Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
Salomon Resnik
ERES | « Connexions »
2006/1 no 85 | pages 37 à 45
ISSN 0337-3126
ISBN 2-7492-0609-X
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-connexions-2006-1-page-37.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Salomon Resnik
Le style du psychanalyste
CONNEXIONS 85/2006-1
Connexion 85 14/06/06 11:16 Page 38
38 Salomon Resnik
Théorie et technique
Le style du psychanalyste 39
objets-jouets.
La fonction du transfert interpersonnel est de déclencher un trans-
fert intrapsychique entre les parties dissociées du patient. Dans le cas de
Mlle M., sa bisexualité psychique, la partie masculine et féminine peu-
vent s’entendre au niveau infantile, si chacun peut liquéfier ses duretés
et laisser sortir ses objets internes ludiques. Jouer avec ses idées
ludiques permet de résoudre un rite de passage, une situation drama-
tique qui évolue de l’enfance à l’adolescence. L’élément révélateur de
ce processus est l’inévitable deuil, qui signifie abandonner un stade,
l’enfance (abandonner quelques jouets), pour entrer petit à petit dans le
monde des adultes.
D’après Arnold van Gennep 2, dans chaque culture, tout passage au
cours de la vie est ritualisé. Pour revenir au tableau, la rivière qui sort
de la tête de l’homme peut représenter un état d’hémorragie psychique
(si la blessure narcissique s’ouvre) si l’acceptation de la féminité
implique un traumatisme psychique de la partie mentale. Dans la
mythologie indienne, l’âme, au moment de la mort, sort par la fonta-
nelle. Le passage à l’adolescence, comme tout grand changement dans
la vie, est une sorte de mort et de résurrection.
40 Salomon Resnik
nelle, peut être conçue comme le logos de la techne qui essaie de mettre
à la lumière du jour (sur le champ analytique) ce qui était invisible ou
trop visible, aveuglant, pour être remarqué 5.
L’écoute analytique doit être comprise en termes d’une expérience
intentionnellement dialoguante avec « tous les sens » ; on écoute avec
tous les sens, les yeux, la peau, le nez, avec toute la sensorialité réveillée
ou vivante. La rencontre psychanalytique est une relation corps à corps,
une rencontre sensorielle et émotive.
Dans le monde de la psychose – qui est mon domaine –, il s’agit
d’évoquer et recréer un « logos » originaire, fondamental et « univer-
sel » à la fois. Un logos qui s’exprime à travers le corps, le silence, la
parole et la « climatique » (Stimmung) du transfert. Le traitement psy-
chanalytique de la psychose implique une confrontation profonde et
directe avec le langage de l’inconscient : ses règles et ses lois, sa
logique.
Le style du psychanalyste 41
sant devant le café du coin, je vois Samuel, assis, avec une tasse de café
comme d’habitude (depuis quelques années, il paraît commencer la
séance dans le café, halluciné, en parlant avec moi). Je crois avoir com-
pris que le territoire du transfert s’étend et se prolonge dans le quartier,
où certains lieux (tel le café) deviennent des lieux privilégiés.
Ce jour-là, je m’approche de lui en lui demandant : « Tu as com-
mencé déjà ? » ; et il répond : « J’attends la séance, je n’hallucine pas,
je parlais avec mon ombre. » Il se met debout, avec un sourire amical,
et tous les deux nous marchons vers notre espace analytique formel.
Une fois passé le seuil de la porte verte de mon immeuble, il continue à
parler des ombres et des hommes noirs… Dans le cabinet même, on
décide de faire un dessin de notre itinéraire. Il est assez habile pour des-
siner, c’est donc lui qui se saisit du crayon. Il prend une feuille de papier
et commence à faire son schéma. Ainsi, il dessine l’angle du café situé
entre la rue Bonaparte et la rue Jacob. Et il dit : « Tout corps a son
ombre.
– Est-ce que j’ai aussi une ombre ? », lui demandai-je.
Il répond : « Il y a mon ombre et la vôtre. » Et dans le dessin, il y a
une juxtaposition de nos deux ombres qui configurent un triangle
s’étendant du café à la porte de l’immeuble. Il se produit, ainsi, une
rétraction, une réduction de l’espace de transfert (shrinking process) sur
la page du dessin.
Connexion 85 14/06/06 11:17 Page 42
42 Salomon Resnik
Le style du psychanalyste 43
Discussion
44 Salomon Resnik
6. Freud, The Antithetical Meaning of Primal Words, 1910, vol. XI, p. 153, S.E., The Hogarth
Press, London, 1958.
7. Voir The Dream-Work, p. 318, vol. IV, Standard Edition, London, The Hogarth Press, 1958.
8. Ignacio Matte Blanco, The Unconscious as Infinite Sets, London, Duckworth, 1975.
9. Hanna Segal, The Work of Hanna Segal, New York, London, Jason Aronson, 1981.
Connexion 85 14/06/06 11:17 Page 45
Le style du psychanalyste 45
esprit étaient évacuées par le nez sous forme de sentiments liquides (the
liquefied thoughts, that could not be tolerated in the mind, were eva-
cuated through the nose as liquefied feelings). J’imagine qu’ici il s’agis-
sait de pensées tristes, les « leaking thoughts » qui pouvaient se
transformer en larmes (tears).
Conclusion