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Je dédie cet essai à A. Vilain et au docteur Neveu.


Vilain a montré par ses expériences que l’on peut fertiliser les terres les plus stériles et qu’en
modifiant les plantes par les engrais on améliore la santé du bétail.
Le docteur Neveu, que je n’ai jamais vu, a étendu la méthode cytophylactique en l’appliquant au
bétail et surtout en montrant que les hautes doses de chlorure de magnésium ont une puissante action
thérapeutique.

INTRODUCTION

Aucun mode d’activité humaine, pas même la médecine, n’a autant d’importance pour la santé que
l’agriculture.
Tant qu’Agriculteurs et Médecins s’ignoreront, l’état sanitaire sera médiocre ou mauvais et il le
deviendra de plus en plus. C’est pourquoi j’ai souvent répété à l’Académie de Médecine que le Ministère de
l’Agriculture devrait être rattaché à celui de la Santé. Mes efforts étant restés stériles, je m’adresse au grand
public. Agriculteurs et consommateurs verront que leurs intérêts sont communs.
Tout ce que nous mangeons provient des eaux et du sol. Sur la composition chimique des aliments
d’origine marine, poissons, crustacés, mollusques, nous ne pouvons rien. Le rôle de l’Etat se borne à
empêcher qu’on ne livre à la consommation des mollusques porteurs de germes pathogènes.
Sur les poissons d’eau douce, la pisciculture peut avoir une action. Je laisse cette question de côté :
elle est à l’étude et elle est loin d’avoir la même importance que l’agriculture. Qu’une plante s’étiole sur un
mauvais terrain, tout le monde le sait, personne ne s’en étonne. Mais on ne songe pas que la table est pour
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les hommes ce que le sol est pour les plantes. On ne songe pas qu’une mauvaise alimentation a les mêmes
conséquences pour eux que pour elles.
Cette indifférence néfaste vient d’une confiance instinctive dans l’espèce. On croit inconsciemment
que deux échantillons de plantes alimentaires de la même espèce ont la même composition minérale. C’est
une erreur. Je montrerai d’abord que certains minéraux se substituent aisément les uns aux autres, que leur
proportion varie d’une manière considérable suivant le sol sur quoi les plantes sont cultivées, et que le sol
peut être modifié par les engrais dans le sens le plus défavorable.
Puis j’étudierais l’effet de ces substitutions sur la santé des plantes, sur la santé du bétail, sur la santé
des hommes.
Dans un livre récent, je me suis appliqué à montrer que le cancer est une maladie de la civilisation.
On verra dans cet opuscule que la fréquence et la gravité de nombreuses maladies sont augmentées par une
agriculture mal dirigée, et que par suite, ces maladies sont dans une certaine mesure des maladies de
civilisation.
Cette notion est attristante mais consolante aussi, car il est facile de remédier aux vices de
l’agriculture. Si le remède n’était pas à côté du mal, je n’aurais pas écrit ce petit livre.

CHAPITRE PREMIER

NOTIONS DE PHYSIOLOGIE.

Tout ce qui vit s’alimente et respire. La persistance de la substance vivante est sous la dépendance de
ces deux grandes fonctions : l’alimentation et la respiration.

RESPIRATION.

Par la respiration, les êtres empruntent au milieu, l’atmosphère ou l’eau, l’oxygène nécessaire aux
oxydations.
Les animaux dès qu’ils sont un peu évolués produisent des éléments spécialement adaptés à capter
l’oxygène lorsqu’ils traversent les capillaires des poumons ou des branchies. Entraînés par la circulation ils
le transportent dans tout l’organisme. Tous ces éléments sont colorés, aussi leur donne-t-on le nom générique
de pigments transporteurs d’oxygène. Tous contiennent un métal catalyseur, le fer chez tous les vertébrés, le
cuivre ou le vanadium chez certains invertébrés.
La découverte de pigments transporteurs d’oxygène cuivriques ou vanadiques causa une grande
surprise, parce qu’on a l’idée que le cuivre est toxique et que le vanadium, dont le nom même est ignoré de
la plupart de nos contemporains, a le mystère de l’inconnu.
Quand on regarde la table périodique des éléments chimiques, on constate que fer, cuivre et
vanadium occupent des places voisines. Leur nombre atomique est respectivement de 23 pour le vanadium,
26 pour le fer, 29 pour le cuivre, ce qui veut dire qu’ils ont 23, 26, 29 électrons planétaires. Ils font partie de
la même période, ce qui rend moins surprenant qu’ils aient des propriétés communes. La propriété qui est ici
en jeu est de fixer l’oxygène d’une manière assez stable pour qu’il puisse être transporté dans le milieu
sanguin, assez labile pour qu’il soit capté par les cellules au niveau des capillaires.
Le milieu respiratoire, l’air, a une grande importance pour la santé. L’hygiéniste s’en occupe dans les
cas où il est pollué par la civilisation.
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Quand les hommes sont devenus capables de construire des bâtiments de plusieurs étages, la densité
de la population a pu croître dans une proportion énorme. Rangez des hommes debout sous des tentes,
rangez-les côte à côte, serrez-les, la densité de la population restera proportionnelle à la surface. Les étages
des constructions maçonnées permettent de superposer les habitants, et la densité de la population devient
dans les villes proportionnelle non seulement à la surface mais au volume. Elle peut croître non plus comme
des carrés, mais comme des cubes. L’atmosphère est alors spoliée de son oxygène par l’inspiration et
chargée de gaz carbonique par l’expiration.
Chez les végétaux, la respiration est faible, tandis que la fonction chlorophyllienne est intense. Par
cette fonction, sous l’influence de la lumière solaire, ils décomposent le gaz carbonique de l’air, fixent le
carbone et restituent l’oxygène à l’atmosphère. Dans les villes, le rôle des arbres n’est pas seulement
ornemental, il est hygiénique.
Le cycle de l’oxygène, sa fixation sur le carbone par les animaux, sa libération par les végétaux est un
phénomène d’une importance, sinon cosmique, du moins planétaire. Même pour la respiration, cous sommes
tributaires des végétaux. L’agent catalyseur de la chlorophylle est le magnésium. L’importance de ce métal
pour l’équilibre que nous appelons santé apparaît déjà.
Le rôle de l’hygiéniste pour assurer un milieu respiratoire convenable devient important quand les
ouvriers sont rassemblés en grand nombre dans un espace clos, et encore plus dans les industries où l’on
manipule des produits volatils et toxiques. Mais cela est hors de la question à quoi ce petit ouvrage est
consacré.
Je veux seulement remarquer que la civilisation est antihygiénique. Edifiée grâce aux progrès
scientifiques, elle a des résultats néfastes dont on ne peut triompher que par d’autres progrès. La science peut
seule triompher des méfaits qu’elle engendre.
L’humanité, au moins dans les pays civilisés, à une confiance instinctive dans les changements d’air,
les cures d’air. C’est toujours à la campagne, jamais des les grandes villes, que l’on va pour se reposer ou
rétablir se santé.
Quelles sont les conditions de l’atmosphère qui agissent sur notre organisme ? Outre la composition
centésimale, on trouve la température, l’état hygrométrique, la tension électrique, l’ionisation, les poussières,
les micelles colloïdales. Trillat a considéré l’atmosphère comme un colloïde gazeux, l’aérosol, et il a montré
le rôle des micelles dans le transport des agents pathogènes.
La pluie incessante des rayons cosmiques brise des atomes et par suite les molécules où ils sont
engagés. Nous n’y pouvons rien.
Il faut tenir compte aussi des émanations de sol ou de la végétation. Chaque pays a son odeur. En
passant en bateau à quelques milles de la Corse on sent son parfum si cher à Napoléon. La forêt tropicale
exhale une senteur écoeurante de putréfaction, et certains soirs où la chaleur est lourde, les rues d’Aix-les-
Bains, au voisinage de l’établissement thermal sont empuanties par une odeur sulfureuse.
Les villes d’eau n’existeraient pas si l’on obtenait les mêmes résultats en utilisant chez soi l’eau de
leurs sources. Est-ce que le transport leur enlève leurs propriétés ? C’est possible pour celles qui ont une
radioactivité appréciable, puisque la radioactivité diminue avec le temps suivant une fonction exponentielle.
Mais pour les autres ?
Parmi les habitués des stations balnéaires, il en est qui suivent le traitement avec nonchalance. Ce ne
sont pas toujours ceux qui en tirent le moindre profit.
Il y a huit ans, j’ai fait un séjour à Dax sans suivre aucun traitement. A cette époque, les mouvements
de mon épaule droite étaient assez limités pour que je ne puisse lancer une pierre. Quinze jours après mon
arrivée, voulant chasser un chat, je ramassai un caillou et le lançai vigoureusement. Le geste exécuté, j’en fus
stupéfait. Nous avons un sentiment obscur mais assez précis de nos possibilités. Je savais que je ne pouvais
plus lancer une pierre, et depuis longtemps je n’essayais plus de le faire. Sans que je m’en fusse aperçu, mon
cerveau avait acquis la notion que j’étais redevenu capable d’exécuter ce geste ; je l’avais accompli sans y
penser et je n’avais suivi aucun traitement.
A Dax, il y a partout des sources chaudes. Elles sont si abondantes qu’elles ruissellent en liberté. Les
ménagères y vont remplir leurs brocs. Les vapeurs se répandent dans tout le pays ; on les respire.
A La Bourboule, on respire de l’arsenic, et bien des estivants sont pris de diarrhée sans faire de
traitement.
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Ces indications sommaires montrent que l’atmosphère de certaines villes d’eaux joue un rôle dans
leurs effets bienfaisants.
Mais il est un autre facteur, et qui me paraît prédominant, c’est l’alimentation.
A Aix-les-Bains, les terrains d’alluvions compris entre la ville et la moitié nord du lac sont en
cultures maraîchères. Autour de Vichy, ces cultures sont luxuriantes ; on allait voir le marché de légumes de
Cusset. L’affluence des baigneurs dans les villes d’eaux pendant une courte période de l’année oblige à
intensifier ces cultures. On y consomme les légumes de la région ; or la teneur des légumes en sels minéraux
varie notablement, on le verra plus loin, suivant la composition de sol sur lequel ils poussent. Aussi ma
paraît-il probable que l’alimentation est un élément important de l’action des cures thermales. Les effets que
l’on attribue aux changements d’air sont dus souvent à des changements de régime.

ALIMENTATION.

Les aliments sont de trois grandes catégories : les glucides, les lipides et les protides. Ces mots
d’usage récent ont remplacé les anciennes dénominations hydrates de carbone, graisses, protéines. Les
hydrates de carbone sont des substances d’origine végétale où l’hydrogène et l’oxygène sont en même
proportion que dans l’eau. Les atomes de carbone y sont au nombre de six ou de multiples de six. Certaines
de ces corps de poids moléculaires très élevés ont un grand nombre d’atomes de carbone : on les nomme
polysaccharides. Ils constituent entre autres la cellulose, les gommes, l’amidon, les dextrines et aussi
certaines toxines bactériennes. Les hydrates de carbone de poids moléculaires moins élevés constituent les
sucres.
Les graisses, ou corps gras ou lipides, sont des éthers-sels formés de glycérine et de trois molécules
d’un acide organique. Les végétaux et les animaux sont capables de les fabriquer.
Hydrates de carbone et graisses, glucides et lipides, comportent seulement trois espèces d’atomes : le
carbone, l’hydrogène et l’oxygène. Pour cette raison, on les appelle ternaires.
Outre ces trois éléments, les protides ou matières albuminoïdes comprennent de l’azote. Ce sont des
corps quaternaires. Les protides sont les seuls corps réellement vivants, c’est-à-dire capables d’assimiler.
Bien avant que ces notions actuellement élémentaires fussent soupçonnées, les hommes
s’alimentaient d’une manière sinon rationnelle, du moins raisonnable. Cela n’avait demandé aucun effort
intellectuel. Une mémoire d’abord inconsciente avait suffi. Les animaux, à mesure qu’ils se perfectionnaient,
héritaient de leurs ancêtres des habitudes salutaires, celles qui avaient assuré leur survie.
Certains animaux sont adaptés à des conditions alimentaires fort étroites. La plupart des chenilles se
nourrissent d’une seule espèce de plante ; il en est de même pour bien des insectes adultes. Tout le monde
connaît le doryphore, ce coléoptère chrysomélidé, ce nouveau venu aussi joli que néfaste, dont les larves
ravagent les champs de pommes de terre.
Je n’ai jamais vu un mammifère manger un champignon. Au mois de septembre, quelques-uns de ces
cryptogammes thallophytes abondent dans les pâturages. Les vaches ne les mangent pas. A quelle époque
lointaine leurs ancêtres ont-ils appris par des rudes expériences que certains champignons sont vénéneux ?
Incapables de distinguer les espèces toxiques des comestibles, elles n’en mangent aucun. Cause finale dira-t-
on ? Pas du tout. L’expérience a appris à leurs ancêtres que ces étranges végétaux qui ont assez de caractères
macroscopiques communs pour qu’un enfant les reconnaisse au premier coup d’œil, recelaient une
redoutable puissance : ils s’en sont abstenus. Les papilles de l’odorat et du goût ont évolué de telle sorte que
les champignons les dégoûtent. C’est le résultat d’une adaptation.
L’adaptation est une manière acquise de s’accommoder aux circonstances. Il en résulte que ses effets
peuvent toujours être attribués à une cause finale.
Les animaux somnolent dans leurs habitudes ancestrales que l’on appelle des instincts. Ils ne se
posent pas de questions. L’alimentation est leur seul souci. Domestiqués ils considèrent sans doute que les
hommes, qui leur fournissent les aliments, sont à leur service. C’est ainsi d’ailleurs, que bien des esprits
revendicateurs estiment que l’Etat doit les nourrir.
Cependant dans l’espèce humaine, la partie antérieure du cerveau, le télencéphale s’est
prodigieusement développé et avec lui la curiosité, la sainte curiosité qui aidée de l’imagination trouve plus

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facilement des explications fausses que les vraies. Les conceptions qu’elle enfante ne sont jamais que des
hypothèses, qu’il faut soumettre à l’expérience.
Pour l’alimentation, les expériences grossières se font toutes seules et leurs résultats s’imposent.
Quoi de plus dramatique qu’un empoisonnement. Ceux qui en sont témoins se gardent de manger l’aliment
qui l’a produit.
Après d’innombrables tâtonnements qui remontent à une époque lointaine et dont beaucoup ont dû
être rudes, l’empirisme avait réglé l’alimentation des hommes d’une manière à peu près satisfaisante.
Il est des animaux artisans : par exemple le castor, parmi les mammifères, le tisserand parmi les
oiseaux. La poule d’eau n’a pas la réputation de tisserand. Elle est aussi habile que lui, mais la célébrité
grandit avec la distance. Son nid suspendu aux roseaux par un système de cordelettes, au-dessus du niveau
des mares, est une merveille. Les abeilles, les guêpent maçonnent.
Aucun animal, à ma connaissance, ne fait de l’agriculture, aucun ne fait de l’élevage. La culture des
champignons par les termites, les élevages attribués aux fourmis sont des interprétations erronées de faits qui
s’expliquent autrement.
L’homme a d’abord été éleveur. L’ère des pasteurs nomades a duré jusqu’au début de la période
historique ; elle n’est pas terminée en Afrique, en Asie, en Australie.
L’élevage sans agriculture est incompatible avec une population dense. Les pasteurs se nourrissent de
leurs troupeaux ; ceux-ci se nourrissent des végétaux qui poussent naturellement. Le nombre des animaux est
limité par la fertilité du sol. Ne vivent que ceux qui peuvent se nourrir. La sélection naturelle est maîtresse.
Sur un terrain de chasse, il est impossible d’augmenter au-delà d’une certaine limite la densité du
gibier ; et cette limite est incroyablement variable suivant les pays.
Dans les régions où les pasteurs nomades devinrent trop nombreux, ils furent obligés d’émigrer. La
richesse réelle est toujours proportionnelle aux besoins. Si riche qu’il soit, celui-là est pauvre dont les
ressources ne suffisent pas à satisfaire les besoins. Quand le sol ne nourrit plus assez de bétail pour nourrir
les pasteurs, il leur faut trouver d’autres terrains : c’est l’émigration avec les rudes bagarres qu’elle entraîne.
Le régime pastoral n’appauvrit pas le sol. Tout ce qui en vient y retourne.
Le passage de l’ère pastorale à l’ère agricole a été une grande étape de développement de l’humanité.
Comment les hommes se sont-ils aperçus qu’on rendait le sol plus fertile en le retournant. Nulle part peut-
être la puissance de l’intuition n’éclate mieux que dans cette étonnante découverte. D’ailleurs, on ne l’a pas
attribuée à ses véritables causes. On a cru sans doute et bien des gens croient encore que le binage, le
bêchage, le labourage n’ont d’autre effet que de détruire ce qu’on appelle les mauvaises herbes. Le véritable
mode d’action de l’ameublissement et de l’aération de la terre n’est connu que depuis peu de temps. En
1884, il y a seulement soixante ans, Schloessing et Muntz ont montré que la formation des nitrates dans le
sol est due à des microorganismes, les bactéries nitrifiantes ou nitrobactéries. Je ne puis exposer ici les
travaux de Winogradsky, de Berthelot sur ce sujet. On sait aujourd’hui que la nitrification se fait en trois
étapes, sous l’influence de trois catégories de bactéries ; les unes décomposent les substances organiques et
forment des composés ammoniacaux. D’autres oxydent ces composés et produisent des nitrites. D’autres
enfin achèvent l’oxydation et transforment les nitrites en nitrates qui sont assimilés par les plantes.
Le sol est un laboratoire bactériologique délicat et compliqué. Il ne peut fonctionner qu’au moyen
d’air, d’eau de chaleur et de lumière. De plus, il faut qu’il contienne une base pour saturer l’acide nitrique.
Le choix de la base nécessaire pour saturer l’acide nitrique produit par les microbes dépend de
l’homme. On en utilise quatre : la chaux, la magnésie, la potasse et la soude. Laquelle est préférable ? Faut-il
les allier ? Dans quelle proportion ? Préciser ces points, c’est l’un des principaux buts des recherches
agronomiques.

L’eau, on la répand par l’arrosage et l’irrigation dans les jardins et les potagers. Pour la grande
culture, elle dépend de l’atmosphère. Nous ne pouvons en régler la quantité, non plus que celle de la chaleur
et de la lumière. Savoir, c’est pouvoir, dit-on. Pas toujours. Nous ne sommes maîtres ni des vents ni des
nuages. Une tragique incertitude règne sur les résultats que donneront les mesures les plus sages, prises par
les agriculteurs. Quand on songe que ces mesures nécessitent beaucoup d’expérience, un rude labeur et de
grandes dépenses, le cœur s’emplit de reconnaissance pour ces hommes admirables dont la tranquille

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obstination, la persévérance inlassable nous permettent de vivre et la dénomination de paysan, à laquelle
bien des citadins donnent un sens péjoratif, prend une grandeur qui impose le respect.
Si l’eau est indispensable à la végétation, il ne faudrait pas croire qu’elle suffit à rendre fertile une
mauvaise terre. Cette erreur, qui paraît commune, a coûté cher. Les irrigations dans les Pyrénées-Orientales,
en Afrique du Nord n’ont pas réalisé les espérances de ceux qui les ont entreprises. Si l’eau du Nil a
maintenu la fertilité de l’Egypte, ce n’est pas en tant qu’eau, c’est par le limon qu’elle charrie.

L’air, on le fait pénétrer en retournant la terre et en la rendant plus meuble.


Ce qu’ont été les premiers labours, je l’ai vu, il y a cinquante ans dans la Beka, la vaste plaine longue
de 150 kilomètres qui s’étend du Nord au Sud entre le Liban et l’Anti-Liban. La charrue était faite de ceux
tiges de bois qui se croisaient, l’une servant à tirer, l’autre à pousser. Celle-ci se terminait par une extrémité
pointue, quelquefois ferrée pour pénétrer dans le sol. Pas de roue. L’homme portait la charrue sur son épaule,
en menant devant lui un âne minuscule ou un bœuf à peine plus grand qu’il attelait en arrivant dans son
champ, et il égratignait la terre plutôt qu’il ne la labourait.
J’ai vu à la même époque aux environs de Kairouan des charrues de même type tirées par de
singuliers attelages où une femme était couplée à un âne ou même à un chameau gigantesque.
Ces spectacles d’un autre âge, ils se dressent dans ma mémoire quand je vois quatre chevaux, parfois
six bœufs, raidir leurs muscles pour enfoncer profondément dans le sol un socle d’acier luisant, ou encore un
tracteur en tirer tout un bataillon.
Ces puissants tracteurs ont obligé à augmenter de plus en plus la superficie des champs consacrés à la
culture de la même plante. Il y a soixante ans les champs d’un hectare étaient exceptionnels dans mon pays.
On en voit maintenant de dix hectares et davantage. Quand un parasite s’abat sur des champs de cette
ampleur, il y trouve une table abondamment servie ; il pullule comme un microbe dans un bouillon de
culture et fait d’énormes ravages. La lutte par la méthode antiseptique devient singulièrement aléatoire et
presque impossible. On verra que la méthode cytophylactique est plus efficace et d’une application facile
puisqu’elle consiste tout simplement ici à employer de bons engrais.
La densité croissante de la population nécessite une agriculture de plus en plus intensive et par suite
plus spoliatrice. Les denrées alimentaires convergent vers les villes qui ne rendent rien à la terre. Les parties
non comestibles des plantes et des animaux, les résultats de la digestion s’accumulent en tas d’immondices
ou forment des cloaques fétides. Les égouts deviennent nécessaires. On envoie les déchets, le fumier
humain, dans les rivières et les fleuves qui l’entraînent à la mer. L’eau qu’amenaient les énormes aqueducs
dont les ruines donnent de la grandeur à tant de paysages aujourd’hui déserts, n’était pas seulement destinée
à la boisson. Elle servait surtout à entraîner les déchets. L’importance des anciens aqueducs peut servir à
mesurer la stérilisation du sol. La richesse du Latium a passé dans le Tibre comme la richesse de la
Mésopotamie avait passé dans le Tigre et l’Euphrate. Les éléments fécondants du sol disparaissent dans les
océans, d’où ils resurgiront peut-être un jour comme ont resurgi les immenses dépôts calcaires et
phosphatiques, mais ils sont pour longtemps perdus.
Si les bords de la grande Syrte avaient été au VII° siècle aussi stériles qu’ils le sont aujourd’hui, les
Arabes islamisés n’auraient pu la traverser pour aller conquérir la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et s’avancer
jusqu’à Poitiers.
De tous les pays méditerranéens où ont fleuri tant de brillantes civilisations, un seul a conservé sa
fertilité : l’Egypte. Rien ne prouve mieux que la civilisation a été stérilisante.
L’Egypte n’est pas comme on le dit la vallée du Nil ; elle est le lit du Nil débordé. Sa fertilité s’arrête
juste à la limite des inondations. En allant vers le Soudan, on peut cheminer au ras de culture luxuriante en
ayant les pieds sur le désert le plus aride. Pas de transition, fertilité et stérilité s’affrontent, comme pour
justifier le mot d’Hérodote : « L’Egypte est un don du Nil. »
Le Nil, le fleuve le plus long de monde est aussi le plus grand importateur. Le Kagera, qui vient du
Rouanda belge et se jette dans le lac Victoria à cinq degrés environ au sud de l’équateur, est considéré
comme sa source. Le lac Victoria est si grand qu’il a des marées. Le Nil blanc en sort, drainant les richesses
de l’énorme relief africain. Le Bahr-el-Gazal y déverse le plus colossal marais de monde. Le Nil bleu et
l’Atbara lui apportent les minéraux du massif abyssin. Par ses crues annuelles, il concentre en Egypte la
fertilité d’un cinquième environ du continent africain, énorme et trapu.
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Ce que fait le Nil pour l’Egypte, on peut le faire partout par les engrais.

Ce que j’ai dit jusqu’ici ne permet pas de comprendre comment les éléments minéraux ont une
importance capitale pour la santé.
Revenons aux protides, composés quaternaires de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote. Ces
quatre éléments sont nécessaires pour faire une substance vivante, mais ils ne suffisent pas il s’en faut.
Aucune substance organique qui n’en comprend pas d’autre n’est capable d’assimiler.
Les analyses des protides révélaient toujours la présence d’autres éléments, mais en quantité si petite
qu’on le considérait comme des impuretés négligeables.
Gabriel Bertrand a fait faire un pas gigantesque à la biologie en montrant que ces prétendues
impuretés ont une importance de premier ordre. Grâce à ses travaux et à ceux de ses élèves, on sait
aujourd’hui que vingt-neuf éléments sont indispensables à la manifestation de phénomènes vitaux.

En voici la liste, je les range dans l’ordre de leur nombre atomique croissant.

Nombre
Eléments atomique
__ __

Hydrogène ......................................................... 1
Bore ................................................................... 5
Carbone ............................................................. 6
Azote ................................................................. 7
Oxygène............................................................. 8
Fluor .................................................................. 9
Sodium .............................................................. 11
Magnésium ........................................................ 12
Aluminium ........................................................ 13
Silicium ............................................................. 14
Phosphore .......................................................... 15
Soufre ................................................................ 16
Chlore ................................................................ 17
Potassium .......................................................... 19
Calcium ............................................................. 20
Titane................................................................. 22
Vanadium .......................................................... 23
Manganèse ......................................................... 25
Fer...................................................................... 26
Cobalt ................................................................ 27
Nickel ................................................................ 28
Cuivre ................................................................ 29
Zinc.................................................................... 30
Arsenic .............................................................. 33
Brome ................................................................ 35
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Molybdène ......................................................... 42
Etain .................................................................. 50
Iode .................................................................... 53
Plomb ................................................................ 82

Ces vingt-neuf éléments, G. Bertrand les a divisés en deux grandes classes. Onze d’entre eux
constituent un peu plus de 99,98 pour cent du poids d’un être vivant. Ce sont l’hydrogène, le carbone,
l’azote, l’oxygène, le sodium, le magnésium, le phosphore, le soufre, le chlore, le potassium et le calcium.
Dans un kilo de matière vivante ces éléments représentent 999 g 80 centigrammes, la presque totalité. Ces
éléments méritent l’épithète de plastiques. Il faut remarquer que ce sont tous des éléments légers. Le plus
lourd est le calcium (nombre atomique 20). Je rappelle que le nombre atomique de l’élément le plus lourd,
l’uranium, est 92.
Cherchez à vous représenter un être vivant composé en majeure partie d’éléments lourds. Un arbre
élève sa cime à 25, 30, 60 mètres. On dit que les Séquoia atteignent 120 mètres en Californie. Le travail
qu’ils accompliraient serait gigantesque s’ils étaient formés d’éléments lourds. Dans les coupes de bois, bien
des balivaux n’étant plus soutenus par leurs voisins s’incurvent au point que leur faîte vient toucher le sol.
C’est un des exemples le plus saisissant de l’assimilation fonctionnelle. Leur lignite ne s’est pas développée
parce qu’elle n’avait pas à fonctionner, les balivaux étant, avant la coupe, étayés les uns par les autres. Elle
n’est pas en quantité suffisante pour résister au déséquilibre qu’entraîne la coupe.
Imagine-t-on un oiseau composé d’éléments lourds. Pour qu’il pût voler, il faudrait que l’énergie
libérée par les phénomènes chimiques fût proportionnelle au poids des atomes engagés. Et cette proportion
n’existe pas.
Un poisson formé d’éléments lourds devrait posséder une vessie natatoire gigantesque pour ne pas
rester collé au fond. Parmi les innombrables hasards qui ont joué un rôle dans l’évolution, il en est peut-être
qui ont introduit dans les molécules capables d’assimiler une quantité notable d’atomes lourds ;
l’augmentation de poids qui en est résulté est devenu une cause de mort. Les animaux rendus ainsi trop
pesants ont péri. Ils ont eu le sort des animaux trop grands dont l’existence nous est révélée par les fossiles.
Pourquoi ceux-ci ont-ils disparu ? C’est que les poids augmentent comme les cubes des dimensions
linéaires, tandis que la résistance des pattes augmente seulement comme les carrés des sections. Cette loi
géométrique limite la dimension des êtres vivants. Elle est évidemment plus impérative pour les animaux
terrestres que pour les aquatiques. Aussi les animaux gigantesques n’ont-ils persisté que dans la mer.
Les noirs les plus primitifs ignorent ces lois, mais ils en ont un sentiment très net. Quand ils voient un
de ces ridicules échassiers au crâne dénudé, au bec énorme, que la solennité de leur attitude a fait baptiser
marabouts, ils ne manquent pas de dire : « Plus grand, y peut pas voler. »

Les dix-neuf éléments qui ensemble représentent à peine deux millièmes du poids total d’un être
vivant sont pour les métalloïdes : le fluor, le brome, l’iode, le bore, l’arsenic et le silicium ; pour les métaux :
le fer, le zinc, le cuivre, le nickel, le cobalt, le manganèse, l’aluminium, le plomb, l’étain, le molybdène, le
vanadium et le titane. Ce sont les infiniment petits chimiques ou oligo-éléments.
Le plus lourd des éléments plastiques, le calcium a pour poids atomique 20. Parmi les oligo-éléments,
quatre sont plus légers : le bore (5), le fluor (9), l’aluminium (13), le silicium (1). Quatorze sont plus lourds.
De ces quatorze, quatre seulement dépassent le poids atomique 40. Ce sont le molybdène (42), l’étain
(50), l’iode (53), et le plomb (82). Ils sont en si petite quantité que le poids de l’organisme n’est pas modifié
d’une manière appréciable.
Leur rôle n’en est pas moins nécessaire : aucune vie n’est possible sans eux. De là résulte qu’un jour
ou l’autre, il faudra les introduire dans les engrais.
Malgré leur quantité infime, ils ont une posologie. On n’a pas le droit de dire que les êtres vivants en
trouvent toujours assez.
Gabriel Bertrand, avec sa précision coutumière a établi d’abord que, contrairement à ce qu’avait cru
Raulin, le manganèse est indispensable à l’existence de l’Aspergillus Niger, puis que la proportion infime
d’un cent millionième dans le milieu nutritif suffit à assurer sa végétation complète et enfin, c’est le point
que je veux mettre en lumière, il y a une concentration très faible du manganèse dans le milieu nutritif « qui
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permet un très bon développement de mycélium qui restait blanc et par conséquent stérile, noircit en se
couvrant de conidies. Ainsi, le manganèse agit sur l’Aspergillus Niger au moins de deux manières
différentes, suivant sa concentration : il faut davantage de métal pour assurer la fonction de reproduction que
pour permettre le développement général de l’organisme ». Et Bertrand ajoute : « Un fait semblable était
retrouvé plus tard avec le cuivre. » Ainsi, la fécondité est liée aux infiniment petits chimiques. C’est un fait
que nous retrouverons.
La question de dose a donc une importance capitale. J’insiste sur ce point parce que le plus grave
errement de l’agriculture moderne est dû à l’affirmation de G. Ville que le magnésium est toujours en
quantité suffisante dans le sol.

Comment agissent ces infiniment petits ? Par action catalytique. Catalyse, pour bien des gens n’est
qu’un mot, et rien n’est plus dangereux que de se contenter d’explications verbales. Il me faut donc essayer
de donner en quelques mots une idée de la catalyse.
On peut se représenter ainsi l’action sinon de tous du moins de certains catalyseurs. Des composés
sont en état d’équilibre chimique ; ils font bon voisinage : ils n’entrent pas en réaction. On y ajoute un
catalyseur. Aussitôt des dissociations et des combinaisons commencent, et quand elles sont terminées, le
catalyseur se retrouve intact. Il a agi comme un courtier scrupuleux mais ménager de lui-même.
Quel est son mode d’action ? Naguère encore on parlait d’action de présence, de force catalytique. Ce
sont des explications métaphysiques, c’est-à-dire qui n’expliquent rien. Il faut pénétrer dans l’intimité du
processus. Au moyen d’échange d’électrons périphériques, le catalyseur forme avec les atomes d’un corps en
présence un composé peu stable qui se défait par la suite de son instabilité même et se transforme en un autre
qui est stable. C’est le composé intermédiaire qui explique l’action du catalyseur.
La réaction est déclenchée par l’apport d’énergie extérieur sous forme de chaleur ou de lumière. Par
exemple la synthèse chlorophyllienne, sans quoi aucun animal ne pourrait exister, entre en jeu sous
l’influence des photons, par l’effet photo-électrique.
Le rôle des catalyseurs est capital en biologie. Sans eux la vie n’existerait pas. En outre de
nombreuses transformations de substances que ne sont pas vivantes, mais qui sont produites par des
phénomènes vitaux seraient impossibles.
G. Bertrand a établi que la résine des thérébentacées d’Extrême-Orient ne se transforme en laque que
par l’action du manganèse.
Délezenne a établi que le venin des serpents devient inactif s’il est privé de zinc.
Pour donner une idée de la grandeur des effets catalytiques, je citerai d’abord un fait précis constaté
par G. Bertrand dans ses recherches sur l’Aspergillus Niger : « A l’ultime dilution d’une partie de manganèse
dans dix milliards de parties de milieu nutritif, c’est-à-dire de un gramme de métal dans dix mille mètres
cubes, le poids de matière sèche résultant de l’excès de récolte sur le témoin a pu atteindre plus de vingt et
un millions de fois le poids du manganèse introduit. »
Cet exemple est impressionnant. Il en est un autre d’une importance cosmique. L’écorce de la terre
n’est pas formée par le refroidissement des substances qui la constituaient lorsqu’elle s’est détachée du
soleil. Elle a été complètement remaniée par les phénomènes de la vie. Les gisements de charbon, les nappes
souterraines de pétrole, sont des produits d’organismes vivants ; les dépôts de phosphates aussi. Les
gigantesques amas de calcaire que les cassures et les effondrements dus à la contraction de la planète ont
érigé en montagnes sont faits de coquilles de mollusques. Sans l’action catalytique du magnésium rien de
tout cela ne se serait produit. En effet, la vie végétale nécessite l’assimilation chlorophyllienne, et cette
assimilation nécessite le magnésium.
Parmi les vingt-neuf éléments nécessaires aux phénomènes physico-chimiques qui caractérisent la
vie, il en est trois, trois seulement qui sont à la fois plastiques et catalyseurs : le soufre, le magnésium et le
calcium. Ils entrent dans la constitution des tissus et produisent des phénomènes catalytiques. Ces deux
propriétés leur confèrent une importance spéciale.
Le calcium, à ma connaissance, n’agit comme catalyseur que dans la coagulation du lait et dans celle
du sang. Ce sont des phénomènes secondaires ; la coagulation du sang, précieuse en ce qu’elle limite les
hémorragies, est un phénomène pathologique. Quand elle se produit dans les vaisseaux, elle est désastreuse.
Le rôle catalyseur de calcium est donc secondaire.
- 10 -
Le soufre est un élément de constitution. Le gluten de blé, dit Gabriel Bertrand, contient 10 grammes
de soufre par kilo. Il ajoute qu’il y a même prédominance du soufre sur le phosphore dans beaucoup
d’espèces cultivées. Et le soufre intervient comme catalyseur oxydoréducteur dans la glutation.
Le magnésium a une tout autre importance et comme élément constituant et comme catalyseur. Son
action sans l’assimilation chlorophyllienne suffirait à lui conférer une éminente dignité et il en a bien
d’autres. Il agit dans la sucrase, dans la phosphatase. Après avoir établi l’extraordinaire puissance
synthétique de ses composés organo-magnésiens, Grignard se demandait si le magnésium ne jouait pas un
rôle très actif dans les synthèses naturelles de la matière organisée. Il le joue.
On dit que la chimie organique est la chimie du carbone, et c’est vrai puisque les substances
organiques contiennent toutes du carbone. Bien plus, les formules de constitution, formules stéréoscopiques,
qui rendent tant de services sont centrées sur le ou les atomes de carbone. Mais ces formules si précieuses
représentent un état d’équilibre, un état statique qui ne dure jamais. Car vivre, c’est s’adapter, c’est se
modeler sur les conditions ambiantes, c’est se vacciner à chaque instant contre quelque chose, c’est changer
sans cesse. Les formules de constitution sont la géométrie de la chimie organique : elles sont aux
phénomènes de la vie ce que la géométrie est à la mécanique ou à la physique.
Dans la plupart des transformations chimiques dont les êtres vivants sont le siège, interviennent des
diastases et toute diastase a son agent catalyseur. La chimie des phénomènes de la vie n’est pas seulement
celle du carbone : elle est aussi celle des catalyseurs et parmi ceux-ci le magnésium tient une place
prépondérante.

Nous avons vu que les catalyseurs, servant de courtiers, se retrouvent intacts à la fin des opérations
qu’ils ont produites. Cette permanence pourrait conduire à conclure qu’un organisme lorsqu’il cesse de
croître à une charge de catalyseurs qui doit suffire à tout le reste de sont existence. Ce serait une erreur. Les
animaux éliminent des corps catalyseurs et leur quantité diminue avec l’âge. Les analyses que Breteau a bien
voulu faire pour moi montrent que le magnésium diminue progressivement dans les tissus et
particulièrement dans les organes dits nobles, c’est-à-dire les plus hautement spécialisés. Le magnésium et le
soufre étant, en même temps que des catalyseurs des éléments de constitution, se trouvent engagés dans des
molécules de déchet, inutilisables pour l’organisme et sont éliminés soit par le tube digestif, soit par le rein.
On les retrouve dans matières fécales et dans l’urine. Les aliments doivent donc en fournir sans cesse.

L’alimentation soulève, on le voit, des problèmes d’une extrême complexité. Le point de vue
énergétique est beaucoup plus étroit. Bien des travaux qui lui ont été consacrés avaient pour but de
démontrer que les êtres vivants sont soumis aux mêmes principes que les corps inertes et se souciaient peu
de la santé.
Sans doute l’alimentation doit fournir à chaque individu la quantité de substances dont les
transformations dégagent l’énergie nécessaire à l’entretien de la vie et au travail produit, c’est-à-dire 2.500
calories (chiffre moyen) en vingt-quatre heures. Mais cela ne suffit pas. Si l’on donnait à un homme cette
quantité d’aliments sous forme de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote, il succomberait rapidement.
Un animal en inanition, s’il peut boire, s’amaigrit et s’éteint quand il a perdu les deux cinquièmes de
son poids, sans présenter de phénomènes pathologiques.
Au contraire l’animal qui consomme même en abondance des lipides, des glucides et des protides
chimiquement purs présente des troubles pathologiques avant de mourir.
Pour bien montrer le changement profond qui est survenu dans la manière d’envisager l’alimentation,
je dirai que Balland, qui a consacré sa vie à analyser les aliments, y dosait seulement l’eau, les matières
azotées, les matières grasses, les matières extractives, la cellulose. Dans son grand ouvrage en deux volumes,
daté de 1907, intitulé Les Aliments, les sels et les bases dont l’importance pour la santé est capitale ne sont
pas nommés.

AVITAMINOSE ET ACATALOSE.

Les vitamines ont rapidement conquis la faveur publique, sans doute par leur côté mystérieux. Il y a
quelques années, bien peu de dîners se passaient sans que l’on parlât de vitamines et des maladies produites
- 11 -
par leur carence. Depuis que l’on sait faire la synthèse de quelques-unes, leur auréole a pâli. Elles n’en sont
pas moins nécessaires. Et en montrant l’insuffisante et les dangers de la conception thermo-dynamique de
l’alimentation, elles ont fait un grand progrès à la biologie. Mme Randoin a rendu service en les étudiant
avec la compétence que l’on sait.
La carence en catalyseurs, métaux ou métalloïdes, est tout aussi grave que l’avitaminose. Je
l’appellerai acatalose.
Je fais remarquer que l’avitaminose et l’acatalose ne sont pas complètement indépendantes. Les
analyses que M. Regnoult a bien voulu faire à ma demande ont montré que le fruit de rosier sauvage, qui est
très riche en vitamine C (acide ascorbique), l’est aussi en magnésium, et d’autre part on a trouvé du
magnésium dans les vitamines.
Les expériences sur l’acatalose sont autrement difficiles que celles sur l’avitaminose. Les catalyseurs
sont si étroitement associés aux substances organiques qu’il est à peu près impossible de les en séparer
complètement.
En 1928, j’ai cherché si le magnésium jouait un rôle dans les avitaminoses. Pour cela j’ai soumis des
cobayes à un régime dépourvu de vitamine antiscorbutique en injectant quotidiennement aux uns 5 cc d’une
solution de chlorure de magnésium à 12-10 p. 1.000 ; les autres servant de témoins. La survie des animaux
magnésiés a été près de double de celle des témoins.
Ces deux séries d’expériences faites avec la collaboration de Palios montrent que les animaux
magnésiés résistent mieux aux avitaminoses.
Le problème de l’acatalose magnésienne a été abordé directement.
Leroy a réalisé un régime contenant seulement un cent millième de magnésium. Ce régime arrête la
croissance des souris et cause leur mort de vingt-quatre à trente-cinq jours.
Des expérimentateurs américains ont réussi à réaliser un régime presque complètement dépourvu de
magnésium. Des rats soumis à ce régime ont présenté des accidents saisissants, particulièrement des
convulsions entraînant une mort rapide. Ces accidents dont je ne puis donner le détail dans cet opuscule sont
exactement les inverses des avantages que donne un régime riche en magnésium. J’avais noté des le début de
mes recherches que l’augmentation de la ration magnésienne donne une grande stabilité au système nerveux.
Et Robinet a montré que le nombre des suicides est plus grand dans les pays pauvres que dans les pays riches
en magnésium.

L’humanité civilisée est en état d’acatalose chronique. Le degré d’acatalose est proportionnel à
l’ancienneté de la civilisation. Il explique la déchéance progressive des vieilles nations et que les plus
brillantes civilisations ont eu une durée limitée.
L’un des buts de ce petit ouvrage es t de montrer à tous, très brièvement, que l’agriculture peut
remédier à l’acatalose, et par là éviter de nombreuses maladies, arrêter la déchéance, redonner à un peuple
déclinant l’énergie physique et morale qu’il avait jadis.

- 12 -
CHAPITRE II

COMPOSITION MINERALE DES VEGETAUX.

Pour que l’agriculture ait les effets que je viens de dire, il faut qu’elle puisse modifier
la composition chimique des plantes. Etablissons d’abord cette possibilité.
La confiance instinctive dans la stabilité des espèces entraîne à penser que deux
échantillons d’une même variété de plantes ont la même composition chimique. Cette idée
comporte une part de vérité. Les formes spécifiques sont certainement liées à des caractères
chimiques. Mais ces caractères sont dans la constitution des molécules et non dans la
composition centésimale.
La seule notion précise que nous ayons sur cette question capitale de la biologie, nous
la devons à Gabriel Bertrand. Il a montré que les angiospermes se distinguent des
gymnospermes par la constitution chimique des leurs membranes cellulaires. Elles sont
formées de xylose chez les angiospermes, de mannose chez les gymnospermes. Ces deux
substances, mannose et xylose sont du même type. Elles diffèrent seulement par le nombre des
atomes qui entrent dans leur molécule. Le xylose est en C 6, le mannose en C5, ce qui veut
dire que la molécule du xylose contient six atomes de carbone, celle de mannose cinq
seulement. Le xylose est un héxose ; le mannose est un pentose.
Cela n’empêche pas que les teneurs en sels minéraux de deux échantillons de la même
plante puissent être très différents.

Il est une loi célèbre qui imposerait, si elle était vraie, la constance chimique des
plantes, c’est la loi du minimum. Elle proclame que la végétation est réglée par celle des
substances nécessaires qui se trouvent dans le sol en quantité minima, quelle que soit
l’abondance des autres. Si cette loi était conforme à la réalité, le volume de la plante
dépendrait de la quantité minima et sa composition centésimale ne changerait pas. La récolte
serait plus ou moins abondante, mais sa valeur alimentaire par unité de poids resterait la
même.
Cette loi est fausse. Il faut la remplacer par une loi de substitution, de balancement
dont la formule reste à trouver. Il est certain que les végétaux remplacent très facilement une
base par une autre. Dans deux échantillons d’une même variété, d’une même plante, les
proportions de sodium, du magnésium, du potassium, du calcium et d’autres éléments varient
dans une étendue considérable. Les végétaux sont extraordinairement plastiques. Deux
pommes de terre, deux carottes de la même variété peuvent être l’une excellente, l’autre
néfaste pour la santé.
Si la plasticité végétale entraîne des conséquences funestes quand elle est ignorée, dès
qu’elle est connue, elle ouvre des possibilités merveilleuses. L’agriculteur qui sait l’utiliser
devient le principal agent de la santé publique. C’est pour cela que j’ai déclaré bien des fois à
l’Académie de Médecine que le ministère de l’Agriculture devrait être rattaché à celui des la
Santé.

Les causes qui font varier la proportion des sels minéraux dans les plantes sont de
deux ordres : d’une part le climat et le sol, d’autre part les espèces et les variétés. Dans mon
livre Politique préventive du Cancer, j’ai donné un grand nombre d’analyses qui montrent

- 13 -
l’importance de ces divers facteurs. Dans ce petit ouvrage, je serai plus bref, particulièrement
sur les conditions climatiques, car nous ne pouvons rien sur elles.

INFLUENCE DES CONDITIONS CLIMATIQUES ANNUELLES.

Je dois les signaler car elles ont une grande influence sur l’état sanitaire. La
constitution médicale, comme on dit, est changeante. Elle varie d’une année à l’autre. Les
épidémies sont plus ou moins nombreuses, plus ou moins meurtrières. Les malades atteints de
maladies chroniques en souffrent plus ou moins.
Il serait absurde d’attribuer toutes ces différences à l’alimentation seule ; il ne le serait
pas moins de lui dénier toute influence. L’intensité et le nombre d’heures d’insolation, la
quantité d’eau déversée par les nuages, l’état hygrométrique de l’atmosphère, se tension
électrique, la dimension des micelles colloïdales qui flottent dans l’air, tout cela agit sur la
végétation. Ce n’est pas seulement l’abondance des récoltes qui en dépend, mais aussi la
qualité des plantes alimentaires, et par suite la santé de ceux qui les consomment.
Voici un exemple qui montre l’influence indirecte de l’insolation sur le développement
des animaux. Emprunté au monde marin, il na se rapporte pas directement au sujet que je
traite ; je le cite cependant parce qu’il est de nature à frapper ceux qui n’ont pas réfléchi à ces
questions.
Le nombre d’heures d’insolation de nos côtes françaises entre le 15 février et le 30
mars permet de prédire la quantité de maquereaux que nos pêcheurs prendront en mai. Cette
quantité varie suivant les années du simple au double, de 36.000 à 72.000. En 1902, 1903,
1904, le nombre des heures d’insolation pendant la période indiquée a été faible. Il a oscillé
autour de 175. En mai, la pêche a été déficiente : 36.000. En 1907, les heures d’insolation se
sont élevées à 250. La pêche des maquereaux a été fructueuse : 72.000, le double.
L’intermédiaire entre l’insolation et l’abondance des maquereaux est la végétation.
L’assimilation chlorophyllienne est liée au rayonnement du soleil par l’effet photo-électrique.
Les algues, dont beaucoup sont unicellulaires, prospèrent sous l’influence de l’insolation. Les
petits animaux qui s’en nourrissent pullulent. Les maquereaux qui sont carnivores se
multiplient à leur tour1.
Pour montrer l’influence des variations climatiques annuelles, je donne seulement un
petit tableau que j’ai dressé en prenant les chiffres dans les analyses de Wolff.
Avoine cultivée sur terrain humide,

Années K20 Mg0


— — —
1873 ........... 24,11 ............. 6,18
1869 ........... 22,10 ............. 7,58
1875 ........... 18,22 ............. 7,63
1879 ........... 17,48 ............. 7,62
1877 ........... 13,86 ............. 8,11

Sans tenir compte de la chronologie, j’ai rangé les teneurs en potasse par ordre
décroissant, pour bien montrer que dans une plante cultivée sur un même terrain, sous la seule
influence des conditions climatiques, se produit un balancement entre la potasse et la
magnésie.

1
Ces renseignements sont empruntés au livre si intéressant de Paul PORTIER, Physiologie des animaux marins.

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Ce fait a une grande importance au point de vue de la constitution médicale, c’est-à-
dire de la santé générale pendant la période où la récolte est consommée. Une plante
alimentaire qui contient 24,11 de potasse et 6,18 de magnésie est malsaine. Ai-je besoin de
faire remarquer que les poids sont donnés en potasse et en magnésie et que les différences
seraient notablement plus grandes s’ils étaient donnés en potassium et en magnésium, puisque
la molécule du potasse contient deux atomes de potassium et celle de magnésie un seulement
de magnésium.
Une plante, au contraire, qui contient 13,86 de potasse et 8,11 de magnésium est
hygiénique.
La première contient près de quatre fois plus de potasse que de magnésie. Elle trouble
la nutrition des cellules épidermiques. Elle expose à des maladies de peau. Comme la
potassium accélère la sécrétion d’adrénaline, elle est mauvaise pour tous les sujets qui ont une
tendance à l’hypertension. Elle expose en outre à la cirrhose du foie et au cancer.
La seconde ne contient même pas deux fois plus de potasse que de magnésium. Ce
n’est pas l’idéal, il s’en faut. On verra que l’on peut produire des légumes plus riches en
magnésium. Mais enfin, cette avoine est certainement meilleure que la première.
Il s’agit d’avoine, dira-t-on, et l’avoine ne sert guère qu’à l’alimentation des chevaux.
Je répondrai qu’il d’agit ici d’agriculture et que la santé des bêtes de trait y joue un rôle
important. J’ajouterai que la farine d’avoine a été fort utilisée pour l’alimentation des enfants.
N’est-il pas affreux se penser que la mère la plus attentive et la plus dévouée est exposée à
donner à ses enfants un aliment malsain.
Il faut encore signaler que le magnésium est fixé par les plantes surtout ou moment de
leur maturation. Les nombreuses analyses de Wolff ne laissent aucun doute sur ce point. Je
citerai seulement la plus saisissante.
Le raygras anglais contient le 10 juillet 0,71 de magnésie. Le même raygras en contient
le 22 juillet 3,150. En douze jours, la teneur en magnésium a plus que quadruplé. Cela montre
qu’il n’est pas sans inconvénient d’abuser des primeurs immatures.

INFLUENCE DU TERRAIN.

Suivant sa composition, le terrain modifie la proportion des minéraux contenus dans


les plantes. La notion du balancement, nous l’avons vu, doit remplacer la loi du minimum. Les
analyses qui le prouvent sont très nombreuses. Je n’en citerai que quelques-unes. Il ne s’agit
plus de prouver le phénomène du balancement ; personne, je crois, ne le nie. Il ne reste qu’à
préciser son ordre de grandeur.
Dès 1881, Delesse avait établi que la quantité de magnésium contenue dans les cendres
des plantes cultivées sur un terrain dolomitique peut-être plus de quatre fois supérieure à celle
des plantes ayant poussé sur un terrain siliceux ; 12,7 pour les premières, 3 pour les secondes.
Wolff a donné pour les pommes de terre les chiffres suivants. La teneur des cendres en
magnésie peut varier du simple au double : de 5,12 à 10,55. Et la teneur en potasse varie en
sens inverse. Les pommes de terre cultivées en terrain pauvre en magnésie contenaient 5,12 de
magnésie et 58,40 de potasse. Celles qui avaient été cultivées dans les polders contenaient
10,55 de magnésie et 46,67 de potasse. On voit là le balancement.
Schrumpf-Pierron constate que les maïs qui poussent sur le sol d’Egypte, riche en
magnésium, contiennent jusqu’à 0,251 de magnésie, tandis que les mêmes espèces cultivées à
Chypre, dont le climat est à peu près le même, mais dont le sol est pauvre, en contiennent
seulement 0,198, à peine plus de la moitié. Les quantités de magnésie sont ici rapportées à la
matière fraîche et non aux cendres.

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Les substances artificiellement ajoutées à la terre ont-elles le même effet que celles qui
y sont naturellement contenues ? Est-il possible de donner à un terrain pauvre des qualités
égales ou même supérieures à celles des terrains riches ?
On peut aujourd’hui répondre à cette question par une affirmation sans réserve. Mais il
faut ajouter que l’utilisation des engrais est un art, comme la médecine, et exige comme elle
beaucoup de science et d’expérience.

LES ENGRAIS.

Avant de parler de l’action des engrais, il faudrait envisager les engrais eux-mêmes.
C’est une question d’une extrême complexité, et comme le but de cet opuscule est surtout de
montrer l’influence de l’agriculture sur la santé, je me borne à quelques réflexions.
Aucune classification des engrais n’est satisfaisante. La plus courante les divise en
engrais organiques (carbone, hydrogène, oxygène et azote) et engrais minéraux (soufre,
magnésium, fer, potassium, calcium, phosphore, azote). On voit que l’azote figure dans les
deux classes. D’autre part le calcium et le potassium sont souvent introduits sous forme de
carbonate, de telle sorte que le carbone passe d’une classe à l’autre.
Gabriel Bertrand applique eux engrais sa classification des éléments nécessaires à la
vie et propose de les diviser en engrais constitutifs et engrais catalytiques. C’est rationnel et
séduisant. Mais il le dit lui-même, le soufre et le magnésium sont à la fois des éléments
constitutifs et des catalyseurs. C’est ce qui leur donne une importance primordiale.
Sans me préoccuper de classification, je dirai quelques mots des engrais couramment
employés.
*
* *

Les fumiers ne peuvent apporter aucun élément nouveau à la terre. Ils ne lui rendent
même pas tout ce que les récoltes lui dérobent, puisque la plus grande partie est consommée
loin des lieux de production. Ils retardent les effets de la culture spoliatrice mais ils ne les
suppriment pas. En outre, ils ne peuvent améliorer les terres naturellement pauvres.
Les guanos sont une sorte de fumier. Les principaux ne sont en effet que la fiente des
oiseaux de mer déposée depuis des siècles sur les îles et les côtes occidentales de l’Amérique
du Sud. Mais ce sont des fumiers provenant d’oiseaux qui se nourrissent de poissons et des
fumiers que l’on transporte loin des lieux d’origine. Ils sont riches en azote et en acide
phosphorique.
Il faut en rapprocher les nitrates du Chili.
L’extraction de l’azote de l’air a fait de tels progrès que les nitrates artificiels ont en
grande partie remplacé les nitrates naturels.
Dans la question des engrais, les intérêts politiques et financiers ont joué un grand rôle.
Quand Roosevelt, désireux d’entraîner le Chili dans l’orbe politique des Etats-Unis, voulut
acheter le nitrate chilien pour les poudreries anglaises et australiennes, les trusts de l’azote
atmosphérique se dressèrent contre lui. Il dut capituler.

La cyanure calcique est un engrais azoté. On l’obtient pratiquement en faisant absorber


l’azote atmosphérique par le carbure de calcium.

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Les nitrates du Chili sont à base de calcium. Calcium et sodium sont nécessaires à la
vie. Mais dans bien des cas, le sodium a des avantages sur le calcium. On peut d’ailleurs faire
une cyanamide sodique.

Quand on a commencé à extraire l’azote de l’atmosphère, bien des personnes sans


culture scientifique, qui essayaient de se tenir au courant des applications de la science, se
sont écriées : « Qu’allons-nous devenir si on enlève l’azote de l’atmosphère ? » Nous ne
courons aucun risque. Le cycle des phénomènes vitaux rend à l’atmosphère l’azote qu’on lui
emprunte, et les bactéries du sol le captent à nouveau. Celles qui vivent sur les racines des
légumineuses ont une singulière puissance, puisqu’un hectare de luzerne fixe jusqu’à 500
kilos d’azote et le cycle recommence.
Les engrais phosphatés jouent un grand rôle dans l’agriculture. Ils sont de diverses
sortes.
Les phosphates précipités sont des produits accessoires de l’industrie de la gélatine.
Les scories de déphosphoration sont des produits accessoires de la déphosphoration de la
fonte. Leur emploi dans l’agriculture est une application de l’art d’utiliser les restes.
La plupart des phosphates sont d’origine animale. Les gisements énormes de l’Afrique
du Nord et des Etats-Unis sont faits de phosphate tricalcique qui est à peu près insoluble. On
le transforme en phosphate monocalcique en le traitant à l’acide sulfurique. Livré aux
agriculteurs sous le nom de superphosphate, il contient, par suite de son traitement au moyen
de l’acide sulfurique, du sulfate de calcium, c’est-à-dire du plâtre et en outre divers composés
d’aluminium, de silicium et de fer. On verra que le plâtre est parfois très nuisible.

On ne peut songer sans une profonde tristesse à l’histoire des engrais potassiques.
Le minerai des mines d’Alsace porte le nom de sylvinite. La sylvinite, dite pauvre,
contient outre le chlorure de potassium une grande quantité de chlorure de sodium (50 à 55 %)
et du chlorure de magnésium.
Malheureusement on s’est appliqué à enlever de la sylvinite les éléments autres que le
chlorure de potassium. « Les mines de potasse d’Alsace, dit Vilain, continuent, au grand
détriment de la culture, à jeter leurs sels de soude dans le Rhin par une canalisation
souterraine que je suis allé voir et qui relie la mine au fleuve. »
Appauvrissent artificiel du minerai naturel, élimination volontaire de substances
fertilisantes, voilà une phase de la triste histoire des engrais potassiques. Quel en a été le
mobile ? Est-ce la confiance dans l’aphorisme qui proclame que le potassium est le métal des
plantes et le sodium le métal des animaux ? Cet aphorisme, s’il était conforme à la réalité,
aurait des conséquences terribles. Les éléments végétaux seraient tous néfastes aux animaux.
Mais il est faux. On peut faire des végétaux qui contiennent plus de sodium que de potassium
sans nuire à leur développement, même en augmentant leur résistance.
Est-ce le désir d’utiliser des corps purs ? Ce désir est très légitime ; sa réalisation
apporte plus de précision dans les expériences. Aussi s’est-il manifesté dans toutes les
recherches biologiques. Mais la recherche des corps purs doit être tempérée par la crainte
d’éliminer des composés qui jouent un rôle utile.
Voici l’autre phase de l’histoire des engrais potassiques. Le Père Favier écrit : « L’Etat
français était depuis 1918 propriétaire des potasses d’Alsace. Pour faire rendre au maximum
cette source de revenus, il a dépensé des millions à faire une réclame intelligente, d’allure
scientifique, engageant les agriculteurs à en employer toujours davantage… Résultats : la
vente de la potasse a rapporté des milliards, mais en créant partout un empoisonnement
potasique chronique. »

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Cet empoisonnement est d’autant plus intense que le potassium se fixe sur certains
colloïdes du sol et est moins entraîné que le phosphore, le sodium, le magnésium par les eaux
de drainage.
On verra plus loin à quel point l’excès de potasse est néfaste pour les animaux.
Les engrais sulfatés ont une grande importance, puisque le soufre est en même temps
un élément de constitution et un catalyseur. Leur utilité est incontestable et ils ne sont pas
reconnus par l’Etat.
Cette méconnaissance a des conséquences graves. Les services agricoles se sont cru
autorisés à interdire à une coopérative de faire de la propagande pour le sulfate de magnésium.
M. Romanet s’en est plaint dans une lettre du 17 janvier 1944.
Sur les engrais sodiques, je cède la parole à Vilain : « La loi ne reconnaît pas la soude
comme engrais. Au début de ma carrière agricole, comme tous les exploitants, j’ai eu des
maladies dans mon bétail, et puisque nous n’étions pas encore sous le régime des piqûres
qu’on nous impose aujourd’hui, j’ai remarqué que le vétérinaire dans ses ordonnances faisait
intervenir les sels de soude : sulfate de soude, bicarbonate de soude, chlorure de sodium. Et
l’idée me vient, pour éviter les maladies de mes chevaux, de faire passer ces sels de soude
dans les betteraves destinées à leur alimentation. »
L’idée d’utiliser la plasticité des végétaux pour augmenter la résistance des animaux
est parfaitement exprimée dans cette phrase. C’est la notion fondamentale qui est soutenue
dans cet opuscule. Mes études sur le cancer m’y ont conduit. Vilain y est arrivé par une tout
autre voie. De cette convergence est résultée notre collaboration.
Je reprends la citation : « Je fis donc un champ de betteraves, fumé principalement aux
sels de soude. Voici la composition de la fumure à l’hectare : 400 kilos de carbonate de
soude ; 300 kilos de sel marin dénaturé ; 20 kilos de borate de soude ; 400 kilos de nitrate de
magnésie et de chaux ; 300 kilos de phosphate de magnésie. Si le rendement n’eut pas à
souffrir de cette formule d’engrais, la quantité minérale de ces aliments me permit de guérir
des maladies graves de bétail sans aucun médicament. »
La proscription du chlorure de sodium a été une des plus fâcheuses aventures de la
médecine. Les fameux régimes déchlorurés ont fait leur temps. Le chlorure de sodium n’est
plus considéré comme toxique. Bien plus, sa carence est reconnue comme très fâcheuse ; on
en injecte dans les veines et même en solutions hypertoniques.
L’utilité, la nécessité du magnésium a été constatée par tous les agronomes. Il y a plus
d’un siècle, en 1847, Boussingault disait à l’Académie des Sciences : « Je n’ai jamais obtenu
de résultats différentiels aussi saillants qu’avec le phosphate ammoniaco-magnésien. »
En 1846, Georges Ville montrait l’impossibilité de faire pousser une plante dans un sol
artificiel dépourvu de magnésium. En 1860, Gasparin, ministre de l’Agriculture, affirmait
« que la magnésie se trouve dans les végétaux au même titre que les autres substances
fertilisantes et que son importance n’est pas moindre ». Bernardini disait : « la magnésie va
prendre une telle importance dans l’économie végétale que la connaissance de sa teneur dans
les sols n’a pas moins d’importance que la teneur en azote, en acide phosphorique, en
potasse ».
Schreiber a signalé le jaunissement des plantes cultivées dans les sols pauvres en
magnésie.
J. Dumont a écrit : « En l’absence de magnésie, le développement des plantes
s’arrête », et aussi : « En s’obstinant à ne pas restituer cette base, on a provoqué un
développement des plantes parasites de tout ordre. »
Je ne puis citer tous les travaux. Je dois malheureusement me borner à rappeler que
Péligot, Kayser, Armagnac, Lagatu, Canals, André, Muntz et Girard, Gabriel Bertrand,
Delomon, tous les agronomes sans exception proclament la nécessité du magnésium.

- 18 -
Malheureusement, Georges Ville a déclaré qu’il y en a toujours assez dans le sol. Cette
affirmation est incompréhensible. Quand bien même le sol en eût contenu une quantité
suffisante à l’époque où G. Ville expérimentait, comment a-t-il pu soutenir qu’il y en aurait
toujours assez, alors que chaque récolte en enlève ?
C’est à lui qu’incombe la responsabilité d’une erreur dont les conséquences sont
incalculables.
« Un jour ou l’autre, dit Vilain, on sera effrayé du nombre de cadavres d’animaux tués
par la formule d’engrais complets donnée pour les prairies par G. Ville. »
La loi du 4 février 1888, modifiée par celle du 19 mars 1925 déclare : « La teneur en
éléments fertilisants doit être indiquée par le poids d’azote et d’acide phosphorique et de
potasse contenus dans 100 kilos de marchandise. » Du magnésium, du soufre, du calcium, du
sodium, il n’est pas question.
Le français est à la fois très frondeur et très respectueux de la personnalité de l’Etat. Il
hésite à admettre qu’une substance, que la loi sur les engrais ne mentionne pas, soit
indispensable.
Cette funeste loi a été aggravée par la circulaire du 23 mai 1925 : « Parmi les engrais
peuvent être compris, indépendamment des engrais azotés, phosphatiques et potassiques, les
produits renfermant par exemple du manganèse ou de l’arsenic, du bore, de la magnésie, des
métaux rares, en un mot toute matière dont l’action fertilisante, pour discutable qu’elle soit,
peut cependant être considérée comme admissible. »
En 1925, la plupart des travaux que j’ai cités avaient paru. Leur parfaite concordance
ne pouvait laisser aucun doute non seulement sue l’utilité mais sur la nécessité du magnésium
et ce grand agent des synthèses organiques était cité au milieu d’autres corps peu ou pas
étudiés au point de vue biologique et son action fertilisante était qualifiée discutable ! Je ne
veux pas chercher à qui incombe la responsabilité de cette loi et de cette circulaire, l’une et
l’autre funestes.

Le magnésium n’étant pas reconnu comme engrais, il était difficile de faire préparer
des engrais magnésiens. Les frères Vilain se sont obstinés à cette tâche.
« Je m’étais promis, dit A. Vilain, de faire tous les essais sans fumier, pour bien me
rendre compte des carences minérales. A la suite de nombreux échecs, je me suis dit ceci : le
manque total de magnésie soluble est certainement préjudiciable et si, au lieu de nitrate de
chaux dont tout le monde se sert, je faisais fabriquer du nitrate de magnésie et de chaux, je
pourrais juger de l’effet de la magnésie soluble, car les essais que j’avais faits avec la
magnésie et des chaux magnésiennes dans ces terres privées de vie microbienne, n’avaient pas
donné de résultat. Inutile de vous raconter toutes les démarches faites près des grandes usines
pour arriver à faire fabriquer du nitrate de magnésie et de chaux. Ce fut la société l’Ammonia,
à Wingles (Pas-de-Calais) qui commença, puis les établissements Kuhlmann à la Madeleine-
les-Lille. Les usines françaises arrêtèrent leur fabrication. Mon frère et moi, nous fûmes
obligés de nous adresser à l’étranger et nous décidâmes la Norvégienne de l’azote à fabriquer
notre nitrate. Au bout de quelques années arriva l’interdiction d’importer de l’azote sans
licence d’importation. Heureusement pour nous, pendant ce temps le marasme s’était emparé
des usines et nous pûmes faire reprendre la fabrication par E. Kuhlmann et par la Société des
phosphates tunisiens.
« Une fois en possession de ce nouveau nitrate, il y eut une grande amélioration dans la
végétation, mais il n’y eut pas de grains en proportion de la paille. Il nous fallut, pour réussir
complètement, faire fabriquer du phosphate de magnésie. Nous rencontrâmes les mêmes
difficultés pour cette fabrication que pour celle du nitrate. Devant le refus des usines
françaises d’entrer en pourparlers, nous fîmes nos essais en Belgique, et après avoir échoué

- 19 -
dans trois grandes entreprises, M. Standart, actuellement président des superphosphatiers
d’Europe, mit lui-même la fabrication au point. Nous avons fait fabriquer trois produits : un
phosphate ammoniaco-magnésien, un supermagnésien et un phosphate de magnésie. Nous
avions auparavant fait fabriquer par l’usine des charbons actifs Ubains à Grigny, près de Lyon,
un composé de phosphate ammoniaco-magnésien que nous avons abandonné. Pour simplifier,
nous nous en tiendrons à l’avenir au seul phosphate de magnésie. C’est sur les récoltes faites
avec ces nouveaux engrais que M. Maingrot a pris les photographies qui firent le tour du
monde, et dernièrement je reconnus dans une revue américaine les portraits de M. Nolle et
Leroux qui portaient les pancartes portant les indications. »
J’ai tenu à citer ce texte sans y rien changer parce qu’il montre l’intuition des Vilain et
leur opiniâtreté.

ACTION DES ENGRAIS


SUR LA COMPOSITION MINERALE DES PLANTES.

Wolf avait déjà constaté que les cendres de betteraves cultivées sur des engrais
solubles sans magnésie contenaient seulement 4,13 de magnésie, tandis que cultivées sur des
engrais magnésiens, elles en contenaient 11,02, près du triple.
Voici les constatations faites par les frères Vilain sur les épinards.

Chaux Magnésie Potasse


Epinards sur engrais
0,372 0,060 0,969
ordinaires
Epinards sur engrais
0,357 0,429 0,313
magnésiens

Notons que « engrais ordinaires » veut dire engrais conformes à la loi, en d’autres
termes engrais préconisés par l’Etat. Les engrais magnésiens sont ceux qu’il ne reconnaît pas.
Ainsi la loi qui est encore en vigueur a pour résultat de produire un légume qui contient 0,060
de magnésie et 0,969 de potasse, c’est-à-dire une plante alimentaire nettement malsaine.
Cette analyse met en clarté le phénomène de balancement. Les engrais magnésiens
n’ont pas seulement quintuplé la teneur des épinards en magnésium, ils ont diminué leur
teneur en potassium de plus des deux tiers : double avantage pour la santé des
consommateurs.
Il y a eu une crise des épinards, une crise qui a amené des désordres aux Halles. Ils
avaient mauvais goût ; leur consommation entraînait des troubles digestifs, personne n’en
voulait plus manger. Cette crise était due, on n’en saurait douter, à leur teneur en potassium
provenant de l’abus des engrais potassiques.
Les frères Vilain ont fait analyser divers légumes qui leur avaient été remis par le
docteur Sacleux de La Bassée, légumes qui provenaient de jardins cultivés par leurs
propriétaires qui se nourrissaient de leur produit et qui sont morts de cancer. J’ai donné toutes
ces analyses dans Politique Préventive du cancer. Dans tous, le rapport du potassium au
magnésium était beaucoup trop élevé.
Voici quelques exemples. Des poireaux cultivés sans engrais spéciaux avaient la
teneur suivante en :

Chaux 0,025
Magnésie 0,041

- 20 -
Potasse 0,399

Des poireaux provenant d’un jardin dont le propriétaire se servait depuis vingt ans
d’engrais potassiques et est mort d’un cancer, avaient la teneur suivante :

Chaux 0,028
Magnésie 0,024
Potasse 0,635

La magnésie a diminué de près de moitié ; la potasse a presque doublé. C’est un type


de légume malsain.
Les carottes sont un excellent légume lorsqu’elles sont cultivées dans de bonnes
conditions. Je ne veux pas envisager ici leur richesse en carotène, bien que ses avantages
soient incontestables. Je me borne à leur teneur en sels minéraux. Elles fixent assez bien le
magnésium, mais elles ont une fâcheuse aptitude à fixer le potassium. Les analyses qu’ont fait
faire les frères Vilain montrent que des carottes que l’on peut considérer comme normales
contiennent environ 0,2 de potasse, tandis que celles provenant d’un jardin où l’on se servait
depuis vingt ans d’engrais potassiques en contenaient 0,7, trois fois et demi davantage.
Vincent, directeur de la station agronomique de Quimper a constaté que dans la
betterave, le rapport magnésie/potasse peut varier de 1/5 à 1/250, c’est-à-dire que de deux
betteraves de la même espèce, l’une peut contenir cinquante fois plus de potassium que
l’autre.

L’abus des engrais potassiques a été néfaste à la santé.


Les phénomènes de balancement ne se produisent pas seulement entre le magnésium et
le potassium. D’autres bases se substituent les unes aux autres.
Le docteur Chirié a fait dans son propre jardin des expériences d’un haut intérêt. Elles
montrent « qu’on peut augmenter fortement la teneur du végétal en phosphore, magnésie,
chaux, soude et par voie de conséquence diminuer sa teneur en potassium ».
Pour la chaux, Brioux a tiré de ses recherches la conclusion suivante : « Les rapports
physiologiques concernant la chaux et la magnésie dans la plante sont susceptibles de varier
dans une large mesure, parallèlement à la fumure ; ces deux bases pouvant se substituer l’une
à l’autre. »
Pour le phosphore, Mlle Garola a constaté que les engrais potassiques font baisser le
taux de l’acide phosphorique et augmenter celui du potassium.
Elle a montré inversement que les engrais magnésiens (nitrate de chaux et magnésie)
ont modifié « la constitution de la plante en accroissant le taux de l’azote, de l’acide
phosphorique, en réduisant considérablement l’absorption du potassium ».
Enfin les analyses, exécutées par Danos, des légumes cultivés par Chirié, montrent que
« la soude peut se substituer à la potasse ».
Tous ces éléments sont nécessaires à la vie. Mais leur proportion a une grande
importance pour la santé. L’excès de potassium est néfaste pour le consommateur.
L’insuffisance du magnésium et du sodium l’est aussi. Les deux faits conduisent à la notion
d’équilibre et de déséquilibre minéral, notion fondamentale, à quoi cet opuscule est consacré.
Ces renseignements sommaires montrent que la loi sur les engrais conduit l’agriculture
à produire des aliments malsains. Il est donc indispensable de la modifier.

- 21 -
APTITUDES CHIMIQUES DES ESPECES ET RACES.

Les espèces. --- Il s’en faut de beaucoup que les diverses espèces végétales utilisées
couramment pour l’alimentation aient la même aptitude à fixer les éléments minéraux qui ont
le plus d’importance pour la santé.
En prenant les chiffres les plus élevés dans diverses analyses, j’ai dressé le petit
tableau suivant :

Les cendres de
froment peuvent contenir 16,3 % de magnésie
maïs -- 18,1 % --
petits pois -- 13,0 % --
carotte -- 7,0 % --
raisin -- 5,0 % --

En prenant dans les analyses qui portent sur les cendres, les nombres les plus élevés et
les plus bas, je trouve pour la magnésie :

Maximum Minimum
Maïs 18,1 12,1
Froment 16,3 9,1
Petits pois 13,0 3,7
Carottes 7,3 0,6
Raisins 5,0 1,9

Les fluctuations peuvent être encore plus étendues.


Je n’insiste pas sur cette question parce qu’il est fort difficile de changer les habitudes
alimentaires d’une population. D’ailleurs, en choisissant les races on peut faire des aliments
sinon bons, du moins suffisants avec toutes les espèces.
Je crois cependant qu’il y aurait avantage à donner plus de place dans l’alimentation
aux légumes qui étaient utilisés avant que la consommation de la pomme de terre fût devenue
prédominante. Les choux, riches en sulfates, les poireaux, sont plus hygiéniques et aussi les
haricots, les carottes et les petits pois.

VARIETES.

Les diverses variétés de la même espèce de plante ont des aptitudes très différentes à
fixer le magnésium et le potassium. Le choix des semences a donc une extrême importance.
Je citerai comme exemple les pommes de terre, en raison de leur rôle dans
l’alimentation. Voici les résultats des analyses faites à l’Institut Pasteur de Lille sur des
échantillons envoyés par les frères Vilain.
Pour cent grammes de matière fraîche :

La variété Industrie contenait 0,003 de magnésie


-- Ersterlingen -- 0,055 --
-- Roodstar -- 0,004 --

- 22 -
Ainsi la variété Ersterlingen peut contenir près de quatorze fois plus de magnésium
que la variété Roodstar et dix-huit fois plus que la variété Industrie. Il faudrait avoir l’esprit
singulièrement fait pour admettre que ces diverses variétés ont la même influence sur la santé.
La plus importante de toutes les plantes alimentaires est de beaucoup de blé.
Quand la concentration de la population dans les villes a rendu la culture spoliatrice, le
sol s’est appauvri inévitablement. L’usage du fumier ralentit l’appauvrissement, mais il ne le
supprime pas. Il ne rend à la terre que ce qui a été consommé par le bétail. Tout ce qui est
transporté dans les villes est définitivement perdu pour le sol.
« Quand un cultivateur, dit Vilain, ne met jamais dans ses engrais de sodium, de
magnésium, ni de chlore, il finit par ne plus y avoir le compte dans ses fumiers. Cela n’arrive
pas du jour au lendemain ; mais quand c’est arrivé, le fermier est bien près d’avoir toutes les
misères. » Le consommateur aussi.
Ce n’est pas seulement la quantité de la récolte qui diminue, c’est aussi sa qualité et
même la qualité diminue plus vite.
On aurait dû remédier à la pauvreté naturelle ou acquise du terrain par les engrais. On a
pris une autre voie. On a cherché par des hybridations à produire des races capables de se
développer sur de mauvais terrains et par malheur on a réussi.
Comment n’a-t-on pas pensé que le sol ne pouvait fournir aux végétaux ce qui lui
manque ? Comment n’a-t-on pas pensé que dans ces conditions la quantité ne pouvait être
obtenue qu’au prix de la qualité ?
Si les hybrideurs avaient eu le souci de la santé publique, ils auraient fait le contraire de
ce qu’ils ont fait. Ils auraient appliqué leur science et leur art à façonner des hybrides capables
de fixer en plus grande quantité et en meilleure proportion les sels minéraux nécessaires à la
santé.
On est arrivé à cultiver des blés pauvres en gluten, riches en amidon, des blés dont la
farine difficilement panifiable donne de mauvais pain. Il y a quinze ans, pour faire l’aliment
national, le pain, on était obligé d’ajouter des blés étrangers aux blés français. En 1930, disent
les frères Vilain, les meuniers achetaient les blés exotiques au prix de 172 francs les cent kilos
et refusaient les blés de leur pays eu prix de 125 francs.
L’adjonction des blés de provenance lointaine avait des conséquences désastreuses
pour nos finances. Alors se sont formées des sociétés qui avaient pour but de préparer des
substances chimiques destinées à être ajoutées aux aliments naturels. La dégradation morale
était si profonde, les sociétés étaient si puissantes, que l’une d’elles a menacé de poursuites
judiciaires un meunier qui avait réussi à déceler dans des farines la présence de substances
frauduleuses. On est allé jusqu’à proposer de tolérer l’adjonction aux farines de substances qui
doivent disparaître complètement pendant la cuisson sous peine de dangers pour la santé. Et la
disparition était si peu sûre que MM. Arpin et Kohn-Abrest recommandaient de ne pas nourrir
les enfants avec les farines ainsi traitées.
M. Caridroit, directeur de la station physiologique du Collège de France, a montré par
ses expériences, que la durée de la vie des rats nourris avec des farines traitées chimiquement
est abrégée de 40%.
Bien des médecins en étaient arrivés à défendre le pain à leurs clients. Quoi de plus
dramatique que cette interdiction dans un pays où le pain est l’aliment national, l’aliment
auquel la race doit ses principales qualités.
Ce n’est pas seulement le traitement chimique des farines qui rend le pain indigeste et
malsain, ce sont aussi les engrais. Nous verrons plus loin comment ils ont rendu l’agriculture
meurtrière. Pour le moment, j’envisage le rôle des races dans la fixation des sels minéraux.

- 23 -
Voici des analyses qui montrent les différences de composition de deux races de blé,
l’hybride Vilmorin 23 et le Manitoba d’Amérique. L’hybride Vilmorin jouissait d’une grande
faveur parce qu’il donnait des rendements suffisants, suffisants en quantité, sur des terrains
médiocres.
Les différences sont importantes, mais on n’en peut tirer de conclusions formelles
parce que les échantillons analysés n’ont pas été cultivés sur le même terrain.

Hybride Manitoba
Vilmorin 23 d’Amérique
Azote 1,50 2,12
Cendres acides phosphoriques 40,56 46,00
Chaux 3,60 3,20
Magnésie 11,40 14,70
Potasse 22,44 26,70
soude 0,35 0,43

Pour mesurer la puissance fixatrice de l’hybride 23 pour le magnésium, les frères


Vilain l’ont cultivé sur de bons terrains magnésiens. Javiller a fait des analyses, Pizani les
essais de panification. Les résultats sont très nets. Sur terrain magnésien l’hybride 23 fixe un
peu plus de magnésium, mais pas assez pour acquérir une bonne valeur boulangère.
Schrumpf-Pieron a donné des renseignements précis sur les aptitudes de nombreuses
races de blé. Les hybridations réalisées en Egypte sous l’impulsion du Ministère de
l’Agriculture ont produit douze nouvelles variétés de blés. Schrumpf-Pieron en a fait analyser
des échantillons cultivés la même année sur le même sol, le sol égyptien, si riche en
magnésium. Voici les résultats des analyses qui été exécutées à l’Institut Pasteur de Lille. Les
chiffres sont rapportés à la matière fraîche.
Les conclusions qui se dégagent de ce tableau ont une grande importance.

Echantillon Cendres N K2 O C AO MGO P2O5


tot.
Blé Hindi 62 1,76 1,617 0,372 0,095 0,266 0,594
Blé Hindi12 2,29 1,428 0,477 0,104 0,310 0,619
Blé Sinoi 2 2,21 1,862 0,369 0,069 0,210 0,728
Blé Guizeh 13 1,76 1,848 0,412 0,063 0,187 0,655
Blé Baladi 31 2,55 2,142 0,305 0,084 0,147 0,583
Blé Guizeh 14 2,35 1,757 0,416 0,086 0,185 0,698
Blé Guizeh 27 2,30 1,855 0,400 0,087 0,163 0,705
Blé Guizeh 24 2,20 …… 0,428 0,109 0,160 0,554
Blé Guizeh 37 2,27 1,631 0,396 0,090 0,127 0,467
Blé Guizeh 7 1,81 …… 0,490 0,095 0,141 0,632
Blé Guizeh 31 1,80 …… 0,440 0,073 0,106 0,466
Blé Palestine 2 2,36 …… 0,430 0,057 0,079 0,664

La quantité de magnésie dans l’espèce blé varie suivant les variétés, alors même que
les conditions de culture sont les mêmes de 0,079 à 0,310.
Le Palestine 2 fixe quatre fois moins de magnésium que le Hindi 12.

- 24 -
Une étude de ce genre devrait être faite pour toutes les plantes alimentaires et les
variétés incapables de fixer le magnésium devraient être proscrites.

- 25 -
CHAPITRE III

UTILISATION ET MODE D’ACTION DES ENGRAIS.

L’utilisation des engrais est singulièrement délicate parce que leur mode d’action est
extrêmement complexe. Ces questions sont hors de mon programme, puisque je vise
seulement la santé ; aussi n’en dirai-je que quelques mots.
La loi de substitution a pour conséquence qu’un engrais quelconque n’agit pas
seulement en augmentant dans les plantes la qualité de la substance dont il est composé. Il
diminue aussi leur teneur en d’autres substances.
Vincent et Hervieux ont étudié l’action sur les betteraves de hautes doses de chlorure
de potassium en rapport avec le chaulage. Ils ont constaté un fait d’une grande importance.
L’assimilation de la potasse augmente avec le chaulage jusqu’à 5 000 kilos à l’hectare et la
magnésie diminue à fur et à mesure que la potasse augmente. Ainsi l’association de la chaux
et du chlorure de potassium est un moyen perfectionné de produire des aliments malsains. Ce
moyen est largement employé et l’Etat en est en partie responsable par la loi des engrais qu’il
a promulguée, par la réclame qu’il a fait pour ses engrais potassiques.
Loew et J. Dumont ont constaté, chacun de leur côté, que dans les végétaux, le
magnésium exerce une action sur le métabolisme du phosphore. « Melle G. Duneau, dit
Chirié, a bien montré que dans les sucs végétaux, phosphore et magnésium sont intimement
liés. Pour Oscar Loew, ils s’y trouvent sous forme de phosphate de magnésie bimagnésien »
Or, le phosphate de magnésie est extrêmement dissociable, bien plus que le phosphate de
chaux ce qui explique le rôle considérable de la magnésie dans la physiologie végétale.
En outre, la magnésie basique favorise la nitrification. Winogradsky et d’autres ont
montré que les microbes nitrificateurs qui vivent et se développent dans le sol y pullulent
d’autant plus aisément que la terre est plus riche en magnésie. Ainsi l’agriculteur fait de la
bactériologie, comme M. Jourdain faisait de la prose. Les micro-organismes ne sont pas tous
nos ennemis.
Il faut ajouter que les engrais chimiques ont une action sur les colloïdes du sol, sur les
toxines et par suite sur la végétation.
On pourrait être tenté de croire que l’analyse chimique du sol permet à l’agriculteur de
déterminer la nature et la quantité des engrais qu’il doit employer. Ce serait une erreur
grossière.
Les analyses du sol n’indiquent pas sous quelle forme se trouvent les éléments dosés et
c’est d’une extrême importance.
Sans doute si ces éléments sont en quantité insuffisante il faut en fournir. Mais s’ils
sont suffisants en quantité, peut-on conclure qu’il n’est pas nécessaire d’en ajouter ? Non, car
ils sont souvent sous une forme inutilisable pour les végétaux, soit parce qu’ils sont
insolubles, soit parce qu’ils sont solidement absorbés par les colloïdes. Ainsi Dumont a-t-il
fait justement remarquer que l’on ne peut tirer des conclusions pratiques des cultures faites sur
solutions salines.
En somme, l’agriculteur doit faire le diagnostic du sol qu’il exploite comme le
médecin fait celui du malade qu’il soigne. Aujourd'hui tous les terrains sont malades, soit
originellement, soit par suite de la culture spoliatrice.
L’agriculture biologique en est à peu près au point où en était la médecine, il y a
cinquante ans. Dans toutes les applications de la science, les progrès techniques réduisent le

- 26 -
rôle de l’individu. En agriculture, l’initiative personnelle reste énorme. Pour faire le diagnostic
d’un terrain, les connaissances scientifiques ne suffisent pas. Il faut une grande puissance
d’observation, beaucoup d’expérience et cette mémoire plus ou moins inconsciente mais sûre
qui engendre le flair. Les plus fins analystes ne discernent pas toujours en quoi réside leur
force.
Il y a de bons exploitants ; il y en a des moins bons, il y en a de mauvais. Les bons,
sous leur forme rude et parfois grossière, savent leurs possibilités que leur donnent les engrais
chimiques, mais ils ne savent pas encore assez qu’ils sont dans une large mesure les
détenteurs de la santé publique, santé morale autant que physique. Je voudrais leur donner une
haute conscience de ce rôle éminent.
Je ne dirai qu’un mot de l’influence des engrais sur la quantité des récoltes. C’est la
qualité que je vise.
La quantité est considérée comme profitable. Elle ne l’est pas toujours. La baisse de la
qualité entraîne la dépréciation. Ainsi le prix des blés français est devenu notablement
inférieur à celui des blés étrangers.
Pour les plantes de même espèce et de même variété, les bons engrais donnent une
augmentation de production.
Brioux, Dopter, Mlle Garola, Depardon ont constaté avec les engrais magnésiens des
augmentations de récolte de betteraves sucrières, d’avoine, de blé, de pommes de terre.
A.Vilain a fertilisé des sols abandonnés parce qu’ils étaient devenus stériles. Après la
guerre 1914-1918 il a acheté une ferme de 31 hectares, y compris les bâtiments d’habitation,
au prix de 5 500 francs-papier à La Chapelle (Haute-Marne). La ferme était abandonnée parce
qu’elle ne produisait plus rien. En 1938, Vilain pouvait dire aux habitants de La Chapelle : « Il
y a vingt ans que je suis parmi vous ; vous avez toujours suivi mes expériences avec intérêt et
aujourd’hui je suis arrivé à des résultats tels que l'on peut parler d’une véritable résurrection
des terres de la Chapelle et par extension des terres similaires » C’est ce qui m’a permis de
dire que l’on peut faire des Egyptes partout.
Il faut envisager une autre face de la question. C’est la santé que je vise, la santé de
tous, la santé publique. La richesse des aliments en magnésium en est le facteur le plus
important, or, l’aptitude à fixer le magnésium est très variable suivant les variétés. D’une
manière générale, les variétés qui ont la plus haute valeur alimentaire produisent moins.
Pour le pays, il n’en résultera aucune diminution de richesse, car on récoltera de
bonnes moissons sur des terres réputées stériles. Mais l’exploitant serait-il lésé ? Je ne suis
nullement qualifié pour trancher cette question. Je ferai cependant quelques réflexions.
« Nous ne récoltons, a dit Blanchard, que ce que les parasites nous laissent » Et la lutte
contre les maladies des végétaux coûte des milliards. Si les engrais en augmentant la
résistance des plantes les mettent à l’abri des parasites, la récolte sera augmentée et les frais de
la lutte contre les parasites seront supprimés. Si la bonne alimentation du bétail le préserve des
maladies, les frais des soins vétérinaires seront réduits et aussi ceux des mesures sévères et
fort coûteuses imposées par la loi ou les arrêtés en cas d’épidémie. Ces diverses économies
permettront-elles de produire des plantes alimentaires de bonne qualité au même prix que les
mauvaises ? N’étant pas agriculteur, je ne puis donner à cette question une réponse
péremptoire. Mais l’action des bons engrais sur la santé des plantes et du bétail est si grande,
on va le voir, que l’intérêt des agriculteurs me paraît concorder avec celui des consommateurs.

- 27 -
CHAPITRE IV

ACTION DES ENGRAIS SUR LA SANTE DES PLANTES

La santé des plantes n’est pas menacée seulement par les infections et les infestations 2
Il est chez les végétaux comme chez les animaux bien des maladies qui ne sont pas
d’origine parasitaire. La plus commune est la chlorose qui frappe surtout les arbres fruitiers.

Chlorose – Tout le monde a vu des poiriers et des pommiers atteints de chlorose. Les
feuilles prennent une teinte jaune et s’étiolent ; l’écorce devient sèche, lisse par place,
rugueuse en d’autres ; les fruits diminuent en nombre comme en volume et l’arbre meurt.
La relation entre la maladie et l’insuffisance de magnésium a été signalée il y a
longtemps par Constant Schreiber. On la guérit très aisément par les engrais magnésiens. En
voici un exemple dû à Pierre Dornès. Je le cite parce que je l’ai vu et que les cas concrets
frappent davantage.
En 1932, trente poiriers de son potager étaient atteints de chlorose. Le professeur
d’agriculture de Beauvais appelé en consultation, déclara les arbres perdus et conseilla de les
arracher. Dornès préféra expérimenter le nitrate de magnésie et de chaux et le phosphate de
magnésie. De 1933 à 1939, ces engrais ont été répandus à la fin de chaque hiver au pied des
trente arbres. L’un d’eux, le plus âgé, a péri. Les vingt-neuf autres ont guéri et sont devenus
très vigoureux. Ils ont donné en 1939 une récolte abondante.

Sensibilité au froid – La sensibilité au froid varie beaucoup suivant les espèces. La


végétation des altitudes ne ressemble pas à celle des plaines. La végétation des pays nordiques
ne ressemble pas à celle des régions tropicales.
D’autre part, pour une même espèce, le froid a des effets très différents suivant
l’époque où il sévit. Un abaissement de température qui laisse une plante indifférente en plein
hiver, la tue s’il survient en automne ou au printemps. Les gelées printanières sont les plus
redoutées des agriculteurs.
Quelle différence y a-t-il dans l’état d’une plante en hiver et en été. Il y en a sans doute
beaucoup, mais la principale est la teneur en eau. La surface de section d’un arbre coupé au
printemps ruisselle avec une abondance extraordinaire. Elle reste sèche quand l’arbre est
abattu en hiver. L’hivernage est avant tout une dessiccation. Les « pousseux de lilas » le
savent bien. Pour faire fleurir les plants à fin décembre, ils les dessèchent artificiellement à
l’automne. J’ai vu des pommiers qui avaient été échaudés par l’incendie d’une ferme, refleurir
à la fin de septembre.
C’est la dessiccation qui permet aux plantes de nos régions de résister aux froids de
l’hiver.
Le froid tue les plantes en congelant l’eau qu’elles contiennent. La glace ayant un
volume supérieur à celui de l’eau fait éclater les conduits où circule la sève. Le froid tue une
plante comme il casse une cruche ou crève un tuyau.

2
Par infections on entend les maladies causées par les microbes et les ultra-virus-filtrants. Le mot infestation est
réservé aux maladies produites par les parasites non microbiens.

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La dessiccation augmente la concentration moléculaire. C’est par là qu’elle agit. Tout
le monde sait que l’eau de mer reste liquide à 0 degré, tandis que l’eau pure se prend en glace.
Cette différence est due à la richesse de l’eau de mer en sels. L’abaissement de la température
de congélation que l’on appelle point cryoscopique est proportionnel à la concentration
moléculaire de la solution. Pendant l’hivernage, la quantité d’eau diminue dans la plante,
tandis que celle des sels ne change pas. La concentration augmente et par suite la température
de congélation s’abaisse.
Si certains engrais augmentent la concentration moléculaire du milieu intérieur des
plantes, ils accroissent par là leur résistance au froid.
Un autre mécanisme est possible. L’eau engagée dans certaines combinaisons
moléculaires ou absorbées par les micelles colloïdales ne se comporte pas comme de l’eau
libre. On dit qu’elle est liée.
Si les engrais amènent des modifications dans les molécules ou les micelles qui leur
permettent de fixer plus d’eau, ils augmentent par ce mécanisme la résistance des plantes au
froid. Leur mode d’action ne pourra être précisé que par de longues recherches. Quant à
l’action elle-même elle me paraît établie.
A Vilain disait en 1938 à ses camarades de La Chapelle, cultivateurs comme lui :
« avec le nitrate de magnésie et de chaux et le phosphate de magnésie, si vous ajoutez 100 à
200 kilos de sylvinite à l’hectare vous pourrez cultiver l’orge Prosdorff sans craindre la gelée.
Je ne sais si vous vous le rappelez, une de mes premières années ici, j’eus vingt hectares de
blé à grand rendement complètement gelés. Je parle donc en connaissance de cause, car cet
accident ne m’arrive plus. Vous avez abandonné la culture du seigle à cause, disiez-vous, des
gelées printanières au moment de la fécondation des fleurs. C’est une idée fausse de mettre le
manque de fécondation sur le compte de la gelée, au lieu de le mettre sur le compte d’une
carence minérale… Dorénavant vous n’aurez plus à craindre les gelées printanières et vous
récolterez chaque année. »
Une affirmation si catégorique fait l’effet d’une rodomontade, mais elle a été formulée
devant des agriculteurs qui étaient témoins depuis plusieurs années des résultats obtenus par
l’orateur.
Parmi les avantages que l’on peut légitimement attendre des engrais est la résistance
aux parasites de toutes sortes.

PARASITES VÉGÉTAUX PHANÊROGAMES – Les plus communs sont


l’orobanche et la cuscute.
Il y a une centaine d’orobanches. Elles attaquent la luzerne, le trèfle, le chanvre, le
houblon, le lin en se fixant sur leurs racines.
Les engrais magnésiens en triomphent aisément non parce qu’ils tuent le parasite mais
parce qu’ils rendent plus résistantes les plantes parasitées. C’est une action cytophylactique.

Les cuscutes sont des convolvulacées qui attaquent surtout la luzerne, le trèfle, le lin, le
chanvre, le houblon. D’après Vilain, le phosphate de chaux empêche leur développement.

PARASITES VEGETAUX CRYPTOGAMES. — Ce sont les champignons : ils


causent un grand nombre de maladies. Les plus fréquentes dans notre pays sont le piétin, la
carie, la rouille, les mildious.
Piétin. — C’est une maladie des céréales causée par des champignons pyrénimycètes
qui envahissent les tiges et produisent la verse pathologique. On ne lui connaît pas de
traitement antiseptique.

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Carie. — Elle est due à des champignons basidiomycètes. Elle frappe le blé, le seigle
et l’orge. Elle transforme le grain en un sac gris verdâtre qui ne contient plus qu’une poussière
fétide formée par les spores du champignon. On essaye le traitement par le sulfate de cuivre.
Rouille. — Elle est produite par de nombreux champignons urédinés ; la rouille des
céréales se développe sur les graines, les tiges et les feuilles.
A. Vilain a plaisamment raconté l’histoire de la rouille au Canada : « Elle y faisait
certaines années de grands ravages. Le gouvernement fit appel à la science. Liebig a écrit
quelque part : Si les puissants roulent les faibles, les savants roulent les ignorants. Il se trouva
des savants qui affirmèrent sans rire que le microbe de la rouille se réfugie l’hiver sur l’épine-
vinette et que si on supprimait l’épine-vinette, on supprimerait du même coup la rouille.
Le gouvernement canadien donna de fortes primes pour la destruction de l’épine-vinette.
Et l’on vit, pendant plusieurs années les écoliers, les étudiants, les chômeurs peut-être,
détruire la moindre épine-vinette. Pendant dix ans on ne vit plus de rouille, mais la onzième
année une invasion comme jamais on n’en avait vue fit encore plus de dégâts qu’auparavant. »
L’évolution des champignons urédinés qui produisent la rouille a été très difficile à
débrouiller parce que la même espèce donne des fructifications très différentes. On est arrivé à
unifier toutes les espèces sous le nom de puccinies.
On a cru longtemps que le passage d’une plante à une autre était indispensable à la
reproduction de ce champignon, comme le passage d’un animal à un autre est nécessaire à
l’évolution des toenias. De là les mesures prises par le gouvernement canadien.
Existe-t-il des rouilles hétéroïques qui doivent passer par deux hôtes différents ? Je ne
sais pas si la question est tranchée. En tout case, il est certain que la maladie se propage sans
hôte intermédiaire.
On ne connaît pas de traitement antiseptique efficace de la rouille.

A. Vilain évite toutes ces mycoses non en cherchant à détruire les parasites, mais en
renforçant par des engrais, surtout des engrais magnésiens, la résistance des plantes cultivées,
c’est-à-dire par la méthode cytophylactique. Il dit aux cultivateurs, ses voisins à La Chapelle :
« Vous pouvez le constater, je n’ai ni carie, ni rouille, ni piétin et je n’utilise aucune poudre.
C’est la bonne alimentation minérale qui donne ces résultats et elle est obtenue par des engrais
qui ne sont pas reconnus par la loi ! »

Mildious. — Les mildious sont dus à des champignons péronosporés de diverses


espèces. Ils frappent les plantes potagères, la betterave, la pomme de terre et la vigne.
Mildious des plantes potagères. — Ils attaquent épinards, laitues, oignons, melons,
houblon. On les traite par l’antisepsie au moyen des bouillies cupriques. Il est plus simple,
plus économique et plus sûr d’augmenter la résistance des plantes par de bons engrais. Chez
l’homme, les sels halogénés de magnésium guérissent très rapidement les mycoses des ongles.
Mildious de la betterave. — C’est la « maladie du cœur de la betterave ». Elle est
causée par le péronospore Schartii. On l’évite en ajoutant aux engrais du borate de soude.

Vilain recommande la formule suivante :

Carbone de soude .................... 400 kilos à l’hectare


Sel marin dénaturé ................... 300 —
Borate de soude ....................... 20 —
Nitrate de magnésie ................. 400 —
Phosphate de magnésie ............ 300 —

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Le potassium est exclu de cette formule. Elle donne des betteraves dont nous verrons
plus loin les qualités alimentaires.
Mildiou de la pomme de terre. — Dû au phytophtora infestanus, il a été signalé il y a
tout près d’un siècle, en 1845. Il attaque les feuilles, tiges et tubercules. Il n’attaque pas ces
derniers lorsqu’ils sont recouverts de dix centimètres de terre. D’où la pratique du buttage.
Elle ne suffit pas toujours à protéger les tubercules car il en est qui se développent au
voisinage de la surface.
Les diverses races de pommes de terre sont inégalement vulnérables. En les employant
avec de bons engrais, on évite le mildiou. Vilain recommande la même formule que pour la
betterave, formule dont le potassium est exclu. A La Chapelle (Haute-Marne), à Lunery
(Cher), il n’a pas de mildiou dans ses champs de pommes de terre et ses voisins en ont.

Mildiou de la vigne. — Produit par le plasmophora viticola, il fut importé d’Amérique


en 1878, il y a quatre-vingt-six ans. On sait les ravages qu’il a faits. On le traite par le sulfate
de cuivre. C’est surtout, dit-on, pour préparer les bouillies cupriques que l’on a réquisitionné
le cuivre à diverses reprises.
A. Vilain a acheté un petit vignoble en Lot-et-Garonne pour étudier l’action des
engrais sur le mildiou. La guerre a interrompu ses expériences. Aussi n’ai-je rien à dire de
précis sur ce point. Mais je remarque que la zone viticole de la France s’est progressivement
amenuisée. Au temps d’Henri IV, on y faisait du vin partout. A l’époque de ma jeunesse, il
restait encore dans mon pays quelques petits vignobles. Ils ont tous disparu. Sans doute la
facilité croissante des transports a permis d’amener de loin des vins de meilleure qualité. Mais
ce n’est pas la seule raison qui a fait régresser le vignoble. Dans certaines parties de l’Yonne,
qui produisaient des vins de qualité, la vigne ne pousse plus. C’est un effet de
l’appauvrissement du sol par la culture spoliatrice.
Les vieux vignerons remarquent avec mélancolie : « Autrefois un sulfatage suffisait,
maintenant il en faut plusieurs, et de plus en plus. » N’est-ce pas la preuve que la résistance
des ceps diminue ? N’est-ce pas sur les organismes affaiblis que les parasites s’abattent ?
Par des engrais convenables que ne sont pas encore précisés, on augmenterait, je n’en
doute pas, la résistance de la vigne.

MALADIES DES PLANTES DUES AUX INSECTES.

Elles sont innombrables. J’envisagerai seulement la bruche et le doryphore.

Bruche. — Les bruches sont des coléoptères de la famille des brucidés. On en connaît
des centaines d’espèces. Par extension, on donne le nom du parasite à la maladie qu’il produit.
Plusieurs espèces sont très nuisibles chez nous. Leurs larves vivent dans les graines
alimentaires : les pois, les lentilles, les fèves et les vident de leur contenu.
Il y a plus de soixante ans, une dame, bonne ménagère, avait fait une provision de
lentilles, qu’elle avait placée sur une toile à sac dans une petite pièce prise sur un grenier.
Quand elle voulut utiliser sa provision, le tas de lentilles avait disparu et les murs étaient
couverts d’insectes. Je l’ai entendue bien des fois conter ce prodige. « Les lentilles, disait-elle,
s’étaient envolées et collées aux murs. »
« La bruche, dont on n’a pas encore trouvé le moyen de débarrasser la culture, dit
Vilain, ne fait plus de dégâts chez moi et cela me permet de ne pas renouveler mes
semences. » C’est au moyen des engrais qu’il obtient ce résultat.

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Doryphore. — Le doryphore est un fort joli coléoptère de la famille des chysolélidés,
le leptinotarse. Sa larve dévore les feuilles de pomme de terre et compromet l’évolution des
tubercules. Il se reproduit au rythme de deux ou trois générations par an.
Quel traitement lui oppose-t-on ? Le ramassage des insectes, les bouillies arsenicales ;
l’arrachage et l’incinération des plantes, l’arrosage du terrain avec des solutions phénolées.
Tout cela ne va pas sans grands frais. En 1930, Victor Boret a déclaré qu’il faudrait 80
millions pour lutter contre le doryphore ? Je ne suis par sûr que les moyens proposés auraient
une efficacité complète.
En 1935, dans leur livre Déclin et Renaissance, les frères Vilain ont écrit : « Nous nous
faisons forts d’obtenir au milieu d’une région infestée par le doryphore, des champs tout à fait
indemnes. »
J’ai interrogé récemment (juin 1944) A. Vilain. Il a continué ses expériences. Voici ce
qu’il m’a dit : « J’ai acheté une ferme en Dordogne. J’y ai cultivé les pommes de terre. La
première année, la récolte a été détruite par le doryphore. J’ai supprimé cette culture pendant
deux ans. Je l’ai reprise la troisième année avec des plants et des engrais nouveaux. Je n’ai pas
de doryphore, mes voisins en ont. J’ai tort de dire que je n’en ai pas. Quelques insectes
viennent dans mes champs, mais leurs larves dépérissent. »
Ainsi avec de bons plants et de bons engrais, on rend le doryphore inoffensif.

La pomme de terre est en dégénérescence dans la plupart des régions de notre pays.
Elle n’y porte plus de graines. Ces boules vertes avec quoi les enfants se plaisaient à jouer ne
se rencontrent plus aujourd’hui que dans quelques terrains privilégiés. La diminution de la
fécondité est un signe certain de dégénérescence.
En pratique on ne sème pas les pommes de terre, on plante les tubercules. Dans la
plupart des départements français, si on plante les tubercules récoltés sur place, en deux ou
trois ans, ils deviennent galeux et le rendement diminue. On est obligé de renouveler le plant.
C’est ce qui m’a conduit à étudier le rôle de l’agriculture dans la santé. Si l’on trouve dans le
commerce de bons plants, c’est que dans certains pays la pomme de terre ne dégénère pas.
J’ai cherché quels étaient ces pays ; ce sont ceux qui sont riches en magnésium. Il en résulte
qu’avec des engrais convenables, on éviterait la dégénérescence, et par suite la dépense de
l’achat de nouveaux plants.

Tous ces faits montrent qu’il existe pour les plantes une réceptivité acquise, et que
celle-ci est due à l’appauvrissement du sol par la culture spoliatrice.
Chez les animaux existe une immunité acquise conférée par les vaccinations naturelles
ou artificielles. Inversement ils sont mis, eux aussi, on le verra plus loin, en état de moindre
résistance ou de réceptivité acquise par une mauvaise alimentation.
Ainsi dans les pays de vielle civilisation, les plantes alimentaires et les animaux
supérieurs sont en régression parce que l’Agriculture a été mal dirigée.
Je reviens aux végétaux. Tant que l’on s’en tiendra aux engrais reconnus par l’Etat, le
sol continuera de s’appauvrir ; la résistance des plantes diminuera ; la lutte contre les parasites
deviendra de plus en plus difficile, inefficace et coûteuse.
D’autre part, la lutte officielle est mal orientée. Son caractère est nettement
antiseptique. Supprimer par l’antisepsie les parasites qui trouvent dans les plantes cultivées
une proie facile, c’est une entreprise chimérique. N’est-on pas obligé de multiplier de plus en
plus les sulfatages de la vigne ?
Il faut changer de méthode. Il faut utiliser la cytophylaxie. En agriculture, la
cytophylaxie a pour moyen les engrais. C’est là qu’est le salut, et c’est très simple.

- 32 -
Un temps viendra où il faudra restituer à la terre les vingt-neuf éléments nécessaires à
la vie. Puisque chaque récolte en enlève, il serait fou de penser qu’il y en restera toujours
assez. On ne retombera pas, j’espère, dans l’erreur que G. Ville a commise pour le magnésium
et qui est encore si funeste.
Actuellement, en ajoutant aux engrais reconnus par l’Etat du magnésium, du soufre, du
sodium, du calcium, on obtient de très beaux résultats pour la santé des plantes à la condition
de réduire la quantité de potassium.
Voyons l’effet de ces plantes en bon équilibre minéral sur la santé du bétail.

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CHAPITRE V

ACTION DES ENGRAIS SUR LA SANTE DU BETAIL.

Je commence par un accident redoutable qui est directement et immédiatement lié à


l’alimentation, la météorisation.

Météorisation. — Elle frappe les ruminants, bovins et ovins. Elle entraîne parfois la
mort en une heure. Elle se produit surtout quand les animaux mangent de la luzerne ou du
trèfle frais.
Ces plantes n’ont pas ce fâcheux effet dans tous les pays. Voici qui le prouve :
« J’avais, dit Vilain, en Camargue, pays de terres salées, 1.200 moutons. Jamais je n’eus un
cas de météorisation et on y mettait les moutons sur la luzerne. Par contre, dans l’Yonne, sur
dix moutons qui étaient confiés à un enfant, neuf périclitent de météorisation pour avoir été
dans la luzerne. »
C’est donc le sol qui donne à la luzerne la redoutable propriété de produire la
météorisation. Quel élément en est responsable ?
Dans son langage direct, si persuasif, Vilain disait à ses voisins : « Ici, à La Chapelle,
le superphosphate de chaux fait bien pousser la luzerne. Mais vous savez que la première fois
que M. Jaquiller mit du superphosphate de chaux dans son enclos, il perdit une de ses vaches
de météorisation. Je racontai ce fait à un riche propriétaire égyptien ; il me répondit : « Chez
nous, on met les vaches sur les trèfles après la première coupe. Or, cette année pour la
première fois, j’ai mis du super sur les trèfles et pour la première fois j’ai eu un cas de
météorisation. »
La relation entre le superphosphate et la météorisation me paraît nettement établie.
Mais est-ce le phosphore qui en est responsable ?
Le superphosphate est obtenu, je le rappelle, en traitant les phosphates naturels par
l’acide sulfurique. Il contient du sulfate de chaux, c’est-à-dire du plâtre. C’est à lui que Vilain
attribue la météorisation. « Pour éviter, dit-il, la nocivité du plâtre, il faut ou bien le
supprimer, et les progrès de l’industrie permettent de fabriquer du super sans plâtre (vous avez
le kuhlmaphos 48 %) ou bien l’antidoter en mettant du sel dénaturé sue les terres. »

Fièvre aphteuse. — Tout le monde connaît les ravages de la fièvre aphteuse. Elle
compromet la vie des animaux adultes, mais elle entraîne de grosses pertes pour les
exploitants. Les bœufs ne peuvent plus travailler. Les vaches ne donnent qu’un lait rare, de
mauvaise qualité et les veaux succombent. Les mesures thérapeutiques ou prophylactiques
imposées par la loi sont coûteuses. L’interdit légal lancé sur les femmes, aussi sévère que les
interdits religieux du Moyen Age, a peu d’effet.
Ces mesures draconiennes n’ont pas donné ce qu’on attendait. Aussi en réclame-t-on
de plus terribles encore. La presse publie des articles de ce genre : « C’est la faute des
étourneaux, des lièvres, des chiens de chasse, du facteur, du marchand de vaches, des services
sanitaires, du ministre, des avions même. Les mesures préventives n’ont pas été prises et le
microbe est entré. »
Vilain rend un autre son : « Ce qui nous intéresse, nous paysans, ce n’est pas de savoir
si le microbe existe ou n’existe pas, s’il vient d’Algérie ou du Maroc, s’il a débarqué à
Marseille, à Bordeaux ou à Dunkerque. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir pourquoi, dans
une commune, les bêtes de tel fermier ont la fièvre aphteuse et celles d’un autre ne l’ont pas. »

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La question est ainsi bien posée. C’est la cause de l’immunité des uns et la réceptivité
des autres qu’il faut chercher. Pour cela Vilain fait une enquête : « J’ai fait une enquête chez
les laitiers en pays industriels, où chacun a sa méthode personnelle d’alimentation. Ceux qui
mettent du chlore, du sodium, du magnésium dans leurs engrais ; qui donnent des betteraves
fourragères au lieu de pulpe, du tourteau de lin au lieu du tourteau d’arachide, n’ont pas eu de
fièvre aphteuse ou ne l’ont eue que sur quelques bêtes. »
C’est donc l’alimentation qui rend les bovins réceptifs. L’augmentation de la fièvre
aphteuse est due à une réceptivité acquise produite par une mauvaise alimentation et celle-ci a
pour cause les mauvais engrais.
Vilain a proposé un pari dont je parlerai plus loin parce qu’il englobe une autre
maladie épidémique.
Les engrais peuvent pécher par insuffisance ou par excès. Ceux qui sont généralement
utilisés en France pèchent des deux façons, par excès de potasse d’une part, d’autre part par
insuffisance et le plus souvent absence de magnésium. Les plantes qui poussent sur ces
engrais ont ces deux défauts.
Lequel rend le bétail plus réceptif pour la fièvre aphteuse ? Certainement les deux. Je
rappelle que l’alimentation trop riche en potasse amène chez les bœufs des maladies de peau.
Il est certain qu’elle trouble l’évolution des cellules épidermiques et par là diminue leur
résistance aux infections.
Quant au magnésium, son action bienfaisante sue la peau et ses dépendances n’est pas
douteuse. Cela permet de comprendre que les engrais magnésiens répandus sur les prairies
artificielles ou naturelles rendent les bovins plus résistants au virus de la fièvre aphteuse.
Un marchand d’un petit bourg, connaissant la nature des engrais qu’il vendait aux
fermiers de la région, pouvait dire sans se tromper, aux uns, vous avez eu de la fièvre
aphteuse, aux autres, vous n’en avez pas eu.
Jusqu’ici je n’ai envisagé que la prophylaxie ; augmenter la résistance, diminuer la
réceptivité, c’est l’un des rôles importants des engrais. Pendant que j’écrivais ce qui précède,
le 26 juin 1944, j’ai reçu une lettre du docteur Neveu, l’auteur du traitement de la diphtérie par
le chlorure de magnésium. Il m’informait que, par le même sel, il guérit un grand nombre de
maladies des animaux domestiques. J’en retiens deux pour le moment : la fièvre aphteuse et le
rouget des porcs. Je citerai les autres ultérieurement.

Rouget. — Le rouget est caractérisé par une éruption cutanée sous forme de taches
rouges irrégulières surtout marquées sur les oreilles, la poitrine et le ventre. Elle est produite
par un bacille spécifique, le bacille de Thuillier. Elle entraîne une mortalité élevée. On la traite
par la vaccination et la sérovaccination.
Voici pourquoi je la rapproche de la diphtérie et de la fièvre aphteuse. Depuis l’ère
pastorienne, on classe les maladies d’après l’agent pathogène qui les produit. Cette
classification est excellente pour les maladies dont l’agent pullule dans divers tissus et envahit
le milieu intérieur. Mais quand l’agent pathogène se développe d’une manière sinon
exclusive, du moins élective dans des tissus bien différenciés, on peut envisager une autre
classification basée sur la nature des tissus envahis.
A ce point de vue, la diphtérie, la fièvre aphteuse, le rouget des porcs sont du même
groupe : ce sont des épithélioses. L’action si manifeste des sels halogénés de magnésium sur
la peau et ses dépendances explique leur efficacité prophylactique et thérapeutique contre ces
maladies.
Vilain avait montré que les bovins nourris avec des plantes cultivées sur des engrais
magnésiens sont plus résistants à la fièvre aphteuse. Tout en reconnaissant le fait, on pouvait
se demander si c’était le magnésium qui en était cause. Le docteur Neveu le prouve en

- 35 -
guérissant la diphtérie, la fièvre aphteuse et le rouget par de hautes doses de chlorure de
magnésium.
Il a fait des adeptes parmi les vétérinaires, parmi les cultivateurs et les éleveurs, de
sorte qu’il dispose d’une abondante documentation. Il me l’a envoyée. Les attestations qui
sont nombreuses, ne permettent pas une statistique précise. Au sujet de la fièvre aphteuse,
Labourdette, vétérinaire à Pau, parle en bloc de tout un cheptel important. Un fermier écrit
« toutes mes vaches », sans en donner le nombre ; un éleveur dit « toutes mes vaches et mon
taureau ».
Mais de ces attestations, il ressort que sous l’influence du chlorure de magnésium à
haute dose la fièvre aphteuse et le rouget des porcs guérissent rapidement. Traitées dès le
début, les vaches atteintes de fièvre aphteuse n’ont pas de mammite et leurs veaux ne meurent
pas.
Ce n’est pas seulement sur les épithéliums que le magnésium exerce une action
bienfaisante. Mes premières recherches ont porté sur les globules blancs ; elles ont établi que
le chlorure de magnésium augmente leur puissance phagocytaire. Cela permet de comprendre
son efficacité contre de nombreuses maladies.

Entérites. — Vilain cite d’autres exemples de guérisons de maladies graves obtenues


par une bonne alimentation : « En particulier, dit-il, je guéris radicalement un cheval d’une
entérite chronique très grave. Je guéris aussi un bœuf atteint d’une entérite paratuberculeuse. »
Il signale un autre fait expérimental qui me paraît bien intéressant. Des veaux mis dans
une pâture fumée avec du nitrate de magnésium et de chaux se portent très bien. On les met
sur une terre fumée avec du nitrate de potasse, ils sont pris d’entérite. Les cultivateurs de La
Chapelle appelaient le nitrate de magnésium et de calcium l’engrais qui coupe la diarrhée aux
vaches. L’action du nitrate de potassium montre que dans le chlorure de potassium ce n’est
pas le chlore qui est nocif.
La diététique n’est-elle pas le meilleur traitement des entérites ? Malheureusement
dans les conditions actuelles de l’agriculture, la diététique est pour les hommes souvent
illusoire. Un médecin qui prescrit un régime alimentaire ne sait jamais ce que son malade
absorbera, même en suivant scrupuleusement l’ordonnance, puisque la teneur en sels
minéraux des plantes alimentaires de même espèce et de même variété varie dans des
propositions considérables.
La teneur en sels minéraux des aliments carnés n’a pas été aussi étudiée que celle des
végétaux. Mais tout le monde sait que le gibier, les volailles, la viande de boucherie, la
charcuterie n’a pas le même goût dans tous les pays. Tout le monde sait que les truites
d’élevage, surtout celles qui sont nourries de viande, sont bien loin d’avoir la même saveur
que les truites sauvages. Les œufs de poule n’ont pas tous le même goût. Ces différences
gustatives sont dues à des différences chimiques qui dépendent de la manière dont les
animaux sont nourris et qui ont une action sur la santé.
A. Vilain sait, non pas complètement, il s’en faut, mais beaucoup mieux que le
médecin, ce qu’il fait manger à ses animaux, car il les nourrit avec ce qu’il récolte et il cultive
de manière à leur fournir une bonne alimentation, pauvre en potassium, riche en soufre, en
sodium et surtout en magnésium.
Chirié, le seul médecin qui ait fait des expériences, sérieuses de culture hygiénique,
nous dit qu’il a grandement amélioré sa santé en mettant de bons engrais dans son potager.

Mal du garrot. — Voici d’autres exemples de cures faites par Vilain au moyen de
l’alimentation : « Une jument, âgée de cinq ans, partait pour l’abattoir affligée d’un mal de
garrot, déclaré incurable. Je la troquai contre une autre et je la guéris complètement en vingt et

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un jours. » Le mal de garrot est une affection pyogène non spécifique, une sorte de phlegmon
diffus. Le traitement antiseptique avec drainage déclive et résection des tissus mortifiés ne
donne que des résultats incertains. On est souvent réduit à faire abattre les animaux. Le cheval
que Vilain a guéri, on le menait à l’abattoir. Sa guérison me paraît due à l’augmentation de la
puissance phagocytaire des globules blancs, augmentation que produit le magnésium ; je l’ai
constaté expérimentalement en 1915.
La résistance aux infections est très variable suivant les espèces et les races. Les
chevaux sont très sensibles au tétanos, les bœufs beaucoup moins. Les chiens sont
remarquablement résistants aux infections pyogènes. Les fox-terriers sortent souvent de leurs
luttes contre les renards avec des plaies nombreuses et profondes. Je n’en ai jamais vu
s’infecter. Les chiens de meute sont parfois « décousus ». On rentre les intestins, on suture
grossièrement la paroi et beaucoup guérissent.
Les moutons algériens résistent au charbon ; les nôtres y sont très sensibles.
Ces résistances aux infections sont devenues héréditaires. Certainement elles sont
accrues par les vaccinations successives qui se produisent dans le jeune âge sans qui l’animal
paraisse malade. Une vaccination est une adaptation, et vivre c’est s’adapter. Mais si les
agressions microbiennes renforcent l’immunité sans troubler notablement l’animal, c’est qu’il
était déjà résistant.
L’immunité naturelle est certainement due aux mêmes phénomènes que l’immunité
artificiellement provoquée, car elle a été elle-même acquise par les ancêtres.
Quels sont ces phénomènes ? La phagocytose en est un, mais ce n’est pas le principal.
Pour que les globules blancs triomphent des microbes et de leurs toxines, il ne suffit pas qu’ils
les englobent ; il faut qu’ils les détruisent. Sinon, ils en deviendraient la proie. Ils ne peuvent
les détruire que par une digestion, c’est-à-dire en sécrétant des corps qui les attaquent
chimiquement. Je me suis demandé si ces sécrétions qui agissent dans les vacuoles digestives
des leucocytes n’étaient pas versés dans le sang en dehors de toute phagocytose. J’ai pu
constater en 1925, avec la collaboration de Bercéano, que les vaccinations au propidon
augmentent la production des globules blancs et qu’un grand nombre d’entre eux entrent en
lyse dans le sang.
Il restait à démontrer que cette lyse accroît la résistance. Cette démonstration, c’est
Pétersen et Salimbeni qui l’on donnée. Ils ont montré que les leucocytes d’un animal
immunisé confèrent l’immunité à l’animal neuf à qui on les injecte.
On peut donc affirmer que les anticorps sont produits sinon en totalité, du moins en
majeure partie par les leucocytes. C’est ce qui m’a fait dire que l’ensemble des leucocytes
constitue la plus importante des glandes endocrines de l’organisme.
Le mode d’action des anticorps antimicrobiens antitoxiques est une question de chimie
singulièrement délicate. Pour le préciser il faut d’abord étudier la constitution chimique des
microbes et de leurs toxines. C’est ce que font dans des travaux d’un haut intérêt un certain
nombre de chercheurs, en particulier Boivin et ses élèves.
Quel nom donner aux sécrétions des globules blancs, ou plutôt, dans quelle catégorie
les ranger ? Elles contiennent sans doute de nombreuses substances, parmi lesquelles les
diastases. Or toute diastase a un catalyseur. Quelques faits qui sont venus récemment à ma
connaissance me portent à penser que le magnésium est le catalyseur ou l’un des catalyseurs
des diastases leucocytaires.
Typho-anémie. — Les observations de Vilain concernant la typho-anémie méritent
l’attention. Il disait en 1938 : « Dernièrement, ici à La Chapelle, je guéris une jument typho-
anémique déclarée perdue par le vétérinaire traitant. Un cheval sain fut mis avec la jument
pendant le traitement, et mangea dans la même mangeoire, pour démontrer que la maladie
déclarée contagieuse ne l’est pas, ou tout au moins que l’on peut communiquer à l’animal une

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résistance parfaite aux attaques du microbe. André Gérôme travaille tous les jours avec la
jument qui va bien. »
Quelle force a ce langage direct ! Songez que les auditeurs voient tous les jours
Gérôme, la jument et le cheval. Songez aussi à la confiance qu’il faut avoir dans la résistance
conférée par la bonne alimentation pour exposer un cheval à la contagion directe, pour le faire
manger dans la même mangeoire qu’une jument atteinte d’une maladie contagieuse très grave.
Vilain ajoute : « La typho-anémie n’est, d’après moi, qu’un empoisonnement
potassique, auquel un peu de soude et de magnésie dans les engrais remédierait facilement. »
La phrase n’est pas heureuse : la typho-anémie n’est pas un empoisonnement potassique. Elle
est produite par un ultra-virus. Mais il ne me paraît pas douteux que l’excès de potasse et
l’insuffisance de sodium et de magnésium rendent les animaux plus sensibles à cette infection
comme à tant d’autres.
Voici le pari dont j’ai parlé. Vilain a dit et écrit : « Je veux bien, pour mon compte
personnel, parier avec n’importe qui, et je vous prends à témoin de ce pari, que mes chevaux
mis en contact avec des typho-anémiques et mes vaches mises en contact avec des sujets
atteints de fièvre aphteuse, résisteront à la contagion. Mais, me direz-vous, se trouvera-t-il
quelqu’un pour relever le pari ? L’enjeu est d’importance et les pouvoirs publics y sont
particulièrement intéressés. Si réellement ils veulent le bien de la culture, qu’ils tiennent le
pari. »
Un Anglais, à qui l’on demandait s’il était bien sûr de ce qu’il venait d’affirmer,
répondit : « Je le jurerais bien, mais je ne parierais pas. » A. Vilain propose le pari.

Avortement épizootique. — En 1938, dans une conférence, Vilain attribuait


l’avortement épizootique à la carence alimentaire en sodium et en magnésium. Cette affection
redoutable est une brucellose due au bacille de Bang. Vilain voulait dire seulement qu’il la
guérissait au moyen d’aliments riches en sodium et en magnésium. Comme il ne donnait
aucune observation précise, j’étais resté sceptique. Mais voici que le docteur Neveu et ses
adeptes guérissent l’avortement épizootique par l’administration quotidienne pendant trois ou
quatre jours d’un litre de solution de magnésium anhydre au taux de 20 ‰, et cela depuis plus
de dix ans.
On m’a bien souvent reproché de faire du magnésium une panacée. Les faits qui
surgissent maintenant montrent que mes affirmations, considérées comme ridiculement
optimistes, étaient très au-dessous de la vérité. Outre la diphtérie humaine, le docteur Neveu
guérit par le magnésium un grand nombre de maladies des animaux domestiques et des
hommes. Il m’écrit le 20 juin 1944 : « Du point de vue expérimental, je peux vous affirmer, et
les paysans au milieu desquels je me suis retiré le certifient tous les jours, que la
minéralisation magnésienne guérit la fièvre aphteuse, l’avortement épizootique, la gourme des
chevaux, le rouget des porcs (en quarante-huit heures), la maladie de Carré des chiens, la
maladie des jeunes chats, la diphtérie et le choléra aviaire, la coccidiose des lapins. »
Pour confirmer de telles affirmations, il fallait des faits. Je les lui demande. Le 6
juillet, il m’envoie un énorme dossier. Pour le publier in extenso, il faudra attendre des temps
meilleurs. Mais il serait criminel de remettre à cette époque, dont la date est indéterminée, la
publication des résultats globaux.
J’ai précédemment donné les résultats obtenus contre le rouget des porcs.
Pour l’avortement épizootique, je ne puis non plus fournir des chiffres précis car
certaines attestations mentionnent plusieurs vaches sans en dire le nombre. Neveu estime que
depuis douze ans plusieurs centaines de vaches ont été traitées par le chlorure de magnésium
et ajoute : « Ce procédé si simple n’a jamais failli » ; et les suites lointaines de cette terrible
maladie on été évitées.

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Bien d’autres maladies ont été traitées de la même façon.

En voici des exemples :

ANGINE GOURMEUSE. — Labourdette vétérinaire à Pau donne l’observation d’un poulain de deux
ans guéri en cinq jours par une dose quotidienne de 500 c3 de la solution.
Larrouy, également vétérinaire à Pau écrit le 25 janvier 1938 : « Dans de nombreux cas de toux ayant le
caractère gourmeux et traités dès le début, le chlorure de magnésium amène une guérison rapide.
CORYZA GANGRENEUX. — Labourdette rapporte un cas guéri en quatre jours.
PHLEGMONS INTERDIGITAUX. — Labourdette a observé des épidémies dans plusieurs fermes et a
obtenu des guérisons rapides.
BRONCHOPNEUMONIE DES PORCINS. — Labourdette déclare qu’avec le chlorure de magnésium,
il n’a pas de mortalité.
BRONCHITE VERMINEUSE. — Dix cas chez des veaux de sept à quatorze mois. Une seule mort.
Voici dans quelles conditions est survenue cette mort. Dix veaux du même élevage, âgés de sept à huit mois
tombent malades. Trois meurent rapidement. L’équarrisseur constate qu’ils sont morts de bronchite vermineuse et
ajoute qu’il reviendra chercher les sept autres. Le propriétaire les traite par le chlorure de magnésium à la dose un
peu faible de 250 c3 de la solution par jour. L’un meurt, les six autres guérissent.
COCCIDIOSE DES LAPINS. — Cette affection qui dévaste les clapiers est guérie très rapidement par
le chlorure de magnésium.
Je passe sur les maladies des chiens et des chats. Ces animaux ne faisant pas partie du bétail.

C’est de thérapeutique qu’il s’agit dans tous ces faits. Je les ai cités parce qu’ils
montrent ce qu’on pourrait obtenir en améliorant l’alimentation par de bons engrais. N’est-il
pas plus facile de prévenir que de guérir ?
L’efficacité préventive de magnésium est bien prouvée par les faits. La nocivité du
potassium le paraîtra peut-être moins. Si son excès est capable de rendre plus réceptifs, de
créer une réceptivité acquise, les maladies où je lui attribue ce triste rôle doivent être en
régression, car depuis quelques années, par suite de la guerre, le transport des engrais
potassiques est arrêté. S’il en était bien ainsi, ce serait une preuve récurrente d’une valeur
indéniable. Aussi me suis-je livré à une enquête. Les difficultés des déplacements et des
correspondances l’ont singulièrement limitée. Je n’ai pu obtenir de renseignements que sur
quelques communes de Seine-et-Marne, de l’Oise et du Cher. Tous les cultivateurs interrogés
m’ont répondu que la fièvre aphteuse avait disparu.

Depuis, M. Ledoux a signalé à l’Académie de Médecin, le 27 juin 1944, qu’en


Franche-Comté, les brucelloses ont rétrocédé chez les bovins. Mais il n’en est pas de même
dans le Cher.
Toutes les maladies contagieuses ont une évolution cyclique, car chaque épidémie
amène une vaccination plus ou moins complète, plus ou moins durable de ceux qui guérissent,
et aussi de ceux qui ne paraissent pas atteints. La diminution actuelle de la fièvre aphteuse et
de l’avortement épizootique n’est donc pas probante ; elle n’a qu’une valeur de présomption.

Fécondité. — J’arrive à une question d’un autre ordre, les rapports de la fécondité
avec l’alimentation (mis à part l’avortement épizootique dont j’ai déjà parlé).
Je rappelle d’abord les belles et précises recherches de Gabriel Bertrand sur
l’aspergillus niger. Le taux minimum de manganèse qui permet le développement du
mycelium du champignon ne suffit pas pour le développement de l’appareil reproducteur. En
d’autres termes, il faut plus de manganèse au champignon pour lui permettre de se reproduire
que pour lui permettre de vivre.
Cette expérience a une importance capitale. Elle montre qu’une certaine dose d’un
métal catalyseur est nécessaire pour assurer la reproduction de ce champignon.

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L’expérience montre malheureusement trop que sur les terres appauvries par la culture
spoliatrice, bien des plantes donnent de moins en moins de graines. C’est le cas de la luzerne.
C’est le cas aussi des pommes de terre.
Le seigle, qui donne souvent peu de grain à la suite des gelées de printemps, épie bien,
malgré les abaissements de température, lorsqu’on lui donne des engrais convenables.
Les jardiniers expérimentés disent : tel engrais pousse à la feuille, tel autre pousse à la
fleur. L’empirisme leur a appris que les plantes au feuillage touffu, à l’aspect luxuriant ne sont
pas toujours celles qui fleurissent le mieux. D’où il résulte qu’il ne faut pas employer les
mêmes engrais pour une luzerne destinée à être utilisée comme fourrage que pour celle dont
on veut récolter la graine.
Vilain divise un champ de trèfle en deux. Dans l’une des moitiés il met des engrais
plâtrés, dans l’autre les mêmes engrais sans plâtre. On récolte sur la moitié plâtrée trois
voitures de foin, une seulement sur la moitié non plâtrée. Mais cette seule voiture fournit
autant de graines que les trois autres ensemble. Le sulfate de chaux est mauvais pour les
organes reproducteurs du trèfle.
Quel est chez les animaux le catalyseur de ces organes ? Peut-être y en a-t-il plusieurs.
En tout cas il est certain que le testicule chez l’homme est riche en magnésium et que la
proportion de ce métal diminue avec l’âge. Les analyses que Breteau a bien voulu faire à ma
demande et que j’ai présentées à l’Académie de Médecine le prouvent. Elles autorisent à
conclure que le magnésium joue un rôle dans la reproduction. La puissance de synthèse des
composés organo-magnésiens de Grignard conduisait à le penser.
Voici quelques faits expérimentaux singulièrement suggestifs. Je les emprunte à
Vilain : « En Frise, la province de beaucoup la plus fertile, court le diction suivant : les brebis
ne donnent jamais un agneau, toujours au moins deux, souvent trois, rarement quatre et quand
il y en a cinq, on le met dans le journal. Des brebis hollandaises au nombre de dix transportées
dans une ferme, une mauvaise ferme, ne donnèrent que chacune un agneau et une seule put
nourrir son agneau. » On voit l’influence du terrain sur la fécondité et sur la lactation.
Voici un autre fait bien curieux observé également par Vilain. « Dans un troupeau de
douze génisses, six flamandes et six bêtes du pays, je mis un taureau du pays. Les six bêtes du
pays furent fécondées, les six flamandes ne le furent pas. » L’interprétation de ces faits est
difficile. On ne peut les attribuer au hasard, les deux séries sont trop homogènes.
Les races bovines sont très nombreuses ; elles descendent, dit-on, du Bos taurus. On
les considère comme appartenant toutes à la même espèce. Mais la possibilité de fécondation
est un caractère fondamental de l’espèce. Si la fécondité est possible entre espèces très
voisines, ce qui rend un peu floue la limite de quelques espèces, l’impossibilité de la
fécondation est considérée comme la preuve que mâles et femelles appartiennent à deux
espèces différentes. Ici, il n’y a qu’un mâle, mais il était sûrement fécond puisqu’il a fécondé
les six génisses du pays. Il est donc très frappant qu’il n’ait fécondé aucune des six génisses
hollandaises. Est-ce que les mauvais herbages de la ferme où elles avaient été transportées
avaient suspendu leur fonction ovarienne ? Celle des bêtes du pays n’était pas troublée,
puisque les six ont été fécondées, mais une alimentation insuffisante trouble plus la santé
quand elle survient brusquement que lorsqu’on s’y est habitué. Cette interprétation n’est pas
très satisfaisante et l’on est conduit à se demander si les conditions de climat et d’alimentation
n’avaient pas amené à la longue dans la race hollandaise des modifications qui étaient tout
près d’en faire une espèce.

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CHAPITRE VI

ACTION DES ENGRAIS SUR LA SANTE DES HOMMES.

J’envisagerai d’abord l’action du lait de vache. Il fournit une transition entre le bétail
et l’homme, car il est un aliment pour l’un et l’autre. Sous forme de crème, sous forme de
beurre, le lait sert à préparer la plupart des plats cuisinés. Il est aussi utilisé pur, ce qui permet
de mieux mesurer l’action que les engrais exercent sur la santé par son intermédiaire.

Le lait. — La composition du lait, particulièrement sa composition minérale, est


grandement modifiée par l’alimentation.
Maze a constaté qu’à certaines époques de l’année, le lait de vache a un pouvoir
bactéricide qui retarde la fermentation. Ce pourvoir bactéricide, il l’attribue à l’élaboration de
composés organo-minéraux dans l’herbe des prairies.
Dans la région de Douai « les éleveurs savent qu’ils ne peuvent réussir leurs veaux à
l’époque des collets de betteraves ». Cette phrase énigmatique veut dire que dans la région de
Douai, à l’époque où on les nourrit avec de collets de betteraves, les vaches produisent un lait
qui fait péricliter les veaux. Ce mauvais lait, néfaste pour les veaux, est vendu pour la
consommation humaine.
Le résultat de cette monstruosité, le voici : « Le docteur Hurez-Sarcleux, qui exerce à
Douai, a constaté chaque année vers octobre-novembre des cas d’entérite grave chez les
enfants. Octobre-novembre, c’est l’époque où l’on nourrit les bovins avec les collets de
betteraves. » La relation entre les collets de betteraves et l’entérite infantile par l’intermédiaire
de lait est établie par la concordance des dates.
La fâcheuse propriété de rendre le lait pathogène appartient-elle au collet de toutes les
betteraves ? Non. « En Frise, les collets de betteraves sont une nourriture saine dont les
cultivateurs n’ont qu’à se louer. » C’est donc le terrain qui est responsable de leur nocivité
dans la région de Douai et ailleurs.
En Frise le terrain est riche en magnésium ; dans la région de Douai, il est pauvre en ce
métal. Mais l’insuffisance de magnésium, pour fâcheuse qu’elle soit, entraîne-t-elle des
entérites graves ? Rien ne le prouve. Il faut donc chercher une autre explication.
La nocivité du lait me paraît due surtout à l’abus des engrais potassiques, car le
potassium s’accumule au niveau du collet. « Rien, dit Vilain, ne varie autant comme
composition minérale qu’un collet de betterave. »
Pourquoi conseille-t-on particulièrement les engrais potassiques pour la culture de
betterave ? C’est, dit-on, « qu’ils augmentent la production du sucre ». Mais « en Belgique on
a prouvé que la soude remplaçait la potasse avantageusement pour la production de sucre dans
la culture de la betterave sucrière ».
Recommander les hautes doses d’engrais potassiques pour la culture de la betterave
c’est donc induire le cultivateur à commettre à son insu une faute grave contre la santé
publique et une faute qui ne lui rapporte rien.
Les engrais potassiques ont pour les enfants les mêmes conséquences lorsqu’ils sont
répandus sur les pâtures destinées aux vaches laitières. Il n’est pas rare que les enfants
parisiens soient pris de diarrhée après quelques jours passés à la campagne. En voici un
exemple. La femme d’un médecin distingué va faire un séjour chez sa belle-mère à Verneuil-

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sur-Avre avec sa fille âgée de quatorze mois et demi. Celle-ci nourrie à Paris avec du lait des
fermes agronomiques se porte très bien. La belle-mère ne supporte pas qu’en pleine
Normandie, pays du bon lait, on donne à sa petite-fille du lait commerce. Elle s’est entendue
avec un fermier qu’elle connaît. On lui apportera tous les jours du lait pur et frais ; elle
l’impose à l’enfant. Celle-ci est prise immédiatement d’une diarrhée qui en quelques jours
devient incoercible. La mère revient au lait des fermes agronomiques et la diarrhée cesse. La
belle-mère qui ne veut voir là qu’une coïncidence redonne à l’enfant de petites quantités du
lait nocif ; la diarrhée recommence. On revient à l’autre lait et la diarrhée cesse
immédiatement.
Les mêmes alternances de troubles digestifs et de retour à la santé sous la seule
influence de changements de lait se sont produites chez plusieurs enfants à la même époque et
dans la même région.
Ainsi le lait de vache pur, consommé frais, peut devenir nocif sous l’influence des
engrais.

Les services de l’Hygiène et de la Répression des Fraudes mesurent la densité du lait,


sa teneur en beurre et en lactose. C’est très bien ; ces mesures permettent de dépister le
mouillage et certaines falsifications, mais ce n’est pas suffisant.
Outre les matières grasses, la lactalbumine, la lactoglobuline, la caséine, le lactose, le
lait contient des sels minéraux. Parmi ceux-ci figurent le chlorure de sodium et le chlorure de
potassium. La proportion de ces deux sels varie suivant la teneur des plantes alimentaires qui
varie elle-même avec les engrais utilisés. Le chlorure de sodium est bienfaisant et le sodium
n’est pas reconnu comme engrais. Le chlorure de potassium en excès est malfaisant et il est
chaudement recommandé.
Ce ne sont pas les seuls méfaits de la funeste loi sur les engrais. Son effet le plus
général est de faire consommer des aliments qui contiennent trop de potassium, pas assez de
sodium, ni de magnésium. Ces deux défauts, excès et carence, sont toujours associés ; car en
vertu de la loi de balancement, ces éléments se substituent l’un à l’autre. Voyons les avantages
ou les inconvénients de chacun d’eux.

Action du sodium. — Ce qui différencie le plus l’alimentation de l’homme de celle des


autres vertébrés, c’est l’usage du chlorure de sodium. Tous les êtres humains salent leurs
aliments. Ils ont un tel besoin de ce sel que dans les pays où il est rare, la barre de sel est
devenue l’unité monétaire. Le mot sel tout court désigne le chlorure de sodium. C’est le sel
par excellence. « Le sel est une manne dont Dieu a gratifié le genre humain. » Par une
extension figurative, ce mot exprime l’idée de perfection. Le sel attique est une finesse de
pensée idéale. Quand les juifs se proclament le sel de la terre, ils veulent dire qu’ils sont la
race élue, destinée à dominer le monde.
L’usage du chlorure de sodium remonte à des millénaires. On ne peut douter qu’il ait
joué un grand rôle dans l’évolution progressive de l’humanité. Parce qu’il entraîne dans
certains cas une rétention exagérée d’eau dans l’organisme, on était arrivé à le considérer
comme dangereux. Ce fut une des plus fâcheuses erreurs de la médecine. On en est
heureusement revenu. Les régimes déchlorurés ont vécu. Non seulement on ne proscrit plus le
chlorure de sodium, mais on s’en sert comme médicament, et on en injecte directement dans
les veines en solutions hypertoxiques.
Les engrais sodiques n’ont que des avantages.

Action du potassium. — L’excès de potassium expose à de nombreux inconvénients et


même à des dangers. J’en ai déjà signalé, je vais en faire une révision.

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Je rappelle d’abord que l’excès de potassium dans les engrais produit des blés pauvres
en gluten, riches en amidon. Le gluten, matière protéique complexe, a des propriétés nutritives
que n’a pas l’amidon. L’amidon est un glucide ; il est donc dépourvu d’azote.
Un blé pauvre en gluten et riche en amidon est un aliment médiocre. De plus sa farine
est difficilement panifiable : elle donne un mauvais pain. Comme on cultivait de mauvaises
races de blé sur de mauvais engrais, le pain était si difficile à digérer que bien des médecins
l’interdisaient à leurs clients. Tout le monde sait que l’on prescrit aux diabétiques du pain de
gluten. Sans être vraiment diabétiques, bien des gens ont une mauvaise régulation des
glucides. Les pains amidonneux ne sont pas bons pour eux.
Dans son livre sur le sol, Diffloth écrit : « La potasse est un poison de la cellule
animale ; de fortes proportions de ce produit occasionnent la cirrhose du foie. »
Bouchard, Lancereau avaient signalé la nocivité de la potasse. On se demandait, au
temps de ma jeunesse, si la cirrhose dite alcoolique ne méritait pas mieux le nom de
potassique.
L’excès de potasse diminue la résistance de l’épiderme et entraîne des maladies
cutanées, particulièrement lorsqu’il est associé à un excès d’azote. Vilain l’a démontré par ses
expériences sur les animaux.
L’excès de potasse dans le lait entraîne des diarrhées.
Il est admis que le potassium par sa faible radioactivité favorise la cancérisation.
D’autre part, Gérard, élève de Gabriel Bertrand, a montré qu’il existe un antagonisme
entre le sodium et le potassium. Chirié analysant le travail de Gérard écrit : « pour se
débarrasser du potassium, l’organisme doit ingérer du sodium ; sans quoi il y a élimination de
sodium sans compensation possible, d’où saignée en sodium, amaigrissement, mort. »
L’action du potassium sur les surrénales est du plus haut intérêt. « Kendal et ses
collaborateurs, dit Chirié, ont montré qu’il suffisait de faire ingérer du potassium à un sujet
prédisposé pour provoquer une insuffisance surrénale jusque-là latente. » Et voici l’inverse qui
n’est pas moins saisissant : « On peut faire vivre, sans incident un hyposurrénalien grave à la
seule condition de supprimer le potassium de l’alimentation. »
Les surrénales sont des glandes endocrines complexes qui ont plusieurs fonctions.
L’action nocive du potassium que je viens de signaler n’est pas la seule qu’il exerce par leur
intermédiaire. Ces glandes sécrètent l’adrénaline qui par son effet sur le cœur et les vaisseaux
est hypertensive. Hazard a montré que le potassium augmente la sécrétion d’adrénaline : il est
donc hypertenseur.
L’hypertension sanguine a pris une grande place dans la pathologie. Sa mesure est
devenue une manœuvre courante. On ne rencontre guère de personnes ayant dépassé l’âge
moyen de la vie qui ne parlent de leur tension. « J’ai de la tension », est la formule aussi
courante que vicieuse qui veut dire : ma tension vasculaire est trop élevée. Il serait bien
curieux que l’hypertension sanguine fût devenue plus fréquente et plus grave pendant que
l’usage des engrais potassiques était devenu excessif. Je n’ai pas de documents précis sur cette
question.
Les travaux de Gérard que je viens de citer ont montré un antagonisme entre le sodium
et le potassium. Ceux de Hazard montrent un antagonisme entre le potassium et le
magnésium. Alors que le chlorure de potassium excite la sécrétion de l’adrénaline, le chlorure
de magnésium la freine. Ce dernier est donc hypotenseur.
J’avais remarqué que ceux qui font un usage régulier de la delbiase, c’est-à-dire qui
augmentent leur ration alimentaire en sels halogénés de magnésium ont généralement une
pression basse. Les docteurs Léon Giroux et Baup ont pu constater que ces sels abaissent la
tension des hypertendus. Les expériences de Hazard expliquent le mécanisme de cet

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abaissement. L’augmentation de la ration magnésienne, la diminution de la ration potassique
réduirait le nombre des hypertendus.

Action du magnésium – Les effets du magnésium sont inverses à ceux du potassium. Aussi est-ce la
carence en magnésium qui est néfaste, tandis que c’est l’excès du potassium qui est funeste.
Cet antagonisme pourrait faire penser que l’abondance du magnésium corrigerait les effets du
potassium. Je ne connais pas d'expériences sur l’administration simultanée de ces deux éléments. Pour
l’alimentation, ce n’est pas ainsi que la question se pose.
Les engrais font varier les proportions relatives de ces deux éléments dans les plantes, mais elles ne
modifient guère la quantité totale des deux. C’est un balancement et non une adjonction qui se produit. Le
magnésium et le potassium ne s’ajoutent pas, l’un remplace l’autre mais les effets étant inverses s’ajoutent.
Les avantages d’une bonne ration magnésienne sont nombreux et importants.
J’ai consacré bien des communications et tout un volume à montrer qu’elle freine la cancérisation.
Cette question est directement liée à l’action des sels de magnésium sur les épithéliums. Ils augmentent leur
résistance ; ils restaurent la fonction pigmentaire ; ils font disparaître les taches dites de foie, les verrues et
certaines maladies cutanées.
Cette augmentation de résistance a un autre effet que je n’avais pas prévu. Le docteur Neveu et ses
adeptes viennent de montrer que le chlorure de magnésium pris en solution est un traitement efficace de la
diphtérie. J’ai rapproché cette maladie de la fièvre aphteuse, du rouget des porcs. Ce sont toutes trois des
maladies des épithéliums stratifiés et toutes trois sont efficacement traitées par le chlorure de magnésium.
Ce traitement par une substance alimentaire conduit à penser que l’augmentation de cette substance
dans la ration quotidienne rendrait plus résistant à la contagion et par une action non pas vaccinale mais
cytophylactique diminuerait la fréquence de la maladie. C’est ce qu a démontré Vilain pour la fièvre
aphteuse en nourrissant ses vaches avec des plantes cultivées sur engrais magnésiens. Et cela ramène à la
notion de maladies de la civilisation. Elle est bien établie pour le cancer puisque les Noirs qui vivent dans la
savane des produits du sol sans les adultérer par de mauvaises habitudes culinaires, sont à peu près indemnes
de ce fléau tandis qu’ils sont victimes tout autant que les Blancs lorsqu’ils vivent dans les villes.
Elle s’applique à bien d’autres maladies. L’agriculture mal dirigée finit par produire chez les
consommateurs une réceptivité acquise. La médecine la corrige par les vaccinations. Celles-ci ont été
remarquablement perfectionnées et rendent de grands services. Mais il serait plus simple de renforcer la
résistance par une bonne alimentation et les faits que j’ai cités autorisent à penser que ce serait très efficace.
La tuberculose est un des plus grands fléaux de l’humanité. Sa fréquence, sa gravité est-elle
modifiable par l’alimentation ? Il n’est pas douteux qu’une bonne alimentation diminue la réceptivité et
favorise la guérison. Mais cette notion est bien vague. Existe-t-il dans les plantes alimentaires un ou
plusieurs éléments doués de propriétés antituberculeuses ? Voilà ce qu’il importerait de savoir.
Robinet a appliqué la méthode statistico-géologique à la tuberculose. Il a constaté qu’il n’y avait pas
de rapport précis entre la mortalité par cette maladie et la teneur du sol en magnésium. Il en a conclu, et moi
aussi, que le métal était sans action sur la tuberculose. Comme cette maladie avait présenté une
augmentation de fréquence difficilement refrénée par les mesures contre la contagion, je me demandais
d’une part si l’excès de potassium ne favoriserait pas cette maladie comme tant d’autres ; d’autre part s’il n’y
avait pas dans les plantes un autre catalyseur qui avait diminué sous l’influence de la culture spoliatrice.
Mais le docteur Neveu vient de m’informer qu’il a guéri par le chlorure de magnésium à haute dose quatre
cas de granulie et deux cas de méningite tuberculeuse. Ces résultats me surprennent. Sont-ils dus aux doses
élevées que Neveu utilise, 20 grammes de chlorure de magnésium déshydraté pendant plusieurs jours
consécutifs ? C’est possible car ces doses ne sont jamais atteintes par l’apport alimentaire. On ne saurait
trancher une question de cette importance avec six observations. En tout cas, les recherches du docteur
Neveu sont du plus haut intérêt et méritent d’être poursuivies.

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Les relations du magnésium et du calcium chez les animaux sont toutes différentes. Ce n’est plus
comme chez les végétaux une substitution d’un métal à l’autre que l’on observe, c’est une fixation du
calcium là où il joue un rôle physiologique et son élimination des dépôts pathologiques.
Kruse et Mac Collum, Tuft, Gruenberg, Lavollay ont établi que le magnésium aide puissamment à
fixer le calcium sur les os des animaux rachitiques.
Par quel mécanisme se produit cette fixation ? Quiserne et Melle Jarrige estiment que le magnésium
agit par l’intermédiaire des glandes parathyroïdes, qui jouent un grand rôle dans le métabolisme du calcium.
Ce mécanisme est très vraisemblable car le magnésium exerce une action sur les glandes endocrines. J’ai
déjà cité celle qu’il a sur les capsules surrénales. Mais les phénomènes biologiques sont rarement simples.
D’autres mécanismes peuvent intervenir.
J’ai constaté avec la collaboration de A. Morant que les sels halogénés de magnésium diminuent la
solubilité des phosphates de calcium ce qui conduit à leur attribuer un rôle local dans l’ossification. Il parait
acquis aujourd’hui, et c’est le plus important, que le magnésium est le catalyseur des phosphatases.
De tout cela on peut conclure que le rachitisme est, lui aussi, une maladie de la civilisation et que les
engrais magnésiens le feraient disparaître.
En ralentissant la sécrétion d’adrénaline, le magnésium diminue la pression sanguine. Mais ce n’est
pas seulement par ce mécanisme qu’il lutte contre l’hypertension.
Tibberts et Arch, Quiserne et Melle Jarrige ont montré que le magnésium favorise l’élimination du
calcium pathologique. Les dépôts calcaires qui font perdre leur élasticité aux parois des artères jouent un rôle
considérable dans certaines hypertensions et les accidents qu’elles produisent. L’élimination de ces dépôts a
donc une grande importance pratique.
Je viens de dire que le magnésium favorise la fixation du calcium sur les os, et voici qu’il favorise
son élimination des plaques athéromateuses. Il semble qu’il n’y ait contradiction. Celle-ci n’est
qu’apparente. Dans les os, le calcium est sous forme de phosphates et le magnésium est le catalyseur des
phosphatases, dans les plaques le calcium est à l’état de carbonate. De même que j’ai constaté avec A.
Morant que les sels halogénés de magnésium diminuent la solubilité des phosphates, de même j’ai constaté
avec A. Morant et Regnoult qu’ils augmentent la solubilité du carbonate.
L’augmentation de la ration magnésienne arrête l’évolution de l’hypertrophie de la prostate qui est
une plaie de l’humanité et parfois la fait rétrocéder. A-t-elle un effet préventif ? Ce que je puis dire, c’est que
parmi les hommes qui prennent quotidiennement et constamment des sels halogénés de magnésium depuis
plusieurs années aucun n’a eu, à ma connaissance, de troubles prostatiques.
L’hypertrophie de la prostate, l’hypertension avec ses multiples causes et ses formes variées sont les
avant-coureurs de la vieillesse et elles en précipitent l’évolution. On a, dit-on, l’âge de ses artères, ce qui
signifie que la durée n’est pas le seul facteur de la vieillesse. Elle a d’autres paramètres. Le principal est la
valeur fonctionnelle des émonctoires. Le métabolisme ne construit pas sans produire de déchets. Toute usine
qui fonctionne en laisse qu’il faut évacuer. Dans les organismes vivants, c’est surtout le foie et le rein qui
opère cette évacuation.
Les déchets du métabolisme sont plus ou moins toxiques. Ils doivent être éliminés, mais ils ne le sont
pas directement. La plupart passent d’abord dans le milieu intérieur d’où les extraient les organes
évacuateurs. Tant qu’ils restent dans le sang, ils ont une action néfaste sur les tissus. Cette action est à mon
avis la cause principale de la vieillesse. Celle-ci est d’autant plus précoce, d’autant plus marquée que
l’évacuation est moins rapide et moins complète. Le milieu intérieur, grand agent de la coordination
nécessaire pour constituer un organisme, impose à tous les êtres vivants le vieillissement et la mort.
Naturellement la quantité des déchets toxiques qui séjournent dans le sang dépend aussi et pour une
grande part de celle qui est produite. Là interviennent trois facteurs principaux : la constitution chimique que
chacun tient de sont hérédité, et aussi des conditions de la procréation et de la grossesse, le genre de vie ;
l’alimentation.
C’est l’alimentation qui est en question ici, et seulement l’alimentation minérale. Les multiples
exemples que j’ai cités montrent que l’agriculture, au moyen de bons engrais, peut produire une alimentation
qui retarderait l’apparition de la vieillesse et diminuerait le fardeau de ses outrages.

- 45 -
Si cela est vrai, l’ensemble des vieillards de même âge doit être plus valide, d’avoir moins d’infirmité
dans les pays naturellement riches que dans ceux qui sont pauvres en magnésium. Il est impossible de
vérifier s’il en est ainsi.
Mais la question peut être posée sous une autre forme qui permet d’utiliser les statistiques. Si la
charge des ans est rendue moins lourde par une alimentation fortement magnésienne, la longévité doit être
plus grande dans les pays dont le sol est riche en magnésium.
L. Robinet a étudié cette question. J’ai présenté sont travail à l’Académie de médecine il y a dix ans.
Le résultat est que les vieillards sont moins nombreux dans les régions pauvres en magnésium. On vit plus
longtemps dans les régions riches en ce métal. Les bons engrais permettraient d’obtenir partout ce résultat.
La diminution de la natalité dans les pays de civilisation ancienne parait être une loi historique. Elle
est un signe de décadence et elle la précipite. Dans les questions sociales, il arrive que les effets réengendrent
les causes.
Sans aucun doute, l’absence d’enfant ou la limitation de leur nombre est souvent volontaire. Les uns
redoutent pour eux-mêmes les charges qu’entraînerait une nombreuse famille. D’autres, pour qui la vie a été
rude et à qui l’avenir parait sombre hésitent à procréer des êtres dont le malheur serait mêlé de peu de joie.
Mais bien des ménages, qui n’ont pas d’enfants le regrettent. Ils s’adressent aux médecins et aux
chirurgiens pour chercher la cause de leur stérilité et leur demandent d’y remédier. On tente de le faire soit
par des hormones, soit par des opérations.
Les pratiques anticonceptionnelles ont d’autant moins de chances de réussir que la puissance
fécondante est plus grande. Si une bonne alimentation l’accroissait, elle augmenterait la natalité. Elle
l’augmenterait aussi en rendant féconds les couples qui ne le sont pas.
Nombre de plantes, je le rappelle, ne donnent presque plus de graines dans certaines régions. Bien
plus dans le même pays, en divisant un champ en deux, on peut faire varier d’une moitié à l’autre la
proportion des feuilles et des graines, suivant les engrais que l’on emploie. Et l’expérience a prouvé que les
engrais magnésiens favorisent la production des graines ;
Les brebis qui ont une étonnante fécondité en Frise, région riche en magnésium, la perdent quant on
les transporte dans une région pauvre en ce métal. L’histoire des six génisses flamandes élevées par Vilain
dans une mauvaise ferme de la Haute-Marne, et dont aucune ne fut fécondée par un bon taureau montre que
l’effet du magnésium est le même chez les bovins que chez les ovins.
Aucune expérience précise ne permet d’affirmer qu’il en est de même pour l’espèce humaine. Mais
personne, je pense, ne refusera de faire cette légère extrapolation.
La fécondité amène la surpopulation, et la surpopulation entraîne la guerre, dira-t-on. La guerre, il
faut l’éviter dans l’avenir et il est vrai que dans les pays pauvres la surpopulation y conduit.
Mais que l’on compare la densité de la population de différentes régions. Voici quelques chiffres que
j’emprunte au volume des frères Vilain intitulé Déclin-Renaissance. Ils donnent la population d’un village
agricole de 1.200 hectares dans divers pays.
Dans une grande partie de l’Europe un tel village compte 500 habitants ; dans la Belgique flamande il
en compte 3.000 ; sur les bords du Nil, 5.000.
Ni la Belgique, ni l’Egypte ne sont guerrières. Or on peut, par les engrais, donner à toutes les terres
une fertilité aussi grande que celle de ces deux pays.
Notre planète peut nourrir beaucoup plus d’habitants qu’elle en a actuellement. La densité de la
population peut augmenter dans danger à la condition que l’agriculture soit bien dirigée.
Dans la population aisée des villes, rares sont les mères qui nourrissent leurs enfants. L’alimentation
artificielle dès la naissance est une monstruosité et c’est peut-être celle qui marque le mieux la déchéance
morale d’une race.
Parmi les mères pour qui l’orgueilleuse satisfaction de nourrir leur enfant l’emporte sur les servitudes
que l’allaitement impose, il en est qui n’ont pas assez de lait, il en est qui ont de mauvais lait, il en est chez
qui la période de lactation est trop courte.
Les observations faites sur les bestiaux permettent d’affirmer que l’excès de potassium et la carence
de magnésium jouent un rôle capital dans cette insuffisance d’une fonction naturelle.
La limitation de la natalité, l’allaitement artificiel sont les effets d’une déchéance du caractère.

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ACTION SUR LE CARACTÈRE

Quelqu’idée philosophique que l’on ait sur la volonté, on ne saurait mettre en doute que l’état
physico-chimique de l’encéphale la modifie. Un peu d’alcool donne de l’audace au timide ; le plus énergique
devient mou quand les artères cérébrales se sclérosent.
Les frères Vilain ont écrit en 1935 : « Les minéraux influent même sur le caractère des animaux. Des
chevaux difficiles, nourris avec certains aliments ne se laissent plus approcher. Les mêmes bêtes nourries un
peu après avec des végétaux traités par certains engrais deviennent très dociles tout en conservant une
excellente santé »
Le magnésium agit directement sur les cellules nerveuses et comme élément de constitution et
comme catalyseur. Il agit aussi d’une manière indirecte en empêchant et même en faisant rétrocéder
l’athérome.
L’action directe du magnésium sur le cerveau a été constaté au cours de l’autre guerre, celle que nous
avons appelée la grande jusqu’à ce que la sottise humaine en faisant mauvais usage de la science se fût
montrée capable d’accumuler encore plus de destructions, de ruines, de douleurs inutiles. Je faisais alors à
certains grands blessés des injections de sels halogénés de magnésium. Les infirmières frappées par la
sensation de bien-être, d’euphorie que ces injections donnaient à leurs malades, eurent l’idée de boire la
solution. Elles le firent à mon insu et continuèrent parce que « cela leur donnait du cœur à l’ouvrage ». C’est
à leur initiative que la méthode cytophylactique doit ses premières extensions.
Aujourd’hui, bien des gens ont constaté l’euphorie, l’énergie, la résistance à la fatigue que donnent
les sels halogénés de magnésium. Comme le disait ma surveillante, Mme Boivin, ils donnent du cœur à
l’ouvrage. Avoir du cœur à l’ouvrage ! Travailler avec ardeur ; accomplir sa tâche dans la joie, c’est la seule
manière d’être heureux.
J’ai écrit, il y a bien longtemps, que l’usage régulier des sels halogénés de magnésium permettent de
supporter l’adversité avec plus de sérénité. Robinet a fait le raisonnement que voici : « Si le magnésium
permet de mieux supporter l’adversité, les suicides doivent être plus rares dans les pays où, par suite de la
richesse du sol en magnésium, les aliments en contiennent davantage », et il a comparé les cartes
géologiques de la France, avec les statistiques de suicide. Les résultats détaillés de cette comparaison, je les
ai présentés à l’Académie de Médecine, il y a dix ans. Je ne puis donner ici que les résultats globaux. Les
suicides, comme les cancers, sont plus rares dans les pays riches en magnésium ; ils sont plus fréquents dans
les pays pauvres en ce métal. La différence des coefficients est énorme, de l’ordre de 60%.
Je rappelle que la suppression du magnésium dans l’alimentation entraîne une excitabilité du système
nerveux qui produit des convulsions mortelles.
Le caractère français a singulièrement changé. Il a eu assez de rayonnement pour que l’on puisse
juger ce qu’il était autrefois. D’ailleurs les vieillards l’on connu tout autre qu’il n’est aujourd’hui.
Jadis l’expression « ce n’est pas français » servait à désigner ce qui est contraire non seulement à
l’honneur, mais à la délicatesse. La politesse, la courtoisie, la galanterie, traditions chevaleresques du Moyen
Age, avaient survécu aux brutalités de la Révolution. On savait insulter avec un raffinement de politesse, ce
qui marque une grande maîtrise de soi. Rester assis près d’une femme debout eût déshonoré un homme.
Aujourd’hui, dans le métro, les jeunes gens n’offrent même plus leur place aux dames. « Elles ont, disent-ils,
réclamé l’égalité. Puisqu’elles en profitent, elles doivent en supporter les désagréments. » C’est un
raisonnement de rustres. L’égalité légale ne dispense pas de la politesse.

Artisans et artistes avaient le souci de l’ouvrage bien fait. Un sentiment profond de dignité, de probité
les empêchait de prendre une esquisse ou une ébauche pour une œuvre accomplie et le public ne faisait pas
la confusion. Certains artistes, qui n’étaient pas assez maîtres de leur métier pour pousser l’exécution,
proclamèrent que ce qui était fini était pompier. De peur de mériter cette épithète qui l’on prend, je ne sais
pourquoi, dans un sens péjoratif, les amateurs, dont beaucoup ne sont que des spéculateurs ont suivi. Voyez
les tableaux, les ouvrages illustrés que l’on se dispute aujourd’hui à l’Hôtel des Ventes. On ne sent même
pas que, dans ces derniers, les dessins volontairement grossiers et maladroits jurent à côté de la belle
ordonnance des caractères d’imprimerie.

- 47 -
On reprochait au Français d’être frondeur, frivole, léger. En France, avait-on coutume de dire, tout
finit par des chansons. Les rafales de mitraillettes ont remplacé les couplets. Se faire justice soi-même est un
crime contre la civilisation. Assassiner avec des armes perfectionnées des êtres sans défense, voilà qui n’est
pas français.
Cette race française, comment s’était-elle formée ? L’hérédité nous transmet-elle encore quelque
chose des aborigènes préhistoriques ? La race grossière de Neandertal n’a pas, dit-on, laissé de traces. La
race de Cro-Magnon, plus évoluée, industrieuse et artiste, en a laissé quelques-unes dans le Sud-Ouest.
Dans les faiseurs de dolmens, on distingue deux types : l’un petit, au crâne court à qui se rattachent
les Savoyards, les Auvergnats, les Morvandeaux, une partie des Bretons ; l’autre, grand au crâne allongé,
dont on croit retrouver les traces dans quelques régions.
Dans la période historique, les premiers occupants de la Gaule furent les Ibères, les Ligures, les
Celtes ou Galois qui n’étaient pas autochtones.
Les Grecs de Phocée fondèrent Marseille six cents avant notre ère. Dès le deuxième siècle avant
Jésus-Christ, les Romains avaient conquis la région méditerranéenne et pyrénéenne, c’est-à-dire une route
pour aller par terre d’Italie en Espagne. César conquit le reste.
Au IIIe siècle commence le grand remuement des peuples. Les Germains arrivèrent d’abord, puis se
succédèrent les Francs, les Wisigoths, les Burgondes. La puissance d’absorption de notre pays était si grande
qu’en 451, Francs, Wisigoths, Burgondes se battirent avec Aétius contre Attila et les Huns.
Les Bretons brachycéphales, qui étaient passé du continent en Angleterre et en Irlande, revinrent en
Armorique, chassé par les Saxons.
Au VIIe siècle, les Arabes venant d’Espagne, où ils avaient détruit l’empire wisigoth, arrivèrent
jusqu’à Poitiers où Charles Martel battit Abdérame qui fut tué dans la bataille. La chrétienté avait arrêté
l’Islam mais ne l’avait pas chassé du territoire français. Nombre d’Arabes y restèrent et s’installèrent jusque
sur la côte méditerranéenne, dont une partie porte encore le nom de Monts des Maures.
Au IXe et au Xe siècle, les Hongrois et les Normands saccagèrent le France. Pas une ville, dit Funck
Brentano, qui n’ait été incendiée.
La vitalité de notre pays était si intense que de cet amas de ruines jaillissait, à la fin du XIe siècle,
dans l’Ile-de-France, le style ogival, qui s’est imposé à toute l’Europe occidentale et que les Croisés ont parlé
jusqu’en Orient.
Après les grandes migrations, phénomènes planétaires, intervint la politique. Eléonore d’Aquitaine,
répudiée par Louis VII, roi de France, épousa la même année, 1152, Henri Plantagenet et lui apporta en dot
l’Aquitaine, la Guyenne et le Poitou. Comme il était déjà duc de Normandie et comte d’Anjou, comme la
Bretagne n’était pas encore réunie à la France, tout le nord et l’ouest de notre pays échappait au roi.
On sait la suite. Au XVe siècle, Charles VII n’était que roi de Bourges ; Henri VI, roi d’Angleterre,
était le roi de Paris et se prétendait roi de France.
Alors surgit aux confins de la Champagne la plus étonnante figure de l’histoire : la vierge guerrière,
la pucelle d’Orléans : Jeanne d’Arc.
Le triste dauphin, que les déportements de sa mère Isabeau faisait traiter de bâtard, végétait sans
finance, sans armée, sans espoir. Jeanne enflammée d’une ardeur surnaturelle lui rendit l’espérance et avec
elle la confiance sans quoi on ne réussit pas. Elle le mena triomphalement à Reims où l’huile de la Sainte
Ampoule lui restitua la légitimité au nom du droit divin. Elle en fit Charles le Victorieux.
Pour une héroïne qui avait délivré Orléans, reconquis en une semaine Jargeau, Meung, Beaugency, et
battu lord Talbot à Patay, pour une pucelle qui à dix-huit ans avait fait un roi et créé le sentiment national,
aucune vieillesse n’était possible. On ne conçoit pas Jeanne,

… bien vieille, au soir, à la chandelle près du feu, dévidant et filant,

on ne la conçoit ni mère de famille, ni rêvant au fond d’un cloître.


Les Anglais lui ont évité la peine de vieillir. En brûlant comme hérétique la sainte qui avait fait
représenter sur son étendard « Dieu en majesté » et brodé les noms de Jésus et de Marie, ils ont ajouté à sa
gloire l’auréole du martyre et ils ont scellé l’unité de la France.

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En l’an XI de la République, Bonaparte, à propos de la fête de Jeanne d’Arc fit insérer au Moniteur
cette phrase qui reste vraie : « L’illustre Jeanne d’Arc a prouvé qu’il n’était pas de miracle que le génie
français ne puisse produire dans les circonstances où l’indépendance nationale est menacée. »

De l’incroyable mêlée de Grecs, Romains, Germains, Francs, Wisigoths, Normands, Anglo-Saxons,


des métissages qui en sont résultés comment est-il sorti un peuple qui avait à un si haut degré le sentiment et
l’orgueil national ; un peuple dont l’art et l’esprit ont eu pendant huit siècles un rayonnement universel ?
Il serait déplacé d’analyser ici le patriotisme ; je me borne à constater qu’un de ses éléments
fondamentaux est l’idée que l’on détient un trésor si précieux qu’il mérite qu’on fasse tous les sacrifices
pour le conserver.
D’où vient cette fierté qui fait les nations fortes ? Il n’est aucun pays où l’on puisse l’attribuer à une
hérédité lointaine, car partout les races sont mêlées. Les théories racistes n’ont qu’une valeur très relative.
Pourquoi l’art ogival est-il né dans l’Ile-de-France ? Pourquoi les Français ont-ils été à la tête des
croisades ? Pourquoi au XIIe, au XIIIe, au XVIIe et au XVIIIe siècle, l’art français s’est-il imposé à l’Europe ?
La liste de ces questions pourrait être allongée. Je n’espère pas leur donner une réponse pleinement
satisfaisante, les variables sont trop nombreuses. Je me borne à signaler l’action du sol. C’est lui qui a fait les
blés et les vignes. C’est le pain et le vin de France qui ont fait les Français, et les Français en étaient arrivés à
produire un blé dont la farine n’était pas panifiable.
La France est la plus vieille nation d’Europe. Au XVIIe siècle, elle était la plus peuplée. C’est parce
qu’elle est la plus vieille, parce qu’elle avait la population la plus dense et qu’on ne rendait pas au sol tout ce
que chaque récolte lui enlevait, qu’elle a donné des signes de décadence.

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CHAPITRE VII

EXODE DES CHAMPS VERS LES VILLES

Un des signes les plus certains de la décadence est l’abandon des champs pour les villes. Il est dû
pour une grande part à l’appauvrissement du sol. Dans certaines régions de la Haute-Marne, le rendement
des céréales était tombé à sept et même cinq quintaux par hectare. La terre ne nourrissait plus la population
nécessaire pour travailler. Comment la campagne ne se serait-elle pas dépeuplée ?
Dans l’Yonne, la cathédrale de Vézelay où saint Bernard a prêché la deuxième croisade montre que ce
pays était un centre florissant au XIIe siècle. Il comptait il y a dix ans 700 habitants. Dans ce même
département de l’Yonne, un village fut mis en vente « pour cause de dépopulation ». Des terres qui en 1870
valaient mille bons francs, ne valaient plus que cinq cents francs-papier parce que la vigne n’y poussait plus.
La culture du mûrier est à peu près abandonnée en France. C’est, dira-t-on, parce que les vers à soie
étaient malades. N’est-ce pas prendre l’effet pour la cause ? Les vers à soie étaient malades parce que les
mûriers l’étaient eux-mêmes et leur donnaient une nourriture de mauvaise qualité. Et les arbres souffraient
parce que le sol était épuisé.
Je pourrais multiplier ces exemples ; la conclusion serait toujours la même. Les campagnes se
dépeuplent parce que la terre appauvrie ne nourrit plus ceux qui la travaillent ou les nourrit mal. Les
subventions n’y feront rien, ni les appels les plus patriotiques, les plus déchirants.
La solution est simple, c’est une question d’engrais. On rendra tous les pays fertiles quand on voudra.
Dès que le sol fournira une légitime rémunération aux labeurs que l’agriculture exige, les campagnes se
repeupleront. Et les aliments étant devenus sains, nombre de maladies du bétail et des hommes disparaîtront.
Il est une autre cause moins importante, mais non négligeable à l’exode des champs vers les villes, ce
sont les tracasseries administratives qu’entraîne la méthode antiseptique de lutte contre les maladies des
plantes et du bétail.
La gale verruqueuse de la pomme de terre apparut en France en 1932. Voici un arrêté préfectoral
destiné à l’arrêter :
« La récolte des parcelles 971 et 1057 sera enfouie sur place, tubercules et fanes, à un mètre de
profondeur, après incinération. Tout le matériel devra être désinfecté avec de l’eau formolée à 2 % ou de
l’eau javellisée à 10 %. Les chaussures des personnes ayant opéré sur des champs contaminés, lavées avec
une solution d’eau de javel à 5 %. Les locaux ayant contenu des tubercules malades ou suspects devront être,
après la sortie des tubercules, désinfectés avec soin. Pendant huit ans, toute culture est interdite sur les
parcelles contaminées qui seront entourées d’une clôture en défendant l’accès. Dans le reste de la commune,
zone de protection, la culture de la pomme de terre ne sera autorisée jusqu’à nouvel ordre que sur la
demande déposée à la mairie et dans les conditions suivantes. »
Parmi les conditions, qui sont au nombre de huit, figure celle-ci : « Les seules semences employées
seront celles fournies par la direction des services agricoles qui procurera une variété spécialement résistante
à la maladie. »
Cette variété résistante apportera une autre maladie, le mildiou de la pomme de terre. Si bien qu’en
février 1934, un député, Dewez, demandait au gouvernement « quelles mesures il comptait prendre pour
donner satisfaction à la population mise dans l’obligation d’utiliser les plants imposés qui apportèrent dans
la commune une seconde maladie ».
Pour les maladies du bétail, les prescriptions sont aussi ruineuses : interdit mis sur le troupeau,
obligation de vacciner toutes les bêtes, de désinfecter les locaux et parfois pour cela d’enlever des étables ou
des bergeries une épaisseur de cinquante centimètres de terre.
Toutes ces mesures sont rationnelles du point de vue antiseptique. Si médiocres que soient leur
résultats, elles sont légitimes si l’ont ne peut pas faire mieux. L’un des buts de cet opuscule est de montrer à
tous que la méthode cytholylactique donne des résultats meilleurs à moins de frais. Au moyen des engrais,
elle agit à la fois sur les plantes, sur le bétail et sur l’homme. Elle restaure la santé physique et morale. Elle
augmente la résistance aux maladies et à l’adversité tout en réduisant les aléas de l’agriculture. Grâce à elle,
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le cultivateur peut travailler en même temps pour son profit et pour le bien général. Cette fusion de l’intérêt
personnel et de l’intérêt de tous n’est-elle pas un des principaux buts de la Sociologie ?
Une mauvaise alimentation rend plus réceptif non seulement pour les microbes, mais aussi pour les
idées néfastes, maladies de l’esprit. Des aliments pauvres en magnésium et en sodium, trop riches en
potassium rendent les chevaux ombrageux et rétifs. Ils ont une action du même ordre sur les hommes ; ils
diminuent leur sociabilité.
Les grands problèmes de la médecine ne sont pas limités aux infections. Si l’ont pouvait faire le
décompte des heures de travail professionnel que les besoins imposent au corps médical, les troubles du
métabolisme dus à une alimentation défectueuse en absorbent plus que les maladies microbiennes.
L’agriculture empirique entraînait des carences alimentaires très fâcheuses, Elle était spoliatrice, sans
plus. L’agriculture scientifique mal orientée a fait pis. Sans parer à toutes les carences, elle a ajouté des
excès. Elle devenue pourvoyeuse de maladies, en produisant des aliments malsains. Les principaux vices de
l’alimentation actuelle sont l’insuffisance en magnésium et sodium, l’excès en potassium.
Carton, qui avait pressenti les dangers de l’excès de potassium, démontrés depuis, conseillait de faire
bouillir les légumes dans plusieurs eaux. Cet artifice enlève plus sûrement le magnésium et le sodium que le
potassium, ce qui le rend très fâcheux.
C’est par de bons engrais bien utilisé que l’ont doit remédier aux deux principaux vices actuels de
l’alimentation. Pour hâter le changement des habitudes prises, il faut modifier la loi sur les engrais. Le
magnésium, le sodium et le soufre doivent y figurer au double titre de substances fertilisantes et utiles à la
santé. De plus, elle ne doit jeter la suspicion sur aucun des vingt-neuf éléments nécessaires à la vie.

Dans les terres tourbeuses de la Floride, le cuivre et le zinc ont stimulé la croissance des plantes. Nous
avons des terres tourbeuses ; il faut y essayer l’action des deux métaux. En Australie et en Nouvelle-Zélande,
une grave épizootie, qui frappait les moutons a été arrêtée par des doses infimes de cobalt. N’est-ce pas la
preuve que dans ces deux pays la terre n’en contient plus assez ?

La question des engrais est régionale et elle sera sans cesse à réviser, puisque chaque récolte enlève au
sol des éléments nécessaires. Un temps viendra où les vingt-neuf éléments sans quoi la vie est impossible
devront être restitués sous forme d’engrais. Ce temps est plus proche qu’on ne pense ; il est peut-être déjà
venu. Le bore empêche le mildiou de la betterave. Ce fait bien établi induit à penser que certains éléments
ont une action cytophylactique particulière et augmentent d’une façon élective la résistance à des maladies
déterminées, ou plutôt à des groupes de maladies infectieuses caractérisées par la nature des tissus où se
développe particulièrement l’agent pathogène.
Si la résistance aux infections avait été aussi faible lorsque a commencé la concentration de la
population dans les villes, qu’à l’époque où Pasteur a trouvé le moyen de lutter contre elles, l’humanité eût
été décimée.

Notre civilisation n’est pas la première en date. Bien d’autres l’ont précédée ; elles n’ont eu qu’un
temps. Les ruines grandioses qu’elles ont laissées nous remplissent d’étonnement et d’admiration. C’est dans
les déserts qu’on les trouve. Lorsque l’ont voit surgir d’une morne étendue stérile l’amphithéâtre d’El Djem
qui pouvait contenir soixante mille spectateur, on songe, malgré soi, à l’avenir de la civilisation dont nous
étions si justement fiers avant les horreurs actuelles. Sans les progrès scientifiques, elle aurait périclité
comme les autres. Débuts lents, courts éclats, puis évanouissement, telle a été la loi historique de toute
civilisation. L’appauvrissement du sol par la culture spoliatrice condamnait à la déchéance. La science
permet d’en appeler de cette condamnation. Malheureusement, la funeste loi sur les engrais et la circulaire
que j’ai citée, a freiné l’application des découvertes scientifiques au lieu de les favoriser.
Préparer par l’agriculture des aliments capables d’augmenter la résistance à al fatigue, aux maladies, au
vieillissement, à l’adversité, c’est un des plus nobles buts que l’on puisse se proposer.
Dans cet opuscule, je me suis efforcé de montrer à tous que ce but est accessible et d’inciter les
pouvoirs publics à remplacer la loi et la circulaire qui en éloignent, par des mesures qui en rapprocheraient.

- 51 -
Quand je l’ai écrit (juin et juillet 1944) je n’espérais pas grand-chose. Les nombreuses
communications que j’ai faites depuis plus de vingt-cinq ans ayant été froidement accueillies, je n’avais
aucun appui.
Depuis le 5 décembre 1944, j’en ai un. L’Académie de Médecine a voté, sur ma proposition, les vœux
suivants que je transcris en manière de conclusions bien qu’ils n’envisagent qu’une partie du sujet.
1° Que la loi sur les engrais soit révisée ;
2° Que l’attention soit attirée sur les dangers qu’entraîne pour la santé les excès d’engrais potassiques ;
3° Que la culture des variétés de blé qui donnent une farine non ou difficilement panifiable soit
proscrite et d’une manière générale que les semences soient surveillées.

ADDENDUM

Le 20 juin 1944, j’ai lu à l’Académie de Médecine, la communication suivante. Elle concerne le


traitement de la diphtérie par la méthode du docteur Neveu. Comme j’y fais de nombreuses allusions dans
cet opuscule, je tiens à en donner le texte, d’autant plus qu’il n’a pas été publié. Pour des raisons que
j’ignore et que je ne cherche pas à connaître, le comité de publication a refusé de l’insérer dans le bulletin
de l’Académie.

TRAITEMENT DE LA DIPHTERIE
PAR LA METHODE CYTHOPHYLACTIQUE

Depuis 1933, le Dr Neveu applique la cytophylaxie au traitement de la diphtérie. Il administre par voir
buccale une solution de chlorure de magnésium desséché au taux de 20 grammes par litre, par doses de 125
centimètres cubes à prendre la première le plus tôt possible, c’est-à-dire dans tous les cas suspects au
moment où l’on fait le prélèvement pour examen bactériologique, la seconde deux heures après, les autres
espacées de 6, 8 ou 12 heures suivant la gravité des cas.
Le Dr Neveu a publié dans le Concours médical du 1er janvier de cette année, une courte note où il
déclare avoir traité avec succès « plus de soixante cas de diphtérie moyenne ou maligne ».
Dès que j’eus connaissance de cette note, je me demandai si la solution de chlorure de Mg n’avait pas
une action neutralisante sur la toxine. Avec l’assentiment de M. Trefouel, je priai mon ami Dujarric de la

- 52 -
Rivière d’étudier cette question. Il a bien voulu faire les expériences et je l’en remercie. Elles ont montré que
la dite solution ne diminue en rien la toxicité de la toxine diphtérique.
Ce résultat négatif ne prouvait en aucune façon que la solution n’avait pas d’effet thérapeutique, mais
elle obligeait à conclure que si cette action était réelle, elle se produisait par le mode que j’ai appelé
cytophylactique – c’est d’ailleurs l’avis du Dr Neveu.
Je lui ai demandé de bien vouloir m’envoyer sa statistique. C’est elle que je vais analyser, regrettant de
ne pouvoir en donner tous les détails.
M. Neveu a fait ses premiers essais à Rochefort-sur-Mer, en 1933. De cette époque, il n’a conservé que
cinq observations complètes, les cinq premières. Ayant acquis, dit-il, la certitude de l’efficacité et de
l’innocuité du chlorure de Mg, il a continué à l’utiliser sans faire d’examen bactériologique.
En 1943, installé à Breuil-Magné (Charente-Maritime), il a soigné quatre cas dont l’examen
bactériologique a été fait, plus un cinquième, une femme de 29 ans qui fut contaminée par sa belle-mère.
L’examen bactériologique ayant été positif pour cette dernière, j’estime que le cas doit entrer en ligne de
compte.
Il faut ajouter un cas de diphtérie ambulatoire. Les observations personnelles complètes de M. Neveu
sont donc au nombre de onze.
La courte note publiée dans le Concours médical a attiré l’attention de quelques médecins, soucieux de
la santé de leurs malades et qui craignaient de manquer de sérum.
Quinze jours après la publication dans l’article du Concours médical, le Dr René Fortin, de Chambry
(Oise), écrivait au Dr Neveu : « Je viens d’avoir l’occasion de traiter suivant vos directives un cas de
diphtérie moyenne, confirmée bien entendu par le laboratoire, avec un succès rapide et complet : nettoyage
de la gorge et disparition des adénites angulo-maxillaires, en quatre jours ; je crois que la disparition des
adénites est moins rapide avec le sérum. J’avoue, malgré mon scepticisme, être étonné du résultat. »
Le Dr Roussy, inspecteur adjoint de la santé du secteur de Montluçon, écrivait au Dr Neveu, le 23 mars
1944 : « A la suite de petites épidémies de diphtérie ayant sévi dans notre secteur, et alors que le sérum
menaçait de manquer, nous avons alerté les médecins traitants et leur avons conseillé le traitement préconisé
(par le chlorure de Mg). Jusqu’à présent, ce traitement semble avoir obtenu de très bons résultats chez les
adultes, les tout-petits absorbent difficilement la potion . »
Et le Dr Roussy envoie successivement trois observations complètes, provenant de son secteur. Elles
sont dues aux Drs Metzquer, Noguère et Carreau. Ce sont trois guérisons rapides.
Cette intime collaboration d’un inspecteur de la Santé et des médecins de son secteur a été féconde et
je la trouve admirable.
Enfin le Dr Couturier, de Mirambeau, dont je conterai tout à l’heure l’histoire fort intéressante, a
envoyé cinq observations au Dr Neveu.
Le mémoire de ce dernier comprend donc vingt et une observations complètes, toutes terminées par la
guérison.
Des 21 sujets, 3 avaient été vaccinés. Je les élimine, car si la vaccination par l’anatoxine n’a pas
empêché l’augmentation du nombre des cas de diphtérie, il me paraît établi qu’elle en a diminué la gravité.
Dans deux cas, on a ajouté la sérothérapie à la cytophylaxie. L’un est déjà éliminé parce que le malade
a été vacciné.
Dans l’autre, on a fait une injection de 10.000 unités de sérum. Bien que la dose soit faible, j’élimine
ce cas.
Restent donc 17 observations complètes où le traitement par le chlorure de Mg a été seul employé.
L’âge des malades a varié de 5 à 67 ans. Une était albuminurique ce qui avait empêché de la vacciner.
Une était hyperthyroïdienne, une autre hémiplégique et hypertendue.
Au point de vue bactériologique, les bacilles étaient de type court dans deux cas, du type long dans un
cas, du type moyen dans les autres. Dans un cas, le Spirille de Vincent était associé au bacille diphtérique. Je
ne parle pas des cocci.
Les quantités de Mg CL2 absorbées ont varié de 15 à 50 grammes, exception faite du cas ambulatoire,
où le traitement a dû être prolongé, le malade a absorbé plus de 4 litres de la solution, c’est-à-dire plus de 80
grammes de sel avant que les cultures devinssent négatives. C’est une règle que les infections chroniques
sont plus tenaces que les aiguës.
- 53 -
Voici qui prouve l’importance de la dose et en même temps l’efficacité du chlorure de Mg.
Le 21 avril 1944, le Dr Couturier informe le Dr Neveu qu’il a essayé son traitement dans trois cas et
qu’il n’a obtenu aucun résultat.
Le Dr Neveu, qui n’a vu que des succès, cherche la raison de ces trois échecs consécutifs. Il écrit à son
confrère : « Veuillez revoir le pharmacien qui a fait la préparation et lui demander quelle était la nature du
chlorure de magnésium employé. Si l’on emploie le sel cristallisé (Mg CL2 6H2O), il faut pour compenser le
poids de l’eau de cristallisation, faire la formule avec 43 grammes (exactement 42 gr 73) de chlorure
cristallisé, 43 grammes par litre d’eau au lieu de 20. »
Il ajoute : « Je vous serais reconnaissant de vouloir bien, dans le prochain cas de diphtérie que vous
aurez à traiter, suivre le conseil du Dr Metzquer, de Montluçon, c’est-à-dire prescrire le traitement par le Mg
CL2 à la première visite, au moment où l’on fait le prélèvement, en attendant l’analyse pour justifier ou non
la sérothérapie, ce qui n’engage en rien votre responsabilité et de me communiquer le résultat. »
Le 3 mai, le Dr Couturier répond que le pharmacien s’est servi de chlorure cristallisé, que par
conséquent les doses administrées étaient moitié moindres que celles conseillées par le Dr Neveu, et il se
déclare prêt à recommencer l’expérience.
Le 12 mai il envoie l’observation d’un beau succès : malade de 48 ans, non vacciné. Diphtérie à
bacilles moyens avec grosses fausses membranes sur les amygdales et dans les fosses nasales. Le samedi un
litre de la solution correcte est absorbé dans les vingt-quatre heures. Le lendemain dimanche, « le pharynx
est propre ; les narines commencent à se dégager », le mardi, le malade est guéri.
Le 25 mai, le Dr Couturier envoie quatre observations nouvelles dont trois guérisons rapides. Dans le
quatrième cas, celui d’un enfant de 10 ans correctement vacciné, qui avait mal supporté (vomissements et
diarrhées) les premières prises de la solution magnésienne, notre confrère n’a pas persisté et a injecté 4.000
unités de sérum. J’ai déjà parlé de ce cas pour l’éliminer, parce que le malade avait été vacciné. Les trois
autres sont compris dans la statistique.
Ce qui m’a le plus frappé dans les observations, c’est la rapidité avec laquelle les fausses membranes
sont expulsées. Elles ont été rejetées en gros paquets, trois fois au bout de 24 heures, deux fois pendant le
deuxième jour. Lorsque le traitement a été commencé dès les premiers symptômes, on peut dire qu’il a été
abortif.
Le Dr Neveu et ses adeptes me paraissent avoir établi par leurs observations, l’action du chlorure de
Mg sur la diphtérie. Comment peut-on l’expliquer ?
La solution magnésienne n’agit pas à la manière du sérum puisque Dujarric a constaté qu’elle n’a
aucune action sur la toxine. Il faut donc qu’elle agisse sur le bacille.
On ne peut penser à un effet d’antisepsie, car la solution n’est antiseptique. Le fût-elle qu’elle n’aurait
pas le temps d’agir lors de son passage à travers l’isthme du gosier et enfin les fausses membranes nasales
qui n’entrent pas en contact avec elle, sont expulsées comme les autres. J’ai éliminé l’un des cas de diphtérie
nasale, parce que le malade avait été vacciné (3 injections). L’observation porte qu’à la 48ème heure qui suivit
l’institution du traitement, toutes les fausses membranes étaient éliminées. L’autre cas qui appartient au Dr
Couturier, figure dans la statistique et je l’ai déjà cité.
L’exaltation des propriétés des globules blancs par le Mg CL2, exaltation que j’ai constatée avec la
collaboration de Karojanopoulo, que j’ai signalée à l’Académie des Sciences, le 6 septembre 1915 et ici
même deux jours après, est sans doute la principale cause des effets thérapeutiques que je viens de relater.
Je me demande toutefois, si un autre mode d’action n’intervient pas. D’après les renseignements que
Dujarric a bien voulu me communiquer, je le remercie de nouveau, le bacille diphtérique est des principaux
microbes pathogènes, celui qui a besoin des milieux les plus alcalins (pH – 9,1 à 8,3) or j’ai constaté en
1930, avec la collaboration de Franicevic que les sels halogènes de Mg abaissent le pH de l’urine. Ils
abaissent non quand on les ajoute à l’urine mais seulement quand on les administre par voie buccale, et sous-
cutanée, c’est-à-dire par une modification du métabolisme. L’abaissement du pH porte sur le milieu
intérieur. Peut-il agir sur le bacille diphtérique qui a besoin d’un milieu alcalin ?
Roux et Yersin ayant établi que le bacille ne pénètre pas dans le milieu intérieur, on pourrait être tenté
de croire qu’il reste tout à fait extérieur à l’organisme.
En réalité les faisceaux de fibrine des fausses membranes s’implantent sur le chorion ; leurs mailles
emprisonnent outre des hématies et des leucocytes, des cellules épithéliales. La fausse membrane se
- 54 -
substitue à l’épithélium et la diphtérie apparaît comme une épithéliose, une épithéliose stricte portant
spécialement sur les épithéliums stratifiés à évolution muqueuse. On comprend que les modifications du
milieu intérieur puissent agir sur le bacille.
D’autre part, l’action si nette des sels halogènes de Mg sur les ongles, sur les verrues, sur le pigment,
sur la leucoplastie buccale conduit à penser qu’ils peuvent rendre plus résistantes les cellules où se
développe le bacille diphtérique et avoir un rôle prophylactique.
En tout cas, le traitement du Dr Neveu me paraît être une thérapeutique antibacillaire agissant non par
le mode antiseptique, mais par le mode cytophylactique.
Il ne s’oppose en rien à la sérothérapie, ces deux thérapeutiques se complètent, l’une agissant sur la
toxine, l’autre sur le bacille. Tout sérum a des inconvénients qui ne sont pas toujours prévisibles. Les
accidents sériques éclatent parfois en effet, chez des sujets qui n’ont reçu aucune injection antérieure.
D’autre part, le sérum est rare, aussi ne commence t-on pas la sérothérapie avant que le diagnostic soit
bactériologiquement confirmé. Dans l’immense majorité des cas de diphtérie, entre la première visite du
médecin et le début de la thérapeutique active s’écoulent 18 à 24 heures.
Ces heures perdues on peut les utiliser en administrant, comme le conseillent les Drs Neveu et
Metzquer, la solution magnésienne. Cela n’a d’autre inconvénient que de produire un peu de diarrhée et M.
Neveu estime qu’on peut l’éviter en fractionnant les doses, sans diminuer la quantité de Mg CL2 ingérée
dans les vingt-quatre heures.
Quand le résultat bactériologique est acquis, le médecin peut recourir au traitement séro-thérapeutique
s’il le juge utile. Ce traitement n’aura pas été retardé d’une minute tandis que la période d’attente
habituellement inutilisée aura été transformée en phase thérapeutique active.
En fait, dans les cas où le traitement magnésien a été institué précocement, l’amélioration a été si
rapide et si marquée que la sérothérapie a paru inutile lorsque la confirmation bactériologique du diagnostic
a été acquise.
Comme en toute maladie, la précocité du traitement a des avantages incontestés, j’ai cru être utile en
donnant le plus tôt possible, la plus grande diffusion possible à la méthode du Dr Neveu.

TABLE DES MATIERES

Introduction 1
- 55 -
CHAPITRE I – Notions de physiologie 2
Respiration 2
Alimentation 4
Avitaminose et Acatalose 12

CHAPITRE II – Composition minérale des végétaux 14


Influence des conditions climatiques annuelles 15
Influence du terrain 16
Les engrais 17
Action des engrais sur la composition minérale des plantes 21
Aptitudes chimiques des espèces et des races 23
Variétés 23

CHAPITRE III – Utilisation et mode d’actions des engrais 27

CHAPITE IV – Action des engrais sur la santé des plantes 29


Chlorose 29
Sensibilité au froid 29
Parasites végétaux phanérogames 30
Parasites végétaux cryptogames 30
Maladies des plantes dues aux insectes 32

CHAPITRE V – Action des engrais sur la santé du bétail 35


Météorisation 35
Fièvre aphteuse 35
Rouget 36
Entérites 37
Mal du garrot 37
Typho-anémie 38
Avortement épizootique 39
Fécondité 40

CHAPITRE VI – Action des engrais sur la santé des hommes 42


Le lait 42
Action du sodium 43
Action du potassium 43
Action du magnésium 45
Action sur le caractère 48

CHAPITRE VII – Exode des champs vers les villes 52

ADDENDUM – Traitement de la diphtérie par la méthode cytophylactique 55

- 56 -
1

AFAB – Bulletin n°4 – Printemps 1981 HOMMAGE A P. DELBET (1861-1957)

J'entreprends ici de remplir un devoir de reconnaissance et de justice. Reconnaissance due à la mémoire d'un grand
médecin, un grand chercheur dont l'œuvre m'a beaucoup aidé à sauver ma santé, et qui a orienté ma carrière.

Justice envers ce savant, ce grand professeur, dont les travaux sont partiellement repris aujourd'hui, après
plus de soixante ans d'opposition, de silences et de temps perdu en dénégations.

Delbet, en 1910, avait déjà une brillante carrière de chirurgien, d'expérimentateur, de pédagogue : il est alors
nommé professeur de clinique chirurgicale à la Faculté de Médecine de Paris. Il fut bientôt le fondateur et l'animateur
de l'Association française pour l'étude du cancer, qu'il aurait orientée vars une éclatante réussite, s'il eût été suivi.

Cet homme austère et conscient de sa valeur avait le respect du malade. Il prescrivait à ses élèves « d'épargner au
patient toute douleur, toute fatigue inutile. Les pauvres gens, disait-il, se laissent toujours examiner avec
complaisance par celui qui a la main douce et le visage affable »

Avec la guerre de 1914-18, allait s'ouvrir pour lui une ère nouvelle. Pour reprendre le texte d'un « portrait » de
Pierre Delbet, tracé en 1962 devant l'Académie de chirurgie, par J. Patel, -- le conflit de 1914 et les missions
d'information et d'inspection que la notoriété procurait lui permirent... d'étudier avec Fiessinger, la « biologie de la
plaie de guerre. Dès lors, l'idée dominante de son œuvre fut que « la cellule représente l'élément le plus actif de la
défense contre l'infection, et que les antiseptiques quels qu'ils soient, détruisent le pouvoir de résistance des
cellules et favorisent le développement des microbes » Ces principes le conduisirent à des essais de
cytophylaxie, moyens d'accroître la résistance à l'infection de toute cellule de l'organisme.

Dans une communication à l'Académie des Sciences (6.9.1915) puis à l'Académie de Médecine (7.9.1915), le
professeur Delbet relate les conditions expérimentales de cette étude : numération de 16 000 polynucléaires
(leucocytes ou globules blancs), de plus de 19 000 microbes, pour comparer les effets de différentes solutions
utilisées pour le lavage des plaies (Dakin, formol, etc) sur la phagocytose (digestion des microbes par les globules blancs).

Conclusion : tous les antiseptiques détruisent les globules blancs. L'eau de mer isotonisée diminue leur activité de
61%, comme la solution de Ringer-Locke.. Seul parmi les substances couramment employées, le chlorure de sodium à 8
pour mille permettait la phagocytose : 129 microbes détruits pour 50 polynucléaires.

Delbet essaie alors sans succès les chlorures de manganèse, de strontium, de calcium, qui diminuent les
phagocytoses. Par contre, la solution de chlorure de magnésium à 12,1 pour mille, donne des résultats extraordinaires :
augmentation de 75% par rapport au chlorure de sodium à 8 pour mille. L'augmentation porte sur le nombre de
polynucléaires qui phagocytent

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2

et sur la puissance phagocytaire de chacun d'eux. La solution de chlorure de magnésium peut être utilisée en pansement
ou en injection.

J'insiste sur la date : 1915 (il y a 66 ans)..., sur l'importance du travail : observations microscopiques par
dizaine de milliers, et sur la portée des résultats, exprimés dans la sécheresse d'un compte-rendu. Tout ce quia
été fait avec le magnésium en biologie depuis cette date, toute l'œuvre immense de Delbet poursuivie encore trente ans,
jusqu'à son extrême vieillesse, la révolution qu'il amène en agronomie, ce que nous relatons dans « le dossier
magnésium », tout cela a pour origine ces travaux patients, méthodiques, fondés sur une longue carrière de
chirurgien, observateur lucide, habile à discerner l'essentiel.

Nous trouvons une excellente étude scientifique des travaux du professeur Delbet dans l'ouvrage de J. Favier : «
Equilibre minéral et santé », écrit entre 1937 et 1951.

Dans les années 1920, la découverte de Delbet sur le magnésium conduit à étudier la répartition la répartition
géologique du magnésium en France et dans d'autres pays (cartes de J. Robinet). L'auteur confronte cette carte à celle
de la répartition du cancer – et la conclusion est éclatante. Elle sera reprise par Delbet dans un volume de 400
pages : « Politique préventive du cancer » (1944).

En 1932, se situe une nouvelle extension de la recherche sur le magnésium. Un médecin de campagne, le Dr Neveu, guérit
une diphtérie sans sérum par la méthode de Delbet, chlorure de magnésium absorbé par voie buccale. Dans la suite de
sa carrière, le Dr Neveu traite ainsi et guérit 80 cas de diphtérie sur 80 cas traités (jusqu'en 1957). Plus tard, le Dr
Neveu publiera une brochure au titre significatif : « Comment guérir la poliomyélite par le chlorure de
magnésium ». Et l'ouvrage cité « Equilibre minéral et santé » est éloquent : ce n'est pas seulement la diphtérie ou
la poliomyélite, c'est un nombre indéfini de maladies infectieuses et de maladies chroniques qui sont guéries par le
chlorure de magnésium.

Les avatars rencontrés dans la diffusion de cette immense découverte méritent d'être relatés. Le 20 juin 1944, au
moment de la libération de la France, le Pr Delbet fait une nouvelle communication à l'Académie de Médecine. Il fait part
des résultats du Dr Neveu qui « a traité avec succès plus de 60 cas de diphtérie moyenne ou maligne ». Delbet avait alors
83 ans. Cela aurait dû être le couronnement d'une carrière magnifique. Qui, dans le corps médical, ou dans le public, se
souvient de cette communication et y a attaché de l'importance ?

Trois années plus tard, aux Journées thérapeutiques de Paris (15.10.47), à la demande du professeur Javillier, le Dr
Neveu fait part à ses confrères de son expérience « sur le traitement cytophylactique de quelques maladies de l'homme et
du bétail par le chlorure de magnésium ». Or le texte qui a été ensuite publié donne les chiffres suivants
8 cas guéris (il faut lire 58) sur 61 cas traités

- 8 cas à bacilles longs


− 16 cas à bacilles moyens
− 5 cas à bacilles courts

- 29 cas sans précision sur les caractères du B. De Loeffler.


C'est donc bien 58, et non 8 cas guéris. Malencontreuse faute d'impression, c'est le moins qu'on puisse dire. Elle
conduit la plupart des médecins à affirmer : « le magnésium de Delbet, ce n'est pas prouvé »

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Il faut alors demander à ces hommes de bonne foi s'ils ont essayé de mettre en pratique, attentivement, méthodiquement,
la découverte de Delbet. S'ils avaient essayé, comme Neveu et ses confrères, comme moi-même et d'innombrables pères
de famille, comme les éleveurs qui ont appliqué cette découverte, ils en connaîtraient l'efficacité sans faille, et ils
seraient bouleversés par ses conséquences et par sa portée générale.

Sur le plan philosophique, elle apporte un argument-clé à la notion d'immunité innée existant en puissance dans l'être
vivant, dans sa cellule initiale.

En thérapeutique, elle bouleverse les données de la médecine classique et réalise ou facilite une multitude de guérisons,
selon qu'on lui fait confiance totale, ou qu'on préfère allier ses effets à ceux d'une thérapeutique classique ou d'une
thérapeutique déjà allégée, voire biothérapique, homéopathique ou apparentée. En diététique, elle conduit à une
révision complète des principes de la nutrition minérale. On constate en effet que l'élément protecteur, c'est le
magnésium, et c'est lui qu'il faudrait mettre en avant dans les tables analytiques, à la place du calcium.

En agriculture surtout, Delbet fait encore figure de novateur. Le premier sans doute en 1945, il parle d'agriculture
BIOLOGIQUE (L'agriculture et la santé, p.81). Sa découverte conduit à condamner toute une partie de l'agronomie
classique, la place prépondérante donnée à la potasse, et ses conséquences : l'aggravation de la pathologie agricole et
humaine. Le rôle du magnésium, selon Delbet, remet en cause toute la phytopharmacie et nous permet maintenant
d'affirmer que la plupart des pesticides, en tous cas tous les organiques de synthèse, les plus polluants, peuvent être évités.
Le magnésium n'est pas le seul élément à mettre en oeuvre, mais ses effets ont décidé de l'orientation de la véritable
agriculture biologique.

Après beaucoup de difficultés, Delbet fait adopter par l'Académie de Médecine les vœux suivants, en date du
5.12.1944.
1) que soit révisée la loi (de 1888 !) admettant comme engrais les seuls éléments NPK
2) que l'attention soit attirée sur les dangers qu'entraînent pour la santé les excès d'engrais potassiques.
3) que la culture des blés non ou difficilement panifiables soit proscrite'

Remarquons que ce dernier point est l'approbation implicite de la belle oeuvre de Raoul Lemaire avec ses blés de
force.

Delbet présentait ainsi son dernier ouvrage, « L'agriculture et la santé » en 1945 : « Aucune activité humaine, par
même la médecine, n'a autant d'importance pour la santé que l'agriculture. Tant qu'agriculteurs et médecins
s'ignoreront, l'état sanitaire sera médiocre ou mauvais et il le deviendra de plus en plus ».

Sages paroles d'un grand savant, habile praticien de haute conscience et homme de synthèse par excellence. C'est
parce qu'il a voulu réaliser cette synthèse de la médecine et de l'agriculture qu'il pas été suivi par les nouveaux
savants, tous trop spécialisés dans leur propre recherche pour avoir une vue d'ensemble des problèmes biologiques.

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1 « Avoir rendu néfaste le bon pain de France, voilà un chef d'œuvre d'action négative à quoi je ne puis penser sans indignation »
(Politique préventive du Cancer, p.373)

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Et maintenant, trente cinq ans après ses dernières publications, une solution à nos problèmes médicaux et à
nos problèmes agronomiques est donnée par l'œuvre de Delbet. Hors de cette voie, nous continuerions à nous enliser dans
des problèmes insolubles, médicalement, agronomiquement, économiquement.

Delbet, le savant, Delbet le médecin, Delbet le penseur aux vastes idées, Delbet était aussi un philosophe et un esthète,
dont l'esprit était écartelé entre le positivisme de l'éducation reçue, l'acceptation pessimiste de l'anéantissement, le culte de
notre destinée nationale personnifié par Ste Jeanne d'Arc, et l'admiration de la culture grecque, mère et maîtresse de
la nôtre. Je ne résiste pas au plaisir de citer un paragraphe de son discours de réception à la chaire de chirurgie
(1910).

« Le génie grec, dont nous sommes les héritiers, n'a jamais conçu la vérité sans la beauté. Comme on voit aux
horizons lointains du désert le ciel et la terre se fondre dans la lumière frémissante, il a rêvé et nous rêvons d'un
temps où la vérité et la beauté confondues s'expliqueront par un même rythme, rêve des pythagoriciens qui
concevaient l'univers comme un nombre, rêve qui n'est pas si loin du nôtre puisque nous espérons que toutes les
lois du monde se résumeront en quelques équations rythmant les vibrations de l'éther, et qu'un jour la vérité la plus
complète à laquelle puissent arriver les hommes sera représentée par un beau rythme »

On peut se demander quelles auraient été les réactions de Delbet devant la structure de la matière, telle qu'elle
est connue maintenant. Cela aurait certainement été pour lui objet d'admiration, de contemplation, et qui sait peut-
être, la voie qu'il cherchait pour résoudre le dilemme de sa pensée.

Ceci nous conduit à une considération personnelle, quant au choix des auteurs dont l’œuvre peut nous guider, nous
apporter les lumières de leur savoir, de leur intuition et de leurs patientes recherches.

Ne cherchons pas une impossible unité de pensée : admettons que des hommes qui, sur certains points pensent autrement
que nous, peuvent nous apporter de grandes choses. Cherchons ce qui nous unit, plus que ce qui nous divise, et sans
doute au bout du chemin, aurons-nous le bonheur de nous retrouver dans la vérité.

Jean BOUCHER.

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