Sunteți pe pagina 1din 125

5-119Distribution électronique Cairn

pour Presses Universitaires de France


© Presses Universitaires de France.
Tous droits réservés pour tous pays. Il
est interdit, sauf accord préalable et
écrit de l’éditeur, de reproduire
(notamment par photocopie)
partiellement ou totalement le
présent article, de le stocker dans une
banque de données ou de le
communiquer au public sous quelque
forme et de quelque manière que ce
soit.

La cure type [1]
Maurice Bouvet
Maurice Bouvet aura pu, avant sa disparition en 1960, à quarante-
huit ans, nous laisser des textes qui, avec cinquante années de recul,
apparaissent toujours porteurs d’une expérience féconde et comme
tels irremplaçables. Personnage secret, jouissant d’une estime
considérable – y compris de la part de Lacan, avant la scission après
laquelle il brocardera son œuvre – il a eu une influence considérable
sur la pensée psychanalytique en France et sur nombre d’auteurs :
Pierre Marty, Michel de M’Uzan, André Green, Christian David et
bien d’autres parmi lesquels on peut citer Daniel Lagache ou J.-B.
Pontalis.

1 - Introduction

1
Avant d’essayer une esquisse de la cure psychanalytique dite
« type », je crois nécessaire d’indiquer tout d’abord que la technique,
dont la description va suivre, est celle communément employée par
les psychanalystes depuis que Freud, dans toute une série d’articles

1
échelonnés depuis 1904 jusqu’en 1937, Analyse terminée et
interminable, en a fixé les grandes lignes.
2
Il ne saurait donc s’agir, dans ce court rappel essentiellement
descriptif, des premières formes de psychothérapie dont Freud a usé
(analyse cathartique), et qu’il a abandonnées précisément parce
qu’une série de difficultés en rendaient le maniement difficile ; car
c’est là un aspect historique de cette question de la cure
psychanalytique, dont le détail est hors de mon sujet.
3
Je dois ajouter aussi qu’il sera fait dans cette description, qui n’est
compréhensible que si l’on admet les derniers remaniements que
Freud fit subir à la théorie psychanalytique en 1926 (environ), un
large usage des éclaircissements qui résultent de l’ensemble des
travaux théoriques et pratiques qui ont marqué ces dernières
années.
4
Ainsi ce chapitre sera composé, avant tout, dans le but de donner au
lecteur une image aussi vivante que possible de ce qui se passe entre
le médecin et son malade au cours d’un traitement, dont le
maniement peut paraître, de prime abord, réglé par une sorte de
destin bon ou mauvais qui échapperait, dans son essence, à tout
essai de normalisation. Je ne crains pas d’employer ce terme,
justement parce que, dans la rigidité qu’il implique, il fait image et
que, dans son outrance même, il marque combien je trouve
insoutenable la position de ceux qui, faisant état de l’importance de
l’intuition dans le travail analytique, ne veulent pas admettre la
nécessité impérieuse d’une représentation aussi exacte et aussi claire
que possible, et à tout moment, des effets obtenus et de méthodes
nécessaires. C’est là un préjugé qui reste encore bien vivace. S’il est
tout à fait primordial que l’analyste puisse sans obstacle s’identifier
sans cesse à son patient, c’est-à-dire éprouver exactement à tout
instant ce que celui-ci éprouve, seule condition dans laquelle il peut
apprécier : la puissance des poussées instinctuelles, la capacité

2
d’intégration du Moi, et l’importance des forces refoulantes, il n’en
reste pas moins que, si la condition indispensable de toute
intégration au Moi est pour le sujet la verbalisation, celle-ci reste
pour l’analyste d’une nécessité absolue, cette forme de verbalisation
supérieure qui aboutit à une mise en forme satisfaisante du cas dans
son ensemble, obligation qui implique une conception
métapsychologique précise du cas traité. C’est en alliant
harmonieusement, et au même instant, une intuition sûre à une
claire représentation de l’économie, de la dynamique et de la topique
des activités du sujet, que l’on peut faire donner à la thérapeutique
analytique son rendement maximum, c’est en ayant une telle
attitude que l’on évitera à la fois, et une tendance mégalomaniaque à
croire aux pouvoirs illimités de la thérapeutique analytique, et une
attitude timorée à l’endroit de son efficacité. C’est seulement ainsi
que le psychothérapeute pourra remplir cette condition nécessaire à
toute psychothérapie rationnelle, savoir, comme le dit Fenichel, à
tout moment ce qu’il fait et pourquoi il le fait.
5
Ainsi cet exposé, que je chercherai à illustrer aussi souvent que
possible par des exemples cliniques auxquels malheureusement je
ne pourrai faire allusion qu’à de rares moments et de façon trop
partielle, étant donné le petit nombre de pages dont je dispose,
m’obligera inévitablement à user de certaines notions théoriques
élémentaires d’un usage courant, et que nous employons
constamment dans notre enseignement clinique journalier au cours
des séminaires de contrôle, qui consistent, comme chacun le sait, en
une discussion en groupe restreint des premières thérapies
entreprises par de jeunes collègues. Les notions théoriques utilisées
dans ce travail seront donc celles, élémentaires, rappelées par Freud
dans ses œuvres les plus classiques : Inhibition, symptômes et
angoisses – Abrégé de psychanalyse, par exemple, sont
uniformément employées par tous les auteurs contemporains. Pour
ne pas alourdir cet exposé, je les supposerai, dans l’ensemble,

3
connues, renvoyant le lecteur à l’article de S. Nacht, qui, dans la
même partie de ce traité, les a exposées de façon systématique [2].
6
Peut-être me reprochera-t-on de faire ici une théorie de la technique
plutôt que d’exposer une cure normale, mais, comme je viens de
l’indiquer, je crois qu’il n’est pas question de cure et de technique
analytique sans théorie de cette technique. On peut discuter du bien-
fondé de certains concepts freudiens, mais qu’il me soit permis de
rappeler que la théorie analytique est née de la pratique, et que leurs
interréactions ont été continuelles, si bien que certains auteurs (S.
Nacht) ont pu écrire un livre en l’intitulant De la pratique à la
théorie analytique. L’exemple le plus saisissant peut-être de cette
étroite alliance entre l’une et l’autre nous est donné dans l’histoire
du transfert.
7
Freud, qui était un médecin, et qui ne fut un théoricien que par
nécessité, modifia ses conceptions théoriques en fonction de sa
pratique, comme le rappelle Lagache dansson rapport sur le
transfert ; il s’efforce de transformer chaque difficulté pratique qu’il
surmontera en une occasion de progrès, et c’est ainsi que le
transfert, originalement connu comme le principal obstacle à la
remémoration, c’est-à-dire au passage dans la conscience de ce qui
était devenu inconscient, devint l’instrument essentiel de la cure
analytique, tout en gardant par certains côtés son caractère de
résistance.
8
Il n’est pas, je pense, nécessaire de rappeler que le concept, la
description du transfert, la signification métapsychologique de ce
phénomène furent l’objet de travaux innombrables ; je me bornerai
simplement à rappeler ici un mot de S. Nacht : « La littérature du
transfert ? Mais c’est toute la littérature analytique ! »
9
Évolution des conceptions sur le développement de la
personnalité. — C’est précisément la nécessité d’adapter une théorie
sans cesse confrontée aux faits qui a amené Freud à apporter autour

4
des années 1926 les importantes modifications que l’on sait à sa
théorie du développement de la personnalité et des névroses. C’est
parce qu’une représentation rationnelle et exacte des faits l’imposait
que l’accent était mis sur l’importance de la régression et de la
fixation libidinale dans la pathogénie des névroses, au détriment de
celle accordée au traumatisme isolé, que le concept de défense était
repris et généralisé, que le refoulement des pulsions agressives
apparaissait, plus que celui des pulsions libidinales responsables des
symptômes observés, et que le Surmoi était isolé. C’est aussi
l’observation des faits qui amenèrent les chercheurs, après Melanie
Klein, continuant elle-même l’œuvre de certains des premiers élèves
de Freud : Abraham, Ferenczi, par exemple, et de Freud lui-même,
comme en témoigne le travail de Mme Mack Brunswick, ou les
dernières descriptions de J. Lampl de Groot, à accorder une
importance toujours croissante aux phases préœdipiennes du
développement et aux conséquences de la résolution imparfaite des
conflits de ces phases sur le développement du Moi. Tant et si bien,
d’ailleurs, que l’on peut, à l’heure actuelle, parler d’analyse du
Moi, et que l’un de mes maîtres me disait tout récemment que le mot
d’inconscient avait presque disparu des travaux analytiques
contemporains ; ce n’était là évidemment qu’une boutade, mais qui
traduit cependant bien cette préoccupation dominante des analystes
de nos jours, d’obvier aux déficiences importantes du Moi qui,
jusqu’à la période contemporaine, ou mieux, immédiatement
contemporaine, semblaient constituer la limite des indications de
l’analyse, car il semble précisément que l’étude du rôle des conflits
préœdipiens (Servadio, 1953) ait amené les chercheurs (Federn,
Anna Freud, Hartmann, Nacht, Nunberg, Schilder) à s’apercevoir
que les grandes déficiences du Moi, comme j’ai essayé de le
démontrer moi-même dans mes diverses études sur la névrose
obsessionnelle et comme me l’a montré mon expérience clinique par
l’analyse des névroses fortement défendues (Colloque de la Société
psychanalytique de Paris, introduit en octobre 1953 par
Grunberger), sont imputables à la non-résolution des conflits des

5
phases primaires du développement, alors que le Moi était
précisément en train d’asseoir les fondements de sa structure. Les
études consacrées à la psychologie analytique du Moi sont
innombrables. Mais parmi celles qui s’intéressent plus
particulièrement à l’incidence sur le Moi des conflits préœdipiens,
citons celles de : Glover, Hendrick, Hoffer, Melanie Klein, Lacan.
10
Que l’incapacité à surmonter les difficultés des premiers temps de la
vie soit considérée comme de nature à priver le Moi de certaines
fonctions instrumentales (Hendrick) ou, d’une manière plus
générale, à nuire au déroulement de certains processus
d’identification (Lacan), que l’on discute sur la valeur de la notion
d’objet partiel (Glover), sur le moment où il est correct de parler
d’« objet » (M. Klein, Glover, Spitz, Nacht), n’enlève rien au fait que
certaines insuffisances plus ou moins apparentes du Moi me
semblent réductibles par la seule analyse au prix d’un long travail, il
est vrai, et l’on saisit tout de suite quelle importance théorique et
technique peut avoir cette constatation, car aussi bien si elle
n’implique nullement une méconnaissance de l’importance des
facteurs congénitaux, organiques et psychiques, tout aussi bien que
des agressions organiques dans la pathogénie des névroses, elle
permet, dans certaines limites, d’affirmer la possibilité de dépasser
certaines impuissances thérapeutiques actuelles au prix d’une
thérapeutique tout autant rigoureuse dans son substrat rationnel
que souple et adaptée dans son application (Rosenfeld). En se
plaçant sous l’angle de l’analyse du Moi, depuis de nombreuses
années, pour ne pas dire depuis le début, car Freud n’a-t-il pas
affirmé que nous ne connaissions l’Inconscient qu’à travers et par le
Moi, la pensée analytique s’est engagée dans une voie qui
démontrera une fois de plus et le bien-fondé de l’ensemble de sa
conception de la vie de l’esprit, et l’efficience pratique de la thérapie
du procédé thérapeutique qui en découle. Si je manque peut-être du
recul nécessaire pour justifier une telle affirmation, j’ai tout au
moins, comme bien d’autres, constaté que l’on pouvait dépasser la

6
rectification des variations psychologiques dites normales, et venir à
bout par l’analyse des conflits prégénitaux des résistances en
apparence les plus irréductibles. Il ne s’agit pas là, bien entendu,
d’une affirmation qui prétend avoir une portée universelle, mais
simplement reposer sur quelques cas. Dans d’autres disciplines, des
auteurs n’ont pas hésité (Goldstein), par exemple, à revenir à l’étude
du particulier, et leurs conceptions ne s’en sont pas moins montrées
fécondes. Au surplus, les analystes les plus rigoureux dans leurs
constructions (Glover :Concepts de base, etc.), n’en reconnaissent
pas moins l’importance des conflits prégénitaux dans les avatars de
la structuration du Moi.
11
Peut-être aussi me reprochera-t-on d’avoir fait de cet article une
paraphrase maladroite du livre de Fenichel sur certains problèmes
de technique analytique. Ce reproche sera certainement en partie
justifié, mais s’il en est ainsi, n’est-ce pas parce qu’il est bien difficile
de faire autrement, alors que cet ouvrage a fixé l’état de la question
au moment de sa parution (1941) sur la base d’une énorme
documentation. Ce qui d’ailleurs rend inévitable que cette
présentation soit à beaucoup d’égards une théorie de la technique,
c’est que mon projet initial le comporte inévitablement.
12
Dès qu’il me fut donné en effet d’exposer les thèses analytiques
(Conférences Henri Ey), j’ai eu le souci de démontrer à mon
auditoire de jeunes psychiatres qu’il n’y avait rien de plus rationnel
que la technique analytique dite normale, et je pense, maintenant
encore plus qu’alors, mon expérience n’ayant fait qu’accroître ma
certitude, que je ne saurais donner une meilleure image de la cure
normale autrement qu’en me plaçant sous cet angle. Je vais donc
m’efforcer de démontrer, dans les limites que l’espace qui m’est
imparti me donne, que si l’objet de l’étude analytique est
l’irrationnel, la méthode d’approche analytique est précisément ce
qu’il y a de plus rationnel et ceci dans le concret des faits.
13

7
Buts de l’analyse. Nécessité des « dispositions » de l’analyse
classique. — Comme je l’ai laissé entendre plus haut en parlant de
l’analyse du Moi, le but de la psychothérapie analytique a toujours
été de renforcer la puissance du Moi, et ce n’est que pour marquer le
report de l’intérêt sur la défense du Moi que l’on a pu parler
d’analyse du Moi ; Freud, en effet, n’a-t-il pas défini le but de
l’analyse en se plaçant à un point de vue topique, c’est-à-dire sur le
plan de la représentation, par une sorte de schéma topographique
des différentes instances fonctionnelles de la psyché (ce que bien des
auteurs non analystes ont pris au sens littéral, d’une division de
l’esprit en secteurs localisés, alors que Freud avait pris soin de bien
spécifier qu’il ne s’agissait là que d’une métaphore didactique),
comme étant de rendre conscient ce qui était devenu inconscient, et,
en se plaçant à un point de vue dynamique et économique, comme
devant mettre à la disposition du Moi toutes les énergies employées
dans l’exercice des techniques de défense, qui ont elles-mêmes pour
effet d’exclure des disponibilités du Moi certaines potentialités
énergétiques instinctuelles.
14
Je voudrais plus précisément m’attacher, avant de décrire les
différents moments de la cure analytique d’une façon, d’ailleurs, qui
ne peut être que forcément un peu artificielle, à montrer comment
ce que l’on a tendance à appeler le rituel de l’analyse classique est
fait d’un ensemble de dispositions opératoires, dont la nécessité
impérieuse a été démontrée par l’expérience, s’accorde parfaitement
avec la théorie, et, hormis des cas spéciaux relevant de nécessités
tactiques, résultant précisément de certaines défectuosités plus
particulièrement prononcées du Moi, dont l’observance est
absolument indispensable, pour que soit obtenu le résultat cherché :
le renforcement du Moi par la mise à sa disposition de toutes les
énergies instinctuelles, ce qui implique, d’ailleurs, la réintégration
dans la conscience de ce qui était devenu inconscient.
15

8
Je pense que cette partie de mon exposé pourra paraître quelque peu
obscure à ceux qui ne sont pas familiarisés de longue date avec les
notions métapsychologiques de base, mais en leur demandant de
bien vouloir se reporter aux parties de ce traité qui sont consacrées à
leur discussion, je schématiserai ainsi les faits, même si je ne puis
éviter une simplification outrancière.
16
Un Moi fort, dit Glover (la notion de force ou de faiblesse du Moi),
est celui qui réussit à accorder la nécessité d’une décharge aussi
grande que possible des énergies instinctuelles dans le monde
extérieur avec les nécessités imposées précisément par la réalité
extérieure. Une telle définition est conforme au rôle que Freud
assigne au Moi, organe d’adaptation d’énergies, non élaborées,
divergentes, contradictoires du Ça (traduction psychologique directe
des activités organiques) dont il fait la synthèse. Chaque fois que le
Moi a été incapable de s’adapter à une situation extérieure en
coordonnant les énergies instinctuelles en une réponse efficiente et
adaptée, ces situations ont entraîné un état de tension douloureux et
elles ont pris de ce fait un caractère traumatisant. Toute situation
qui, même analogiquement, peut évoquer une situation
traumatique, entraîne la mise en œuvre d’une série de mesures de
défense visant à exclure de la conscience et du comportement tout
contenu qui puisse renouveler la souffrance de l’expérience
traumatique de ces mesures de défense ; le refoulement est la plus
anciennement connue, mais non la seule, et cette défense entre en
jeu chaque fois qu’une situation actuelle évoque la situation, ou
mieux, les situations microtraumatiques. Et c’est ainsi que l’analyse
ne peut logiquement n’avoir pour but que de permettre au Moi de
faire face aux situations traumatiques, inévitablement résurgentes
dans le cadre de la situation analytique, étant donné les
caractéristiques spécifiques de celle-ci, ce qui ne peut avoir pour
résultat que d’amener l’abandon des défenses habituellement
utilisées, y compris les amnésies de refoulement. « Rendre conscient
ce qui était inconscient », tout aussi bien que de mettre un terme aux

9
pertes énergétiques consenties, tout autant dans l’exclusion de
certaines potentialités instinctuelles que dans l’exercice de la
défense.
17
Ainsi, que l’on définisse les buts de l’analyse d’un point de vue
topique, énergétique ou dynamique, celle-ci tend à fortifier le Moi en
augmentant sa zone d’influence et en multipliant les forces mises à
sa disposition. Il faut d’ailleurs ajouter que cette manière de définir
la situation analytique, en se plaçant d’une façon univoque, du seul
point de vue du sujet, et en ne considérant l’analyste que comme un
miroir inerte, pour si classique qu’elle soit, est tout à fait
insuffisante. L’analyste est un miroir, certes, et il prend toutes les
précautions nécessaires pour ne réfléchir au sujet, que l’image que
celui-ci projette sur lui, c’est-à-dire les imago parentales au sens
large du terme, qu’il porte en lui et dont l’ensemble constitue le
Surmoi, qu’au cours de l’analyse et dans le transfert il tendra à
extérioriser sur l’opérateur, le chargeant ainsi d’être une
personnification des forces refoulantes dont le conflit avec l’instinct
est une des formes les plus simples du conflit endopsychique, dont la
résultante au niveau du Moi est l’anxiété, ce qui explique les
défenses. Il est de plus un miroir vivant et ceci est d’une importance
que, pour ma part, je crois exceptionnelle et sur laquelle Lacan a
longuement insisté à très juste titre dans toute une série de travaux.
Tout au long de l’analyse, le Moi est aidé dans sa structuration par
des effets d’identification à l’analyste, éprouvé comme une
personnification de la logique et de ce que l’on est convenu d’appeler
l’objectivité ; telle est du moins une imago qui tendra à se dégager
peu à peu de la projection du Surmoi, se confondant, au début, avec
ce Surmoi auxiliaire permissif et magiquement tout-puissant, auquel
Strachey a accordé une si grande importance, et qui, dès le début,
joue, quoique en sourdine, un rôle essentiel.
18
Comme le fait remarquer Fenichel, la partie du Moi qui observe
s’identifie à l’analyste, c’est-à-dire que l’analyste apporte quelque

10
chose à l’analysé, quelque chose de subtil, de peu voyant, que
l’intensité des projections de l’analysé oblitère constamment, mais
qui n’en joue pas moins un rôle actif et considérable, peut-être
comparable, dans les cas où la régression et la fixation libidinales
combinées ont entraîné une importante régression du Moi, au rôle
normatif que joue la Gestalt de la mère dans les premiers mois de la
vie de l’enfant.
19
Je voudrais montrer tout d’abord que l’ensemble des règles
essentielles de la technique analytique classique forme un tout
harmonieux, tendant à placer le sujet dans les conditions les
meilleures pour que soit possible cet enrichissement ou même cette
structuration du Moi, qui reste le but ultime de la thérapie
analytique, puis je décrirai successivement les divers moments
naturels de l’analyse, son début, son déroulement et sa terminaison.
Je n’ai pu éviter à de nombreuses reprises des répétitions, mais
outre qu’elles m’ont semblé indispensables pour que l’ensemble du
texte prenne toute sa signification, elles m’ont paru justifiées du fait
qu’un aspect nouveau du même problème particulier se trouvait
évoqué à chacun des passages où je les ai maintenues.

Règles techniques essentielles et leur signification

20
L’ensemble des procédés techniques utilisés dans la cure
psychanalytique tend à réaliser un certain nombre de conditions
nécessaires pour que soit obtenu le résultat cherché : l’amélioration
de l’état du Moi.
21
Ces règles ont été exposées par Freud entre 1904 et 1919 dans une
série d’articles qui constituent ses écrits techniques. Elles n’ont,
depuis leur élaboration première, subi aucune modification
essentielle ; tout au plus furent-elles adaptées, dans des cas
particuliers, aux exigences d’une situation toute spéciale.
22

11
Il n’en reste pas moins que ces règles, pour si nécessaires que soient
les conditions qu’elles impliquent à la réalisation du but poursuivi,
n’en ont pour autant aucun caractère de rigidité. Elles requièrent
dans leur application, avant tout celle de l’esprit et non de la lettre,
sans quoi elles ne serviraient qu’à couvrir d’une rationalisation, je
veux dire par là, d’une fausse justification, une représentation rigide
du rapport entre le médecin et son malade, et ce n’est pas là l’un des
moindres obstacles à l’usage fécond de la technique que ce refuge
dans l’exercice d’une prescription jusqu’à l’absurde, attitude qui
traduit tout aussi bien les embarras intérieurs de l’opérateur que la
difficulté qu’il a à « cadrer » le cas, à s’en faire une image à la fois
vivante et précise. C’est donc l’esprit qui les anime plus que le détail
de leur formulation que je veux ici montrer, et c’est pour cela que j’ai
choisi d’en dire la signification. Les comprendre, en effet, évite tout
aussi bien d’en poursuivre l’application avec ce rien de rigueur en
trop qui peut rendre l’analyse véritablement dangereuse ou au
minimum inefficace, soit que l’analyste méconnaisse certains appels
au secours qui, restés sans écho, précéderont les pires catastrophes,
soit qu’il donne au patient l’exemple d’une conduite d’une rigidité
quasi obsessionnelle, alors qu’il devrait lui apporter la liberté.
L’attitude opposée n’est guère plus rassurante, car ces règles, issues
de l’expérience profonde et sans cesse contrôlée d’un homme de
génie, revêtent un caractère de nécessité ; leur transgression
excessive, tout aussi bien que trop souvent répétée, entraîne
inévitablement une telle complication des rapports
interpsychologiques, car toute transgression est vécue par le patient
comme une attitude active, une conduite humaine chargée de sens,
avec tous les retentissements, les réactions que cela implique, qu’une
situation vécue de la vie courante et inanalysable parce que justifiée
remplace la situation analytique initiale, où le patient pouvait se
scruter dans un miroir. Il n’est évidemment que le contrôle et mieux,
la connaissance, ou mieux encore, l’extrême modération, ce qui n’est
nullement l’indifférence foncière, de ses réactions intimes qui
permettront à l’analyste d’appliquer à bon escient et comme il

12
convient une technique qui est tout le contraire d’un formulaire (j’y
reviendrai plus loin), mais voyons maintenant à quelles conditions
nécessaires au but final concourent les règles.
23
Conditions nécessaires pour une psychanalyse efficace. — Pour
obtenir ces modifications structurales du Moi auquel je faisais
allusion plus haut, il faut, dans le même temps :
1. Placer le sujet dans des conditions opératoires constantes.
2. Favoriser le relâchement des attitudes de contrôle, dont il use
communément.
3. Lui laisser en même temps ses capacités d’observation habituelles.
4. Ne pas lui permettre de trouver dans l’usage même de la cure, et
sans qu’il s’en rende compte, l’aliment nécessaire à ses besoins
sous leur forme actuelle.
24
C’est alors, mais alors seulement, que ce qui est devenu inconscient
pourra redevenir conscient, en même temps que se produiront les
modifications dynamiques internes, mettant à la disposition du Moi
les plus grandes quantités possibles d’énergies instinctuelles.
25
Il est à peine besoin de faire remarquer que les quatre conditions
que je viens d’énoncer sont indubitablement indispensables pour
que puisse se produire le double effet, sans quoi tout enrichissement
du Moi devient illusoire : la remémoration, qui ouvre l’accès aux
expériences passées, et la reviviscence émotionnelle, sans quoi la
remémoration reste incomplète, purement idéative et isolée du
contexte affectif de l’expérience autrefois vécue, ce qui ne permet
plus au sujet de faire face à une véritable situation traumatique,
revécue dans le cadre de l’analyse, et d’en surmonter les
conséquences qui, jusqu’ici déguisées, n’en demeuraient pas moins
vivantes en lui.
26
Si, en effet, les conditions dans lesquelles l’expérience analytique se
déroule ne sont pas rigoureusement constantes, si elles restent
soumises à l’arbitraire de l’observateur, le sujet répondra, comme je

13
l’ai écrit plus haut, à ces variations dans le protocole de la cure, par
des réactions qui lui apparaîtront justifiées, et dans lesquelles il ne
verra, à juste titre d’ailleurs, rien qui doive être imputé à une
quelconque réaction inadéquate de sa part ; même s’il est manifeste
que sa réponse est orientée par une certaine manière de réagir qui
lui est propre, il n’en saisira pas le caractère individuel, pour la
bonne raison que le Moi qui s’est figé dans un type de réponse
stéréotypé à une excitation extérieure, est incapable de percevoir
l’automatisme de sa réponse ; il l’a faite sienne à un tel point que
toute discussion de sa signification profonde lui échappe et qu’il
trouve « toute naturelle » sa réponse, comme le montrent si
éloquemment les difficultés de l’analyse des conflits gelés dans des
traits de caractère, ou, pour être plus clair, de la solution apportée à
un conflit, par exemple, entre une pulsion et son interdiction, par le
compromis qui s’y exprime.
27
Que le sujet trouve secrètement dans l’analyse les satisfactions
indispensables au maintien de l’équilibre relatif qu’il a si
péniblement acquis en construisant sa névrose, car toute névrose est
la tentative, la seule tentative qui eût été possible de résolution
spontanée du conflit endopsychique et d’évitement de la situation
extérieure, rendue dangereuse par la projection dans le monde
externe des éléments du conflit endopsychique, et le sujet ne sera
plus motivé à faire un effort vigoureux pour se dégager de sa
névrose. Si Freud nous a recommandé, dans les Voies de la
thérapeutique analytique, de veiller à ce que le sujet ne trouve pas
dans l’analyse un adoucissement trop marqué à ses souffrances en
obtenant à travers l’attitude compréhensive, quoique dans ce cas
insuffisamment clairvoyante du thérapeute, un apaisement
prématuré, c’est-à-dire une satisfaction de ses besoins instinctuels
tels qu’à travers leurs déguisements et leurs atténuations ils peuvent
s’exprimer, c’est qu’il avait éprouvé combien les
satisfactions indispensables à tout être humain, obtenues dans la
construction névrotique, sont stérilisantes et ne peuvent que

14
stabiliser cette construction vicieuse mais efficace, cette cote mal
taillée, mais seule possible, que le sujet a longuement et patiemment
élaborée au cours de toute une vie.
28
Je n’insisterai guère sur les deux autres conditions nécessaires à la
réalisation de la tâche que l’analyse thérapeutique se propose sauf
peut-être sur la nécessité de maintenir intactes les capacités
d’observation du Moi. En effet, la nécessité du relâchement des
attitudes de contrôle, indispensable à la libre extériorisation du
matériel psychique, tout le monde la connaît, et je serai par ailleurs
amené à en parler longuement lorsque j’aborderai l’étude de
l’association libre des idées que favorisent certaines dispositions du
protocole de la cure. Quant au maintien des capacités d’observation
du Moi, il est évidemment indispensable, pour que soit possible la
double intégration et mnésique et émotionnelle, des situations
vécues dans l’analyse et retrouvées dans le passé, au Moi, à
l’instance de synthèse et d’élaboration des forces instinctuelles
d’adaptation et de contact avec le monde extérieur, à ce noyau de la
personnalité, que le sujet possède en lui, et ce par quoi, en fin de
compte, il acquiert son originalité vraie, même si, comme l’a fait
remarquer Lacan avec tant d’à-propos, il s’affirme en s’aliénant.
Cette fonction de compréhension, de vision claire, aussi claire que
possible de ce qui est éprouvé dans le colloque analytique, est en
danger dans l’analyse même dans sa forme la plus classique. Et c’est
une des tâches les plus difficiles de l’analyse que de maintenir toute
l’expérience à égale distance de ce double écueil de la prédominance
par trop marquée de l’un de ces deux aspects de la réintégration au
Moi du passé individuel : la reviviscence affective et la
remémoration : le premier porte le nom d’abréaction, le deuxième
d’intellectualisation. Abréagir seulement c’est revivre ici et
maintenant, c’est-à-dire dans l’intimité des relations du sujet à son
médecin, les émois, les affects liés aux situations traumatisantes,
sans que pour autant le voile de l’amnésie, estompant le passé, se
dissipe. Ici le Moi est à ce point pris dans la situation présente, qu’il

15
perd toutes ses qualités d’observation. Intellectualiser seulement,
c’est retrouver à froid le souvenir du passé sans rééprouver dans le
présent l’émotion vécue à l’heure de l’expérience ou de la situation
souvent largement étirée dans le temps, qui fut traumatisante. Ici le
Moi est à ce point observateur qu’il se place vis-à-vis de son histoire
dans la situation d’un observateur complètement étranger, et par là,
perd tout le bénéfice d’une réintégration qui se passe pour ainsi dire
en dehors de lui. Tant et si bien qu’une des préoccupations
essentielles de la technique sera, par l’analyse des résistances,
d’éviter l’un comme l’autre écueil, tâche difficile, comme le montre le
fait qu’au cours du temps l’analyse a accordé tour à tour une
signification thérapeutique particulière à l’un ou l’autre de ces
aspects, ce qui prouve bien que la balance est difficile à tenir
exactement entre les deux.
29
Ainsi le Moi devra, pour que la situation analytique reste au
maximum génératrice d’effets thérapeutiques, à la fois être sujet de
l’expérience dans la mesure où il y participe, et objet de celle-ci dans
celle où il se voit réagir. Cette position se trouve tout naturellement
atteinte chaque fois que le sujet assiste à l’émergence d’états
affectifs, qu’il reconnaît d’emblée comme s’imposant à lui en dehors
de toute motivation acceptable ; mais lorsqu’il se trouve justifié à
ressentir tel affect ou à adopter telle attitude, la situation est
inévitablement plus confuse, et le premier temps de l’interprétation
par l’analyste de la situation vécue sera rempli par la nécessité
d’amener le sujet à la conviction qu’il est l’objet d’une erreur de
perspective et qu’il se trompe sur la légitimité de ses réactions.
Fenichel emploie le terme de scission thérapeutique du Moi pour
désigner cette double attitude de sujet et d’objet, qui est nécessaire à
la reconnaissance pleine et entière du vécu de l’analyse, comme
d’une immixion du passé dans le présent. Je ne crois pas, quant à
moi, que ce terme soit très heureux, car il s’apparente trop à celui
qui sert à désigner certains états spontanés de dissociation
pathologique du Moi, qu’ils soient obsessionnels ou

16
schizophréniques, mais il faut reconnaître qu’il caractérise un état de
fait dont la nécessité thérapeutique est indéniable.
30
Dispositions pratiques destinées à réaliser ces conditions. — Quelles
sont les dispositions pratiques par lesquelles seront maintenues ces
conditions nécessaires à l’enrichissement du Moi ? Elles constituent
précisément ce que l’on désigne sous le nom des règles techniques
de l’analyse.
31
Pour ce qui est du maintien de conditions opératoires constantes, la
solution est simple. Il s’agit de garder au protocole réglant les
rapports de l’analyste et de son patient une certaine uniformité qui
soit pourtant exempte de raideur, et c’est là où le problème se
complique déjà, en engageant l’attitude d’ensemble du praticien à
l’égard de son malade, autrement dit le contre-transfert, mais en ce
qui concerne les dispositions matérielles à prendre pour que ce
rapport soit contenu dans des limites toujours semblables, il ne se
présente guère de difficultés. Il suffit de bien préciser au sujet les
conditions du traitement et de s’y tenir, tout aussi bien en ce qui
concerne la fréquence des séances : de trois à quatre par semaine, ou
mieux encore journalières, au début du traitement du moins, que
leur durée (l’usage courant est de les faire de quarante-cinq à
soixante minutes) qu’en ce qui a trait aux honoraires à régler, à leur
montant, à la date du règlement, et aux périodes où doit
normalement être interrompue la cure : périodes de vacances, par
exemple.
32
Je ne puis, dans le cadre de cet exposé, m’étendre sur tous les détails
que soulève l’application pratique de ces dispositions relatives à
l’organisation du traitement. Qu’il me suffise de dire à titre
d’indication qu’il est d’usage courant de demander au sujet de régler
toutes les séances comprises dans les périodes de traitement, même
s’il n’y a pas assisté, pour des raisons apparemment et sans doute
souvent valables ; cet usage peut paraître à bon droit injuste, mais

17
l’expérience montre qu’un certain nombre d’affections passagères et
mal caractérisées sont la conséquence de réactions affectives
étroitement liées au contact analytique, qui échapperaient à l’analyse
si elles trouvaient une issue, dans des satisfactions non conscientes
mais néanmoins substantielles, obtenues par exemple en privant
l’analyste de ses honoraires. De même, la fixation du montant des
honoraires n’est pas une question indifférente : le médecin doit les
calculer de manière à ce que le malade ne soit pas gêné de façon
excessive dans la poursuite de son traitement, et qu’en même temps,
pour lui, le sacrifice consenti soit suffisamment important pour que
lui soit évitée la tentation de s’installer de façon indéfinie dans un
traitement où il ne manquera pas de trouver quelques satisfactions.
33
Il faut aussi, à mon sens, dans la règle, éviter d’accepter sans raison
impérieuse et indépendante de la volonté du sujet, les demandes de
changement d’horaires, et même dans le cas où elles sont justifiées,
ne pas leur donner droit, à moins que des nécessités inéluctables ne
risquent de le priver, pendant une longue période, de ses séances de
traitement.
34
Tout cela peut paraître rigide, mais le bénéfice que le sujet tire de
cette inflexibilité est tel qu’il réalise en fin de compte une économie
de temps et d’argent ; car si d’un côté il a, dans ces conditions, toutes
les facilités pour éprouver tous les sentiments que provoque une
réalité qui ne cède pas, ce qui est en fin de compte ce à quoi il s’est
heurté autrefois et ce qu’il rencontre encore aujourd’hui, et s’il peut
les exprimer avec d’autant plus de vigueur qu’il n’est enchaîné par
aucune reconnaissance abusive, il trouve dans cette stabilité du
comportement analytique un élément de sécurité qui aide à
l’établissement de ce que quelques auteurs ont paradoxalement
appelé le transfert rationnel, étant bien entendu que je ne fais pas ici
allusion à toutes les projections qui ne sauraient manquer dans un
contact analytique.
35

18
D’ailleurs, j’ai toujours constaté que cette stabilisation des
conditions de traitement ne soulevait aucun grave problème et
n’était ressentie que comme une source de frustrations très relatives,
à condition toutefois qu’elles n’expriment rien d’autre qu’une
nécessité technique et qu’elles ne s’accompagnent pas d’une rigidité
tout aussi grande dans le comportement du médecin. J’ai déjà fait
allusion à cet aspect de la question : il faut savoir garder une attitude
humaine et bienveillante et s’en tenir strictement à des conventions,
préalablement à tout début de traitement, exposées et acceptées ;
cela n’implique nullement que les rapports humains banaux qui
s’instaurent à l’entrée et à la sortie du sujet soient entachés d’une
quelconque austérité. S’ils ne doivent comporter rien d’autre que les
paroles conventionnelles de l’accueil et de l’au-revoir, ils n’excluent
ni le sourire ni la simplicité. Cela peut paraître un point de détail,
mais je le crois de quelque importance, car l’on ne peut savoir, si l’on
n’en avait l’expérience, combien ces quelques secondes de contact
ont d’importance dans la construction de l’image que le sujet se fait
de son médecin.
36
Et cela m’amène tout naturellement à exposer l’une des règles
techniques essentielles édictées par Freud : celle de l’abstinence
puisque aussi bien c’est souvent au moment si court de ce contact
direct que l’analysé arrive à se procurer quelque satisfaction
instinctuelle dans son contact avec l’analyste. La règle
d’abstinence exprime essentiellement la nécessité de priver l’analysé
de satisfactions instinctuelles dans le traitement, sans quoi le sujet
est privé de la motivation la plus puissante qu’il ait de renoncer à
l’édifice qu’il a patiemment élaboré. C’est dans une conférence faite
au VeCongrès psychanalytique à Budapest, en 1918, que Freud a
formulé cette prescription dans les termes suivants : « Le traitement
psychanalytique doit, autant que faire se peut, s’affronter dans un
état de frustration, d’abstinence. » Fenichel emploie pour la désigner
le terme de règle de continence, et ce terme en lui-même pourrait
prêter à confusion si Freud n’avait pris soin d’ajouter

19
immédiatement qu’il ne s’agit nullement de priver le sujet de toute
satisfaction et de lui interdire tout plaisir sexuel, mais simplement
de quelque chose qui se rapporte à la dynamique de la maladie et du
traitement. Freud donne ici une définition économique du
symptôme et rappelle qu’en celui-ci, le sujet, qui ne peut accéder à
des satisfactions libidinales normales du fait de ses conflits
endopsychiques mêmes, trouve une satisfaction libidinale
substitutive. Quand le symptôme disparaît au cours du traitement, le
sujet investit toute sa libido devenue libre sur de nouveaux objets
substitutifs encore, et ainsi les forces vives qui l’engagent à guérir,
c’est-à-dire, en fin de compte, à consentir les efforts nécessaires pour
pouvoir enfin assurer les investissements adéquats à ses besoins
libidinaux, se trouvent diminuées. Parmi ces objets substitutifs, les
uns sont extérieurs au traitement, d’autres inhérents à celui-ci, et il
s’agit ici de l’analyste lui-même. S’il est bien difficile d’empêcher les
investissements extérieurs, puisque aussi bien une telle attitude est
interdictrice et renforce inévitablement ce que l’image que le patient
se fait du médecin a de cruel, de par la projection inconsciente que le
sujet fait sur lui de son Surmoi punisseur, il est par contre possible
d’éviter que le patient ne trouve directement dans le rapport
analyste-analysé des satisfactions substitutives substantielles du fait
du médecin. Les interdictions visant les investissements extérieurs
me paraissent devoir se limiter au conseil que l’on donne
communément au patient de ne pas s’engager prématurément dans
des décisions qui pourraient compromettre son avenir de façon
irrémédiable, et à l’analyse de ce qu’il peut y avoir de complexuel
dans les attitudes nouvelles qu’il assume en prenant soin d’ailleurs
de situer ces divers comportements dans leur signification par
rapport au transfert lui-même, c’est-à-dire au rapport analyste-
analysé, tel qu’il est vécu par ce dernier.
37
Fenichel caractérise d’un mot ce qu’il appartient au médecin de faire
pour éviter que le sujet trouve dans son rapport intime avec lui des
satisfactions substitutives importantes. Il doit, dit-il, lui refuser des

20
satisfactions de transfert, ce qui revient à dire qu’il doit avec grand
soin éviter de rentrer dans le jeu du malade, mais j’ajouterai sans
raideur. Maintenir la frustration, comme Freud le veut, ne signifie
pas que dans la relation d’objet qui unit le thérapeute à son malade,
celui-ci réagissant à un contre-transfert plus ou moins conscient,
joue à son insu sa partie, en adoptant une réserve guindée qui est
reçue pour ce qu’elle est en vérité. C’est-à-dire une attitude
négative : car le but est alors dépassé, ce n’est pas une satisfaction
substitutive qui est simplement empêchée, mais une frustration qui
est activement infligée, et alors le sujet, par le jeu du renversement
masochique de sa démarche libidinale, arrivera à nouveau à se
procurer la satisfaction dont il a si impérieusement besoin.
38
Le problème de la réassurance est intimement lié à ceux posés par
cette règle de l’abstinence. Là encore c’est affaire de tact, et celui-ci
naît naturellement d’une attitude contre-transférentielle saine. Il est
indubitable qu’à certaines phases de son traitement le sujet ait
besoin de se sentir rassuré, c’est une satisfaction libidinale qui lui est
accordée, mais l’opportunité de cet encouragement est clairement
pressentie quand précisément aucune manifestation ignorée de
contre-transfert ne s’oppose à une perception intuitive suffisamment
claire des besoins du sujet, et d’ailleurs, n’est-il pas possible de la
donner sous la forme d’une interprétation : « Vous avez besoin
d’être rassuré, comme autrefois lorsque… »
39
Il n’est pas à ma connaissance de règle intéressant les conditions
propres à préserver le pouvoir d’observation du Moi, en dehors de
celles que j’ai exposées au début de cet alinéa, comme destinées à
assurer une constance des conditions opératoires, de manière à ce
que le sujet puisse ressentir comme venant de lui, et non justifié par
des incitations extérieures, l’ensemble des phénomènes se déroulant
au cours de la cure. J’ajouterai cependant, et presque pour mémoire,
que toutes les tentatives faites pour obtenir artificiellement une
atténuation du pouvoir de contrôle du sujet, et favoriser l’émergence

21
des éléments refoulés, et qui par là même diminuent ses possibilités
d’observation, se sont montrées inefficaces, quant au but poursuivi
de modifier profondément la structure du Moi, du fait même
précisément de l’obnubilation temporaire des capacités d’intégration
de synthèse de ce dernier, capacités qui sont, pour bien des auteurs
(Nunberg, etc.), l’élément essentiel de la guérison au cours de la cure
psychanalytique.
40
Il me reste maintenant à exposer la règle fondamentale de la
technique analytique classique : celle des libres associations d’idées.
41
La règle fondamentale de la technique psychanalytique, celle dont
l’observance, ou mieux, les problèmes qu’elle pose au sujet, nous
éclaire de façon si particulière sur les activités de sa psyché, a été
promulguée par Freud dès 1904. On en trouve une excellente
description au chapitre I du recueil d’écrits techniques, réunis sous
le titre : De la technique psychanalytique, titre de la traduction
française (Anne Berman). Dans ce chapitre est reproduit un article
paru dans Psychische Zwangserscheinungen (Phénomènes
obsessionnels psychiques) de Löwenfeld, J. F. Bermann, Wiesbaden,
1904, vol. V, et intitulé : « La méthode psychanalytique de Freud » ;
il y situe en matière d’introduction la méthode psychanalytique, par
rapport à la méthode cathartique d’abord utilisée par lui, et semble
précisément définir la méthode analytique par l’emploi du procédé
technique dit des libres associations d’idées. En étudiant plus haut
les conditions nécessaires pour que puisse être atteint l’objectif
essentiel de la cure psychanalytique : l’évolution de la structure du
Moi dans le sens d’un renforcement de ses possibilités, j’ai annoncé
que je n’insisterai pas sur la nécessité de se placer dans des
conditions telles que soient diminués les effets de contrôle que le
sujet exerce tout naturellement sur les activités de son esprit. La
règle fondamentale est la disposition technique essentielle qui vise à
obtenir ce résultat.
42

22
Son énoncé est simple : le sujet, mis dans les meilleures conditions
pour que puisse se dérouler librement le jeu de sa pensée (conditions
que d’ailleurs je préciserai plus loin), doit verbaliser, sans aucune
idée préconçue et sans rien omettre, tout ce qui lui vient à l’esprit :
non seulement les pensées, les images, mais aussi les affects, les
émois, les sentiments, tout aussi bien d’ailleurs que les impressions
sensorielles ou sensitives dont il est l’objet. Bien entendu, et je dirai
heureusement, le sujet est gêné dans son dessein de se soumettre à
ces prescriptions, par des préjugés parfaitement conscients, ou
encore par des résistances automatiques inconscientes, qui
traduisent les modalités spécifiques de ses défenses contre ses
pulsions instinctuelles, et l’éventualité d’une situation extérieure qui
pour lui deviendrait dangereuse si elles se faisaient jour librement.
Ainsi toute la complexité du jeu des défenses et des pulsions, la
variété infinie des enchaînements spécifiquement individuels
pourtant réductibles à quelques types généraux, et même, jusqu’à un
certain point, les capacités du Moi nous sont accessibles directement
par une observation patiente et rigoureuse de la manière dont le
sujet réagit à l’obligation qui lui est faite d’appliquer une règle
pourtant en apparence si simple et si peu contraignante.
43
Il reste bien entendu que cette règle a pour but essentiel le
relâchement consenti du contrôle du Moi et est prescrite pour
favoriser le retour du refoulé à la conscience, et je ne voudrais pas
que l’on puisse croire que, comme Reich, j’attache une importance
quasi exclusive à la façon dont le sujet l’applique, en méconnaissant
l’importance décisive des bénéfices que son application exacte doit
lui apporter. Sans vouloir établir une balance illusoire entre les gains
réalisés dans l’interprétation de la nature et du sens des difficultés
qu’il a à réaliser sa tâche, et de ceux résultant du défoulement du
matériel devenu inconscient, et de la prise de conscience de sa
signification, disons seulement que sur les deux tableaux ils doivent
être substantiels pour que soit obtenu le résultat ultime auquel j’ai
tant de fois fait allusion. C’est au moment où j’étudierai le

23
phénomène du transfert et les règles de l’interprétation que je
m’efforcerai de montrer comment et surtout à quel moment doivent
être utilisées les données que nous apportent les difficultés du sujet
aux prises avec la règle fondamentale et les résultats de son effort.
L’expérience a montré que, pour que soit facilitée l’application de la
règle fondamentale, diverses dispositions précisées par Freud lui-
même doivent être prises. Je n’insisterai pas étant donné l’évidence
de leur bien-fondé, et quoiqu’elles constituent pour beaucoup
l’essentiel des dispositions techniques de l’analyse, alors qu’elles
n’en sont que le dispositif extérieur.
44
Il est en effet nécessaire, pour obtenir un relâchement naturel de
l’esprit, d’être dans une position de repos et de détente musculaire,
qu’il faille être soustrait dans la mesure du possible aux excitations
extérieures trop violentes, ce qui revient à dire que pratiquement le
sujet doit être allongé, dans une pièce silencieuse et modérément
éclairée. Il faut en outre qu’il ne règle pas son discours sur
l’observation même involontaire des réactions de son interlocuteur
et c’est ainsi que l’analyste est obligatoirement placé hors de la vue
du malade tout en pouvant l’observer lui-même. Il faut enfin, une
fois pour toutes, avoir réglé l’essentiel de ses rapports concrets
inévitables avec le médecin, et c’est là un autre aspect de la nécessité
du maintien dans des conditions opératoires constantes dont j’ai
parlé plus haut.
45
L’on a objecté que de telles conditions favorisaient l’apparition d’un
état de dépendance du sujet à l’analyste, lui apportaient des
satisfactions instinctuelles, et par là détermineraient un
prolongement inutile de la cure. Ce sont là sans doute dans certains
cas des objections fondées, mais outre qu’il est impossible de
procéder autrement, il appartient à l’analyste de faire connaître au
malade la nature, l’intensité et la signification des satisfactions qu’il
arrive à se procurer, malgré toutes les précautions prises, dans le
cours même du traitement analytique. Il n’y a pas en effet une seule

24
règle, y compris celles des libres associations, qui ne puisse être
tournée au bénéfice de l’équilibre névrotique, et puis n’oublions pas
ce que Federn rapporte d’une conversation particulière avec Freud :
la rigidité des défenses, disait en substance ce dernier, s’explique par
la faiblesse du Moi. Elles sont d’autant plus tenaces que le Moi a des
difficultés à faire face aux exigences instinctuelles et à celles de la
réalité, ce qui implique que nous devons, dans une certaine mesure,
attendre que le Moi soit précisément capable d’abandonner
certaines défenses, ou de renoncer à certaines satisfactions
substitutives sans brusquer le mouvement. Nous ne risquons guère
de faute en limitant notre action à des interprétations itératives
faites dans un contre-transfert bien étalonné, mais hors de cette voie
c’est l’aventure. Pour ma part, j’ai eu bien souvent l’expérience
d’analyses longues et décevantes, et j’ai chaque fois constaté qu’au
moment venu toutes les formes de la résistance cédaient, quand le
temps avait fait son œuvre et que le Moi était capable non seulement
de faire face à la réalité, mais encore aux exigences des besoins
instinctuels du sujet.
46
Telles sont les dispositions techniques essentielles dont le but,
rappelons-le, est d’établir des conditions nécessaires à la
réintégration globale au Moi de l’ensemble des énergies
pulsionnelles gaspillées tant dans l’exercice des défenses contre
certaines exigences instinctuelles que de celles liées à ces mêmes
exigences. Ces dispositions techniques, je me suis efforcé de montrer
qu’elles visaient à établir quatre conditions nécessaires et suffisantes
à la réalisation de ce grand dessein : 1 / placer le sujet dans des
conditions opératoires constantes ; 2 / éviter qu’il ne trouve dans le
traitement même des satisfactions substitutives ; 3 / assurer le
maintien des possibilités d’observation du Moi ; et 4 / enfin,
dominer dans le même temps le contrôle qu’il exerce sur l’activité
psychologique globale du sujet, condition paradoxale, mais
nécessaire pour qu’à la fois ses facultés de synthèse puissent
s’exercer, et l’admission en son sein du matériel refoulé se produire.

25
47
J’ai noté à chaque instant le fait que l’application de ces règles
nécessitait, pour qu’en soit évité un emploi allant à l’encontre de leur
but, une capacité chez l’analyste d’intuition et de réceptivité et
une exacte mesure de ses propres réactions à l’endroit des conduites
du sujet, qui ne pouvaient se concevoir qu’à condition que chez lui-
même aucun barrage intérieur, aucune exclusion n’interviennent qui
se refléteraient dans une inaptitude à s’identifier complètement et à
chaque instant au sujet dans sa situation du moment et dans ses
difficultés présentes. Et cela apparaît plus clairement encore lorsque
est envisagée la règle qui définit l’attitude du médecin et les
conditions dans lesquelles il sera à même de remplir utilement
son rôle de miroir, et j’ajouterai de miroir vivant, rôle double pour
ainsi dire, dont le jeu alternant mais presque autant simultané est
indispensable à la normalisation de la structure du Moi. Cette règle,
dite de l’« attention flottante », est formulée avec précision dès 1912
dans cette partie des écrits techniques qui porte le nom de Conseils
au médecin sur le traitement analytique. Dans ce texte, où il
formule certaines des règles techniques auxquelles nous nous
conformons aujourd’hui encore, Freud signale que la règle de
l’« attention flottante » imposée au médecin est le pendant de celle
des associations libres à laquelle le malade doit essayer de se
conformer. Cette règle en effet exprime la nécessité où se trouve
l’opérateur d’éliminer tout ce qui pourrait empêcher son inconscient
d’entrer en résonance avec celui du malade, autrement dit, tout ce
qui pourrait orienter sa pensée et distraire une partie de son activité
psychique, de la compréhension intuitive de ce qui se passe chez son
sujet. Que l’on exprime ce fait de cette façon simple, ou qu’on le situe
dans le cadre de l’identification, ne change rien à la chose. Cette
correspondance intime entre le médecin et le patient demeure le
trait essentiel, la caractéristique fondamentale du dialogue
analytique, car c’est alors, et alors seulement, que ce colloque atteint
sa pleine efficacité. Il est vrai que l’intuition du thérapeute est
souvent en défaut, tout aussi bien que le malade empêché de

26
s’exprimer de par ses résistances, mais l’un comme l’autre tendent,
l’un, volontairement, l’autre, de par les exigences de ses besoins
instinctuels, vers le même but : l’un veut connaître, l’autre se faire
reconnaître.
48
Cette règle à laquelle le thérapeute se soumet en se gardant des idées
préconçues ou des préoccupations scientifiques, et en évitant de
distraire une partie de ses capacités intellectuelles en des besognes
matérielles, telles que la prise de notes par exemple, n’est
évidemment complètement efficace que si le médecin n’est pas gêné
dans sa compréhension intuitive par des difficultés intérieures, des
zones aveugles, autrement dit, des enclaves dans sa personnalité,
que sa propre défense contre des pulsions instinctuelles exclut de
son Moi conscient car alors il scotomiserait automatiquement les
mêmes complexes chez son malade : ce qu’il ne voit pas en lui, il ne
saurait le voir chez autrui. Et Freud, dans ce même article, de poser
la nécessité de l’analyse didactique, qui mieux que de faire faire au
thérapeute, comme on le dit communément, l’expérience des divers
mécanismes qu’il devra détecter chez autrui, ce qui n’est qu’une
formulation partielle des faits, lui rend possible cette suite
d’appréhensions totales globales de la personnalité avec laquelle il
dialogue, sans quoi tout essai thérapeutique serait vain. De cette
intuition de ce qui se passe découle tout naturellement cette
neutralité bienveillante à laquelle Freud, d’ailleurs, ne fait pas
explicitement allusion dans l’article précité. Il y parle plutôt de
froideur affective, d’une attitude comparable à celle du chirurgien, et
sans doute n’y a-t-il là qu’une question de nuance, car la neutralité
bienveillante de celui qui comprend, et par là ne peut qu’être
bienveillant, mais qui ne participe pas, en dehors de cette
compréhension sympathique, au sens étymologique du terme et
encore moins à son insu, est la conséquence tout aussi bien de
l’analyse didactique même que de la vision actuelle exacte du cas.
J’ai toujours remarqué que les jeunes analystes ne faisaient des
erreurs importantes que s’ils étaient à la fois et simultanément

27
victimes d’un contre-transfert difficilement dominé, et d’une
incapacité à comprendre leur sujet, les deux phénomènes
s’intriquent à tel point qu’il est impossible d’établir quel est celui qui
a entraîné l’autre.
49
Avant d’en finir avec l’exposé de cette partie de mon sujet, je
voudrais seulement faire remarquer qu’il n’y a aucune antinomie
entre la nécessité où se trouve le thérapeute de respecter la liberté de
son intuition et celle qui s’impose à lui, tout aussi impérieuse, de se
faire une représentation aussi rationnellement construite que
possible du cas dont il a à connaître. À mon sens, le danger n’existe
et l’antinomie ne se précise que si celui-ci tient à sa construction
avec un amour-propre d’auteur, ce qui implique qu’il n’est déjà plus
en mesure de dominer un contre-transfert où un besoin de
possession dominatrice du sujet se glisse à son insu, et alors, qu’il
fasse ou ne fasse pas de construction, n’empêchera pas qu’il tombe
inévitablement, si tout au moins les choses ne se modifient pas, dans
une attitude de refus à l’endroit des manifestations d’indépendance
du sujet. Mais s’il n’y a pas lieu de craindre une telle occurrence les
deux plans de la réceptivité intuitive et de l’élaboration rationnelle
pourront simultanément entrer en activité. Freud, d’ailleurs, dans
ses Conseils aux médecins, ne laisse-t-il pas entendre que le danger
des idées préconçues et des constructions prématurées ne vient
précisément que de la tentation qu’a le médecin de façonner son
patient. Je crois, pour ma part, qu’il n’y a rien à redouter quand cette
construction que l’on sait approximative, fragile, prête à toutes les
révisions, suit pas à pas les progrès de l’analyse régressive et ne
s’élabore que lentement, en fonction de l’analyse des difficultés
précisément rencontrées, et n’inspire l’intervention thérapeutique
qu’en faisant choisir le niveau où doit se placer l’interprétation,
question qui sera abordée plus loin.

2 - Déroulement d’une analyse

50

28
Je crois avoir suffisamment démontré dans les pages qui précèdent
la nécessité des règles de l’analyse classique, leur signification et leur
logique, pour qu’il me soit permis d’affirmer qu’aucune de ces règles
n’est vaine et qu’aucune ne doit être transgressée, à moins que
n’interviennent des exigences impérieuses et clairement perçues. Je
voudrais maintenant, poursuivant le même dessein, montrer encore
que les prescriptions de détail, je devrais dire l’usage qui règle les
rapports analytiques au cours de l’analyse, sont tout aussi bien
toujours orientées vers le même but : accroître la force et l’étendue
du Moi, et que celles des recommandations qui visent, par exemple,
des points aussi importants que le maniement du transfert, ou
encore celui de l’interprétation, ou enfin la conduite de la fin de la
cure l’opération du sevrage, sont inspirées comme les autres par les
considérations dynamiques économiques et topiques qui régissent la
théorie analytique de la structuration du Moi, trouvant ainsi leur
justification théorique, alors qu’elles ne sont, comme toutes les
règles déjà citées, qu’issues de l’expérience thérapeutique.
51
Je pense que la façon la plus simple de présenter les choses est de
suivre l’ordre naturel de succession des différents temps d’un
traitement analytique, et c’est ainsi, je le rappelle, que j’en
envisagerai successivement la phase initiale, le cours et la
terminaison. Les périodes extrêmes soulèvent des difficultés
particulières, alors que les problèmes généraux inhérents aux
questions de la résistance, du transfert et de l’interprétation doivent
évidemment être évoqués au chapitre réservé au déroulement de
l’analyse.

Phase initiale du traitement. Les premiers entretiens

52
À mon sens, la façon dont sont conduites ces premières entrevues, et
ce qu’elles apportent à l’analyste, et ce qu’en retire le malade risque
d’influencer de façon décisive la suite des événements.
53

29
Schématiquement, l’on peut dire qu’en quelques entretiens, deux ou
trois au maximum, à mon avis, le médecin doit savoir ce qui lui est
indispensable pour prendre une décision thérapeutique, le malade
doit comprendre ce qu’il aura à faire et pourquoi il devra le faire,
sans que soit pour autant donnée au sujet l’occasion, au cours de ces
quelques heures où il sera face au médecin, de constater quoi que ce
soit de réel qui puisse lui permettre de donner à ce qui sera en tout
cas certainement une projection, de par l’importance énorme
abusivement attachée à un détail minime, un point d’appui solide.
L’apparence de réalité que prend dans un tel cas, ce qui n’est ensuite
qu’une projection commençante et qui se fortifiera tout
naturellement de par les caractères spécifiques de la situation
analytique, donne à de telles constructions une solidité, une vigueur
qui est elle-même génératrice de résistances quasi
insurmontables ; c’est pour éviter de telles interférences qu’il me
semble prudent de ne pas prolonger au-delà du strict nécessaire
cette phase de prise de contact où il doit être décidé de l’opportunité
d’une thérapeutique psychanalytique. Quelles que soient les
précautions que prenne le médecin, pour éviter que le sujet ne
s’aperçoive d’une réaction quelconque de sa part, le danger qu’il
laisse transparaître quelque chose ou plus simplement qu’un
mouvement, une attitude fortuite soit tendancieusement interprétée,
va en augmentant au fur et à mesure que les entrevues se
multiplient. Il faut tout de même ajouter que cet inconvénient est
d’autant moins à redouter que le médecin est plus effectivement
débarrassé de toute tendance à porter un jugement de valeur, sur les
dires ou les conduites de son interlocuteur. Son attitude générale
reflète en effet son état d’esprit, et s’il est effectivement d’une
neutralité bienveillante foncière, le risque d’une interprétation
erronée ou à demi justifiée est moins grand.
54
S’il est nécessaire que le praticien garde une attitude si réservée au
cours de ces quelques heures préalables à l’instauration de la cure
proprement dite, l’on conçoit qu’il ne saurait, pour lui, être question

30
d’analyser quelqu’un qui le connaît, même relativement, car le
patient, dans ce cas, se heurterait en effet à des difficultés extrêmes
dans l’exercice de la règle des libres associations. Il ne pourrait pas
ne pas être influencé par ce qu’il saurait des goûts, des tendances ou
même des amis de celui à qui il doit tout dire sans rien dissimuler, et
en admettant même qu’il ait assez de volonté pour le faire, il n’en
resterait pas moins qu’il risquerait d’être inconsciemment influencé
par ce qu’il saurait d’effectif et que ses résistances pourraient s’en
trouver renforcées. Aussi est-ce une règle absolue que de renoncer à
l’analyse de personnes qui connaissent même par ouï-dire ce qu’est
l’analyste dans la vie.
55
Pour ma part, je considère de même qu’il n’est pas prudent
d’entreprendre une analyse après avoir appliqué une autre
thérapeutique, qu’elle soit psychologique ou médicamenteuse. Dans
le premier cas, il s’établit d’emblée, entre le médecin et son malade,
des rapports d’un style tel, que le passage à un ordre de relations
infiniment plus frustrantes me paraît à peu près impossible. Sans
doute les réactions à la frustration sont-elles analysables, mais étant
donné ce qui existait antérieurement à l’analyse, on peut dire que la
frustration est exceptionnellement marquée. Dans le deuxième cas,
elle revêt une acuité et un caractère tout particuliers, du fait que le
médecin donnait effectivement quelque chose de matériel à son
client, il lui prescrivait un médicament avec ce que tout cela
implique de signification symbolique d’un tel don. Qu’il soit ensuite
possible au patient de supporter sans dommage la privation de toute
satisfaction libidinale me paraît presque une gageure. Comme on le
voit, tout ce que je viens d’écrire touchant l’attitude du médecin, ou
les limitations de sa qualification à entreprendre une analyse dans
quelques cas particuliers, vise à maintenir toutes les possibilités d’un
relâchement du contrôle du Moi en face d’un personnage aussi peu
caractérisé que possible et dans une relation qui reste modérément
frustrante.
56

31
Il me semble nécessaire maintenant de préciser ce qui doit être
systématiquement l’objet des préoccupations d’un analyste,
s’appliquant à poser les indications d’une cure analytique. La
question des indications et des contre-indications de l’analyse
devant faire l’objet d’un chapitre particulier, dans cette section de ce
traité je me bornerai à indiquer les points sur lesquels doit porter
l’examen et aussi la façon dont personnellement je le conduis.
J’aborderai tout d’abord le second point. Si en mon for intérieur, je
suis un plan systématique, j’ai toujours pour habitude de le conduire
apparemment sans trop de formalisme, m’efforçant surtout d’inviter
le malade à parler, ce qui a l’avantage à mon sens de mettre le
patient en confiance, de permettre une observation attentive de son
comportement général, de sa manière de s’exprimer, de ses réactions
devant une situation traumatisante par sa nature même, et aussi
d’éviter de lui fournir matière à ces impressions si tenaces, source de
résistances importantes auxquelles j’ai fait allusion plus haut.
Autrement dit, je lui laisse dès l’abord le plus de liberté possible,
et l’ordonnance même de son discours est souvent révélatrice, et de
ses procédés habituels de défense et des points névralgiques de ses
relations au monde.
57
Jacques, dont il sera question tout au long de cet exposé, s’exprime
avec emphase, se perd dans des généralités, dans des explications
pathogéniques montrant, de toute évidence, l’appoint d’un
autodidactisme diffus et parfois presque incohérent, mélangé de
scientisme et de croyances magiques. Mais surtout il est à la fois, en
sus de son anxiété, prétentieux et timide. La suite de l’analyse me
prouva surabondamment que des tentatives pour acquérir une
culture générale étaient un essai pour surclasser son père, que son
attrait pour l’occultisme exprimait son besoin de triomphe du
mystérieux terrifiant en l’affrontant, et qu’enfin il dissimulait ses
désirs de triomphe en se comportant comme un débile et un
ignorant, par exemple en posant à son père en public des questions
absurdes, ce qui lui permettait secondairement de satisfaire et son

32
agressivité et son masochisme, car le père, profondément blessé par
la stupidité de son fils, réagissait par d’amers reproches.
Or, Jacques souffre d’un complexe de castration intense, qui se
traduit d’ailleurs par de multiples phobies, complexe que sous-tend
une agressivité violente. Il se défend dans ses rapports avec les
hommes en adoptant ce ton prétentieux, en faisant étalage de ses
connaissances scientifiques en même temps que de ses tentatives
pour approcher l’occulte angoissant, mais l’angoisse de « s’avancer »
lui faisait prendre une attitude exagérément humble, dubitative et le
poussait à entremêler ses essais de synthèse et considérations
naïvement absurdes. Ce qui me fut perceptible dès notre premier
entretien, c’est ce mélange de provocation prétentieuse et d’humilité
excessive. Quelques questions encourageantes me prouvèrent
bientôt que ce garçon ne manquait pas de sens critique, et la
suspicion d’une oligophrénie incompatible avec une tentative
analytique m’apparut bientôt sans fondement.
58
J’ai cité ce court exemple pour montrer l’avantage que l’on peut tirer
d’une conversation apparemment libre avec le malade et combien
cette façon de procéder me paraît féconde quant à la véracité des
indications qu’elle fournit. Ici j’acquérais la conviction, très
rapidement, que cette présentation qui évoquait de prime abord la
débilité mentale dans sa séméiologie même était par contre, par son
contraste avec la rectitude de jugement dont le sujet faisait preuve,
dès qu’il ne s’agissait plus de présenter son cas, significative d’une
attitude névrotique et non d’une faiblesse irrémédiable de
l’organisation de l’appareil intellectuel.
59
Ainsi un examen aussi systématique que l’on peut le souhaiter peut
être conduit sans aucune systématisation apparente, ce qui a encore
à mon sens l’avantage de ne pas engager le sujet dans la voie des
essais d’explication superficielle de ses troubles, procédé auquel il
n’a que trop facilement recours, qui lui servira, nous ne le savons
que trop, à camoufler sa répugnance à se connaître profondément.

33
60
S’intéresser à l’histoire individuelle du patient de cette manière met
aussi le médecin à l’abri des questions indiscrètes sur le diagnostic
que le malade désire connaître, parce qu’il en a toujours usé ainsi
avec les médecins qu’il a déjà consultés, et que le seul fait de donner
un nom à sa maladie le rassure. Or l’expérience montre qu’en pareil
cas il se sert du terme qu’on a eu la faiblesse de lui donner pour
étayer ses craintes de ne pouvoir guérir, expression beaucoup moins
d’une inquiétude naturelle que de l’ensemble de ses réactions
profondes, inconscientes et mitigées à l’endroit de sa maladie, qui
représente, ne l’oublions pas, une structure particulière de relations
avec le monde et qui, comme telle, est loin de ne contenir que des
souffrances, mais aussi procure au sujet un contact nécessaire
auquel il ne pourra renoncer que si on le met dans la possibilité d’en
connaître un meilleur, ce qui, en fin de compte, ne sera possible
qu’une fois l’analyse réussie.
61
Je pense d’ailleurs qu’à une question même hésitante et embarrassée
touchant le diagnostic que l’on est supposé porter il faille répondre
avec franchise ; toute hésitation ou tout silence sera interprété dans
un sens que l’on ne peut toujours prévoir, et j’ai l’habitude, en une
formule simple, de montrer au sujet que précisément il souffre de
difficultés dans l’exercice de sa liberté et que c’est là ce qu’il importe
de dénouer, que le diagnostic n’a d’intérêt en soi que pour la
comparaison des cas entre eux, et qu’il n’exprime qu’une somme de
traits généraux communs à un grand nombre de sujets, mais qu’il ne
saurait impliquer de caractéristique individuelle et ce type de
réponse s’articulant avec celles, négatives et justifiées, touchant
la durée du traitement et son évolution probable (et qui, comme
chacun le sait, consiste à expliquer au sujet pourquoi on ne peut
raisonnablement la prévoir puisqu’elle dépend de l’intimité du
processus analytique, intimité qui aussi en conditionne l’issue), m’a
paru, jusqu’ici, être toujours acceptable et éteindre définitivement
cette dangereuse mais bien compréhensible curiosité du diagnostic.

34
62
Au cours d’un examen préalable à la mise en route éventuelle d’une
analyse, il faut à mon sens :
1. porter un diagnostic ferme ;
2. apprécier les possibilités de réussite d’une analyse et se faire une
idée générale des difficultés qu’elle va présenter.
63
Porter un diagnostic ferme. — Je ne serai peut-être sur ce point pas
entièrement d’accord avec mes collègues chargés de la rédaction du
chapitre consacré aux indications et aux contre-indications de la
psychanalyse freudienne et qui inévitablement auront à discuter de
ce point. Mais à bien voir, et si je puis dans une certaine mesure
préjuger de leurs idées, en étudiant les possibilités de réussite de la
cure ils viendront sensiblement aux mêmes conclusions que moi, à
la différence près que peut-être ils sembleront négliger la
nosographie.
64
Si je tiens au diagnostic, ce n’est pas que je crois à la réalité d’une
entité morbide, classiquement définie, comme elle l’est idéalement
en médecine somatique ; je pense, tout au contraire, que rien n’est
plus fuyant qu’une affection disons mentale, pour ne pas préjuger de
la nature du cas dont il nous est donné de connaître. J’y tiens
uniquement parce que le fait d’avoir pour soi des exigences en cette
matière oblige à se poser certaines questions, et par là même à se
faire une idée générale de la structure du cas, qui seule justifie ces
premiers entretiens, dont les dangers, nous l’avons vu, risquent de
ne pas être absolument négligeables. Au surplus je ne vois pas les
inconvénients qu’il peut y avoir à exiger de l’examen que l’on fait une
séméiologie exacte des symptômes éprouvés par le patient et une
estimation aussi rigoureuse que possible de leur valeur
relative, c’est-à-dire une appréciation suffisante du syndrome en
présence duquel on se trouve. Dans cet ordre d’idées le malade ne
demande qu’à parler, peut-être pas du contenu de ses symptômes,
quand ceux-ci sont directement ou symboliquement révélateurs d’un

35
complexe, par exemple : il aura là la plus grande répugnance, et cela
est bien connu, à révéler le contenu formel d’une obsession, et
d’ailleurs à cette phase du colloque analytique il n’y a aucun intérêt à
la connaître, mais à coup sûr, il parlera volontiers des traits
essentiels qui précisément en font toute la valeur séméiologique. Il
en indiquera facilement le moment d’apparition, la fréquence, la
souffrance qu’ils lui causent et la forme générale qu’ils revêtent tout
aussi bien que le temps dont il en souffre et les circonstances
premières de leur apparition. Souvent même le récit spontané n’est
que trop minutieux. S’intéresser au symptôme, au surplus,
compense la réserve que l’on est tenu d’observer en ce qui concerne
le diagnostic, la durée probable et le dénouement de la cure. Il y a
dans le soin que met le médecin à pénétrer dans l’intimité de la
description du trouble beaucoup de réconfort pour le sujet. Des
questions pertinentes sur la manière dont doivent se dérouler les
choses lui donnent le sentiment auquel il a droit que l’ordre de ses
préoccupations n’est pas étranger au thérapeute, et ce lui est un
profond encouragement et le seul que nous puissions valablement
lui donner pour qu’il puisse consentir les sacrifices nécessaires et de
temps et d’argent. Que le médecin s’oblige à se donner pour lui-
même un nom au groupement symptomatique, au syndrome, l’incite
à définir exactement le symptôme et l’amène par là à poser les
questions nécessaires, ou mieux, à favoriser les descriptions
indispensables. Et comme la séméiologie psychiatrique clinique a été
élaborée par des auteurs dont l’expérience clinique était indéniable
et qui avaient condensé en quelques définitions le résultat de cette
expérience acquise en voyant évoluer de nombreux cas, je pense que
la préoccupation de donner un nom au syndrome constaté amène
naturellement l’analyste à faire l’effort de synthèse préalable à la
recherche de la coïncidence du cas avec une moyenne de cas dûment
étudiés, à prévenir les lacunes et les omissions de son examen, à les
réduire et à éviter une trop grande subjectivité dans la « pesée » qu’il
doit faire du sujet. C’est pour cela, et pour cela seulement, que je
tiens au diagnostic exact. Je ne pense pas qu’il implique un pronostic

36
irrévocable et entraîne une quelconque timidité dans la décision. Il
met seulement l’analyste en garde, l’amène à envisager les difficultés
auxquelles il aura à faire face, et l’invite à la prudence dans le
maniement de l’outil terriblement efficace qu’il a en main. Il est
facile de constater, au cours d’un séminaire de contrôle, à quels
déboires s’exposent des débutants qui entreprennent l’analyse de
sujets sur lesquels ils seraient bien incapables de porter un
diagnostic, pour acquérir la conviction que ce temps de l’examen
préalable est d’une importance réelle. Il est d’ailleurs étonnant que
des analystes disent le négliger, alors que la séméiologie analytique
surenchérit sur la séméiologie psychiatrique. Il n’est que de voir les
exigences dont elle témoigne dans la séparation des phobies d’avec
les obsessions, combien l’analyse minutieuse des circonstances
d’apparition et de disparition, des moyens de défense utilisés de
façon efficace, de l’importance de la réaction anxieuse qui
accompagne ou non le symptôme est indispensable pour qu’une
phobie soit distinguée d’une obsession.
65
Ainsi je pense que si l’on évite de se faire du diagnostic l’idée d’une
classification dans un cadre nosographique rigide, l’on ne peut que
retirer des avantages de cet effort, qui exige une mise au point
féconde.
66
Estimer les chances de réussite d’une cure analytique. — C’est là le
deuxième problème qui se pose ; l’effort fait pour porter un
diagnostic nous aura préparé à le résoudre.
67
Le succès de celle-ci dépend en effet de deux ordres de facteurs les
uns sont inhérents aux caractéristiques du cas, les autres sont
fonction des possibilités que lui offre la réalité extérieure de profiter
des modifications internes que l’on pense pouvoir opérer en lui.
68
Parmi les premiers, l’âge prend certainement une importance toute
spéciale. Il y a d’autant moins d’espoir d’obtenir des modifications
structurales radicales que le sujet est plus âgé. Classiquement, la

37
quarantaine bien passée, ou mieux, au-delà de 45 ans, l’on peut
craindre que le sujet présente une rigidité telle de sa structuration
névrotique et un affaiblissement tel de ses énergies instinctuelles
qu’il ne puisse faire l’effort tout aussi bien de renoncer à ses défenses
que de réaliser dans la vie réelle les ajustements qui devraient être la
conséquence logique de l’analyse. L’on court le risque, soit que
l’analyse échoue, soit qu’elle aboutisse à une intellectualisation
stérile sans aucune conséquence pratique. Mais il faut être très
prudent dans cette estimation de l’importance de l’âge : j’ai eu
dernièrement des nouvelles d’un homme que j’ai analysé il y a
environ dix ans pour impuissance relative. Il avait alors plus de 50
ans. Son analyse se déroula tout à fait normalement et aboutit non
seulement à la disparition complète de son symptôme, mais encore à
la réduction d’une attitude masochique générale qui restreignait sa
réussite dans tous les domaines. Il est vrai qu’il avait ce que l’on est
convenu d’appeler un Moi fort et que son masochisme et son
impuissance étaient la conséquence d’un sentiment de culpabilité,
résultant de la résolution incomplète d’un œdipe bien structuré, sans
intervention de régression prégénitale importante. J’ai eu tout
dernièrement et fortuitement de ses nouvelles par le médecin qui me
l’avait adressé. Non seulement sa guérison se maintient, mais il a, si
l’on peut s’exprimer ainsi, trouvé la force de recommencer sa vie, il
est très heureux et sa réussite dans tous les ordres est éclatante.
69
Aussi beaucoup plus importante est l’estimation aussi peu
approximative que possible de la valeur du Moi avant toute
intervention thérapeutique, car d’une faiblesse par trop considérable
du Moi résultent des difficultés qui peuvent être sans issue et des
dangers qu’il ne faut pas méconnaître. Je ne voudrais pas m’étendre
sur ce sujet, car alors ce chapitre ferait par trop double emploi avec
celui écrit par mes collègues, mais qu’il me soit permis de dire que
nous n’avons jamais trop de moyens d’apprécier le degré de
structuration du Moi, et qu’il est en particulier d’uneimportance
décisive de déterminer avec précision quelle part du Moi, ou mieux

38
quelle quantité du Moi, si je puis m’exprimer ainsi, sera capable de
jouer ce rôle d’observateur sur lequel j’ai insisté plus haut et à partir
duquel nous pouvons espérer gagner de proche en proche sur la
partie de celui-ci, qui, du fait de la régression, est dominée par le
processus névrotique. Il est très difficile de préciser les règles par
lesquelles nous pouvons avoir l’espoir d’arriver à une telle
appréciation, mais nous pouvons tout au moins énumérer les
sources sur lesquelles nous fondons notre conviction. Il faut d’abord
noter que nos informations nous sont fournies par notre seul
contact avec le malade. Son entourage, en effet, nous est à ce point
de vue de peu d’intérêt ; d’une part, il nous est inaccessible pour la
bonne raison qu’un contact entre l’analyste et la famille du malade
nuit à la pureté du rapport analytique, et d’autre part, parce qu’en
fonction des relations intimes entre le malade et son environnement
et en particulier de l’existence inévitable de relations
complémentaires névrotiques, les informations fournies sont
suspectes. Or nous apprécions la qualité du Moi du sujet en nous
fondant, non seulement sur le degré de détermination et d’énergie
dont le sujet a fait preuve dans l’organisation de sa vie, mais aussi
sur ce qu’implique de faiblesse du Moi et de degré de régression la
forme psychopathologique qu’il présente, et c’est là où je trouve une
preuve supplémentaire de l’intérêt d’un diagnostic précis. Nous
savons, par exemple, qu’un Moi préschizophrénique nous offrira
beaucoup plus de difficultés thérapeutiques qu’un Moi quasi normal
affecté seulement d’une phobie limitée. Je prends là évidemment des
exemples extrêmes, et ma démonstration est presque caricaturale ;
mais toutes les nuances sont possibles, et je veux dire simplement
que nous ne devons négliger aucune possibilité d’information. Je
pense qu’ici l’intuition clinique joue un rôle essentiel, et que nous ne
possédons actuellement que des critères approximatifs pour décider
si, de ce chef, une analyse est possible ou non ; je me suis d’ailleurs
efforcé de montrer dans mon rapport sur le Moi dans la névrose
obsessionnelle, combien il faut être prudent pour tirer argument de
la cohérence apparente de la vie du sujet, d’autant qu’il m’apparaît

39
de plus en plus que par une analyse bien conduite des conflits
prégénitaux il est possible de remédier à certaines insuffisances
apparemment irréductibles du Moi. Et c’est dans l’étude des limites
de cette réductibilité que me paraît, d’une manière générale,
s’engager le mouvement analytique contemporain. Je voudrais
simplement ajouter qu’il est un type de symptômes, qui nous permet
de préjuger de l’existence de conflits extrêmement profonds, même
si à une analyse inachevée, ils apparaissent liés à un conflit
essentiellement œdipien, je veux parler des phénomènes de
dépersonnalisation, dans lesquels se trouve altéré le sentiment de
l’unité aussi bien psychique que physique de l’Ego, ou encore, le
sentiment de son insertion dans le monde. Je ne puis ici m’étendre
sur la clinique de ces états, mais je signalerai seulement, en restant
dans la perspective qui nous occupe, que le sujet est en général à leur
endroit fort réticent, et qu’il en fait très difficilement l’aveu. Ils ne
m’ont jamais paru manquer dans les névroses avec défenses rigides,
et leur recherche, avec délimitation de leur durée, de leur
importance, de leur intensité et de la part qu’ils laissent au Moi de
possibilité de les critiquer, me paraît intervenir au premier chef dans
la discussion des indications de la cure analytique, car ils me
semblent la preuve d’une faiblesse fondamentale de l’Ego, même si
les réactions de défense progressivement renforcées en ont évité
l’apparition depuis la prime enfance, par l’exclusion de toutes les
situations profondément frustrantes qui sont nécessaires à leur
apparition, car, même dans ce cas, où ils sont totalement absents et
profondément oubliés, la rigueur particulière des défenses du Moi
montre que le souvenir n’en est pas totalement perdu et que tout se
passe comme si leur danger était toujours exceptionnellement
redouté. Dans ces cas, qui répondent à l’expérience que j’ai des
névroses de caractère, l’analyse sera tellement longue et difficile que
l’on peut hésiter à bon droit à l’entreprendre, car les défenses ne
seront définitivement abandonnées que lorsque de tels états auront
été parfaitement dominés.
70

40
Il faut aussi tenir compte, pour apprécier la curabilité d’une névrose,
de l’importance des satisfactions névrotiques que le sujet y trouve,
satisfactions qui n’ont de valeur que parce que le sujet est un
névrosé, c’est vrai, mais qui exigent la coopération du monde
extérieur, sauf dans les cas où l’activité fantasmatique est tellement
puissante qu’elle impose à un monde complètement indifférent les
relations significatives dont le sujet a toujours besoin. Ces cas
constituent classiquement une contre-indication formelle, car il
s’agit ici d’états schizophréniques caractérisés, au sens le plus large
du terme. Pour les premiers, les seuls qui nous intéressent
présentement, il est bien évident que si le sujet a trouvé dans de
telles relations pathologiques une décharge suffisante, qu’elle soit
directe ou indirecte, de ses besoins libidinaux et agressifs, autrement
dit si les bénéfices secondaires qu’il recueille à travers sa maladie
sont suffisamment élevés, les forces vives qui motivent
profondément son besoin de guérir sont d’autant diminuées, et nous
retombons ici dans une situation analogue à celle qui s’établit quand
le sujet trouve dans le corps même du rapport analytique des
satisfactions excessives ; n’ayant pas à chercher d’investissement
pour une libido inemployée, il n’aura aucune raison profondément
vitale de guérir. L’importance de l’appréciation de la valeur des
bénéfices secondaires doit donc être une des préoccupations de
l’examen préliminaire, mais il est encore une autre direction dans
laquelle le thérapeute doit porter son attention. Je veux parler des
conditions de vie réelle du sujet, il existe des cas où, par suite de la
voie qu’il a suivie jusqu’ici, il sera objectivement très difficile au sujet
d’opérer des modifications importantes dans l’organisation de sa vie.
Et pourtant l’analyse, on peut le prévoir, impliquerait qu’en cas de
réussite, il s’y résolût. Est-il raisonnable de l’engager à faire un effort
qui le mettra en présence d’un dilemme cruel, objectivement très
réel et auquel il n’y a de solution qu’au prix d’un bouleversement
presque inhumain dont les répercussions peuvent s’étendre à tout
un entourage. Fenichel a consacré quelques lignes à ce problème, qui
ne peut laisser indifférents tous ceux qui pensent qu’ils n’ont le droit

41
d’intervenir dans la vie d’autrui que dans la mesure où leur
intervention peut se solder par un bénéfice réel, et n’est nullement
justifié par une conception personnelle du bonheur humain, et je
pense que c’est le cas de tous les analystes.
71
Telles sont les préoccupations qui orienteront l’examen préliminaire,
je dois ajouter qu’il y sera fait un bilan détaillé de la vie du sujet tout
aussi bien dans le passé que dans le présent, qui est nécessaire, de
toute évidence, pour qu’une réponse puisse être donnée aux
questions que le médecin se pose. Ainsi, par exemple, l’étude de la
séméiologie d’un symptôme névrotique ne peut être complète sans la
recherche soigneuse de ses signes avant-coureurs, ou des
manifestations morbides ou prémorbides qui l’ont précédé jusque
dans l’enfance ; de même l’étude attentive du curriculum vitæ est-
elle indispensable à l’estimation de la valeur du Moi. De plus, la
connaissance aussi complète que possible du passé du patient
fournit-elle de précieuses indications utilisables pour l’orientation
du travail analytique lui-même.
72
L’examen des conditions organiques favorisant l’apparition d’un
symptôme ou l’expliquant à lui seul ne doit pas être négligé. Par
contre, l’examen physique est proscrit, toujours dans la mesure où il
infléchirait dangereusement au départ le processus analytique. À ce
propos, une question embarrassante se pose : quelle conduite tenir
quand dans le tableau symptomatique des troubles d’allure
organique qui laissent un doute sur leur nature et n’ont été l’objet
d’aucun examen se montrent importants ? Pour ma part, j’ai
toujours en pareil cas préféré risquer d’être moi-même la cause de
résistances serrées et sauvegarder au mieux l’intérêt du malade en
lui conseillant de s’en remettre sur ce point à l’examen d’un
spécialiste qualifié.
73
Au cours des premiers entretiens je me suis toujours trouvé bien de
fournir au malade toutes les indications nécessaires relativement

42
aux horaires, honoraires, grandes vacances. Je lui indique aussi ce
que j’attends de lui et pourquoi je désire le voir poursuivre une telle
technique. Autrement dit je lui montre ce qu’est l’association libre et
je lui signale qu’il doit me rapporter ses rêves quand il s’en souvient,
en lui en faisant comprendre sommairement la nécessité, en
utilisant une comparaison analogue à celle que Freud emploie dans
« La méthode psychanalytique », que dans les productions de son
esprit je dois opérer un tri pour pouvoir lui mettre sous les yeux des
significations et des rapports que son introspection n’a pu découvrir.
En agissant ainsi, je me prive peut-être de quelques éléments
d’analyse, mais je crois que le traitement y gagne en sécurité. Freud,
dans « Analyse terminée et interminable », nous a montré combien
était vain l’espoir de poursuivre une analyse en créant
artificiellement un conflit entre l’opérateur et le malade, et ne serait-
ce pas agir ainsi en laissant dans l’ombre au début, alors que rien
n’est encore changé, quelques points essentiels des rapports de
réalité entre le médecin et le sujet.
74
J’ai insisté sur le déroulement de ces premiers contacts, parce que
aussi bien, d’une part, la façon dont ils sont conduits engage la suite
de l’opération, j’y ai assez souligné la solidité des projections
initiales, et, d’autre part, parce qu’ils doivent fournir en peu de
temps assez d’éléments pour savoir, avec autant de certitude que
possible, où l’on va, car je ne crois pas qu’il soit facile au médecin
d’interrompre une analyse parce qu’il s’aperçoit qu’elle est contre-
indiquée. Dans le cas d’une défense du type de celle qui implique la
non-participation au traitement, le danger est moins grand, mais
avec ceux où une faiblesse insoupçonnée du Moi s’accompagne d’une
intense activité projective, dont nous savons bien qu’elle est une
défense mais qui pour le sujet n’est qu’un lien ambivalent
violemment vécu, les choses me paraissent moins simples, car si le
médecin, lui, reste objectif, le malade ne l’est pas, et toute conduite
sera perçue comme une agression, et l’interruption pure et simple du
traitement ne me paraît pas une mesure sans danger.

43
3 - L’analyse en cours

75
Peut-être s’étonnera-t-on qu’une si grande partie de cet exposé ait
été consacrée à toute une série de considérations qui paraissent de
prime abord ne pas intéresser directement le cœur du sujet, mais,
outre que j’avais un but bien précis, celui de mettre en valeur la
nécessité des règles techniques et de bien montrer que chacune des
dispositions techniques avait un sens et un sens précis : les
dispositions secondaires ou les usages tout aussi bien que les règles
primordiales, j’ai pensé qu’il était plus commode pour moi de
planter complètement le décor avant d’engager le récit de l’action et,
dans l’esprit qui m’a inspiré jusqu’ici, je pense établir qu’aucune des
dispositions prises n’est arbitraire, ne relève d’un usage sans
fondement et justifie de sa nécessité en regard du but à atteindre,
qui, répétons-le, une fois de plus, vise toujours l’enrichissement du
Moi dans le double registre de la connaissance et de l’accroissement
énergétique.
76
J’espère que le lecteur aura pu se convaincre qu’il n’est pas de
précautions inutiles ni d’exigences excessives dans la manière dont il
est classique de conduire les premiers entretiens ou dans les
résultats qu’on en attend, et même qu’ils ne peuvent que se passer
ainsi si l’on veut qu’ils aient un sens réel et qu’ils soient pleinement
justifiés.
77
Maintenant l’analyse commence : le sujet est installé comme il a été
dit plus haut quand il fut question des dispositions propres à
relâcher le contrôle du Moi, le médecin attend dans cet état
d’« attention flottante », qui est la réponse à la règle des libres
associations, autrement dit, il réalise déjà, lui, ce que le malade
s’efforce, ou mieux, ce qu’il croit s’efforcer de réaliser. De par son
analyse personnelle et son entraînement, le médecin est en mesure
de ne maintenir aucune barrière entre son inconscient et le malade,
et d’utiliser toutes ses capacités d’intuition pour déceler ce qui se

44
passe dans l’esprit de celui-ci et établir plus précisément la
signification immédiatement sous-jacente à la conscience d’un
comportement, d’une certaine manière d’être, car un comportement
quelconque est évidemment l’expression d’une somme de
motivations, et ce qui importe, c’est de comprendre et d’isoler celle
qui est la plus près de la conscience dans l’état actuel des choses.
78
Telles sont donc les positions au départ, et tout au long du
traitement elles resteront ainsi dans le détail de chaque séance,
tandis que des modifications dynamiques et topiques profondes,
mais silencieuses, hormis de très rares moments pathétiques, parfois
absents, se produiront qui permettront au Moi de s’affermir,
d’étendre son empire et de se soustraire de plus en plus à des
automatismes défensifs auxquels il devait se soumettre
inexorablement pour éviter qu’une situation de la vie courante ne
devienne dangereuse, de par son analogie avec des situations
anciennes, ou mieux, parce qu’elle évoque un problème ancien,
d’actualité pendant une longue période de l’enfance, et qui pendant
tout ce temps ne put être résolu heureusement et aboutit par
moments à une surtension insupportable. Ces réactions
automatiques de défense entrent immédiatement en action dès que
l’angoisse, signalée d’alarme selon la dernière formulation
uniformément acceptée de Freud, fait son apparition ou
préventivement à son entrée en jeu. D’autres défenses, les plus
difficiles d’ailleurs à isoler et à faire abandonner, interviennent de
façon permanente pour éviter au Moi le danger de toutes les
situations actuelles traumatiques en puissance, car elles
solliciteraient, si la défense n’intervenait pas constamment,
certaines attitudes, certaines réponses qui correspondraient à la
résolution de certaines tensions instinctuelles, réactions qui
autrefois furent expérimentées comme effectivement dangereuses,
qu’elles aient entraîné une réponse hostile de l’environnement, ou
mieux, que par l’interjeu continuel du réel et de l’imaginaire elles
fussent insensiblement élevées à la dignité de causes possibles d’un

45
cataclysme. Le mot n’est pas trop fort quand il s’agit d’un enfant, qui
croit risquer par certaines conduites de perdre l’amour de ses
parents, amour qu’il ressent comme indispensable à sa vie, et il
l’est encore moins quand, plus jeune, il a du monde une image
confuse, terrifiante, peuplée de projections de ses propres émois, de
ses propres besoins, dont la forme libidinale même, c’est-à-dire qui
dans leur aspect de désir d’union intime, implique des réalisations
de nature agressive telles que : s’unir à autrui en le dévorant.
79
Et c’est en fonction de l’intervention du subjectif que la réalité
intérieure, où ce qui est subjectif compte seul, est si différente de la
réalité proprement dite, et qu’il est si peu nécessaire que des
traumatismes effectifs importants aient eu lieu. Et c’est à cause de la
vigueur de cette réalité subjective que la situation analytique,
pourtant objectivement si simple et si dénuée de dangers, est
toujours une situation traumatique en puissance, car l’abandon des
attitudes défensives qui libéreront les pulsions instinctuelles, sous
leur forme autrefois perçue comme dangereuse, d’une part, et de
l’autre, l’intervention des activités projectives, qui progressivement
donneront du thérapeute au patient une image déformée, déréelle,
équivalente presque à celle qu’il se faisait autrefois de ses parents,
ou de leurs substituts, la transforme en une situation superposable à
celle d’autrefois. Comme on peut aisément s’en rendre compte en
considérant ces deux termes, par ce double effet la situation
analytique revêtira inévitablement tous les caractères de la situation
autrefois vécue, puisque rien n’y manquera, ni les impulsions
instinctuelles sous leur forme primitive, ni l’objet de ses réactions
sous la forme qu’il revêtait jadis. Faire face à cette situation c’est
résoudre l’agrégat inconscient de fantasmes, de réactions
émotionnelles, de peur, de désirs contradictoires, de réel et
d’imaginaire que l’on nomme un complexe, agrégat qui s’est
constitué autour d’une situation donnée, et c’est, du même coup,
soumettre à l’influence régulatrice du Moi tout autant les éléments
idéationnels du problème que toute l’énergie absorbée par cet

46
agrégat, qui n’est pas une enclave inerte, mais une exclusion
dynamiquement maintenue de réactions instinctuelles toujours
vivantes et par suite nécessitant une certaine dépense énergétique.
La chose est si vraie qu’elles ne sont pas éteintes, que lesbesoins
qu’elles expriment et qui sont d’ailleurs des besoins primordiaux qui
ne peuvent en aucun cas et d’aucune manière être complètement
abolis, sont toujours présents, que la preuve en est administrée par
l’existence de satisfactions substitutives dans quelque état que ce
soit, même dans ceux qui sont définis comme des retraits du monde
externe ; le plus souvent, d’ailleurs, même dans les cas les plus
accentués de schizophrénie, ce retrait n’est pas effectivement
complet. Des symptômes restitutifs qui expriment des tentatives
pour renouer des relations d’objet avec le monde extérieur
constituent une partie du tableau clinique, et même à supposer
l’éventualité théorique où il le serait, l’activité autistique est là, qui
est la source de satisfactions substitutives qui, sur le plan de la
réalité intérieure, parviennent à suppléer aux pertes de contact réel.
80
L’évolution du Moi au cours de l’analyse. — Pour rester sur le plan
de ces considérations générales sur la dynamique de la cure
analytique, je dois essayer maintenant de montrer comment se
produisent ces modifications dynamiques et d’ailleurs topiques du
Moi, dont j’ai dit qu’elles étaient silencieuses et lentes le plus
souvent. Revenons à la situation de départ : le Moi affaibli par toutes
les pertes énergétiques, desquelles il a été fait mention, est de plus
gêné dans son activité par la nécessité de recourir à l’emploi de
techniques de défenses anachroniques. Celles-ci étaient d’un usage
normal au moment où parallèlement l’évolution naturelle des
pulsions instinctuelles et la sienne propre ont été stoppées, ou
mieux, à la phase où devant l’incapacité de surmonter des conflits
nouveaux, et la structure du Moi et l’organisation pulsionnelle ont
régressé, et à laquelle d’ailleurs des intérêts instinctuels importants
étaient restés fixés. Car le Moi, comme les pulsions, se transforme
perpétuellement et presque parallèlement en vertu d’un mouvement

47
spontané qui les amène de l’état infantile à l’état adulte. Certaines de
ces défenses, et les plus primitives, telles que la projection,
entraînent ipso facto une déformation de la manière dont il est
possible au sujet d’appréhender la réalité extérieure, car, qui dit
projection dit substitution de la réalité subjective à la réalité tout
court et imputation à celle-ci, et c’est en cela précisément que c’est
un processus défensif, puisqu’il permet au sujet de tolérer certaines
tensions et de les résoudre, de certaines intentionnalités qui lui sont
propres. Ainsi le Moi semble définitivement incapable de sortir de ce
cercle vicieux : faible, parce que privé d’apports d’énergie
instinctuelle suffisants, il ne peut avoir du monde qu’une image qui
maintient l’archaïsme de sa structure, de par le fait même des
distorsions qu’il fait subir à la réalité, en fonction des procédés de
défense qui lui sont accessibles, mais c’est ici précisément que se
trouve le salut, c’est que dans la vie présente, actuelle, sont en action
tous les éléments du conflit qui est responsable de l’arrêt du
processus normal de l’évolution. Comme il survit dissimulé, mais
actif, c’est en partant d’ici et de maintenant, et en nous appuyant sur
la réalité actuelle qu’il nous sera possible, et sans qu’intervienne
aucun artificialisme, de saisir sous cette forme vivante le conflit
initial, de telle façon qu’il puisse être surmonté d’une tout autre
manière que dans la convention d’une connaissance intellectuelle.
81
Et c’est pour cette raison aussi que l’analyse ne peut être que
régressive et extrêmement lente, et que les gains du Moi ne peuvent
pendant longtemps que passer inaperçus. En effet, le sujet ne peut
d’abord que faire face aux formes les plus superficielles de ce conflit
fondamental devenu inconscient, et de proche en proche il arrive à
en connaître des manifestations de plus en plus voisines du conflit
initial dans sa forme première ; comme c’est en cette forme que ce
conflit a déclenché tout le processus de la construction névrotique, il
est inévitable que, tant que cet « état » du conflit essentiel (car il en
est qui dans la vie de chacun prédomine sur tous les autres qui tirent
de lui leur forme spécifique même s’ils gardent des caractéristiques

48
tenant à la phase évolutive où ils sont nés), n’est pas clairement
actualisé, il est inévitable, donc, que les résistances, terme sous
lequel on désigne entre autres les manifestations de l’activité
défensive du Moi dans leur forme d’obstacle à l’analyse, se
reproduisent sans cesse, chaque fois qu’une forme plus primitive du
conflit tend à devenir actuelle et que la partie ne soit définitivement
gagnée qu’au moment où est dominée la situation conflictuelle
essentielle. Chaque fois que le sujet est sur le point de revivre et de
se remémorer une situation plus ancienne qui était traumatisante en
elle-même ou de par un conflit préexistant, ou qu’il est amené à
aborder un aspect de ce conflit qui était jusqu’alors demeuré
inconscient, Freud l’a bien noté, non seulement les résistances
reparaissent dans le type une fois pour toutes adopté par le sujet, ce
qui correspond à la spécificité de sa défense (Anna Freud, Wilhem
Reich), mais encore les progrès thérapeutiques péniblement réalisés
sont remis en question, le sujet, devant le danger nouveau que
représente l’abord d’une nouvelle organisation complexuelle,
tendant à retourner à l’équilibre spontanément réalisé, c’est-à-dire à
la forme névrotique de ses relations d’objet. L’on voit que l’analyse
ne peut qu’évoluer par poussées, qu’être faite d’une succession de
phases, de progrès et de résistances, et que cette courbe sinusoïdale
de son mouvement général est imposée par la nature même des faits.
82
La séquence : résistance-transfert-interprétation se reproduit tant
que les sources profondes de l’angoisse ne sont pas atteintes. Cette
séquence dont je parle ici pour la première fois se trouve déjà
introduite par les lignes qui précèdent, et l’on verra tout au long de
celles qui suivent sa légitimité, je veux dire par là que l’étroite liaison
entre les termes qui la constituent, ce qu’évoque la notion de
séquence, y apparaîtra clairement, mais pourquoi ce terme implique
une « série ». Si la résistance et le transfert de défense sont
simultanés puisque la résistance n’est que la connotation, par
rapport à la progression de l’analyse, des effets du transfert défensif,
elle n’en est pas moins perceptible avant que soit appréciable la

49
modalité de l’activité défensive du Moi qui la sous-tend. D’autre
part, le transfert défensif (résistance) doit être analysé pour
que s’actualisent les affects et les émois qui seront à leur tour
analysés et que la résistance a précisément pour but d’exclure de la
situation analytique. Cela est un autre aspect de la question, mais à
quelque point de vue que l’on se place la notion de « série » reste
toujours valable. Mais qu’il me soit permis de signaler que Freud l’a
nettement établie dans deux de ses écrits techniques : « La
dynamique du transfert » (1912), « Le début du traitement » (1913).
Suivant les cas, ces sources de l’angoisse sont situées plus ou moins
profondément dans le passé du sujet. Il arrive souvent qu’elles sont
assez superficielles et correspondent à ce que tout le monde nomme
le « conflit œdipien », mais bien souvent aussi les difficultés que le
sujet a rencontrées à ce moment ont été d’autant plus violentes qu’il
n’avait pas, sans dommage pour l’intégrité de son Moi et la
normalité de ses évolutions instinctuelles, traversé les phases
évolutives préœdipiennes, autrement dit l’œdipe a été d’autant plus
insoluble que les conflits le précédant avaient été mal surmontés ; et
ici l’analyse, après avoir retrouvé ce que fut le problème œdipien
pour le sujet, s’engage tout naturellement dans sa marche en arrière,
vers les conflits précédents dont l’œdipe fut à son tour une
actualisation temporaire compliquée par la différenciation des
personnes parentales suivant leur sexe.
83
D’une manière générale, j’ai cru constater que le mouvement de
l’analyse, après avoir atteint le conflit véritablement pathogène que
Bergler, à juste titre, nous a montré, se reflétait bien souvent dans
les conflits inhérents aux phases suivantes de l’évolution du sujet (ce
qui est du même ordre que de voir le conflit œdipien lui-même se
réveiller à l’acmé de la poussée pubertaire) tendait à la ramener vers
le superficiel et que le conflit œdipien était alors une nouvelle fois
évoqué et d’une façon beaucoup plus nette avec des acmés
véritables, saisissantes dans leur vigueur et leur précision.
84

50
Après avoir défini, ainsi que je viens de le faire, le mouvement
général d’une analyse et ses raisons, je pense que je n’ai de meilleure
voie d’exposition que de décrire laséquence à laquelle j’ai fait
allusion et qui se reproduit un nombre variable de fois suivant les
cas : résistance, transfert, interprétation.

Différents aspects de la résistance

85
Je reviens au point où j’en étais resté en opposant l’attitude de
l’analyste, qui attend et est en mesure de comprendre ce que lui
apporte le sujet, à celle de celui qui s’engage, sans soupçonner les
difficultés qu’il va rencontrer même s’il éprouve une répulsion tout à
fait consciente à se soumettre à la loi des associations libres, dans
une tentative pour obéir à cette loi. Il sera tôt ou tard gêné par la
résistance à laquelle il a été fait allusion plus haut, et Freud nous a
donné un exemple simple et typique de celle-ci, en nous indiquant
que la résistance se manifeste dès qu’une modification importante
dans le débit ou la façon de parler du sujet s’est fait sentir, ou
encore qu’un silence notable s’installe. C’est à ce moment, ajoute-t-il
en substance, que se situent les premières manifestations de ce qui
sera une des caractéristiques essentielles de la situation analytique :
le transfert. Mais il est évidemment bien d’autres formes de
résistance, et l’on peut dire que la description peut en être multipliée
à l’infini.
86
En effet, en fonction des circonstances de son histoire
personnelle, chaque sujet a élu une façon particulière de se défendre
contre l’intrusion dans une situation quelconque ou, plus
exactement, dans ses relations d’objet, d’une pulsion instinctuelle
qui la rendrait dangereuse, par un procédé dont la forme exacte lui
est personnelle. Il n’empêche que toutes ces variétés, dont l’analyse,
c’est-à-dire la réduction, n’est vraiment efficace que si l’on arrive à
les caractériser dans la forme spécifique que le sujet a choisi, sont
réductibles à quelques types généraux.

51
87
Il faut noter tout de suite que je n’envisage ici que les résistances de
défense, c’est-à-dire qui émanent du Moi tout en étant
inconscientes, mais que les obstacles à l’analyse, l’ensemble des
résistances à celles-ci, ne sont pas imputables au Moi seul, ainsi que
nous le verrons plus loin. Pour revenir aux premières, elles peuvent,
comme le fait remarquer Fenichel et comme je l’ai déjà indiqué en
parlant de la difficulté qu’il y a à maintenir la situation analytique
dans un équilibre tel qu’une partie du Moi observe ce que l’autre
éprouve, se traduire par les prédominances excessives du« trop
observer » ou du « trop éprouver ». Il est facile de voir en quoi de
tels comportements sont des résistances, et je l’ai noté au passage.
88
Celui qui parle trop pour se défendre d’éprouver quelque chose,
examine son cas à la façon d’un autre. Il cherche à établir des
relations entre des situations en apparence éloignées, déploie un
grand luxe de productions fantasmatiques, fait souvent preuve d’une
docilité exemplaire, est à la fois intelligent, systématique et capable
d’une liberté associative exceptionnelle, mais au mieux se donne une
théorie excellente de sa maladie si l’on n’arrive pas à lui faire sentir
comment, à travers son application, il arrive à vicier le libre jeu de
l’analyse. Il parle pour ne rien éprouver, ou encore, il se défend de
laisser transparaître le moindre affect, alors qu’il l’éprouve à l’état
naissant. D’autres se contentent d’énoncer des associations
elliptiques, ou se conduisent comme s’ils croyaient que le matériel
analytique se réduit au coq-à-l’âne, qu’ils érigent en règle, sous
prétexte ou même en croyant qu’ils exécutent la consigne qui leur a
été donnée. Ces sujets, en général, affectent un trop grand calme, et,
comme Fenichel le fait remarquer, on peut se demander alors s’ils
ont une pauvreté réelle en affects ou si ceux-ci ne sont pas exclus de
la conscience par un contre-investissement efficace.
89
D’autres, enfin, restent systématiquement superficiels. Ils font un
récit minutieux de leurs occupations, de leurs symptômes, de leurs

52
difficultés journalières ou de leurs rêves, et rien de vivant n’apparaît.
On pourrait multiplier les exemples des différentes techniques
employées ; je crois plus intéressant d’ajouter que, parlant de la
dernière catégorie, l’on entre déjà dans le groupe de ceux qui ne
se contentent pas de trop parler, mais qui utilisent au surplus cette
forme générale de défense que l’on nomme l’isolation et qui est l’un
des éléments essentiels de la technique obsessionnelle de relations
d’objet. Dans d’autres cas, au contraire, ce sont les faits de la vie
quotidienne qui sont passés sous silence, et le sujet ne livre qu’un
matériel spécifiquement analytique, au sens où on l’entend
communément, je veux dire par là qu’il se lance dans une production
systématiquement exclusive de fantasmes, d’associations
« hautement significatives », qu’il semble ne connaître aucune
résistance à fournir le matériel le plus spécifiquement érotique ou
scatologique. Dans ce cas, il est clair que le « matériel » est isolé de
ses connexions avec la personnalité totale, et déjà s’inscrit un des
aspects de cette forme de résistance qui consiste à faire de l’analyse
un jeu, une sorte de fantasme complètement indépendant de la
réalité subjective.
90
Il arrive même parfois que les dispositions techniques prises pour
éviter que ne surgissent des malentendus réels entre le médecin et
son malade, ou que les rapports humains socialement inévitables
entre eux ne soient la source de satisfactions instinctuelles
substitutives, soient utilisées par le patient pour isolationner le
colloque analytique tout entier. De tels sujets, par exemple, sont trop
heureux de réduire au minimum, ce à quoi d’ailleurs l’attitude de
l’analyste les induit, les quelques contacts qui marquent le début et
la fin de la séance ; ils évitent même d’apporter la moindre variante
dans leur façon de régler les honoraires, c’est là une forme
particulièrement masquée de l’isolation, et pourtant la
méconnaissance de sa signification peut ruiner tout l’effort
thérapeutique et rendre caduques les interprétations les plus justes.
91

53
Dans le même ordre d’idées, une attitude qui engagerait le sujet
d’une manière ou d’une autre peut immédiatement être annulée, je
préfère démentie, par l’attitude inverse. Fenichel cite l’exemple du
démenti d’une attitude hétérosexuelle par une attitude
homosexuelle, et vice versa. Et il faudrait ajouter à toutes ces formes
de résistance la résistance par l’annulation magique, qui fait que ce
qui a été n’a jamais eu lieu et, par là, enlève toute valeur au matériel
fourni. Il est certain que toutes ces formes de résistance, par
intervention d’un jeu psychologique complexe qui isolationne,
dément ou annule le matériel, se rencontrent plus particulièrement
dans les névroses de structure obsessionnelle, mais il faut se garder
de conclure de l’usage de l’une de ces formes de résistance à
l’existence d’une structure de ce type. Pour ne prendre qu’un
exemple, Reich a pu démontrer que la superficialité systématique
pouvait ne pas être une forme d’isolation, mais seulement répondre
à une angoisse de tout mouvement vers les profondeurs,
« profondeurs de l’esprit ou du corps », ou à un moyen inconscient
de se procurer des satisfactions instinctuelles, agressives ou
libidinales dans le contact avec l’analyste.
92
Le deuxième type général de résistance est le « trop ressentir ». Ces
sujets, à l’opposé des autres, ne verbalisent pas et revivent trop. Ils
ont des abréactions nombreuses, extrêmement violentes et
« agissent » souvent leur analyse, soit dans le cadre même du
traitement, soit au dehors. De telles explosions émotionnelles isolées
sont sans effet sur la structuration de la psyché, et j’ai eu de cette
inefficacité une preuve indéniable. La libération instinctuelle est
sans lendemain. Il semble, selon Fenichel, que l’affect libéré
s’évanouisse en fumée et que d’une telle éruption ne subsiste rien. Je
crois que la raison en est la violence même de la libération. J’ai eu
l’occasion d’observer un cas : il s’agissait d’une femme où dans le
cadre d’une situation œdipienne, pourtant tout autant vécue que
remémorée, une explosion de rage jalouse prit un tour presque
dramatique. Quelques jours après, le souvenir même en était perdu,

54
et pourtant, je tiens à le préciser, cette abréaction avait été préparée
par une longue phase de défoulement, où le souvenir de l’amour
pour le père disparu était à ce point retrouvé que de fausses
ressemblances obsédaient la patiente en même temps que son
amour de transfert s’intensifiait. Mais lorsque les tensions devinrent
si violentes, que la décharge que je viens de dire fut nécessaire, il
semble qu’il y eut un tel ébranlement du Moi que celui-ci dut
recourir au procédé qui autrefois avait assuré sa sécurité ; je
considère en effet que le souvenir de l’explosion émotionnelle vécue
dans le transfert fut immédiatement refoulé. Il est vrai que, dans ce
cas, qui était celui d’une névrose de caractère phobique, la
frustration œdipienne avait réveillé tout le conflit
extraordinairement angoissant d’une frustration infiniment plus
cruciale, d’origine orale celle-ci. Lorsque l’analyse actualisa ce
conflit, des sentiments de dépersonnalisation, autrement
douloureux parce qu’ils mettaient en cause le sentiment d’unité de
l’Ego, surgirent alors, et il me devint clair que toutes les réactions de
défense étaient essentiellement dressées contre l’éventualité de la
réapparition de tels états de rupture du sentiment de soi. Je pense
qu’il faut rapprocher de ce type de résistance la résistance dite du
transfert.
93
Ce fut sous cet aspect d’obstacle à l’analyse que Freud eut tout
d’abord connaissance du transfert. Tout transfert qui est un vécu
s’oppose dans une certaine mesure à la remémoration, et lorsqu’il a
atteint une certaine intensité il devient une source de résistances.
Les malades en ont souvent d’ailleurs facilement conscience. Cette
résistance du transfert doit être soigneusement distinguée, comme le
fait remarquer Lagache, de la résistance au transfert, qui est
exactement l’inverse. Dans cet ordre d’idée de la résistance du
transfert, il faut isoler certaines formes de guérison, qui impliquent
la prégnance d’un aspect positif archaïque du transfert. Le sujet est
débarrassé de ses symptômes, en fonction de la représentation
inconsciente qu’il se fait de l’analyste, qu’il ressent comme un

55
personnage tout-puissant, disposant d’un pouvoir magique. De telles
guérisons sont évidemment à l’opposé de celles que cherche à
obtenir la technique analytique, car elles consacrent en fin de
compte la faiblesse du Moi et expriment une résistance que peut
dominer une analyse prolongée. Une forme particulière de
résistance qui ne relève pas des types précédents, est celle qui résulte
du désir excessif de guérison ; celui-ci nuit à l’exercice foncier de la
règle fondamentale : le sujet ordonne de façon exclusive ses
associations en fonction de ses désirs, mais en même temps un tel
désir est le moteur principal de la cure, c’est-à-dire qu’il ne devient
une résistance qu’au bout d’un certain temps. Je ne parlerai pas
davantage des aspects pathologiques du désir de guérison, soit qu’il
représente le souhait de renforcer l’équilibre névrotique, soit qu’il
traduise un désir enfantin de devenir un être inaccessible aux
souffrances de la vie. Aux résistances mobiles de transfert on oppose
les résistances rigides de caractère, et cette opposition est
cliniquement justifiée, car les premières se développant à l’occasion
des rapports analyste-analysé, sont relativement facilement
analysables, c’est-à-dire accessibles à la conscience du sujet, et se
reproduisent quand une nouvelle tranche du matériel refoulé tend à
se faire jour, tandis que les secondes, constantes, exprimant par une
manière d’être un trait de caractère, représentent la résultante fixe,
gelée, pour employer l’expression classique, d’un conflit, et sont
l’expression du compromis réalisé entre la défense et la pulsion, à
l’égal d’un symptôme, mais d’un symptôme qui, non seulement ne
gênerait pas le malade, mais ne serait en aucune manière perçu par
lui et lui apparaîtrait même dans certains cas comme un des
éléments les plus précieux de sa personnalité, en ce sens qu’il a
confusément le sentiment que cette façon d’être lui simplifie les
choses. De telles résistances peuvent, à ceux qui ne sont pas
familiarisés avec l’analyse, paraître devoir être respectées,
puisqu’elles représentent apparemment tout au moins la solution la
plus économique possible d’un conflit dont l’expression pourrait être
beaucoup plus dramatique. C’est, à mon sens, une considération qui

56
n’est pas sans valeur dans certains cas particuliers, je veux dire
individuels, et c’est pour cela qu’il faut, au cours de l’examen
préalable, se demander dans chaque cas si « le jeu en vaut bien la
chandelle ». Il ne sert à rien en effet de bousculer la structure d’un
Moi si, tant sur le plan psychopathologique que concrètement, l’on
ne prévoit pas une possibilité de remplacer l’état actuel par un
meilleur.
94
Cela dit, chez un sujet dont l’analyse est justifiée, l’on doit chercher
avec grand soin à réduire les éléments les plus importants de la
« résistance de caractère », selon l’expression de W. Reich, car c’est
par cette découverte de la résistance permanente de caractère que
Reich a fourni un sérieux apport à la technique psychanalytique, et
personne aujourd’hui ne songe à le contester si tout le monde relève
des erreurs et des dangers dans sa technique et dans ses
conceptions, en particulier du fait de sa méconnaissance
systématique des émois libidinaux du transfert au début. De deux
choses l’une, en effet, ou bien ce trait de caractère est sans grande
signification dynamique et économique, et alors le sujet a peu de
choses à perdre en l’abandonnant, ou bien il règle à bas bruit un
conflit important en gelant des crédits énergétiques massifs et, dans
ce cas, sa dissolution est indispensable pour que précisément ces
réserves soient mises à la disposition du Moi. Fenichel note que
l’analyse des défenses rigides de caractère exige une technique
particulière. Il faut, écrit-il, les transformer en défenses mobiles de
transfert. Je pense qu’une telle manière de faire, qui est évidemment
nécessaire, peut s’inscrire dans la règle générale technique dont
l’emploi est universel et qui s’exprime ainsi : « S’efforcer de ramener
tous les phénomènes constatés à leur expression dans le transfert. »
95
Certaines des résistances de défense permanentes de caractère,
auxquelles on ne pense souvent pas assez, sont celles qui se
traduisent par une anomalie dans la répartition du tonus
musculaire, autrement dit, une contracture discrète mais

57
significative de la main, par exemple ; elles doivent être dissoutes
comme les précédentes.
96
Telle est l’énumération succincte des principaux types de résistance,
et un essai très approximatif de leur classification ; j’ai noté
précédemment que l’on ne pouvait ramener toutes les résistances à
l’analyse aux seules résistances de défense ; Freud, en effet, n’a-t-il
pas, envisageant le plan topique, c’est-à-dire topographique, décrit
cinq espèces de résistances :
1. Les résistances de défense proprement dites, notion plus extensive
que celle de résistance de refoulement.
2. Les résistances dues aux bénéfices secondaires. Elles ont été
énoncées quand j’ai traité de l’examen préalable. Elles
représentent une connotation dynamique du degré de réussite de
la construction névrotique, elles dérivent donc de l’activité du Moi
et sont donc par là accessibles à l’analyse, si elles ne sont pas trop
massives.
3. La résistance du transfert. En dehors du fait que le transfert est en
lui-même une résistance dans la mesure où il satisfait dans un
vécu irrationnel des énergies pulsionnelles puisque la relation
d’objet y est inadéquate, l’objet, l’analyste n’offrant aucune
justification aux sentiments du sujet, et le style de la relation y
étant infantile, le concept de résistance de transfert dans une
assimilation à une résistance de défense se justifie par le fait que le
Moi emploie certaines pulsions du Ça pour faire obstacle à
d’autres courants pulsionnels de celui-ci ; par exemple, il utilise
les sentiments positifs envers l’analyste pour éviter de se
confronter avec les sentiments négatifs éprouvés envers celui-ci.
4. Quant aux résistances dites du Surmoi, elles sont, selon Fenichel,
le résultat du compromis que le Moi a trouvé dans son conflit avec
le Surmoi. Le Moi évite l’angoisse d’un conflit aigu avec le Surmoi,
en se résolvant à utiliser un système de défense.
5. Comme on le voit, on peut ramener toutes les résistances à une
résistance de défense du Moi, même si sur le plan topique elles

58
apparaissent d’une origine différente. Une seule cependant ne se
prête pas à cette réduction, c’est la résistance du Ça, expression de
l’inertie naturelle aux esprits humains. Cette résistance, dont on
fait l’expérience à l’analyse plus qu’on ne peut effectivement la
préciser, est sans doute irréductible à l’analyse, quoique
l’expérience semble prouver qu’à travers le Moi et ses pouvoirs de
régulation celle-ci influe sur la nature des processus se déroulant
dans le Ça, comme nous le verrons plus loin.

Le transfert

97
Il est évidemment presque absurde de dire, en parlant de l’œuvre
d’un homme tel que Freud : ceci ou cela est son plus grand titre de
gloire, mais quand on voit avec quelle intuition il a su distinguer les
deux aspects fondamentaux du transfert, par rapport au but de la
thérapeutique analytique, on est très tenté de tomber dans cette
erreur qui consiste à isoler un aspect d’une œuvre qui forme un tout,
aspect auquel nous attache un attrait particulier.
98
Du transfert on a donné des définitions différentes que Lagache
rappelle dans son rapport sur le transfert, dont la documentation est
inégalable, et dont la critique est précieuse. De sa nature, Freud a eu
deux conceptions différentes. Il y a vu tout d’abord un ensemble de
phénomènes issus des besoins instinctuels, puis, comme il ne
pouvait aligner cette conception aux exigences doctrinales de la loi
dite Principe de plaisir, il y a cherché l’effet direct d’une compulsion
à la répétition, comme il en est témoigné dans « Au-delà du principe
de plaisir ». Fenichel indique implicitement ses préférences pour le
premier point de vue. Lagache, quoiqu’il ne prenne pas un franc
parti, semble se rallier à cette thèse quand il cherche la motivation
de la répétition. Quant à moi, tout ce que j’ai cru comprendre dans
mon expérience personnelle, ainsi qu’en témoigne le peu que j’ai
écrit, me fait aussi pencher vers la première solution. J’ajouterai par
ailleurs, pour tout ce qui est du problème de l’extensibilité du

59
concept de transfert, que je tendrais à considérer comme
manifestations de transfert tout ce qui se produit d’irrationnel dans
le rapport analytique depuis son début. Que les phénomènes ne
soient pas alors interprétables parce que mal dégagés et incompris,
n’empêche pas qu’ils soient de nature transférentielle, et ici je
m’appuie sur les rapprochements que Freud fit entre l’amour de
transfert et l’amour tout court, « Observations sur l’amour de
transfert ». Par contre, je ne pense pas que doivent être considérées
comme phénomènes de transfert les réactions qui répondent à une
contre-réaction de l’analyste lui-même, si ce n’est par leur intensité.
Je considère en tout cas qu’elles sont pratiquement inanalysables, et
ici je crois être dans la ligne d’« Analyse terminée et interminable ».
99
Ainsi le transfert me paraît commencer, qu’il soit interprétable ou
non, dès que s’instaure le rapport analyste-analysé. Sans quoi serait-
il nécessaire de prendre tant de précautions au cours des premiers
entretiens ? Et la pratique analytique nous montre chaque jour
quelle incidence peut avoir sur le développement de la cure une
impression appuyée sur une constatation indiscutable faite au
premier contact. J’ai le souvenir d’une analyse qui ne fut même pas
engagée parce que la malade avait remarqué un très léger
haussement d’épaule quand elle avait parlé de ses convictions
religieuses à son médecin, et du premier ou de l’un des premiers
rêves rapportés au cours du traitement chez moi il résulta très
clairement que tout son élan reposait sur la satisfaction orale que lui
offrait la communion catholique. N’est-ce pas sur un effet de
transfert imminent que s’appuyait sa réaction à la condamnation
implicite que comportait le geste, probablement fortuit, de mon
confrère. La rationalisation qu’elle se fournit était si peu consistante
que le problème religieux ne fut, en aucune manière ni à aucun
moment, l’objet d’une quelconque complication dans son rapport
avec moi ; par contre, l’incapacité fondamentale à supporter la
frustration œdipienne à travers laquelle se profilait la frustration
orale constitua l’essentiel de son analyse. Ainsi, je crois que le terme

60
de « transfert flottant » (Glover), pour justifié qu’il soit, parce qu’il
désigne des faits qui ne sont pas encore analysables, n’indique pas
qu’il se passe quelque chose qui soit essentiellement différent du
transfert, et d’ailleurs l’appellation même dans sa forme témoigne
qu’il ne peut en être ainsi.
100
Aussi je pense que le transfert, c’est-à-dire la transformation de la
signification d’une situation objectivement caractérisée, en fonction
de la réalité psychique, commence dès que s’établit un contact entre
médecin et malade. Que la première manifestation de son ingérence
dans celle-ci soit reconnaissable à la première gêne qui trouble la
limpidité du rapport, j’allais écrire théoriquement objectif entre les
deux tenants du dialogue, ne change rien à la question. Tout ce que
l’on peut dire, c’est que, à partir de cet instant, le transfert devient
assez puissant pour que son action puisse infléchir le déroulement
du processus analytique.
101
Il est classique de diviser le transfert, au sens très restreint du mot,
c’est-à-dire limité à l’établissement, du fait de l’analysé, de relations
instinctivo-affectives que la réalité de la situation n’implique pas, et
qui sont déréelles plus qu’irrationnelles ; en effet, que dire du
rationnel dans la subjectivité de l’affectivité, en transfert positif et
transfert négatif. Cette division remonte à Freud, qui, se plaçant
sous l’angle des effets du transfert sur l’analyse, voyait, à juste titre
d’ailleurs pour l’ensemble des cas, les effets négatifs sur le travail
analytique des sentiments d’opposition du sujet, et les effets positifs
dans la même occurrence des sentiments affectueux ou tendres du
sujet, dans la mesure d’ailleurs où ses sentiments étaient mesurés et
désexualisés, autrement dit, ramenés à une estime, une affection,
une confiance qui aidaient le sujet dans son effort.
102
En réalité, les termes de transfert négatif et de transfert positif,
quoique d’un usage universel, sont entachés d’une certaine
ambiguïté ; autrement dit, la qualification de négatif exprime-t-elle

61
un effet négatif sur la marche de l’analyse, ou simplement la qualité
oppositionnelle des sentiments de transfert ? Le fait que des
sentiments négatifs entraînent en général un ralentissement du
travail analytique n’est pas constant, et je pense que Lagache a
raison de distinguer le transfert négatif : connotation par rapport à
la qualité des affects qui, dans ce cas, sont hostiles, des effets
négatifs de transfert, connotation en fonction du travail analytique.
Il arrive très souvent, en effet, et l’on peut dire constamment qu’une
phase de transfert négatif à l’occasion de laquelle le sujet prend
conscience de ses pulsions agressives, si elle peut s’accompagner
d’un ralentissement passager de l’avance analytique, marque un
progrès substantiel, et par conséquent se solde par des effets
positifs ; inversement, certaines phases de transfert positif très
sexualisé marquent un temps mort dans l’évolution de la cure, et par
conséquent entraînent des effets négatifs.
103
En se plaçant sous un angle différent, on peut, comme Anna Freud
dans Le Moi et les mécanismes de défense, diviser les manifestations
de transfert, c’est-à-dire, répétons-le, toutes les réactions
irrationnelles qui se développent dans le colloque analytique, en
trois catégories : dans la première, prennent place toutes celles qui
sont l’expression des mesures de défense que le Moi prend contre
l’émergence dans la conscience de « dérivés inconscients », qui
risqueraient de transformer la situation actuelle, autrement dit la
situation analytique, en une situation dangereuse ; dans la seconde,
Anna Freud range les affects et les émois instinctuels faisant
irruption dans la conscience à l’occasion des défoulements ; et dans
la troisième, les actes de transfert, ou encore l’« agir » du transfert.
104
À travers toutes les formes classiques de résistance que j’ai décrites
plus haut peuvent s’exprimer en effet simultanément ou
successivement les mécanismes de défense du Moi, dont Anna Freud
a dressé la liste. Ils sont, en y comptant la sublimation des pulsions
(qui, si elle est un processus de transformation et d’évolution

62
naturelle de celles-ci, n’en a pas moins un aspect défensif), au
nombre de dix ; je n’en rapporte la liste que pour mémoire, puisque
leur étude détaillée n’ajouterait rien à l’essentiel de ma
démonstration et que leur définition a dû être donnée ailleurs ; ce
sont le refoulement, la régression, l’isolation, l’annulation
rétroactive, la formation réactionnelle, l’introjection, la projection, le
retournement en son contraire et le retournement sur soi. À tous ces
mécanismes, il a été ou il sera fait allusion à divers endroits de ce
travail.
105
Notons cependant que certains d’entre eux sont plus spécialement
employés dans certaines structures du Moi, par exemple : le Moi
obsessionnel fait plus particulièrement appel aux défenses qui
peuvent s’inscrire dans l’exercice d’un jeu psychologique telles que
l’isolation, l’introjection, la projection, l’annulation, la formation
réactionnelle, tandis que le Moi hystérique fait essentiellement
usage du refoulement. Un certain parallélisme s’observe entre le
type habituel de défense utilisé par un sujet et les difficultés qu’il
rencontre dans l’exercice de la règle des associations libres. C’est
ainsi, comme on l’a vu, que les obsédés entrent dans le groupe des
sujets qui parlent trop, et les hystériques dans celui des sujets dont
les affects font irruption dans le Moi en submergeant brusquement
toutes les mesures d’évitement et d’exclusion du Moi psychique,
dont le refoulement, pour subir ensuite une nouvelle exclusion du
Moi, ce qui rend compte de l’inefficacité thérapeutique des
abréactions trop violentes, même répétées. Mais le caractère
spécifique de la défense d’un sujet donné est encore plus accusé que
ne l’indiquent les considérations précédentes. La nuance de l’activité
défensive du Moi, chez chacun, doit être précisée pour que
l’interprétation de la résistance soit efficace. C’est surtout dans le
choix des mesures les plus superficielles d’évitement des affects
pénibles que le sujet fait preuve de plus de particularisme. Tel utilise
divers types de négation, tel autre délègue ses revendications

63
instinctuelles à un personnage interposé et par là évite le conflit
entre la pulsion et son interdiction, tel autre se rétracte, etc.
106
Anna Freud étudie ces procédés défensifs chez l’enfant et
l’adolescent, et insiste sur la diminution de leur efficacité chez
l’adulte. Il m’a semblé que si chez l’adulte normal ils passent
effectivement au second plan, ils gardent chez le névrosé toute leur
importance dans le secteur où, selon l’expression de Fenichel, « se
situe l’affect », c’est-à-dire dans les situations où s’exprime vraiment
la vie émotionnelle du sujet. Alors leur détection et leur référence au
passé constituent le moyen le plus naturel et le plus efficace
d’attaquer la résistance. Anna Freud fait remarquer, à juste titre, que
la situation de l’analyste est très différente en face de ces variétés de
manifestations transférentielles.
107
Le transfert de défense orchestré par le Moi est évidemment, comme
il résulte d’ailleurs de l’ensemble de cette étude, insensible au sujet
qui, dans une certaine mesure et souvent intégralement, l’avalise
comme une manière d’être naturelle qui va de soi et ne saurait prêter
à aucune discussion. Les émois et les affects transférés sont, au
contraire, éprouvés comme manifestations irrationnelles et
anormales, surprenantes et inquiétantes. Quant à l’« agir », il
suppose que le patient a perdu sur un point et temporairement ses
possibilités de contrôle et d’observation, et comme tel, échappe pour
un temps au moins à son observation spontanée. Ainsi les difficultés
de l’analyste seront moindres dans le deuxième cas que dans les
deux autres, mais comme l’émergence des émois et des affects ne se
produit en général que sous l’influence de l’abaissement du seuil des
défenses, à moins qu’ils n’atteignent spontanément une intensité
telle qu’ils deviennent en eux-mêmes une difficulté redoutable,
comme il arrive pour les sujets qui sentent plus qu’ils ne se
remémorent, on voit que dans tous les cas, sa situation n’est guère
enviable et que, neuf fois sur dix, le premier temps et non le moins
difficile de l’interprétation sera de faire reconnaître au sujet qu’il se

64
passe quelque chose qui ne va pas de soi ; autrement dit, de
provoquer la scission thérapeutique du Moi à laquelle Fenichel fait si
souvent allusion.
108
Tels sont les différents angles sous lesquels on peut considérer le
transfert. Pour être complet, encore faudrait-il insister sur ses
diverses modalités en fonction des différents « moments » dans
l’analyse de l’identification à l’analyste, qui me semblerait mieux
correspondre à la théorie du Surmoi auxiliaire de Strachey, plus
extensive qu’à la formulation habituelle du problème du transfert dit
rationnel ; mais pour ne pas surcharger à l’excès cet exposé, je m’en
tiendrai là pour l’instant, quitte à y revenir, quelque importance que
j’attache personnellement aux phénomènes d’identification, et
j’insisterai maintenant à nouveau sur la façon dont se déroule
l’analyse.

L’interprétation

109
Et cela m’amène à envisager maintenant le troisième élément de la
séquence résistance, transfert, interprétation. L’interprétation, mais
une question préalable se pose : quelle est la matière de
l’interprétation, puisque dans ce déroulement qu’implique la
séquence ci-dessus l’interprétation semble n’intéresser que les seuls
phénomènes de transfert ? En ce qui concerne le type de résistance,
aspect que prend la défense par rapport à la progression du travail
analytique, qui relève des défenses rigides de caractère, il est clair
qu’il est impliqué dans l’analyse du transfert de défense, les notions
d’interprétation de la résistance et du transfert de défense se
recouvrent complètement, quoique le concept de défense soit plus
étendu que celui de transfert de défense, puisque l’analyse des
défenses rigides de caractère qui forment précisément cette partie de
la défense qui ne relève pas du transfert de défense consiste dans un
premier temps en une transformation des défenses de caractère en
défenses mobiles de transfert.

65
110
Cette allusion aux travaux de Wilhelm Reich m’amène à attirer
l’attention sur une forme de résistance que cet auteur a eu le mérite
tout particulier de mettre en évidence : je veux parler
des manifestations camouflées de l’agressivité, dont la
méconnaissance par l’analyste peut enlever toute efficacité au
dialogue analytique, le sujet restant sur une position de refus dont il
n’a pas conscience. Ici, un court aperçu sur l’ensemble des théories
de Reich est indispensable.
111
Reich, donnant une extension excessive à la théorie de la défense,
pose en principe que toutes les manifestations transférentielles de la
phase initiale de l’analyse ne peuvent être que des manifestations
d’une hostilité plus ou moins déguisée envers une intervention qui
tend précisément à miner cet équilibre névrotique, c’est dire qu’il en
vient à dénier tout caractère d’authenticité aux manifestations
positives de transfert à l’orée d’une analyse. Cette méconnaissance
des significations libidinales du transfert à son début put être
attribuée, par les commentateurs les plus favorables à Wilhem Reich
(Richard Sterba, par exemple), à ses caractéristiques personnelles. Il
est en tout cas certain que, malgré la fréquence des manifestations
agressives dissimulées, ce refus systématique des significations
libidinales possibles des premières manifestations de transfert
constitue pour le sujet une frustration sévère, de celles qui sont le
plus cruellement ressenties. Comme j’ai pu le constater, la
frustration de la compréhension est infiniment plus douloureuse que
celle apparemment plus insupportable que constitue la stricte
application des règles techniques énumérées jusqu’alors. Sous
l’influence de cette frustration essentielle, jointe à une activité à
tendance agressive de l’analyste que les dispositions personnelles de
Reich lui imposaient, ne pouvaient que se développer chez le sujet
des contre-réactions agressives qui semblaient à Reich être la
meilleure démonstration de sa thèse (ce qui prouve, soit dit en
passant, combien le déroulement des opérations, si je puis

66
m’exprimer ainsi, peut être influencé par le contre-transfert de
l’analyste, et je reviendrai sur cette notion). Au surplus, le
démantèlement de toute l’architecture de la psyché, en défenses
stratifiées, tendant à enlever en fin de compte toute authenticité
à une quelconque manifestation psychique, devait normalement
conduire à un ébranlement complet de la structure de la
personnalité, et c’est ainsi que Reich lui-même s’inquiète des
résultats souvent catastrophiques de son analyse des strates de
défense, ou couches échelonnées de défenses de sens contraire. Par
exemple, une attitude agressive superficielle peut servir de défense
contre une attitude de passivité sous-jacente, elle-même utilisée à
titre de protection contre des tendances agressives plus profondes.
Si l’on fait abstraction de ses tendances agressives personnelles, de
sa méconnaissance des besoins libidinaux exprimés d’emblée dans le
transfert, de la systématisation outrancière de la notion de défenses
échelonnées, et enfin de la théorie « organique » qu’il construisit
après sa séparation d’avec le mouvement analytique, on peut dire de
W. Reich qu’il apporta à la technique de l’analyse des appoints
précieux. Il sut, en effet, mettre l’accent sur les défenses rigides de
caractère, sur l’importance de la notion générale de défense et sur
l’importance aujourd’hui généralement admise d’une analyse
systématique des procédés de défense, préalablement à celle de la
signification du contenu préconscient dont l’accession à la
conscience est empêchée. Ces acquisitions sont actuellement
intégrées à la pratique psychanalytique universelle, jointes à celle de
l’importance du moyen de défense spécifique, c’est-à-dire
individuel ; elles se reflètent dans l’œuvre d’un auteur dont le
classicisme ne peut être mis en doute : Anna Freud.
112
Des échecs de Reich, une leçon doit être tirée dont l’on peut
constater le bien-fondé dans n’importe quel contrôle d’analyste en
formation. Les défenses du Moi, qui constituent la meilleure
manière que le sujet ait trouvé d’établir un équilibre bancal, mais un
équilibre tout de même, entre son monde intérieur (instinctuel) et le

67
monde de la réalité extérieure, doivent être traitées avec beaucoup
de ménagements. Il ne faut jamais perdre de vue que rien n’est plus
fragile, et je ne crains pas d’y revenir, que l’équilibre instable d’un
sujet névrotique, et qu’il convient de savoir attendre patiemment, en
n’utilisant jamais rien d’autre que l’interprétation objectivante de ce
qui se passe, que le moi ait acquis assez de force pour renoncer de
lui-même à certains procédés d’ajustement, sans quoi l’on risque
l’aventure d’un forcing de la personnalité, avec le danger majeur que
cela comporte d’une rupture irrémédiable de l’instance de synthèse
et de cohésion qu’est le Moi, même névrotique. Tout ce que l’on dit
des dangers de l’analyse ressort de la méconnaissance de cette règle
logique : le Moi doit être en mesure de surmonter certaines
difficultés avant d’être confronté avec elles, ou d’un diagnostic
erroné, quant à la valeur du Moi. En dehors de ces deux éventualités,
je ne vois pas quel pourrait être le danger d’une analyse. Mais est-il
besoin de l’ajouter, ce sont là deux « temps » qui exigent autant
d’appréciation logique que d’intuition.
113
Et c’est peut-être pour cela qu’autrefois on conseillait de s’abstenir
d’intervention tant que se manifestait une résistance à l’analyse.
Aujourd’hui, et avec bien-fondé, l’on a renoncé à attendre que la
résistance cède d’elle-même. Comme je l’ai dit, l’analyse de la
résistance ou de la défense est un des temps principaux de l’activité
thérapeutique, mais il faut bien reconnaître que cette règle avait au
moins l’avantage d’éviter qu’une réaction intempestive de l’analyste
mette en jeu l’équilibre relatif acquis spontanément par le patient. À
mon sens, s’il est hors de question qu’il faille analyser, c’est-à-dire
interpréter la défense dans les règles que je reproduirai plus loin, il
faut conduire l’opération en ayant toujours la préoccupation de
rester dans les limites des possibilités du sujet. Ainsi comprise, la
destruction des défenses n’offrira aucun danger.
114
Je ne voudrais pas aborder l’étude de l’interprétation sans rappeler
ici ce que l’on désigne sous le nom de transferts latéraux. Sont

68
transferts latéraux, les comportements irrationnels vécus au cours
de l’analyse dans la vie réelle. Beaucoup d’analystes croient utile
d’interpréter précisément ces transferts, et l’on se rappelle que
Freud lui-même reconnaissait la quasi-identité de l’amour de
transfert et de l’amour tout court ; c’est dire que tout analysé
présente dans sa vie réelle des transferts. Peuvent-ils être objet
d’analyse ? Pour ma part, je pense qu’ils ne peuvent être abordés
qu’en liaison directe avec le transfert analytique, et encore…
Analyser un transfert latéral, sauf s’il représente un acting-out
caractérisé, c’est s’exposer à faire soi-même un acting-out, ou, si l’on
préfère, une activation extérieure ; qu’on le veuille ou non, c’est
implicitement pénétrer dans la vie réelle du sujet, car toute
interprétation, quelque dépouillée qu’elle soit, implique une
suggestion, une sollicitation très active du Moi, et le sujet de réagir, à
cet appel involontaire de l’analyste, à un certain type de réaction, par
une réponse qui aura d’autant plus de vigueur qu’une telle
interprétation aura été reçue comme une suggestion au sens habituel
du terme. Ainsi je ne crois pas, quant à moi, à la nécessité de
l’analyse des transferts latéraux, ce qui d’ailleurs amène une
dispersion des affects au lieu d’une concentration de ceux-ci dans la
situation analytique.
115
Comme on le voit, à divers titres, sous différentes rubriques,
l’ensemble du matériel psychique évoqué au cours d’une analyse
peut, tôt ou tard, se présenter sous la forme de matériel de transfert,
la classification d’Anna Freud en témoigne, à condition toutefois que
l’on veuille bien se rappeler que les cinq formes de résistances,
décrites par Freud peuvent être ramenées à des résistances de
défense, à l’exception dans une certaine mesure, toute relative
d’ailleurs, de la résistance du Ça, le Moi inconsciemment, ou mieux,
le Moi inconscient utilisant à des fins de compromis tantôt des
forces vives émanant du Surmoi, tantôt des énergies en provenance
directe du Ça. En effet, on ne voit guère dans ces conditions ce qui
du comportement de l’analysé pourrait échapper à une réduction à

69
l’une des trois modalités de transfert de défense, d’émois ou d’affects
inconscients émergés et d’« agir ». C’est pour cela que l’on peut
qualifier la psychanalyse, sous sa forme actuelle, d’analyse de la
personnalité totale. Cependant, dans la pratique analytique la
question de l’économie du temps se pose, et l’on sait d’ailleurs
combien ce fait reste une préoccupation thérapeutique de premier
plan pour tout analyste, que de réduire autant que possible la durée
d’un traitement dont la longueur est l’une des pierres
d’achoppement, et la question se pose de savoir s’il faut attendre
pour les interpréter que toutes les manifestations préconscientes
défoulées se profilent dans tous leurs détails dans l’intimité du
transfert.
116
L’analyse du transfert seul, et plus spécialement de ce qui se passe
ici et maintenant, est prônée par l’école anglaise d’Ezriel, utilisant la
technique de Rickman, en accord d’ailleurs avec l’opinion de
Strachey.
117
En quelques mots, l’analyste se borne à interpréter les attitudes du
malade envers lui, ce que nous faisons tous, mais sans jamais
montrer les connexions existant entre le présent et le passé, ce qui va
à l’encontre de ce que font les analystes depuis Freud. J’ai moi-
même vu appliquer, dans quelques analyses contrôlées, une telle
méthode à la lettre, et comme l’opérateur négligeait le plus souvent
cette particularité de l’application du hic et nunc, à savoir que
l’interprétation actuelle doit toujours mettre en scène trois
personnages, c’est-à-dire implique que, dans le corps de
l’interprétation, les conduites envers l’analyste soient vécues par
référence à une troisième personne, soit par exemple : « Vous êtes
gêné de m’exprimer tel sentiment comme si vous redoutiez d’entrer
en conflit avec ma femme », le ici-et-maintenant ainsi compris
favorise certainement, en plus de l’inconvénient de risquer la
scotomisation de la situation œdipienne, cette forme de résistance
bien connue que j’ai déjà signalée : « Trop ressentir et ne pas se

70
remémorer », car sa forme tripartite me semble théoriquement
indispensable pour que soit sans cesse induite sans intervention
spéciale de l’analyste la situation œdipienne, situation triangulaire
comme chacun le sait, puisqu’elle est celle de l’enfant partagé entre
ses deux parents, à l’heure du dernier et par conséquent à la fois du
plus superficiel et du plus décisif des conflits, par lequel le sujet doit
passer pour structurer définitivement les dispositions
fondamentales de son Moi, ce qui engage l’analysé lui-même à se
pencher sur son passé.
118
Je n’ai pas une expérience suffisante du hic et nunc appliqué comme
il convient pour porter un jugement justifié sur son efficacité ; mais
je crois qu’il est prudent de s’en tenir, comme le font la majorité des
auteurs, au sage conseil d’Anna Freud : l’analyse, écrit-elle en
substance, doit se tenir à égale distance du Moi, du Ça et du Surmoi,
formule qui implique tout aussi bien l’interprétation directe par
l’analyste de toutes les significations du matériel refoulé émergeant à
travers les rêves ou les associationslibres, le sommeil ou la situation
analytique étant des circonstances dans lesquelles, soit
physiologiquement, soit artificiellement, par suite d’un acte
volontaire du sujet, se trouve abaissé le niveau des activités
défensives du Moi, que celle des activités transférentielles,
pulsionnelles du Ça ou défensives du Moi et du Surmoi, ce dernier
n’étant d’ailleurs génétiquement parlant qu’une partie du Moi
inconscient spécialisé dans l’inhibition des pulsions.
119
Par contre, je crois que Ezriel a eu tout à fait raison d’insister
sur l’inefficacité relative de l’interprétation extra-transférentielle,
c’est-à-dire sur le peu de puissance dynamique de l’interprétation
du matériel onirique et associatif en soi, et en dehors de toute
connexion avec le présent vécu dans l’analyse. Je pense en effet que
de telles interprétations trop nombreuses tendent à incliner le sujet
vers cette autre forme de résistance à l’analyse que constitue
l’intellectualisation. Le sujet tend dans de telles conditions à prendre

71
conscience de lui comme s’il s’agissait d’un autre et à ne pas sentir
combien l’engage ce qu’il exprime dans ses rêves, et à travers le
laisser-aller de ses associations : c’est pourtant ce qu’il vit sous des
formes plus ou moins déguisées et atténuées que lui imposent la
réalité extérieure et son conflit intérieur dans le fil de ses jours.
120
D’ailleurs, en procédant ainsi par référence au présent vécu dans le
transfert, je ne fais qu’appliquer cette partie des règles de
l’interprétation qui prône l’interprétation de la défense avant celle
du contenu qui, comme nous le verrons plus loin, n’est elle-même
qu’un corollaire de celle posée par Freud du « superficiel » dès 1910
et sur laquelle il revient, en 1913, dans le début du traitement, et qui
prescrit qu’il faut toujours aller de la périphérie à la profondeur.
J’espère que l’on voudra bien me pardonner ces digressions un peu
théoriques, en se rappelant que mon but essentiel est de démontrer
la nécessité de la technique. Il m’a semblé en effet indispensable de
montrer qu’à travers diverses formulations se retrouvaient
intégralement les principes fondamentaux de l’analyse freudienne
dans sa forme dernière, et que les quelques variantes légères qui,
suivant l’heureuse expression de S. Nacht, sont moins
des innovations qu’une accentuation systématique d’une conduite
technique « partielle », partie intégrante de l’analyse classique,
élevée à la dignité d’un procédé thérapeutique, posent des problèmes
que soulève précisément l’isolement de la conduite « partielle » de
ses connexions naturelles avec toutes celles qui forment par leur
assemblage même l’extraordinaire instrument que Freud mit au
point, à partir de ce que l’on peut sans aucune exagération qualifier
d’observation géniale des faits.
121
Je n’ai ici, par économie, si je puis dire, pris qu’un exemple ; mais
l’on pourrait faire des remarques analogues à propos d’autres
rajeunissements de la technique psychanalytique, tel que celui
proposé par Alexander et French, mais ceci est hors de mon propos

72
et relève d’un chapitre de cette section du Traité, chapitre consacré
aux variantes de la méthode classique.
122
Mais que veut dire en pratique cette analyse du Ça, autrement dit du
contenu des rêves et des associations libres dans le transfert ?
Comment se présente-t-elle dans la réalité concrète ? Je veux dire
par là que les matériaux apportés par le rêve et les associations libres
nous renseignent sur les contenus inconscients et qu’ils nous
permettent de montrer au sujet de quoi et de qui il se défend, après
lui avoir fait prendre conscience de la manière dont il se défend,
d’une part, et que, d’autre part, les associations sur le rêve et les
associations libres amènent souvent le sujet à se souvenir de scènes
de sa vie passée ; il nous est possible de lui montrer, du même coup,
pourquoi il a actuellement besoin de se défendre et de lui indiquer le
fondement historique de sa défense.
123
Ainsi l’interprétation dans le transfert du matériel, autrefois refoulé
et défoulé et présentement rendu conscient, permet-elle de donner à
l’interprétation de transfert toute l’extension désirable et de la
compléter en allant du plus superficiel au plus profond, et en reliant
le présent vécu dans l’analyse au passé vécu dans la réalité, ce que la
technique du hic et nunc laisse au malade le soin de faire.
124
Est-ce à dire qu’une telle façon de procéder est bien une analyse de
la personnalité totale, et qu’en advient-il des résistances du Ça ? On
sait que celles-ci consistent dans l’inertie propre au psychisme
humain, qui répugne aux transformations. L’expérience ici, une fois
de plus, montre ce que la théorie avance, à savoir que la non-
élaboration et la non-évolution spontanée des courants pulsionnels
stabilisés ou régressés à un niveau d’organisation primitive doit
céder à un rétablissement des voies normales de décharge rendu
possible par la destruction des défenses pathogènes, et il n’est que
d’analyser des obsédés pour constater combien cette conséquence de
la théorie est vérifiée par la pratique. La levée des obstacles entraîne

73
dans une certaine mesure une modification des caractéristiques
propres à un sujet donné des pulsions qui le meuvent, et cette
modification se fait toujours dans le sens d’une génitalisation des
besoins instinctuels, c’est-à-dire d’une transformation en une forme
adulte, en même temps que certaines déficiences du Moi ou
certaines régressions fonctionnelles de celui-ci se trouvent au moins
en partie résorbées.
125
Lois de l’interprétation. — Arrivé à ce point de mon exposé, que je
me suis efforcé de conduire comme une démonstration de la
nécessité des règles techniques, empiriquement établies et justifiées
par la théorie qui en est issue (ce qui évidemment enlève en droit
tout caractère démonstratif à l’appui que les unes peuvent prendre
sur l’autre, et vice versa, mais ce qui prouve que l’ensemble forme
un tout cohérent que l’expérience authentifie chaque jour, et qui
écarte de l’ensemble du système la suspicion d’être arbitraire), je ne
peux qu’être amené à poursuivre dans la même voie, à propos de cet
acte fondamental du traitement par l’analyse, l’interprétation.
Puisque celle-ci vise à obtenir l’effet décisif que toutes les conditions
opératoires sur lesquelles je me suis si longuement étendu ont
préparé, c’est-à-dire l’enrichissement dynamique du Moi et
l’extension de son contrôle dans une claire balance entre les
exigences de la réalité extérieure et l’exercice sous toutes les formes
possibles des potentialités instinctuelles, elle ne peut se définir
logiquement qu’en fonction de caractéristiques énergétiques, tant
dynamiques qu’économiques tout aussi bien que structurales, c’est-
à-dire topiques. Suivant l’ordre chronologique des temps principaux
d’une phase quelconque de l’analyse et exposant successivement
d’abord les notions les plus générales sur la résistance et le transfert,
je devais inévitablement préciser les données du problème auquel
avait à faire face l’interprétation sous ces deux aspects : dynamique
et topique, et il me reste maintenant à formuler les lois concrètes qui
régissent l’interprétation. Elles ont été exposées de façon
systématique par Fenichel dans son livre Problèmes de technique

74
psychanalytique, et si l’on peut reprocher à cet auteur d’avoir dans
son exposé, et de par les nécessités critiques de l’analyse logique du
processus analytique, quelque peu brouillé l’image vivante de
l’analyse et d’avoir décomposé en une série de thèmes trop simples
une orchestration trop riche, image qui par son imprécision et son
approximation même, me semble bien traduire ce qu’il y a de vivant
et de confus dans la réalité d’une séance et encore plus d’un
traitement, je pense que sa démarche ne pouvait se poursuivre
autrement. Qu’il me soit permis de souhaiter qu’une telle
déformation ne me soit pas imputée, comme à lui. Tout est
évidemment dans l’interjeu de deux personnalités, dont l’une, celle
de l’analyste, est supposée être dans les conditions les meilleures de
réceptivité, tandis que l’autre est inévitablement dans les conditions
les moins bonnes de communication, c’est-à-dire tout autant de
recevoir que de donner. Et que l’intuition entièrement libérée par
l’analyse et l’« attention flottante » soit le seul et unique guide de
l’analyste ne saurait faire de doute, l’intuition de même, guidant
l’action analytique : l’interprétation dont il est question ici. Mais,
outre que les capacités réceptives de l’opérateur ont toujours besoin
et à chaque instant d’être étalonnées, le contre-transfert pouvant à
chaque moment les obnubiler, et par suite aient tout à gagner à
s’appuyer sur une représentation rationnelle satisfaisante de ce qui
se passe, il me semble judicieux de guider cette action que l’intuition
commande en utilisant des règles simples, de bon sens, dérivées
d’un principe unique auquel il a été déjà fait allusion : celui de
l’interprétation au plus près du Moi. Quant à la légitimité de ce
principe, elle ne peut guère soulever de discussion ; que l’on songe
en effet que ce Moi actuel, qui doit être le point de départ de notre
effort, puisqu’il représente la réalité concrète et individuelle du sujet
à ce moment, est le résultat d’une longue et patiente transformation
de l’inné sous l’influence de la réalité extérieure, l’expérience ayant
montré que la conception d’un traumatisme unique infléchissant
brusquement l’évolution de la personnalité devait être abandonnée
au profit de celle d’une situation vitale, microtraumatique largement

75
étalée dans le temps, et l’on comprendra que la démarche analytique
ne pourra qu’être patiente et progressive pour défaire ce qui a été
élaboré lentement et progressivement construit à partir d’une
solution approximative d’un conflit mal dominé, et la correction
thérapeutique de ces désordres évolutifs sera elle-même lente et
progressive.
126
Or, que dit le principe thérapeutique essentiel qui règle
l’interprétation et que nous devons à Freud lui-même ? Comme je
l’ai écrit plus haut, il affirme que nous devons aller de la périphérie
vers la profondeur, autrement dit, que nous devons aller de ce qui
est actuel et présent vers ce qui est passé et lointain, et que, de ce
fait, notre démarche doit être à tout moment réglée sur ce que peut
supporter et entendre avec fruit le patient, pour l’amener, de par une
évolution insensible de son état actuel, vers la santé. Ces deux états
pouvant se définir par la faiblesse relative et la force relative du Moi,
notion essentiellement pratique (Glover) puisqu’en fin de compte la
valeur du Moi se définit elle-même par la structure de ses relations
avec les objets du monde extérieur, ou plus simplement par la
manière dont à chaque instant et dans les situations les plus
humbles il s’adapte aux conditions changeantes de la vie. Il n’y a là
rien de théorique. Commencée avec le premier contact analytique,
notre action différant radicalement de toute autre forme de
psychothérapie puisqu’elle ne fait appel qu’à ce qui existe, en en
facilitant seulement la maturation et en ne lui fournissant seulement
que l’appoint d’un support anonyme, engage le sujet par
desmodifications chaque fois infinitésimales de sa structure vers un
devenir dont nous connaissons à l’avance les caractéristiques
générales, sans pouvoir pour autant, dans chaque cas particulier, en
prévoir les modalités individuelles, l’analyse science de la vie n’ayant
jamais eu pour but, contrairement à ce que d’aucuns croient encore,
une quelconque standardisation d’ailleurs foncièrement illusoire de
l’être humain.
127

76
Les lois qui règlent l’interprétation qui est, disons-le tout de suite, la
seule démarche que l’analyste puisse se permettre, en sus des
demandes de précision qu’il peut être amené à faire et des
réassurances parfois nécessaires, s’il veut obtenir le résultat que la
théorie analytique définit comme seul capable d’assurer de façon
durable une adaptation foncièrement satisfaisante du sujet à la vie
(l’enrichissement du Moi dans tous les domaines) expriment des
divers points de vue : topique, dynamique, économique, la nécessité
de partir du présent et du plus proche, pour aller vers le passé et le
plus lointain, en tenant compte des capacités actuelles du sujet pour
lever les obstacles à son évolution naturelle, c’est-à-dire résoudre les
conflits, et ainsi rendre possible un avenir meilleur. J’en emprunte la
description à Fenichel, mais je n’ai pas besoin de rappeler que le
principe en a été posé par Freud dès 1910 avec la loi de
superficialité.
128
Freud écrit en substance dans « À propos de la psychanalyse dite
“sauvage” », en énonçant la loi du superficiel, que l’on doit
interpréter, c’est-à-dire montrer au patient les significations qu’il
ignore de tout le matériel psychique qu’il apporte, en lui dévoilant ce
que ce matériel signifie en réalité dans une perspective qui est à
l’orée de sa conscience et dont il aurait presque pu lui-même avoir
l’intuition, ce qui, en terme analytique, s’énonce de la façon
suivante : interpréter, un peu au-delà de la signification consciente,
mettre en valeur la signification préconsciente la plus superficielle,
c’est-à-dire rester dans l’immédiatement contigu aux contenus de
conscience du malade. Ici Freud s’est placé à un point de vue topique
ou topographique, puisqu’il est question de la
représentation métaphorique spatiale des activités de l’esprit, mais
si l’on se place sous un angle dynamique, l’on en arrive à la règle des
libres associations : ce que l’analyste doit ici interpréter, c’est ce qui
intéresse présentement et foncièrement le sujet, puisque le matériel
analytique reste spontanément ordonné, sans contrôle il est vrai par
le sujet lui-même. Ce qui sera matière d’interprétation sera réglé par

77
l’équilibre actuel des forces entre les pulsions instinctuelles et la
défense, entre les pulsions instinctuelles entre elles. L’on pourrait en
dire autant de toutes les règles de l’interprétation, elles n’expriment
que des incidences particulières du même principe général, mais je
préfère en donner un exposé systématique en me référant à la
description de Fenichel, cela nous permettra dans le détail de
démontrer le bien-fondé de ce que je viens d’avancer.
129
J’ai déjà fait plusieurs fois allusion et tout dernièrement encore à
la règle du superficiel : interpréter au plus près possible du Moi tout
en dépassant les significations spontanément perçues par le malade
est évidemment la meilleure méthode, pour que ce qui est
inconscient au sens très large du terme redevienne conscient de
façon réelle, je veux dire en dehors d’une simple intégration dans un
système purement idéationnel, ce qui est comme il a été dit plus
haut une des formes majeures de la résistance. Tout ce qui est
présent peut être matière à interprétation, tout aussi bien la vie
réelle que l’expérience analytique. Et cette façon de procéder ouvre
la voie à la résurgence progressive des conflits les plus refoulés sous
leur forme primitive, puisque les grands courants instinctuels font
toujours, et quelle que soit l’intensité de la défense, sentir leur action
dans les activités présentes du sujet, même lorsqu’ils sont gelés dans
des traits de caractère, car le trait est un compromis permanent et
par lui-même statique où s’expriment, non seulement l’activité
défensive, mais aussi l’activité instinctuelle sous la forme d’une
manifestation dérivée, ou mieux, d’une satisfaction substitutive, qui
pour avoir subi une transformation souvent totale n’en est pas moins
génétiquement rattachable à la pulsion dans sa forme primaire. On a
pu remarquer que j’ai soutenu que l’analyse dans son cours était une
suite de séquences : résistances, manifestations transférentielles,
interprétations, et que j’ai insisté sur l’importance primordiale de
l’interprétation du transfert qui, en fin de compte, recouvre la très
grande majorité des dérivés inconscients présents dans le matériel,
et que j’ai écrit que l’analyste s’efforçait d’interpréter tout matériel

78
non transférentiel, par rapport au transfert, et cela se justifie
pleinement du point de vue de la règle de la périphérie du fait que ce
qui est le plus proche du Moi au moment de la séance est
évidemment le transfert.
130
Nous avons vu aussi que la règle des associations libres impliquait
pour l’analyste l’obligation d’interpréter à partir du matériel
spontanément fourni, lequel est déterminé par l’équilibre actuel des
forces en présence. Le patient aborde certains thèmes d’une certaine
manière, en fonction évidemment de la façon dont il a résolu les
situations conflictuelles, qui sont habituellement ou ce jour-là, de
par des circonstances fortuites, les plus proches de sa conscience.
Souvent ces préoccupations réelles sont masquées par des silences,
ou se traduisent par ce qu’il ne fait pas, et ce sont ces « actes
négatifs », si je puis employer cette expression, dont il faut lui
montrer la signification, qui constituent le fait réellement important
de la séance. L’obligation de travailler dans la réalité
vivante consiste toujours à partir du présent.
131
La règle selon laquelle l’analyse de la défense doit précéder celle du
contenu est aussi du même ordre. Par référence à la dynamique de
l’analyse, on peut la formuler ainsi : Tous les procédés par lesquels le
Moi s’efforce de ne pas laisser émerger à la conscience un certain
matériel doivent être rendus conscients avant qu’il ne soit fait
allusion à ce même matériel. Il y a là une conséquence de la logique
des faits, l’attitude défensive non seulement parce qu’elle est
l’expression de l’effort d’adaptation du Moi est plus proche de lui
que le contenu inconscient : situation conflictuelle, affects et
activités pulsionnelles, que cette défense a précisément rejetés loin
de lui, mais aussi parce que les énergies mobilisées par la défense
prévalent à cemoment de l’analyse sur celles incarcérées dans la
situation conflictuelle.
132

79
Si l’on respecte cette règle, on évite en outre, au mieux, ce qui me
paraît être, comme je l’ai déjà dit, le danger majeur de l’analyse, une
dislocation du Moi, car de deux choses l’une : ou bien le Moi
abandonne son attitude défensive parce qu’il est en état de faire face
à l’anxiété qui ne manque pas de l’assaillir au moment où le contenu
rendu inconscient redevient conscient, ou bien la résistance à
l’analyse, expression de la défense, est intégralement maintenue, et
le travail analytique ne risque pas d’altérer l’équilibre préexistant à
toute thérapeutique. Dans le cas contraire, le Moi peut être
brusquement débordé par l’anxiété accompagnant l’émergence de la
situation conflictuelle et devenir pour un temps au moins
psychotique, ce qui veut dire qu’il recourt à d’autres moyens de
défense, mais d’un style si primitif que son adaptation à la réalité est
infiniment moins satisfaisante, à un point tel d’ailleurs que la vie du
sujet peut directement ou indirectement être mise en danger.
133
Il arrive parfois que de tels faits se produisent au cours d’une analyse
bien conduite, mais on peut alors incriminer l’examen préalable ; ou
bien des abréactions inattendues peuvent brusquement ébranler
l’organisation névrotique, et elles correspondent alors à une
submersion brutale du barrage défensif ; elles sont ordinairement de
très courte durée, d’ailleurs inefficaces, du fait que les activités
défensives ne sont pas réellement abandonnées et, en fonction de
cette persistance, généralement inoffensives.
134
L’interprétation d’une résistance vraie, c’est-à-dire inconsciente, car
l’interprétation des manquements volontaires à la règle des libres
associations se ramène en fin de compte à celle d’une résistance
inconsciente, le sujet faisant fi volontairement des consignes
imposées parce qu’il obéit à une résistance qu’il ne voit pas, derrière
une rationalisation, c’est-à-dire un prétexte pseudo-rationnel
quelconque, se présente sous la forme suivante : lorsque le sujet ne
se rend pas compte de sa résistance, il faut d’abord lui en faire
comprendre l’existence, lui montrer ensuite qu’elle résulte d’un

80
comportement actif de sa part, qu’il agit ainsi pour éviter de se
trouver dans une certaine situation par rapport à l’analyste et enfin,
quand cela est possible, qu’il agit encore maintenant comme il
agissait autrefois dans certains cas avec ses parents. La référence
historique rend évidemment l’interprétation plus convaincante, et
elle induit le sujet à se pencher sur son passé et prépare ainsi, sans
« y toucher », l’émergence du conflit inconscient, non seulement
dans son contexte affectif, mais aussi dans sa remémoration.
135
La loi posant la question de la profondeur de l’interprétation a été
esquissée à propos de la loi dite du « superficiel ». Elle essaie de
définir à quelle distance du Moi, si l’on peut s’exprimer ainsi, doit
être située la signification que l’on veut rendre consciente. Fenichel
fait justement remarquer qu’il faut ici entrer à la fois dans des
considérations relatives à la dynamique tout aussi bien qu’à
l’économie de l’interprétation. Une interprétation trop superficielle
ou trop profonde est sans pouvoir dynamique. Elle est trop profonde
quand le sujet ne reconnaît pas son exactitude, en ressentant la
pulsion en question. Par exemple : en faisant remarquer à Jacques à
une certaine période de l’analyse qu’il s’efforçait de rechercher les
causes de son agoraphobie, au lieu de se laisser aller à dire ce qui lui
venait à l’esprit, ce qui était lui signaler sa résistance, en lui
montrant qu’il n’appliquait pas la règle fondamentale et qu’il avait
cette attitude pour me témoigner son opposition, comme il le faisait
avec son père lorsqu’il essayait d’avoir l’avantage sur lui dans leurs
conversations, je faisais une interprétation correcte ; mais si je lui
avais dit qu’il n’agissait ainsi que pour se défendre d’un attrait
homosexuel envers moi, comme il s’avéra par la suite qu’il en
éprouvait un pour son père, j’aurais fait une interprétation juste,
mais dynamiquement inexacte à ce moment de l’analyse, et le sujet
n’aurait reconnu ici l’existence de la pulsion passive homosexuelle,
ni dans le passé ni dans le présent.
136

81
Une interprétation est trop superficielle quand l’analyste, entrant
pour des raisons de contre-transfert dans le transfert de défense du
malade, fait son jeu. Si j’avais dit à Jacques : « Vous vous efforcez de
trouver les causes de votre trouble, au lieu de vous laisser aller à des
associations libres, pour m’intéresser comme vous le faisiez avec
votre père et éviter que je porte sur vous un jugement défavorable »,
l’interprétation eût été trop superficielle, car il avait déjà conscience
de la peur que lui inspirait son père et que je lui inspirais. Elle eût
pourtant été exacte, puisque sa peur était motivée par ses tendances
agressives inconscientes, elles-mêmes défensives de ses tendances
passives, celles-ci étant à leur tour protectrices contre ses désirs de
castration de son père, eux-mêmes fortement sous-tendus par les
pulsions orales, agressives, dont sa mère était l’objet.
137
La réaction de mon malade est tout à fait typique de ce type
d’acceptation que Fenichel montre à juste titre être un refus
seulement temporaire. Mon malade me répondit ! « Oui, c’est
possible » ; puis quelques jours après il convint qu’il détestait son
père, puis, plus tard, qu’il se vengeait de l’attrait qu’il lui inspirait en
s’efforçant de faire étalage de connaissances que celui-ci n’avait pas.
138
Quant à l’aspect économique de cette question de la profondeur de
l’interprétation, elle revient encore à déterminer qu’elle est dans le
matériel, ce qui est présentement important par rapport à la position
actuelle dans son ensemble du sujet dans l’analyse. Par exemple,
Jacques va voir le confrère féminin qui me l’a adressé, et sur lequel il
revit, cela est très clair, son conflit œdipien de façon ambivalente,
d’ailleurs ses rêves le prouvent, alors que je suis le partenaire
masculin de cette situation triangulaire. À certains moments de
l’analyse, surtout au début, ce confrère lui servait de point d’appui
contre ses tendances homosexuelles ; à d’autres, au contraire, elle
prenait plus précisément la signification d’un objet libidinal. Dans le
premier cas, il s’agissait d’une défense contre la prévalence des

82
tendances homosexuelles ; dans le second, de celle des tendances
hétérosexuelles.
139
Reste la question du « dosage des interprétations » : c’est une
question en réalité très épineuse. Fenichel affirme que l’analyste doit
conduire le traitement en évitant au sujet toute angoisse, Freud, en
se plaçant à un autre point de vue à propos de la règle d’abstinence,
insiste sur la nécessité d’éviter que le sujet ne trouve dans la
situation analytique des satisfactions substitutives. Or il est très clair
que toute intervention même purement interprétative procure déjà
au malade un gain libidinal ou agressif direct ou indirect et ce
indépendamment de son contenu. Par ailleurs, l’interprétation
historique des affects et émois transférés tend à résoudre la tension
de la situation de transfert, alors que l’interprétation du transfert
défensif l’exagère, et l’écueil est chaque fois frôlé, que la
réintégration au Moi soit réduite à son processus intellectuel ou à
une reviviscence affective, trop intense. Aussi je crois qu’il est utile,
sans que cela mette en danger la poursuite du traitement ou risque
de déclencher chez le sujet un état d’angoisse susceptible d’entraîner
des « Acting-out » dangereux pour lui ou encore de faire courir des
dangers à la structuration de sa personnalité, de laisser se
développer des tensions anxieuses modérées dans le traitement. Le
moment de l’intervention est évidemment une question de doigté et
surtout la conséquence de la représentation aussi claire que possible
que l’on a de la situation dans l’analyse à tout moment.
140
Fenichel termine enfin ses considérations sur l’interprétation en
rappelant, qu’à son sens, l’interprétation des rêves et du contenu des
associations libres doit être utilisée, sauf si elle se solde par une
satisfaction libidinale particulière ou une angoisse spéciale, ce qui
peut se produire dans certains rêves de transfert, ou si
l’interprétation du rêve évoque certains conflits tellement profonds
que le malade ne peut, à l’état de veille, en avoir aucune idée même
lointaine. Dans ces cas il conseille l’abstention. Évidemment les

83
tentatives que fait l’analyste pour comprendre le rêve, font que, le
plus souvent, dans le cas particulier, le patient est mis sur la voie de
la signification du rêve, ce qui équivaut à une interprétation
prématurée ou trop profonde, et l’on sait qu’une erreur de technique
en matière d’interprétation, surtout si elle est
renouvelée(interprétations trop profondes, interprétations
économiquement inexactes), peut aboutir à ce que l’on appelle une
situation chaotique ; celle-ci représente un obstacle majeur à la
continuation de l’analyse. Il devient en effet impossible de s’y
reconnaître quant à la signification défensive de manifestations
instinctuelles, quant aux formes spontanées des activités défensives
du Moi et de plus les interventions forcément mal systématisées de
l’analyste entraînent des réponses dont la compréhension devient
impossible. Aussi est-il prudent de demander à l’examen préalable,
les connaissances les plus approfondies qu’il soit possible tout aussi
bien sur l’histoire du malade que sur la structure de sa maladie, qui
servent de guides, sans pour autant être source d’idées préconçues
dans le maniement de l’analyse. Je pense d’ailleurs que si l’analyse,
même bien conduite, ne suit pas exactement dans sa marche
rétrograde l’ordre chronologique, conception qui entraînerait à une
trop grande rigueur dans la démarche technique, elle peut et doit
s’inspirer de ce que nous savons être la succession des grandes
étapes conflictuelles de la vie humaine, mais j’aurai l’occasion d’y
revenir, ce qui n’empêche nullement l’intuition de jouer dans le
détail son rôle capital. D’un point de vue plus général, cette question
de l’utilisation des significations latentes du matériel est étroitement
liée à celle de l’interprétation extra-transférentielle discutée plus
haut.
141
Fenichel décrit ainsi les effets de l’interprétation juste.
L’interprétation juste, qui pour lui est foncièrement acceptée, même
si elle est refusée du bout des lèvres, alors qu’une interprétation
fausse peut être apparemment acceptée, provoque un effet de
surprise : le patient s’aperçoit brusquement qu’un comportement

84
par exemple auquel il ne portait aucune attention spéciale a telle
signification, et cela avec le déclic de la vérité, notion subjective
impossible à décrire mais qui rend bien compte de l’impression que
l’on a de la véracité d’une interprétation ou d’un dire du patient.
142
Les effets de l’interprétation juste sur le cours de l’analyse sont,
d’une part, d’amener une simplification et un ordonnancement du
matériel qui la suit. Des faits en apparence indépendants les uns des
autres prennent une signification analogue, parce que des
connexions naturelles précédemment oblitérées réapparaissent et
qu’ils peuvent être vus sous un angle nouveau, d’autre part,
d’amener des modifications du transfert, dans le sens d’une
accentuation des effets positifs du transfert, aboutissant à un
renforcement de l’identification à l’analyste. Le malade se sentant
compris, éprouve plus vivement le sentiment d’une identité entre
l’analyste et lui. Mais il est rare, pour ne pas dire rarissime, qu’une
seule interprétation épuise tous les effets dynamiques d’un conflit.
Ils font en effet sentir leur action dans toute une série de
comportements répondant à des situations très diverses, mais
analogiques, et lorsqu’un nouvel aspect du conflit resurgit à
l’analyse, les symptômes et les résistances reparaissent.
L’interprétation doit alors être réitérée, soit sous sa forme primitive,
soit le plus souvent adaptée à la situation présente. Fenichel propose
les formules « ici aussi et encore », qui me semblent marquer de
façon heureuse et simple la raison commune de toutes ces
manifestations des effets de la résolution insatisfaisante d’un même
conflit. Cet ensemble d’interventions porte le nom d’élaboration
interprétative ; la découverte par le Moi de l’action des mêmes
mécanismes, dans des circonstances diverses favorise la liquidation
complète des effets pathogènes d’un complexe. Dans d’autres
circonstances, la réapparition des résistances et des symptômes
témoigne de l’émergence imminente d’une forme plus archaïque,
d’un conflit essentiel qui s’était d’abord réfléchi dans la structure

85
d’un conflit plus superficiel. Et c’est ainsi que se succèdent sans
interruption des séquences analogues à celles que je viens de décrire.
143
Je me suis efforcé de rester fidèle à mon dessein initial et de
montrer, à propos de l’intimité du jeu analytique, que l’ensemble des
règles pratiques communément utilisées dans la conduite du
traitement s’inspiraient de nécessités absolument inéluctables, et
que leur transgression ne pouvait qu’entraîner des difficultés
supplémentaires parfois insurmontables et exposer à des dangers
susceptibles de compromettre la sécurité du sujet en analyse.
144
Il me faut, pour être complet, montrer comment, à l’occasion
des premières interventions de l’analyste, apparaît encore plus
clairement cette nécessité d’aller de la périphérie vers la profondeur,
du présent vers le passé.
145
Selon Freud, la première intervention se situe au moment où
apparaît la première résistance. Il est vrai que celle-ci peut ne pas se
manifester dans un trouble du débit associatif, mais seulement
consister en une orientation anormalement persistante du matériel
dans un sens trop restreint, par exemple : la superficialité ou encore
un matériel purement fantasmatique, etc. De toute manière il se
passe quelque chose d’anormal qui empêche le jeu associatif d’être
entièrement libre. À ce moment-là, dans la très grande majorité des
cas, nous ne savons rien de certain sur la cause de cette résistance,
ou plus exactement sur ses motifs inconscients. Dans ces conditions
il faut quand même interpréter la résistance, et ici l’interprétation se
limite à la faire sentir au sujet si la situation se maintient sans
changement sans que nous soyons plus éclairés. Comme le fait
remarquer Fenichel, dire à l’analysé « vous êtes en état de
résistance » n’est pas une interprétation sans effet quoiqu’elle soit
évidemment excessivement superficielle. Elle a au moins le mérite
d’attirer son attention sur un fait sans qu’intervienne une explication
approximative qui, économiquement inexacte, pourrait induire une

86
situation chaotique. C’est dire la prudence avec laquelle il faut
aborder le système défensif du malade tant que l’on n’a pas de
bonnes raisons d’être éclairé suffisamment sur sa signification
actuelle. Les premières interventions garderont, elles aussi, ce
caractère de superficialité voulue. Elles noteront des corrélations
presque déjà conscientes au malade, attireront son attention sur
l’écart entre réalité psychique et réalité vraie et susciteront son
intérêt sans engager l’avenir.
146
Peut-être en lisant mon exposé aura-t-on l’impression que le
transfert, matière première essentielle de l’interprétation, est un
phénomène discontinu. Il n’en est évidemment nullement ainsi ;
comme je l’ai indiqué à propos des premiers entretiens, je suis
partisan d’une définition très large du transfert, dont à mon avis les
linéaments sont déjà reconnaissables, à condition toutefois que
l’analyste observe une attitude aussi neutre que possible dès le prime
abord. Le transfert commençant aux premières phases du contact, se
poursuit pendant toute la durée du traitement, et sa liquidation ne
s’achève pas toujours avec le dernier entretien. Il passe par des
phases successives, d’où cette séquence : résistance, transfert,
interprétation, que j’ai exposée comme étant caractéristique d’une
période quelconque du traitement. En effet, chaque fois que l’on
aborde un problème nouveau, autrement dit que tend à surgir une
nouvelle situation conflictuelle revécue dans le cadre de l’analyse, les
résistances renaissent et ce sont des effets du transfert de défense
contre les affects et les émois de la reviviscence de la nouvelle
situation conflictuelle qui s’installe et l’interprétation vise, après
avoir, facilité au maximum leur émergence, à résoudre les tensions
qu’ils expriment. Mais il n’en reste pas moins qu’une forme
particulière de transfert subsiste pendant toute la durée de l’analyse
et qu’elle est l’un des moteurs essentiels de l’évolution du Moi vers
des intégrations de plus en plus substantielles. Ce transfert, comme
je l’ai déjà dit, Freud l’a défini dans L’amour de transfert, quand il
montre comment un transfert positif suffisamment désexualisé,

87
c’est-à-dire dépouillé de l’irrationnel de sa projection des sentiments
éprouvés envers des objets infantiles, aide le médecin en apportant
au Moi l’appui nécessaire pour que puissent être affrontées sans
cesse de nouvelles situations angoissantes. On a aussi défini cette
forme de transfert positif en insistant sur l’identification de la partie
observante du Moi au thérapeute lui-même. Cela est sûrement vrai
en ce qui concerne les névroses représentant des adaptations à des
conflits relativement superficiels ou, pour tout dire, des troubles de
la résolution du conflit œdipien. Mais ceci me semble insuffisant
lorsque la construction névrotique est l’effet d’une solution
approximative de conflits plus anciens. Dans ces cas l’identification
à l’analyste se fait sur les modes correspondant à la structure de la
personnalité contemporaine du conflit, c’est-à-dire sur des modes
très régressifs d’identification tels que l’incorporation ou mieux
l’introjection d’un bon objet fourni par une bonne imago analytique,
comme j’ai eu l’occasion de le montrer à diverses reprises chez les
obsédés, par exemple. Cette forme d’identification évolue par la suite
vers des modalités plus élaborées et plus souples d’identification, et
nous retombons dans le cas précédent. Enfin, de par l’accroissement
de la puissance et de l’individualité du Moi, cette forme à peine
sensible d’identification devient à son tour inutile et le sujet vit de sa
vie propre, et c’est ce que l’on appelle la liquidation du transfert. À
vrai dire, la question se pose de savoir si une liquidation
intégralement complète est possible, car il est dans la nature
humaine que l’homme s’affirme en s’aliénant (Lacan), c’est-à-dire
qu’il ne peut guère échapper à la nécessité d’avoir des modèles, et je
me demande, mais c’est une hypothèse, si l’on ne définirait pas
mieux la liquidation du transfert en disant qu’elle laisse subsister
une identification à un modèle qui précisément n’a pas besoin
d’identification, ce qui me semble être la trace la plus dépouillée que
l’image de l’analyste puisse laisser dans l’esprit de l’analysé.
147
Toujours est-il que, si l’analyse suit un ordre régressif dans son
ensemble sans pour cela être astreinte à une chronologie rigoureuse,

88
l’ordre des interprétations allant du superficiel vers le profond
conduira inévitablement opérateur et patient à participer à des
conflits de plus en plus archaïques, mais seulement dans les cas où
le primum movens des symptômes et des déficiences propres du
Moi, qui sont à vrai dire des symptômes négatifs de la névrose, se
trouve à ces niveaux de la préhistoire individuelle. J’ai indiqué plus
haut que cette chronologie générale des conflits pouvait aider à la
structuration de l’interprétation, en particulier au choix de son
niveau, et je voudrais revenir sur cet aspect de la conduite de
l’analyse. L’on parle à juste titre de névrose prégénitale, mais je ne
crois pas, pour ma part, qu’il existe d’évolutionnévrotique qui ne
comporte au moins les prémisses d’un œdipe, ce qui implique que
les interprétations si elles ne sont pas génitales au sens d’une
évolution normale sont quand même génitales pour le sujet en
cause. Fenichel écrit que le conflit génital n’est pas directement
accessible chez les obsédés, par exemple, et que la régression
intervenant, le conflit sadique anal est le plus superficiel. Mais j’ai
toujours remarqué pratiquement qu’après abrasion des défenses les
plus superficielles c’était la forme que la régression impose au
rapport génital, qui venait dans le transfert et dans le contexte d’une
différenciation des personnes parentales suffisamment importante
pour que des effets dynamiques notables puissent être obtenus par
la levée des effets négatifs du transfert par projection de l’image la
moins angoissante, celle du père dans le cas d’un obsédé analysé par
un analyste. Je pense donc que, quel que soit le conflit prégénital, il
se réfléchit dans une réactivation particulière à l’époque de l’œdipe
et que c’est là sa forme superficielle et que par conséquent les
premières interprétations doivent être de style œdipien. Cela ne veut
pas dire seulement qu’elles doivent marquer dans une situation
triangulaire la position du malade envers ses deux parents, mais
qu’elles doivent s’exprimer en un langage qui exclut toute référence
à une pensée syncrétique et symbolique chargée d’implications
particulières.
148

89
Plus tard les conflits, évoqués dans les situations traumatisantes
revécues dans le transfert, engagent la relation dualiste plus
archaïque de la mère et de l’enfant. Et à ce moment l’interprétation
peut utiliser les courts-circuits de la pensée affective et symbolique.
Le « climat » de la situation analytique est tel en effet qu’il est
indispensable de se placer au niveau où la régression de la névrose
de transfert a conduit le malade pour que le contact réel soit gardé
avec lui, et il intègre d’emblée des interprétations formulées dans un
style qui lui auraient été étrangères plus tôt et qui, si elles
s’exprimaient dans le langage socialisé des rapports habituels, lui
seraient à ce moment tout autant étrangères. Pour citer un exemple :
autant je crois impossible de faire sentir dans la première phase à
un malade qu’il veut incorporer mon pénis pour posséder à travers
lui la toute-puissance, et avoir la certitude que confère
l’incorporation d’un bon objet et qu’il ne peut accepter que la
révélation d’un désir homosexuel qui le met à l’abri du danger
féminin, autant je crois que rester sur cette forme d’interprétation
dans la seconde phase est inefficace, car alors le malade sent : « Si
j’inclus son pénis en moi, je suis doué d’une invulnérabilité à tous les
dangers de la vie. »
149
Au premier temps, la notion de bon objet ne serait qu’une
intellectualisation si elle était acceptée, au second temps, celle du
désir homosexuel ne produirait aucun effet dynamique vrai.
150
Cela me paraît important et explique l’échec relatif d’un certain
nombre d’analyses qui restent abusivement sur un plan superficiel,
alors que le conflit pathogène est profond, ou qui dans le même cas
aboutissent à une intellectualisation pure. Il faut comme le veut la
théorie se trouver sans cesse au niveau où le malade se tient sans
pour autant oublier que participer à son atmosphère fantasmatique
ne veut pas dire fantasmer avec lui en négligeant de mesurer l’écart
entre la réalité et sa projection.
151

90
Il est évident que, pour que l’intuition de l’analyste lui permette de
saisir ce virage qui fait passer la réalité psychique d’un ordre de
relation à l’autre, il est nécessaire qu’elle ne soit gênée en aucune
manière par les phénomènes de contre-transfert. Freud faisait
remarquer que le pendant de la règle des libres associations était la
règle de l’« attention flottante ». L’on pourrait dire de la même
manière qu’à celle de l’analyse du transfert fait pendant celle de
l’analyse du contre-transfert. On désigne ainsi l’ensemble des
réactions que l’analysé suscite chez l’analyste, qu’elles soient
directement perçues ou inconscientes. Le terme et la chose étaient
familiers à Freud, qui y fait allusion dès 1910. Tout phénomène non
dûment contrôlé de contre-transfert induit l’analyste à des conduites
thérapeutiques très légèrement « à côté ». Il lui arrive dans ce cas,
soit par suite de réactions de défense contre son propre état qu’il
ignore, soit du fait de l’infléchissement direct de son attitude par ses
contre-réactions affectives, de vicier complètement le cours de
l’analyse et de rendre inopérante la prudence des dispositions
techniques de l’analyse classique, ce qui obscurcit la limpidité des
échanges qui ne doit être qu’adultérée d’une façon unilatérale pour
produire les effets dynamiques que l’on escompte.

4 - Terminaison de l’analyse

152
Ainsi l’analyse se déroule, sans cesse adaptée au mouvement qui
anime le monde intérieur du sujet ou, si l’on préfère, la réalité
psychique mouvante sous l’influence, de la situation analytique elle-
même et des circonstances fortuites tant internes qu’externes :
modifications physiologiques ou événements de la vie, cette réalité
se modifie sans cesse. Tel courant pulsionnel qui était un jour utilisé
par le Moi pour éviter l’émergence de tendances instinctuelles de
signe contraire, et que, de ce fait, la situation extérieure devienne
dangereuse, exprime quelques jours plus tard une activité
instinctuelle vraie : soit, par exemple, des tendances passives,
destinées à masquer des tendances agressives sous-jacentes, alors

91
que, quelque temps après, elles expriment l’inclination réelle du
sujet à se faire protéger et à recevoir.
153
Jacques avait le plus souvent une attitude passive. Il l’exprimait en
disant son besoin de vivre à l’ombre de son médecin, et combien il
aimerait qu’il fût constamment avec lui dans toutes les circonstances
de la vie, jour et nuit. Le plus habituellement aussi ce désir n’était
que l’effet de la peur d’être puni en talion de ses désirs agressifs réels
de diminuer ou de tuer le thérapeute, à qui il aurait voulu prendre la
femme qu’il supposait sienne, désirs que sa soumission l’empêchait
de percevoir, l’indice en était fourni par le fait qu’il mentionnait
toujours avec quelque retard et toujours laconiquement les coups de
téléphone qu’il avait pu donner au confrère féminin qui nous l’avait
adressé. Il était absolument sincère, puisqu’il n’avait aucune
conscience de la signification de ses démarches, qui ne lui
apparurent à lui-même significatives que le jour où nous lui fîmes
remarquer qu’il lui fallait s’y prendre à plusieurs fois pour composer
correctement le numéro, et surtout qu’il omettait
régulièrement dans son récit de nous signaler cette difficulté
inattendue, alors qu’il était prolixe de détails circonstanciés sur tous
ses embarras habituels. Être toujours avec moi lui interdisait
évidemment une quelconque activité séductrice, comme m’obéir
intégralement lui évitait de percevoir son intime révolte. (Je dois
rappeler, pour que cette nouvelle signification de son attitude
agressive devienne compréhensible, que ses défenses s’étageaient de
la manière suivante : agressivité de surface pour lutter contre ses
tendances passives, tendances passives dissimulant ses tendances
agressives, enfin tendances agressives exprimant le désir de
suppression de tout rival.)
Mais il arriva qu’à la suite de la très grande amélioration qui suivit
l’analyse de sa défense agressive contre ces tendances passives
réactionnelles à son agressivité castratrice, amélioration qui lui
permit de dominer en partie son agoraphobie et de prendre le train
chaque semaine pour retourner dans sa ville natale (pénétrer dans le

92
train et y rester était d’ailleurs l’équivalent symbolique de la
pénétration et du séjour dans la cavité vaginale), sa soumission
passive prit une tout autre signification. Un jour il se prit à regretter
amèrement de ne pouvoir mieux m’aider, et à maudire sa
malheureuse tendance à se perdre dans une recherche vaine des
causes de sa maladie et de son incapacité à se souvenir. Je sentis à ce
moment que le ton avait très légèrement changé et qu’il était
sincèrement désolé. Je le lui dis. Il me raconta alors qu’au cours d’un
essai de service militaire (il avait été énurétique à cause du froid,
disait-il, et il dut à sa grande humiliation se faire réformer), il boitait
un jour parce qu’il n’était pas équipé convenablement et s’était fait
réprimander par un officier énergique qu’il aimait beaucoup, qui
l’avait accusé de tirer au flanc, et alors il avait fondu en larmes, au
grand étonnement de son supérieur et sans qu’il sût pourquoi. En
me faisant ce récit, Jacques se mit à nouveau à sangloter et il trouva
immédiatement toute une série de souvenirs relatifs au désir qu’il
avait de ressembler à son père et me dit combien sa vie eût été
changée s’il avait pu lui parler avec confiance. Peu après, fortifié par
l’intuition que j’avais eue de la signification libidinale réelle de sa
passivité, il put me rapporter deux ou trois rêves, et en particulier un
grand rêve suggéré par Limelight, où il s’apercevait avec stupeur que
ce n’était pas Charlot que l’on retirait de la grosse caisse, mais bien
moi.
154
Je n’ai cité ce court exemple que pour montrer combien la réalité
psychique est mouvante et combien il importe de la suivre avec
attention si l’on ne veut pas gêner le mouvement spontané de
l’analyse dans sa marche rétrograde. Il est très clair ici que l’intuition
est la clé qui permet de prévoir toutes ces variations et leurs causes
et de trouver le mot « senti », qui ouvrira une issue au flot des émois
et des affects incarcérés dans les défenses, mais il reste non moins
certain que la forme de l’intervention sera modelée par cette
représentation claire, que seule une théorie fruit de l’expérience

93
générale peut nous fournir, en nous évitant les tâtonnements et les
erreurs de la critique desquels elle est précisément sortie.
155
Certes l’interprétation fausse peut avoir des effets dynamiques et
même apparemment fort brillants, mais qu’en résulte-t-il ?
L’expérience ici est une fois de plus décisive. Les résultats sont
instables, l’amélioration est transitoire et la critique théorique,
Glover l’a faite, indique qu’il ne peut en être autrement. Une
interprétation inexacte, trop profonde par exemple, ne doit ses effets
dynamiques qu’à une action magique. En vertu des tendances
toujours présentes, sauf en cas de projection inextinguible d’une
image agressive sur la personne de l’analyste à l’identification, le
Moi du sujet se trouve brusquement renforcé sans que le sujet en ait
en quelque manière que ce soit pris conscience, et il est de par un
processus qui ne correspond pas à un abandon foncier de défenses
névrotiques temporairement capable de n’en pas faire usage. Certes,
cet effet est toujours présent et toujours nécessaire dans quelque
analyse que ce soit, et c’est pour cela que l’on n’analyse que très
tardivement les effets de transfert positif dans leur relation avec ce
mode d’identification, mais cet effet ne dure que le temps où cette
identification demeure, il n’est que transitoire, temporairement
utilisable, et c’est également pour cela qu’on l’analyse avant de
terminer les effets positifs de transfert, et c’est cette période si
importante pour l’avenir, qui constitue le sevrage.
156
Le sevrage. — À mon sens, ce terme est à la fois impropre et riche de
significations, impropre puisqu’il caractérise la fin d’une analyse qui,
quel que soit le mode de relation d’objet, ou sa marche régressive à
un moment imposé au dialogue analytique et qui, dans les cas où la
source de l’angoisse se situe essentiellement dans un conflit très
archaïque, a pu devenir elle-même du style de celle de l’enfant au
sein doit, au moment du sevrage, être redevenue beaucoup plus
adulte, puisque à cette période, le sujet dans le cas précité revient à
son complexe d’Œdipe, et répétons-le étonnamment significatif, car

94
il est de la nature de la filiation au père, qui marque de façon
prédominante cette période d’être la continuation harmonieuse et
naturelle de celle de la mère, une sorte d’allaitement spirituel si je
puis ainsi m’exprimer.
157
La première question qui se pose est évidemment celle de
la détermination des critères de la guérison, qui permet de supputer
que la cure a atteint son but et que le sujet peut abandonner
l’analyse après en avoir retiré tout le profit possible.
158
D’après les études les plus récentes, ainsi qu’en témoignent les
opinions émises dans toute une série d’articles parus dans le no III,
année 1950 de l’International Journal [of Psychoanalysis], il
semble que les critères auxquels on puisse s’arrêter soient
essentiellement de trois ordres :
1. la liquidation de toute résistance ;
2. la disparition des symptômes et l’amélioration de l’adaptabilité
sociale ;
3. la normalisation complète de la vie psychosexuelle.
159
Certains auteurs insistent plus que d’autres sur l’importance relative
de l’une ou de l’autre de ces preuves de l’accroissement relatif de la
puissance du Moi. À vrai dire, elles se complètent l’une l’autre.
160
Que l’on réfléchisse en effet au fait qu’une amélioration substantielle
de l’adaptation sociale peut être le résultat d’un effet négatif de
transfert positif tel que je viens d’en décrire un exemple plus haut en
parlant de l’effet dynamique d’une interprétation fausse ou la
conséquence d’une autre forme de résistance, telle que la fuite vers
la santé, expression d’une nouvelle défense du Moi, qui se protège
contre l’imminence d’une transformation de la situation analytique,
en situation dangereuse, en s’adaptant par l’abandon temporaire de
la satisfaction substitutive que représente le symptôme dans ces
deux cas, l’amélioration, loin d’être à elle seule un signe de guérison
vraie, devra être considérée, si paradoxal que ce soit, comme un

95
véritable symptôme. Mais alors l’observation rigoureuse de ce qui se
passe dans le traitement, par exemple la systématisation trop nette
des associations libres dans une orientation univoque, exprimée par
la production d’un matériel uniquement superficiel ou uniquement
fantasmatique, donnera l’éveil tout aussi bien que l’absence
d’actualisation au sens complet du terme d’un conflit rendant
suffisamment compte, dynamiquement parlant, de la
symptomatologie observée au début. La disparition des résistances
est à elle seule insuffisante pour étayer logiquement la conviction
que le résultat cherché est obtenu. L’ensemble de l’analyse peut en
effet être isolationné par un quelconque procédé relevant de la
pensée magique qui passe inaperçu, et la cure se déroulera à l’abri
des émois et des affects réels du sujet.
161
Quant à l’affirmation de la normalité de la vie génitale, elle aussi ne
signifie pas grand-chose à elle seule. Qu’est en effet un plaisir génital
pour un névrosé, et Wilhem Reich a eu combien raison de montrer
ce qu’implique une joie orgastique vraiment pleine et entière.
Fenichel s’accorde à dire que, d’une manière ou d’une autre, il n’est
pas concevable que la sexualité d’un névrosé soit entièrement
satisfaisante. Toutes les limitations psychosexuelles ne se traduisent
pas par des troubles apparents des divers moments de la génitalité,
mais souvent seulement par une diminution de l’intensité de la
décharge instinctuelle réalisée dans l’orgasme, chose subjective s’il
en fût, et totalement inappréciable par un sujet, qui n’a jamais eu
que des réalisations sexuelles qui péchaient avant tout par une
diminution de l’intensité de cette décharge. J’ai connu, pour ma
part, bien des obsédés qui avaient une vie sexuelle apparemment
normale et quelquefois même exubérante, et je n’ai jamais aussi bien
senti le bien-fondé de l’affirmation de Fenichel, selon laquelle les
activités génitales chez les obsédés n’ont pas la signification
instinctuelle qu’elles devraient normalement avoir.
162

96
Par contre, quand dans ces trois secteurs, une parallèle amélioration
se constate, il y a tout lieu de penser que le colloque analytique est
moins indispensable, souvent inutile et parfois dangereux. En effet,
pour que concurremment dans ces trois directions des progrès aient
pu être réalisés, il faut que vraiment le Moi ait subi des
transformations profondes ; d’ailleurs la valeur du critère du
troisième ordre se trouve authentifié, du fait que le sujet accuse de
lui-même un changement important dans sa vie intime qui est dès
lors significatif. Il y a bien longtemps certes qu’il n’est plus
impuissant, ou qu’il a vaincu sa peur de la femme, mais ce qui est
nouveau, c’est, pour reprendre l’expression d’un malade, qu’il est
presque effrayé de la joie inconnue de lui qu’il a ressentie.
163
Je ne crois pas, pour ma part, que l’on puisse trop compter sur les
capacités normatives du Moi, une fois l’analyse terminée, pour que
soit fondu en une adaptation harmonieuse, l’ensemble des énergies
instinctuelles que l’analyse a mis à sa disposition. Le Moi a tellement
de tendances à reprendre la forme qu’il avait avant toute analyse.
Aussi, je pense qu’il faut bien avoir pesé les choses avant de fixer ou
de faire fixer par le sujet en faisant pression sur lui un terme à
l’analyse.
164
Quand le résultat est vraiment obtenu, le sujet, de lui-même,
éprouve l’inutilité d’un colloque qui ne lui apporte plus rien, que le
sentiment de la survivance d’un passé douloureux, et il pose de lui-
même la question de l’intérêt d’une prolongation. Ici y a-t-il
vraiment lieu de parler de sevrage ? C’est le sujet qui se sèvre.
165
Dans d’autres cas, le sujet hésite, il demande un avis qu’il croit
purement technique et il faut apprécier quel sens donner à sa
demande, car la conduite est évidemment toute différente selon qu’il
s’agit d’une ultime résistance ou d’un essai de dégagement légitime
de l’atmosphère rassurante de l’analyse.
166

97
Dans d’autres, enfin, la situation reste stationnaire, soit que le
transfert ait manifestement, soit surtout insidieusement, tellement
pris d’importance, qu’il est devenu, souvent à l’insu de l’analyste et
de son malade, le lieu des satisfactions instinctuelles substitutives
par excellence. En pareil cas, le malade peut consentir les sacrifices
réels les plus extrêmes pour conserver cette relation d’objet,
qui polarise par sa facilité même tous ses besoins, et capte toutes ses
énergies. Comment saisir le sens de cette situation qui peut être
rigoureusement semblable à celle qu’entraîne une grande incapacité
du Moi, source d’une défense extrêmement rigide, ou bien d’une
résistance indéfiniment reconstruite. Cette situation, qui d’ailleurs
se combine dans une proportion variable à la précédente selon que
l’on a, ou non, l’espoir de la réduire, implique l’arrêt de l’analyse ou
au contraire sa continuation. La connaissance des grandes lois qui
régissent la dynamique et l’économie de la relation d’objet de
transfert aide ici à l’intuition la plus fine. Il faut toujours les
confronter l’une l’autre, chercher dans toutes les directions tout
aussi bien du côté du sujet que de son Moi propre, ce qui ne va pas,
et pourquoi cela ne va pas. Et ainsi le rapport dialectique prend
toute sa signification.
167
Si ce rapport a d’ailleurs gardé autant que humainement faire se
peut toute sa valeur, l’analyste a su, par des infléchissements
insensibles de sa tactique, prévenir les dangers d’une névrose de
transfert trop cimentée et tâter au-delà de l’examen préalable la
solidité du Moi. Il a de ce fait les mains plus libres quand arrive cette
période de sevrage, où précisément les effets d’un contre-transfert
ignoré peuvent se faire sentir avec le plus de vigueur, c’est-à-dire à la
fois obnubiler l’intuition, et se traduire par des comportements
légèrement écartés de la neutralité bienveillante, qui serait encore
plus nécessaire au moment où, comme le précise S. Nacht, une
attitude active remplace l’immobilité apparente, autrement dit où
l’analyste agit, uniquement d’ailleurs, et en modifiant le style et
l’objet de ses interprétations, et en adaptant à cet instant le

98
protocole de la cure, les interprétations en effet sont plus
synthétiques, plus générales. Elles embrassent tout un aspect des
relations d’objet du sujet et aussi elles incluent non seulement les
relations de transfert, mais également ce que l’on est convenu
d’appeler les transferts latéraux, c’est-à-dire les comportements
usuels du malade dans la vie journalière. Par ailleurs, une souplesse
plus grande est introduite dans le protocole de l’analyse, le nombre
des séances est diminué, les horaires peuvent plus aisément être
modifiés, une distance plus grande est donnée au sujet, mais dans
tout cela, comme dans la fixation éventuelle d’une date limite à la
cure, toute la souplesse nécessaire est donnée par la liberté de
l’intuition et sur soi et sur autrui. Liberté d’autant plus nécessaire
que, par réaction à la frustration imminente infligée par la cessation
de l’analyse, le sujet réagit souvent par une réapparition inattendue
de ses symptômes principaux ou même par l’apparition de
symptômes nouveaux qu’il faut alors pouvoir interpréter
précisément comme des modalités réactionnelles au « sevrage ».
168
Toujours est-il qu’une fois une décision prise, et il faut la prendre à
bon escient, il faut s’y tenir avec fermeté, mais sans brutalité,
gardant jusqu’à la dernière minute la même attitude souple mais
ferme.

Conclusions

169
Arrivé au terme de ce long exposé où j’ai toujours eu en vue, plutôt
que de m’en tenir à l’énoncé d’un certain nombre de prescriptions ou
de règles, de mettre à la disposition du lecteur une vue d’ensemble
aussi complète que je l’ai pu, compte tenu de l’espace qui m’était
imparti, de la technique analytique, en insistant peut-être trop
souvent sur le bien-fondé pour ne pas dire le caractère inévitable de
ce protocole et de cette technique, je voudrais revenir encore sur la
nécessité du double jeu de l’exercice sans entrave de l’intuition, et

99
d’une certaine élaboration de la représentation intuitive du cas, en
fonction de connaissances théoriques suffisantes sur la technique.
170
Quand on lit le compte rendu de congrès comme celui de Marienbad
qui fut consacré à l’étude des facteurs vraiment actifs intervenant
dans le processus de guérison par l’analyse, ou celui du symposium
de Salzbourg, centré sur les problèmes de technique, ou encore les
écrits les plus récents, l’on s’aperçoit à peu de chose près que les
auteurs se répartissent en deux groupes :
 Les uns (Alexander, Nunberg, M. Schmildeberg) insistent sur

l’importance des fonctions synthétiques du Moi dans les processus


d’intégration qui l’enrichissent.
 Les autres (Sachs, Sterba, Strachey) mettent l’accent sur

l’importance de l’identification à l’analyste dans la réalisation des


synthèses nécessaires.
171
Qui insiste sur le pouvoir de synthèse propre au Moi valorise les
capacités idiosyncratiques du sujet, qui met l’accent sur l’importance
du modèle extérieur, insiste sur ce que le sujet reçoit de l’analyste.
Dans un cas comme dans l’autre, il importe au plus haut point de ne
pas troubler le processus régulateur, mais j’ai l’impression que dans
la seconde manière de voir, l’importance de l’étroitesse du contact
est encore majorée, et qu’ici le sujet doit tout au long sentir que
l’analyste le comprend activement, seule satisfaction libidinale qu’il
soit opportun de lui donner, puisque aussi bien elle est tout autant
anonyme qu’humainement satisfaisante. Elle n’engage en effet rien
d’autre, en apport libidinal issu de la personne du médecin, que la
neutralité bienveillante recommandée par Freud.
172
Je crois, quant à moi, que ces deux facteurs : les possibilités
personnelles du sujet et l’influence du modèle, sont tous deux
indispensables à la structuration harmonieuse de la personnalité.
Mais leur importance me paraît variable selon les cas. C’est surtout
quand on aborde les couches profondes de la psyché, autrement dit

100
qu’un conflit prégénital important est en cause, que la rigueur
technique tout autant que l’intuition exacte sont indispensables pour
que le résultat dynamique soit obtenu.
173
Lorsque la régression thérapeutique en effet doit atteindre ces stades
primaires de la structuration du Moi, autrement dit à cette phase où
le Moi n’est représenté que par des îlots, des nuclei, selon
l’expression de Glover, toute erreur de l’intuition aboutit à une
méconnaissance des rapports réels du sujet et de l’analyste dans la
perspective qui alors s’instaure.
174
J’ai déjà insisté à diverses reprises sur les dimensions propres au
dialogue analytique, à ses phases primaires que la régression revécue
dans la situation spéciale du colloque analytique atteint. À la pensée
rationnelle, significative des relations objectales, telles que nous
avons coutume d’en user dans nos rapports habituels, fait place un
mode d’expression verbal d’un ordre tout différent. À ce moment,
dont la venue se sent plus qu’elle ne se décrit, la relation s’établit en
fonction de la signification symbolique arbitrairement attribuée,
pour des motifs affectifs relevant tout aussi bien du passé que du
moment présent, à tous les éléments du contact interpersonnel, sans
aucune considération relevant des catégories rationnelles de la
pensée, entre le sujet de l’analyse et l’objet de son discours, je veux
dire l’analyste.
175
Chez une petite malade que je traite depuis longtemps, ce matin
même j’en eus la confirmation une fois de plus. Cette jeune fille, qui
vivait jusqu’alors dans une confusion constante de ses objets
personnels et de son corps propre, et qui au prix d’une lente
évolution se dégage de cette extensibilité abusive de soi dans
l’environnement matériel de ce Soi, saisit d’emblée pourquoi elle
avait une terreur inavouée à la pensée que je puisse deviner ce que
contenait la valise qu’elle emportait ce jour-là avec elle. C’était
comme si je lui faisais mal à l’intérieur de son corps, comme si

101
j’exerçais une sorte de destruction à l’intérieur d’elle-même, par le
simple fait de mon attention attirée par cet objet.
Elle avait d’ailleurs de bonnes raisons pour cela. En vertu de la
projection qu’elle avait faite sur moi de ses relations ambivalentes
avec une mère interdictrice et toute-puissante, elle avait tout lieu de
me ressentir comme opposé à la tentative de relations objectales
normales, que cette valise, qui contenait en réalité une robe de
soirée, représentait. D’où la crainte, uniquement compréhensible sur
le plan de la pensée irrationnelle, que je puisse, du simple fait de
mon regard attiré, adultérer l’instrument de sa réunion avec
l’homme, c’est-à-dire son corps propre et plus spécialement ses
organes génitaux. Je dois dire que, débarrassée depuis longtemps
des rationalisations recouvrant une telle relation interpersonnelle de
par l’analyse réitérée des divers niveaux où son fantasme primitif
était inscrit, lui apparurent immédiatement l’irrationalité de sa
crainte et sa véritable signification. Elle répondit à mon
interprétation : « Vous craignez que je voie cette valise en vertu de la
concordance que vous établissez depuis longtemps entre certains de
vos objets qui vous tiennent le plus à cœur et votre personne
physique. » « – Oui, je saisis d’emblée ce que vous voulez me faire
entendre, je sais que je vous ai raconté un rêve pour éviter de vous
parler de cette valise. Je sais qu’il est absurde de ma part d’avoir
encore ces idées et je sais aussi que si ma mère en avait deviné le
contenu autrefois, une atmosphère de terreur aurait gâté cette soirée
dont je me promets, sans y croire, tant de plaisir. C’est une peine
absurde dont je comprends maintenant tout le bien-fondé ; au
surplus, je suis bien, n’est-ce pas, une personne indépendante. »
176
Voici l’ordre de relations dans lesquelles l’analyste se trouve engagé ;
elles s’établissent dès que les superstructures, résultats de l’effort
d’adaptation du Moi, se trouvent dépassées et que la véritable nature
de ce qui transsudait à travers des justifications normalisatrices
apparaît. Il faut atteindre, dans des cas de ce genre, à la substance
même de l’état où la régression et la fixation combinées ont entraîné

102
en réalité les relations objectales, pour qu’un espoir de réintégration
puisse se faire jour. Il est étonnant d’ailleurs de voir comment dans
la superstructure même de leurs relations objectales les plus
superficielles, dans leur forme la plus conventionnelle et la plus
élaborée, au moment où leur véritable nature leur est totalement
inconsciente, ces sujets se sentent intuitivement compris, lorsque
l’inconscient de l’analyste peut librement se placer sur le plan où
leur pensée intime est en accord. Cette même malade disait aux tout
premiers jours de son traitement à ses parents qui, comme il est
d’usage dans un cas de ce genre, se montraient inquiets du
déroulement de la cure : « Je suivrai mon médecin parce qu’il me
tient des propos raisonnables. » Et pour elle ce qui lui faisait dire
que mes propos étaient raisonnables, c’est la forme même de mes
interprétations qui étaient juste au-delà de ce qu’elle comprenait
alors, autrement dit, qui suivaient presque exactement dans la façon
dont elle sentait et s’exprimait, le contenu en filigrane de son conflit
essentiel, derrière ses propos les plus évolués et les plus superficiels.
Aurais-je pu, sans risquer une intellectualisation stérile ou une
angoisse excessive et peut-être insurmontable, régler mon
interprétation à la distance qui convenait de ce qu’elle exprimait
alors en termes de conversations mondaines et d’obéissance
familiale, si je n’avais pu user correctement et de l’intuition et d’un
profil du cas que seule la théorie me permettait de dessiner ?
177
Qu’en serait-il résulté si j’avais d’emblée interprété l’énorme
régression sadique orale et anale que ses élans instinctuels
subissaient ? Elle ne voyait, dans son rapport avec moi, que des
façons d’être justifiées par des usages sociaux dont son éducation
l’avait abondamment pourvue. Il eût existé entre elle et moi un
hiatus susceptible d’être comblé un certain nombre de fois sans
doute, mais qui, à la longue, eût été définitif. Et la double opération
qui consistait, dans le même temps, à l’amener à dominer ses
conflits les plus archaïques, et à se construire un Moi rationnel
vraiment effectif et vivant, à partir d’un appareil intellectuel dont

103
l’usage ne lui était au début en vérité d’aucun secours, eût été
impossible, car sa vie affective, donc sa véritable vie si l’on se place
sur le plan de la réalité intérieure, qui seule compte du point de vue
individuel, se situait effectivement, entièrement sur le plan de la
pensée régressive dont je viens de donner un exemple. À l’orée du
travail analytique, cet ordre de pensée se coulait dans le moule du
langage courant, et la véritable pensée vivante ne se devinait que
dans l’échappée incompréhensible et étrange pour elle-même de
l’obsession. Partout ailleurs, le Moi semblait user de ses instruments
habituels de logique et d’objectivité, mais comme ce n’était là qu’un
faux-semblant qui était pourtant sincèrement pensé comme du vrai,
il fallut en user en le prenant comme pour authentique mais en y
mettant comme elle, mais un peu plus clairement qu’elle, des
significations d’une nuance tout à fait individuelle, qui en se
précisant de plus en plus devaient faire émerger la vraie vie affective,
tout en préservant précisément l’intégrité, et mieux en renforçant la
valeur, le sens des processus rationnels, en séparant sans cesse le
vrai du faux.
178
Je ne crois pas qu’une telle œuvre puisse être menée à bien sans
que le sujet perçoive sans cesse une communauté de nature entre
l’analyste et lui, sentiment de fond, qui naît de la compréhension
exacte qu’a l’analyste du niveau de pensée auquel le sujet se trouve,
et de la structuration de ses interventions en fonction de cette
connaissance.L’on parle alors le même langage, et l’analyste devient
« ce bon objet » dont la possession durable est le point de départ
nécessaire à l’évolution, je devrais dire à la croissance du Moi, qui
d’infantile derrière une apparence adulte devient véritablement
adulte. Cette sorte de symbiose, qui doit se dissoudre tout
naturellement comme se détendent au fur et à mesure les liens qui
unissent l’enfant aux siens, à la différence près que ce relâchement
doit être infiniment plus large, ce qui est d’autant plus facile
qu’aucune caractéristique vraiment spécifique de la personnalité
analytique n’est jamais en jeu. Je n’ai fait cette longue digression, à

104
propos de ce petit incident récent d’une cure déjà longue, que pour
montrer combien est délicat et « senti » le contact efficace entre le
médecin et son patient.
179
Si l’intuition libérée reste le fondement de tout, la théorie de la
technique fixe les règles fondamentales de son usage.
180
En réalité, l’on réagit dans de tels cas en fonction d’un automatisme,
réglé tout aussi bien par ce que l’on sent, que par ce que l’on a
appris. La théorie ne me semble nuisible qu’au cas où elle sert de
rationalisation à un contre-transfert non contrôlé ; hormis cela, elle
n’engage que certaines conditions générales de l’intervention. J’irai
plus loin, les travaux analytiques importants montrent un aspect
particulier des relations du médecin et du malade, et leur
connaissance complétant celle des principes généraux réglant les
dispositions opératoires que je me suis efforcé de systématiser ici, ne
peut qu’apporter l’aide d’un instrument supplémentaire à
l’orchestration dont l’effet est l’interprétation exacte, tout aussi bien
dynamiquement qu’économiquement parlant.
181
Le fantasme fournit à ce sujet un exemple tout à fait démonstratif.
L’on sait que l’activité fantasmatique au cours de l’analyse peut être
considérée tout aussi bien comme une forme de résistance pour
autant qu’elle épuise dans le déréel des énergies qui pourraient
s’exprimer dans un contact très étroit avec le médecin, que le
premier essai de verbalisation, c’est-à-dire d’intégration au Moi, par
le Moi, sous une forme extemporanée, donc nouvelle et par là même
jusqu’ici inconnue des émois et des conflits des phases
préœdipiennes. À quel moment convient-il de le considérer comme
une résistance à l’intégration au Moi, ou comme un timide essai de
réduction aux catégories du langage, de l’ineffable et de l’indicible ?
Seule une intuition exacte du moment, appuyée sur une
représentation aussi fidèle que possible de la structure générale de la
personnalité du patient et une connaissance théorique des

105
significations propres aux activités fantasmatiques peut donner
spontanément l’accord suffisant. L’intuition naturelle joue, mais la
culture, « ce qui reste quand on a tout oublié », la fortifie et lui
imprime un cachet particulier, une pénétration toute spéciale en la
conduisant à une action harmonieusement adaptée. Et c’est tout ce
qui justifie une théorie de la technique tout aussi bien qu’une
analyse personnelle, poussée aussi loin qu’il est nécessaire, c’est-à-
dire jusqu’à ce que les noyaux conflictuels responsables de la
névrose individuelle aient été fondus dans l’ensemble de la
personnalité.
182
Qu’on ne croie pas que ce soient là conditions nécessitées par des cas
particulièrement graves. Nombreux sont les malades traités par
l’analyse et qui sont à la limite des indications classiques de celle-ci,
la statistique de Gitelson le prouve surabondamment, fréquentes
sont les insuffisances inévitables de l’examen préalable, quelque
bien conduit qu’il soit, illimitées quoique classées sont les
résistances à ce travail en profondeur de l’analyse, trop complexes
sont les problèmes posés par l’arrêt du traitement, et trop puissante
est l’action de l’analyse pour que rien ne soit laissé au hasard.
183
Au surplus, et j’espère ne pas tomber ici dans ce travers de trop
d’optimisme que Freud critique dans « Analyse terminée et
interminable ». Et c’est là mon sentiment intime, l’avenir de la
recherche analytique me paraît être dans la délimitation exacte des
pouvoirs de la thérapeutique qu’elle fonde et dont elle se nourrit.
Quelles sont les limites dans lesquelles nous pouvons pallier les
déficiences du Moi, dont le libre exercice s’exprime dans la qualité
des relations du sujet au monde, autrement dit, conditionne
la valeur concrètement et pratiquement humaine du sujet au sens le
plus commun du terme ?
184
Or les déficiences les plus graves du Moi, celles qui font qu’il ne
s’agit plus de variations psychologiques normales mais bien de

106
troubles névro-psychopathiques, semblent s’établir dans les tout
premiers stades évolutifs, et je pense que les phénomènes de
dépersonnalisation vraie, je veux dire qui n’ont du fantasme que
l’apparence irréelle, mais qui sont éprouvés par le sujet comme de
durs dangers, réellement courus, et que nous retrouvons s’ils ne sont
pas directement décelables à l’examen préalable, parce que toute
l’architecture du Moi a précisément été élaborée pour éviter les
situations dangereuses où ils pourraient se reproduire, sont
contemporains de ces époques préhistoriques de la vie individuelle.
Et c’est précisément à ce point de jonction des formes
névropathiques et proprement psychopathiques que doit porter
notre effort thérapeutique, et c’est à partir de là, que se définiront, je
l’espère du moins, les limites réelles de la thérapeutique analytique.
Je crois pour l’instant les identifier, ces états, dans toute névrose
grave à résistances indéfiniment renouvelées, à défenses rigides, et
je crois qu’ils nous deviendront plus facilement accessibles par une
étude phénoménologique précise à laquelle il ne semble pas que
Freud se soit particulièrement intéressé. Il est à peine besoin de dire
que, pour se sentir à l’aise dans les régions où le rationnel n’a plus de
sens vivant, l’intuition sauvage ne peut seule entrer en action.

 Abraham K., Les différences psychosexuelles entre l’hystérie et la


démence précoce, Selected Papers, 1908, Londres, Hogarth, 1927,
64-79.
 Abraham K., Devons-nous faire décrire leurs rêves aux malades ?, Zschr.
Psychoanal., 1913, 1, 194-196.
 Abraham K., Une forme particulière de résistance névrotique à l’égard de
la méthode psychanalytique, Selected Papers, Londres, Hogarth, 1919,
303-311.
 Abraham K., Notes psycho-analytiques sur la méthode de Coué de maîtrise
de soi, Int. J. Psycho-Anal., 1926, 7, 190-213.
 Abraham K., Une forme particulière de traitement psychanalytique des
malades d’âge avancé,Selected Papers, Londres, Hogarth, 1927.
 Abraham K., Possibilité d’appliquer le traitement psychanalytique aux
malades âgés, Selected Papers, Londres, Hogarth, 1927.

107
 Abt L. E. et Bellak L., Psychologie projective, New York, Knopf, 1950.
 Aichhorn A., Jeunesse à l’abandon (1925) ; trad. angl. Waiward youth,
New York, Viking, 1948.
 Alexander F., Description métapsychologique des procédés de
traitement, Int. J. Psycho-Anal., 1925, 8, 13-35.
 Alexander F., Psychanalyse de la personnalité totale, Londres, Hogarth,
1927.
 Alexander F., Le caractère névrotique, Int. Zschr. Psychoanal., 1928, 26-
44.
 Alexander F., Sur le principe de relaxation de Ferenczi, Int. J. Psycho-
Anal., 1933, 183-192.
 Alexander F., Le rapport entre les conflits structurels et
instinctuels, Psychoanal. Quart., 1933, 2, 181-207.
 Alexander F., Le problème de la technique psychanalytique, Psychoanal.
Quart., 1935, 4, 588-611.
 Alexander F., Le sujet soumis à la psychanalyse, Psychoanal. Quart., 1940,
9, 1-36.
 Alexander F., Revue de l’ouvrage de Kubie : Practical Aspects of
Psychoanalysis, Psychoanal. Quart., 1936, 5, 283-289.
 Alexander F., Le traitement psychanalytique, New York, Ronald, 1946.
 Alexander F., Base de la psychothérapie, Londres, G. Allen & Unwin.
 Alexander F., Analyse des facteurs thérapeutiques dans le traitement
psychanalytique,Psychoanal. Quart., 1950, 19, no 4, 482-500.
 Alexander F., Évolution et état actuel de la psychanalyse, Acta psychol.,
1950, 7, 126-132.
 Alexander F., French et coll., Traitement psychanalytique, principes et
application, New York, Ronald, 1946.
 Balint A., Modalités du transfert en se basant sur les recherches de
Ferenczi, Int. Zschr. Psycho-Anal., 1936, 22, 47-58.
 Balint A., Modifications théoriques des buts et des techniques
thérapeutiques en psychanalyse,Int. J. Psycho-Anal., 1949, 30.
 Balint A., Sur la façon de mettre fin aux analyses, Int. J. Psycho-Anal.,
1950, 196-199.

108
 Balint A. et Balint M., Sur le transfert et le contre-transfert, Int. J. Psycho-
Anal., 1939, 223.
 Balint M., Caractère et recommencement, Int. Zschr. Psychoanal., 1934,
20, 54-65.
 Balint M., Le but final du traitement psychanalytique, Int. J. Psychoanal.,
1936, 206-216.
 Balint M., Modifications des buts et des techniques thérapeutiques en
psychanalyse, Int. J. Psycho-Anal., 1951, 21, 1re et 2e parties, 117.
 Bartmeier L. H., Introduction à la psychothérapie, Psychoanal. Rev., 1943,
30, 386-398.
 Baudouin C., La réactivation du passé, Rev. franç. Psychanal., 1951, t. XV,
no 1, 1-18.
 Behn-Eschenburgh H., Sur une signification rare de la résistance, Int.
Zschr. Psychoanal., 1931, 17, 276-282.
 Benedek T., Mécanismes de défense et structure de la personnalité
totale, Psychoanal. Quart., 1937, 6, 96-118.
 Berg C., L’analyse profonde, Londres, Allen & Unwin, 1946.
 Berg C., Psychologie clinique, Londres, Allen & Unwin, 1948.
 Bergler E., Symposium sur la théorie des résultats thérapeutiques de la
psychanalyse, Int. J. Psychoanal., 1937, 18, 146-161.
 Bergler E., Se tracasser, Psychoanal. Rev., 1945, 32, 449-480.
 Bergler E., Utilisation et mauvaise utilisation de l’Interprétation analytique
chez les malades,Psychoanal. Rev., 1946, 88, 416-441.
 Bergler E., Types spécifiques de résistance chez les névrotiques à
régression orale, Psychoanal. Rev., 84, 58-75.
 Bergler E., Progrès pendant le traitement psychanalytique, Med. Rec.,
1947, 160, 149-153.
 Berliner B., Psychanalyse courte. Psychothérapie, ses possibilités et ses
limites, Bull. Menninger Clinic, 1941, 5, 204-213.
 Berman L., Dépersonnalisation et Moi corporel avec référence spéciale à la
représentation génitale, Psychoanal. Quart., 1948, 17, no 4, 433.
 Berman L., Attitude de contre-transfert de l’analyste dans le processus
thérapeutique,Psychiatry, 1949, 12, 159-166.

109
 Berman L., Psychanalyse de groupe. Psychothérapie, Psychoanal. Rev.,
1950, 87, 156-163.
 Bernfeld S., La conception de l’importance en psychanalyse, Zschr. angew.
Psychol., 1932, 42, 448-497.
 Bibring E., Symposium sur la théorie des résultats thérapeutiques de la
psychanalyse, Int. J. Psychoanal., 1937, 18, 170-189.
 Bibring E., La conception de la compulsion de répétition, Psychoanal.
Quart., 1943, 12.
 Bibring-Lehner G., Une contribution sur le sujet du transfert, Int. J.
Psycho-Anal., 1936, 17, 181-189.
 Birbaum F., Existe-t-il une convergence du dogme psychologique
profond ?, Int. J. Indiv. Psychol., 1948, 17, 156-171.
 Bleuler E., La pensée autistique indisciplinée en médecine, Berlin,
Springer, 1927.
 Boehm F., Devons-nous accepter les services des malades ?, Int. Zschr.
Psychoanal., 1923, 9, 77.
 Boss M., Signification et teneur des perversions sexuelles, 1947 (trad.
angl., New York, Grune & Stratton, 1949).
 Bouvet M., Importance de l’aspect homosexuel du transfert dans le
traitement de 4 cas de névrose obsessionnelle masculine, Rev. franç.
Psychanal., t. XIV, no 2, 1950.
 Bouvet M., Incidence thérapeutique de la prise de conscience de l’envie du
pénis dans la névrose obsessionnelle féminine, Rev. franç. Psychanal., t.
XIV, no 2, 1950.
 Bouvet M., « Le Moi dans la névrose obsessionnelle, relations d’objet et
mécanisme de défense », 1re Conférence des psychanalystes de langues
romanes, Paris, 1952.
 Braatuy T., préface à l’ABC de la technique psychanalytique, Acta
psychiat., 1951, 26, 121-137.
 Breuer J. et Freud, Études sur l’hystérie, Leipzig et Vienne, Deuticke,
1895.
 Bridger, Critères pour mettre fin à l’analyse, Int. J. Psychoanal., 1950, 81,
202-203.
 Brill A. A., Quelques remarques sur la technique de la psychanalyse, Med.
Rev. of Rev., avril 1912.

110
 Bunker H. A., Psychothérapie et psychanalyse, in Lorand’s Psychoanalysis
To-day : Its Scope and Function, New York, Covici Friede, 1933.
 Burke, La règle fondamentale de la psychanalyse, Int. J. Psychoanal.,
1949.
 Burlingham D., Impulsion à la confidence et contrainte à l’aveu, Paris,
Imago, 1934, 20.
 Burrow T., Le problème du transfert, Brit. J. Med. Psychol., 1927-1928.
 Buxbaum E., Technique pour mettre fin à l’analyse, Int. J. Psychoanal.,
1950, 81, 184-190.
 Bychowski G., Traitement de l’Ego faible, Int. J. Psychoanal., 1949.
 Carmichael L. et Benson, Psychosynthèse, J. Clin. Psychopath., 1949, 10,
73-84.
 Carncross H., L’activité en analyse, Psychoanal. Rev., 1926, 13, 281-293.
 Clark L. P., Quelques remarques pratiques sur l’utilisation de la
psychanalyse modifiée dans le traitement des névroses et psychoses
liminaires, Psychoanal. Rev., 1919, 6, 306-308.
 Cole E. M., Quelques « ça ne se fait pas » pour les débutants dans la
technique de la psychanalyse, Int. J. Psychoanal., 1922, 3, 43-44.
 Colman J., La phase initiale de la psychothérapie, Bull. Menniger Clin.,
1949, 13, 189-197.
 Coriat I. H., Quelques résultats statistiques du traitement psychanalytique
des psychonévroses,Psychoanal. Rev., 1917, 4, 209-216.
 Deutsch H., Psychanalyse des névroses, Londres, Hogarth, 1933.
 Eder M. D., Le rêve en tant que résistance, Int. J. Psychoanal., 1930, 11,
40-47.
 Eissler L., L’Institut de psychanalyse de Chicago et la 6 e période du
développement de la technique psychanalytique, J. General Psychol., 1950,
42, 104-157.
 Eitingon M., Souvenirs sur l’histoire de la psychothérapie, Int. Zschr.
Psychoanal., 1930, 16, 165-171.
 Eitingon M., Une nouvelle méthode critique concernant la
psychanalyse, Int. Zschr. Psychoanal., 1931, 17, 5-15.
 Farrow E. P., Une méthode d’auto-analyse, Brit. J. Med. Psychol., 1925, 5,
106-118.

111
 Fenichel O., Esquisse de psychanalyse clinique, Psychoanal. Quart., New
York, Norton, 1932.
 Fenichel O., À propos de la théorie de la technique psychanalytique, Int.
Zschr. Psychoanal., 1935, 21, 78-95.
 Fenichel O., Symposium sur la théorie des résultats thérapeutiques de la
psychanalyse, Int. J. Psychoanal., 1937, 18, 133-139.
 Fenichel O., Les troubles du Moi et leur traitement, Int. J. Psychoanal.,
1938, 19, 416-438.
 Fenichel O., Problèmes de technique psychanalytique, trad. par David
Brunswick, Psychoanal. Quart., New York, 1941.
 Fenichel O., La manière d’agir des névrotiques, Psychoanal. Rev., 1945,
32, 197.
 Fenichel O., La théorie psychanalytique des névroses, New York, Norton,
1945.
 Ferenczi S., Introjection et transfert, Yahrbuch psychoanal. Forsch., 1909,
422-457 (trad. angl. par V. Sex, in Psychoanalysis, New York, Basic
Books).
 Ferenczi S., Introjection et transfert, in Contributions to Psychoanalysis,
Boston, R. G. Badger, 1916.
 Ferenczi S., Un symptôme transitoire : la position au cours du traitement,
in Further Contributions to the Theory and Technique of Psychoanalysis,
Londres, Institute of Psychoanal. et Hogarth, 1926.
 Ferenczi S., Sur la sensation d’étourdissement à la séance d’analyse. Le
sommeil qui survient au cours de l’analyse, Analyse discontinue, Agitation
vers la fin de la séance d’analyse. Sur la technique de psychanalyse, Sur le
fait d’influencer le malade au cours de la psychanalyse. Nouveaux
développements de technique « active », in Further Contributions to the
Theory and Technique of Psychoanalysis, Londres, Institute of Psychoanal.
et Hogarth, 1926.
 Ferenczi S., Sur la technique de la psychanalyse (1919), in Further
Contributions to the Theory and Technique of Psychoanalysis, Londres,
Hogarth, 1950, p. 177.
 Ferenczi S., Difficultés techniques dans un cas d’analyse d’hystérie (1919),
trad. angl., in Further Contributions…, p. 189.
 Ferenczi S., La suite du développement de la thérapeutique active en
psychanalyse (1920), trad. angl., in Further Contribution…, p. 198.

112
 Ferenczi S., Contre-indications à la technique psychanalytique « active »
(1925), trad. angl., inFurther Contributions…, p. 217.
 Ferenczi S., Psychanalyse des habitudes sexuelles (1925), trad. angl.,
in Further Contributions…, p. 259.
 Ferenczi S. et Rank O., Les buts du développement de la psychanalyse.
Nouveaux travaux sur la psychanalyse à l’usage du praticien, Vienne,
1924 ; trad. angl., in Nerv. a. Ment. Dis., Londres, Monograph series, 1925,
no 40.
 Ferenczi S. et Rank O., Les fantasmes forcés, in Further Contributions to
the Theory and Technique of Psychoanalysis, Londres, Institute of
Psychoanal. et Hogarth, 1926.
 Ferenczi S. et Rank O., Critique de la technique de psychanalyse de
Rank, Int. Zschr. Psychoanal., 1927, 13, 1-9.
 Ferenczi S. et Rank O., Le problème de la façon de mettre fin à
l’analyse, Int. Zschr. Psychoanal., 1928, 14, 1-20.
 Ferenczi S. et Rank O., La souplesse de la technique psychanalytique, Int.
Zschr. Psychoanal., 1928, 14, 197-209.
 Ferenczi S. et Rank O., Principe de relaxation et néocatharsis, Int. J.
Psycho-Anal., 1930, 11, 428-443.
 Ferenczi S. et Rank O., L’analyse infantile dans l’analyse des adultes, Int.
J. Psycho-Anal., 1931, 12, 468-482.
 Ferenczi S. et Rank O., L’embrouillement atavique du langage des adultes
et des enfants, Int. Zschr. Psychoanal., 1933, 19, 5-15.
 Forest I. (de), Amour et colère, les deux forces stimulantes en
thérapeutique psychanalytique,Psychiatry, 1944, 15-29.
 Forest I. (de), La signification du self-control tel qu’il se présente au cours
du traitement, J. Clin. Psychopath., 1947, 8, 611-622.
 Forsyth D., Technique de psychanalyse, Londres, Kegan Paul, 1933.
 Frank R. L., L’influence des difficultés inconnues, Psychoanal. Quart.,
1948, 17, 84-96.
 French T., Étude clinique de l’enseignement au cours du traitement
psychanalytique,Psychoanal. Quart., 1936, 5, 148-194.
 Freud A., Introduction à la technique de la psychanalyse infantile (1926),
reproduit in Le traitement psychanalytique des enfants, Paris, PUF, 1951,
1re partie.

113
 Freud A., Le Moi et les mécanismes de défense, Int. Psychoanal., Vienne,
1936 ; trad. par Anne Berman, Paris, PUF, 1950.
 Freud A., Indications pour le traitement psychanalytique des enfants
(1945), in Le traitement psychanalytique des enfants, Paris, PUF, 1951,
3e partie.
 Freud A., Contribution à la théorie de l’analyse infantile (1927), in Le
traitement psychanalytique des enfants, Paris, PUF, 1951, 65-78.
 Freud S., La science des rêves, Leipzig et Vienne, Deuticke, 1900 ; trad.
franç. par Meyerson, Paris, Alcan, 1926.
 Freud S., La méthode psychanalytique de Freud, Wiesbaden, Bergmann,
1904.
 Freud S., Trois essais sur la théorie de la sexualité, Leipzig et Vienne,
Deuticke, 1905 ; trad. franç. par Reverchon, Paris, Gallimard, 1923.
 Freud S., Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, Vienne,
Deuticke, 1905 ; trad. franç. par M. Bonaparte et M. Nathan, Paris,
Gallimard.
 Freud S., Fragment d’une analyse d’hystérie (Dora), Msch. Psychiat.
Neurol., 1905, 28 ; trad. franç. par M. Bonaparte et R. Loewenstein, Rev.
franç. Psychanal., t. II, 1928, 2-i.
 Freud S., Délire et rêve dans la « Gravida » de Jensen (1907), trad. franç.
par M. Bonaparte, Paris, Gallimard, 1949, 15e éd.
 Freud S., Analyse d’une phobie chez un petit garçon de 5 ans (Le Petit
Hans), Jahrbuch psychoanal. psychopath. Forsch., Leipzig et Vienne,
Deuticke, 1909 ; Rev. franç. Psychanal., t. II, no 3, 1928.
 Freud S., Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle (L’homme aux
rats), Leipzig et Vienne, Deuticke, 1909 ; trad. franç. par M. Bonaparte et
R. Loewenstein, in Rev. franç. Psychanal., t. VI, 1932, 5.
 Freud S., Cinq leçons sur la psychanalyse, Leipzig et Vienne, Deuticke,
1910 ; trad. franç. par Y. Le Lay, Paris, Payot, 1921.
 Freud S., La psychanalyse (1910), trad. franç., Genève, Sonor, 1921, 63.
 Freud S., Observations on « Wild » Psychoanalysis, 1910, CP II, 297-304.
 Freud S., Les possibilités d’avenir du traitement psychanalytique, Zbl.
Psychoanal., 1911.
 Freud S., L’utilisation de la signification des rêves en psychanalyse, Zbl.
Psychoanal., 1912, 2.

114
 Freud S., La dynamique du transfert, Zbl. Psychoanal., 1912.
 Freud S., Conseils pour le médecin au sujet du traitement
psychanalytique, Zbl. Psychoanal., 1912, 2.
 Freud S., L’inconscient, Zschr. Psychoanal., 1913, 3.
 Freud S., Sur une fausse reconnaissance (déjà raconté) au cours du
traitement psychanalytique,Zschr. Psychoanal., 1914, 2.
 Freud S., Se souvenir, répéter et étudier (et autres travaux sur la
technique), Zschr. Psychoanal., 1914.
 Freud S., Introduction au narcissisme, Leipzig et Vienne, Deuticke, 1914.
 Freud S., Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique (1914).
Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1936.
 Freud S., Introduction à la psychanalyse (1915-1917), Paris, Payot, 1922.
 Freud S., Deuil et mélancolie, Zschr. Psychoanal., 1916, 4 ; trad. franç. par
M. Bonaparte et A. Berman, in Rev. franç. Psychanal., t. X, 1936, 9.
 Freud S., Cinq leçons sur la psychanalyse, H. Heller, 1917 ; trad. franç. par
Jankelevitch, Paris, Payot, 1922.
 Freud S., Histoire d’une névrose infantile, Leipzig et Vienne, Heller, 1918 ;
trad. franç. par M. Bonaparte et R. Loewenstein, in Cinq psychanalyses,
Paris, Denoël, 1935.
 Freud S., Les voies du traitement psychanalytique, Zschr. Psychoanal.,
1919, 5.
 Freud S., Introduction à la « psychanalyse des névroses de guerre », Int.
Psychoanal., Leipzig, Vienne, Zurich, 1919.
 Freud S., Préliminaires de la technique psychanalytique, Int. Zschr.
Psychoanal., 1920, 8.
 Freud S., Psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine, Int. Zschr.
Psychoanal., 1920, 6 ; trad. franç. par H. Hoesli, in Rev. franç. Psychanal.,
t. VII, 1933, 6.
 Freud S., Au-delà du principe du plaisir, Int. Psycho-Anal., Leipzig, Vienne
et Zurich, 1920 ; trad. franç. par S. Jankelevitch, Paris, Payot, 1927 et
1936.
 Freud S., Psychologie collective et analyse du Moi, Int. Psychoanal.,
Leipzig, Vienne et Zurich, 1921 ; trad. franç. par S. Jankelevitch, Paris,
Payot, 1924.

115
 Freud S., Le Moi et le Ça, Int. Psychoanal., Leipzig, Vienne et Zurich,
1923 ; trad. franç. par S. Jankelevitch, Paris, Payot, 1927.
 Freud S., Remarques sur la théorie et la pratique de la science des
rêves, Int. Zschr. Psychoanal., 1923, 9.
 Freud S., Contre-indications à la technique psychanalytique « active »
(1925) ; trad. angl., inFurther Contributions to the Theory and Technique
of Psychoanalysis, Londres, Hogarth, 1950, 217.
 Freud S., Inhibition, symptôme et angoisse (1926) ; trad. franç., Paris, PUF,
1951.
 Freud S., Nouvelles conférences sur la psychanalyse, Int. Psychoanal.,
Leipzig, Vienne et Zurich, 1933 ; trad. franç. par A. Berman, Paris,
Gallimard, 1936.
 Freud S., Le problème de l’anxiété, Psychoanal. Quart. Press, New York,
Norton, 1936.
 Freud S., Sur la biologie actuelle, Paris, Imago, 1936, 22, 210-241.
 Freud S., Analyse terminée et interminable (1937), in Rev. franç.
Psychanal., t. XII, 1939, 11, 8-9.
 Freud S., Abrégé de psychanalyse (1938) ; trad. franç., Paris, PUF, 1950,
chap. VI de La technique psychanalytique, 42-45.
 Glover E., Thérapeutique « active » et psychanalyse, Int. J. Psycho-Anal.,
1924, 5, 269-311.
 Glover E., Note critique sur « Les buts du développement de la
psychanalyse » de S. Ferenczi et O. Rank, Brit. J. Med. Psychol., 1924, 4,
319-425.
 Glover E., Une forme technique de résistance, Int. J. Psycho-Anal., 1926,
377-380.
 Glover E., Lectures sur la technique en psychanalyse, Int J. Psycho-Anal.,
1927, 8, 311-338, 486-520 ; 1928, 9, 7-26, 181-218.
 Glover E., Le véhicule des interprétations, Int. J. Psycho-Anal., 1930, 11,
340-344.
 Glover E., Effet thérapeutique de l’interprétation inexacte, Int. J. Psycho-
Anal., 1931, 12, 397-411.
 Glover E., Symposium sur la théorie des résultats thérapeutiques de la
psychanalyse, Int. J. Psycho-Anal., 1937, 18, 125-133.

116
 Glover E., Psychanalyse (1939). Livre pour les médecins praticiens et les
étudiants de pathologie comparée, Londres, Staples, 1949.
 Greenacre P., Problèmes généraux d’action, Psychoanal. Quart., 1950, 19,
455-467.
 Guex G., La névrose d’abandon, Paris, PUF, 1951.
 Gutheil E. A., Psychanalyse et psychothérapie brève, J. Clin. Psychopath.,
Psychother., 1944, 6, 207-230.
 Hann-Kende F., Le transfert et le contre-transfert en psychanalyse, Int.
Zschr. Psychoanal., 1926, 12, 478-486.
 Harnik J., Sur le forçage des phantasmes blasphémateurs, Int. Zschr.
Psychoanal., 1927, 18, 61-64.
 Harriman P., Nouveau dictionnaire de psychologie, New York,
Philosophical Library, 1947.
 Hartmann H., Les bases de la psychanalyse, Leipzig, Thieme, 1927.
 Hendrick I., Faits et théories en psychanalyse, New York, A. A. Knopf,
1934.
 Hermann I. M., La psychanalyse en tant que méthode, Int. Psychoanal.,
Vienne, 1934.
 Hilgard E., Théories de l’instruction, New York, Appleton Century Crofts,
1948.
 Hitschmann E., Les indications du traitement psychanalytique, Vienne, Ars
Medici, 1924, 14, no 10.
 Hitschmann E., Variations de la symbolique du rêve au fur et à mesure que
progresse le traitement, Int. Zschr. Psychoanal., 1931, 17, 140-142.
 Hoffer, Trois critères psychologiques pour mettre fin à l’analyse, Int. J.
Psycho-Anal., 1950.
 Horney K., Technique de traitement psychanalytique, Zschr.
Sexualwissenschaft, 1917, 4, 185.
 Horney K., Le problème de la réaction thérapeutique négative, Psychoanal.
Quart., 1936, 5, 29-44.
 Horney K., Nouvelles voies en psychanalyse, New York, Norton, 1939.
 James W., Les principes de la psychologie (2 vol.), New York, Heurg
Holty Co.

117
 Jekels L. et Bergler E., Transfert et amour, Psychoanal. Quart., 1934, 18,
et Imago, 1934, 20, 5-31.
 Jelliffe S. E., Technique de psychanalyse, Nerv. Ment. Dis., New York,
Monograph series, 1914, no26.
 Jelliffe S. E., Quelques observations sur le transfert, Abnormal Psychol.,
1914, 8, no 5, 302.
 Jelliffe S. E., Contributions à la technique psychothérapeutique par la
psychanalyse, Psychoanal. Rev., 1919, 6, 114.
 Jelliffe S. E., Le facteur vieillesse dans le traitement psychanalytique, Med.
Rec., 1925, no 1.
 Jones E., L’attitude du psychanalyste à l’égard des conflits courants, Med.
Rec., 1925, no 1.
 Jones E., La technique du traitement psychanalytique, Jahrbuch
Psychoanal. Forsch., juillet 1914, 6, 329-343.
 Jones E., Remarques sur la technique psychanalytique. I. Le rêve en
psychanalyse. II. Suggestion et transfert, Int. Zschr. Psychoanal., 1914, 2,
274-275.
 Jones E., Traitement des névroses, Baltimore, Wood, 1920 ; Londres,
Baillière, Tindal et Cox, 1920.
 Jones E., Théorie et pratique en psychanalyse, Int. Zschr. Psychoanal.,
1925, 11, 145-149.
 Jones E., Introduction. Contribution au symposium présenté au
VIIIe Congrès international psychanalytique, Salzburg, 21 avril 1924, Int. J.
Psychoanal., 1925, 6, 1-14.
 Jones E., Nature de l’autosuggestion, Int. J. Psychoanal., 1923, 4, 3 ; rééd.
in Papers on Psychoanalysis, Londres, Baillière, Tindall & Cox, 1948, 12,
273-293.
 Jung C. G., Psychologie du transfert, Zurich, Rascher, 1946.
 Kaiser H., Problème de la technique, Int. Zschr. Psychoanal., 1934, 20,
490-522.
 Kaufmann M. R., Les facteurs en psychothérapie et en psychanalyse ;
appréciation, Psychiat. Quart., 1941, 15, 117-142.
 Klein M., Principes psychologiques de l’analyse du nourrisson (1926),
in Contributions à la psychanalyse, 1948, 140.
 Klein M., Psychanalyse des enfants, Londres, Hogarth, 1932.

118
 Klein M., Analyse du nourrisson (1923), republié in Contributions à la
psychanalyse, Londres, Hogarth, 1950, 117-139.
 Klein M., Symposium sur l’analyse de l’enfant (1927), in Contributions à
la psychanalyse, 1948, 152.
 Klein M., Personnification dans le jeu des enfants (1929), Int.
J. Psychoanal., 1929, republié inContributions à la psychanalyse, 1948,
215.
 Klein M., Post-scriptum (mai 1947), in Contribution à la psychanalyse,
1921-1945, 182-184.
 Klein M., Trois critères psychologiques pour la manière de mettre fin à la
psychanalyse, Int. J. Psycho-Anal., 1950.
 Klein M., Sur les critères pour la manière de mettre fin à la
psychanalyse, Int. J. Psycho-Anal., 1950, 31, 78-80.
 Klein M., Les origines du transfert, Communication au Congrès internat. de
psychanalyse, Amsterdam, août 1951, in Rev. franç. Psychanal., t. XVI,
no 1, 1952.
 Knight R. P., Appréciation des résultats du traitement psychanalytique, Am.
J. Psychiat., 1941, 98, 434-446.
 Kovacs V., Des exemples sur la technique active, Int. Zschr. Psychoanal.,
1928, 14, 405-408.
 Kovacs V., Analyse d’éducation et de contrôle, Int. J. Psycho-Anal., 1936,
17, 342-346.
 Kubie L., Rapport entre le réflexe conditionné et la technique
psychanalytique, Paris, Imago, 1935, 21, 44-50.
 Kubie L., Aspects pratiques de la psychanalyse, New York, Norton, 1936.
 Kubie L., Analyse critique du concept d’une compulsion à répétition, Int. J.
Psycho-Anal., 1939, 390.
 Kubie L., La guérison par répétition de la névrose, Psychoanal. Quart.,
1941, 10, 23-43.
 Lacan J., Le stade du miroir comme formateur de la fonction du
« Je », Rev. franç. Psychanal., t. XIII, no 4, 1949.
 Laforgue R., Technique psychanalytique « active » et la volonté de
guérir, Int. J. Psycho-Anal., 1929, 10, 411-422.
 Laforgue R., Les résistances à la fin du traitement analytique, Int. J.
Psycho-Anal., 1934, 15, 419-434.

119
 Laforgue R., Les exceptions à la règle fondamentale, Psychoanal. Quart.,
1936, 369-374.
 Laforgue R., Le facteur de guérison dans le traitement analytique, Int.
Zschr. Psychoanal., 1937, 23, 50-59.
 Lagache D., De la psychanalyse à l’analyse de la conduite, Communication
au XIe Congrès internat. Psychol., Édimbourg, 22-29 juillet 1948, in Rev.
franç. Psychanal., t. XIII, no 1, 1949, 97-118.
 Lagache D., Définitions et aspects de la psychanalyse, Revue de synthèse,
1949, 116-154, et Rev. franç. Psychanal., t. XIV, 1950, 384-423.
 Lagache D., L’esprit de la psychologie contemporaine, Année psychol.,
50e année, vol, jubilaire, hommage à H. Piéron, Paris, PUF, 1951.
 Lagache D., Quelques aspects de transférence, Communication à la Brit.
Psychoanal. Soc., avril 1951, in Rev. franç. Psychanal., t. XV, no 3, 1951.
 Lagache D., Le problème du transfert, XIVe Conf. psychanalystes de
langue franç., Paris, 1ernovembre 1951, in Rev. franç. Psychanal., t. XVI,
no 2, 1952.
 Lalande A., Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris,
Alcan, 1938.
 Lampl de Groot J., L’évolution du complexe d’Œdipe chez la femme,
réimpr. in The Psychoanalytic Reader, Londres, R. Fliess, 1950.
 Landauer (C.), La technique « passive », Int. Zschr. Psychoanal., 1924, 10,
415-422.
 Lewin K., Niveau de l’aspiration, in Personality and the Behaviour
Disorders, de Hunt, New York, Ronald, 1944.
 Lewin K., Lippitt A. et White R. K., Les types de comportement agressif
dans les climats sociaux créés expérimentalement, J. Soc. Psychol., 1939,
10 ; republié in Twentieth Century Psychology, New York, Philosophical
Library, 1946.
 Loewenstein R., Le transfert affectif, Évol. psychiat., 1927, 2, 75-90.
 Loewenstein R., La technique psychanalytique, Rev. franç. Psychanal., t.
XLVI, 1982, 113-134.
 Loewenstein R., Remarques sur la théorie du processus thérapeutique de la
psychanalyse, Int. Zschr. Psychoanal., 1937, 23, 560-563.
 Lorand S., Commentaires sur le rapport de la technique
théorique, Psychoanal. Quart., 1948, 17, 32-50.

120
 Low B., Psychanalyse : un bref exposé de la théorie freudienne, Londres,
Allen & Unwin, 1920.
 Macalpine I., Le développement du transfert, Psychoanal. Quart., 1950,
19, 501-539.
 Mack Brunswick R., Un supplément à l’ouvrage de Freud : History of an
Infantile Neurosis, Int. J. Psychoanal., 1928, 9, 439-476.
 Maslow A. H. et Mittelmann B., Principes de la psychologie anormale. La
dynamique de la maladie psychique, New York, Harper, 1941.
 Mowrer O. H., La théorie de l’enseignement et les dynamiques de la
personnalité, New York, Ronald, 1950.
 Mueller-Braunschweig C., Le processus psychanalytique, Zschr.
Sexualwissenschaft, 1923, 9, 301-370.
 Nacht S., De la pratique à la théorie psychanalytique (1939-1949),
Paris, PUF, 1950.
 Nunberg H., La volonté de guérir, Int. J. Psycho-Anal., 1926, 7, 64-78.
 Nunberg H., Problèmes de thérapeutique, Int. Zschr. Psycho-Anal., 1928,
14, 441.
 Nunberg H., La fonction synthétique du Moi, Int. J. Psycho-Anal., 1931,
12, 123.
 Nunberg H., Enseignement général sur les névroses à partir de bases
psychanalytiques, Berne, H. Huber, 1932.
 Nunberg H., La base théorique du traitement psychanalytique,
in Psychoanalysis Today : Its Scope and Function, de Lorand, New York,
Covici Friede, 1931.
 Nunberg H., Symposium sur la théorie des résultats thérapeutiques de la
psychanalyse, Int. J. Psychoanal., 1937, 28, 161-170.
 Nunberg H., Transfert et réalité, Int. J. Psychoanal., 1951, 32, 1re partie, 1-
19.
 Nunberg H., Les frontières du traitement psychanalytique, J. Nerv. Ment.
Dis., 1943, 97, 469-474.
 Oberndorf C. P., But et technique de la psychanalyse, Med. Rec., 22
novembre 1912.
 Oberndorf C. P., La pratique de la psychanalyse, New York State J. Med.,
1921, 21, 95.

121
 Oberndorf C. G., Appréciation des résultats du traitement
psychanalytique, Am. J. Psychiat., 1942, 99, 374-381.
 Piéron H., Vocabulaire de la psychologie, Paris, PUF, 1951.
 Rado S., Le principe économique dans la technique psychanalytique, Int. J.
Psycho-Anal., 1925, 6, 34-35.
 Rank O., Pour comprendre le développement de la libido dans le processus
de guérison, Int. Zschr. Psychoanal., 1923, 9, 435-471.
 Rank O., Technique de psychanalyse, Leipzig et Vienne, Deuticke, 1926.
 Reich W., Compte rendu sur le séminaire du traitement psychanalytique à
la consultation externe psychanalytique de Vienne, 1925-1926, Int. Zschr.
Psychoanal., 1927, 13, 241-245.
 Reich W., La critique de l’analyse d’interprétation et de l’analyse
d’opposition, Int. Zschr. Psychoanal., 1927, 13, 141-159 ; anal. par R. de
Saussure, in Rev. franç. Psychanal., t. I, 1927, 759-763.
 Reich W., Analyse du caractère, technique et fondements à l’usage des
étudiants et des praticiens psychanalystes, Vienne, 1935.
 Reich W., Deux types narcissiques, Int. Zschr. Psychoanal., 1922, 8, 456-
462.
 Reich W., L’impulsion sexuelle. Nouveaux travaux, Zschr. aerztl.
Psychoanal., 1925, no 4.
 Reich W., Nouvelles observations sur l’importance thérapeutique de la
libido génitale, Int. Zschr. Psychoanal., 1925, 11, 297-317.
 Reich W., Technique de l’analyse d’interprétation et de l’analyse
d’opposition, Int. Zschr. Psychoanal., 1927, 13, 14-159.
 Reich W., Sur l’analyse du caractère, Int. Zschr. Psychoanal., 1928, 14,
180-196.
 Reich W., L’analyse du caractère, technique et bases, publié par l’auteur,
Vienne, 1933.
 Reich W., Le contact psychique et les troubles végétatifs, Copenhague,
Sexpol, 1925.
 Reik T., Nouvelles voies en technique psychanalytique, Int. J. Psycho-
Anal., 1933, 321-339.
 Reik T., La surprise et le psychanalyste, New York, Dutton, 1937.

122
 Reik T., Quelques remarques sur l’étude de la résistance, Int. J. Psycho-
Anal., 1924, 141-154.
 Reik T., Traitement de la névrose et religion, Int. J. Psycho-Anal., 1929,
10, 292-302.
 Rickman J., Le facteur du nombre dans la dynamique individuelle et la
dynamique de groupe, J. Mental Sc., juillet 1950, 96, no 404, 770-773.
 Rickman J., Méthodologie et recherche en psychiatrie, Contribution à un
symposium à la réunion de la Brit. Psychol. Soc., 26 avril 1950.
 Rioch J. M., Le phénomène de transfert dans le traitement
psychiatrique, Psychiatry, 1943, 6, 147-156.
 Rivière J., Une contribution à l’analyse de la réaction thérapeutique
négative, Int. J. Psycho-Anal., 1936, 117, 304-320.
 Sachs H., Points de vue métapsychologique en technique et en théorie, Int.
J. Psycho-Anal., 1925, 6, 5-12.
 Sachs H., Le comportement en tant qu’expression du processus mental
pendant l’analyse, Int. J. Psycho-Anal., 1930, 11, 231-332.
 Sachs H., Sur la théorie de la technique psychanalytique, Int. Zschr.
Psychoanal., 1937, 23, 563.
 Sadger I., Résultats et durée du traitement psychanalytique des
névroses, Int. Zschr. Psychoanal., 1929, 15, 426-434.
 Saussure R. de, Tendances actuelles de la psychanalyse, Rapport au
Congrès internat. Psychiat., Paris, 1950 ; Paris, Hermann, 1950, 5, 95-168.
 Schmideberg M., Le mode d’action du traitement psychanalytique, Int.
Zschr. Psychoanal., 1935, 21, 46-54.
 Schmideberg M., La réassurance en tant que moyen de technique
analytique, Int. J. Psycho-Anal., 1935, 16, 307-324.
 Schmideberg M., Le mode d’action du traitement psychanalytique, Int. J.
Psycho-Anal., 1938, 19, 310.
 Schmideberg M., Après l’analyse, Psychoanal. Quart., 1938, 7, 132-142.
 Schultz-Hencke H., Introduction à la psychanalyse, Iéna, G. Fischer, 1927.
 Scott W. C., Indications pour le traitement psychanalytique et limites, Brit.
Med. J., 1851, no 4731, 597-600.
 Searle M. N., Quelques questions sur les principes de technique, Int. J.
Psycho-Anal., 1936, 17, 471-493.

123
 Servadio E., Le rôle des conflits préœdipiens, XVIe Conf. des
psychanalystes de langues romanes, Rome, 1953.
 Sharpe E., La technique de la psychanalyse, Int. J. Psycho-Anal., 1930, 11,
251-277, 361-386, et 1931, 24-60.
 Silberberg W. V., Le concept de transfert, Psychoanal. Quart., 1948, 17,
303.
 Simmel E., Le traitement psychanalytique dans une clinique, Int. J.
Psycho-Anal., 1929, 10, 70-90.
 Slutsky A., Interprétation d’une résistance : le traitement analytique en tant
que défense névrotique, Psycho-Anal. Quart., 1932, 1, 345-448.
 Steiner M., Symbolisme du rêve dans la situation analytique, Int.
J. Psychoanal., 1937, 18, 294-305.
 Sterba R., Sur le transfert négatif latent, Int. Zschr. Psychoanal., 1927, 103,
160-165 (anal. par R. de Saussure, in Rev. franç. Psychanal., t. I, 1927,
no 1, 762 763).
 Sterba R., Le destin du Moi dans le traitement analytique, Int. J. Psycho-
Anal., 1934, 15, 127-159.
 Sterba R., Contribution à la théorie du transfert, Paris, Imago, 1936, 22,
456-470.
 Sterba R., Les dynamiques de dissolution de la résistance au
transfert, Psychoanal. Quart., 1940, 9, 363-379.
 Sterba R., Le traumatisme et le maniement du transfert, Int. Zschr.
Psychoanal., 1936, 22, 40-58.
 Sterba R., Aspects cliniques et thérapeutiques de la résistance du
caractère, Psychoanal. Quart., 1953, 22.
 Stern A., Sur le contre-transfert en psychanalyse, Psychoanal. Rev., 1924,
11, 166-174.
 Stern A., Une tentative psychanalytique pour expliquer quelques guérisons
spontanées de psychonévroses, Psychoanal. Rev., 1924, 11, 415-425.
 Stern A., Qu’est-ce qu’une guérison en psychanalyse ? Résumé de
l’auteur, Psychoanal. Rev., 1925, 12, 461.
 Strachey J., Nature et action thérapeutique de la psychanalyse, Int. J.
Psychoanal., 1934, 15, 127-159.
 Strachey J., Symposium sur la théorie et les résultats de la
psychanalyse, Int. J. Psycho-Anal., 1937, 18, 139-146.

124
 Teneyhill G. L., Notes sur la technique de la psychanalyse, Psychoanal.
Rev., 1916, 3, 461.
 Thompson C., Observations sur la signification psychanalytique du choix
d’un analyste,Psychiatry, 1938, 1, 205-210.
 Toeman, Un psychodrame clinique : Moi double auxiliaire et miroir
technique, Socionutry, 1946, 9, 178-183.
 Warren H., Dictionnaire de psychologie, Boston, Houghton Mifflin, 1934.
 Wittels F., Technique de la psychanalyse, Munich, Bergmann, 1926.
 Woodworth R. S., Psychologie expérimentale, Paris, PUF, 1949.
 Wulff N. W., Phobie chez un enfant d’un an et demi, Int. Zschr.
Psychoanal., 1927, 13.
[1]
Ce texte fut écrit pour l’Encyclopédie médico-chirurgicale, Psychiatrie, en
1954.
[2]
Cf. Encyclopédie médico-chirurgicale, Psychiatrie.
[3]
Pour établir cette bibliographie, je me suis en partie inspiré de la
documentation accompagnant le livre de Fenichel et le rapport de Lagache.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - 189.205.5.195 -
21/08/2016 19h36. © Presses Universitaires de France

125

S-ar putea să vă placă și