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Collection dirigée
par Jean-Loup Champion
JEAN CLAIR
Gallimard
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer ma gratitude à tous ceux qui ont permis la réalisation de ce livre.
D'abord à Jacqueline. Matisse-Monnier qui, depuis les travaux préparatoires à la
rétrospective Marcel Duchamp au Centre Pompidou en 1977, jusqu'à aujourd'hui, m'a
témoigné sa confiance, et en souvenir des déjeuners dominicaux qui nous réunissaient
autour de Teeny à Villiers-sous-Grez.
À Jean-Loup Champion dont le soutien constant a permis que ces travaux reprennent
leur cours.
J.C.
© Succession Marcel Duchamp 2000, ADAGP/ Paris, pour toutes les reproductions d'oeuvres
de Marcel Duchamp.
© Éditions Gallimard, 2000.
« Serais-je au comble de mon artJe vis. Et je ne fais que vivre. Voilà une
œuvre. Enfin, ce que je fus a fini par construire ce que je suis. Je n'ai plus
aucune importance. »
Un portrait provisoire
Un raté aristocratique
Mais la plus vive demeure l'échec familial, quand il voit son ambi-
tion de devenir artiste contrecarrée par ses propres frères, plus doués
qu'il n'était. Jacques Villon est un peintre fort délicat et, surtout, un
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
De la décadence au dandysme
i. Duchamp dans son atelier de la 67Rue à New York (détail d'un photo-
montage de Kiesler, Poème espace dédié à H (ieronymus) Duch'amp, reproduit
dans View, Series V, n° 1, mars 1945).
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
ego féminin Rrose Sélavy font écho aux curiosités singulières de des
Esseintes, à sa fascination pour l'athlétique et monstrueuse Miss
Urania ou pour l'éphèbe à «la marche balancée»16.
Face à un Éros qui se dérobe autant que se dérobe l'Art, demeure
le jeu, quand même serait-il d'une infinie désespérance. L'artifice sera
toujours supérieur à la Nature. Et la machine, pour le célibataire, aura
des charmes que la femme n'a pas.
Un penseur idéaliste
G. m PAV LOV.fr
Cette référence, si elle est vraie, nous ramène à cette nébuleuse occul-
tiste dans laquelle plongeaient indistinctement les artistes d'avant-
garde et les aventuriers politiques. En 1912, Munich était en effet
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
Sans doute, et bien d'autres choses encore. C'est à Munich en tout cas
qu'il découvre le thème de son Grand Œuvre et c'est dans la frénésie,
qu'il multiplie les approches de ce qui deviendra le Grand Verre
Vierge n° 1, Vierge n° 2, Mécanique de la Pudeur, Pudeur mécanique,
Passage de la vierge à la mariée, Mariée.
avant-gardes
Moins encore, en 1977, savais-je que Duchamp, dans ces années dix,
quand il échafaudait le Grand Verre, était le lecteur attentif d'un auteur
oublié aujourd'hui, Camille Revel qui, en 1909, avait publié, chez
Chacornac, c'est-à-dire à la « Librairie générale des Sciences occultes »,
et chez Durville, c'est-à-dire à la « Librairie générale du magnétisme »,
un gros livre intitulé Le Hasard, sa loi et ses conséquences dans les sciences
et en philosophie, suivi d'un essai sur la métempsycose basé sur les principes
de la biologie et du magnétisme physiologique62 ui. 12.
De cette fascination pour l'occulte témoignait, sur la couverture de
l'exemplaire possédé par Marcel Duchamp et que m'avait confié
Jacqueline Matisse-Monnier, une inscription manuscrite à l'encre
« One of the sources of the originality of Marcel Duchamp » Elle est de la
main du poète anglais David Gascoyne, à qui Duchamp l'avait confié63.
Je livre cette source inédite et décisive en bien des points à
l'examen des scoliastes futurs.
DUCHAMP, FINS DE SIÈCLE
Duchamp avait répondu que c'était là l'un des deux moyens d'éviter
« l'élément personnel subconscient en art(l'autre étant, dans la fac-
ture, d'user d'un tracé purement mécanique)
Pas de recours, donc, à l'inconscient cher au surréalisme. Mais
moins encore, aucune clinique. Aucun salut à attendre de l'œuvre. Il
n'y rien à guérir. « Étant donné que. si je suppose que je sois souf-
frant beaucoup.72»:le «Soigneur de Gravité»n'allégera pas les
semelles de plomb de l'être saturnien que Duchamp demeure.
Plutôt choisir, pour ne pas souffrir, l'anesthésie. L'absence de toute
sensation. Une ataraxie esthétique. Une suspension du jugement et
du goût.
Marcel Duchamp
14. Bouteille de Klein, Paris, Palais de 15. Marcel Duchamp, Objet-Dard, 1951,
la Découverte. plâtre galvanisé.
16. Marcel Duchamp, Feuille de vigne femelle, 1950, plâtre 17. Le vagin représenté
galvanisé. comme un pénis, gravure
tirée de l'ouvrage de
Vésale, De humani corporis
fabrica, Bâle, ,1543.
DUCHAMP, FINS DE SIÈCLE
sur sa face interne, un filet particulier qui ressemble, dit-il, «àà une
vulve faufilée» «Il y a dans l'Homme, depuis l'anus jusqu'au scro-
tum, un intervalle qu'on appelle le périnée, et du scrotum jusqu'à l'ex-
trémité de la verge, une couture qui semble être la reprise d'une vulve
faufilée.86»»
Si l'on a en tête la facture singulière de l'Objet-Dard avec sa curieuse
incrustation d'un filet de plomb qui court tout au long, on ne manquera
pas de faire le parallèle. La couture, les réseaux de «stoppage», la sou-
dure au plomb sont des termes familiers au vocabulaire duchampien.
plongé dans la gorge pour s'y nourrir est celle même de la bouteille de
Klein, sorte d'œsophage inversant continûment son contenu et son
contenant ?
Or le mouvement articulant l'intérieur et l'extérieur d'un même
volume autour d'une surface unilatère se retrouve aussi dans un
autre objet de Duchamp c'est Air de Paris m. 20. La petite fiole de
verre, pansue et terminée par un col effilé, esquisse le mouvement
de la bouteille de Klein et pose d'une certaine façon le même pro-
blème. Ce qui est «extérieur»àParis, l'air que l'on respire, l'air du
dehors, devient, transporté à New York, «intérieur», une fois
contenu dans le flacon, la poche de 50 cc. Le soi-disant ready-made
est de nouveau un objet étrangement poétique et longuement
médité, un piège à rêver qui, dans son apparente banalité, ouvre
une réflexion sur la réversibilité des phénomènes selon le point de
vue de l'observateur.
Être un homme ou être une femme est une question de point de
vue, qui développe ou qui enveloppe la surface d'un seul et même
«Objet-Dard». Respirer est aussi question de point de vue, qui fait
inhaler l'air extérieur du lieu ou l'on se trouve, où considérer l'air cap-
tif du lieu que l'on a quitté. Cette différence infinitésimale, que
marque la paroi transparente d'une capsule de verre, c'est ce que résu-
mera la notion d'« infra-mince». « Quand la fumée de tabac sent aussi
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
notes sur cette œuvre énigmatique, qui sera dévoilée en 1968, remon-
tent à. 1915. De 1915 également les notes sur La Pendule de profil, qui
ne verra le jour qu'en 1960. Étonnante persévérance d'une œuvre éton-
namment centrée, alors que tout, autour d'elle, se disloque. Mais un
chef-d'œuvre, en ce demi-siècle, est il encore possible ?
Un sacer archaïque
Duchamp l'apostat
25. Planche tirée de Du Breuil, La pers- 26. Marcel Duchamp, Fresh Widow, 1920,
pective pratique nécessaire à tous les New York, The Museum of Modern Art.
peintres. Paris, 1649.
27. Marcel Duchamp, La Bagarre d'Austerlitz, 28. Marcel Duchamp, Porte pour
1921, New York, collection particulière. Gradiva, 1937, Stuttgart, collection
Myriam et Dieter Keller.
68
THAUMATURGUS OPTICUS
Le Géométral et le Perspectif
30. Planche tirée de Du Breuil, La perspective pratique nécessaire à tous les peintres.
Paris, 1649.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
31. Planche tirée de Du Breuil, La perspec- 32. Planche tirée de Jean Pélerin Viator, De
tive pratique nécessaire à tous les peintres. Artificiali Perspectiva, Toul, 1505.
Paris, 1649.
33. Marcel Duchamp, Neuf Moules mâlics, 1914, Paris, Collections du Centre Georges
Georges Pompidou, Mnam.
La Machine Célibataire
36. Marcel Duchamp, Les Tamis, détail du Grand Verre 37. Planche tirée de Du
(ill. 23). Breuil, La perspective pratique
nécessaire à tous les peintres.
Paris, 1649.
2. Le Chariot
Volume régulier, parallélépipède rectangle, le chariot est tracé
selon une perspective qui en «force le dessin»16. En fait, le volume
est anamorphose de la même façon que la Chaise dans le
Thaumaturgus opticus de Nicéron. Le Chariot vient en avant crever
la surface du Verre tandis qu'en arrière, si l'on prolonge ses arêtes,
les lignes se rejoignent au point de fuite, au milieu de la ligne
d'horizon, de même que sur la planche de Nicéron, les lignes de
fuite de la chaise se rejoignent au point Q de la ligne d'horizon QR
ill. 34, 35.
THAUMATURGUS OPTICUS
38. Marcel Duchamp, des- 39. Planche tirée de Athanase Kircher, Musurgia
sin pour la Roue de moulin, Universalis, Rome, 1650.
1913, New York, Cordier et
Ekstrom.
3. Les Tamis
Corps réguliers, les cônes sont des figures élues des traités de pers-
pective. La façon de les représenter abonde. En outre, dans les cabi-
nets d'anamorphoses, ils étaient fréquemment utilisés pour redresser
les images; dans la machinerie célibataire, on sait qu'ils servent à
«redresser»le gaz qui les parcourt ai. 36, 37.
41. Marcel Duchamp, À regarder (l'autre côté du Verre) 43. Planche tirée de Emmanuel
d'un œil, de près pendant presque une heure, 1918, Maignan, Perspectiva Horaria,
New York, The Museum of Modern Art, legs Rome, 1648.
Katherine S. Dreier.
44. iVIarcel Duchamp, LesTémoins oculistes, 1920, Philadelphia Museum of Art, The Louise
and Walter Arensberg Collection.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
(en fait, de même que la lentille focalise les rayons solaires et les pro-
jette, de même l'œil qui s'y substitue exactement, projette les rayons
visuels. Cette lentille, prévue dans le Grand Verre, n'y sera finalement
pas collée).
On reviendra sur cet étrange dispositif astronomique imaginé par
Duchamp, que complète une pyramide, autre instrument de mesure
sidérale, qui coiffe l'obélisque; ce ne sont pas toutefois les rayons
solaires qui sont ici captés et renvoyés par la lentille surmontant le
style mais, dit-il, les images des gouttes de l'éclaboussure, chacune
« renvoyée miroiriquement dans la partie haute du Verre, en rencontre
avec les neuf Tirés »20. Dispositif, autrement dit, permettant de « bran-
cher»l'énergie amoureuse des célibataires sur le corps de la Mariée,
de diriger leurs « coups », mais aussi dispositif assurant, à la charnière
des deux parties du Verre, le passage entre le perspectif et le géomé-
tral, entre le tridimensionnel et le quadridimensionnel, changement
d'état que produit l'accomplissement érotique même puisque, selon
THAUMATURGUS OPTICUS
9,
B:
TRAITE IV. PRATiQVE V1U. Fi
Le Domaine de la Mariée
1. Le Pendu femelle
La Mariée est littéralement pendue au bâti supérieur du Verre
par quatre crochets. Il est difficile de ne pas mettre cet arrangement
particulier en rapport avec la partie des traités de perspective qui,
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
2. La Voie Lactée
Le contour chantourné et capricieux qui circonscrit la Voie Lactée
ne manque pas d'insolite. « Nuages Louis XV »24 écrit Duchamp à son
propos. La délinéation évoque la forme que prendrait un fil très fin
laissé lâche et appelle, par conséquent, l'image des Stoppages-Étalon
dont on sait que la silhouette fut obtenue par un fil tombant à son gré
et donnant «une figure nouvelle de l'unité de longueur»25.
Or, si la Voie Lactée est l'« épanouissement cinématique» de la
Mariée, son «auréole», sa culmination au royaume de la quatrième
dimension, son apparition doit en quelque sorte emprunter à cette
« physique distenduequi a pour mètre-étalon les contours hasardeux
des Stoppages.
THAUMATURGUS OPTICUS
54. Marcel Duchamp, Tu m', 1918, New Haven, Yale University, legs Katherine S. Drier.
Anamorphoses
Toute son œuvre se pourrait ainsi classer selon le point de vue qui
commande telle ou telle de ses productions
Vision monoculaire A regarder d'un œil, de près, pendant presque une
heure.
57. Marcel Duchamp, Stéréoscopie à la main, 1918-1919, New York, The Museum of
Modem Art.
De l'Anamorphose à l'Anaglyphe
Glyphes et Graphes
Allons plus loin. Si toute forme est la projection d'une autre forme, si
toute apparition ici-bas représente ou répète une apparence qui n'est à
son tour que l'apparition d'une autre forme selon l'enchaînement circu-
laire des anamorphoses, sans qu'on puisse jamais dire quelle forme est
première et quelle est dérivée, quelle est principe et quelle est seconde,
THAUMATURGUS OPTICUS
60. Albrecht Dürer, Le dessinateur du modèle féminin, planche tirée de L'Instruction sur la
manière de mesurer à la règle et au compas, Nüremberg, 1525.
Le Point de Sexe
Une gravure sur bois de la fin du XVe siècle, tirée du Jeu d'échecs de
Jacobus de Cessolis, figure un portrait double de joueurs d'échecs
m. 6i. Contrairement au reste de la composition où s'ébauche une
vision perspective, qu'indiquent par exemple les lignes fuyantes du
plafond, l'échiquier est figuré en vision géométrale et les pions eux-
mêmes, sur les cases, se distribuent en projection de profil. Le paral-
lèle que l'on pourra mener avec les dessins et la peinture de Duchamp
ici analysés n'est peut-être pas tout à fait fortuit, à découvrir ainsi que
Maurice Raynal, quand il s'interrogea sur la nature du cubisme, ne
succomba pas seulement au goût d'une belle image en comparant la
démarche de ses amis à celle des « Primitifs », mais approcha d'une
vérité certaine «Au lieu de peindre les objets tels qu'ils (les Primitifs)
les voyaient, ils les peignaient tels qu'ils les pensaient, et c'est juste-
ment cette loi que les Cubistes ont reprise, amplifiée et rigoureuse-
ment réglée sous le nom bien connu de quatrième dimension. 1»
La suite de notre analyse nous amènera en effet à considérer que la
«révolution»amenée par l'art moderne, après 1910, n'aura peut-être
été qu'une régression, qui substitue, pour reprendre les termes de
Panofsky, à la vision « anthropocentriquede la projection perspec-
tive, une vision « théocentrique », soit à la représentation phénoménale
des apparences (phainomenon), la manifestation de l'essence des
choses (oucia) Z.
Prenons donc un élément, une forme unique dont on aura à étudier
les inclusions ou les exclusions, quelque chose comme un signe diacri-
tique, une unité discrète dont le pouvoir de séparation soit suffisant à
nous éviter les glissements de sens. Cette unité discrète, nous la trou-
verons dans le damier. Forme pure et objet concret, figure géométrique
mais aussi figuration d'un instrument, motif mais encore symbole, non
par hasard, sa fréquence d'apparition est aussi élevée, dans la période
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
61. Planche tirée de Jacobus de Cessolis, Game of chest, Westminster, vers 1482.
62. Paris Bordone, Une partie d'échecs, 63. Man Ray, L'échiquier, V. Halberstadt et
1550-1555, Berlin, Staatliche Museen. M. Duchamp, photomontage, vers 1932.
113
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
d'épaisseur, réduits à n'être plus que des ombres portées, plates, sans
profondeur. En revanche, ce qu'elles ont perdu en tridimensionnalité,
en illusion volumétrique, elles semblent le regagner en bidimensionna-
lité puisque le profil de chacune d'elles est démultiplié, répété, déplacé
parallèlement à son tracé et selon des écarts toujours égaux entre eux.
En fait, tout se passe comme si l'échiquier, de motif, était ici devenu le
tableau lui-même, imposant à ce dernier et sa propriété topologique,
d'être un espace plan, et ses principes de parcours et de distribution.
Une étude rapide des dessins préparatoires à l'oeuvre confirmera cette
direction m. 64 et 67.
L'un des tout premiers, d'octobre 1911, Étude pour les joueurs
d'Échecs*, montre une structure symétrique de deux visages traités en sil-
houette m. 64. Retenons pour l'instant cette structure en miroir nous y
reviendrons. Une seconde étude à l'encre paraît multiplier les axes de
symétrie vertical et horizontal, mais aussi obliques. Divers procédés de
construction perspective semblent entrer en conflit, comme en témoigne
l'ébauche du damier aux lignes fuyantes, qui contredit le reste de la com-
position m. 65. On examinera un troisième dessin dont on remarquera
essentiellement qu'il est de forme carrée et que les pions se distribuent
sur sa surface comme sur un échiquier m. 66. Le dernier dessin de la série
est plus complexe. On y retrouve la structure en miroir du premier
autour d'un axe vertical mais ici, le carré central est dédoublé, à gauche
et à droite, par deux carrés plus petits, l'ensemble dessinant la forme
d'une croix m. 67.
C'est vers la même époque, entre 1910 et 1913, que le thème du
damier va aussi bien revenir comme un leitmotiv chez tout un groupe
de peintres cubistes et plus spécialement ceux qu'on peut situer autour
du groupe de Puteaux. On citera ainsi la Nature morte au damier de
Marcoussis de 19125 m. 69 et Le Damier de Juan Gris de 19156 m. 70.
Chaque fois, la surface plate, bidimensionnelle du damier se confond
avec celle de la toile. Inversement, la toile cesse d'être une fenêtre
ouverte, la fenestra aperta per donde io miri quello que quivi sara dipinto,
pour reprendre la définition que donnait Alberti de la perspective, pour
devenir un espace plan, sans profondeur, redressé à la verticale, littéra-
lement une grille sur laquelle vont s'accrocher divers éléments, comme
les pions d'un échiquier.
De la grille toujours, de la trame assurant désormais une distribution
régulée d'éléments sur une surface sans échappée relève encore La Ville
L'ÉCHIQUIER À TROIS DIMENSIONS
67. Marcel Duchamp, Pour une partie d'échecs, 1911, collection particulière.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
68. Marcel Duchamp, Portrait de 69. Louis Marcoussis, 70. Juan Gris, Le Damier,
joueurs d'échecs, Philadelphia Le Damier, 1912, Paris, 1915, Chicago, The Art
Museum of Art, The Louise and Collections du Centre Institute.
Walter Arensberg Collection. Georges Pompidou,
Mnam.
71. Robert Delaunay, La Ville, 1910, Paris, Collections du Centre Georges Pompidou, Mnam.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
I £]
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72. Piet Mondrian, Composition aux plans de 73. Piet Mondrian, Composition dans le
couleurs n"3, 1 9 1 7,La Haye, Gemeentemuseum. damier en couleurs claires, 1919, La Haye,
Gemeentemuseum.
74. Planche tirée de Abraham Bosse, 75. Juan Gris, Trois cartes, 1913,
Manière universelle de M. Desargues, collection particulière.
1648.
Ckan\[\ioft!\atdeyïdr\ce 1925
du2aul1-£{itanbrca
a
77. Marcel Duchamp, projet de couver- 78. Marcel Duchamp, Roi et Reine,
ture pour La septième face du dé de gravure, 1968.
Georges Hugnet, 1936.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
83. Jacques Villon, La table 84. Jacques Villon, La table d'échecs, 1919,
d'échecs, 1919, dessin, Paris, Paris, galerie Louis Carré.
galerie Louis Carré.
l'on tente, que ce n'est pas après tout l'effet du hasard si la redécou-
verte de la véritable figure de Léonard de Vinci prend place au tour-
nant du siècle dernier, dans ces années précisément où Marcel
Duchamp cherche sa voie et bientôt s'y engage. C'est dans les années
entre 1890 et 1915 que se situe la crise qui ébranle l'interprétation du
corpus vincien, dans le même temps où la « légende» entourant la per-
sonnalité de son auteur, prend, à la faveur du climat symboliste de
l'époque, des proportions démesurées. Citons les dates de quelques
œuvres essentielles qui jalonnent cette redécouverte ou qui alimentent
cette légende: Walter Pater, 1873; Berenson, 1896; A. Rosenberg,
1898 et 1913; Müntz, 1899; Heinrich Wôlfflin, 1899; Merejkovski,
1901, avec son fameux Roman de Léonard de Vinci; Gabriel Séailles,
1906, avec son Essai de biographie psychologique; Lionello Venturi,
1919; sans oublier bien sûr l'essai de Freud, Un souvenir d'enfance de
Léonard de Vinci, 1910, et celui même de Valéry dont il est ici ques-
tion, dont les deux dates sont 1894 pour l'Introduction et 1919 pour la
Note et digression. Il serait étonnant que Duchamp n'eût pas été tou-
ché, à un moment ou à un autre, d'une façon ou d'une autre, par cette
effervescence autour d'une œuvre, et par cette avalanche d'écrits et de
réflexions. Du moins sait-on, de façon sûre, que les conversations du
groupe de Puteaux tournaient avec insistance autour du Traité de la
peinture, que venait, en 1910, de traduire Péladan. Duchamp dut bien,
plus d'une fois, recueillir les éclats de ces discussions.
Pour ce qui nous occupe, on dira que le rapprochement essentiel
c'est bien, entre les deux époques, une pareille mise en cause du sta-
tut de l'artiste au sein de la société, ou bien encore de sa réputation. Au
regard d'un esprit aristocratique comme Marcel Duchamp, la situa-
tion faite au peintre dans la société bourgeoise du tournant du siècle,
qu'il s'agît du peintre officiel exposant chaque année au Salon sa
machine qu'on relise un peu les Chroniques d'art d'Apollinaire pour
se remettre en tête des noms aujourd'hui quelque peu oubliés, comme
Dubufe, Dagnan-Bouveret, Boutet de Monvel ou qu'il s'agît du
peintre montmartrois, du rapin à la Raffaelli, dont il partagera l'exis-
tence, après tout, dans les premières années de son séjour à Paris,
n'était pas plus satisfaisante qu'aux yeux de Léonard le fait qu'on
considérât la peinture comme un art mécanique et le peintre guère
mieux qu'un domestique. Aussi bien, la revendication de ce dernier,
que la peinture devînt art libéral, qu'elle fût cosa mentale, Duchamp ne
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
pouvait-il que la reprendre, assurant que son projet n'avait jamais été
autre que de «mettre la peinture, de nouveau, au service de l'esprit».
On se souviendra ici de la lettre envoyée à Isabelle d'Este par
son homme de confiance, Piero de Nuvolaria « La vie de Léonard
est imprévisible; il semble vivre au jour le jour (.)• Ses travaux de
mathématiques l'ont à ce point dégoûté de la peinture qu'il sup-
porte à peine de prendre un pinceau.» « Impacientissimo al pen-
nelo.»:Comment ne pas appliquer ce trait à l'ermite de l'art
contemporain qui, ayant découvert combien, selon son mot, les
peintres étaient devenus «stupides», ne pouvait que souhaiter
rompre avec leur confrérie, et vivant désormais lui aussi au jour le
jour, à l'écart du monde, dans des retraites dont le secret restait
gardé, s'adonner à des activités si étranges et si diverses qu'elles ne
pouvaient que donner perpétuellement le change, à peine artiste, à
peine écrivain, à peine joueur d'échecs, musicien à l'occasion, qui
et quoi, exactement? Et, de même que Léonard, assuré trop tôt,
dans l'atelier de Verrochio, de sa supériorité manuelle, allait décla-
rer sa nausée du pinceau, tel Duchamp, bien vite assuré, à confron-
ter ses œuvres de jeunesse à celles de ses aînés, allait déclarer sa
méfiance de la térébenthine.
Sans doute ici, faudrait-il démêler les rapports complexes qui se
nouèrent entre Duchamp et sa famille, l'accident biographique essen-
tiel ayant été, non pas, comme l'assure tel de ses biographes, qu'il ait
été amoureux de sa sœur Suzanne, mais bien qu'au moment d'entrer
dans la carrière, de devenir peintre lui aussi, il en ait été empêché par
ses propres frères, cravatés et de noir habillés, lui signifier de retirer son
tableau d'un Nu descendant un escalier. Interdit brutal jeté sur son ambi-
tion dont on n'a pas encore assez peut-être mesuré les conséquences.
Car j'imagine assez bien qu'à partir de ce moment-là, à partir de cet
échec-là, prononcé par ses aînés, le jeune Marcel ne pouvait désormais
qu'envisager d'un tout autre œil ceux qu'hier encore il vénérait et dont
il écoutait les théories, c'est-à-dire désormais voir en Jacques Villon,
sempiternellement habillé de sa blouse blanche d'apothicaire, l'artiste
honnête mais ennuyeux qu'il était, et en Raymond quelqu'un dont l'ac-
tivité manuelle était à mépriser au même titre que Léonard méprisait
Michel-Ange, parce que, après tout, la sculpture «engendre sueur et
fatigueet que celui qui l'exerce est «enfariné de plâtre comme un
mitron»7. Son ambition à lui, le cadet, c'était déjà d'instaurer quelque
SPECTACULA PARADOXA RERUM
méthode, où fondre les trois registres, celui du peintre, mais aussi celui
de l'intellectuel et enfin celui de l'artiste universel, du polytechnes, deve-
nir enfin à son siècle ce que Léonard avait été au sien, l'homme d'un
certain maniérisme, le dandy cérébral et mélancolique, dans une dis-
tance aristocratique face à la société et dans la solitude d'une chambre
plus proche du poêle du philosophe que de l'atelier de l'artisan.
Chercher enfin ce qui se dissimule derrière la réalité physique naturelle,
« assis à son aise devant son œuvre et bien vêtu »8.
De là sans doute des traits communs à l'un et à l'autre, trop précis
pour être le fruit de pures coïncidences.
Et tout d'abord, la minceur de la production. Peu d'œuvres entre-
prises, moins encore d'œuvres réalisées. Si l'on exclut les esquisses, à
peine une vingtaine chez l'un, le même nombre chez l'autre. Parmi
elles, les plus importantes restent inachevées, tels l'Adoration des mages
et le Saint Jérôme de l'un, tel, bien sûr, le Grand Verre du second.
Corollaire de cette rareté de la production, son extrême lenteur.
Léonard met trois ans à peindre la Cène de Milan et l'un de ses
contemporains, Matteo Bandelli, nous rapporte que des périodes de
fièvre intense alternent avec des jours entiers d'inactivité où le peintre
ne peut plus toucher à son œuvre. De même, il travaille pendant plus
de quatre ans sur le portrait de Monna Lisa, sans pouvoir le terminer,
nous rapporte Vasari, ce que confirme le fait que le tableau ne fut
jamais livré au destinataire. Duchamp, de même, travaillera treize ans
sur son Grand Verre, vingt ans sur Étant donnés, chronologies longues
durant lesquelles alternent des périodes de fabrication intense et des
périodes de réflexion oisive.
Il ne nous appartient pas de suivre ou non Freud lorsqu'il voit en
Léonard le type parfait d'un certain développement psychologique où
«la recherche devient, dans une certaine mesure, obsession et "ersatz"
de l'activité sexuelle» et dans lequel, grâce à un type particulier de
sublimation, « l'instinct peut librement se consacrer au service actif des
intérêts intellectuels». Léonard, dit-il, serait parvenu, après une
période infantile d'activité intellectuelle au service d'intérêts sexuels, à
sublimer la plus grande partie de sa libido en instinct d'investigation.
Tels seraient l'essence et le secret de son être 9.
Il ne nous appartient pas non plus de décider si cette investigation
intellectuelle née de la sublimation si parfaite d'une libido précoce,
et si impérieuse qu'elle diffère sans cesse la réalisation matérielle
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
89. Marcel Duchamp, La Mariée, 1912, 91. Léonard de Vinci, Dissection des organes
Philadelphia Museum of Art, The principaux d'une femme.
Louise and Walter Arensberg Collection.
92. Marcel Duchamp, Coin 90. Léonard de Vinci, dessin 93. Léonard de Vinci, dessin
de chasteté, 1951-1952. anatomique. anatomique.
SPECTACULA PARADOXA RERUM
C'est ici sans doute que les similitudes sont les plus grandes, dans
ce regard distancé porté sur le fonctionnement secret de l'organisme,
dans ces biomécanomorphies par l'un et l'autre dessinées dans ce
dessin anatomique d'un corps de femme de l'un dans ces autres
dessins d'écorchés féminins que sont la Mariée de 1912 et le Passage
de la vierge à la mariée de l'autre m. 89, 90, 91. Plus curieuses encore, les
réflexions sur la réversibilité des organes sexuels, cette méditation sur
le positif et sur le négatif d'un même corps qui en fait, comme un doigt
de gant qu'on retournerait, tantôt un organe mâle, tantôt un organe
femelle. La scène de l'accouplement chez Léonard semble ainsi déve-
lopper dans le domaine de la bidimensionnalité d'une coupe sagittale
sur une feuille plane, ce que la série des quatre sculptures érotiques de
Duchamp, depuis Not a Shoe jusqu'à l'Objet-Dard, développera à par-
tir de la tridimensionnalité de l'objet volumétrique ai. 92.
On rapprochera encore, dans leur abrupte nudité, le dessin anato-
mique d'une vulve chez Léonard m. 93 et l'exhibition du même organe
SPECTACULA PARADOXA RERUM
97. Léonard de Vinci, La Vierge aux 98. Marcel Duchamp, Étant donnés 1° La chute
rochers (détail), Paris, musée du d'au 2° Le gaz d'éclairage (détail), 1946-1966,
Louvre. Philadelphia Museum of Art, The Louise and
Walter Arensberg Collection.
S'il nous était permis en effet de faire ici une digression, on dirait
que le Jeune Homme triste dans un train n'est si triste que parce qu'il
sait que le mouvement qui l'anime n'est plus désormais un absolu,
une réalité en soi, comme il l'était d'après la mécanique classique
obéissant aux systèmes de coordonnées galiléens, mais quelque
chose de relatif au système d'observation. Lorsque Duchamp
explique à Cabanne que ce qu'il a voulu représenter dans ce tableau,
c'est l'interaction de deux mouvements « d'abord l'idée du mouve-
ment du train puis celle du jeune homme triste qui est dans un couloir
et qui se déplace » et, par conséquent, qu'« il y avait deux mouvements
parallèles correspondant l'un à l'autre», comment ne pas rappeler
que lorsque Einstein, en 1905, soit cinq ou six ans avant cette toile,
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
Marcel Duchamp
104. Marcel Duchamp, Morceaux choisis 105. Marcel Duchamp, Morceaux choi-
d'après Courbet, gravure. sis d'après Ingres I, gravure.
160
MOULES FEMÂLICS
108. Gustave Courbet, La Femme au perroquet, New York, The Metropolitan Museum of Art,
legs Mrs. H. O. Havemayer, 1929.
Il dresse devant l'oeil ou plutôt devant les deux yeux, enfin dans
la profondeur d'un espace tridimensionnel ce que le réalisme selon
Courbet se contentait d'offrir sur la surface bidimensionnelle d'une
toile. Réalisme poussé à la limite? Réalisme poussé à l'absurde? Et
l'environnement de Philadelphie annoncerait, là encore, comme d'autres
aspects de l'œuvre annoncent le Pop Art ou l'Art conceptuel, la sculp-
ture hyperréaliste d'un de Andrea ou d'un Duane Hanson ? Il s'agit de
tout autre chose. Car ces choses visibles, ressortissant à la catégorie
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
i lo. Marcel Duchamp, Coin de chasteté, 1954, New York, The Museum of Modern Art.
Don de Mr. and Ms. Solomon Ethe.
tère distinctif. C'est le même objet que tantôt nous verrions comme
« mâle » et tantôt comme « femelle », dans ce parfait renvoi miroirique
des corps qui suppose, pour qu'il ait lieu, l'existence d'une quatrième
dimension.
En 1904, alors que Marinetti lisait à Rome pour la première fois ses
poèmes, Maurice Maeterlinck écrivait une petite pochade qui, sous le
titre de En automobile, fut publiée dans Le Double Jardin1.1.
Or, la lecture de cet écrit montre maints parallèles étonnants avec la
relation que Marcel Duchamp devait faire d'un autre voyage automo-
bile, exécuté en 1911 dans le Jura, en compagnie de Gabrielle Buffet,
d'Apollinaire et de Picabia, et qu'il consigna dans les toutes premières
notes de sa Boîte verte. Elles sont, on le sait, à l'origine de son opus
magnum, La Mariée mise à nu par ses célibataires, même, dit encore le
Grand Verre. En fait, l'expérience de l'espace et du temps qui se
trouve ici et là traduite, et si étonnante à l'époque pour des sensibili-
tés vierges, avance ce que Marcel Proust, quelque quinze ans plus
tard, décrira à son tour dans Sodome et Gomorrhe.
Dans l'ouvrage de Maeterlinck, la voiture se trouve successivement
décrite comme une «bête merveilleuse», un « animal inconnu », un
«hippogriffe suspect» (pp. 51-53). Quand le poète tente d'en décrire
le fonctionnement, il parle de sa « physiologie » et c'est ainsi qu'il décrit
cet organisme inouï « Son âme, c'est l'étincelle électrique qui, sept à
huit cents fois à la minute, vient enflammer son souffle. Son terrible
cœur compliqué, c'est d'abord ce carburateur au double visage étrange
qui dose, prépare, volatilise l'essence, fée subtile endormie depuis la
naissance du monde qu'il rappelle au pouvoir et qu'il unit à l'air qui
la réveille. Ce mélange redoutable est avidement pompé par le gros
viscère voisin qui contient la chambre d'explosion, etc. » (p. 54). Face
à cette machine étonnante dont l'homme de ce début de siècle saisit
encore mal l'agencement, le poète symboliste recourt au vieil arsenal
des métaphores du corps humain. « D'où sortent-ils ces mots, demande
Maeterlinck, qui naissent tout à coup, au moment nécessaire, pour
fixer dans la vie les êtres ignorés hier ? »
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
Or, sept ans plus tard, Marcel Duchamp, héritier des symbolistes
mais aussi initiateur d'un art nouveau, renverse la comparaison.
L'organisme inconnu, c'est désormais « une Mariée en son état d'épa-
nouissement». Et la référence qui peut permettre d'expliquer le pas-
sage de l'état de Vierge à l'état de Mariée, tout comme son fonction-
nement de corps érotique, c'est «un moteur automobile», actionné
par «l'essence d'amour, sécrétion des glandes sexuelles de la mariée ».
« La puissance timide de la mariée », qu'il appelle « une sorte d'auto-
mobiline », est distribuée au « moteur à cylindres faibles » au contact
« des étincelles de sa vie constante (magnéto-désir) »2. La phase la
plus curieuse du mouvement du moteur de la mariée est son système
électrique que Duchamp tente de décrire, constitué d'une part des
«étincelles de la vie constante de la mariée », produites par la
« magnéto-désir », et d'autre part des « étincelles artificielles » que pro-
duit « la mise à nu électrique». C'est la combinaison de ces deux sys-
tèmes qui règle, dit Duchamp, « l'horlogerie de l'épanouissement »3.
La tentative de description de cette machinerie complexe qui, tout
à la fois, semble produire du désir et régler la montée de ce désir, est
aussi fantastique que la description que Maeterlinck donne de l'avance
à l'allumage c'est « l'inflammation des gaz explosifs par l'étincelle
électrique; cette explosion peut être avancée ou retardée par rapport
à la course du piston selon les besoins du moteur. Quand on met
l'avance à l'allumage, l'étincelle jaillit quelque millième de seconde
avant l'instant où elle devrait logiquement se produire. » L'avance à
l'allumage, ajoute Maeterlinck, nous introduit à la notion d'un «temps
infinitésimal»(p. 56). On est là tout près, et de l'« exposition extra-
rapidedont parle Duchamp, de son « retard en verre », enfin de ce
qu'il nommera bientôt «l'infra-mince»4.
Toujours est-il que voilà la voiture lancée sur la route. Cette route
apparaît à Maeterlinck d'abord régulière, «mais bientôt, elle s'anime
davantage, elle bondit, elle s'affole, elle se précipite sur moi, elle roule
sous le char comme un torrent furieux qui me fouette de son écume,
m'inonde de ses flots, m'aveugle de son souffle(p. 61). La métaphore
est celle d'une hiérogamie l'espace lui-même est sexualisé, qui finit
par engloutir l'automobiliste sous les sécrétions multiples de son extase
cinématique. La même image se retrouve chez Duchamp. La Mariée,
qui est « un moteur à deux temps » et qui monte vers « l'épanouissement
cinématiquede son désir (la Voie Lactée), est comparée à «la voiture
MÉTAPHORES AUTOMOBILES
F.f VIII Hl! il uppamllagra hiinunx (rn •>« «rncnlo nE. m mi, h .ii,^ IU)OI
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_(l'CIc-.).
0 « i pckur (nluu dufw iu.1 It Ir.ki «utaur l« >nrulwi*aiL
114. Planche tirée de Dr Louis Chauvois, 115. Planche tirée de Dr Louis Chauvois,
La Machine humaine enseignée par la La Machine humaine enseignée par la
Machine automobile, 1926. Machine automobile, 1926.
Duchamp.
elle et forge son identité par elle, la photographie, donc, impose son
primat technique à toutes les autres formes artistiques, et particulière-
ment à la peinture et à la sculpture. Duchamp ne « passepas de
l'autre côté; il ne cesse pas d'être artiste pour devenir photographe, et
moins encore artiste-photographe, mais prenant en compte, avec la
plus grande précision, les données nouvelles apportées par l'enregis-
trement photographique à la vision du monde réel, il en tire toutes les
conséquences à l'intérieur de sa pratique.
Il est étonnant ainsi de constater que l'œuvre entier de Duchamp,
dans sa propre démarche, paraît reprendre et récapituler le dévelop-
pement même de la photographie. Couche après couche semblent se
retrouver les sédiments d'une réflexion qui recouvre les découvertes
successives d'une même science. Au début, dès 1910, alors qu'il tente
de s'éloigner de la représentation naturaliste traditionnelle, ses pre-
miers portraits évoquent invinciblement les premiers essais de fixer un
profil sur une plaque sensible. Cinquante ans plus tard, ses dernières
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
œuvres évoqueront les découvertes les plus abouties et les plus sophis-
tiquées de la science photographique, la photo en relief.
Tout se passe comme si la photographie, ayant posé un regard
vierge sur le monde, d'abord frêle et inaccoutumé, puis de plus en plus
affirmé, avait amené la peinture, à son tour, à se retourner vers les ori-
gines de la vision, c'est-à-dire vers une vision proprement rudimen-
taire, mais aussi une vision qui, à mesure qu'elle se préciserait, allait
inaugurer un art absolument nouveau.
« Ombres portées»
124. Portrait à la silhouette 120. Marcel Duchamp, 121. Alfred Stieglitz, Marcel
publié dans Camera Work, Autoportrait de profil, 1963. Duchamp, New York, 1923.
New York, 1904.
PUDHISgE, IHSTaBTBWEISMt ^O
journal de [Muixàm ^r
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L"T\\T"fl!1\1",nnul.
122. Francis Picabia, 123. Joseph Stella, Marcel
Portrait de Rrose Sélavy, Duchamp, New York,
V, 1924 (couverture The Museum of Modern
du boxeur Georges
Carpentier).
Duchamp ai. 126. Il témoigne à l'évidence qu'après avoir épuisé les res-
sources du cézannisme, celui-ci, non sans intérêt, commençait de
regarder vers l'œuvre de Matisse, de Braque, de Derain et de Van
Dongen.
En plus d'un point cependant, à la bien considérer, l'œuvre en ques-
tion continue de se distinguer de l'esthétique fauviste et témoigne d'une
étrange singularité. Si les tons sont devenus intenses, l'importance don-
née aux indigos, aux garances, au bleu de Prusse, fait plus penser à la
palette d'un Odilon Redon qu'à celle de Matisse. Rappelant aussi
Redon, que Duchamp regarde alors avec autant d'attention que les
Fauves, les irisations entourant le corps du personnage comme un halo.
On est ici plus proche du symbolisme Laforgue et Mallarmé restent
ses poètes favoris, en attendant, l'année suivante, que la découverte des
Impressions d'Afrique de Roussel entraîne son imagination vers d'autres
rivages que du naturalisme pleinairiste des Fauves.
Mais revenons sur ces irisations. D'une part elles entourent le
visage du personnage comme un nimbe entoure la tête d'un saint dans
une peinture ancienne; d'autre part et surtout, elles émanent de sa
main gauche, aux doigts largement écartés et tendus, comme si eux-
mêmes, au cours de quelque expérience de laboratoire, étaient la
source de ce rayonnement.
Walter et Louise Arensberg acquirent la toile en 1951 et ne man-
quèrent pas d'être immédiatement frappés par ce détail. Dans une
lettre en date du 14 juillet 1951, où apparaît par ailleurs le mot de
« occulte » (il semble que Walter Arensberg se soit intéressé à des mou-
vements comme la Rose-Croix), ils demandent à Duchamp l'explica-
tion de cette forme curieuse «en forme de brouillard, d'aura ou de
haloqui entoure la main. Une semaine plus tard, Duchamp leur
répond
« Le "halo" autour de la main, qui n'est pas expressément motivé
par la main de Dumouchel, est un signe de mes préoccupations sub-
conscientes vers un métaréalisme il n'a pas de signification définie ni
d'explication, sinon la satisfaction d'un besoin pour le "miraculeux"
qui a précédé la période cubiste." ,)Il
Quand on connaît le silence de Duchamp à l'égard de son œuvre,
son goût de l'understatement et sa passion de la litote, on pourra pen-
ser que c'était là trop dire ou trop peu. Car ce phénomène de halo est
loin d'être occasionnel dans son œuvre on le retrouve entourer le
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
.J1
127. Marcel Duchamp, Le Buisson, 1910-1911, 129. Marcel Duchamp, La mariée mise à
Philadelphia Museum of Art, The Louise and nu par ses célibataires même, gravure,
Walter Arensberg Collection. 1968.
Or, bien plus qu'aujourd'hui l'effet Kirlian dans les milieux intéressés
par les mystères de la parapsychologie, les photographies obtenues
par l'ingénieur russe suscitèrent au tournant du siècle dernier une
immense curiosité dans le public européen, et tout particulièrement en
France. Non seulement les revues médicales et scientifiques les rela-
tèrent, mais aussi les revues de vulgarisation à grand tirage. C'est ainsi
que La Nature cet extraordinaire magazine qui devait tant impres-
sionner Raymond Roussel, et qu'il est inconcevable que Duchamp,
dans le petit milieu provincial cultivé qui était le sien à Blainville,
n'ait pas feuilleté dans son numéro du 30 octobre 1897 relatait, en
les illustrant, les expériences menées par MM. Luys et David qui
concluaient à l'enregistrement par la plaque photographique des
effluves invisibles qui se dégagent de la main m. 131. L'hypothèse
devait être reprise plus prudemment par un certain capitaine Colson
qui devait faire à ce sujet une communication à la Société française de
photographie l'article parut dans La Nature du 5 février 1898 la
main dégageait des effluves invisibles que la photographie, dans cer-
taines conditions expérimentales, pouvait capter.
Si ces expériences impressionnèrent tant les esprits, c'est bien parce
qu'elles apportaient un semblant de preuve aux hypothèses les plus
extravagantes concernant les phénomènes spirites. Il est difficile aujour-
d'hui d'imaginer précisément ce que fut le climat intellectuel de cette
fin de siècle où le scientisme le plus borné pouvait aller de pair avec
les élucubrations les plus folles concernant la survie, la réincarnation
et l'évocation des esprits. Spiritisme et médiumnité n'étaient pas seu-
lement le fait des adeptes d'Allan Kardec les plus grands savants du
temps s'en portaient garants. Camille Flammarion faisait tourner les
tables avec application, et parler les esprits15. Un mathématicien,
administrateur de l'École polytechnique, le colonel de Rochas, déjà
cité, publiait une série d'ouvrages qui faisaient autorité en matière de
spiritisme et de ce qu'on appellerait aujourd'hui la psychocinèse. L'un
des plus grands physiciens du temps, W. Crookes, opérant dans son
propre laboratoire, prétendait y peser la force psychique émanée d'un
médium et publiait ses Recherches sur le spiritualisme. Un grand méde-
cin et physiologue, le professeur Richet, croyait aussi à l'existence de
ces effluves ectoplasmiques et à leur survie par-delà la mort du sujet.
La photographie n'était-elle pas là pour en témoigner, preuves à l'ap-
pui ? De même que l'invention des rayons X par Rdntgen en 1895 avait
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
131. Photographie des effluves du doigt d'un individu en communication avec une bobine
Rhumkorff. Parue dans A. de Rochas, L'Extériorisation de la Sensibilité, Paris 1895.
« Cette force est générée par le corps fluidique. Elle a été désignée tour à tour
sous les noms de force odique, magnétique, neurique, éthérique; nous l'appelle-
rons force psychique, parce qu'elle obéit à la volonté. Celle-ci en est le moteur;
les membres en sont les agents conducteurs; elle se dégage plus particulièrement des
doigts et du cerveau.
« H existe en chacun de nous un foyer invisible dont les radiations varient d'am-
plitude et d'intensité suivant nos dispositions mentales. La volonté peut leur com-
muniquer des propriétés spéciales; c'est là le secret de la puissance curative des
magnétiseurs.
« C'est à ceux-ci, en effet, que cette force s'est révélée tout d'abord, dans
ses applications thérapeutiques. Elle a été étudiée dans sa nature par
Reichenbach qui lui donna le nom d'od. W. Crookes en a, le premier, mesuré
l'intensité.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
Si nous avons cité ce long texte, c'est qu'il établit une correspondance
très nette entre la photographie hypothétique d'un «corps astralet
des phénomènes dont par ailleurs la réalité scientifique ne pouvait être
mise en doute d'une part les rayons X, d'autre part l'hypnotisme.
Marcel Duchamp en 1910 avait dû être très particulièrement averti de
ces deux « nouveautés », et non seulement curieux de ce qu'elles étaient
en elles-mêmes, mais aussi des phénomènes mystérieux qu'à tort ou à
raison, comme ici, on leur associait. Car le troisième personnage du
trio d'amis de l'école Bossuet était aussi, tout comme Dumouchel, un
médecin Ferdinand Tribout. Duchamp en fit aussi le portrait en
cette même année 1910. Et jusqu'à son départ aux États-Unis, des
dîners mensuels les réunirent, qui montrent bien que leur amitié était
allée bien au-delà des compagnonnages de collège. Or il se trouve que
le docteur Tribout fut l'un des grands pionniers en France de la
LA BOÎTE MAGIQUE
donnent des effluves rouges les bobines d'induction se couvrent d'une lueur
jaune quand elles sont traversées par un courant. 19»~>
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« Exposition extra-rapideo
«.La voiture, s'élançant, franchit d'un seul bond vingt pas d'un excellent
cheval. Les distances ne sont que le rapport de l'espace au temps et varient
avec lui. Nous exprimons la difficulté que nous avons à nous rendre à un
endroit, dans un système de lieues, de kilomètres, qui devient faux dès que cette
difficulté diminue. L'art en est aussi modifié, puisqu'un village, qui semblait dans
un autre monde que tel autre, devient son voisin dans un paysage dont les dimen-
sions sont changées. En tout cas apprendre qu'il existe un univers où 2 et 2 font
5 et où la ligne droite n'est pas le chemin le plus court d'un point à un autre eût
beaucoup moins étonné Albertine que d'entendre le mécanicien lui dire qu'il était
facile d'aller dans une même après-midi à Saint-Jean et à la Raspelière. »
~4~/(..
j~0 "r"" .d.' d.>m.
141. Chute d'un lieu élevé. 142. Saut en hauteur précédé d'une
Amortissement du choc par la flexion course.
des jambes.
C'est d'un tout autre climat que relève le Jeune Homme triste dans un
train, peint à la fin de la même année 1911. Il s'agit d'un portrait du
peintre, la pipe à la bouche, dans le train entre Paris et Rouen, à la tom-
bée du jour. Deux mouvements conjugués sont représentés celui du
train, celui du voyageur qui se déplace dans le couloir. Ce dernier est
traité, nous dit Duchamp29, par le principe du «parallélisme élémen-
taire » le corps est découpé en lamelles linéaires et comme élastisé.
L'image est celle d'une trépidation immobile. Surtout, le climat psy-
chologique de l'oeuvre est aussi important que la représentation de la
décomposition d'un mouvement; s'il fallait rapprocher le tableau du
futurisme italien, c'est beaucoup moins à Balla qu'on penserait qu'à la
série des «États d'âme»de Boccioni.
Le même climat de mélancolie laforguienne se retrouve dans le pre-
mier Nu descendant un escalier m. 139. La démultiplication des mouve-
ments, l'indication des articulations du corps par des pastilles
blanches, le balayage en éventail de la jambe en dessous du genou
tout cela rappelle précisément les chronophotographies de Marey
faites à partir d'un homme vêtu d'une combinaison noire et portant
des lignes et des points blancs pour souligner les points remarquables
du corps m. 140-142. Les deux bandes noires qui entourent verticale-
ment le tableau sont curieuses. Dans une interview, Robert Lebel les
met en rapport avec la « tristesse » de l'œuvre précédente et y voit des
sortes de bandeaux funèbres 30. À quoi Duchamp répond simplement
qu'il s'agissait pour lui de « cadrerle motif au format souhaité, et l'on
ne peut s'empêcher de penser que, faisant ainsi, il agissait à la façon
d'un photographe, cadrant sa photo sur un papier de dimensions pré-
établies.
144. Étienne-Jules Marey, Chronophotographie sur plaque fixe homme qui marche.
146. Étienne-Jules Marey, Goéland dans l'espace, bronze. Paris, Collège de France.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
147. Marcel Duchamp, La Mariée mise à nu par les Célibataires, dessin, 1912. Paris,
Collections du Centre Georges Pompidou, Mnam.
15o. Marcel Duchamp, Le Passage de la vierge à la mariée, 1912, New York, The Museum
of Modern Art.
151. Marcel Duchamp, Le Roi et la Reine entourés de Nus Vites, 1912. Philadelphia Museum
of Art, The Louise and Walter Arensberg Collection.
« Retard en verre»
228
LA BOÎTE MAGIQUE
PRÉFACE:
« Étant donnés:
1. La chute d'eau
2. Le gaz d'éclairage
nous déterminerons les conditions du Repos instantané (ou apparence allégo-
rique) d'une succession [d'un ensemble] de faits divers semblant se nécessiter
l'un l'autre par des lois, pour isoler le signe de la concordance entre, d'une part ce
Repos (capable de toutes les excentricités innombrables) et, d'autre part, un choix
de Possibilités légitimées par ces lois et aussi les occasionnant.
«Pour Repos instantané = faire entrer l'expression extra-rapide.
« On déterminera les conditions de [la] meilleure exposition du Repos extra-
rapide [de la pose extra-rapide] (= apparence allégorique) d'un ensemble, etc.»
AVERTISSEMENT
Soit, donnés
2. le gaz d'éclairage
dans l'obscurité, on déterminera (les conditions de) l'exposition extra-rapide
LA BOÎTE MAGIQUE
L'énoncé des deux textes est tout entier dicté par l'analogie photogra-
phique. Soit une plaque sensible le Verre au sein d'une chambre
noire (« dans l'obscurité »), soumise aux rayons lumineux issus d'une
forme en mouvement (les «collisions qui se succèdent rigoureuse-
ment »), quel est le temps de pose (l'« exposition») capable de conci-
lier le contingent d'un instantané extra-rapide au sein d'une séquence
et le nécessaire des lois qui paraissent ordonner la séquence en ques-
tion ?
Dans la suite des Notes, il est précisé que a étant l'exposition etb
les possibilités, le signe de la concordance est à rechercher comme la
barre du rapport a/b. Ce qui rend l'énoncé de la Préface ou de
l'Avertissement passablement tautologique, comme le fait judicieuse-
ment remarquer Jean-François Lyotard, « car l'exposition n'est autre
que le temps de pose et le choix des possibilités consiste d'abord à
déterminer les paramètres spatio-temporels (comme durée, fré-
quence, amplitude) de la suite des "collisions", soit les "lois" qui la
constituent comme telle. Si bien qu'en remplaçant les valeurs par les
lettres a et b qui leur correspondent, on obtient déterminer le a de b
pour isoler le signe de la concordance entre aetb[.]», autrement dit,
«déterminer le temps d'exposition qui soit en concordance avec les
paramètres temporels de la série de ces rencontres »'5. On est ramené
ainsi au problème de la chronophotographie.
Mais le problème ici posé n'est plus celui jadis traité dans les
tableaux des Joueurs d'échecs, Roi et Reine traversés par des nus vites, ou
par le Nu descendant un escalier de représenter, comme sur un chro-
nophotogramme sur plaque fixe, les diverses phases la « succession
de faits divers », les « collisions » d'un même mouvement sur une toile
plate à deux dimensions, mais il est d'évoquer, de rendre sensible la
charnière qui articule «rigoureusement»ces diverses phases entre
elles. Or, plus le mouvement du corps considéré sera accéléré, plus le
temps d'exposition devra être rapide. Si l'on passe à la limite du rai-
sonnement, un corps doué d'une vitesse infinie serait un corps qui
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
« Horlogisme»
155. Marcel Duchamp, Roue de bicyclette, 1913. Philadelphia Museum of Art, The Louise
and Walter Arensberg Collection.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
un moment à venir (tel jour, telle date, telle minute), d'« inscrire un
ready-made ». «Le ready-made pourra ensuite être cherché (avec
tous délais) L'important alors est donc cet horlogisme, cet instantané,
comme un discours prononcé à l'occasion de n'importe quoi, mais à
telle heure. C'est une sorte de rendez-vous.67»~>
C'est ce que les Américains appelleraient un «blind date» un ren-
dez-vous aveugle, avoir rendez-vous, tel jour, telle heure, à telle
minute avec une femme que l'on n'a jamais vue, puis accepter les
conséquences de ce rendez-vous. C'est encore un jeu mental analogue
à celui qui consisterait à penser imaginons que j'épouse la première
femme qui passera dans la rue vêtue d'un pull-over rouge. On voit
le renversement que Duchamp fait subir au processus qu'on appelle
« le goût », et qui relève du désir et de l'attente puisque l'espace est
piégé (toutes les formes qui le peuplent, d'une façon ou d'une autre,
sont prises aux rets du goût il n'en est pas qui, d'une façon ou d'une
autre, me soit absolument indifférente), il s'agit de basculer dans le
temps: l'avenir immédiat échappe très précisément à mes goûts et à
mes dégoûts, il est le seul lieu qui me soit véritablement indifférent,
parce qu'il est le seul lieu qui me soit encore inconnu. Anticiper une
chose, en fixant arbitrairement l'instant dans le temps où elle viendra
croiser mon regard, c'est dire que cette chose ne sera pas celle qui se
désigne à mon regard par le canal de l'espace, à un moment que je
n'attendais pas (par exemple, la surprise éprouvée devant une
broyeuse de chocolat qui tourne en contrebas de la rue, dans la vitrine
d'un confiseur de Rouen), mais, au contraire, cette chose qui, quelle
qu'elle soit, se désignera à mon regard à un moment déterminé du
temps, et précisément parce que ce moment aura été prédéterminé,
c'est abolir la possibilité du goût.
À l'esthétique «classique», esthétique du «goût», qui s'occupe de
morphologie (l'univers des formes dans l'espace), Duchamp substitue
une esthétique proprement «futuriste»(au sens particulier que nous
donnons ici au terme), préoccupée de chronologie (l'univers des
formes dans le temps) esthétique de l'indifférence, esthétique de
l'aveuglement. Rompre avec le goût, c'est-à-dire rompre avec les
esthétiques déclarées, avec tous les systèmes formels élaborés par l'art
et par ceux qui parlent d'art, c'est tirer une traite sur le futur, signer
un chèque en blanc, prendre rendez-vous avec quelque chose que
l'on ignore et accepter la chose en question, quelle qu'elle soit, avec
LA BOÎTE MAGIQUE
«Avis de rechercheo
Mais si l'artiste entre ainsi dans la peau d'un acteur, prêtre d'une reli-
gion nouvelle, il peut aussi changer de sexe, jouer sur le travestissement,
annonçant, là encore, une thématique que le Body Art, avec Urs Lüthi et
tant d'autres, allait abondamment exploiter. C'est ainsi qu'en 1921 appa-
raît l'alter ego de Marcel Duchamp, son double féminin, Rrose Sélavy.
Une photographie de Man Ray, prise à Paris, porte témoignage de cette
naissance m. 160. Le chapeau et le vêtement sont ceux de Germaine
Everling, l'amie de Picabia. Mais il semble, en fait, qu'il existe au moins
deux versions de cette photo. L'une est un photomontage où les bras et les
mains de Germaine Everling également ont été substitués à ceux de
Duchamp. Par contre, l'épreuve qui appartient à P.-A. Benoît est une
photo retouchée les bras et les mains ont simplement été repris à l'encre
noire pour atténuer la grosseur masculine des attaches et le bras gauche,
en particulier, disparaît sous une manche griffonnée à la plume m. 161.
LA BOÎTE MAGIQUE
Bull, alias Pickens. connu aussi sous le nom de Rrose Sélavy»m. 162.
Tout se passe comme si, le ready-made ayant aboli toute possibilité
d'une activité artistique, à un artiste en quête d'œuvre se substituait
désormais une œuvre en quête d'auteur.
La photographie, en révélant l'invisible de la vue, en ouvrant la voie
à un art non rétinien, en abolissant, dans l'instantané de son exposi-
tion, tout savoir-faire de la main, ici usée d'une façon naturaliste, pour
« tirer des portraits », paraît révéler son impuissance à établir l'identité
propre du sujet qui lui est soumis. Et ce sujet, à l'image des nus qu'il
peignait jadis, ne peut plus, dirait-on, que se démultiplier à son tour
sous les travestis et les déguisements les plus inattendus.
Ajoutons que ces différents photomontages et photocollages où un
portrait, plus ou moins retouché, vient couronner un corps qui ne lui
appartient pas, ne sont pas sans rappeler ces objets d'art forain, fré-
quents encore dans les années vingt, du genre «souvenirs du régi-
ment » où une lithographie naïvement coloriée à la main d'un cheval et
LA BOÎTE MAGIQUE
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166. Marcel Duchamp, Photogrammes d'un film stéréoscopiques, 1920, Milan, collection Vera
et Arturo Schwarz.
s'en procura une deuxième, moins coûteuse. Il entendait relier les deux cameras
au moyen de roues dentées et d'un axe unique. Ainsi il tournerait un film double,
stéréoscopique, ayant pour sujet un globe sur lequel était peinte une spirale. Dans
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
« Infra-mince»
171. Marcel Duchamp, Rotative Plaques Verre (Stéréoscopie Man Ray), New York, 1920.
« [C'est quelque chose] qui échappe à nos définitions scientifiques. J'ai pris à
dessein le mot mince qui est un mot humain, affectif, et non pas une mesure pré-
cise de laboratoire. Le bruit ou la musique que fait un pantalon de velours côtelé
comme celui-ci, quand on bouge, relève de l'infra-mince. Le creux dans le
papier, entre le recto et le verso d'une feuille mince. À étudier C'est une
catégorie qui m'a beaucoup occupé depuis dix ans. Je crois que par l'infra-mince
on peut passer de la deuxième à la troisième dimension.100»»
mince c'est tantôt telle sensation, tantôt telle autre, à l'exemple de ces
illusions d'optique provoquées par l'image de marches d'escalier en
blanc et noir qui tantôt sont vues monter et tantôt descendre, de ces
volumes qui tantôt procèdent dans l'espace et tantôt recèdent, sans
qu'on puisse jamais décider de leur topographie. Escher, dans ses gra-
vures, on le sait, a abondamment et souvent facilement joué de ces
ambiguïtés visuelles. Duchamp, plus subtilement, les transpose dans le
domaine de la troisième dimension c'est désormais en stéréoscopie que
jouent ces illusions. Le seuil qui fait passer d'une sensation à une autre
est aussi bien, comme il le dit, le passage d'une dimension à une autre.
Or il se trouve que Marey, dans son livre sur Le Mouvement, avait
très précisément abordé le problème et développé une série d'expé-
riences étrangement semblables à celles offertes par la Rotative plaque
de verre et par la Rotative demi-sphère m. 173-176.
Dans un premier temps, il prend une bande de papier, blanche
extérieurement, noire intérieurement à laquelle il fait parcourir suc-
cessivement tous les méridiens d'une sphère fictive. S'il enregistre
photographiquement, sous des conditions d'éclairage invariables, les
LA BOÎTE MAGIQUE
« Ces formes imaginaires sont encore plus étranges quand, au lieu d'une sub-
stance mate, on se sert, pour les former, d'une matière polie réfléchissant par cer-
tains points de sa surface les rayons du soleil.
«La figure 23 a été obtenue par la rotation d'un demi-anneau de gros fil de lai-
ton poli tournant autour d'un axe vertical. À chacune des positions du demi-
anneau, la surface polie du métal présente en un point particulier une inclinaison
favorable à la réflexion du soleil dans la chambre photographique. Or, comme ce
point brillant se déplace, il se trouve tantôt sur la convexité, tantôt sur la conca-
vité du fil métallique. C'est le déplacement de ce point lumineux qui trace sur
deux parties diamétralement opposées de la sphère des courbes fermées.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
175. Étienne-Jules Marey, Sphère engendrée par la rotation d'un fil de métal brillant (images
stéréoscopiques).
176. Étienne-Jules Marey, Volume mathématique engendré par la rotation d'un fil de métal
brillant (images stéréoscopiques).
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
Mais tous ces jeux sur le plein et le vide, sur le positif et le négatif,
sur l'empreinte (active) et l'impression (passive), sur le concave et le
convexe d'un même objet, appliqués à un organe du corps humain,
LA BOÎTE MAGIQUE
« Apparence
Apparition
d'un objet, en chocolat par exemple
1. L'apparence de cet objet sera l'ensemble des données sensorielles usuelles
permettant d'avoir une perception ordinaire de cet objet (voir manuels de psy-
chologie).
2. Son apparition en est le moule (.) Par moule, on entend au point de vue
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
283
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
PRÉFACE
1 Elle donna lieu à la publication d'un catalogue en quatre tomes, sous un coffret de feu-
trine verte L'Œuvre de Marcel Duchamp, t. I Catalogue raisonné, t. II Chronologie, t. III
Abécédaire, Approches critiques, t. IV Victor, roman de H.-P. Roché, Paris, Centre national
d'art et de culture Georges-Pompidou, 1977.
2 Voir le compte rendu par André Chastel, «L'au-delà de la peinture de Marcel
Duchampin L'Image dans le miroir, Paris, Éditions Gallimard, 1980, p. 377 sq.
3 Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme Le Système totalitaire, Paris, Éditions du
Seuil, Paris, 1972, p. 53.
4 Ibid.
5 Hans Magnus Enzensberger, « Culture de haine, médias en transes» in Vues sur la guerre
civile, Paris, Éditions Gallimard, 1995, p. 123-125.
6 Frank J. Sulloway, Born to Rebel. Birth Order, Family Dynamics and Creative Lives, New
York, Random House, 1996, «Introduction»,p. xiv.
7 C'est surtout entre 1910 et 1925 que se répand, essentiellement dans les classes
moyennes, en Allemagne et en Italie, la doctrine stirnérienne. Viscéralement individualiste
et égoïste, elle s'oppose en tout point à l'anarchisme collectiviste de Bakounine, quand même
partage-t-elle sa haine de l'État.
8 Voir la lettre de Marcel Duchamp à sa sœur Suzanne du 15 mars 1912. Document
aimablement communiqué par Hector Obalk.
9 Un soir que Duchamp affichait une gaieté forcée, rapporte Robert Lebel, Man Ray lui
opposa cette remarque «Mais non, tu es triste, tu l'es depuis toujours.Robert Lebel,
«Dernière soirée avec Marcel Duchampin L'Œil, novembre 1968, n° 167, p. 19.
12 À Brian O'Doherty, lors d'une visite au University Medical Center de New York, le
4 avril 1966.
15 In Littérature, n° 5, V.
16 Certains épisodes érotiques de la vie de jeune homme de Duchamp à New York, telles
qu'elles ont été consignées par Roché dans ses Carnets, révèlent une nature féminine assez
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
prononcée. Ainsi de la partie fine du 18 avril 1917 entre Duchamp, Roché et Louise
Norton.
22 Lettre (en anglais) inédite aux Arensberg, datée du 22 juillet 1951, citée dans L'Œuvre
de Marcel Duchamp, cat. d'exp. op. cit., t. I, p. 34.
23 « Selon toutes apparences, l'artiste agit comme un être médiumnique qui, du labyrinthe
par-delà le temps et l'espace, cherche son chemin vers une clairière. »
24 Gaston de Pawlowski, Voyage au pays de la quatrième dimension, Paris, 1912. Rééd. en
1924.
25 Jean Clair, Marcel Duchamp ou le Grand Fictif, Paris, Éditions Galilée, 1975.
26 Paul Matisse, Marcel Duchamp. Notes, avec une préface de Pontus Hulten, Paris, Centre
Georges-Pompidou, 1980.
27 Henri Poincaré y oppose l'espace visuel simple à deux dimensions à l'espace tactile,
pareil à celui que tracerait un doigt occupant diverses positions et qui aurait trois dimen-
sions.
30 John Dee, Four Space, a Forgotten Dimension of the Mind, Cumbria, LYC Museum,
1977.
31 Linda D. Henderson, Duchamp in Context. Science and Technology in the Large Glass and
Related Works, Princeton, Princeton University Press, 1998.
32 Rhonda Roland Shearer, «Marcel Duchamp's impossible Bed and other "not" ready-
made Objects a possible route of influence from art to sciencein Art & Academe A
Journal for the Humanities and Sciences in the Education ofArtists, vol. X, n" 1 et 2, automne
1997 et 1998.
36 Le Porte-Bouteilles, à première vue le plus« trouvé » et le plus trivial des ready-made, est
en fait, pour un étranger qui en ignorerait l'usage, un objet à l'aspect très intrigant qui, bien
loin de satisfaire au principe d'indifférence cher à Duchamp, force au contraire l'attention
et n'est pas sans rappeler, dans sa succession de cercles empilés et hérissés d'aiguillons,
NOTES
quelque objet religieux à usage rituel. Il portait lui même, par ailleurs, une inscription, effa-
cée et oubliée, qui le «colorait».
37 Hector Obalk, The Unfindable Ready-Made, Boston, College of Art Association, février
1996. À paraître en français in Cahiers du musée national d'Art moderne.
38 Camille Flammarion, L'Inconnu et les problèmes psychiques, Paris, Éditions Flammarion,
s.d.
39 De Rochas, Le Fluide des magnétiseurs. Précis des expériences du baron de Reichenbach sur
ses propriétés physiques et physiologiques, Paris, Éditions Georges Carré, 1891.
1.
40 C'est entre 1888 et 1914qu'Albert Londe entreprend de diriger la Nouvelle Iconographie
de la Salpëttzère.
41 Rontgen, Eine neue Art von Strahlen, Wûrzburg, 1895.
42 Léon Denis, Dans L'invisible spiritisme et médiumnité, Paris, 1904.
43 Joris-Karl Huysmans, À rebours, op. cit., p. 312.
44 On rappellera que la critique la plus féroce de ce phénomène qui, né dans l'em-
pirisme anglo-saxon le plus plat, s'achevait dans le mysticisme le plus douteux, vint de
nul autre que de Friedrich Engels. Dans la Dialectique de la Nature, il commente ainsi l'iti-
néraire spirituel de William Crookes qui l'amène de l'expérimentation du laboratoire à
la fantasmagorie des tables tournantes, et la démarche de Zollner, mathématicien qui
« découvre que beaucoup de choses qui sont impossibles dans un espace à trois dimensions,
vont tout à fait de soi dans un espace à quatre dimensions [.].Les esprits prouvent l'exis-
tence de la quatrième dimension, de même que la quatrième dimension garantit l'existence
des esprits». Un point intéressant de la critique d'Engels, pour ce qui concerne Duchamp et
sa désirable Mariée quadridimensionnelle, porte sur l'inévitable matérialité de ces esprits
«qui respirent, ont un pouls, donc des poumons, un cœur, et un appareil circulatoire et,
par suite, sont pour le moins aussi bien pourvus que vous et moi quant aux autres organes
du corps [.].Et comme la plupart de ces esprits sont de jeunes dames d'une merveilleuse
beauté qui ne se distinguent en rien, mais en rien du tout des demoiselles de la terre, sinon
par leur beauté surnaturelle, comment pourraient-elles manquer longtemps d'apparaître
"à des hommes qui ressentent de l'amour" [.].C'est également une quatrième dimen-
sion qui s'ouvre à la sélection naturelle, dimension où elle n'aura pas à craindre d'être
confondue avec la méchante social-démocratie(Friedrich Engels, « La science de la nature
dans le monde des espritsin Dialectique de la nature, Paris, Éditions Sociales, 1975,
p. 57 sq.)
45 Hippolyte Baraduc, L'Ame humaine, ses mouvements, ses lumières, et l'iconographie de l'in-
visible fluidique, Paris, Éditions Ollendorf, 1896.
46 Une exception de taille cependant Henri-Pierre Roché, en 1907, en compagnie de
Franz Hessel, séjourne dans la capitale bavaroise. Il y fréquentera la bohème de Schwabing,
dont la fantasque comtesse Franziska von Reventlow.
47 Un registre de police signale cependant qu'il n'aurait pas quitté Vienne avant mai 1913.
48 Voir Ian Kershaw, Hitler 1889-1936, Paris, Éditions Flammarion, p. 141 sq.
49 Voir Rudolf Herz, Hoffmann und Hitler. Fotografie als Medium des Führer-Mythos,
Munich, Klinkhardt & Biermann, 1994.
52 Joseph Beuys possédait l'intégralité de ses écrits, soit une centaine de volumes.
53 Document inédit, aimablement communiqué par Hector Obalk.
54 Repris dans ce livre au dernier chapitre, sous le titre «La boîte magique
a.
55 Maurice Tuchman (sous la direction de), The Spiritual in Art Abstract Painting 1890-
1985, New York, Abbeville Press, 1987.
59 Ibid., p. 39.
60 Ibid. p. 140.
61 Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, chap. XVI, « Les créateurso, Paris, Éditions
Robert Laffont, collection « Bouquins1985, p. 848.
62 Une première édition du livre était parue en 1890 sous le titre de Esquisse d'un système
de la nature fondé sur la loi du hasard. C'est cependant l'édition révisée de 1909 que posséda
Duchamp.
63 David Gascoyne, né à Londres en 1916, fut l'introducteur du surréalisme en Grande-
Bretagne et lui-même un grand poète surréaliste. Établi à Paris en 1932, il traduit Péret,
Unik, Tzara, Dali, Qu'est-ce que le Surréalisme? d'André Breton, et écrit son propre Premier
Manifeste anglais du surréalisme que publieront en 1935 Les Cahiers d'art. L'année suivante,
il organise en juin à Londres l'exposition internationale du surréalisme. Il fut toutes ces
années un proche de Duchamp avant de tourner le dos au surréalisme et de s'engager dans
une spiritualité nourrie de la lecture de Kierkegaard, de Chestov et de Benjamin Fondane.
64 Comme le rappelle fort justement Dominique Chateau dans Duchamp et Duchamp,
Paris, L'Harmattan, 1999.
65 On sait par exemple que la cage à oiseau de WJiy not sneeze? contient, dans sa version
originale, cachés sous les blocs de marbre, deux bacs de porcelaine en forme de tronc de
cône (les moules mâlics ayant eux-mêmes été dessinés à partir de coniques, ainsi que Linde
devait le démontrer), un réservoir à graines et un réservoir à eau, qui se trouvent strictement
homothétiques des deux meules de la Broyeuse de chocolat. Dans les répliques faites par
Schwarz, cette particularité volumétrique ne fut évidemment pas respectée.
66 Entretetien avec Katharine Kuh, «MD»,29 mars 1961, repris in K. Kuh, The Artist's
Voice with seventeen artists, Harper and Row, New York et Evanston, 1962, p. 81-93.
67 Linde, avec son intuition, avait tenu à faire figurer La Grande Fortune de Dürer sur la
couverture d'un des volumes du catalogue Duchamp de l'exposition de 1977 au Centre
Georges-Pompidou.
68 Rappelons que le terme de «hasard», écrit hasart, n'entre dans la langue qu'au
NOTES
XIIe siècle, emprunté d'un mot arabe qui désigne un jeu de dés. Le glissement de sens vers
«le coup heureux dans un jeu de dés»,le hasard heureux, va remplacer le sens courant de
risque, de chance, de fortuit. (Voir Émile Littré, Pathologie verbale ou lésion de certains mots
dans le cours de l'usage, Paris, 1986, p. 53).
69 Jean Clair,Duchamp, Léonard et la tradition maniériste » in Colloque Duchamp, Paris,
U.G.E., 1979, p. 117 sq. Repris dans ce livre au chapitre IV sous le titre « Spectacula para-
doxa rerum ».
70 Cité par André Chastel, « Léonard et la pensée artistique du XX1 siècle» in Fables, formes,
figures, Paris, Éditions Flammarion, 1978, t. II, p. 267.
71 Discussion avec Alfred Barr du 21 décembre 1945. Cité par J. Gough-Cooper et
Jacques Caumont, Marcel Duchamp, catalogue d'exposition, Milan, Bompiani, 1993, n. p.
72 La Boîte de 1914.
75 Pierre Guiraud, dans son Dictionnaire érotique, donne à moniche l'étymologie de moune,
guenon. Ajoutons qu'en ancien français existait le terme de mine pour désigner la toison (du
chat, le minet), qui a subsisté dans l'expression populaire «faire minettepour désigner un
cunnilingus.
76 En argot toujours, « le barbu », cher à Annette Messager, c'est le sexe féminin.
77 Abécédaire, op. cit., p. 52 sq. Repris dans ce livre au chap. v sous le titre «Moules femâ-
lics».
n.
85 Demeure bien entendu entier le problème de la réalisation matérielle d'un pareil mou-
lage. On pourrait plutôt parler d'une «approximation démontabledans la mesure même
où il semble que l'Objet-Dard ait été, en fait, un étai ayant servi à maintenir le bras du nu
d'Étant donnés.
89 Ibid., p. 827.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
90 Voir Raymond Roussel, Comment j'ai écrit certains de mes livres, Paris, Lemerre, 1935.
91 Paul Valéry, Préface à « La soirée avec Monsieur Teste n, Monsieur Teste, Paris, Éditions
Gallimard, 1946, p.
7
92 Ibid, p. 8.
93 Ibid, p. 11-12.
94 Cité par J. Gough-Cooper et Jacques Caumont, Marcel Duchamp, op. cit., p. 108. À
deux reprises au moins, outre cette citation manuscrite, Duchamp s'expliquera sur son état
de «défroqué».Une première fois, en 1959, à G. H. Hamilton, il confie « It's true that 1
really was very much of a Cartesian défroqué because 1 was very pleased by the so-called
pleasure of using Cartesianism as a form of thinking, logic and very close mathematical thin-
king» (Entretiens sur la BBC, Londres, 14-22 septembre 1959). Pareille confidence
confirme notre analyse d'un Duchamp perspecteur, fils spirituel des Minimes et du Père
Athanasius Kircher (voir le chapitre «Thaumaturgus opticus»). Une seconde fois, en 1966,
il confie au critique Pierre Cabanne «Depuis quarante ans que je n'ai pas touché un pin-
ceau ou un crayon, j'ai été vraiment défroqué au sens religieux du mot. » (Entretiens avec
P. Cabanne, «Je suis un défroqué»in Arts-Loisirs, Paris, n°35, 25-31 mai 1966, p. 16-17.
99 Nous entendons bien sûr « culture » dans son sens traditionnel de « forme particulière de
civilisation propre à chaque peuple» (Littré). La pulvérisation du concept dans des expres-
sions comme « culture d'entreprise », « culture rap » ou « culture journalistique » lui fait perdre
tout son sens.
100 « Und bleibt ein Erdenrest zu tragen peinlich. » (Goethe, Le Second Faust).
101 Freud, Le Malaise dans la culture (1930), Œuvres complètes, XVIII, Paris, Presses
Universitaires de France, 1994.
102 Cité dans André Breton, Anthologie de l'humour noir, Paris, Éditions du Sagittaire, 1940,
p. 225.
106 Par exemple, dans ces trois ouvrages fondamentaux du tournant du siècle Hubert et
Mauss, Essai sur le sacrifice, 1899; Émile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie reli-
gieuse, 1912 Rudolf Otto, Das Heilige. Ueber das Irrationale in der Idee des Gôttlichen und sein
Verhàltnis zum Rationalen, 1917 (traduction française Le Sacré. L'élément non-rationnel dans
l'idée du divin et sa relation avec le rationnel, Paris, 1949). Le Dictionnaire étymologique de la
langue latine d'Ernout et Meillet, en 1932, encore, établit que la notion de sacer «désigne
celui ou ce qui ne peut être touché sans être souillé ou sans souiller; de là le double sens de
"sacré" ou "maudit"(p. 586). Roger Caillois, dans L'Homme et le sacré, en 1939, tardive-
ment donc, reprendra à son compte cette définition.
NOTES
107 Giorgio Agamben, Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, Éditions du
Seuil, 1997, p. 85 sq.
108 Si Duchamp a utilisé ses poils de barbe dans le moulage en plâtre de With my Tongue
in my Cheek, ou bien encore son propre sperme pour un hommage au sculpteur brésilien
Maria Martins, il n'est pas allé jusqu'à user de ses crottes de nez comme le Français Pierrick
Sorin, célébré dans toutes les manifestations d'art contemporain dans son pays et à l'étran-
ger, ni d'excréments comme l'artiste Chris Ofili (Turner Prize 1998).
109 Par exemple on citera l'énorme succès remporté par l'exposition Sensation, présentée à
la Royal Academy de Londres en 1998, ou son équivalent, présenté au Brooklyn Museum
de New York en 1999, annoncé par un panneau d'avertissement apposé par le département
de la Santé publique, où l'on pouvait lire « The contents of this exhibition may cause shock,
vomiting, confusion, panic, euphoria, and anxiety. Ifyou suffer from high blood pressure, a ner-
vous disorder, or palpitations, you should consult your doctor before viewing this exhibition.»
110 Le Turner Prize 1999, doté de deux cent mille francs, a été attribué à l'artiste Tracey
Amin pour son propre lit, maculé d'urine, couvert de capotes usagées, de tests de grossesse,
de sous-vêtements sales et de bouteilles de vodka, lit où elle aurait passé une semaine dans
un état de dépression consécutif à une rupture. L'oeuvre a été saluée par les jurés pour sa
« valeur réaliste
,).
111 Au sens que Jean-Louis Schefer a donné à cette expression dans son Invention du corps
chrétien (Paris, Éditions Galilée, 1975).
112 Marcel Gauchet, « L'inconscient en redéfinition»,Essai de psychologie contemporaine, in
Le Débat, n° 100, mai-juin 1998, p. 200 sq.
THAUMATURGUS OPTICUS
3 D.D.S., p. 122.
4 Panofsky, La Perspective comme «forme symbolique", trad. sous la dir. de Guy Ballangé,
Paris, 1975, p. 38.
5 Abraham Bosse, Manière universelle de M. Desargues, pour pratiquer la perspective.
Paris, 1647, p. 45-46.
6 D.D.S., p. 105.
7 Entretien inédit.
8 D.D.S., p. 46.
10 Ibid., p. 84.
11 D.D.S., p. 106.
12 D.D.S., p. 93.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
20 D.D.S., p. 93.
23 D.D.S., p. 69.
24 Et non pas «Images Louis XVcomme le transcrit par erreur M. Sanouillet, D.D.S.,
p. 108.
25 D.D.S., p. 50.
26 D.D.S., p. 67.
27 D.D.S., p. 107-108.
28 Le Clerc, op. cit.
29 Ibid., p. 37-38.
30 Ibid., p. 48.
31 Ibid., p. 66.
32 D.D.S., p. 83.
33 Je remercie Ulf Linde d'avoir attiré mon attention sur ce point.
34 D.D.S., p. 105-106.
35 D.D.S., p. 126.
36 Du Breuil, La Perspective pratique nécessaire à tous les peintres. Paris, 1663, Traité V,
Pratique I, p. 129.
37 D.D.S., p. 69.
38 D.D.S., p. 135.
39 D.D.S., p. 47.
40 D.D.S., p. 37.
41 Par exemple «Je ne crois pas au langage, qui au lieu d'expliquer les pensées subcons-
cientes, crée en réalité la pensée par et après le mot. (Je me déclare moi-même volontiers un
"nominaliste", au moins sous cette forme simplifiée.) (.) Comme un bon nominaliste, je
propose le mot patatautologie qui, après une répétition fréquente, créera le concept de ce
que j'essaie d'expliquer dans cette lettre avec ces exécrables moyens sujet, verbe, objet,
NOTES
etc.» (Lettre inédite à M. Mayoux, 8 mars 1956.) «Les logisticiens de Vienne ont élaboré
un système selon lequel tout est, autant que j'ai compris, tautologie, c'est-à-dire une répéti-
tion des prémisses. (.) Tout est tautologie. » {Entretiens avec P. Cabanne, op. cit., p. 204.)
«Une fois, je me suis intéressé à ce groupe de philosophes anglais, ceux-là qui prétendent
que tout langage tend à devenir tautologique et par conséquent sans signification. J'ai même
tenté de lire ce livre qu'ils ont écrit, "The Meaning of meaning". (.) Je suis d'accord avec
leurs idées.»(Calvin Thomkins, The Bride and the Bachelors, New York, 1965, p. 31-
32), etc.
4 Les dessins cités se réfèrent successivement aux n°' 51, 53, 54 et 55 du catalogue Marcel
Duchamp, musée national d'Art moderne, Paris, 1977.
5 Musée national d'Art moderne, Paris.
16 Idem, n° 188.
18 Dans un dessin sans titre (ancienne coll. Karl Flinker) figurant un personnage en mou-
vement et portant ces lignes, de la main de Kupka «Le déplacement à 3 dimensions se fait
dans l'espace tandis que celui à 4 dim. par l'échange des atomes. Mais pour fixer un geste,
un mouvement dans l'espace de la toile, fixer plusieurs mouvements successifs. » Le dessin
est reproduit par Margit Rowell dans le catalogue Franz Kupka, The Guggenheim Museum of
Art, New York, 1975, p. 65, fig. 14. Le texte de Kupka, au demeurant, reprend, ne varietur,
un passage du chap. vin («La transmutation des atomes du temps») du Voyage au pays de
la quatrième dimension, de Pawlowski.
19 Metzinger, Nature morte- Quatrième Dimension, exposée au début de l'année 1913 à la
galerie Berthe Weil (17 janvier-1" février).
20 «Masses colorées en quatrième dimension» le sous-titre fut utilisé par Malevitch pour
cinq des trente-neuf toiles qu'il exposa à «0.10»,àla fin de l'année 1915.
21 Voir Jean Clair, « Malévitch, Ouspensky et l'espace néo-platonicien » in Malévitch 1878-
1978, Actes du Colloque International, Paris, Centre Georges-Pompidou, L'Âge d'Homme,
1978, p. 15 sq.
22 Qu'Apollinaire, dans le texte des Peintres cubistes que nous avons cité, use à bon escient du
terme d'étendue («les nouvelles mesures possibles de l'étendue»), non de celui plus usuel d'es-
pace, semble montrer que les théories de Poincaré ne lui étaient pas non plus inconnues.
23 Traité élémentaire de géométrie à quatre dimensions, Paris, Gauthier-Villars, 1903.
Or nous avons vu que c'est des propriétés de ce groupe que nous avons tiré la notion de
l'espace géométrique et celle des trois dimensions. Nous comprenons ainsi comment l'idée
NOTES
d'un espace à trois dimensions a pu naître du spectacle de ces perspectives, bien que cha-
cune d'elles n'ait que deux dimensions, parce qu'elles se succèdent suivant certaines lois.
Eh bien, de même qu'on peut faire sur un plan la perspective d'une figure à trois dimen-
sions, on peut faire celle d'une figure à quatre dimensions sur un tableau à trois (ou à deux)
dimensions.
On peut même prendre d'une même figure plusieurs perspectives de plusieurs points de vue
différents.
Nous pouvons facilement nous représenter ces perspectives puisqu'elles n'ont que trois
dimensions.
Imaginons que les diverses perspectives d'un même objet se succèdent les unes aux autres;
que le passage de l'une à l'autre soit accompagné de sensations musculaires.
On considérera bien entendu deux de ces passages comme deux opérations de même nature
quand ils seront associés aux mêmes sensations musculaires. Rien n'empêche alors d'imagi-
ner que ces opérations se combinent suivant telle loi que nous voudrons, par exemple de
façon à former un groupe qui ait même structure que celui des mouvements d'un solide
invariable à quatre dimensions.
Il n'y a rien là qu'on ne puisse se représenter et pourtant ces sensations sont précisément
celles qu'éprouverait un être muni d'une rétine à deux dimensions et qui pourrait se dépla-
cer dans l'espace à quatre dimensions.
C'est dans ce sens qu'il est permis de dire qu'on pourrait se représenter la quatrième
dimension. »
L'écho de ce texte de Poincaré se retrouve dans la préface de la Boîte verte de Duchamp
«Nous déterminons les conditions d'une succession de faits divers semblant se nécessiter
l'un l'autre par des lois»,etc.
27 Jeu (ou Table d'échecs) et La Table d'échecs, 1919, coll. Louis Carré et Cie.
28 Coll. Peggy Guggenheim, Venise.
29 Musée national d'Art moderne, Paris.
31 Cl. F. Bragdon, A Primer of Higher Space, New York, 1913. Bragdon fut aux États-Unis
le principal vulgarisateur des théories sur la quatrième dimension. Mais son ouvrage, en par-
ticulier par l'extrême clarté des planches qui l'illustraient, eut un retentissement bien au-delà
de son pays.
32 Erwin Panofsky, La Perspective comme « forme symbolique»,trad. sous la direction de
Guy Ballangé, Paris, Éd. de Minuit, 1975, p. 182.
33 Nous sommes là aussi redevables à John Dee de cette observation.
34 « Qu'est-ce qui peut le plus ressembler à ma main ou à mon oreille, leur être le plus
comparable en tous points, que leur réflexion dans le miroir? Et cependant, je ne peux pla-
cer cette main, telle que je la vois dans la glace, à la place de son original. » (Prolégomènes
à toute métaphysique future. 1783).
35 Voir à ce sujet l'étude de Michel Serres, Discours et Parcours, in Critique n° 335, avril
1975, et aussi l'essai de Roger Caillois, La Dissymétrie, Paris, Gallimard, 1973.
36 Sur l'espace tropologique, on se référera à l'essai de Michel Foucault, op. cit.
3 Joseph Stella, Portrait de Marcel Duchamp, v. 1920, The Museum of Modern Art, New
York.
4 Theodore Reff, Duchamp & Leonardo L.H.O.O.Q. alikes in Art in America, jan.-fév.
1977,11°
1.
9 Freud, Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, Paris, Gallimard, coll. Idées, 1977,
p. 36.
10 André Chastel, Léonard de Vinci la réputation d'un peintre, préface à Tout l'œuvre peint
de Léonard de Vinci, Paris, 1969, p. 6.
13 Royal Library, Windsor, v. 1506 (R.L. 1228 IR). Ce dessin anatomique se trouve, au
revers, entièrement piqué de trous d'épingle selon les lignes essentielles du corps procédé
qui devait permettre à Léonard d'opérer son transfert sur une autre feuille à l'aide de poudre
de charbon. Il existe du nu de l'environnement de Philadelphie une étude préparatoire en
Plexiglas transparent où la délinéation des points remarquables du corps est opérée, là aussi,
par des perforations; celles-ci devaient servir à Duchamp à effectuer le report du dessin sur
le bas-relief en parchemin sur velours de la collection Nora Lobo.
14 E. Panofsky, The Codex Huyghens and Leonardo da Vinci's Art Theory, Warburg,
Londres, 1940.
20 Ibid., p. 239.
23 Howard Hinton: A New Era of Thought, Londres, 1910; The Fourth Dimension,
Londres, 1910.
25 P.D. Ouspensky Tertium Organum, a Key to the Enigmas of the World, publié en russe
en 1911, en traduction anglaise en 1921, Londres.
MOULES FEMÂLICS
MÉTAPHORES AUTOMOBILES
3 D.D.S., p. 63.
9 Que Duchamp ait été, comme Kupka et d'autres artistes du groupe de Puteaux, direc-
tement impressionné, en 1911, par certaines théories théosophiques et occultistes, maints
indices le laissent supposer. Nous n'en citerons qu'un un ouvrage avec mention manus-
crite de la main de David Gascoyne, attestant que Duchamp l'avait attentivement lu. Il s'agit
d'un traité de P. Camille Revel, publié à Paris, en 1909, à la Librairie Chacomac, spéciali-
sée dans l'occultisme et le magnétisme, et qui éditait entre autres le fameux Colonel de
Rochas, intitulé Le Hasard, sa loi et ses conséquences dans les sciences et en philosophie, suivi d'un
essai sur la métempsycose basé sur les principes de la biologie et du magnétisme physiologique
(document aimablement communiqué par Mme Jacqueline Monnier).
10 Villiers de l'Isle Adam, Œuvres complètes, IV, Axël, Mercure de France, Paris, 1923, p. 205.
11 Dr L. Chauvois, La Machine humaine enseignée par la Machine automobile, préface de
L. Forest, Paris, Gaston Doin et Cie, 1926.
LA BOÎTE MAGIQUE
2 Cité par Gabrielle Buffet in Aires abstraites, Cailler, Genève, 1957, p. 22.
3 In Literarische Welt, 18 et 25 sept., 2 oct. 1931.
4 Pierre Bourdieu, Un art moyen, Paris, 1965.
5 Sur Marcel Duchamp, Trianon Press, Paris, 1959.
10 D.D.S., p. 103.
11 W. Arensberg « Helen was very much taken with the portrait. She seems to have constitu-
ted herself the high priestess of occult. (.) There is a form in the portrait that I wonder ifyou could
help us understand. It is the curious mist-like aura or halo around the hand.M. Duchamp
NOTES
« The "halo" around the hand which is not expressly motivated by Dumouchel's hand is a sign of
my subconscious preoccupations toward a metarealism It has no definite meaning or explanation
except the satisfaction of a need for the "miraculous" that preceded the cubist period.»n
(Correspondance inédite.)
12 D.D.S., p. 63.
13 Le nom est cité par S. Krippner et D. Rubin dans leur étude mais il est orthographié
Narkevitch-Todko (p. 18). La date qu'ils donnent, 1898, est manifestement fausse puisque
A. de Rochas rapporte son expérience dans un livre publié dès 1895 (cf. note 14).
14 Albert de Rochas, L'Extériorisation de la sensibilité Étude expérimentale et historique,
Paris, 1895, rééd. 1899, p. 45-46.
15 Il devait rapporter ces expériences dans L'Inconnu et les problèmes psychiques et dans Les
Forces naturelles inconnues. Si ses ouvrages sur l'astronomie sont demeurés populaires, on a
oublié, en revanche, son œuvre romanesque, tels Lumen, histoire d'une comète, qui dépassa
60 000 exemplaires, et ses deux romans « sidéraux », Uranie et Stella. Narrant le plus souvent
les amours impossibles et passionnés entre de jeunes savants célibataires et des jeunes filles
chastement vêtues de voiles, dont les moments forts s'accompagnent de pluies d'étoiles
filantes, d'aurores boréales ou de phénomènes électriques, ils évoquent en plus d'une occa-
sion le climat érotico-cosmique du Grand Verre de Duchamp.
16 Léon Denis, Dans l'invisible Spiritisme et médiumnité. Traité de spiritualisme expéri-
mental, Paris, Librairie des Sciences Psychiques, 1904, p. 191-195.
17 V. G. et M. J. Pallardy et A. Wackenheim, Histoire illustrée de la radiologie, Dacosta,
Paris, 1989, p. 131 sq.
18 Renseignements aimablement communiqués par M. Jacques Caumont.
19 Op. cit., p. 7-8.
20 Ibid., p. 51-52.
21 Ibid., p. 56. Dans le même ouvrage, p. 173-174, Rochas évoque les théories de Maxwell
dans son De medicina magnetica publié à Francfort en 1674. Il cite les différents chapitres du
livre II. Si l'on considère les titres des derniers de ces chapitres (xiv à xx) « Des excréments
rendus par l'anus; De l'urine; De la sueur et de la transpiration insensible; Des poils Des
rognures d'ongles et de dents; De la salive et de la mucosité nasale; Du sang et du puson
ne peut manquer d'être frappé de leur ressemblance avec le « Transformateurimaginé par
Marcel Duchamp «pour utiliser les petites énergies gaspillées comme (.) la poussée des
cheveux, des poils et des ongles/ la chute de l'urine et des excréments/ la chute des larmes/
le crachement ordinaire et de sang. », etc.
22 Cf. le catalogue de l'exposition commémorative du centenaire de Georges Méliès,
Paris, musée des Art décoratifs, 1961, p. 30 sq.
23 Si nous ne craignions, à notre tour, d'occulter l'œuvre de Duchamp, qui n'en peut mais,
nous pourrions avancer que le Grand Verre est ainsi la transcription d'une séance de spiri-
tisme, où la Mariée, projetée dans le domaine de la quatrième dimension, joue le rôle du
médium, transmettant ses e commandements » aux célibataires que sont les savants, hommes
de la science, membres d'une confrérie et en présence des « Témoins Oculistes n, qui contrô-
lent le déroulement de l'expérience. À l'exposition surréaliste de 1947, Duchamp ne devait-
il pas représenter le Soigneur de Gravité sous forme d'un guéridon se soulevant du sol?
24 À la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiadet.t. Il,
p. 996-997.
d'un mètre de hauteur sur un plan horizontal en se déformant à son gré et donne une figure
nouvelle de l'unité de longueur» (D.D.S., p. 50).
26 Op. cit.
28 Voir Georges Sadoul, Histoire générale du cinéma 1832-1897, Paris, Denoël, 1973,
p. 364-365; et Jacques Deslandes, Le Boulevard du Cinéma à l'époque de Georges Méliès,
Paris, Éd. du Cerf, 1963, p. 105-107 (filmographie d'Eugène Pirou).
29 D.D.S., p. 121.
1.
30 «Marcel Duchamp maintenant et iciin L'Œil, n° 149, mai 1967, p. 19 sq.
31 In Marcel Duchamp ou le Château de la Pureté, Genève, Éd. Givaudan, 1967.
32 Entretiens avec Pierre Cabanne, Paris, Belfond, 1967, p. 46.
33 Ulf Linde a retrouvé dans la bibliothèque de Marcel Duchamp plusieurs éditions de
Platon.
34 À notre connaissance, John Golding est le premier à avoir opéré ce rapprochement dans
The Bride stripped bare by her Bachelors, Even, Londres, Allen Lane, The Penguin Press,
1973, p. 40-41.
35 In The Bulletin of The Muséum of Modern Art, vol. XIII, n™ 4-5, New York, 1946, p. 20.
36 Henri Bergson, Œuvres, Paris, Presses Universitaires de France, 1963, p. 74.
37 Op. cit., p. 75.
38 D.D.S., p. 42.
39 D.D.S., p. 64.
40 D.D.S., p. 63.
43 D.D.S., p. 57-58.
44 D.D.S., p. 46.
46 The Almost Complète Works of Marcel Duchamp, cat. d'exposition, The Tate Gallery,
juin-juillet 1966, Londres, The Arts Council, p. 49.
47 Man Ray, Autoportrait, Paris, Laffont, 1963, p. 85.
48 D.D.S., p. 57.
49 D.D.S., p. 51.
1.
50 D.D.S., p. 37.
54 D.D.S., p. 43-44.
55 Inventaire du dernier nu in Abécédaire, op. cit.
56 G. de Pawlowski, Voyage au pays de la quatrième dimension, Paris, Fasquelle, 1923,
chap. III.
57 D.D.S., p. 120.
58 D.D.S., p. 121.
1.
59 D.D.S., p. 107.
60 D.D.S., p. 106.
61 Voir note 41.
1.
67 D.D.S., p. 49.
68 D.D.S., p. 127.
69 D.D.S., p. 135.
70 The Complete Works of Marcel Duchamp, Abrams, New York, 1969, p. 442.
71 Dans le chapitre précédemment évoqué de «La diligence innombrablein Voyage au
pays de la quatrième dimension.
72 La Roue de bicyclette in Abécédaire, vol. III du catalogue Marcel Duchamp, Paris, musée
national d'Art moderne, Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, 1977.
75 D.D.S., p. 107.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
76 D.D.S., p. 109.
77 D.D.S., p. 42.
78 Sébastien Le Clerc, Discours touchant le point de veuë, dans lequel il est prouvé que les
choses qu'on voit distinctement ne sont veuës que d'un œil, Paris, 1679.
79 D.D.S., p. 107-108.
80 D.D.S., p. 93.
81 H. Vuibert, Les Anaglyphes géométriques, Paris, Vuibert, 1912, p. 10-11.
82 H. Vuibert, op. cit., p. 12-13.
83 Jacques Lacan, Le Séminaire, livre XI, Paris, Éd. du Seuil, 1973, «La ligne et la
lumière»,p. 87.
84 Jacques Lacan, op. cit., p. 87.
85 Jacques Lacan, op. cit., p. 89.
86 Jacques Lacan, op. cit., « Qu'est-ce qu'un tableau ?», p. 98.
87 Pierre Cabanne, Entretiens avec Marcel Duchamp, Paris, Belfond, 1967, p. 65.
92 De ce point de vue, la présentation de ces chutes de film, telle qu'elle a été réalisée par
Arturo Schwarz, à l'aide d'un stéréoscope classique, est un contresens.
93 Man Ray, par ailleurs, a témoigné que, en 1920, Duchamp était incapable de manier
une caméra. Or la prise de vues simultanée à l'aide de deux caméras synchrones supposait
une grande habileté de l'opérateur.
94 La série de Fibonacci est une approximation de la section d'or. Dans la mesure où les
proportions du Grand Verre ont été calculées d'après la section d'or, les Rotoreliefs s'inscri-
vent, formellement, dans la même catégorie de construction.
95 Michel Foucault, Raymond Roussel, Paris, 1963.
100 Denis de Rougemont, «Marcel Duchamp, mine de rienin Preuves, Paris, XVIII,
n" 204, p. 46-47.
101 Il n'est pas indifférent de signaler que ces spéculations sur l'« infra-mince » sont à peu
NOTES
près contemporaines du moment où la géométrie moderne s'est mise à envisager des dimen-
sions intermédiaires, tels des univers dont les dimensions ne seraient pas des nombres
entiers.
102 On peut souligner, en passant, combien il est important qu'un artiste qu'on est accou-
tumé de considérer comme l'exemple type de l'anti-artiste, le fourrier de tous les icono-
clasrnes contemporains, ait, dans la réalité de ses faits et de ses propos, par-delà le mythe qui
s'était créé autour de son personnage, réinvesti une notion qui n'est autre en fait que celle
de la qualité esthétique, de l'esthesis, la sensation du non-mesurable, du non-quantifiable.
103 E.J. Marey, Le Mouvement, 1894, p. 29-30.
104 Ibid., p. 31.
105 On se référera au témoignage de François le Lionnais in « Échecs et Maths », vol. III du
catalogue Marcel Duchamp, Paris, musée national d'Art moderne, janvier 1977.
106 Cf. supra, p. 155.
107 D.D.S., p. 64.
108 Rodin, L'Art, entretiens réunis par Paul Gsell, Paris, 1919.
109 JD.D.S., p. 120-121.
110 D.D.S., p. 45.
111 On rappellera l'intérêt que Duchamp portait à Platon, et à la philosophie présocratique.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
Une première version des cinq derniers textes composant cet ouvrage a paru res-
pectivement sous les titres suivants
Thaumaturgus opticus
e Duchamp et la tradition des perspecteurs » in L'Œuvre de Marcel Duchamp, t. III,
Abécédaire, Paris, 1977, p. 124 sq.
Moules femâlics
« Sexe et topologie» in L'œuvre de Marcel Duchamp, t. III, Abécédaire, Paris,
1977, p. 52 sq.
Métaphores automobiles
«De quelques métaphores automobilesin La Revue de l'art, n° 77, 1987, p. 77 sq.
La boîte magique
Duchamp et la photographie. Essai sur un primat technique dans l'évolution d'une
œuvre, Paris, Le Chêne, 1977.
INDEX DES NOMS PROPRES ET DES ŒUVRES
DE MARCEL DUCHAMP
Les œuvres de Marcel Duchamp figurent en italique et sont suivies de la mention ai. lors-
qu'elles sont reproduites. Les notes sont numérotées par chapitres et les références qu'elles
contiennent sont indiquées de la façon suivante I (suivi du numéro de note) pour les notes
de Duchamp, fins de siècle, II pour Thaumaturgus opticus, III pour L'échiquier à trois
dimensions, IV pour Spectacula paradoxa rerum, V pour Moules femâlics, VI pour
Métaphores automobiles et VII pour La boîte magique.
Dagnan-Bouveret, 137
Daguerre, Jacques, 223,240
Dali, Savador, I, n. 63
Darlymple Henderson, Linda, 23; 1, n. 31; III, n. 17
Davanne, Alphonse, 178
David, Jacques-Louis, 191
Davray, Henry-D., III, n. 24
De Chirico, Giorgio, 30
Dee, John, 23,125 1, n. 30; III, n. 25, 33
Delacroix, Eugène, 209
Delaunay, Robert, 11 6, 117
Della Porta, Giambattista, 44,221
Demeny, 215
Denis, Léon, 28 I, n. 42; VII, n. 16
Denis, Maurice, 116
Derain, André, 187
Desargues, M., 66,70
Descartes, René, 13,79,80
Deslandes, Jacques, VII, n. 28
Desnos, Robert, 19
Deux Nus un fort et un vite, 219
Diderot, Denis, 43, 260
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
Edgerton, 235
Eggum, Arne, i, n. 57
Einstein, Albert, 121,149; IV, n. 15
Engels, Friedrich, 1, n. 44
Enzensberger, Hans-Magnus, 11; 1, n. 5
Epstein, Jacob, 201
Ernout, 1, n. 106
Escher, M.C., 272
Esquisse pour la porte pour Gradiva, m. 100, 152
Étant donnés, ill. 98, 177, 47, 68, 108, 109, 110, 139, 147, 149, 151, 154, 157, 159, 160, 163,
168, 207, 220, 270, 271, 278, 282, 284;I, n. 85; V, n.
2
Étude pour les joueurs d'Échecs, m. 64, 65, 66, 114, us
Everling, Germaine, 250
Freud, Sigmund, 54, 55, 56, 137, 139; 1, n. 101, 103; iv, n. 9
Fumaroli, Marc, 1, n. 10
Gaïta, 20
Galien, 43
Gascoyne, David, 34, 35; 1, n. 63; VI, n. 9
Gauchet, Marcel, 59;i,n. 112
George, Stefan, 32
Giovanni degli Specchi, 157
Gleizes, Albert, 121,208
Glissière contenant un moulin à eau en métaux voisins, m. 35, 77, 220
Goethe, Johann Wolfgang von, 53
Golding, John, vii, n. 34
Gorceix, Paul, vI, n. 8
Gough-Cooper, J., 1, n. 7i, 94
Gourmont, Remy de, 14, 42, 43, 46, 52; 1, n. 83, 84, 86
Grand Verre (Le), m. 23, 128, 13, 18, 32, 34, 37, 47, 49, 57, 58, 60, 63, 64, 67, 69, 70, 72, 73,
75, 76, 78, 82, 86, 87, 89, 95, 96, 98, 100,103, 108, 109, 110, 139, 140, 141, 142, 154, 162, 164,
167, 169, 171, 174, 175, 181, 183, 184, 188, 189, 199, 201, 215, 217, 220, 222, 223, 224, 227, 230,
231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 244, 255, 257, 258, 261, 262, 271, 268, 278, 279, 281, 282, 284,
285; I, n. 28; VII, n. 15, 23, 94
Gris, Juan, 114, 117, 119, 120; III, n.2
Gsell, Paul, VII, n. 108
Guiraud, Pierre, 1, n. 75
Guitry, Sacha, 22
Haeckel, Ernst, 41
Halberstadt, Vitali, 48
Hamilton, G.H., 1, n. 94
Hamilton, Richard, 63,224
Hanson, Duane, 163
Hanussen, Erik Jan, 31
Harnoncourt, Anne d', VII, n. 96
Hausmann, 177
Heartfield, John, 177
Hertz, 27
Herz, Rudolf, 1, n. 49
Hesse, Hermann, 153
Hessel, Franz, I, n. 46
Hildebrandt, 31
Hinton, Charles Howard, 88,122,128,154,173; rv, n. 23
Hitler, Adolf, 10, 11, 13, 30, 31
Hocke, G.R., 157; iv, n. 29
Hoffmann, Heinrich, 31
Holbein, Hans, 102
Hubert, Henri, 1, n. 106
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
Jàger, Joachim, 1, n. 57
Janis, Carroll, 241
Janis, Sidney, 70
Janssen, Jules, 28
Jarry, Alfred, 14,122,174
Jawlensky, Alexej von, 30,32
Jeune homme triste dans un train, 149, 172, 174, 208
Joire, Paul, 194
Joueurs d'échecs, 231
Jouffret, Elie, 17, 21, 36, 73, 88, 122, 124, 126, 153; IV, n. 22
Journiac, Michel, 57
Napoléon III, 38
Neuf Moules mâlics, m. 33, 76, 77, 220
Newhall, Beaumont, VII, n. 8
Newman, 108
Nicéron, Jehan-François, 17, 66, 68, 77, 78, 79, 80, 84, 95, 100,101, 156,260;
VII, n. 74
O'Doherty, Brian, I, n. 12
Obalk, Hector, 26; 1, n. 8, 37, 53, 79
Objet-Dard, ill. 15, 40, 41, 43, 44, 45, 146, 164, 166, 167, 280, 281, 282, 284; I, n. 78, 85
Obligations pour la roulette de Monte-Carlo, 253
Ofili, Chris, 1, n. 108
Ombres de ready-made, m. 125,185
Oppenheim, Dennis, 250
Optiques de précision, 98
Orlan, 56
Otto, Rudolf, I, n. 106
Ouspensky, 88, 122, 154, 173; III, n. 21 IV, n. 25
Raffaelli, 137
Ratton, Charles, 26
Ravachol, 9
Raynal, Maurice, 111; III, n. 1
Ready-made, 1964, III. 21,49,50
Redon, Odilon, 187,188
Reeves, Hubert, 27
Reff, Théodore, 151 Iv, n. 4
Régnier-Bohler, Danielle, 1, n. 111
Reichenbach, baron de, 27
Reinhardt, Ad, us
Réseau des Stoppages, 224,225
Revel, Camille, 34, 35, 36; vI, n. 9
Reventlow, Franziska von, I, n. 46
Rhumkorff, 190,193
Richard, 217
Richet, Charles, 27,191
Riemann, 34, 121
Rochas, colonel Albert de, 20, 27, 29, 190, 191, 193, 194, 195, 196, 197; I, n. 39; VI, n. 9;
VII, n. 14, 21
Roché, Henri-Pierre, 16, 17, 48, 84, 244; 1, n. i, 11, 13, 16, 46
Rodin, Auguste, 159,161, 279; vII, n. 108
Roi et la Reine entourés de Nus Vites (Le), m. 151, 219
Roi et la Reine traversés par des nus vites, 219,231
Roi et Reine, m. 78, 1 19, 123
Romains, Jules (voir aussi Farigoule, Louis), 33, 34, 46, 47; 1, n. 6i,88
Rontgen, 27, 191, 196 1, n. 41
Rood, 33
INDEX
Unik, 1, n. 63
Valéry, Paul, 34, 46, 47, 89, 90, 91, 97, 103, 106, 135, 136, 137, 143, 150, 153; I, n. 91 IV, n.
5, 12, 19, 26, 27; V, n. 14
Van Dongen, Kees, 187
Van Hoogstraten, Samuel, 108
Varèse, Edgar, 52
Vasari, 139,155
Venturi, Lionello, 137
Vermeer, 258,285
Vernois (docteur), 28
Verrochio, 138
Vésale, 40, 42
Vêtement de la Mariée, 254
Vierge n°l, 32
Vierge n°2, 32
Vignole, 221
Villiers de l'Isle-Adam, Auguste, 174,201 vI, n. 10
Villon, Jacques, 11, 32, 109, 127, 128, 138, 208
Von Schrenck-Notzing, 26
Von Stuck, 31,32
Vuibert, Henri, 257,258; VII, n. 81, 82
Zola, Émile, 18
Zôllner, 1, n. 44
Zweig, Stefan, 11i
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
1 Duchamp dans son atelier de la 67""c rue à New York (détail d'un photomontage
de Kiesler, Poème espace dédié à H(ieronymus) Duch'amp, reproduit dans View,
Series V, n° 1, mars 1945).
6 Vitrine dans l'Exposition surréaliste des objets, Paris, galerie Charles Ratton, 1936,
photo galerie Ratton-Ladrière.
7 Projection à trois dimensions d'un corps régulier à quatre dimensions, laiton et fils,
Paris, Institut Henri Poincaré. Photo J. Faujour/ Centre Georges Pompidou.
8 Dessin de lueurs odiques, planche tirée de Albert de Rochas, Le Fluide des magnéti-
seurs, Paris, 1891.
16 Marcel Duchamp, Feuille de vigne femelle, 1950, plâtre galvanisé. Cliché photothèque
de la documentation générale du Centre Georges Pompidou, Mnam, Paris.
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
20 Marcel Duchamp, Air de Paris, 1919, Philadelphia Museum of Art, The Louise and
Walter Arensberg Collection.
23 Marcel Duchamp, Le Grand Verre, Philadelphia Museum of Art, legs Katherine S. Dreier.
26 Marcel Duchamp, Fresh Widow, 1920, New York, The Museum of Modem Art. Droits
réservés.
33 Marcel Duchamp, Neuf Moules mâlics, 1914. Paris, Collections du Centre Georges
Pompidou, Musée national d'art moderne. Photo Jacques Faujour/ Centre Georges Pompidou.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
35
35 Marcel Duchamp, G/M~Mf~ co~a~t MK ~o~/M a MM e~ Me~MX fOM:'M~ 1913-
MarcelDuchamp,Glissièrecontenantunmoulinàeau en métaux
1915, Philadelphia Museum of Art, The Louise and Walter Arensberg voisins, 1913-
Collection.
38 Marcel Duchamp, dessin pour la Roue de moulin, 1913, Paris, Collections du Centre
Georges Georges Pompidou, Musée national d'art moderne.
41 Marcel Duchamp, À regarder (l'autre côté du Verre) d'un œil, de près pendant
presque une heure, 1918, New York, The Museum of Modern Art, legs Katherine S. Dreier.
44 Marcel Duchamp, Les Témoins oculistes, 1920, Philadelphia Museum of Art, The Louise
and Walter Arensberg Collection.
50 Planche tirée de Sébastien Le Clerc, Discours touchant le point de veuë. Paris, 1679.
51 Planche tirée de Sébastien Le Clerc, Discours touchant le point de veuë. Paris, 1679.
52 Planche tirée de Sébastien Le Clerc, Discours touchant le point de veuë. Paris, 1679.
54 Marcel Duchamp, Tu m', 1918, New Haven, Yale University, legs Katherine S. Dreier.
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
64 Marcel Duchamp, Étude pour le Portrait de joueurs d'échecs, Paris, collection particulière.
65 Marcel Duchamp, Étude pour le Portrait de joueurs d'échecs, New York, The Solomon
Guggenheim Museum.
66 Marcel Duchamp, Étude pour le Portrait de joueurs d'échecs, New York, collection
Louise Varese.
68 Marcel Duchamp, Portrait de joueurs d'échecs, Philadelphia Museum of Art, The Louise
and Walter Arensberg Collection.
70 Juan Gris, Le Damier, 1915, Chicago, The Art Institute of Chicago, Ada Turnbull Hertle
Endowment; don de Mrs. Leigh B. Block, 1956.16. Photo © 2000, The Art Institute of
Chicago. Droits réservés. © ADAGP, Paris, 2000.
71 Robert Delaunay, La Ville, 1910, Paris, Collections du Centre Georges Pompidou, Musée
national d'art moderne.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
75 Juan Gris, Trois cartes, 1913, Berne, collection particulière. © ADAGP, Paris, 2000.
79 « Cube engendré par le déplacement d'un carré parallèlement à son plan », d'après
J. Dee, Four-space, a forgotten dimension of the mind.
83 Jacques Villon, La table d'échecs, 1919, dessin, Paris, galerie Louis Carré.
88 Kasimir Malevitch, Carré noir sur fond blanc, reproduit dans Nouveaux systèmes
en art.
89 Marcel Duchamp, La Mariée, 1912, Philadelphia Museum of Art, The Louise and Walter
Arensberg Collection.
100 Marcel Duchamp, Esquisse pour la porte pour Gradiva, 1938. Collection particulière.
106 Auguste Rodin, Dessin pour le Jardin des supplices, Paris, musée Rodin.
108 Gustave Courbet, La Femme au perroquet, New York, The Metropolitan Museum of
Art., legs Mrs. H.O. Havemayer, 1929, The H.O.Havemayer Collection.
110Marcel Duchamp, Coin de chasteté, 1954, New York, The Museum of Modem Art, Study
Collection. Don de Mr. and Mrs. Solomon Ethe. Droits réservés.
111Ruban de Môbius.
118 Marcel Duchamp, Play ?,1902, ancienne collection Madame Marcel Duchamp.
119 «Nouvelles Ombres chinoises«, planche tirée de Tom Tit, La Science amusante,
Paris, 1890, gravure de Poyet.
121 Alfred Stieglitz, Marcel Duchamp, New York, 1923. Washington, National Gallery of
Art, Alfred Stieglitz Collection. © 2000 Board of Trustees. Photo de la galerie.
122 Francis Picabia, Portrait de Rrose Sélavy, V, 1924 (couverture pour 391, 1924,
montage à partir d'une photo du boxeur Georges Carpentier).
123 Joseph Stella, Marcel Duchamp, New York, The Museum of Modem Art, legs Katherine
S. Dreier.
124 Portrait à la silhouette publié dans Camera Work, New York, 1904.
125 Marcel Duchamp, Ombres de ready-made, photo prise dans son atelier à New
York, 33 West 67th Street, 1918.
126 Marcel Duchamp, Portrait du docteur Dumouchel, 1910, Philadelphia Museum of Art,
The Louise and Walter Arensberg Collection.
127 Marcel Duchamp, Le Buisson, 1910-1911, Philadelphia Museum of Art, The Louise and
Walter Arensberg Collection.
128 Marcel Duchamp, La Voie Lactée, détail du Grand Verre (ill. 23).
129 Marcel Duchamp, La mariée mise à nu par ses célibataires même, gravure, 1968
130 Jakob von Norkiévics-Iodko, Électrographie, vers 1896, Fonds Camille Flammarion,
Observatoire de Juvisy-sur-Orge.
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
131Photographie des effluves du doigt d'un individu en communication avec une bobine
Rhumkorff. Parue dans A. de Rochas, L'Extériorisation de la Sensibilité, Paris, 1895.
132 Réfraction des couches lumineuses de la main gauche à travers un prisme en plâtre,
planche tirée de A. de Rochas, L'Extériorisation de la Sensibilité, Paris, 1895.
136 Marcel Duchamp, Trois Stoppages-Étalon, 1913-1914, New York, The Museum of
Modern Art, legs Katherine S. Dreier. Droits réservés.
138 Marcel Duchamp, Portrait, 1911, Philadelphia Museum of Art, The Louise and Walter
Arensberg Collection.
141 Chute d'un lieu élevé. Amortissement du choc par la flexion des jambes.
143 Marcel Duchamp, Moulin à café, 1911. Collection particulière. Droits réservés.
144 Étienne-Jules Marey, Chronophotographie sur plaque fixe homme qui marche.
146 Étienne-Jules Marey, Goéland dans l'espace, bronze. Paris, Collège de France.
147 Marcel Duchamp, La Mariée mise à nu par les Célibataires, dessin, 1912. Paris,
Collections du Centre Georges Pompidou, Musée national d'art moderne. Photo P. Migeat.
149 Marcel Duchamp, Le Passage de la vierge à la mariée, 1912, New York, The Museum
of Modem Art. Droits réservés.
150 Marcel Duchamp, Étude pour Le Roi et la Reine entourés de Nus Vites, 1912,
Philadelphia Museum of Art, The Louise and Walter Arensberg Collection.
SUR MARCEL DUCHAMP ET LA FIN DE L'ART
151 Marcel Duchamp, Le Roi et la Reine entourés de Nus Vites, 1912. Philadelphia
Museum of Art, The Louise and Walter Arensberg Collection. Cliché photothèque de la docu-
mentation générale du Centre Georges Pompidou, Musée national d'art moderne. Photo J.
Faujour/ Centre Georges Pompidou.
155 Marcel Duchamp, Roue de bicyclette, 1913. Philadelphia Museum of Art, The Louise and
Walter Arensberg Collection.
159 Man Ray, Tonsure, 1919. © Man Ray Trust/ ADAGP, Paris, 2000.
160 Man Ray, Rrose Sélavy, 1921.© Man Ray Trust/ ADAGP, Paris, 2000.
161 Man Ray, Rrose Sélavy, 1921,photo retouchée.© Man Ray Trust/ ADAGP, Paris, 2000.
165 Marcel Duchamp, Cheminée Anaglyphe, 1968, Milan, collection Vera et Arturo Schwartz.
166 Marcel Duchamp, Photogrammes d'un film stéréoscopique, 1920, Milan, collection Vera
et Arturo Schwarz.
168 Marcel Duchamp, Disque avec inscription de calembour, 1926, New York, collection
William Copley.
169 Marcel Duchamp, Photogrammes du film Anemic Cinéma (en collaboration avec
Man Ray et Marc Allégret), 1925-1926.
170 «Les Arcs convergentsgravure de Poyet tirée de Tom Tit, La Science amusante,
Paris, 1890.
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
171 Marcel Duchamp, Rotative Plaques Verre (Stéréoscopie Man Ray), New York, 1920.
173 Étienne-Jules Marey, Sphère engendrée par la rotation d'un fil de métal sous cer-
taines conditions d'éclairage.
174 Étienne Jules Marey, Aspect paradoxal d'une sphère engendrée par la rotation d'un
fil de métal brillant avec un point de réflexion.
175 Étienne-Jules Marey, Sphère engendrée par la rotation d'un fil de métal brillant
(images stéréoscopiques).
176 Étienne-Jules Marey, Volume mathématique engendré par la rotation d'un fil de
métal brillant (images stéréoscopiques).
177 Marcel Duchamp, Étant donnés 1°La chute d'eau 2° Le gaz d'éclairage (la porte
avec les deux œilletons), 1946-1966, Philadelphia Museum of Art, The Louise and Walter
Arensberg Collection.
178 Marcel Duchamp, Ala manière de Delvaux, 1942, Milan, collection Vera et Arturo Schwarz.
181 «La Boîte magique",gravure de Poyet tirée de Tom Tit, La Science amusante, Paris,
1890.
Illustration de couverture
Victor Obsatz, Portrait de Marcel Duchamp, New York, vers 1953. © Victor Obsatz.
Courtesy Achim Moeller Fine Art, New York.
TABLE DES MATIÈRES
Thaumaturgus opticus 63
Notes 287
La condition de l'image.
TOULOUSE-LAUTREC Correspondance.
Édition de Herbert D. Schimmel. Introduction de Gale B. Murray.
Imprimé en France
137594