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c EDP Sciences, SFODF, 2009 www.orthodfr.org
DOI: 10.1051/orthodfr/2009026
La vocation de l’orthodontie
Julien Philippe*
1 bis rue des Vieux-Rapporteurs, 28000 Chartres, France
MOTS CLÉS : RÉSUMÉ – Pour Angle, le but du traitement orthodontique était la correction des
Moyenne / malocclusions. Puis la raison d’être de l’orthodontie parut être d’apporter la norma-
Normalité / lité en multipliant les mesures et en recherchant la valeur moyenne. Mais, 95,5 % des
Norme / variations étant normales, elles n’ont pas à être normalisées. De plus, la conformité
Objectif de traitement / à la moyenne ne présente guère d’intérêt pour l’individu. Ce ne sont pas les écarts
Orthodontie à la moyenne qui justifient un traitement, ce sont les nuisances que ces écarts en-
gendrent. Il faut dorénavant moins de mesures et plus de clinique. C’est cette voie
que montrent les définitions de l’orthodontie et de l’orthopédie dento-faciale adoptées
par la SFODF.
KEYWORDS: ABSTRACT – For Angle, the goal of orthodontic treatment was to correct maloc-
Average / clusions. Then, the raison d’être seemed to be to restore normality as described
Normality / through an increasing number of measurements and in seeking an average value.
Norm / But 95.5% of variations were in fact normal and didn’t need to be brought into a nor-
Treatment objectives / mal range. In addition, conforming to average dimensions was not an appealing goal
Orthodontics for prospective patients. It is not divergence from the average that justifies treatment;
it is instead the disturbances that these divergences engender. What are needed in
the future are fewer measurements and more applications of clinical treatment. It is
towards this route that the definitions of orthodontics and dento-facial orthopedics
Clinique et varia
adopted by the SFODF direct us.
que d’éliminer tout ce qui pouvait handicaper le patient du traitement. Pourtant, la moyenne n’apporte au-
maintenant ou dans l’avenir ». cun avantage. Sur le plan de la physiologie, qui ne
rêve d’une force musculaire, d’une capacité respi-
S’il ne peut plus faire une totale confiance aux
ratoire, d’une santé, supérieures à la moyenne ? Du
normes et surtout aux plus précises d’entre elles, les
point de vue de l’esthétique, les hommes voudraient
normes céphalométriques, pour assurer son diagnos-
être plus grands que la moyenne, les femmes plus
tic et guider son traitement, le praticien est troublé et
minces, avec des yeux plus grands. Personne ne veut
se pose la question : Quel est le but du traitement or-
être moyen. La recherche de la moyenne comme ob-
thodontique ?
jectif de traitement n’est pas justifiée.
alors qu’il y en a un grand nombre. Au contraire, rait altérer le système mauducateur (caries, lésions
il semble que ce sont précisément les petites varia- parodontales, troubles articulaires, etc.).
tions par rapport à la moyenne qui donnent à un C’est dans cet esprit que la S.F.O.D.F., suite aux
visage son originalité, son expression et son pouvoir réflexions de sa Commission de terminologie, a
d’attraction [4]. La normalité (au sens statistique) est adopté les définitions suivantes [8] :
une condition nécessaire, mais non suffisante pour
L’orthodontie est la partie de la médecine qui étudie
atteindre la beauté.
la forme, la position et le fonctionnement des dents et des
Le but du traitement est aussi, dans la me-
arcades dentaires, et qui les modifie pour assurer leur
sure du possible, d’apporter la beauté. Là encore,
santé, embellir leur apparence et améliorer leurs fonc-
la recherche de la moyenne est dépourvue d’intérêt
tions.
clinique.
Pour la définition de l’orthopédie dento-faciale, il
3. L’abandon de l’idéal normatif suffit de remplacer « les dents et les arcades dentaires »
par « les éléments constitutifs de la face ».
L’orthodontie est classiquement définie comme la
On peut en déduire que « le diagnostic en O.D.F.
discipline qui a pour objet la correction des anoma-
est l’art de reconnaître ce qui, dans la forme, la position,
lies, sans préciser ce qu’est une anomalie. Il a été dit
ou le fonctionnement des éléments constitutifs de la face,
précédemment que 95,5 % des variations d’une me-
nuit à leur santé, à leur beauté et à leurs fonctions ».
sure restent dans le cadre de la normalité. 2,25 %
des mesures sont anormales tant elles sont faibles, et Ces définitions montrent que l’idéal normatif
2,25 % sont anormales par excès (voir Fig. 1). Ré- concernant la position des dents et l’architecture
duire la raison d’être de l’orthodontie à la correction de la face doit être maintenant délaissé au profit
des anomalies, c’est la limiter à 4,5 % des variations d’idéaux dirigés vers la santé de l’appareil oral, c’est-
et exclure 95,5 % de celles-ci puisqu’elles sont nor- à-dire un parfait bien-être fonctionnel (en particu-
males. Cela ne serait pas réaliste, car les traitements lier celui de la fonction occlusale, qui est sous notre
des cas d’importance modérée sont les plus nom- responsabilité directe), et l’éviction préventive des
breux. On voit que l’orthodontie ne peut être définie facteurs favorisant les maladies de la bouche et des
dents. La beauté du visage, dont les répercussions
Clinique et varia
à partir de la notion d’anomalie si ce terme est pris
dans son sens statistique. sur le psychisme de l’individu sont grandes, considé-
D’autre part, ce n’est pas l’anomalie, quelque soit rée plus sous l’angle de son pouvoir d’attraction que
la façon dont on la définisse, qui rend le traitement sous celui de la régularité des traits, doit être notre
nécessaire. Il y a des anomalies qui ne causent aucun second idéal.
préjudice (le tubercule de Carabelli sur les molaires, Ces objectifs ne sont pas nouveaux ; ce qui est
ou les torus maxillaires et mandibulaires) et ces ano- nouveau, c’est qu’ils ne sont plus considérés comme
malies n’ont pas à être traitées. Plus encore, il y a des d’heureuses conséquences de la normalité morpho-
traitements qui créent des anomalies (diminution du logique, mais qu’ils existent par eux-mêmes, hors du
nombre de dents par exemple). Or ces traitements respect de la moyenne. Ce qui était la fin est devenu
sont admis et parfois applaudis s’ils améliorent les un moyen. Cela n’est pas sans importance : une dis-
fonctions et l’esthétique. Ce sont donc ces deux élé- cipline ne peut progresser sans s’être fixé une direc-
ments qui sont importants, et justifient le traitement, tion. Ces idéaux, pour se concrétiser, demanderont
et non l’écart à la moyenne. encore beaucoup de travaux, en particulier pour pré-
Ce n’est pas le degré de variation d’une forme qui ciser ce qui constitue l’équilibre occlusal [5] et ce qui
décide du traitement, c’est l’importance de la nuisance donne la beauté.
que cette variation engendre. La conception qui découle des définitions de
la S.F.O.D.F. n’enferme plus l’orthodontie et l’or-
4. Une vocation différente thopédie dento-faciale dans un rôle de correcteur
L’orthodontie doit donc s’éloigner des mesures des mesures céphalométriques ou de réparateur des
morphologiques, pour donner plus d’importance au dysmorphies, elle lui propose une mission positive
bon déroulement des fonctions faciales, à l’appa- et enthousiasmante : donner à chaque individu la
rence du sujet et à la prévention de tout ce qui pour- meilleure denture et la meilleure face possible.
390 Orthod Fr 2009;80:387–390