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C E Q U E J E C R O I S

En douceur
C e fut, certes, un coup verte depuis dix-sept ans, dont on a tant par­
politique. Miüs quel lé, qm a fait counr (et trébucher) bien des
nom fui donnea* ? Celui « dauphins » désigné ou autô-nommés. Eh
qui vint à l’esprit dë tous, tant bien, cette suoçession, elle est réglée : le dé-
rhübitude én est grande, est volutaire est M. Zttie El Abidine Ben Ali, un
coupd'Etat Mais, au fur et à outsider, • Pb<mil^ ûouyeau » que Jeune
mesure que les informations se Afrique découvrait et révâait dans son nu­
précisaient, 6n s’aperçut que méro 1331 du 9 juillet 1986.
ce n’en était pas un. « C*estun Entré t i ^ tard dam la course, il a trouvé
coup de force, dit ^ s rire les coureurs de fond qm, eux, étaient partis
Tambas^dëur de France à trop tôt, fatigués bu IniBii sur le bas-côté de la
Tunis, M. Jean. Bressot, puis­ route : il a gagné aU s ^ sans effort appa­
que M. Boiuguiba pas r a t étaVec le i
l:v; d*acc(xd. » L’é]q)re!ision lïe
I.Li-y,■
..
I convenait pas davantage, et
l’on parla de la naissance a isq u ie ^ a u l
d’une n* Répubfiqtie tuni­ auquel Ztne El
sienne pour s’apercévw, dkmsi dine a déddé de succé-
la journée, que rien de tel ne se jfvodui^t en d er?T ô ü tà^flélé:^ -cetJ.............
Timisie. La République demeurait réjgié par euocnnmei__
sa Constitution, le gpuvememient lu i-m ^ e
était peu modifié : le pays changeait de prési­ jui^u’au ^ novdpi);^ 1987, en scteé pôidàilt
Il -. dent et de p r ^ e r ministre. Ce n’était pas {dus d’i^4ë^-*siède ? Je le ^ c ^
peu, mais c’était tout ou presque. Jeûné
|4 ;’ Etait-ce un acte de « redr^sement natio­ m deux
nal » ou de « salut public » ? Ou bien une «1 débonbie et en janHIF
« rectification » ? Rien de tel non plus. Ne diains, avec l’espoir, tout a i lui rmdaüittjüs-
trouvant d’expression adéquate, on. se ti<^ de faire om tri^idds à l*abo^KliÉte et : ^ v
am trata dedire « ouf » et de parler de « dé^ ccÀteuse hai^ogcaphie qu’il a fait iwbtter sur .r
livrance ». La Tunisie était grosse d’un évé- M- ...
nesnent depuis longtemps attendu, qui venait Boiirguibai je les n;;
de se produire : alors qu’on apprâiâidait quéj|||ï^p jnrà^fif» coi^u
une naissance au « forceps » ou to e « césa­ et jè'jiiii d ^ une gnmdé: partie de
rienne », oa voyait l’eaifont sortir ra^dôu- mftfbligBati^ ]
ceur, impatioit d’avoir un peu trd|)' 19S4 à 195^ jp t^ son
mais souriant. La mère, délivrée, ai à e*t ;à)0Ûf 1957;—# y a dMK;
tout aussi bio). .atis
Aux alentours, on n’en revonit
sans mélange des amis prodie^ ou peüx dii^ Vfflttdnteitiijai
sourde d é c ^ o n (ça^ée mais . q u e » i^ :
1“
Iv; tra) c h » ceux qui e^)^aient que cet hoiilme qiâ et s’a^m rùt au?ddà
aurait bescnn d’eux pour accoucher. de to i^ mesiiK^ tti^ les a ü ^ étioent des
Mais revenons à l’événemoit et à la ques­ itistnunaits ét d m q i^ (Qfui ne poiivait
h-'-r: tion posée plus haut : quel nom hii dcxiner ? accô>ter d*être in stru n ^
n n’aura pas de nom parce qu’il^ ’entre vriu- gnor. Cei^ ce <|^ë j’id f d t
ment dans aucune cat^cme. Mais d s’agit . Qui reàa^jà^ioa >ervice;sans «Mnpiendre
ceci ; Bourguiba, c*estSbLSamccéssioaest c^^ans aed^ie^ qb’fl devenait un de ses ins-
ânipénts nléilàB^^
r>' • Vous savez, cette fameuse succession, ou­ eimùis. La Êste é^ lo a g u e..
■is-:
28 JEUNE AFRIQUE 1^. 1402 18 NOVEMBREitt?
Le général dç Gaulle a eu son Q iiâ^ le chiatres n<Mi tunisiens qui l’avaient examiné,
mar6<£al Pétain un ju j^ e n t térriUe : ^ Pé- ils avaient été fprmejs, et ce dès1971 : Bour-
tain est mort ^ ,1925.» C da signifie guiba aura des r^ssi< nis mais jamais il ne
qu’iqprès cette date et jusqu’à ' sa mort, tiù retrouvm sa forine int^ectuéUe. Ses facul­
1951, le Marédial n*a plus été que l’o n ^ tés d’analyse et de ^ th è s e sm m t de {dus en
de lui-mdniè i im habuAe en dédm ou en d ^ {dus fragmentaires. Il s’accrodiara de plus en
c r^ tu d è qui vivait sur son capital de gloire. plus aux détails, de moins en m dns à Tai-
Je «ois qu’tm ;peut en dire autant de semblè^ D r é s i s ^ de moins à i in(»ns aux
Boiuguiba. Il à été n m d , a atteint son apo; influences e^ttârieures. L’un d’eux, te profes­
gée a i 19i57 (il âVait alprs 65 ansV a oom- seur AJuriaguerra, de la dinique Bdf Air à
mencé à gcàyemait décliner en 1969. Pùür iG^ève, avoir revu Bourguiba, en fé>
moi, a èst mort enjanvier 1974 à Djabèu vrier |1974,^ au lendonain de Djerba, a dit à
L’homme'qui, sans pr^>aration aucune, a à - l’oitouràge du président : « Des Djerba,
gné en 4tt«qûes minutes de tête-à-tête avec vous allezm aycir<^ifuiuejam ou mesque.
K a d ^ , dans un salon dliûtel, sur du p i^ o r Vous devriezprémunir vtOtejKésideat —er
à e n - ^ de cet hdtd, ce fiuneux' « acte votremys —otrntrecda... »
d’unio^ » de la Tunisie àvec la Libye, lequd Mais, à Tépoque, te premia-ministre M.
aurait pu, s*il avait été suivi d’^ t , c o n d ^ Hédi ^|^ouira tenait la barre d’une mam
à toutes les avmtures, cet hoOiitaie ne pouvait ^ferme, ét qui rassurait la îriupart des Tuni­
pas £ti» Boui^uil». C était spn ccàitraite, siens. Le p a ^ était en pldne croissanoe éco­
tout comme te V ian Marédial dtis années de nomique. On a pensé qu’on pouviut v<w ve­
roQCiqMtiç^ aUanande ne pouvait êtré celui. nir... \
de VoduîL Et puis Bourguiba, ne 1’ouW<his pas, ins-
Ses coilatKxateurs directs de Toxique et le (Hirait encore respect, affection ^ crainte:
premier m in i^ d’alors M. Hiâli Noùira, nul, fMumi ses coUalxKateurs, ne se soait
auraient été bien avisés à , de retour de Djer- avCTtiiré à^ liii suggérer de ré||nar sans gou­
ba, ils avaient ^ d u à son inb^Mdté. Ce à verner, encore moins de se retirer.
qwH le. général Ben Ali et M. Hédi Bac- Je me soUvions l’avoir entendu dire — il
coudie se sont résdiis en novembre 1987 était iil(m encwe à s<m apogée — dans un
était légitime, v < ^ impérieux^ dès h 12jan­ moment de détente et s’amessant à une de-
vier ce jour-là, oi|[[du^ la Constitu- mi-dôuzaine de ses plus proches collalxKa-
timi a sans^doute été v idée., teurs, installés autour de lui : « UnjmMr, je
n m’est fodle de le <Krè jdùsiéuts an­ dfytàOaâ, diraietferain*importéqam. Au­
nées a | ^ que ce ne Tétait dé,le ( ^ d o : et cunde vous,j’m suis c&tma, nemele dira,
de l’exéiéutar à ce m ^eo t-là. Çntés. Je sais ninem’àrréfera... »
que, contriMrement au p ^ t
9 oiq[)e. d*iK)mmes qui a osé, «Mira et eiœcu-
té la déstittatidn de Bourguiba te 7 novonlxe L’^xè^Bourguiba » a donc oranmenc^
1987, tes hopunes qui poiwaioit ou de^dent ^ pas a p i^ sa mort, ccmmie on l’en-
te fiûre œ 1974 n’etident j ^ unis. Et puis : Visageait communémoit, mais de scm
avant l’heure, ce n’est pas ' vivànt,.Pe sa résidence du M<Knag, à travers
les jominaitt, la radio, la tâévisiôo et sans
doute bienffi les visites, il veriia la Tuniste
Q pi^ qu’il en $oit. Bourguiba était d ^ frmctioana sans Bourguiba, ses anciens col­
«n i!^4> sdon l ’oqpfèssioa de sa laborateurs proidre Ions déçisioas sans lui
lonm e, > un cendtiSaére àcent bou­ référer.
gies, doat sotainte-àixsoat Adates. »Cha­ Je continue de pensa, et peut-être en
que année en a éteint qud^es-unes de i4us. ,coiiviendra-t-p, qu'il aurait pu éviteir la desti­
Q um t aux médecins, neunrfogués et psy­ tution ét la perte de tout s<m pouvoir s’il

JËUNE'AFfflQUE N* 1402 - 18N0VEMBRE 1967 29


C E Q U E J E C R O I S

fE-1-

En douceur (suite)
avait accepté de renoncer volontairement à n’est pas le vide comme on le redoutait. Ce
>une partieà&ce pouvoir. C’est ce que je sug­ sera au contraire, selon un mot gaullien célè­
gérais début 1984 (J.A. n° 1204 du 1» fé­ bre, le trop-plein.
vrier), m’adressiint a lui et, au passage, aux Tout Jhoiüme politique a, tnen 'sûr, leé
autres détenteurs de pouvoir dm s son cas ; droits du citoyen et, en plus, celui de s’adôn-
« n sanblé biétt qti'üsoit èouvmtplus dÊB~ hd* à èi qujU ^ t faire : la politique.
die dequitürlepouvoirquandonFaexercé Néajamp&s,’ beaucoup de ceux que le dé-
longtanpset intensément. Decec(mstat,pn
une en 1956 le jour de l’indép(^dainoe, vçMre
plusunpouvotest outéndversl’at^ûî en 1954 lors de l’autonomie Interne —il y a
plusil adecbancèdt gagner(enlongévitéei près de trente-cinq ! —serinent biien
deSnt danslasfyiliB iÈité. sés, euX; aussi, dé prafdi;e volontaitem ^t
« A défàut d’une trandiéeétiàine— leur retraite-ou, à tout ji^pibins, d’éviter de
pasdepouvmrdegouvernerau-delàdéqua- fiure du « forcing » : ils ont 60,65 ou'mèCDe
tre-vingtsans ^ nepeut-on âtr moins linaitèr 70 ans et plus ; ils mit œuvré à riild^>éi|-
lesdé^ts ?Enobtenant, dansliespaysüùle dance du. p«ys piiis à l’é ^ c a tip n de la
pouvoirest—deMtoudedroit—àvie, qu% publique. Mal PU bien, il$ pnt acopmpli leùi:
partir de ^tre-vingts ans celui qui lé dé­ misa(Mi. 0 u ’ils fassent place aux jeunes —mi
tient continue de r^er mais cesse degou­ ne le répétera j^ a ik a ^ % de$
verner. siens dnt. mpins de 30 a n ^ et se retiiinfè
*Conunoit le poürrait-il, dès lors que avant qu*pn les pousse vers la sortie. Je erois
M intact en quelquesorte delire, li­ que la Tunisie s’eiï pi^Nrtaait niiei|^ qtte le
mite coÊmdéràblemokt ce qu’il voit ét at­ débat politique aiàrait plus de chances de
tend, VélmgaedeceuxquipourraientTédai- s’axer isùr l’avenir.
rar, le mettant àportée de ceux-làxuls qui Un mpt ppùr finir sur ce 4 ^ va se pSasser
ontintérêtàutilkersonpouvoir ? maintoifmt : leur g ^ d h p ^ e parti, leisTu-^
€I^insle TiersMondeentoutcas, ilrt’est jiisiens y<mt devoiir et se senior adulf^* Q i
pas raÈkmnaMe de voiàmr Mte gouverner Vpnt peu à prendte pleinéme^
lesSO%demoinsdevingtansfMo-quiàplus ccHisciràce que Bôurguiba n’est plus llL Dié-,
I dequatre-vin^ans. » ' sdrmais, ce qui se fera le sera sans lui ; cesé^
Mon intrusion, modérée vmrè timide,,a raleimduit décequ^estdevenuelà Tkmisiè
été mal prise. Et c’est tbutlè omtraire qu’<w m trenteansd’iàâqpendance. "
a vu se développer : Bourguiba, qui.dâé- Quant au npuveau p ^ d e n t (51
guait beaucoiq), donnait à ses {te^emiets iiii- au npuveau premier ministre (57 atis), ils
nistres des pouvoirs étendus et une ffnmde spnt amis, cpmme oale sait Mais ils dewànt
latitude, s’est mis à tout r^ e n t^ , à s’occuper inventer une nouydùe fdaticm de travail
des détails, à décider de to u t Au point d’em'- tte eux et aitre leurs deux fcmctions, f»$t|-
quer une relatipn nouvdle entre eux et
autres. L’iqnès-? noV ^bre est ppur eux la
plus fumidaUe des ^neuves. Peqpke, üju’ils
ctmchire qu’il ne lui restait qii’à se démettre ladpnrâercm t
ou à... démettre. • n sera tout a u ^ difâcÜé fin p ^ ^ tiini-
sienetàsa tj,.
ne senuiine i^rès le d^Kut du

U dent Biwguiba pour une retraite fo r-' à lui: l’adulatipn vobele et <xgmûsée, le
_ cée, beaucoup de ses anciens édliaibo- àilte de la perstHuialité à tpus les pçrâs de ,-6S, Vt.
rateurs qu’il a condamnés à la priscm et/pu â phrases ét de rues n’pnt pa$ peu a»ttibttè &
l’exil sont de retour en Tunisie ou sur le point transfèrmer BPurguiba,4 doadiàr de l u la
d’y rmtrer. La scène politique se r a n ] ^ et
ne tardera pas, je pense, à d«m ar l’impres­ détestaUe des images.
sion de déb o ^er: l’après-Bquiguibi^ ce , Ne leobmmeaçpns pas. □

30 JEUNE AFRIQUE N» 1402 - 18 }W


TUNISIE

C E T T E

N U I T -Ü L ..
Heure par heure, le récit de la destitution
du « Combattant suprême ».
Pourquoi et comment celui qui est
aujourd’hui le nouveau chef de l’Etat
a décidé de sauter le pas.
DENOSENVOYÉSSPÉCIAUX SaMIR G hARBI ET F rANÇOIS SoUDAN

e crépuscule du « Combattant lantes ne laisse plus aucune place au

L suprême » s’est donc achevé à


l’aube, une aube banale, fris­
quette et grisâtre. Un décor
ordinaire de l’automne tuni­
sien pour le seul acte de sa vie politi­
que qu’Habib Bourguiba, 84 ans, n’ait
doute : « Face à sa sénilité et à l’aggra­
vation de son état et se fondant sur le
rapport y afférent, le devoir national
nous impose de le déclarer dans l’inca­
pacité absolue d’assumer les charges
de la présidence de la République. De
pas mis en scène : sa chute. ce fait et en application de l’article 57
Il est six heures, en cette matinée du de la Constitution, nous prenons en
samedi 7 novembre. L’antenne de la charge, avec l’aide du Tout-Puissant, la
radio nationale s’ouvre et diffuse des présidence de la République et le com­
romances tendres de Fairouz, des mandement suprême de nos forces ar-
chants de laboureurs et des airs folklo­
riques.
Ceux qui écoutent —et ils sont nom­
breux à se lever tôt, pour les intermina­
bles trajets qui mènent aux lieux de
travail — remarquent aussitôt que
quelque chose, dans leurs habitudes
d’auditeurs, a changé. Point de direc­
tives présidentielles, en effet, d’hymnes
patriotiques ni de soulaimia, ces sortes
de gospels religieux « détournés » à la
gloire de Bourguiba. Point de musique
militaire non plus.
A 6 h 30 précises Triki Mohamed
El Hedi, l’un des reporters les plus cé­
lèbres de la radio tunisienne, s’adresse
à la nation, maîtrisant avec peine son
émotion. Ce qu’il annonce met un
point final à l’interminable « nuit du
destin » que viennent de vivre, sans le
savoir, sept millions et demi de Tuni­
siens : celui qui n’est encore pour une
minute que premier ministre : Zine El
Abidine Ben Ali déclare...
Au début, au ton, aux mots des
deux premières phrases, beaucoup D è s qu 'ils o n t appris la n o u v elle,
i
croient en l’annonce du décès de Ha­ le s T u n isien s (ici d a n s un c a fé d e Tunis)
bib Bourguiba. Mais, rapidement, la s e s o n t p r é c ip ité s su r le s
é d itio n s sp é c ia le s d e s journaux.
voix un peu sourde sur les ondes grésil­ P eu ap rès, la jo ie e x p lo se .
32
TUNISIE

JEUNE AFRIQUE N ' 1402 - 18 NOVEMBRE 198/ 33


TUNISIE
mées (vo ir texte complet page 4 6 ).» « Mais enfin, que se passe-t-il ? » , de­
To u t vient donc de basculer et tout mande Habib Achour. « Bourguiba est
bascule dans la tête de ceux qui écou­ tombé » , répond Fatma. Habib
tent : trente ans avec lui, pour le meil­ Achour repose sa tête sur l’oreiller et
leur et pour le pire, et, aujourd’hui, murmure : « Dieu existe. Dieu
l’avenir sans lui. Passe un long moment existe... »
d’incrédulité. La plupart des auditeurs A u même moment, à quelques kilo­
— la déclaration de Ben A li sera, par la mètres de là, dans une autre villa. A h ­
suite, reprise toutes les demi-heures — med Mestiri, le président du M ouve­
se sentent comme engourdis par une ment des démocrates socialistes
sorte d ’immense soulagement, comme (M .D .S ., principale formation de l’op­
pétrifiés face à cette chape de plomb position), est, lui aussi, réveillé par un
qui, tout à coup, disparait. coup de téléphone. Il a tout juste le
Certains pourtant, des femmes sur­ temps de se précipiter sur sa radio
tout, pleurent discrètement la mort po­ pour capter les dernières phrases de la
litique du Père et l’effondrement de ce déclaration du nouveau chef de l’Etat.
qui était, pour eux, un pan de leur uni­ Pas d ’euphorie, guère d’étonnement. m

f,
vers. « Je l’aime, il est tout pour moi, « Je m ’y attendais un peu, nous dira-t-
nous dira une petite employée d’hôtel. il. Depuis deux semaines, c’était Bour­
Pourquoi lui ont-ils fait cela ? » guiba ou Ben A li. »
Pourquoi ? A l’évidence, Fatma Ahm ed Mestiri voyait peut-être k
Achour, l’épouse du « vieux lion » , le drame se nouer, mais Béchir Khan-
leader syndicaliste Habib Achour, pri­ touche, vice-président de l’Assemblée
vé de liberté depuis deux ans en butte nationale et membre du Bureau politi­
depuis bien plus longtemps à l’hostilité que du parti destourien, l’a reçu
déclarée de l’hôte du palais de C a r- comme un direct au foie, avant de faire
thage, ne se pose pas cette question. Sa la preuve de ses étonnantes facultés de
soeur vient de lui téléphoner pour lui récupération. Le jeune avocat est à
annoncer la nouvelle. Elle se précipite Trip o li, en Libye, dans sa chambre de
dans la chambre où son époux som­ l’hôtel Bab el Bahr, lorsqu’un collègue
meille encore. Fatma esquisse un pas syrien, venu comme lui assister à un
de danse, bat des mains, rit aux larmes. congrès de juristes arabes, le tire de

Un artisan tunisien décroche Dans l'enceinte


du mur de son atelier le portrait du Palais du Bardo,
de l'homme du passé siège de l'Assemblée nationale,
pour lui substituer celui le président Zine El Abidine Ben Ali
du nouveau chef de l'Etat. s'incline devant le drapeau tunisien.
34 JtUNL AFRIQUE N" 1402 - 18 NOVEMBRE 1987
TUNISIE

f > . m .

JEUNE AFRIQUE N’ 1402 - 18 NOVEMBRE 198/ 35


TUNISIE

^-» v^ r V-w
■TUNISIE
son profond sommeil. « Bourguiba... « Que se passe-t-il ? » cueille avec soulagement.
Ben Ali...» Khantouche blêmit, se demande le vieux Présidée par le procureur Hadiemi
crispe et écoute, sidéré, les radios Zammel, 64 ans, la Cour de sûreté de
étrmigères. Mais, rapidement, son vi­ syndicaliste l’Etat a, en effet, refusé, par trois voix
sage se transforme et se détend. « La Habib Achour. contre deux, la pendaison de Ghan­
Tunisie avait besoin d’un homme, elle nouchi (majorité r^ u is e ; 4 sur SV
l’a trouvé », confie-t-il à son entou­ Sa femme répond : « Victoire » pour Zine, donc. Mais de-
rage, avant de manifester bruyamment « Bourguiba est tombé ! » faite pour la tendance dure de l’entou­
son soulagement à l’annonce de l’ar­
restation du ministre d’Etat chargé de
Achour murmure : rage bourguibien, en particulier pour
Mohamed SayiA, ministre d’Etat char­
l’Education, de l’Enseignement et de « Dieu existe. » gé de l’Education, f$e l’Enseignement
la Redierche scientifique Mohamed et de la Recherdie scientifique, Man-
Sayah. De retour à Tunis, un peu plus sour Skhiri, l’homme auk quatre porte­
tard dans la journée, il ira directement feuilles fTransports, E qui^m ent, Ha­
de l’aéroport au ministère de l’Inté­ bitat et Tourisme), et Mahmoud fiel-
rieur, pour se jeter dans les bras de hassine, chargé de mission et homme
ZineË lA bidineB enA li. heures de ce dimanche-là, après un de compagnie de Bourp^iba. R evm
Plus de discrétion enfin chez Ismaïl mois d’orages et de menaces, le procès aussi pour le premier mmistre fo d iid
Khélil, gouverneur de la Banque cen­ à grand spectacle des militants isla­ SCar, qui n’avait g^ère contribué à limi­
trale avec rang de ministre et trésorier mistes accouche d’un verdict relative­ ter les surendières. « Vous faites un
du P.S.D. n est à Genève ce matin-là, ment clément. Plusieurs condamna­ pas en avant et dix en arrière », lui dit
oül il anime un forum avec des investis­ tions à mort, certes, dont deux seront Bourguiba. Mots terribles, anncmcia-
seurs étrangers. A sept heures, l’am­ exécutées, mais le leader, l’« imam » teurs de disgrâce.
bassadeur de Tunisie en Suisse, Abdel- du Mouvement de la tendance islami­ Cinq jours plus tard, le 2 octobre,
miÿid Chaker, le tire de son sommeil : que (MTI), Rached Ghannouchi, Sfar est effectivement écarté de I9 pri­
« Le palais est à Zine. » Khélil n’est ^ h a p ^ à la potence. Autant que l’ab­ mauté au profit de Zine El AMtmie
pas vraiment surpris, mais il peut répri­ sence de preuves irréfutables, l’in­ Ben Ali. Si auparavant et notamment
mer un sentiment d’angoisse difiuse : fluence pondératrice du ministre pendant le mois d'août, le nom dé Mo­
et si tout cela tournait au carnage ? 0 d’Etat chargé de l’Intérieur, Zine El hamed Sayah a p e u r é l’esprit prési­
sera vite rassuré. Abidine Ben Ali, a été déterminante dentiel comme candidat ^ e n tu d a u V
Outrées ou affectées, indifférentes dans cette retenue que chacun ac­ poste de p r ^ e r m in i^ . Bourguiba /
ou soulagées, sincères ou opportu­
nistes, ces quelques réactions sont,
somme toute, significatives de celles de
la majorité des Tunisiens, même s’il ne
feut pas sous-estimer la frange des nos-

.’attente bienveillante est un senti­


ment quasi-général et les> islamistes
eux-mânes, qui ont repris, dès le 9 no­
vembre, leurs distributions de tracts
sur les campus, p a rtid ^ ^ t de cet état
de grâce dont on ne sait pas très bien
encore s’il est dû à la disparition de
l’un, à l’i^pariticm de l’autre, ou aw^
deux à la fois.
Une chose est sûre, pourtant : la
nuit la plus longue, cdle du. 6 au 7 no­
vembre, entrera duos l’Histoire comme
le dénouement d’un conflit shakespea­
rien, d’un d iu n e de sérail et de cou­
lisses que le peuple tunisien a vécu en
— depuis l’aube du dimandie

Cmq semaines, d n q actes qui ébran­


lèrent un régime. Aux premières

■y a PMI. cahii qui «taH Mcora Début oetobra. la présidant Bourguiba


!• char<te l'Etat appatalt (d<ontr«). viant da choisir Zlna El AbMina
Ion d'un* céfémonia offlciaHa. Ban Ali comma pramlar minittra.
a o u t^ par aa nièca Srida Saari, Ni la cliaf da rEtat ni aon chamballan
amaAtéadaaoiipfamlari ' Mahmoud Balhaaaina (ci-daasua,
«ralon ZliMal AbMna Ban Ail. à la gaudia da Bourguiba) na aa doutant
•lors qua l'un aani destitué
et l*autra |até an priaon.
JEUNE AFRIQUE N» 1402 - 18 NOVEMBRE 1987 37
TUNISIEi
s’est rapidement rendu compte que Le 28 octobre, Zine à Zine tout en révérant celui qu’elle
dorlote comme une nurse, tentent en
son < ^ spirituel » n’était guère po*
pulaire et que sa nomination provo- a présenté à Bourguiba vain de calmer le jeu.
q u o sit une aggravation des troubles ses nouveaux ministres. Le 28 octobre, un pas de plus est
sodaux. Zine, par contre, bénéficie Bourguiba a api)rouvé. franchi, pour Zine, dans l’inaccepta­
dans le pays d’une image de marque ble, presque dans le ridicule. Un rema­
relativement imprécise mais bonne. Ce Le lendemain, niement ministériel partiel (dnq minis­
tedm iden de l’ordre apparaît comme il refuse tout en bloc. tres et trois secrétaires d’Etat) est in­
rh(»nme de la situation. On ne parle tervenu la veille. Longuement, le pre­
dm c plus de Sayah.
« Trop de jeunes ! » mier ministre a présenté au FÎrésident
L’ennui, c’est que Sayah, lui, y a cru, dit-ü. les nouveaux membres de son équipe,
qu’il est ex acei^ par cette nouvelle curriculum vitae et photos à l’appui.
déception et qu’il compte peut-être, Bourguiba approuve, opinant du dief.
cette fois, f<»o^ la chance. Pour cela, Mais le lendemain matin, brusque­
cet liomme intelligent dispose d’ami­ ment et contre toute attente, il refuse
tiés de circonstance à Carthage et de la cette passe d’armes n’a fait qu’électri- tout en bloc. Trop de jeunes, dit-il,
relative comfdaisance d’un personn^e fier un peu plus l’atmosphère. Désor­ trop de Soussiens parmi ces nouveaux
comme Mahjoub Ben Ali (aucun lien mais, il y a Sayah d’un coté et Zine de ministres. Et puis, il,|i .« oublié » ce qui
dè paienté avec le premier ministre), l’autre. Savamment, en manipulant les s’est p a ^ la ve01el'' Ainor Chadli et
61 ans, nommé le 2 octobre à la tête du volte-face pathologiques du vieillard, Zine, à bout dë nerfs, lui expliquent et
Parti. Activiste, femilier des rodomon­ l’hagiographe du Mouvement national lui réexpliqueht des heures durant.
tades et du pistolet à la cdnture. Ben va tenter de déstabiliser le premier mi­ Le 29, m urguiba consent enfin a
M s’est distingué, au cours des mois nistre. Déjà, à travers les cellules du recevoir un promu, dont la {Aysiraïo-
précédents par ses débordements à la Parti, circule une rumeur inspirée : mie lui plaît. Puis quatre autres, le 31.
t^ e des milices du PSD qu’il a Iftdiées Zine veut écarter Bourguiba. De nuits Mais, dans ce' lot, figure un certain
dans là chasse aux intégristes. des longs couteaux en journées d’ex­ M(4iamed Ghannouchi, ministre du
Mais rien n’est simple en Tunisie, trême tension sur fond de tragi-comé­ Plan, simple homonyme du d ief isla­
surtout pas les querelles de dans. Mah­ die d’un ^ u v d r sénescent, l’atmo­ mique condamné à la détention à per­
joub Ben Ali, parce qu’il eh feit un peu sphère devient irrespirable. pétuité, Rached GhanMuchi. Com­
trop et va juiqU’à heurter de frmit la ZiiK El Abidine Ben Ali trouve mence alors l’ad e final. V un des cpu^
tOufe-puissante Mme Süda Sassi, pourtant le moyen de travailler. Après tisans de la garde rapprodiéeg^isise, en
nièçç du président, tfmibe rapidement les avantages financiers accordés aux effet, à l’oreille de Bourguiba : « Vous
en di^rfice. Le 17 odotoe, A hm |d paysans, le 16 odobre, il décrète, six avez un Ghannoudii au gouveinemait
Karoui, 60 ans, le remplace. N(m sans jours plus tard, une amnistie fiscale et et un autre en prison. »
que Sayah ait esssayé, pour sauver tes une augmentatimi gén én ^ des salaires Cette petite phrase perfide titille la
meubles en quelque sorte, de faire re­ d e base. Tout le ipoMMideaiÿlaudit, sauf susceptibilité du vieux président. Il
nommer à ce poste le très actif Hédi Sayah, Skhiri et BdhiBissme qui trou­ exige que l’imam du MTI soit à nou-
Baocoudie, ministre des Affaires so­ vent cela « démagogique » et le font veàu jugé, condamné à mort et exécuté
ciales et « tête pensante », dit-çn de savoir à qui de droit^ Amor Chadli, le en même temps que la poignée d’isla-
Zine El Abidine B m Ali. directeur du Càbinet présidentiel, et m ^es a rrê ta depuis le début du mois.
Baccoudie a vivement refusé, mais Mme Saïda Sassi, qui n’est pas h o ^ e Aussitôt, le ministre de la Justice
M diamed Salah Aÿari, le prodireur
de la République Hadiemi Zammel et,
bien sûr, Zine El Abidine Ben Ali sont
7 t m 7 convoqués à Carthage pour s’entendre
réclamer la t&e de Rached Ghannôü-
chi. Tous trois e]q)liquent que les mo­
E toonant, le rôle qu’a joué le chiffre 7 dans ce qui vient d’avoir lieu en tifs d’inculpation <mf été épuisés d on
Tunisie. ne peut revenir en ariière.
Souvenez-vous : c’est en 1957 que Bourguiba déposa le dernier suze­ Bourguiba semble convaincu, mais,
rain de la dynastie husseinite, Mohamed Lamine Pacto Bey. Cela se passa
préénémcnt k 25 (2 + S - 7) juillet, septième mois de l’année 1957, le le lundi 2 novembre, il r â l ^ scm exi­
joinr où l’AssemUée nationale abofit la monarchie et proclama Habib gence, devant les mêmes perst»neil
Bourguiba président de la République. Trente ans {dustaid, le 7 novembre Üne nouvelle fws, celles-d parvien-
1987, M. Ben AU, premier ministre, a destitué le « C(wnbattant siQweme » nent à le faire patienta:, en évoquant la
en vertu de l’article 57 de la Constitution et sur la foi d’un rapport médical nécessaire révKsi(M de là loi sitf la Cour
signé par 7 inédedns. de sûreté de l’Etat.
A SI ans, le nouveau chef de l’Etat a succédé à un vieillard de 87 ans Depuis quelque temps, Zine, Hedi
(son réel). Baccoudie et qudques-uns de teuis
Un Sabélien pouvant toujours en cacher un autre, k natif de Monastir a
cédé la place à un fils de Hammam Sousse qui se trouve à 27 kilomètres de prodies s(Mit amvaincus de la néce»tté
la ville quasiment sainte de l’ère bourguilMenne. Pendant ce temps, les Tu­ d’agir. L’«affaire Ghannouchi» ne
nisiens donnaient. La plupart d’entre eux n’ont appris la nouvelle qu’à... fait que renforcer leur détermination.
7 heures du matin. M.H. Laujimi Les mcohérences présidoitidlés de-
viennent catastr<^hiques, pathologi­
ques. Ainsi, le 3 novembre après av d r
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TUNISIE

JEUNL APRIQUL N 1402 - )H NOVLVlBRt. l'Jd/ 39


iTUNISK'
écouté le sénateur américain George Si l’on retient cette thèse du complot ques » de l'opération, y compris en
> McGovem, en visite à Tunis, lui décer­
ner le titre de « l’un des plus grands
et du contre-complot, une véritable
course de vitesse s’engage dès l’après-
province. Personne ne bouge, per­
sonne ne résiste. Le finit, il est vrai,
d’E tat du monde », Bourguiba midi du jeudi 5 novembre. était plus que mûr.
décide-t-il d’annuler, sjms motif, la no­ Minutieusement, Zine, Baccouche A trois heures du matin. Bourguiba
mination d’Ahmed G h ^ à la tête de et Habib Ammar, 51 ans, commandant dort. Les hommes du « gouvernement
lïi représentation tunisienne aux Na­ de la Garde nationale et ami personnel fentôme » de Mohamed Sayad, eux, se
tions unies. Nomination qu’il avait du premier ministre, préparent la dé­ font l’un après l’autre cueillir au saut
pourtant approuvée le 16 o<Âobre... position de Habib B o u r^ b a , confor­ du Ut : Belhassine, Attia et Sayah, bien
Ainsi exige-t-il, le 4 novembre, le mément à la Constitution. sûr, à Tunis ; Skhiri dans sa d ia m ^
i^tour de Mahjoub Ben Ali à la tète du Le 6 novembre, B o u r^ b a, qui ne du Sahara Palace de Nefta. Quelques
Parti. Avec une infinie patience, le se doute de rien, reçoit Zline et Souad dizaines d’autres personnalités ausâ,
premier ministre lui rappielle Im cir­ LyagouÜ, ministre de la Santé. On pa­ dont Habib B o u r^ b a junior, placées
constances qui ont présidé à la nomi­ rle de banalité. Mansour Skhiri est en résidence survâllée.
nation à ce po^e de Hamed Karoui. dans le Sud, en tournée d’inspection, Mahjoub Bett Ali et le général Ah­
« Ah, c’est vrai, j’avais oublié, s’ex- et Hédi Mabrouk à Ryad, d’ou il doit med No<mian, d ief d’état-major de
dam e Bouiguiba. C’est lui qui m’a in- gagner Amman, pour assister au som­ l’armée de l’air et iieveu de Saïda Sassi.
d ^ t en erreur. Qu’on lé cha»e. » Lui, met de la Ligue arabe. Et Ameur Ben Aicha, Hassen Kacem,
c’^ Mahmoud Belhasdne, l’himune L’obscurité tombe sur Tunis. A par­ Habib Fathallah, Abdelhàmid Chou-
de comi»gnie, le confident, le lecteur tir du milieu de la nuit, les rares ba­ diane, Mahmoud Charchour, tous les
des journaux présidentiels. dauds peuvent apercevoir quelques chefs de la milice du parti. La plupart
Et il est effectivement éliminé sur mouvements de blindés légers de la des arrestations se déroulent sans ind-
l’heure. N ouv^e victdre à la Pyrrhus Gendarmerie, reconnai^bles à leur dents. Seul Mansour Skhiri, réveillé en
pour ZJne ? Apparemment oui. Mais, couleur bleue. pleine nuit par deux policiers m dvil^
a l’évidence. Bourguiba peut demain, Très discrètement, un dispositif lé­ qui lui passent les menottes aux mains,
cet iq[>rès-mi(^ même, tout remettre en ger de sécurité se met en place autour proteste ün peu. On l’m barque dans
cause. En bon militaire, le premier mi­ des centres né^^giques de la capitale. une fourgonnette, pliis dans une voi­
nistre juge que cette situation n’est plus A aucun moment, l’armée, dont les ture particulière, direction Tunis et la
gérable, encore moins contrôlable. caserne de la garde nationale d’El
Le 5 novembre, comme pour lui Aouina oÿ liont regroupés la plupart
donner raison, le p i^ d e n t revient une des « Saydhistes ». ^
trmsième fois à la diarge, dans une de A trois heures, toujours, au t^ é -
ces obères froides dont il a le secret. Bourguiba veut faire phône, la voix anonyme d’iln h«at,
CM e il décide : le deuxième pro­ fonctionnaire convoque individueUb^
cès des isbunistes, G hannoudii en tête
pendre Rached ment sept m édedns, (deux militaires ^
s’ouvrira au matin du lundi 9. Ghannouchi. Zine cinq dvils) parmi les plus réputés dé
Dès lo ^ , tout bascule vraiment pour ne peut l’accepter : Tunis, au siège dii. miiâstère de l’Inté­
Zine et Hédi Baccoudie. Le premier rieur, avenue Bourij^uiba. Tous ont en
ministre sait qu’un nouveau procès si- ce serait sa défEÛte. commun d’avoir, à un moment ou à un ,
^ifierait, pour lui, une défaite politi­ Bourguiba, autre, s o i^ é le président.
Notammënt M diamed Gbedidie^
que incontournable, n a la certitude
que Booriipiba est mentalement « fi­
pense-t-il, est cardiologue, qui a « sauvé » Bourguiba
ni ». Pour le l^ ah ste qu’il a toujours mentalement « fini » lors de sa dernière attaque en 1984,
â é , ce constat est cqntal. son frère Ezzeddine Guedidie, méde-
n croit enfin savoir, lui, l’homme le d n m ilita ire et p ^d iiatre, et le profes­
mieux rm sdgné de Tunisie, que le seur AMeUazizAnnabi, neurologue.
« d an Sayah » travdlle a ^ e m e n t à sa prindpaux chefe ont été mis dans la Accueillis par Zine, Baccoudie, te
perte. Le scénario retenu, affirment confidence, n’interviendra dans le pro­ ministre de la Santé, Souiul Lyàgoubi
amottrd’hui certaines souxees, était le cessus en cours. Surtout, que cela — d le procureur général, Hadiami
sorvant: ouvertive du procès, |imo- qui n’est pas un putsch —ne ressemble Zammel, « iteu r de la réquisiticm, q ^
de 2 n e , ycnre son arrestation, pas à un putsdi... leur exfdiqudit ce dont il s’a ^ ils si­
^’on nouveau gouverné^ Le sdège de la Radio-télévision, celui gnent dans le(^ locaux du m inistre un
ment sous la houlette de Mohamed des Postes et télécommunications, le communiqué médical dmimün rédigé
Saÿah, avec Mansour Skhiri et Hédi ministère de l’In t^ e u r et, bien sûr, par Ezzeddine G uedidie sur papier
Mabrouk (ininistres d’E tat diargés res­ Carthage stmt encerclés. Les gardés du blanc sans M -tête ctwstatant P in o ^ -
pectivement de la Défense et des Af­ Palais présidentiel se laissent désarmer d té de Bourguiba. Constat à distantic^
faires étrangères), Hamadi Skhiri de sans résistance. Les gendarmes de Ha­ certes, effectué sans exaincai préalaldè.
retour à la Banque centrale, Abdelaziz bib Ammar prenneitt leur place. Mai&il est vrai que cdte inciqiMcité e ^
Ghatÿfan, doyài de la Faculté de Mé­ Informés, consultés, les génâ^ux notoire depuis... 1970.
decine^ à la Santé, Hédi Attia, P-DG Youssef Baraket et Saïd el Kateb, le Cette année-là en effet, BaU Lad-
de Tunis A ir et frunilier des milices et colond Youssef Ben Slimane et le di­ gham alors premier ministre aurait fort
autres réseaux p ar^èles, à l’Intérieur, recteur des Services spéciaux, Noure- bien pu profita* de la présence de
Mahmoud Belhassine, bien sûr, au se­ dine Behamadi, supervisent, aux côtés Bourguiba à Paris pour fiiirè jouer l’ar-
crétariat d’Etat à la Présidence. de Habib Ammar, les aspects « tedm i- tide 57 de la Constitution. Les méde-
40 JEUNE AFRIQUE N» 1402 - 18 NOVEMBRE 1907
ITUNISIE I
dns français du président ne venaient- ont tout perdu, ou presque. Parmi en larmes, l’ex-président se refuse
ils pas de lui annoncer que « la science eux : Sayah, Skhiri et Belhassine, Ben maintenant à signer le document (ju’on
ne peut plus rien pour vous » ? Mais Aicha, Kacem, Charchour et Attia. lui présente, aux termes duquel il re­
Ladgham ne fit rien, question de tem- Que vont-ils devenir? «N ous ne connaît sa propre incapadté a gouver­
pénunent, sans doute. Ni Hédi Nouira voulons pas de p^rocès politiques » dé­ ner. II ne veut plus quitter C arth a^ et
quatre ans plus tard, ni Driss Guiga en clare aujourd’hui Hédi Baccouche, ce tempête qu’on l’a « trah i» . Suivent
janvier 1984, lors des émeutes du pain qui n’exclut pas évidemment les autres alors quarante-huit heures de négoda-
ne voulurent ou ne surent profiter de types de procédures. Ainsi, Mahmoud tions houleuses pendant lesquelles on
circonstances identiques. «Tout est Belhassine a-t-il été transféré le 9 no­ tente de le convaincre de se rendre non
bien en moi, sauf moi », avait déclaré vembre (tens une cellule de la prison loin de Sfax, avant de s’incliner devant
Bourguiba à ses médecins américains. dvile du 9 avril, à Tunis, sous une in­ sa volonté d’habiter sa i^ d e n c e de
Zine El Abidine Ben Ali sera le pre­ culpation de droit commun. Ainsi, Momag à une dizaine de kilomètres de
mier à tirer les conclusions de cette pe­ préparait-on quelques dossiers concer­ Tunis à vol d’oiseau dans la banlieue
tite phrase, d’une terrible lucidité. nant la gestion de Mohamed Sayah au sud de Tunis. Il y est transporté le lun­
G nq heures. A l’abri des murs du ministère de l’Equipement... di 9 novembre en fin de matinée, par
ministère de l’Intérieur, Zine et Bac- Tunis, 7 novembre, quinze heures. hélicoptère. Ses cuisiniers, ses méde­
couche mettent une dernière main à la Le quatrième enfiuit de la famille Ben cins, sa dom estidté et Saïda Sassi le
déclaration «historique» du futur Ali (six garçons et cinq filles) prend la suivent. Son fils lui rend visite et un
président. La version définitive de ce route du Bardo pour sa prestation de ministre du nouveau gouvernement,
texte est rédigée par Hédi Baccouche serment devant l’Assemblée nationale. Mohamed Guedira, responsable de la
pour qui chaque mot, chaque virgule Lunettes à bords dorés, cravate et po­ production agricole, a fait avec lui le
compte. Puis Zine El Abidine Ben Ali chette mauves, chemise blanche, cos­ court voyage. Se souvient-il, ce grand
s’isole, n sait qu’à cette heure —il est tume et chaussures noires. carnassier échoué sur le rivage, ce nau­
d n q heures trente —Bourguiba se lève Son épouse, ses trois filles et son fragé de la vieillesse, de cette scène ef­
Hans son palais encerclé. Alors, il dé­ unique petite fille Mariam re n d e n t farante qui se déroula dans son bureau
croche son téléphone, joint Carthage, l’enfant d’Hammam Sousse s’âoigner douze jours plus tôt ?
puis Bourguiba, et lui annonce lui- de son domicile de la rue du Docteur Ce mercredi 28 octobre, on s’en
m&me qu’U a décidé de le déposer. Bumet. souvient, B o u r^ b a reçoit U n e El
Aussi étonnante qu’eDe puisse paraî­ Abidine Ben Ali. La veille, le preinier
tre, la réaction du « Combattant su­ ministre lui a soumis la composition
prême » aurait été la suivante : « Vous d’un remaniement partiel du gouver­
avez raison, j’aurais dû y penser depuis nement, sans que cela soulève de sa
longtemps. » Dieu seul sait ce qui tra­ Flanqué de part la moindre objection. Mais voilà
verse à cette seconde le cœur et le cer­ que tout à coup il s’emporte. Amnési­
veau de cet homme. Saïda Sassi que ou intoxiqué (par qui ?) peu im­
Le jour point à l’horizon lorsque en lannes, Bourguiba porte, il a tout oubué : « Alors, lance-
Zine se rend au siège de la radio natio­ refuse d’admettre t-il à Zine, tu nommes un gouverne­
nale, avenue de la liberté. D’une voix ment sans me consulter ? »
un peu sourde, mais sans le moindre sa destitution. — « Mais vous avez lu la liste et vous
trac, a f f i r m e un témoin, il lit la dizaine Il tempête et l’avez signée. » —« Jamais. »
de paragraphes de sa déclaration, ne veut pas Présente à ses côtés, Saïda Sassi in­
« ^ v e la Tunisie, vive la Républi­ tervient alors timidement : «S i, si
que »... une page vient de se refermer, quitter Carthage. Monsieur le Président, vous avez si­
n est six heures trente. gné. » D’un geste d’automate fou.
Au même moment, Amor Chadli, Bourguiba frappe alors sa nièce d’un
médecin personnel de Bourguiba, se coup de canne. Effaré, Zine suggère
rend comme chaque matin au palais A S i ans et deux mois, Zine El Abi­ alors d’appeler Amor O iadli, qui
de Carthage. On lui refuse l’e n t é , n dine Ben Ali est devenu le second pré­ pourra confirmer ce que lui et Saïda
donande pourquoi : on le lui explique sident de la République tunisienne sur avancent. On va donc cherdier le mé­
courtoisement, et on ajoute que le télé- fond de chants d’aïd — ni musique decin et le médecin confirme : « Oui
phcme du psdais est coupé. Amor Cha­ martiale, ni soldats. vous avez bien signé». Bourguiba
dli foit demi-tour et se rend à l’Institut Debout, avec une chaleur qui n’est bougonne et refusera quelques jours
Pasteur, dont il est le directeur, n ne pas tout à fait le fruit d’un réflexe durant de recevoir les nouveaux minis­
sera pas inquiété. L’annonce de la for- conditionné, les députés l’acclament. tres. Ce jour-là, à cette minute, l’idée
maticm du nouveau gouvernement, di- Présente ég^ement, symbolique, Fe- qui trottait dans la tête de Zine s’est
r ^ par Hédi Baccoudie — trente thia Mzali, l’épouse coun^euse d’un ^ t e chair : cet homme a achevé, de la
m onbres, dont qeuf nouveaux « seule­ anden premier ministre qui aurait tant puissance à l’afiEBissonent, le parcours
ment » sm it-on i.'nté de dire —suit de aimé, lui aussi, prêter serment. Au de sa passicm du pouvoir. Il est devenu
peu ceOe de la déclaration offidelle du même moment, devançant tous ses ingouvernable et la Tunisie dérive avec
«changnnent constituticHmel » selon concurrents, le quotidien gouverne­ lui comme un bateau ivre. Il faut donc
la terminologie « i vigueur. mental La liesse distribue cinquante gouverner à sa place.
D erri^e les murs de la caserne d’El mille exemplaires d’une édition spé­ Avec la coilabontioa de
Aouina, le long de la route Tunis-Car- ciale. On se les arrache. Souhayr Beiliassen et Mohamed
thage, qudques hommes savent qu’ils Bourguiba... flanqué de Saïda Sassi Habib LaipHi.
JEUNE AFRIQUE N" 1402 - 18 NOVEMBRE 1987 41
TUNISIEi

La dédawiHon de Bon AH à la rmBe


V oid à titre de document le texte intégral de la déclaration de Zine
El Abidine Ben Ali prononcé le 7/11 à Radio Tunis à 6 h 30 du
matin, n était alors encore premier ministre : « Les énormes sa­
crifices conisentis par le dirigeant Habib Bourguiba, premier prési­
dent de la R^ublique, avec ses valeureux compagnons, pour la lib ation de
la Tünisie et son dévelopi^ment, ne peuvent se compter. Pour cette raison
nous lui avons voué affection et estime et nous avons œuvré de Icmgues an­
nées sous sa direction avec confiance, fidélité et abnégation, dans les rangs
de notre armée nationale et populaire comme au sein du gouvernement.
« Face à sa sénilité et à l’aggravation de son état de santé, se fondant sur
un rapport médical, le devoir national nous impose de le déclarer dans l’inca­
pacité absolue d’assumer les charges de la présidence de la République. De
ce fait, et en application de l’article 57 de la Constitution, nous prenons en
duu:ge, avec l’aide du Tout-Puissant, la présidence de la République et le
cmmnandement suprême de nos forces armées.
« Dans l’exerdce de nos responsabilités nous comptons sur la contribution
de tous les enfants de notre dière patrie, pour assurer un climat de confiance,
de sécurité et de sérénité d’où seront bannies la haine et la rancœur. L’indé-
poidance de notre ]»ys, l’intégrité de notre territoire, l’invulnérabilité de no­
tre patrie sont l’afEÉ^ de tous les Tlmisiens. L’amour de la patrie, sa protec-
tioD et l’actim pour son essor constituent un devoir sacré pour tous les d- ûôus vivons
toyms. ne peut plus
« Citoyens, Citoyennes, notre peuple a atteint un tel niveau de responsabi­ sou£Erir ni
lité et de maturité que tous ses éléments et ses composantes sont à même
d’iqjporter leur c<mtribution constructive à la gestion de ses affaires, confor- présidence à vie
mânent à l’idée r^uUicaine qui confère aux institutions toute leur plénitude nisiÜcesaon
et garantit les conditions d’une démocratie responsable, ainsi que le respect automatique à
de la souvoiiineté populaire telle qu’elle est inscrite dans la Constitution.
« Cette C(Histituti(Hi appelle une révision devenue aujourd’hui impâative. la tête de FEtat. *
L’^xtque que nous vivons ne peut plus s’offrir ni présidmce à vie, m succes-
si(» auttxnatique à la tète de l’Etat, desquelles le peuple se trouve exdu. No­
tre peufde est digne d’une vie politique évoluée et institutionnalisée, fondée
rédlement sur le multipartisme et la pluralité des organmtions de masse.
« Nous proposerons prodiainonent un projet de loi sur les partis et un
projet de !<msur la i»esse, susceptibles d’assurer une plus kuge paràdpation à
la coostructicm de la Tünisie et a la consdidation de son indépendance, dans
r<xdre et la disdpline. Nous veillerons à la bonne application de la loi, de
manike à bannir tout iniquité et injustice. Nous agirons en vue de restaurer
le prestige de l’Etat et de mettre fin au chaos et au laxisme. Point de fav(m-
tisme ^ d’indiffâ«nce face à la diliqndaticm du bien puUic. Nous omtinue-
rcMis à oitretenir les b(»s nq>p(»ts et la bonne coopération avec tous les pays,
et notammoit les pays fi:^:es et amis. Nous inodamons notre reqiect ^ u r
nos engagonaits au intanaticmal. Nous acoorda-txis à la sdidarité isla-
m iq ^ arabe, africaine et méditmané«me, l’importance qui lui est due.
Nous nous empk»o<»s formonait à réaliser l’unité du grand M a^ d ) sur la
base des intâr^ communs.
« Qtoyens, dtoyom es, Par la grâce de Dieu, nous aitrcms, msemUe,
du» une èie noiivdle, faite d’efCmt, de détmninatimi, qui nous sont dictés
pèir notre amour pour la patrie et par l’i^ipel du devoir, ^ e la Tünisie, vive
^République! »

4i JEUNE AFRK3UE N° 1402 - 18 NOVEMBRE 1987 '


TUNISIE

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