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Le Soir
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d’Algérie Culture Mercredi 4 septembre 2019 - PAGE

L’écriture qui libère le désir puissant d’exister


ie
l i brair LE RÉVEIL DE LA MÈRE DE MERIEM BELKELTHOUM
En

En plus d’être une vraie fresque et une saga familiale, qui exercent leur pourvoir et leur clarté à mesure que l’auteure décrit,
Le réveil d’une mère exprime en profondeur la condition supériorité d’»alphabètes» sur les explique et analyse les faits du
mères «alphabètes»). (Le préfixe comportement social (ici de chacun
de la femme algérienne depuis près d’un siècle. Histoire ana et qui donne «analphabètes»). des membres de la famille de la
d’une vie, le roman est en même temps une double analy- En l’occurrence, Le réveil d’une narratrice, à commencer par le
se : sociologique, et psychologique surtout. mère est aussi un roman à thèse propre comportement de celle-ci).
(ici politique, philosophique, mora- Ainsi en est-il, par exemple, des
L’analyse sociologique s’accom- les iniquités de la vie quotidienne à le, idéologique...), puisque le récit rapports «fils et mère» (titre de cha-
pagne, en effet, d’une dissection sa manière. Pleine de cran, le verbe analyse, en parallèle, «la crise pitre) à travers Nadir, le fils aîné et
des états de conscience des per- haut, bi-lingue, elle tient tête à tous ontologique des juges, femmes et son unique garçon.
sonnages, de leurs sentiments, de ceux qui portent atteinte à sa digni- hommes» de l’Algérie pré et post- Mais pourquoi donc Nadir
leurs comportements, de leurs moti- té. à travers ce récit, se profile la indépendance. «Leur volonté de n’est-il pas un homme «normal»,
vations. La psychologie de l’incons- fresque de l’Histoire, avec ses per- puissance sur les mères comme épanoui ? Pourquoi ces écarts et
cient (voire la psychanalyse) per- sonnages politiques, ses guerres, moi, alphabètes préfixées, com- ces comportements incompréhen-
met ainsi de pénétrer les profon- ses familles en tumulte, ses lois, pense leur vulnérabilité devant sibles ? «Maintenant que je peux
deurs intimes, secrètes de l’être, de ses coutumes battues en brèche, l’autre. Ils ont choisi de vivre dans écrire, je réfléchis à la signification
révéler les non-dits et ce qui se ses saints protecteurs, ses défaites les interstices des lettres de l’al- de cette logique qui enchaîne tant
cache derrière les ombres. Meriem et ses succès. Fatma nous entraîne phabétisme d’emprunt. Tant de mères à des fils indifférents ou
Belkelthoum a naturellement privilé- dans une course effrénée au bout mieux pour eux. Mais pourquoi abusifs (...) La triple souffrance
gié le point de vue humain (c’est de laquelle nous découvrons qui n’assument-ils pas leur choix et ne que Nadir infligea à son père (par
une mère qui s’exprime ici, libre- nous sommes. Quelle aventure !» vivent-ils pas heureux ? Pourquoi sa fugue, son refus de retourner
ment, en usant du «je» personnel Le récit s’ouvre sur un prologue, veulent-ils nous écraser ? Pour- au cours complémentaire, sa
qui humanise encore mieux le récit) le prélude qui relate le «miracle» de quoi ont-ils fait de notre aliénation ruine du magasin) n’était sans
pour présenter le sujet de la condi- la découverte de l’écriture et qui encore, comme le rappelle la maxi- la condition de leur accession à doute que sa manière d’exprimer
tion féminine en Algérie, un sujet précède l’histoire émouvante de me de Nietzsche : «Tout ce qui ne l’autre ? Est-il possible que nous, sa colère contre un système poli-
aussi complexe que sensible. Il fal- Fatma. L’écriture qui va changer sa vous tue pas vous rend plus fort» ! les mères, soyons la cause de tique et social donc il avait hérité.»
lait aussi à l’auteure déconstruire vie. Car «la parole si vivante qu’elle Fatma est une incarnation vivante cette tragédie ontologique ? Les facultés cognitives de la nar-
quelque peu les codes du genre fût se dissipait dans l’air. L’écriture de ces aphorismes. L’écriture puis- Avons-nous failli en tant que ratrice aiguisent le raisonnement, le
romanesque pour obtenir une par contre reste, demeure, survit». sante et somptueuse de la narratri- mères ? Il m’incombe s’examiner jugement, la mémoire, l’imagina-
meilleure radioscopie des struc- Alors, dans son appartement à ce tisse les fils de la chronologie, de ma vie de mère pour trouver des tion. «L’écriture devrait me per-
tures sociales et psychiques qui Alger, où elle vit seule depuis plu- la géographie, de la généalogie, de éléments de réponse à cette ques- mettre de me libérer, de me soula-
déterminent et perpétuent la discri- sieurs années parmi ses chats, ses l’histoire, aussi de l’individu en tant tion», conclut la narratrice. ger de mes souffrances inexpli-
mination, la ségrégation des sexes, canaris et sa tortue, Fatma se mit à qu’être particulier. Mais une toile qui Au printemps de l’année 1929, cables», pense-t-elle. Mais, «est-il
les rapports de pouvoir, les ata- écrire : «(...) comme pour répondre offre de la perspective et de la dis- Fatma fut mariée à Adel, un des possible que la libération par l’écri-
vismes, les violences multiformes, à une voix qui me dit : ‘‘écris !’’ tance pour mieux comprendre l’His- notables de la ville de Relizane, ture soit avant tout libération de nos
la régénérescence d’un système J’écris : ‘‘Moi, Fatma, fille de toire. Grâce au résumé, à la digres- alors qu’elle n’était pas encore nubi- névroses, de tout ce qui berce nos
patriarcal rétrograde. Toute l’histoi- Sidi, j’écris. Je voudrais conter mon sion, à l’analyse et au connexions le. Déjà divorcé d’avec cinq certitudes, nos illusions ?» Pendant
re de Fatma, la narratrice, est alors histoire.’’.» Elle avait pris le cahier qui permettent de passer du parti- femmes, «le vieux et strict» Adel ce temps, la saga familiale se pour-
racontée avec l’esprit, l’intelligence aux bords jaunis de sa fille Meriem culier au général. «Je suis née dans «forma le projet de se créer une suit en contrepoint de la fresque
lucide et la sensibilité qui permet- qui lui avait dispensé «des séances la ferme de mon père, juchée sur femme selon ses propres spécifica- historique algérienne.
tent de percevoir, de comprendre, d’alphabétisation»... L’écriture une colline, chez les Ouled M’alla, tions». En clair, «j’étais l’objet de Guerre d’indépendance, mort
d’exprimer les choses avec clarté, comme recherche de soi, pour l’année où la France a essayé de son expérience : il me prit encore d’Adel («l’histoire qu’il incarnait
perspicacité. Le déclic salutaire épouser au plus près ce qui se faire pousser du riz dans la vallée enfant, m’isola du reste du monde, n’était plus»), libération... Quelques
s’est opéré après s’être réveillée passe à l’intérieur de la narratrice, du Chélif, autour de Jdiouia où ma m’enseigna cuisine, pâtisserie, années plus tard, à Alger où elle
d’une apathie pénible : la mère finit pour dire l’indicible. L’écriture grand-mère et ma tante maternelles ménage et prière. J’étais sa créa- s’était installée après l’indépendan-
par ouvrir grands les yeux sur elle- comme espace de liberté et pour habitaient. Je suis noble car mon tion et sa chose.» Le premier ce, Fatma se sent «sans passé,
même et sur le monde, et voir dire la révolte : «à mesure que je père aussi bien que ma mère sont enfant, Nadir, naît après trois ans rajeunie, revigorée». Elle a toujours
l’autre côté du miroir. trace des lettres sur le papier, je originaires de Seguia El Hamra de mariage. Trois ans plus tard, cette impression d’être «plus
Pour le lecteur, le texte en qua- peux voir plus clairement les (...).» Fatma était «née intelligen- naissance de Mimi. moderne» que ses enfants (elle
trième de couverture est déjà plein contours de mon existence et des te», contrairement à sa mère : «Oui, La deuxième fille, Safya, née explique pourquoi). Surtout, elle fait
de promesses : «Née dans l’Algérie choses en général. Je ne trébuche je le répète ma mère était bête. Elle elle aussi à trois ans d’intervalle, en la découverte de son corps : «Je
profonde pendant la colonisation, pas sur mes souvenirs ; ils ne blo- habitait tout près d’une école fran- 1938, s’éteignit à l’âge de six mois. me souviens du jour où mon corps
Fatma, l’héroïne de ce livre, était quent plus mon horizon ; ils ne for- çaise mais n’a pas eu le bon sens «La mort de Safya fut le prélude à se révéla à moi.»
vouée à une vie sans relief, si ce ment plus le contexte dans lequel je de m’y faire inscrire. L’idée ne lui une série de catastrophes» : les La trame de la psychologie de
n’est qu’elle parlait la langue de plaçais toutes choses. C’est là un avait même pas traversé l’esprit ! Il affaires de Adel commencèrent à l’intelligence continue à se nouer et
l’occupant à la perfection. sentiment de prise en charge qui ne est vrai que divorcée, flanquée de péricliter, il vendit ses biens et se dénouer tout au long des cha-
Un matin, un miracle se produit semble plus se limiter à mon feu deux filles, et soucieuse de gagner «trouva son salut dans l’exil à pitres suivants, lorsque la narratrice
: elle s’aperçoit qu’elle peut lire et époux ou à mes enfants. Je vois sa vie, elle passait son temps à Mosta». Un exil dans un logement explique, par la phénoménologie
écrire. Le choc de l’écriture lui fait d’en haut ce que j’ai vécu en bas. remplir des commandes de tissa- exigu, une sorte de cachot. «C’est notamment, comment se tissent les
découvrir la capacité de se regarder Oui, pour moi, c’est cela la liberté. ge.» Fatma fut élevée par sa grand- alors que je commençai à voyager, rapports mère-enfants et comment
sans fard, de penser et repenser sa Meriem m’a souvent demandé pour- mère Aïcha, à Jdiouia. L’enfant seule, par train ou par car, pour «mère, fille et femme» sont forma-
vie pour en connaître le sens. Elle quoi je lançais cette affirmation : avait sept ans à la mort de l’aïeule. rendre visite à mon père aux Ouled tées et conditionnées. Et cela à
nous raconte comment elle se libé- ‘‘Moi, je suis une femme libre (ana Sa tante Kheira la ramena chez M’alla (...). Notre émigration (...) contre-courant des dissertations
ra des mystifications sociales qui houra) !’’ chaque fois que j’avais sa mère, à Relizane. C’est là qu’elle marqua mon passage à la liberté. des «psychologues coloniaux et
l’emprisonnaient dans sa propre une altercation avec Mimi, ma fille apprit à parler le français au contact Ce fut comme un passage à l’âge leurs émules», bien sûr, mais aussi
maison, de l’emprise de son mari et aînée, ou avec ma voisine. (...) Je de Fifi et Adrienne, deux filles d’un adulte. Je me trouvais une énergie des discours des féministes occi-
de ses enfants.  voulais dire que je n’étais pas colon. Dans sa longue et pertinente nouvelle, une confiance en moi dentales. Le deuxième exil de
La transformation de l’héroïne, inféodée, que personne ne diri- digression sur les «alphabètes» et inouïe. J’avais laissé l’adolescente Fatma aura lieu au cours de la
de femme illettrée à écrivaine geait ma pensée, et surtout que je les «analphabètes», la narratrice déprimée et muette à Relizane. décennie noire.
savante, donne à ce récit une ne m’embarrassais pas des écrit notamment : «Je manie la Maintenant j’étais femme pensante A la fin de son récit, la narratrice
dimension unique qui nous permet conventions qui m’auraient intimé langue des alphabètes comme mon et agissante (...) Adel ne disait mot : s’adresse à toutes les mères. Elle
d’entrevoir les espoirs, passions, le silence. Moi, je dis ce que je aïeul maniait l’épée. C’est un objet sa chute sociale et matérielle signi- leur dit, entre autres, ceci : «Mes
rêves et aspirations jusqu’ici enfouis veux, quand je veux, sans peur des parmi tant d’autres. Je ne lui ai fia mon affranchissement.» Nais- sœurs, nous ferons l’Histoire, notre
dans le silence qui enveloppait conséquences. Mais maintenant, jamais permis de se disputer mon sance de Meriem pendant la Histoire, celle que nos enfants et
celles privées de la parole écrite. je m’aperçois que je n’étais pas âme ; elle ne le put car je l’ai captu- Deuxième Guerre mondiale... Les leurs enfants ont réprimée, rendue
En se dédoublant, Fatma l’écri- libre ; j’étais rebelle. Maintenant, je rée dans la rue pour ainsi dire. (...) enfants grandissent. orpheline.» Et, pour faire l’Histoire,
vaine jette un regard tour à tour sais ce qu’est la liberté. C’est cette Je la possède ; elle ne me possède Fugue de Nadir à Tunis, suivie les femmes ont l’amour pour princi-
réprobateur et compatissant sur force qui me fait asseoir à la table pas.» Passionnant travail de de la fugue de Mimi à Alger. Ségré- pale arme, mais aussi la confiance
Fatma l’analphabète et nous fait de la salle à manger pour écrire, et réflexion et d’introspection sur «les gation sociale et ségrégation dans en soi et la connaissance.
ainsi découvrir la vie intérieure écrire pour comprendre et expli- choses linguistiques», sur la «tragé- l’éducation sous le régime colonial. Hocine Tamou
d’une femme au sein de laquelle quer la liberté que je croyais être die ontologique» qui fait que «ce Faits et états psychologiques des
rébellion et résignation se disputent mienne comme si la clamer sans sont des hommes et des femmes personnages. La structuration spa- Meriem Belkelthoum, Le réveil
la scène. Mue par un désir de liber- cesse me la faisait posséder.» Etre empêtrés dans leurs sens de l’his- tiotemporelle du récit narratif gagne de la mère, Aframed éditions,
té indomptable, elle se bat contre fort dans l’adversité, l’épreuve. Ou toire, si vulnérables devant l’autre, en cohérence, en cohésion et en Alger 2019, 206 pages.

SIÈGE DE LA FONDATION ASSE- SIÈGE DE LA LADDH (ORAN) (FORÊT DE BAÏNEM, ALGER) tion de peinture de l’artiste plasti-
LAH (RUE ZIROUT-YOUCEF, Jusqu’au 9 septembre : Exposi- Jusq’au 15 septembre : Exposi- cien Mohammed Bakli.
LIBRAIRIE DU TIERS-MONDE ALGER-CENTRE) tion collective de photographie sur tion collective d’artistes peintres GALERIE D’ARTS LE PAON
(PLACE ÉMIR-ABDELKADER, Jusqu’au 28 septembre : Exposi- le Hirak. et de calligraphes «L'artiste dans (CENTRE DES ARTS DE RIADH
ALGER-CENTRE) tion collective d’arts plastiques Photographes participants : la préservation de la mémoire», EL-FETH, NIVEAU 104, LOCAL
Samedi 7 septembre à partir de «Eclosion», avec les artistes Ahmed Nora Zair, Ali Aït Amira, Driss Mouf- organisée par Machaâl Echahid. 1B32, EL-MADANIA, ALGER)
14h : Fatah Boumahdi signera son Mebarki, Abdelkrim Belherazem, fok, Amine Hannane, Jamila Loukil DAR ABDELTIF (EL-HAMMA, Jusqu’au 20 octobre : Exposition
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paru aux éditons El Ibriz. et Moulay Abdellah Talbi. ESPACE ART ET MÉMOIRE Jusqu’au 5 septembre : Exposi- med Krour.

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