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famille Johnson
L’incroyable
@WorldAndNews. More than 100 editions everyday.
Horizon
L’Ame du Voyage.
louisvuitton.com
5
carte blanche à
Sterling Ruby.
Le pLasticien américain sterLing ruby vient de Lancer sa marque de mode.
jusqu’en septembre, “m” Lui ouvre sa carte bLanche. iL y présente
des œuvres réaLisées avec son épouse, La photographe meLanie schiff.
ardeur l’ascension vers le sommet de l’aîné, bien qu’ils aient tous pris position contre le Brexit,
à la seule exception, évidemment, de Boris, qui en a fait son cheval de bataille. Cela prêterait
à rire si l’avenir du Royaume-Uni – et celui de l’Europe – n’était pas en cause… Comment
dit-on foutraque en anglais? Marie-Pierre LanneLongue
Illustrations Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Roland Michaud. Djamel Tatah
porains entretiennent Ligne de mire
des rapports complexes Arc de triomphe.
avec leur double 71
appartenance. Comme si vous (y) étiez
Acide à miner.
72
Une affaire de goût
Étoile du verger.
73
Produit intérieur brut
La reine-des-prés.
Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. M Le magazine du Monde. Kai Jünemann. Pierre Sorgue. Ramón Espinosa
Éric Albert, journa- roxAnA Azimi, contri- pierre Sorgue, journa- eliAnA Aponte, photo-
liste à Londres et collabora- butrice régulière de M, a liste, plonge dans les rues graphe colombienne, a
teur régulier du Monde, rencontré des plasticiens de la vieille Havane. Pour travaillé pour l’AFP au
raconte pour M Le magazine d’origine algérienne. « Ils le 60e anniversaire de la Panama avant de rejoindre
du Monde, l’histoire de la sont nés de parents algériens, révolution et le 500e de la l’agence Reuters. Installée
famille de Boris Johnson, ont fait leur vie à Paris, ville, il dresse le portrait aujourd’hui à La Havane,
nouveau premier ministre Londres ou Berlin, et comp- d’Eusebio Leal, héros du elle y travaille en indépen-
britannique. À mi-chemin tent aujourd’hui parmi les pays pour avoir sauvé le dante. Pour ce numéro,
entre les Kardashian et les artistes les plus réputés de la centre historique devenu elle a arpenté le centre
Kennedy, elle est au cœur scène française. Un lien indé- une indispensable manne historique de la capitale
du pouvoir politico-média- fectible et complexe les lie pour- touristique : « Entre ses cubaine. (p. 34).
tique du Royaume-Uni. tant à l’Algérie dont ils suivent idéaux sociaux et humanistes
« Tous se sont opposés au avec beaucoup d’espoir les proclamés et les hôtels ou bou-
Brexit voulu par Boris soubresauts politiques. Tous tiques de luxe désormais aux
Johnson. Aujourd’hui, ils le ont une crainte : être réduits à mains des militaires se lisent
soutiennent, au nom de la soli- leurs origines.» (p. 30). toutes les contradictions – et
darité familiale et de leur les hypocrisies – du régime. »
ambition dévorante. Les ren- (p. 34).
contrer offre un aperçu du
fonctionnement de la haute
société britannique.» (p. 23).
Mercredi 21 août, la plateforMe de streaMing venus et les cols bleus américains, leurs Sundance, en janvier. La négociation
netflix déMarrait la diffusion d’“aMerican espoirs et leurs désillusions. Un film au sur les droits a été tenue secrète
factory”,la première incursion dans le sous-texte évidemment politique, qui durant plusieurs mois, selon la revue
secteur du cinéma de Barack Obama et de entre en résonance avec la crise de l’indus- spécialisée The Hollywood Reporter.
son épouse, Michelle. Un choix de film, qui, trie automobile à laquelle Barack Obama a Si les Obama n’ont pas « produit » au
comme toujours avec le couple, ne doit rien été confronté pendant ses mandats. En sens strict du terme, et ont misé sur
au hasard. Réalisé par Steven Bognar et achetant les droits d’American Factory, par un documentaire qui s’est vu prisé par •••
12
American Factory,
le documentaire dont
le couple Obama a
acheté les droits et qui
est diffusé sur Netflix
depuis le 21 août,
raconte le rachat d’une
usine américaine dans
l’Ohio par un industriel
chinois et le choc des
cultures qui s’ensuit.
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
14
Ce Milanais préparait,
en buvant des mojitos torse
nu avec des filles guère
plus habillées, une sorte de
coup d’État balnéaire.
branche communiste de la Ligue (ne cher-
chez pas à comprendre, c’est aussi improbable
que le courant léniniste du gaullisme) a déjà
réussi à marquer l’histoire. L’Italie a connu
plus de crises politiques que de vainqueurs
du festival de Sanremo. Mais jamais elle n’en
a vécu au cœur de l’été. Désormais, c’est fait.
« Ma che!? Une crise alors que les valises sont
à peine bouclées pour aller à la mer ? », se
sont offusqués les observateurs et les politi-
ciens. C’est comme « un bourre-pif en pleine
paix » dans un film de Georges Lautner : ça
ne se fait pas. Pays de tradition, la Péninsule
se repose à Ferragosto (fête du 15 août). La
politique aussi. D’ailleurs, on pensait Matteo
Salvini – qui effectuait une harassante tour-
née des plages – plus occupé par son bronzage
que par son destin. On se trompait.
En réalité, à 46 ans, ce Milanais qui n’a
jamais rien fait d’autre que de la politique
(à part une courte expérience de livreur de
pizzas) préparait, en buvant des mojitos
torse nu avec des filles guère plus habillées,
une sorte de coup d’État balnéaire. « Je
veux les pleins pouvoirs », a-t-il lancé dans
une référence explicite à Mussolini qui
nous rappelle que le mythe du Duce
il est comme ça…
– lequel aimait bien montrer aussi ses pec-
Matteo Salvini.
toraux à n’importe quelle occasion – est
toujours vivace et attractif dans ce beau
2— pays. Après avoir sauvé son parti d’une dis-
parition promise en lui faisant enfourcher le
p a r philippe ridet — i l l u s t r a t i o n damien Cuypers cheval de la lutte contre l’immigration,
après l’avoir ramené au pouvoir, Matteo
Salvini hausse la cible de ses ambitions.
Ayant fait siennes les préconisations les
plus faciles à mettre en œuvre de son allié
du M5S, emmené par Luigi Di Maio, en le
“Evviva l’italia.” Vive l’Italie ! Pour le deu- cette crise politique majeure qui pourrait laissant se dépatouiller avec les réformes les
xième été d’affilée, ce pays «de poètes et de conduire à de nouvelles élections cet au- plus compliquées (revenu minimum, baisse
navigateurs » – comme il est écrit au fronton tomne, a décidé de défier le premier ministre. du nombre de parlementaires) pendant
du Colisée carré, dans le quartier romain de Ainsi que son allié du Mouvement 5 étoiles qu’il se contentait de jouer les matamores
l’Exposition universelle de Rome (EUR), (M5S) avec lequel son parti, la Ligue (ex- en interdisant à des bateaux chargés de
voulu par Mussolini – a secoué l’actu assoupie trême droite), constituait l’autre pilier de la migrants de débarquer sur les côtes ita-
du mois d’août. En 2018, un pont autoroutier coalition gouvernementale. Alors que le pays liennes, il veut tout le pouvoir, rien que le
s’écroulait à Gênes ; en 2019, un gouverne- reste encalminé dans le marasme écono- pouvoir. Il croit à son étoile. Et à la réputa-
ment tombe à Rome. Les deux événements mique, que les réformes promises s’enlisent tion de stratège qu’on lui a forgée après
n’ont pas la même gravité ni les mêmes et que la préparation du prochain budget ne qu’il a phagocyté son allié. Mais rien n’est
conséquences, mais ils disent que tout peut sera pas de la tarte, rien de mieux que d’accu- prouvé : dans un combat de Lilliputiens, il
arriver, même parfois le pire, de l’autre côté ser ses partenaires d’être des incapables. Ça suffit de mesurer 2 centimètres de plus que
des Alpes. Matteo Salvini, vice-premier mi- soulage et ça permet de se racheter une virgi- son adversaire pour passer pour Gulliver…
nistre, ministre de l’intérieur et artisan de nité. Ce faisant, l’ancien animateur de la Rendez-vous l’été prochain, Matteo ?
tracassée par une des ministères devaient désormais avoir leur siège
principal autour de la Spree, tout en gardant une
question capitale.
antenne secondaire à Bonn, mais la majorité des
emplois, eux, devaient rester sur les bords du Rhin.
L’équilibre n’a pas été maintenu : en 2000, 60 % des
Le débat est ancien. Mais, dans un pays où la part des emplois dans les ministères fédéraux se trouvaient
électeurs citant la protection de l’environnement à Bonn ; aujourd’hui, ils ne sont que 34 %. Une évolu-
comme priorité est passée de 5 à 30 % en deux ans, tion qui donne des arguments aux partisans d’un
il prend aujourd’hui une dimension nouvelle : près regroupement de l’ensemble des activités à Berlin.
de trente ans après la réunification et vingt ans, ce Moins cher, moins polluant, moins fatigant.
23 août, après le transfert officiel du parlement et Mais le lobby bonnois ne l’entend pas ainsi. Inquiet
du siège du gouvernement fédéral de Bonn à Berlin, de la petite musique ambiante, il réclame au gouverne-
l’Allemagne peut-elle se payer le luxe de conserver ment fédéral des garanties. Et notamment la mise en
sept de ses ministères en Rhénanie-du-Nord-West- œuvre d’une loi additionnelle à celle de 1994, afin de
phalie, avec ce qu’une telle partition implique rendre l’ancienne capitale plus attractive pour l’aider
en termes de bilan carbone ? à préserver ses positions. Mentionné dans le « contrat
Les chiffres sont éloquents. En 2018, les fonctionnaires de coalition » scellé, en 2018, par les conservateurs
fédéraux ont emprunté l’avion 229 116 fois pour se (CDU-CSU) et les sociaux-démocrates (SPD), le projet
déplacer à l’intérieur du pays ; 52 % de ces vols reliaient restera-t-il lettre morte ? Jusqu’à présent, le ministre
Bonn et Berlin. Et ce pour une raison simple, liée de l’intérieur, qui devrait le piloter, n’en a pas fait une
à une loi de 1994 – dont la date du 23 août 1999 a été priorité. Et il s’est montré plus préoccupé par le déve-
l’aboutissement – qui a divisé les tâches entre la nou- loppement des Länder de l’ex-RDA, où le sentiment
velle capitale de l’Allemagne réunifiée et l’ancienne de délaissement fait le lit de l’extrême droite, qu’à
capitale de l’Allemagne de l’Ouest : à Berlin, le Bundes- l’avenir de l’ancienne capitale fédérale.
Le quartier du
gouvernement tag, la chancellerie fédérale et huit ministères ; à Bonn, Le débat divise La pLupart des groupes poLitiques. C’est le
fédéral à Bonn, le maintien de sept ministères et l’installation de plu- cas des Verts. Comme l’ont fait valoir plusieurs élus
où se trouvent sept
ministères et de sieurs administrations fédérales, dont la Cour des écologistes, notamment de la région de Bonn, le
nombreux sièges
d’administration, comptes, jusque-là à Francfort. Sachant qu’il faut plus déménagement total à Berlin ne résoudra pas tous les
dont celui de de cinq heures pour se rendre d’une ville à l’autre par problèmes, et pourrait aussi en créer de nouveaux :
la Cour fédérale
des comptes. le train, le choix de l’avion est vite fait. jusque-là les fonctionnaires en poste à Bonn prenaient
le train pour se rendre à Bruxelles ;
s’ils sont transférés à Berlin, c’est
l’avion qu’ils devront prendre pour se
rendre dans la capitale européenne.
Ces arguments ne font pas l’unani-
mité. Et d’autres, chez les Verts, esti-
ment qu’il est temps de mettre fin à
une situation non seulement coû-
teuse financièrement et écologique-
ment mais aussi mal comprise par
l’opinion : selon un sondage réalisé
en avril par l’institut YouGov, 55 %
des Allemands seraient ainsi favo-
rables à un regroupement de
tous les ministères à Berlin. Pour la
présidente de la commission de l’en-
vironnement au Bundestag, Sylvia
Kotting-Uhl (Verts), c’est aussi la
crédibilité de la parole politique qui
Andrey Khrobostov/Alamy Stock Photo/Hemis.fr
5— Robert Herring.
le magnat de l’électronique est le créateur
de deux chaînes de télévision, dont one america
news network, qui vient de détrôner Fox news
dans le cœur de donald trumP.
par Gilles Paris
OANN.
Christian
de paille, noué autour de
son cou un bandana, comme
6—
John Wayne dans Rio Bravo
ou presque, puis il est monté
Jacob.
sur un tracteur et s’est mis
à sourire benoîtement.
D’où votre léger inconfort.
Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Nicolas Tavernier/REA. Ludovic/REA. Hamilton/REA. Stephane Lemouton/Bestimage
rante : il est sagement assis dans
pour de nouvelles aventures
une pirogue sur le fleuve Maroni,
exotiques. Le nouveau ministre
en Guyane. Deuxième nouvelle
délégué chargé des PME est en
rassurante : il est vêtu des cou-
déplacement à Rungis, plus spé-
leurs terreuses typiques de
cifiquement au pavillon de la
l’aventurier, ce qui le met a priori
viande, coiffé d’un chapeau
à l’abri des moustiques.
hygiénique en filet de Nylon
que les amateurs de couvre-
chefs classeront dans la famille
des trilby, en raison de son bord
court, pendant que les béotiens
se poseront une question
simple : entre ça et la charlotte
hygiénique, qu’est-ce qui
est pire ? Dur de trancher.
V
en 2019, La doubLure.
Candidat déclaré à la présidence
des Républicains, favori naturel
face à Guillaume Larrivé et
Julien Aubert, Christian Jacob
doit encore convaincre qu’il
iV peut incarner la modernité. Ce
2011, Le seLf-made-man. manteau sombre, équipé d’une
Sept ans plus tard, Christian Jacob n’est plus ministre et dispose enfin doublure doudoune, jouera-t-il
d’un précieux temps libre. Ici, il en profite pour aller se restaurer dans pour lui ? Ses fans diront que
un établissement médico-social de la ville de Provins, dont il est cette finition est moderne, et
redevenu maire. En retour, les pensionnaires profitent de ce trois- ils auront raison. Les autres
quarts cuir de toute beauté. Espérons qu’ils mesurent leur chance. objecteront que cette modernité
ne fait pas très envie,
et ils auront raison aussi.
il fallait oser
7— Stade anal.
par jean-michel normand
Dans les tribunes, les supporteurs anglais sont réputés pour leurs chants
QUi a Dit ? quasi liturgiques. Les Français seraient plutôt du genre à hurler « ho, hisse,
enculé » lors des dégagements du gardien de but adverse, à « enculer » (déci-
“Je ne suis pas là que dément) la Ligue de football professionnel ou à ranger l’arbitre dans la case
« pédé ». Cet étroit champ lexical ignorant les immenses ressources qu’offre
pour faire joli sur la photo.” la langue française a finalement ému les instances supérieures du ballon
rond, qui, désormais ciblées par les clameurs homophobes, ont chaudement
1 — Jacques Brunel, le sélectionneur
félicité un arbitre ayant brièvement interrompu un match de Ligue 2, le
de l’équipe de France de rugby, au lendemain
16 août. En vérité, la plupart des rencontres le mériteraient. Si les cris de
de la victoire contre l’Écosse, pour faire taire
singe ne passent plus et si, depuis la Coupe du monde féminine, « jouer
les rumeurs faisant de son adjoint et futur
comme une gonzesse » peut être pris pour un compliment, les insultes homo-
Illustrations Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde
© EDF/SIPA/Camille Froment
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d’une batterie. MOB-ENERGY crée un robot mobile capable de L’énergie est notre avenir, économisons-la !
22
j’y étais
Îliens sociaux.
par Guillemette Faure
Le 20 août, durant Les préparatifs du 19e festi- lui avec une femme du tiers de son âge rencontrée sur l’île. Le Festival
vaL internationaL du fiLm insuLaire de Groix. international du film insulaire de Groix est parfois l’occasion pour les
Cette année, les problèmes d’organisation du Festival international du bénévoles de s’apercevoir que des réalisateurs invités peuvent suivre
film insulaire de Groix (Fifig), organisé depuis le 21 août et jusqu’au leur héros jusqu’à Trinité-et-Tobago mais se révéler incapables de tra-
25, ont commencé avec les musiciens de l’île de Pâques. Ces derniers verser la gare de Lorient pour trouver la sortie.
avaient prévu de faire une sculpture en guise de remerciement pour Entre insulaires, on se trouve des points communs. Une année, des
l’invitation que l’événement annuel leur avait envoyée. Et pour cela, Groisillons ont emmené un groupe des Marquises voir le menhir de
il leur fallait un tronc de pin de 2 mètres de long sur 80 centimètres de Kermario : émotion, eux aussi parlaient aux pierres. Une bénévole a
diamètre. Non, pas un pin qui pousse sur l’île de Groix, un autre jus- voulu faire manger des radis à un membre du groupe, « puisque vous
tement, un qui pesait près d’une demi-tonne et qu’il fallait trouver le n’en avez jamais mangé ». « Je peux aussi manger ton chien puisque
moyen d’acheminer. Vivre sur une île aiguise la débrouillardise. Sarah je n’en ai jamais mangé », a-t-il répondu. Il blaguait. Sur une île, vous
Farjot, la programmatrice du festival, l’a remarqué. « Sur une île, tu êtes obligé d’être sympathique, puisque vous êtes amené à recroiser
dois faire avec ce que tu trouves sur place… » Il faut composer avec, les gens. D’accord, c’est une généralité, mais être exposé au monde
matériellement et humainement. C’est finalement sur une barge à entier ne met pas à l’abri des généralisations : « Les gens des îles
moules que le tronc a été transporté jusqu’à Groix. d’Europe du Nord, il faut attendre qu’ils aient passé une nuit sur
Sur le port de Port-Lay,une grande maison blanche a appartenu à Ménie place pour les voir détendus… » En en apprenant plus sur d’autres
Grégoire, la conseillère sentimentale de RTL. À présent, on habille ses îles, on peut se convaincre que la sienne est pile de la bonne taille.
volets d’immenses chaussettes blanches. Une fois fermés, cela permet Groix, par exemple, n’est pas trop grande comme Belle-Île (« Ils ont
à la façade de tenir lieu de grand écran pour les projections. des trottoirs ! ») ni trop perdue comme Sein ou Molène (« Nous, on
Cette année, les îles chiliennes sont à l’honneur. Le festival de Groix arrive sur le continent à Lorient, pas au milieu de nulle part »).
a déjà reçu des représentants de Madagascar, de Cuba ou des îles Au loin, un groupe de Chiliens est parti explorer le chemin côtier
siciliennes. Chacun s’imagine l’autre un peu plus insulaire que soi. de Groix. Marie-Pia les regarde : « Le monde vient à nous, c’est
« Vous avez l’électricité à Groix ? », a demandé un participant de vachement sympa ! » Le festival mobilise 160 bénévoles, parmi les-
Nouvelle-Calédonie à Marie-Pia qui gère les logements. « Non, quels, l’an dernier, Dominique Voynet, qui travaillait en cuisine.
a-t-elle répondu, on pédale en hiver… » Tanya Tagaq Gillis, chanteuse On reconnaît les vrais Groisillons à ce qu’ils sont trop occupés pen-
Boris & Co. Dans la famille Johnson, il y a bien sûr Boris, le nouveau
DR. Andrew Parsons/i-Images/MAXPPP.
n avril 1968, robert McnaMara, ancien politique, et que tout se passe bien, ils peuvent être premier
secrétaire aMéricain à la défense, ministre. » On lui fait remarquer que seuls 7 % des
devient président de la Banque Britanniques passent par ces écoles privées, les autres ne pou-
mondiale. Pour l’occasion, Stanley vant pas se les offrir, et que ce modèle ne s’applique qu’à une
Johnson, haut gradé de l’institution petite frange de la population. «C’est bien ce que je veux dire.»
basée à Washington DC, lui prépare Le mardi 23 juillet, la vision du monde de Stanley Johnson se
un poisson d’avril, qu’il raconte trouve confirmée. Ce jour-là, dans l’auditorium sans fenêtre
encore, l’œil pétillant, cinquante ans du palais des congrès Queen Elizabeth II Centre, à deux pas
plus tard. « Il y a un code de couleurs pour les propositions de de Westminster, où siège le Parlement, le résultat du vote
prêts. Les dossiers complets, à soumettre au comité d’appro- pour la direction du Parti conservateur est sur le point d’être
bation, sont en gris. J’ai donc fait une proposition de couleur annoncé. Trois têtes blondes sont assises au deuxième rang,
grise concernant un prêt de 100 millions de dollars à l’Égypte juste derrière Boris Johnson, 55 ans : Stanley, le père incon-
pour développer le tourisme. À l’intérieur, je suggérais de faire tournable; Rachel, 53 ans, la sœur journaliste-politicienne, qui
construire… trois pyramides supplémentaires. Et, dans les a travaillé pour le Financial Times, The Daily Telegraph ou
bénéfices indirects du projet, j’expliquais que l’armée égyp- l’Evening Standard, à la fois figure et chroniqueuse de la
tienne serait si occupée par leur construction que cela garanti- jet-set londonienne ; et Jo, 47 ans, le frère ministre-député
rait la paix au Moyen-Orient. » Surenchère dans l’absurde, conservateur, le plus cérébral de tous. Les trois Johnson se
Stanley Johnson précisait que le « retour sur investissement » passent un gobelet en plastique rempli d’une boisson sucrée,
de chaque pyramide serait « approximativement de tirant sur la paille multicolore. Il faut afficher son soutien, bien
9,762 % ». Seul indice de la supercherie, sous des apparences sûr, mais surtout se montrer. Être là où se trouve l’événement,
très sérieuses : le dossier était daté du 1er avril. Le père de devant les caméras du monde entier.
Boris Johnson, 79 ans, ne peut pas résister. S’il y a une blague Le plus égocentrique de tous, sur qui tous les regards se jet-
à faire, rien ne l’arrête. Cette affaire a failli lui coûter son tent, celui qui voulait être « roi du monde » quand il était
poste. Robert McNamara, qui avait d’abord discuté avec inté- petit, est bien sûr Boris, qui goûte enfin la récompense
rêt l’idée du prêt, n’avait guère goûté la plaisanterie une fois suprême en cette journée caniculaire de juillet. L’aîné de la
celle-ci comprise. Qu’à cela ne tienne, le Britannique a immé- famille a été tour à tour remarquable journaliste et fabricant
diatement rebondi, grâce à un partenaire de squash qui lui a de fausses informations (à Bruxelles, notamment), drôlissime
décroché un emploi auprès de John Rockefeller III, alors chroniqueur et sinistre pourvoyeur de messages haineux,
l’homme le plus riche des États-Unis. maire centriste de Londres et partisan de la droite dure pen-
Il faut rencontrer le père du nouveau premier ministre du dant la campagne du référendum sur le Brexit. Ses convic-
Royaume-Uni, qui a pris ses fonctions fin juillet sur la promesse tions instinctives, bien que mal définies, sont relativement
d’un Brexit dur, pour commencer à comprendre le fils. Tout y claires : libéralisme économique et libéralisme sociétal. Mais
est, avec un quart de siècle de plus. La touffe de cheveux le vrai fil rouge de sa vie, qui a tout guidé depuis le début, est
blonds devenus blancs en bataille, le nez pointu, l’incapacité à bien plus simple : son ambition personnelle.
répondre directement à la moindre question, une pointe de Le seul absent de la famille Johnson en ce jour d’intronisa-
noblesse oblige, dû à un nom de famille qui, derrière le com- tion, le seul à ne pas être d’une blondeur éblouissante – il
mun « Johnson », est, dans sa version intégrale, « de Pfeffel est châtain très clair –, est le troisième de la fratrie, Leo,
Johnson», donc lointainement aristocrate. Et un besoin insa- 51 ans. Il mène une brillante carrière comme associé au
tiable de faire un bon mot. Cette personnalité larger than life, cabinet de consultants PricewaterhouseCoopers, en tant
ancien député européen, connue du grand public britannique, que spécialiste du développement durable. Il tente d’échap-
qui vient de passer une partie de son mois d’août à nager avec per à la vie publique (« Je suis né sans le gène de l’autopro-
les requins au large de l’Australie, qui passe d’émissions de motion », déclarait-il en 2013), même s’il présente une
télé-réalité trash à de très sérieuses discussions politiques, a un émission de radio. Stanley a eu deux autres enfants d’un
besoin primaire : être au centre de l’attention. On n’écrit pas deuxième mariage, mais ceux-ci évoluent dans d’autres
2
1
••• une demi-douzaine de romans, est chroniqueuse multi- peuvent aller à l’école européenne et devenir de bons petits
carte dans de nombreux journaux britanniques, a été une par- Européens. » La mère de Stanley était à moitié française, ce
ticipante de l’émission de télé-réalité «Celebrity Big Brother» qui fait que le premier ministre britannique qui mène le
(un « Loft Story » pour célébrités) et a de quoi s’assurer un Brexit est à un huitième français. Deux ou trois générations
prénom. « C’est difficile d’avoir une existence propre parce en arrière, on trouve des particules françaises et allemandes,
que [Boris] est cette figure publique incontournable. Ce n’est des racines juives, musulmanes et chrétiennes, un ministre de
pas facile, mais je l’aime. C’est ça, la famille. C’est toujours l’intérieur du sultan de l’Empire ottoman, le traducteur
difficile. » Son mari, Ivo Dawnay, l’a confirmé à sa façon un jour anglais de Thomas Mann… En remontant quelques généra-
dans un entretien : « Être marié à une Johnson, c’est comme tions de plus, les Johnson deviennent même de vagues cou-
A
adopter une famille de chiots qui font beaucoup de bruit, qui sins d’Elizabeth II par le biais de leurs origines allemandes.
sautent partout et dont la queue a tendance à faire tomber les Les quatre enfants parlent tous français couramment.
objets délicats des tables. »
L’union sacrée de ce clan de pouvoir est pourtant mise à mal
par le Brexit. À l’exception de l’actuel premier ministre, tous
ont fait campagne pour rester dans l’Union européenne. moins que la dispute autour du
Après le référendum, Rachel a rejoint le Parti des libéraux- Brexit ne soit qu’une formi-
démocrates, puis Change UK, deux partis à la pointe de la dable mise en scène. Que
lutte contre le Brexit. Elle a même été candidate – malheu- derrière les apparentes fric-
reuse – à la députation européenne en mai, pied de nez évi- tions, les Johnson jouent un
dent à son frère, tout en évitant de le critiquer directement. jeu de pouvoir où l’ambition
Son point de vue sur le Brexit ? « It’s just an enormous catas- dépasse la bataille des idées.
tro-fuck ! » Ça se passe de traduction. « Ce qui compte pour eux est
Jo (qui a refusé de nous recevoir) a démissionné avec fracas d’être au centre de l’attention, au cœur du pouvoir, et la
de son poste de ministre en novembre 2018. Il s’opposait alors raison en est finalement relativement secondaire », estime un
à l’accord proposé par la première ministre, Theresa May, ancien député conservateur qui les connaît bien. Un ancien
pour sortir de l’Union européenne, et revendiquait… un ministre, aujourd’hui député conservateur, qui a travaillé avec
deuxième référendum sur le Brexit, afin d’annuler le résultat Boris et avec Jo, abonde. « Jo est en adoration devant son
du premier. Dans un article, il avertissait directement Boris frère. Quand il a quitté le gouvernement de Theresa May, ça
des dangers du « no deal », une sortie de l’UE sans accord : arrangeait bien Boris. Sa démission a profondément désta-
« Mon message à mon frère et à tous les militants du Brexit bilisé la première ministre. Je suis sûr que Jo avait consulté
est qu’infliger de tels dommages économiques et politiques au Boris avant de prendre cette décision. »
pays laisserait une impression indélébile d’incompétence Le petit frère est aujourd’hui récompensé. Il a été nommé par
dans l’esprit du grand public. » son aîné secrétaire d’État au sein du département des affaires,
Quant au père, Stanley, il a consacré vingt ans de sa vie à la de l’énergie et de la stratégie industrielle et du département
construction européenne. En 1973, quand le Royaume-Uni de l’éducation. Avec le droit exceptionnel d’être présent au
est devenu membre de la CEE, il a fait partie des tout pre- conseil des ministres. Dans la tempête qui a accompagné l’ar-
miers fonctionnaires européens britanniques. « J’étais chef de rivée de Boris Johnson au 10 Downing Street, la nomination
cabinet pour l’environnement et les nuisances », se rappelle- familiale n’a guère causé de remous. Pire encore, en acceptant
t-il dans un excellent français. En 1979, lors des premières de faire partie du gouvernement, Jo a dû promettre de soute-
élections au Parlement de Strasbourg, il devient député sous nir une potentielle sortie de l’Union européenne sans accord,
l’étiquette du Parti conservateur, qui était alors favorable à la le fameux « no deal ». Aurait-il la mémoire courte ? ou ambi-
construction européenne.Alors, quand son fils est devenu pre- tionnerait-il un jour de succéder à son grand frère ? Très pru-
mier ministre, Stanley Johnson était déchiré. « J’étais person- dent, il évite les interventions dans la presse, préférant jouer
nellement très content. Combien de pères ont vu leur fils deve- un rôle actif dans les coulisses du pouvoir.
nir premier ministre ? Mais il y avait aussi une certaine Et que dire de l’omniprésence de Stanley? À chaque discours
ironie. J’étais un euro-enthousiaste, et le travail de mon fils important, à chaque tournant dans la carrière de ses fils, le père
est de défaire les liens avec l’Europe. » se montre. Quand Jo a démissionné, donnant une série d’in-
Ces trois dernières années ont aussi été très douloureuses pour terviews, son père était présent. On l’aperçoit sur une photo, à
Rachel. Le 24 juin 2016 au matin, quand le résultat du réfé- l’arrière-plan, devant la BBC. Quand Boris a lancé sa cam-
rendum sur le Brexit a été connu, elle se trouvait à Nice, de pagne pour être premier ministre, il était également là. « Les
retour d’une conférence sur la publicité. « Je me souviens Johnson forment un clan, à la fois resserré et ultracompéti-
qu’en traversant l’aéroport, rempli de représentants du tif », explique Sonia Purnell, auteure d’une biographie très
monde de la publicité, des médias, de l’industrie du film, les fouillée de Boris Johnson (Just Boris. A Tale of Blond
gens s’écartaient de moi. C’était comme la mer Rouge qui Ambition, édition Aurum Press, 2012, non traduit). « Stanley
s’ouvrait. Certains pleuraient. Personne ne m’adressait la leur a inculqué ce sens de la concurrence, de toujours vouloir
parole après ce que mon frère avait fait au continent. J’étais être le meilleur, le premier. Mais il n’y a pas de valeurs cen-
très très triste. » Aujourd’hui, le cœur gros, elle demande une trales. Ce qui compte est de gagner. »
seule chose : « Play the ball, not the man. » En français : Les Johnson, un clan organisé collectivement à la poursuite
« Attaquez les idées, mais pas la personnalité de mon frère. » du pouvoir ? Stanley lève les yeux au ciel. « Ah, le mythe qu’il
Dans les faits, difficile de faire plus européens que les Johnson. y a de grandes réunions de la famille Johnson ! On est tous
La famille a passé de longues années à Bruxelles, quand tellement pris… On arrive parfois à se réunir dans le
Stanley était haut fonctionnaire puis député. En 1973, quand Somerset, où j’ai une ferme, mais on ne se voit pas souvent.
sa femme s’inquiétait de trouver une école en Belgique pour Et on ne se met certainement pas d’accord entre nous sur la
ses enfants, Stanley s’écriait, comme une évidence : « Ils ligne officielle à tenir. » Il assure nous rencontrer sans en •••
••• avoir informé son fils aîné. Rachel confirme. « Tout le La période est ardue. Deux jeunes filles au pair s’occupent
monde me demande à quoi ressemblent les déjeuners du des enfants Johnson. Stanley et Charlotte divorcent en 1979.
dimanche chez les Johnson. Eh bien, je vais vous dire : on ne Dans ses deux autobiographies, qui s’étirent sur quelque sept
parle pas du Brexit, parce que ça deviendrait juste trop tendu. cents pages, Stanley en consacre tout juste trois à la rupture.
Et puis ce ne serait pas juste, parce qu’on serait tous ensemble L’introspection n’est pas vraiment son fort. « C’était une
contre Boris. Ce serait du harcèlement ! » enfance étrange, difficile, explique Sonia Purnell, la bio-
Comme bien des familles de ce genre, il y a pourtant une graphe de Boris Johnson. Les parents étaient très absents. Les
immense déchirure à l’origine. L’indice se trouve dans un enfants semblent tous avoir des symptômes d’un trouble de
dessin d’enfants encadré sur une table basse du salon de l’attention. » Charlotte se remettra progressivement, se
Rachel Johnson. En feutres de couleurs, d’une écriture remariant à un Américain et passant de longues années aux
enfantine – fautes d’orthographe comprises –, le message États-Unis. Aujourd’hui veuve, diagnostiquée dès l’âge de
est un mot d’excuses : « Mama, we are sory that we were so 40 ans de la maladie de Parkinson, elle se déplace avec diffi-
bad to day » (« Mama, on est désolé d’avoir été méchants cultés et ne s’exprime que rarement dans les médias. Elle
aujourd’hui »). Signé : Leo, Rachel et Alexander. Jo était occupe une place énorme, non dite, dans l’histoire de la
trop petit pour participer. Alexander Boris de Pfeffel famille. « N’oubliez pas de mentionner ma mère, confie
Johnson était encore « Al », pour sa famille, bien avant de Rachel. Elle est une femme formidable qui nous a donné le
s’inventer son personnage de bouffon échevelé et de préfé- peu d’humanité qu’on a en nous. »
rer son deuxième prénom. La famille habitait alors Bruxelles À l’université d’Oxford, Annabel Eyre a partagé une maison
avec Rachel Johnson entre 1986 et 1988. Trente ans plus tard,
elle se souvient du clan Johnson comme très uni. « Les frères
et sœur étaient vraiment proches. Boris passait souvent et il
“À quoi ressemblent les était charmant. Je me rappelle que Rachel pouvait être très
maternelle envers les plus jeunes, et Boris était très paternel
déjeuners du dimanche
avec Rachel. » Stanley passait de loin en loin. Lui était claire-
ment le modèle que suivaient les enfants. « Rachel était
extrêmement ambitieuse. Boris aussi, bien sûr, mais il le dis-
chez les Johnson? simulait mieux. Il était toujours affable alors que sa sœur
pouvait être intimidante quand elle le voulait. »
dire : on ne parle pas Car, comme toute histoire anglaise, la vérité ne serait pas
complète sans une question de lutte des classes. Les Johnson
ça deviendrait juste teau ancestral où se réunir, mais une ferme spartiate dans la
région d’Exmoor (dans le sud-ouest du pays). Bien sûr, leurs
trop tendu.”
ancêtres sont souvent prestigieux et faisaient partie de l’élite.
Mais, pour arriver à leur position, les Johnson ont toujours dû
se battre. Boris est entré à Eton avec une bourse. Rachel et
Rachel, la sœur de Boris Johnson Jo ont gravi les échelons du Financial Times, où ils ont com-
mencé tous les deux leur carrière, avant de vraiment décoller.
La compétition permanente instaurée par Stanley, sous de
faux airs de bonhomie, vient de cette ambition-là.
et la journée avait visiblement été difficile pour la mère. À la rancœur sociale, l’élitisme, l’intelligence aiguë et la bri-
Ces années-là ont été une tempête permanente. Charlotte, sure intime, il convient enfin d’ajouter l’indispensable liant :
Lucy Young/REX/Sipa. DR. Steve Back/ANL/Rex/Sipa. Christopher Jones/REX/Sipa
artiste-peintre, qui avait rencontré Stanley à l’université l’humour. Ou plus exactement, le (faux) sens de l’autodéri-
d’Oxford, souffrait d’une profonde dépression et de troubles sion. La blague de Stanley sur les pyramides égyptiennes
obsessionnels compulsifs. « J’étais devenu phobique, a-t-elle l’illustre parfaitement. Plus tard, l’homme a consacré une
expliqué au magazine britannique Tatler en 2015, dans une large partie de sa carrière à la lutte contre la surpopulation
rare interview. J’étais terrifiée par toute forme de saleté. » Elle et il a écrit six livres sur le sujet. « Un livre par enfant que
passe de longs séjours internée à l’hôpital de Maudsley, à j’ai eu ! », pouffe-t-il, conscient de l’évidente contradiction.
Londres. Il faut dire que la vie qu’elle mène avec Stanley est De même, l’actuel premier ministre s’est fait un nom grâce
chaotique. Le couple a quatre enfants en bas âge et déménage à son humour. Ses mimiques et ses bons mots, notamment
trente-deux fois en quinze ans : New York, Washington, dans des émissions de télévision satiriques sur l’actualité,
Londres, Bruxelles… Et puis Stanley n’est pas l’homme ont largement contribué à sa popularité. Aujourd’hui,
qu’elle pensait connaître. « Les choses étaient difficiles avec l’homme divise fortement, est comparé à Donald Trump,
[lui], poursuit-elle dans Tatler. Je croyais que j’avais épousé flirte parfois avec l’extrême droite, mais, pendant des décen-
un poète, mais il s’était mis à s’intéresser à l’environnement, nies, il a réussi le tour de force d’unir gauche et droite en
il voyageait beaucoup, il aimait ça, et puis un cher ami m’a mettant les rieurs de son côté. « Dans notre enfance, je me
parlé de ça… » « Ça », ce sont les maîtresses de Stanley, qui souviens qu’on passait l’essentiel de notre temps à essayer de
collectionne les infidélités. Son fils Boris, récemment divorcé se faire rire », assure Rachel. Aujourd’hui, alors que l’aîné
pour la deuxième fois et père d’un ou deux enfants illégitimes précipite son pays vers un Brexit sans accord, aux consé-
(il en a reconnu un, pas l’autre), semble reproduire la même quences sans doute catastrophiques, le légendaire humour
attitude des décennies plus tard. des Johnson est peut-être hors de propos.
S
« l’homme qui a sauvé La Havane ».
••• des palaces retrouvent leur beauté, des rues sont offertes
aux piétons. L’embargo oblige à l’ingéniosité, Eusebio Leal
crée des « ateliers-écoles », auxquels les chantiers passent
commande. Ils ont formé près de 1 600 apprentis depuis L’objectif “social”
de la restauration ne
1992. Ces derniers jours, dans un rez-de-chaussée poussié-
reux, garçons et filles sont mobilisés par la restauration du
Capitole. Diana Piñero, 19 ans, petit anneau dans le nez et
écouteurs dans les oreilles, peint les feuilles d’acanthe de
chapiteaux en plâtre. « Une école qui nous paie pour saute plus aux yeux.
Près du Capitole,
apprendre [environ 8 euros] et nous offre les repas, c’est une
belle chance que nous donne le pays », dit la brune souriante,
qui espère que sa formation lui permettra de trouver un
emploi et qu’elle ne sera pas obligée de quitter son île
comme tant d’autres. Une partie des revenus du tourisme l’implantation
d’un futur hôtel
finance des logements. L’argent est aussi investi dans des
écoles, les centres pour personnes âgées, les dispensaires
médicaux. « Nous avons essayé de ne pas restaurer que pour
la beauté ou l’importance historique, mais aussi pour les gens
qui y vivent », dit Eusebio Leal, qui ne tient pas à être celui de 300 chambres
a entraîné
que certains journaux ont appelé le « capitaliste de Fidel ».
C’est pourtant sous sa direction que Habaguanex a brassé
des millions de dollars, acquis plus de 300 commerces, dont
une cinquantaine de bars et une quarantaine de restaurants,
que le Bureau a étendu son action au Malecón, la promenade le déplacement
des habitants et
en bord de mer, et au quartier chinois. L’initiative privée a
suivi, plus ou moins légalement. Par exemple, il y a dix ans,
Osmani a acheté une pièce dans une maison délabrée. Il n’a
rien demandé à « la bureaucratie », s’est battu avec l’em-
bargo et le marché noir pour trouver ciment, câbles, plombe- la destruction
d’une salle de sport.
rie… Il a retapé une pièce, puis deux, puis les trois étages et
le toit-terrasse d’une maison, dont il a fait une très agréable
casa particular (bed and breakfast version cubaine) qui tra-
vaille avec des agences comme Voyageurs du monde. Il
emploie six personnes, continue à jongler avec les difficultés
d’approvisionnement et les coupures d’électricité. « On nous
a longtemps pris pour des bandits, mais nous aussi nous amé-
liorons La Havane », dit-il. revendeur de cartes pour téléphone ou Internet. À travers les
En 2011, Raúl Castro a autorisé les particuliers à louer ou à grilles des rez-de-chaussée, on vend du rhum, des bananes
vendre leur appartement. De ce fait, dans les rues de la ou les meilleures mangues du monde jusque tard dans la
vieille Havane, les affiches « Se vende » (« à vendre ») fleuris- nuit… Le contraste est saisissant avec le magasin d’État où
sent et les locations Airbnb explosent depuis 2015. Les l’on peut acquérir des produits de première nécessité grâce
vieilles décapotables américaines ne servent plus qu’à pro- à la libreta, le carnet d’approvisionnement et de rationne-
mener les touristes. Tout le monde ou presque se fait coif- ment : quelques bouteilles en plastique à moitié remplies de
feur ou esthéticienne, pizzaïolo, marchand de glace, sucre ou de haricots rouges, cinq boîtes de compote, un
paquet de café et le grand vide des rayonnages autour.
Eusebio Leal a aussi favorisé l’installation de créateurs et d’ar-
tistes. Les rues se sont remplies de galeries, d’ateliers de
peintres ou de tatoueurs, de cours de danse, où les visiteurs
apprennent l’art de la salsa ou la très sensuelle kizomba, venue
d’Angola. La boutique de mode Clandestina, que tiennent
Indanía del Río et Leire Fernández, est devenue le comble du
branché depuis que le président Obama en visite y a com-
mandé des tee-shirts pour ses filles. Aujourd’hui, Clandestina
donne du travail à trente-deux personnes et Indanía, trente-
naire à l’allure d’adolescente, essaie d’affronter sereinement
quelques contradictions : susciter la fierté du pays et les jalou-
sies de ceux qui l’appellent «la capitaliste»; louer le tourisme
qui fait prospérer les affaires, tout en regrettant qu’une ser-
veuse dans un restaurant gagne en trois jours le salaire mensuel
d’un professeur d’université (environ 65 euros après l’augmen-
tation de juin); contribuer à valoriser le centre historique qui,
par conséquent, devient de moins en moins populaire.
Car les inégalités se creusent entre les privilégiés et ceux qui,
dans des appartements délabrés, se partagent les paliers ou
avec les changements socioéconomiques que Cuba a connus ces était le leur », constate Pavel García, un « entrepreneur social » Ci-dessus, de
jeunes Cubains
dernières années, des personnes qui ont de l’argent ont acheté qui dirige Barrio Habana, un projet sportif et culturel soutenu participant
leurs logements à ces familles. Je ne peux pas m’opposer à la par une fondation autrichienne. Un cinéma historique a failli
I
au programme
social
liberté de la personne et à son droit à l’usage de sa propriété. » y passer aussi, mais, face aux protestations, Eusebio Leal a Barrio Habana
jouent au
assuré qu’il serait conservé. Depuis le deux-pièces minuscule football dans
qu’il occupe avec sa mère, Yimi Konclase, poète et rappeur un centre
sportif de la
l le peut d’autant moins qu’il a perdu la maîtrise de sa regarde changer les rues qui l’inspirent : « C’est quelque chose vieille ville.
création, Habaguanex. En 2012, une sombre histoire d’agressif, comme si on te jetait des tonnes de médicaments
de détournement de fonds, corruption et trafic de dro- pour guérir en trois jours. »
gue a secoué la compagnie. Eusebio Leal, tombé gra- Eusebio Leal est conscient des contradictions que porte la
vement malade à la même époque, n’a pas été impli- résurrection de la vieille Havane, « le plus grand de ses
qué mais a été débarqué par l’armée, qui a pris le amours ». « Mais nous ne vivons pas dans une forteresse de
contrôle de la société par l’intermédiaire du gigantesque verre. Se passer du tourisme est impossible », dit-il avant de
groupe Gaesa (dirigé par le général Lopez-Callejas, ex-gendre mentionner le yin et le yang chinois, « l’unité de lutte des
de Raúl Castro). Une manière, disent certains observateurs, de contraires » chère au matérialisme dialectique, le péché origi-
compléter sa mainmise sur le tourisme national et l’immobilier nel et la quête de rédemption… Un peu plus tôt, il évoquait
juteux de la vieille ville. Eusebio Leal demeure à la tête du le souvenir glorieux des compañeros de l’après-révolution
Bureau de l’historien, mais c’est une fille de général, directrice « quand, comme dans la Grèce antique, les dieux cheminaient
adjointe, qui lui succédera. Ce népotisme agace la rue. « Ici, dans la rue… Cette époque, je l’ai vécue… Aujourd’hui, les
tu ne peux pas monter une grosse affaire si tu n’es pas de la temps sont différents, mais nous essayons de conserver cette
“famille” », enrage un jeune ingénieur, qui partage les deux mystique ». Les boutiques pour touristes aussi, qui vendent le
pièces de sa maison avec son épouse, son fils et deux amis. visage du Che en pesos convertibles en dollar.
Neïl Beloufa, en
2017, à Sérignan.
a l g é r i e p r i n t e m p s /é t é
L’art de
l’entre-deux.
En Algérie, la société semblait anesthésiée,
les manifestations historiques de ces derniers mois
ont prouvé qu’il n’en était rien. De l’autre côté
de la Méditerranée, des plasticiens regardent
ces événements avec attention et bienveillance.
Qu’ils soient nés en Algérie ou en France de parents
algériens, ces représentants éminents de la scène
artistique hexagonale entretiennent des rapports
complexes avec leur double appartenance.
par Roxana azimi
Mohamed Bourouissa
dans son atelier
d’Asnières-sur-Seine,
en 2018.
Abdelkader (Benchamma), Katia (Kameli) ou Mehdi (Meddaci). Nés en de banlieue après leur troisième contrôle de
France de parents algériens ou arrivés jeunes d’Algérie, musulmans pour la police de la journée. «C’est difficile, résume la
plupart, ils représentent aux yeux du monde la pointe avancée de la scène vidéaste Zineb Sedira, de grandir avec deux
artistique française, formée dans les meilleures écoles, plébiscitée par les cultures qui s’insultent l’une l’autre.»
musées les plus illustres, VIP des plus grands raouts arty où certains déclinent Comme en témoignent leurs prénoms
discrètement la coupe de champagne ou le verre de vin quand d’autres se arabes, tous ont été élevés dans la différence,
resservent allègrement. Pourtant, qu’ils aient consacré leur œuvre aux ques- souvent dans des familles issues de milieux
tions identitaires ou s’en soient affranchis, ces artistes ont parfois – souvent – les populaires. « Mes parents nous disaient “on
nerfs à vif à l’évocation de leurs racines. L’importation en France de l’islam n’est pas comme les autres et ils ne sont pas
radical, n’en parlons pas. En ce qui concerne le soulèvement populaire algérien comme nous”, se souvient Fayçal Baghriche,
du printemps 2019, que tous regardent attentivement et avec bienveillance, ils arrivé en France à l’âge de 5 ans. Tu sais que
s’interdisent toute ingérence publique. tu es étranger, que tu n’as pas la même
« On n’a aucun conseil à leur donner », assure Kader Attia, 48 ans, qui n’en a culture, pas la même religion, mais, en même
pas moins organisé en mai un forum sur le sujet à La Colonie, un bar et lieu de temps, tes amis sont français. C’est schizoph-
débat qu’il a ouvert en 2016 dans le 10e arrondissement, où il tient à servir de rénique. » Un environnement qui, comme le
la bière et de généreuses planches de cochonnailles. Qu’on les entraîne sur le souligne le dessinateur Abdelkader
terrain de l’appartenance, ils bottent en touche. « Je suis de Blida et français », Benchamma, « n’aide pas à te sentir fran-
lance le plasticien Mohamed Bourouissa, 41 ans, actuellement à l’affiche des çais », même une fois naturalisé. Pas plus
Rencontres photographiques d’Arles, après avoir exposé en 2018 au Musée que les remarques désobligeantes qui les fai-
d’art moderne de la Ville de Paris et au Centre Pompidou. « Français tous les saient partir au quart de tour. « Ma plus •••
38
À gauche, la réali-
satrice et artiste
visuelle Katia
Kameli, dans son
atelier, en 2019.
À droite, Kader
Attia, lauréat
2016 du prix
Marcel-Duchamp.
“J’avais l’impression
mettra quatorze ans avant d’y remettre les
pieds, en 2006. «Je n’appartiens pas à l’Algé-
rie», admet le vidéaste Mehdi Meddaci, qui y
pour lui comme pour les autres, à partir de 1991, les huit années de sanglante pensée, en posant leurs bagages dans d’autres
guerre civile provoquée par l’interruption du processus électoral décidée par le pays, un fossé s’est lentement creusé avec leur
pouvoir qui redoutait la victoire du Front islamique du salut coupent le cordon. famille. Dans une installation vidéo percu-
Le calme militaire revenu, leurs parents y sont pour la plupart retournés, pour tante, Mother Tongue, Zineb Sedira donne à
dédommagement, sujet qu’il n’a cessé de
creuser et d’étirer en mille ramifications, ins-
tallations et questions : peut-on cautériser un
passé mutilé, comme on reconstituait les
visages des gueules cassées de la première
guerre mondiale? Une prothèse compense-t-
elle une perte irrévocable ? Peut-on se réap-
proprier une identité violemment dérobée, ce
« membre fantôme », qui, bien qu’amputé,
n’en finit pas de démanger?
Les plus jeunes, enfin, ont mis les bouchées
doubles pour réussir. « Deux générations au-
dessus de toi se sont bagarrées, toi aussi tu dois
te bagarrer, c’est une responsabilité», lance l’hy-
peractif Neïl Beloufa, qui a enchaîné les écoles
les plus prestigieuses – Arts déco, Beaux-Arts
de Paris, Le Fresnoy – et connu les cimaises du
MoMA, à New York, et de la Biennale de
Venise. La complexité est son terreau, la cri-
tique, une seconde nature. Dans l’installation
qu’il présente actuellement à Venise, il fait
voir l’impossible communication entre les générations : l’artiste comprend le asseoir le spectateur face à des écrans montrant
dialecte algérien de sa mère et l’anglais de sa propre fille élevée à Londres, mais des soldats du monde entier témoignant, sur
entre la petite-fille et sa grand-mère, le lien linguistique s’est rompu et le dialo- Skype, de leur routine meurtrière.
gue est impossible, malgré la tendresse des regards et des gestes. L’artiste et Volontairement, Neïl Beloufa n’a pas enrôlé de
cinéaste Katia Kameli connaît le pays sans doute mieux que beaucoup de ses militaires français ou algériens. «Les rapports
confrères pour y avoir souvent tourné. Mais elle l’admet : «Une partie de ma binaires, ce n’est pas ma manière de voir les
culture algérienne m’échappe toujours, même si j’en connais les codes.» choses, observe Mohamed Bourouissa, qui fait
Ce lien viscéral, elle comme Zineb Sedira se sont pourtant évertuées à le préser- valser les clichés. Tu ne peux pas avancer si tes
ver,faisant de l’Algérie la matière première – mais non exclusive – de leur œuvre. racines deviennent des chevaux de bataille. »
Sedira, qui dans ses films ravive les questions de la lutte anticoloniale et de ter- Les exclus et marginaux auxquels il s’intéresse
ritoire, a créé une résidence d’artistes à Alger, invitant ses confrères de la diaspora sont aussi bien les gosses de banlieues, des
à venir explorer «leur» pays. Katia Kameli, qui évoque dans ses vidéos aussi bien vendeurs à la sauvette que les cavaliers afro-
le raï, les kiosques vendant des cartes postales et l’utopique retour, a même un américains de Fletcher Street, à Philadelphie.
D
temps songé à y créer une boîte de production.Avant de renoncer : «Une femme Il a fallu attendre 2018 pour qu’il tourne en
indépendante vivant seule à Alger, c’est difficile, les voisins te regardent…» Algérie, à Blida, dans un hôpital psychiatrique
où le psychiatre et chantre de la décolonisation
Frantz Fanon a révolutionné les méthodes de
soin dans les années 1950. «Ce qui me fait peur,
’autres ont au contraire profité de l’horizon offert c’est d’être réduit à mes origines», insiste-t-il.
par les écoles d’art pour s’émanciper. Lorsque, aux Lui, comme Zineb Sedira et Neïl Beloufa ont
Beaux-Arts de Montpellier puis de Paris, les certes rejoint le galeriste parisien Kamel
profs conseillent à Abdelkader Benchamma de Mennour,né à Constantine.Par le passé,il avait
travailler sur sa double culture, il se cabre : mis sur orbiteAdelAbdessemed,KaderAttia et
« J’avais l’impression qu’on ne me permettait Djamel Tatah. Ce fils de peintre en bâtiment
d’être artiste qu’à condition de travailler sur mes les comprend. Sans particule ni héritage, lui
origines. » Sciemment, ce dessinateur virtuose aussi a avalé des couleuvres avant de se propul-
opte pour l’abstraction, créant vortex et trous noirs par le seul pouvoir de ser dans le peloton de tête des marchands fran-
quelques traits tracés à l’encre et au feutre. çais. Malgré son faible pour les créateurs d’ori-
Son aîné Djamel Tatah a aussi refusé tout orientalisme. Ses peintures gine algérienne, il refuse toute étiquette
monumentales traitent de l’état de notre monde sans références spatio- «rebeu». «Je suis contre les ghettos, affirme-t-il.
temporelles. Debout ou allongés, prostrés ou avachis, en suspension ou en Je veux raconter une époque et pas une commu-
chute libre, les bras ballants ou les mains enfoncées dans leurs poches, ses nauté.» Spécialiste de la diaspora algérienne,
personnages sont indéterminés. À une exception près, lorsqu’il évoque les l’historienne de l’art Alice Planel confirme :
« hittistes », ces jeunes algérois désœuvrés qui tiennent le mur. Étudiant à «Kamel Mennour montre de grands artistes et
la Villa Arson, à Nice, Fayçal Baghriche s’était lui aussi donné pour mot ils peuvent s’appeler Mohamed Bourouissa
d’ordre de ne pas traiter de l’Algérie : « C’est le domaine privé que je ne veux comme Anish Kapoor ou Daniel Buren, insiste-
pas explorer, mais que j’aimerais un jour développer hors du champ de t-elle. Personne ne se dit aujourd’hui “tel artiste
l’art. » Ses premières œuvres sapent ainsi les questions d’identité et de est algérien, donc il doit être exposé chez lui”.»
frontières. Son installation Envelopments, datant de 2010, se compose de Ce puissant marchand a déjà réussi à imposer
28 drapeaux impossibles à identifier car, une fois enroulés, il n’en reste plus ses ouailles chez les grands collectionneurs
que le fond rouge. Deux ans plus tard, il fait tourner un globe sur son axe, hexagonaux. À quand un de ces artistes pour
effaçant par la vitesse la question des bordures et des continents. représenter la France à la Biennale de Venise?
Sam Mertens
Kader Attia, lui, n’a pas voulu laisser «ses deux identités se regarder en chiens de « Je n’y crois pas, les gens ne sont pas encore
faïence», préférant trouver un terrain de rencontre autour d’un concept central : prêts », estime Mohamed Bourouissa. « Les
la réparation. À comprendre au sens d’une remise en état, mais aussi d’un gens», comprenez… les Français.
Virginia, la plus
jeune des trois
enfants de la
photographe
Sally Mann,
pose pour sa
mère, en 1991.
Virginie ou
l’innocence perdue.
Enfants jouant dans la nature, sans contrainte, forêts et clairières
qui semblent habitées par des fantômes… L’Américaine
Sally Mann s’est fait connaître avec les clichés de sa famille
ou ses paysages de Virginie, sa région natale, dont elle montre
qu’elle a été le théâtre de violences et de ségrégation.
Le Jeu de paume, à Paris, lui consacre une rétrospective.
photos Sally Mann — texte Roxana aziMi
41
Ci-dessus,
Fredericksburg (Cedar Trees),
Antietam (Starry Night).
Ci-contre, Cold Harbor (Battle)
Page de gauche,
The Two Virginias (1991).
Virginia, la fille de Sally Mann,
dort sur les genoux de Virginia
Carter, son ancienne nourrice.
Cette Afro-Américaine, petite-
fille d’esclaves a servi la famille
Mann pendant des décennies.
Sally Mann
Ci-dessus, à gauche,
Hephaestus (2008), une mise
en scène de son mari, Larry.
À droite, Jessie #25 (2004).
L’âge
archi tendre
SouS l’influence d’auteurS pionnierS,
le Secteur de l’édition jeuneSSe
S’intéreSSe de pluS en pluS aux artS,
notamment à l’architecture et au
deSign. domaineS qui repréSentent
un formidable terrain de jeu
pour leS enfantS.
par Marie Godfrain — photos florent tanet
vant d’écrire se plonger dans Habiter le monde (De sera toujours plus vendeur qu’une
des livres La Martinière Jeunesse) ou Des architec- chaise, lancer un livre de design est
sur
jeunesse tures pas comme les autres (Palette…), une vraie prise de risque. »
l’architec- qui recense les bâtiments les plus fous ; Comme toujours avec les succès com-
ture, Didier fondre sur 40 objets iconiques du merciaux de produits pour enfants,
Cornille design (bientôt chez Gallimard Jeunesse) ; l’explication vient d’abord des premiers
était plutôt dévorer le récit du séjour fondateur consommateurs : les parents. Or les
connu pour de l’architecte Charlotte Perriand 30-40 ans sont très friands de design et
son activité de designer diplômé des Arts au Japon, illustré par Charles Berbérian d’architecture. « Ils sont demandeurs de ce
décoratifs de Paris. « Quand j’ai eu des (Éditions du Chêne). type d’ouvrages initiatiques, car il n’existe
enfants, j’ai voulu les intéresser à l’archi- Conçus dans des formats originaux pas d’éducation à ces disciplines à l’école
tecture, un sujet que l’on aborde souvent – pop-up (10 chaises, Les Grandes primaire », estime Alexandra Midal, profes-
de manière trop sérieuse. Alors qu’un Personnes), roman graphique, encyclopé- seure à la Haute École d’art et de design
bâtiment est une aventure ! », confie-t-il. die –, ces livres sont souvent imaginés par de Genève. « Bien sûr, ils achètent d’abord
En 2012 est publié son premier ouvrage, des designers ou des auteurs versés dans ces ouvrages pour eux, mais, en se faisant
Toutes les maisons sont dans la nature les arts appliqués, comme Max Ducos plaisir, ils les transmettent à leurs enfants »,
(Hélium), rapidement décliné (gratte-ciel, (Le Royaume de minuit, Jeu de piste à renchérit Corinne Dacla, fondatrice de la
ponts). Deux ans plus tard, il signe Volubilis, Sarbacane), qui a été élevé par librairie parisienne Les Enfants sur le toit.
Le Vaisseau de verre de Frank Gehry, un père architecte et une mère antiquaire. les plus jeunes demeurent par ailleurs très
sur la Fondation Louis Vuitton, puis « Les illustrateurs sont sensibles à ces dis- sensibles à leur environnement, qu’ils appré-
La Ville, quoi de neuf ? l’an dernier, ciplines car, souvent, ils les ont étudiées », hendent de façon ludique. Qui ne s’est
devenant l’auteur français de référence avance Damien Tornincasa, responsable jamais amusé, enfant, à construire une
de cette nouvelle littérature jeunesse de Ricochet-jeunes, un site web dédié à la cabane ? « Le design est un formidable ter-
consacrée à l’architecture et au design, littérature jeunesse francophone. Quant rain de jeu : les meubles du mouvement
en pleine expansion. aux éditeurs, ce ne sont pas les masto- Memphis ou de Matali Crasset les placent
Cet automne sortira chez Père Castor dontes du secteur (eux préfèrent les his- face à des jouets géants », analyse Max
Ma ville à construire, un livre-album qui toires de sorcières et de dragons), mais Ducos. L’auteur-illustrateur cite aussi
propose aux enfants de positionner des des maisons indépendantes dirigées par l’influence du jeu vidéo Minecraft, sorti
stickers sur des fonds urbains. S’ils man- des passionnés, dont Damien Tornincasa en 2011, qui plonge les joueurs dans un
quent d’inspiration, ils pourront toujours salue le mérite : « Parce qu’un dinosaure monde composé de cubes représentant
différents matériaux (terre, pierre, eau…)
qu’il convient d’assembler dans un esprit
proche des Lego. « Minecraft a permis
à une génération de se prendre au jeu
de la construction. Depuis, ils sont nom-
breux à vouloir devenir architectes. »
Un succès qui devrait se confirmer lors
de la prochaine édition du Salon du livre
et de la presse jeunesse de Montreuil
(du 27 novembre au 2 décembre).
Hélium, www.helium-editions.fr
Père Castor, www.flammarion-jeunesse.fr
Palette…, www.editionspalette.com
Éditions du Chêne, www.editionsduchene.fr
De La Martinière Jeunesse, www.editionsdelamartiniere.fr
Gallimard Jeunesse, www.gallimard-jeunesse.fr
Les Grandes Personnes,
www.editionsdesgrandespersonnes.com
Sarbacane, www.editions-sarbacane.com
Ricochet-jeunes, www.ricochet-jeunes.org
Petit scarabée.
posts et postures
#minime.
par Fiona KhaliFa
s’accorder au style de vie des parents. Il précieusement tous ces clichés. Cela
est d’ailleurs également assorti au canapé leur fera un très bon dossier pour faire
et aux rideaux. Enfin, il arrive parfois que culpabiliser les parents.
librement inspiré
Dragée
haute.
vu sur le net
Arômes
antiques.
L’ADAPTATIOn DE “ChArLIE ET LA
ChOCOLATErIE” PAr TIM BUrTOn Dans le cadre de l’exposi-
A nOUrrI LA CrÉATIvITÉ DE tion « The Countless
L’hOrLOGEr rIChArD MILLE. Aspects of Beauty »,
présentée jusqu’au
par isabelle dupont
31 décembre, le Musée
national d’archéologie
En 2005, Tim Burton réalise la deuxième d’Athènes a demandé à la
adaptation au cinéma du roman de l’écrivain marque grecque Korres de
britannique Roald Dahl, Charlie et la chocola- recréer un parfum antique.
terie. Le personnage inquiétant du maître de sucre étant obtenu par de l’émail broyé Des écrits sur tablettes
des lieux Willy Wonka, interprété par associé à du sable fin. Le mouvement, que en terre cuite de l’époque
Johnny Depp, tout comme l’exubérance des l’on devine sous les sucreries, symbolise le mycénienne, ainsi que
décors marquent l’imaginaire de Cécile costume noir de Willy Wonka. «Les ateliers les récits du botaniste
Guenat, directrice artistique de l’horloger des métiers d’art se sont montrés très récep- Théophraste et du phar-
Richard Mille, réputé pour ses innovations en tifs», raconte Cécile Guenat. Car la proximité macien Dioskourides ont
termes de matériaux et de technologies. En entre l’horlogerie et les sucreries est plus permis de retrouver les
joaillerie, où elle a fait ses armes, le choix des naturelle qu’il n’y paraît : tel type de cou- ingrédients et méthodes
thèmes est vaste. Pourquoi ne pas s’autori- ronnes (remontoirs) évoque un cupcake, tel de fabrication utilisés à
ser autant de créativité en horlogerie? autre un cornet glacé. Sans parler de la l’époque. Pour développer
Séduite par les jardins en sucre de la choco- céramique rose, d’aspect meringué, et de ce jus hors du commun,
laterie et les costumes acidulés des ouvriers certains composants au fini noir comme la du cyperus (une plante
pygmées oompas-loompas, elle décide de réglisse. «J’ai mangé beaucoup de bonbons aquatique) de l’île d’Amor-
réaliser une collection inspirée des bonbons, et fait autant de dessins», s’amuse la créa- gos, de la coriandre,
dont le modèle Cerise rassemble «les trice. La collection Bonbon compte dix de la sauge et des pétales
formes les plus drôles», estime-t-elle. Glace modèles, tous équipés de mouvement mai- de rose ont macéré dans
torsadée, sucettes spirales, langues acidu- son squeletté à remontage automatique. du vin du Péloponnèse,
lées, quartiers de citron et d’orange, boules avant d’être mixés à
RM 37-01 Automatic Cerise, boîtier : 34,40 × 52,65 × 13,08 mm,
de gomme : chaque confiserie y est peinte à fond de boîtier en quartz TPT pourpre. Édition limitée de l’huile d’olive de Crète.
l’acrylique et laquée à la main, l’effet cristaux de 30 pièces. Prix sur demande. www.richardmille.com L’ensemble a ensuite
été filtré. Une version
« portable » du parfum est
disponible à la vente
sur Internet, en édition
limitée. C.Dh.
lecture de salon Eau de toilette Rose d’Aphrodite,
Pans d’Afrique.
Pages : 384 — Poids : 1,1 kg
Korres, 59 € les 50 ml. www.korres.fr
Dimensions : 19 x 19 cm
Palette graphique :
fétiche
Bureau d’étude.
Comme le pichet Ricard ou l’horloge en Formica, le bureau d’écolier est un
incontournable des brocantes et une madeleine de Proust pour des générations d’élèves.
Produit à des millions d’exemplaires depuis les années 1960, cet archétype fabriqué
par la société Mullca a équipé les écoles primaires jusqu’aux années 1990. Depuis peu,
la jeune entreprise Label Édition le ressuscite en conservant ses détails : porte-cartable,
réglette pour stylo, encrier et casier. Encore confidentielle, la collection, fabriquée en
France, va bénéficier d’un coup de projecteur grâce aux teintes exclusives développées
avec la marque Habitat. Un retour en force dans la mémoire collective. M.Go.
Chaise 510 (145 €) et bureau alban (285 €), label Édition × habitat. www.habitat.fr
24 août 2019 — Photo François Coquerel pour M Le magazine du Monde. Stylisme Fiona Khalifa
56
variations
Paires de famille.
S’il est un phénomène qui perdure, c’est bien celui du clone, quand parents et enfants
sont habillés de la même façon. Ainsi sont nées des déclinaisons en petite taille de
collections adultes. Plusieurs marques ont proposé leur ligne en version réduite :
Armani et Mango en 2013, Givenchy en 2017, Ralph Lauren en 2018 et H & M
cette année. Des chausseurs, comme Adidas, Converse, Repetto ou encore K.Jacques,
ont aussi miniaturisé leurs modèles emblématiques. De quoi parfaire l’effet miroir. F.Kh.
de haut en bas, baskets Gazelle, 54,95 €, adidas OriGinals. zalandO.fr
baskets ChuCk taylOr all star hi, 85 €, COnverse. sarenza.COm
spartiates hOmère, 133 €, k.JaCques. www.kJaCques.fr
ballerines ella, 165 €, repettO. www.repettO.fr
Photo François Coquerel pour M Le magazine du Monde. Stylisme Fiona Khalifa — 24 août 2019
objet trouvé
Le nid
en vétiver.
La designer stefania di
PetriLLo a déniché Pour “M”
des objets du quotidien
à La beauté cachée.
cette seMaine, un Panier
rafraîchissant.
Le vétiver est une plante grasse ressem- propriétés purifiantes, antiseptiques et nom : nid tressé en vétiver
blant à une herbe sauvage, dont les anti-inflammatoires. Depuis des siècles, année de création : existe depuis
racines se développent jusqu’à 4 mètres les Africaines font sécher les longs fila- des siècles en Afrique et en Inde
de profondeur, faisant de cette espèce ments des racines, qu’elles tressent Matériau : racine de vétiver
une excellente alliée pour prévenir ensuite pour créer de petits paniers à origine : Inde, mais la plante s’est
l’érosion et lutter contre les glissements placer dans la maison. Le parfum du développée dans les régions tropicales
de terrain. De la plante elle-même, on vétiver étant un excellent répulsif pour Prix : 15 €
extrait une huile essentielle très les insectes, il suffira d’humidifier le nid empreinte carbone : la racine de vétiver
recherchée par les parfumeurs pour sa pour le raviver. Entreposé dans l’entrée, est naturelle et résiste au temps.
fragrance boisée, terreuse et douce. Elle ce nid peut aussi constituer un élégant
est aussi beaucoup utilisée pour ses vide-poches. www.kabambi.com
Jonathan Frantini pour M Le magazine du Monde. Jojo Factory. Arno Lam
tête chercheuse
Cheffe de classe.
en quête d’un sac pour son fils, la styliste Vanessa naudin regrettait de n’avoir
le choix qu’entre les modèles classiques et coûteux des marques enfantines et
des sacs à l’effigie des héros de dessins animés. La trentenaire parisienne
travaille en parallèle avec son mari florian denicourt, lui-même à la tête d’une
marque de maroquinerie. en janvier 2018, ils décident de lancer jojo factory,
une ligne de sacs en toile pour enfant avec des imprimés graphiques. un an
plus tard, ils fournissent quelque 90 points de vente, et ont même ouvert une
boutique à Paris. cette rentrée, jojo factory lance également une nouvelle
collection unie, dont des sacs à dos bordeaux ou vert sapin estampillés school
bag pour séduire les plus grands… et leurs parents. V.Ch.
Sac à dos à partir de 36 €. jojofactory.com
Ci-Contre, pull en
laine, The Row.
Chemise en Coton,
Polo RalPh lauRen.
pantalon en velours
Côtelé, CaRhaRTT.
Foulard en Cuir,
Chanel. Chaussettes
en laine, Falke.
sandales en Cuir,
ChuRCh’s.
page de droite,
veste et pull en
laine, Chemise
en Coton, jeans,
Celine PaR hedi
slimane.
59
Page de gauche,
chemise, Pantalon
et chaPeau en
coton, The
AcAdemy new
york. derbys en
cuir effet
serPent, GAbrielA
heArsT.
ci-dessus, à
gauche, Pull en
laine, chAnel.
Jeans, isAbel
mArAnT. à droite,
Polo en coton,
ply-kniTs. Jeans,
sAndro.
page de droite,
veste en laine,
pull en
CaChemire,
Chemise en Coton,
Celine Par Hedi
Slimane.
65
Page de droite,
Pull sans
manChes en laine
et Pantalon en
Cuir, Polo RalPh
lauReN. Chemise
en Coton, FigaRet
PaRis. Ceinture en
Cuir, MaxiMuM
heNRy.
Chaussettes en
Coton, Falke.
esCarPins en Cuir,
Reike NeN.
67
mannequins : niKKi @FORD mODeLs, KaiLa eT TOni @THe sOCieTY, anna @miDLanD aGenCY, RaCHeL CHanDLeR @ miDLanD CasTinG — assisTanTs pHOTOGRapHe : DaVe sWeeneY
eT eRiC ZHanG — assisTanTs sTYLisTe : Diana DOuGLas, eRiCa BOisauBin eT miCHaeL aLeXanDeR WHiTe — COiFFuRe : esTHeR LanGHam, assisTée De GaBe JenKins —
maquiLLaGe : aaROn De meY, assisTé De TaYLeR TReaDWeLL — sCénOGRapHie : ian saLTeR — pRODuCTiOn : paTRiCK Van maanen @mOXie pRODuCTiOns
circuit court
1 – bulles tropicales aux amazon spheres économiques. Depuis les années 2000, c’est sur quatre niveaux. Un ficus de 17 mètres de
Ville pionnière fondée dans les années 1850 aussi la ville d’Amazon, dont le siège social haut y a été transplanté depuis sa Californie
et nommée d’après le chef indien Seathl, occupe… 41 immeubles downtown . natale. Durant les jours ouvrés, les « amazo-
dont la statue trône dans le centre-ville, L’entreprise de commerce électronique ima- niens » (employés d’Amazon) postés dans
Seattle a toujours aimanté les rêves des ginée par Jeff Bezos, l’homme le plus riche l’un ou l’autre des gratte-ciel adjacents s’y
entrepreneurs. Industrie du bois, ruée vers du monde, dispose d’un étendard bien visible retrouvent pour déjeuner ou se détendre
l’or, pêcheries et chantiers navals, essor de au cœur de la métropole. Inaugurées en 2018, dans la moiteur tropicale. Deux samedis par
l’aviation sous l’impulsion de la famille The Spheres ressemblent à d’énormes bulles mois, les sphères sont ouvertes aux visiteurs,
Boeing, miracle de l’informatique incarné par de chewing-gum surgies du sol ou bien aux qui s’y pressent en nombre.
les fondateurs de Microsoft, Bill Gates et yeux multifacettes de quelque insecte géant.
Les Spheres se visitent le premier et le troisième samedi
Paul Allen, la ville se réinvente au gré des Toutes de verre et d’acier, ces serres gigan- du mois, de 10 heures à 18 heures. Sur réservation unique-
évolutions technologiques et des cycles tesques renferment près de 40 000 plantes ment. 2101 Seventh Avenue. www.seattlespheres.com
69
2 – CoCktail visionnaire au M Bar
Dans le quartier de South Lake Union, à
quelques blocs de l’hyper-centre, les bureaux
vitrés des entreprises de technologie ont
remplacé les immeubles industriels. En fin
de journée, quand les food trucks ont baissé
leur rideau, les employés de la tech se
replient sur cette terrasse pour grignoter et
boire un verre, en profitant du coucher de
soleil. Et de la vue : on y embrasse du regard
l’emblème de la ville, la Space Needle, haute
de 184 mètres, et le lac Union, où William
Boeing fit voler son premier hydravion.
De 16 heures à 22 heures (23 heures le week-end),
happy hour jusqu’à 18 heures. Bières à 6 €, cocktails à 14 €
et plats à partir de 15 €. 400 Fairview Avenue North,
au dernier étage. www.mbarseattle.com
3 – vol géant aveC le Boeing tour
La « plus grande usine du monde » n’est
2
qu’à une demi-heure de Seattle. On y
assemble, en quelques jours à peine, les
Y ALLER
En avion : A/R Paris-Seattle via Boeing 747 Cargo, 787 et « triple 7 » qui
Reykjavik, avec Icelandair, à partir s’élanceront bientôt de l’aéroport attenant.
de 732 € (possibilité de faire étape
à Reykjavik). www.icelandair.com
La visite du site se fait en groupe, sous la
houlette d’un employé enthousiaste.
Y DORMIR Comme il faut laisser ses effets personnels
En plein centre de Seattle, à deux
pas du front de mer, le Loews
au vestiaire, on ne peut pas prendre de pho-
Hotel 1000 dispose de fonctionnali- tos. Pour les souvenirs, il faut se rabattre sur
tés high-tech, comme ce détecteur la boutique à la fin du parcours.
de chaleur qui informe le personnel
de ménage de votre éventuelle Tous les jours de 8 heures à 19 heures. Accès en voiture.
présence dans la chambre. À partir 8415 Paine Field Blvd, Mukiteo (Washington).
de 260 €, sans le petit déjeuner. 22 € l’entrée plein tarif. www.futureofflight.org
1000 First Avenue. L’agence Show Me Seattle peut aussi venir vous chercher
www.loewshotels.com/ en ville : www.showmeseattle.com/tour/boeing-tours
hotel-1000-seattle
4 – arChéologie geek au living CoMputers
Ce lieu étonnant, voulu par le cofondateur
de Microsoft Paul Allen, fait de l’ordinateur
un objet de musée, dont on suit l’évolution
comme dans une galerie d’histoire naturelle.
Les premiers appareils sont tellement volu-
mineux et bruyants que c’en est presque
amusant. De rarissimes Apple I, testés en
3 4
1976 dans le garage de Steve Jobs, sont aussi
exposés. On déambule entre les claviers et
les consoles vintage, pour se rappeler que
nos écrans familiers sont le fruit de toute
une histoire.
Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures. 2245 First
Avenue South. 20 € l’entrée plein tarif (16 € sur Internet).
www.livingcomputers.org
ligne de mire
Arc de triomphe.
par jean-michel tixier
Acide à miner.
nue à votre palais avant que le Heureusement, les desserts
ceviche de chinchard ne com- vous rattrapent au vol.
mence à jouer sa partition. Chocolat sur chocolat avec
Poisson bleu par excellence, un peu de framboise et de
PAR MARIE ALINE
vous appréciez sa finesse. noisettes (2). Et chez votre
Malheureusement, il nage invitée, un tres leches, gâteau
dans trop de jus d’orange. très gourmand venu d’Amé-
L’acidité de l’agrume, dont ça rique latine, imbibé de whisky,
n’est plus la saison, tue la déli- servi avec des kiwis marinés
catesse de la chair marine. dans de la menthe pour un peu
Les myrtilles et les patates de fraîcheur. Pourquoi pas.
douces sont, elles aussi, Vous repartez, le regard
noyées. Seul l’oignon rouge toujours aussi neutre, mais
garde la tête hors de cet uni- le verbe bien caché. Il ne sert
vers caustique (1). Cela vous à rien d’être mal aimable.
permet de reprendre pied
avant que le lieu jaune ne
tente de vous convaincre.
De l’autre côté de la table, le
cochon du Tarn, aubergine,
shiso, ricotta, est assez clas-
sique, pour ne pas dire sans
surprise. Le lieu jaune, lui, est
d’un nacré qui lui va à ravir.
VOUS ÊTES CET HOMME AU REGARD et un bar à shots, Chinaski est La cuisson est parfaite. Vous 1
NEUTRE ET AU VERBE BIEN PLACÉ. bien ancré dans ce quartier auriez préféré le manger nu.
Lorsque vous arrivez dans folklo-touristique qu’est la rue Car le « riz sauvage, chou kale
2
un endroit, votre bonjour ne Mouffetard, dans le 5e arron- et ail nouveau » cultive lui aussi
trompe personne. Vous êtes dissement de Paris. Comme une acidité déplacée. Le cuisi-
un territoire à conquérir. Les votre invitée l’aura compris, nier en avait parlé à la table
restaurants, vous les connais- vous n’êtes pas ravi. Mais la d’à côté, disant qu’il aimait
sez bien. Plus vous mangez, carte est aussi prometteuse jouer sur cette saveur espiègle.
plus vous êtes exigeant. Avec que l’équipe. Tous anciens du Vous pensez par-devers vous
vous, rien n’est jamais acquis. célébré Dersou, ils se sont que jouer requiert une subtilité
Un pied dans Chinaski, et vous affranchis du chef Taku Sekine absente de cette assiette.
êtes déjà déçu, vous préférez pour monter cette adresse au Vous sentez déjà que la
dîner dehors. Dedans, cela nom inspiré du réalisme sale
ressemble trop à un compte (dirty realism), un mouvement
Instagram. Tables en bois littéraire né aux États-Unis
déglingué collé sur du contre- dans les années 1970-1980. CHINASKI
plaqué, chaises design métal Chinaski, pseudonyme et alter
et bois, vaisselle de Malo, céra- ego fictionnel du romancier
miste en vogue, couteaux Charles Bukowski, est ici le lieu
Pallares Solsona (manche en d’expression de Jean-Adrien
bois, lame en acier oxydable), Buniazet, chef cuisinier passé
cuisine ouverte et luminaires par Dersou, donc, mais aussi 46, rue Daubenton, Paris 5e.
minimalistes si peu éclairants par Darroze et Le Meurice. Ouvert du mercredi au dimanche.
que la salle est sombre alors Vous en attendez du bon, En continu à partir de 9 heures
pour un café et des snacks,
que l’été bat son plein. même si vous êtes d’un naturel de 19 h 30 à 22 h 30 pour dîner.
La terrasse n’est pas des plus pessimiste. Tél. : 01 73 74 74 06.
joyeuses, mais c’est déjà Un verre de vin blanc vous www.chinaskiparis.com
Menu dîner à 35 €. La carte des vins vaut le Le gâteau tres leches et le Le ceviche de poisson bleu Chinaski a tout pour lui
détour, venir boire de bonnes bourgogne aligoté Allez et le cochon du Tarn. (casting, CV, décor, presse…),
bouteilles en journée en goûtons de chez Derain. peut-être trop. L’équipe,
grignotant les pitas maison. sincère, gagnerait à remettre
en question son travail
au quotidien.
72
les pêches
pochées
d’alain milliat
Pour 4 personnes
Étoile du verger.
bien au froid
Fleur de sel
(ou autre sel en cristaux)
i
Ouvrir les pêches en deux,
les peler, retirer le noyau et
AlAin MilliAt A longteMps souhAité les couper en segments (six
je vis toujours dAns lA
élever des Moutons et des chèvres. à huit selon la grosseur des
ferMe où j’Ai pAssé Mon pêches). Disposer les mor-
il est devenu producteur de jus de fruits
enfAnce, à Orliénas, au sud de ceaux dans un faitout, ajou-
hAut de gAMMe. son dessert fAvori, siMple ter 20 cl d’eau. Porter à fré-
Lyon : toute l’histoire de ma
et de sAison, Mêle ses deux pAssions. missement, ajouter le jus de
famille est ici. Mes parents, citron et le sachet d’épices.
grands-parents et arrière- par camille labro — photos julie balagué
ii
grands-parents étaient agricul- Poursuivre la cuisson
teurs, notre ferme familiale a été doucement, en remuant
plantée d’arbres fruitiers dès les délicatement pour
ne pas abîmer les fruits.
années 1940. La région des il y a des cycles, des gestations, piochées au hasard dans le Laisser cuire sur feu
coteaux lyonnais était, à l’époque, des naissances. À dix-huit ans, guide Relais & Châteaux. très doux pendant
très riche en production de je suis revenu aider mon père sur Cinquante-cinq sommeliers ont 5 à 10 minutes, jusqu’à ce
que les arômes soient bien
primeurs, j’ai grandi au milieu des notre exploitation, et j’ai peu à répondu positivement… Et c’est diffusés et les pêches entiè-
pêchers, poiriers, cerisiers, peu repris la ferme. J’ai installé ainsi que l’aventure de mes jus rement cuites et très moel-
fraisiers… J’étais de nature assez de nouvelles parcelles de vergers, « de dégustation » a démarré. leuses. Les prélever à l’écu-
moire et réserver à
contemplative, proche des élé- mais je préférais travailler avec Aujourd’hui, les fruits ne provien- température ambiante.
ments. L’année de ma naissance, les moutons. J’aurais bien aimé nent plus de mes vergers, la pro-
en 1965, mon père a planté des devenir éleveur, mais finalement, duction est trop importante, et iii
Dans des bols, disposer
pommiers à foison. Cela a permis le cœur brisé, j’ai dû me séparer je me suis rendu compte que ce environ 80 g de faisselle
de faire vivre la ferme pendant de nos bêtes, car nous n’avions n’est pas parce qu’on cultive soi- bien froide, garnir avec les
pas assez de pâturages pour que pêches compotées tièdes.
une bonne vingtaine d’années. même que la qualité est
Saupoudrer de fleur de sel
Nous produisions notamment cela soit économiquement viable. meilleure : je préfère sourcer les et d’une pincée d’épices
une pomme golden très savou- dAns les Années 1990, lA filière bonnes variétés au bon moment fraîches. Déguster aussitôt.
reuse, avec un profil aromatique « fruits frAis » A été rAttrApéepar de maturité. Je suis toujours en
qui plaisait beaucoup aux pâtis- la mondialisation, les zones de quête du meilleur fruit de saison,
siers. Mon père pratiquait la poly- production changeaient et j’ai la pomme juteuse, le raisin fin, la
culture et avait aussi un élevage décidé de prendre une tangente, poire aromatique. En été, j’adore
de moutons. J’ai toujours adoré en me spécialisant dans les jus. particulièrement les pêches de
les animaux. À quinze ans, je suis J’ai fait mes premiers essais vigne et les brugnons bien mûrs.
parti faire un stage dans un éle- avec les fruits de nos vergers, J’en fais un dessert très simple :
vage de chèvres. On y confec- en passant par un sous-traitant le fruit juste poché, infusé d’un
tionnait des fromages, à com- pour la fabrication. Il y avait peu d’épices pour la note exo-
mencer par les faisselles fraîches six parfums : pomme reinette, tique, une faisselle de chèvre
et légèrement salines – le premier abricot Bergeron, pêche de toute fraîche (ma passion de
stade de la transformation. J’en vigne, pomme-coing, poire toujours) et quelques cristaux
raffolais. Je me suis beaucoup plu d’été williams et poire d’automne de sel qui relèvent tous
à faire ça. Je trouve cela très passe-crassane. J’ai envoyé des les arômes.
apaisant de s’occuper d’animaux, échantillons à soixante adresses www.alain-milliat.com
produit intérieur brut
La reine-
des-prés.
par camille labro
illustration Patrick Pleutin
union libre
Bonne pêche.
COumE DEL mAs, AbyssEs, DOmAInE D’ICI LÀ, En mEssIEuRs,
COLLIOuRE, ROuGE, 2017 buGEy, GAmAy, 2018
Ce n’est pas parce que le mer- Premier millésime d’une jeune
lan frit est un plat de poisson vigneronne installée entre
qu’il ne peut pas se marier Rhône et montagnes abruptes,
avec un rouge. Au contraire, ce bugey, vivant, précis, léger
il a tant de caractère qu’un vin et bien assis, s’allie harmonieu-
profond et droit lui va bien. sement avec les produits
Ce jeune collioure a la frin- de la mer. Le merlan révèle
gance qu’il faut. Une alliance davantage son côté gourmand
étonnante, qui tranche. et spontané. L.G.
29 €. Tél. : 04-68-88-37-03. 14 €. Tél. : 06-70-39-32-28.
Pages réalisées par Chloé Aeberhardt, Vicky Chahine et Fiona Khalifa. Et aussi Marie Aline, Carine Bizet,
Claire Dhouailly, Stefania Di Petrillo, Isabelle Dupont, Laure Gasparotto, Marie Godfrain,
Camille Labro, Noémie Leclercq et Jean-Michel Tixier.
Raphael
Saadiq
sort son sixième album, “Jimmy Lee”.
Et renoue avec sa jeunesse, cernée
par la drogue, la violence et le racisme
de son pays. Par Clémentine Goldszal — Photos Cédric Viollet
Derrière le style
la soul dans les années 1990 et a pu constater en
quoi le rap est devenu la pop des années 2000.
Mieux : il a vécu toutes ces mutations, avec sa
carrière de producteur, notamment.
Membre d’un groupe de gospel au sortir de l’ado-
lescence, puis proche des pionniers A Tribe
tiré à quatre
Called Quest, il a collaboré avec Mary J. Blige,
Whitney Houston, Lionel Richie, Erykah Badu, Jill
Scott et John Legend. En 2016, il produit l’album
épingles de
A Seat at the Table pour Solange Knowles et co–
écrit la bande originale de la série d’Issa Rae, Raphael Saadiq,
son sourire un
Insecure. Si Raphael Saadiq, de son vrai nom
Charles Ray Wiggins, n’a jamais atteint le succès
de masse de ceux qu’il a pu côtoyer, il est resté,
peu mécanique
au fil des ans, fidèle à sa ligne, un esprit vintage
jamais poussiéreux, ce qui lui vaut le respect de
ses pairs et la fidélité du public.
Pour autant, sur Jimmy Lee, la nostalgie sixties de
ses deux précédents albums, The Way I See It
(2008) et Stone Rollin’ (2011), laisse place à un
et ses
son qui lorgne plus les derniers disques de
Michael Jackson, les années 2000 de Prince ou indéboulonnables
lunettes de vue,
les inspirations funk de Daft Punk que les mélo-
dies accrocheuses de la Motown ou de Chess. La
voix se passe de l’omniprésent autotune, qui défi-
se devine un
gure le hip-hop contemporain. Dans ses albums,
Saadiq sait chanter et ses productions ne se sont
jamais vraiment embarrassées de l’air du temps.
Aujourd’hui, il a encore l’air d’un jeune homme
et, s’il manie avec plus d’agilité la basse et la
guitare que l’art de l’interview, il en dit cepen-
instinct de survie
dant assez pour laisser deviner une rude crise
de la cinquantaine. « Ces dernières années,
confie-t-il, j’ai traversé une période assez
exceptionnel.
sombre. Mon père est mort il y a trois ans, j’ai
été trahi par mon manageur et ai découvert qu’il
avait été aidé par des amis à moi… Tout cela m’a
forcé à penser au passé, à ma jeunesse. »
Pendant cette période de doute, un ami d’en- gospel. « Il est né et a grandi en Louisiane, dit de
fance lui lance : « Ton addiction à toi, c’était la lui Raphael Saadiq. Tout en lui évoque ce son du
basse. » « Il a raison, ajoute Saadiq, nous sommes sud des États-Unis. Il y a quelques mois, alors
tous dépendants à notre manière. » que je travaillais déjà sur l’album, il est venu me
Dans les années 1970 et 1980, à Oakland, ville à trouver. J’ai enregistré avec lui une chanson de
l’est de San Francisco où se côtoient une gospel typique. Je l’ai laissé chanter et je me
vibrante et tumultueuse communauté africaine- suis contenté de faire les chœurs. »
américaine, des émigrés mexicains et des hip- Le gospel et le blues sont les cellules souches à
pies sur le retour, Saadiq grandit entre le son partir desquelles grandissent toutes les chan-
des tubes du moment, qui s’échappent des sons de Saadiq. « Quand mon album Stone
sonos des voitures des caïds du quartier, et les Rollin’ est sorti, en 2011, explique-t-il, tout le
airs de gospel, qu’il entend le dimanche matin à monde me demandait si j’aimais les Rolling
l’église baptiste fréquentée par sa mère. Il n’a Stones… » La réponse est oui (Saadiq a d’ailleurs
pas 10 ans quand l’un de ses frères aînés, guita- collaboré avec Mick Jagger, en 2011, pour une
riste, lui met une basse entre les mains et lui reprise, sur la scène des Grammy Awards, d’Eve-
apprend à jouer You Got The Love, le tube rybody Needs Somebody to Love, de Solomon
disco-funk de Chaka Khan. À la maison, l’un de Burke). « Mais, à travers les Stones, je voulais
ses oncles, révérend dans une église baptiste rendre hommage à Muddy Waters, dit-il, dont
d’East Oakland, l’engage dans son quartette l’un des premiers succès s’intitulait Rollin’ Stone.
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[C’est d’ailleurs pour lui rendre hommage que le se devine un instinct de survie exceptionnel qui
groupe britannique a choisi son nom.] Les l’a tenu éloigné des affres de la drogue ou de la
Anglais ont fait énormément pour la musique et mauvaise vie. Une mise à l’écart qui ne l’a pour-
la culture noires. En intitulant mon album ainsi, je tant pas coupé de ses racines, de cette jeunesse
voulais saluer cette tradition à ma manière. » pas forcément miséreuse mais cernée par la vio-
Huit ans plus tard, en se retournant sur son his- lence et le racisme. « Je n’en ai jamais été décon-
toire personnelle, c’est à un problème de société necté », répond-il crânement.
plus vaste que le musicien a décidé de s’atta- S’il connaît la réalité des quartiers populaires, du
quer : la drogue dans les quartiers populaires. racisme, de la drogue, il ne joue justement jamais
Dans les années 1980, Raphael Saadiq a assisté à la carte de l’artiste torturé. « L’angoisse de la
cette tragédie nationale, qui a emporté deux de page blanche, cela ne veut rien dire pour moi »,
ses frères et nombre de ses amis. Pourquoi eux fanfaronne-t-il. Et ce bon vivant d’ajouter : « Si ça
et pas lui ? Il répond curieusement. « Ils n’avaient m’arrive, cela signifie juste qu’il est temps d’aller
pas l’air bien, et moi je tenais à mon apparence. » faire autre chose, manger un morceau et boire
Car l’allure est primordiale chez celui qui porte un verre de vin. »
des costumes ajustés et ose sous-pulls prune,
Jimmy Lee (Columbia), de Raphael Saadiq.
trench rouille ou veste jaune. Derrière son style
En concert le 19 octobre au festival Nancy Jazz
tiré à quatre épingles, son sourire un peu méca- Pulsations et le 21 octobre à l’Élysée Montmartre,
nique et ses indéboulonnables lunettes de vue, 72, boulevard de Rochechouart, Paris 18 e.
Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. 1990 Universal Studios. All Rights Reserved. 2019 Elephant Films
sens de la liberté absolue allant de pair avec une
profonde corruption, lui sied à merveille. Havana
prend modèle sur Casablanca. Comme dans le film
de Michael Curtiz, Pollack imagine un triangle
amoureux déchiré par l’histoire en marche : une
Suédoise passée par les États-Unis, ralliée à la
révolution, est partagée entre son mari, militant
castriste, et ce joueur de poker, découvrant la
fragilité de la condition humaine et celle des senti-
ments amoureux. Au sein de ce trio, c’est le per-
sonnage, distant et inaccessible, de Redford qui
domine. Sa beauté interpelle par la barrière qu’elle
pose entre elle et le spectateur. La star se retrouve
prisonnière de son corps, comme son personnage
l’est ici de ses choix existentiels malheureux. Le
romantisme de Havana n’avait rien de complaisant
et ne séduisit personne lors de sa sortie. Le cinéma
de Pollack pouvait, à tort, apparaître désuet. Mais
c’était le chemin emprunté par le héros de Havana
qui se révélait déroutant tant il recelait un sens du
tragique insupportable pour le spectateur de
1990 : une vie ratée, un désert amoureux et spiri-
tuel, pour lesquels l’une des stars les plus estimées
de son époque devenait le véhicule idéal.
Robert Redford Havana (2 h 24), de sydney pollack, édité dans
interprète un un coffret DVD et blu-ray par elephant films.
joueur profes-
sionnel au Pages
destin raté, dans
le dernier film coordonnées
qu’il tourne avec par Clément
Sydney Pollack. Ghys
81
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
Compléter toute
I la grille avec des
chiffres allant de 1
à 9. Chacun ne doit
II être utilisé qu’une
seule fois par ligne,
III par colonne et par
carré de neuf cases.
IV
VI
Solution de la grille
VII précédente
VIII
IX
X
Bridge n o 414
Fédération Française de bridge
XI
XII
XIII
XIV
XV
Horizontalement I Bien de chez nous. II La dame du raja. Engage dans la voie de la canoni-
sation. III Le bon sens des mots et des termes. A souvent le beau rôle à la Bastille. IV Évitez
de la chercher. Gros fumeur nippon. Ville du Nigeria. V L’anglaise a une bonne mâchoire. Son
Théorème a marqué les esprits. Bout d’intestin. VI Deviennent vite des obsessions. Danois au
service de la marine russe. VII Sacrément protégée. Richement tissé. Donné pour approbation.
VIII Inutilisable. Assurerai le rapprochement. Note. IX Élément reproducteur. Dangereuse-
ment nourris. Article. X Donné par le hautbois. Parfumâtes à la badiane. Possessif. XI Très
sociable. Cité d’Abraham. Femme de lettre. XII Très proche. Vous n’en verrez pas la fin.
XIII Dieu solaire. Traîne sur les fonds. S’est aussi intéressé aux choux-fleurs. Bande. XIV Bien
raide. Très encombrées. Points opposés. XV Donnèrent une dimension sacrée.
Verticalement 1 Biens de chez nous, eux aussi. 2 Rabattais sans vergogne. Saura apprécier.
3 Ont déjà bien vécu. Paresse sous les tropiques. Ouvre les comptes. 4 Rejetés. Encadrent tout.
Préparés avant cuisson. 5 Crieront comme de jeunes piafs. Point matinal. 6 Service à l’ancienne.
Monnaie romaine. Grand lac, mais pas le plus grand.Voyelles. 7 Fraîches au lait cru, en principe.
Maîtrisa le sauvageon. 8 Cours espagnol. Me lançai. Essaie de vivre de ses droits. 9 Le temps
d’un tour. Passer sa chemise. Bout de rideau. 10 Au cœur du Cantal. De l’Oural à l’océan Paci-
fique. Écoles publiques. 11 Atome d’oxygène. Empoisonnée et empoisonnante. 12 S’envole
en partant.Te rendrais. Chemin de halage. Le strontium. 13 Sur la Saale en Thuringe. Romains
chez Vivaldi. Espiègle du Nord. 14 Ridicules en voulant suivre. Chevalier ou chevalière.
15 Évitez de leur tendre le cou. Conjonction.
Le mannequin
d’Anne Valérie Hash.
Après Avoir lAncé sA griffe puis Assuré lA direction Artistique
de comptoir des cotonniers, lA styliste frAnçAise œuvre désormAis
pour Bonpoint, mArque de mode enfAntine. ses collections déButent
souvent sur un stockmAn de tAille réduite.
propos recueillis par Vicky chahine
Plutôt que le croquis, j’ai toujours duquel il faut tourner, le rapport est diffé-
préféré l’approche 3D du vêtement. rent. S’approprier son mannequin est
J’aime draper, jouer avec la matière. la première chose que l’on apprend en arri-
Lorsque j’ai lancé ma marque, en 2001, j’ai vant à l’École de la chambre syndicale de
rencontré dans la rue Lou Lesage, qui avait la couture parisienne, où j’ai étudié. Il faut
alors 8 ans. Elle est devenue ma muse et ma marquer les lignes de repère avec du bol-
mannequin. J’utilisais des vêtements exis- duc puis construire les bras avec du carton
tants que je retaillais directement sur elle. et du kapok [une fibre végétale] pour le
Les proportions étaient petites, et elle rembourrage. C’est un exercice difficile
n’avait pas de formes, c’était plus facile de – pour ne pas dire traumatisant ! –, donc
créer des volumes. Quand elle a eu 15 ans, j’ai préféré acheter les bras de celui-ci.
nous avons cessé de travailler ensemble. Je l’ai beaucoup utilisé pour ma marque,
Peu avant, ce Stockman avait fait son appa- notamment pour mes collections haute
rition sur ma table de travail. Ce n’est pas couture et ma ligne Mademoiselle, destinée
un mannequin enfant, car il a des formes aux petites filles. Mais moins chez Comptoir
féminines, il doit plutôt servir de support des Cotonniers [dont elle a assuré la direc-
pour montrer des bijoux. Il est plus facile tion artistique de 2014 à 2016]. Je le gardais
d’exprimer ce que l’on veut sur un petit à la maison, sur mon bureau. J’ai eu beau-
format. C’est comme une maquette, ça me coup de plaisir à le retrouver quand j’ai
rassure et me permet de mieux visualiser. commencé chez Bonpoint, en mars. C’est
Une fois munie de mes épingles, que j’ai sur lui que j’ai imaginé le premier pull
toujours sur moi, et de tissu – du jersey, de et la première robe. Aujourd’hui, il fait les
la soie, du coton, de la laine… –, je m’assois allers-retours entre le bureau et la maison.
Anne-Valérie Hash
présentée par
ALEXANDRE ADLER
Une collection pour revivre
l’histoire de l’humanité
3
LE VOLUME 1
€
,99
SEULEMENT
En partenariat avec