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FR - 13/01/2019 03:05 | UNIVERSITE PARIS II

Alex Weill

Issu de Revue des contrats - n°04 - page 638


Date de parution : 12/12/2018
Id : RDC115s2
Réf : RDC 2018, n° 115s2, p. 638

Auteur :
Pierre-Yves Gautier, professeur à l'université Panthéon-Assas (Paris 2)

Alex Wei ll est le « père » de l’o ppo sabi li té du c o ntrat aux ti ers, o u par eux, à l’endro i t des
parti es, ses i dées o nt été c o nsac rées par la réf o rme des c o ntrats de 2016 . Est-i l c ependant
d’uti li té publi que de c o di fier c e type de pri nc i pe du dro i t des o bli gati o ns, o u de le lai sser
v i v re sa v i e, dans une phi lo so phi e sav i gni enne ? O n v a tâc her d’y répo ndre, à trav ers le
po rtrai t de c e grand c i v i li ste et le rappel de sa théo ri e, d’autant qu’une no uv elle réf o rme
s’anno nc e, c elle de la respo nsabi li té c i v i le.

1. Alex Weill (1912-1979) fut un très grand professeur de droit civil, dont la lumière s’éclipse un peu, il convient donc
de la raviver.

Il fut l’élève de Marcel Nast, coauteur de la première édition du Traité pratique de Planiol et Ripert, dont on fera
peut-être également le portrait un jour, dans ces colonnes.

Il soutint sa thèse à la faculté de droit de Strasbourg (plus de 1 000 pages) sur Le principe de la relativité des
conventions en droit privé français (Dalloz, 1938). Elle est aujourd’hui introuvable et mériterait une réédition, car il a
été un des pionniers, si ce n’est le fondateur, de la distinction entre effet obligatoire et opposabilité.

La guerre venue, il fut emprisonné et resta longtemps dans des camps. Il en tira une grande méfiance à l’égard
des Allemands, c’est le paradoxe, car Strasbourg est au cœur de l’Europe juridique ; mais il était Alsacien et c’était
au lendemain de deux affreuses guerres mondiales.

De retour des geôles allemandes, il fut reçu major au premier concours d’agrégation suivant les hostilités ; pour le
marquer de façon solennelle et spectaculaire, il le fut rétroactivement (avec d’autres) à compter de l’année 1941,
ce qui fit grincer des dents et provoqua même un recours administratif.

2. En amphithéâtre (entretien avec un de ses anciens étudiants, ici remercié), il était remarquable, improvisait à
partir de ses notes, sans jamais lire, ni, à l’inverse, s’éparpiller dans le propos, les deux travers qui guettent
l’orateur. Sur le fond, dès les années 1950-1960, il s’exprimait auprès des étudiants sur l’évolution de la médecine et
ses rapports avec la filiation. Là encore, un pionnier.

Son activité de publication fut importante : c’est lui qui succéda à Julliot de la Morandière, dans les nouvelles
éditions des Grands arrêts de la jurisprudence civile de Capitant, chez Dalloz.

Et il poursuivit chez ce même éditeur, dans la collection « Précis », plusieurs volumes rédigés par le même Julliot
de la Morandière (Introduction, Biens, Personnes, Famille, Obligations, Sûretés)1.

À Strasbourg, où se déroula l’essentiel de sa carrière, il croisa le jeune François Terré ; manifestement, il y eut coup
de foudre, car c’est celui-ci qui est entré dans ces mêmes livres, y a mis toute sa personnalité et son éclat.

Weill dirigea des thèses prestigieuses, d’étudiants qui ont eux-mêmes fait une brillante carrière : citons par
exemple Philippe Simler et Georges Wiederkehr.

Il a aussi publié de nombreuses notes périodiques, citons parmi les plus célèbres celle sur la cession de créance
non signifiée ni acceptée (DP 1939, 1, 26) ; ou sur les régimes matrimoniaux et le droit d’auteur, sous le fameux arrêt
Bonnard (JCP 1959, II 11151).

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3 . Dans le cadre de la Revue des contrats , on s’intéressera évidemment à l’apport de sa thèse au droit des
obligations, car elle est au cœur de l’actualité : d’une part, parce que la réforme opérée par l’ordonnance du
10 février 2016 a consacré ses idées ; d’autre part, parce que l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile
vient au contraire les contrecarrer.

Après le rappel de l’effet relatif du contrat, inscrit dans l’actuel article 1199 du Code civil, successeur de l’ancien
article 1165, voici ce que l’on trouve énoncé à l’article 1200 : « Les tiers doivent respecter la situation juridique créée
par le contrat. Ils peuvent s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un fait ». C’était exactement la
thèse de Weill.

4. O ppo sabi li té du c o ntrat aux ti ers . Elle se trouve traitée aux numéros 100 et suivants de la thèse : le contrat
existe erga omnes (n° 116) : « la relativité ne vise que les effets des conventions et non leur existence. En opposant à
un tiers un contrat en tant que fait, on ne lui en impose pas l’effet obligatoire ; on l’oblige uniquement à en
reconnaître l’existence » (v. égal. nos 117 et s. : « contrat-fait », n° 589 : fait social)2.

Il en donne alors pour exemple la responsabilité civile extracontractuelle : cas du tiers-complice (nos 230 et s.).

On peut citer la violation de l’obligation de non-concurrence par le salarié avec l’aide d’un tiers complice ; ou les
contrats de distribution, pour tout ce qui touche l’obligation d’exclusivité, hors droit de la concurrence. Et le
mandat, mêmes questions.

Cela porte encore par exemple sur les clauses de confidentialité que le tiers viendrait à méconnaître3.

L’opposabilité, avant la réforme de 2016, qui l’a codifiée, à tort ou à raison (v. infra), était devenue un véritable
principe général du droit, dégagé par la doctrine et la jurisprudence4. Elle avait également été consacrée par la loi,
dans le domaine spécifique des pratiques restrictives de concurrence (C. com., art. L. 442-6, I, 1°, 6°) : « participer
directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un
accord de distribution sélective ou exclusive… »5.

Une condition est néanmoins indispensable, dans la plupart des cas : que le tiers connaisse le contrat qui lui est
opposé, faute de quoi celui-ci restera res inter alios acta. Weill n’a jamais entendu remettre en cause cette
considération de bon sens. Sachant que la preuve pourra en être faite par tous moyens, y compris par des
présomptions et indices. Et que dans les cas où il existe une publicité, c’est encore plus simple.

5. Le contrat de transaction peut encore être opposé aux tiers, lorsqu’il comporte des préalables et concessions qui
ont des incidences directes sur leur situation6.

En vérité, tous les contrats spéciaux, nommés et innommés, sont potentiellement concernés, tant que ne sont pas
dépassés le but et la technique de l’opposabilité : se servir du contrat comme d’une preuve-fait juridique.

Dans toutes ces hypothèses, on retrouve l’obligation passive du tiers de se conformer à un certain comportement
conforme à la loi, ce qui n’est pas sans rappeler les théories de Planiol sur le droit de propriété, mais aussi sur la
faute civile.

6. O ppo sabi li té du c o ntrat par les ti ers . Ce sont tous les cas où le tiers subit un dommage (Weill, thèse préc.,
nos 272 et s.).

Des exemples ? Le dommage corporel ou matériel subi par un tiers du fait des vices cachés de la chose ou de sa
non-conformité au regard du droit de la consommation, ou au titre de la responsabilité des produits défectueux,
des accidents, des infections de toutes sortes, etc.

Ou encore, l’invocation de la transaction conclue par l’un des leurs, par les coobligés, qui y ont un intérêt, pour
diminuer la dette commune exigible7.

Ce sont aussi les cas plus généraux de faute contractuelle commise par une partie et dont les conséquences se
font sentir au détriment d’un tiers victime, dans l’orbite extracontractuelle.

C’est évidemment le fameux arrêt Bootshop rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 6 octobre
20068. Le locataire-gérant peut agir contre le propriétaire qui exécute mal son contrat (entretien des lieux) avec
son bailleur et, de ce fait, porte préjudice à sa propre activité : « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le
fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé
un dommage ».

Cependant, il ne faut pas d’arrêts trop « doctrinaux »9.

7 . Mais voici qu’intervient l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile, destiné à briser au moins
partiellement cette jurisprudence. Le nouvel article 1234 du Code civil disposerait : « lorsque l’inexécution du
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contrat cause un dommage à un tiers, celui-ci ne peut demander réparation de ses conséquences au débiteur que
sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à charge pour lui de rapporter la preuve de l’un des faits
générateurs visés à la section II du chapitre II.

Toutefois, le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d’un contrat peut également invoquer, sur le
fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un
dommage. Les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants
lui sont opposables. Toute clause qui limite la responsabilité contractuelle d’un contractant à l’égard des tiers est
réputée non écrite. »10

En d’autres termes, le contrat ne peut servir d’appui en soi au tiers. C’est en tout cas ce qu’on comprend, car il faut
tout de même souligner que la Cour de cassation, lorsqu’elle permet au tiers de s’appuyer sur le contrat, comme
élément de preuve de la faute commune contrat/délit, vise précisément l’article 1240 du Code civil11.

Quant à l’alinéa 2, outre son caractère lourd et compliqué, il semble hors d’utilité dans un certain nombre de cas,
où le tiers est essentiellement étranger aux parties (mais pas dans l’hypothèse Bootshop, en revanche, où il
pourrait être invoqué). Sauf à ce qu’on l’interprète largement (« intérêt légitime »), auquel cas, cette restriction ne
serait pas bien efficace12.

8 . Cependant, ce texte risque de se heurter à une forte résistance, car la Cour de cassation a tout récemment
réaffirmé cette solution : assureur qui se fonde sur un manquement au devoir de conseil d’information entre
l’assuré et son courtier, pour imputer à ce dernier une faute extracontractuelle13. Ce qui fait une raison
supplémentaire pour méditer sur son utilité ou l’amender, tandis qu’il est encore temps. Faute de quoi, aux
« arrêts doctrinaux » succéderait une « norme doctrinale », ce qu’est déjà pour une part l’ordonnance précitée du
10 février 2016.

De même, il faudrait s’interroger sur son articulation avec l’article 1200 : droit commun contre droit commun, ou
harmonisation des deux par voie de renvoi ou d’interprétation groupée ? Car ce n’est pas simple du tout : au-delà
de la nature de la responsabilité, sur laquelle il n’y a pas de difficulté, c’est le même sujet, avec des angles
différents, des principes et exceptions…

9. Pour finir, on peut prendre Weill en sa double qualité d’arrêtiste (Les grands arrêts de la jurisprudence civile
préc.) et de doctorant, en les frottant aux sources du droit : valait-il mieux que l’ordonnance de 2016 codifie ses
idées, comme elle l’a fait en édictant le nouvel article 1200 du Code civil, ou au contraire s’abstienne, afin de laisser
à la jurisprudence son libre pouvoir créateur, avec la possibilité de corriger la solution d’opposabilité, de la
restreindre, l’étendre, voire, un jour prochain, de la supprimer par un revirement de jurisprudence ? Dans sa thèse,
Weill avait souligné qu’on pouvait parfaitement appliquer sa théorie à partir des textes existants, c’est-à-dire de
l’ancien article 1165, actuel article 1199 du Code civil.

Dans la conception savignienne du droit de l’absence de stratification d’une théorie donnée, à un moment donné,
par son insertion dans une norme générale et intemporelle14, également, dans la prudence d’un Portalis, on peut
sincèrement hésiter. Démonstration en est faite, précisément avec le nouvel article 1234, s’il voit le jour : il barrera
alors la route à la jurisprudence et ses évolutions, sauf à ce que celle-ci s’en affranchisse par la voie de nouvelles
interprétations. La clé, c’est d’abord le juge interprétant la loi générale et impersonnelle.

On peut d’autant s’interroger que l’ordonnance de 2016 s’est abstenue de codifier d’autres principes, aussi, sinon
plus importants, du droit civil des contrats, telle l’interdiction de la fraude ou l’irrecevabilité de la turpitude, au
titre des restitutions15.

La Chancellerie pourrait peut-être s’abstenir ? Il n’est pas trop tard et Weill serait probablement d’accord, faisons-
en le pari.

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NOTES DE BAS DE PAGE

1 – Deux de ces ouvrages, aux éditions Dalloz, Grands arrêts (13e éd., 2015) et Obligations (12e éd., 2018), sont
désormais partagés par l’un des coauteurs de la présente chronique, F. Chénedé, avec F. Terré, Y. Lequette et
P. Simler.

2 – V. le prolongement dans Terré F., Simler P., Lequette Y. et Chénedé F., op. cit. , nos 675 et s.
3 – Cass. 1 re civ., 17 oct. 2000, n° 97-22498 : Bull. civ. I, n° 246 ; D. 2001, Jur., p. 952, note Billiau M. et Moury J. ;
JCP G 2001, I 338, chron. Viney G. ; PI 2002, n° 3, p. 105 et s., note Passa J. : opposabilité d’une convention de
confidentialité relative à une œuvre à publier, « application du principe d’opposabilité des conventions aux
tiers » ; v. égal. Gautier P.-Y., Propriété littéraire et artistique, 11 e éd., 2019, Puf, n° 480.

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4 – V. Cass. 1 re civ., 17 oct. 2000, n° 97-22498, qui l’énonce comme tel ; sur ce sujet, v. égal. la thèse éponyme de
P. Morvan, 1999, LGDJ-Panthéon-Assas.

5 – V. Malaurie Vignal M., Droit de la distribution, 4e éd., 2018, Sirey, n° 538, qui s’étonne de ce que cette
disposition soit peu appliquée, au bénéfice du droit commun de l’actuel article 1240 du Code civil.

6 – Par ex. Cass. soc., 15 mars 2018, n° 17-10325 et Cass. soc., 21 juin 2018, n° 17-19773, PB : JCP G 2018, n° 959,
note Brunie J. : fondement indemnitaire du paiement d’une somme à l’ex-salarié, que l’URSSAF ne saurait
requalifier, car il s’impose à elle (sauf fraude).
7 – Cass. 1 re civ., 28 mars 2018, n° 17-11628 : Contrats, conc. consom. 2018, n° 105, note Leveneur L. ; RTD civ.
2018, p. 693, avec les obs. ; v. égal. Malaurie P., Aynès L. et Gautier P.-Y., Droit des contrats spéciaux , 10e éd.,
2018, LGDJ, n° 1130.

8 – Capitant H., Terré F., Lequette Y. et Chénedé F., Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 2, 13e éd.,
Dalloz 2015, n° 177 ; Bull. ass. plén., n° 9 ; D. 2006, p. 2825, note Viney G. ; RTD civ. 2007, 123, obs. Jourdain P.
V. égal. les contributions relatives à cette décision de P. Ancel, P. Delebecque, P.-Y. Gautier, C. Grimaldi,
P. Jacques, J.-L. Sourioux, P. Stoffel-Munck, G. Wicker, R. Wintgen, B. Moore et C. Popineau-Dehaullon, RDC
2007, p. 537 et s.

9 – V. les obs. préc. à la RDC 2007, p. 558 (il s’agissait en fait d’une variété de sous-location, parfaitement
contractuelle).

10 – V. Borghetti J.-S., D. 2017, p. 771-772.

11 – Par ex. récemment : Cass. 1 re civ., 19 sept. 2018 : D. 2018, p. 1863.


12 – Comp. Chénedé F., Le nouveau droit des obligations et des contrats , 2e éd., Dalloz Référence 2019-2020,
§ 125-164.
13 – Cass. 1 re civ., 19 sept. 2018, préc.

14 – Sur Savigny et son hostilité aux codifications-« gel » de la norme, v. Malaurie P., Anthologie de la pensée
juridique, 2e éd., 2000, Cujas, l’entrée le concernant.
15 – Sur la subsistance du principe Nemo auditur propriam turpitudinem allegans : Chénedé F., op. cit., § 215-
43 ; Chantepie G. et Latina M., La réforme du droit des obligations , 2e éd., 2018, Dalloz, n° 1056.

Issu de Revue des contrats - n°04 - page 638


Date de parution : 12/12/2018
Id : RDC115s2
Réf : RDC 2018, n° 115s2, p. 638

Auteur :
Pierre-Yves Gautier, professeur à l'université Panthéon-Assas (Paris 2)

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