire, arracher une liberté,
accéder à l’indépendance, voire faire la révolution ». En d’autres termes, la
violence qu’autorise le droit n’opère pas seulement en faveur du statu quo
mais également dans le sens du changement. Fin dialecticien, l’auteur
précise aussitôt que, derrière le « monopole de la violence légitime » que
détient l’Etat, « il serait trompeur d’imaginer un corps social homogène et
pacifié dont seraient absents des “pouvoirs privés” en mesure de maximiser
leurs intérêts au détriment des plus faibles » (p. 419).
Complexifiant la problématique de la force du droit, F. Ost propose
ensuite de « prendre en compte d’autres ressorts que la peur du gendarme
au titre de facteurs d’effectivité et de vecteurs de légitimité du droit – un droit
d’autant plus solide et stable qu’il bénéficiera de l’adhésion de ses
destinataires ». Cette adhésion pourra être suscitée par un ordre « équitable
et virtuellement renégociable », « de même que des autorités publiques ou
des partenaires privés qui respectent ces règles du jeu engendrent la
confiance ». La confiance apparaît comme étant « la propriété émergente
d’une force indexée sur le compromis et le débat réglé », voire « la force
portée à son degré le plus élevé, le carburant le plus riche de la
performativité du droit ». Une fois installée, elle s’accommode en outre des
changements et, intégrant la remise en cause visée par la troisième finalité,
« elle renforce encore la stabilité et la force du droit, tout en l’assouplissant »
(p. 422). Le droit tire alors sa force de la confiance qu’il inspire, elle-même
6
Sans oublier que le droit n’est pas toujours « le simple reflet des mœurs et des
rapports de force » et qu’il « lui revient, dans certaines circonstances, d’être plutôt en
avance sur ces contraintes et l’expression d’une certaine capacité d’utopie » (p. 231).
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analyse .
La troisième finalité intrinsèque est consacrée à la « remise en
cause » du droit et elle est « associée aux idées de contestation, recours,
révision, correction, abrogation », qui « renvoient à la nature agonistique de
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La formulation initiale de la deuxième finalité (« une contrainte contrôlée
génératrice de la confiance ») pouvait, en effet, appeler les questions suivantes :
comment une contrainte, même contrôlée, peut-elle être génératrice de confiance ?
N’est-ce pas, le plus souvent, lorsque la confiance est absente que l’on doit prévoir
une sanction et lorsqu’elle est rompue (car la loi n’est pas obéie, le contrat non
respecté) qu’on doit recourir à la contrainte ?
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S’inspirant de Popper, il suggère que « tout comme en science, un énoncé est tenu
pour vrai parce qu’il est falsifiable et résiste jusqu’ici aux tentatives d’infirmation,
pareillement, en droit, une norme est “tenue pour valide” parce qu’elle est
contestable et n’a pas été censurée ou modifiée jusqu’ici » (p. 462).
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C’est la place (et non l’envie) qui manque pour exposer les belles pages (pp. 485-
555) consacrées à la place du désaccord en démocratie, à l’importance de l’équité et
de la pensée par cas dans le raisonnement du juge et aux enjeux et dérives qui
animent et menacent les débats parlementaires et judiciaires.
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R.I.E.J., 2016.77 À quoi sert le droit ?
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des questions posées, la profondeur de leur traitement et la richesse des
exemples, qui empruntent à tous les domaines du droit (et au-delà). Si
l’approche est toujours dialectique, le positionnement est, bien que l’auteur
affirme s’être « tenu à une stricte ascèse intellectuelle », souvent engagé.
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