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Abrège-moi doucement,
que l'hymne ne se prolonge, La poésie y aurait gagné
que le timbre ne se brise entre les préludes si lui, nul autre, n'avait été la huppe
et ils sont à deux voix quand le finale est un solo. au-dessus de la béance du gouffre.
Vive la vie ! Il a peut-être dit :
Enlace-moi doucement que le vent ne me Si j'avais été un autre que moi,
disperse. je serais devenu moi, encore une fois.
Même à cheval sur le vent,
je ne peux me défaire de l'alphabet. Ainsi je ruse : Narcisse n'étais pas beau,
Ne me serais-je tenu sur une montagne, bien qu'il en fût convaincu.
j'aurais été heureux de me tenir dur la tour de Mais ses créateurs l'ont asservi à son miroir.
l'aigle : Il prolongea alors sa contemplation de l'air
Nulle lumière plus élevée ! humide...
Mais pareille gloire couronnée d'or bleu infini Aurait-il pu voir un autre que lui-même,
est difficile à visiter : qu'il serait tombé amoureux
le solitaire là-bas demeure solitaire, d'une jeune fille le fixant,
il ne peut redescendre à pied, oublieuse des bouquetins courant
car ni l'aigle ne marche entre lys et marguerites des prés...
ni l'homme ne vole. Aurait-il été perspicace
que ta cime ressemble au gouffre, qu'il aurait brisé son miroir,
et vu comme il était, les autres...
Qui suis-je pour vous dire L'espoir est par chance du voyageur,
ce que je vous dis ? le jumeau du désespoir
ou sa poésie improvisée.
J'aurais pu ne pas exister, Si le ciel est gris,
la colonne aurait pu tomber que je vois une rose pointer soudain
dans une embuscade des fissures d'un mur,
et la famille, diminuer d'un garçon, je ne dis pas : Le ciel est gris,
celui-là même qui écrit ici ce poème, mais je fixe longuement la rose
et je dis : Quel jour que ce jour ! Qui suis-je pour vous dire
ce que je vous dis ?
Et à deux de mes amis, J'aurais pu ne pas être celui que je suis,
je dis aux portes de la nuit : j'aurais pu ne pas être là...
Si un rêve est indispensable j'aurais pu être à bord de l'avion
qu'il soit à notre image... et simple, qui s'écrasa ce matin.
comme si nous dînions tous les trois, Mais j'avais manqué mon vol
dans deux jours, car, par bonheur, je suis un lève-tard.
pour célébrer l'accomplissement J'aurais pu né pas voir Damas et Le Caire,
de la prophétie dans notre rêve le Louvre ou les villes ensorceleuses.
et le fait que depuis deux jours,
tous trois n'avons pas diminué d'un. Le fusil aurait pu séparer
mon ombre de cèdre vigilant,
Célébrons la sonate de la lune si mes pas avaient été plus lents.
et la clémence de la mort qui, J'aurais pu voler en éclats,
nous voyant ensemble, heureux, n'insista pas. devenir pensée furtive,
si mes pas avaient été plus pressés.
Je ne dis pas : La vie, là-bas au loin, J'aurais pu devenir amnésique,
est réelle si j'avais trop rêvé.
et le lieu, imaginaire.
Je dis : La vie, ici, est possible. J'ai la chance de dormir seul,
d'écouter ainsi mon cœur,
C'est le hasard que cette terre devint sainte, de croire en mon talent à déceler la douleur
non parce que ses lacs, et appeler le médecin,
ses collines et ses arbres dix minutes avant de mourir,
étaient la réplique d'édens célestes dix minutes suffisantes pour revivre
mais parce qu'un prophète y marcha, par hasard et décevoir le néant.
pria sur un rocher qui pleura Mais qui suis-je pour décevoir le néant ? »
et qu'une colline tomba, évanouie,
par crainte de Dieu.