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DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR

Brigitte Lion

Presses Universitaires de France | Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale

2001/1 - Vol. 93
pages 7 à 32

ISSN 0373-6032

Article disponible en ligne à l'adresse:


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Pour citer cet article :


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Lion Brigitte, « Dame inanna-ama-mu, scribe à Sippar »,
Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale, 2001/1 Vol. 93, p. 7-32. DOI : 10.3917/assy.093.0007
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[RA 95-2001] 7

DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR*


PAR

BRIGITTE LION

Les cas avérés de femmes scribes dans le Proche-Orient ancien demeurent assez rares.
Les deux corpus les plus fournis datent de l’époque paléo-babylonienne. Il s’agit, d’une
part, des tablettes de Mari, qui attestent la présence de femmes scribes dans le palais1 ; et,
d’autre part, des archives des naditum de Sippar. Ces deux ensembles de documents ont en
commun de concerner un milieu majoritairement féminin : les femmes exerçaient une
activité scribale surtout là où les hommes entraient peu. Ailleurs, des scribes de sexe
masculin répondaient aux besoins de l’ensemble de la société, hommes et femmes
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confondus. Cependant la pratique de l’écriture par des femmes a pu être plus large qu’on ne
l’admet généralement ; outre les femmes scribes identifiables par la documentation
administrative (Mari) ou juridique (Sippar), d’autres ont pu passer inaperçu : selon les
usages épistolaires paléo-babyloniens, par exemple, le (ou la ?) scribe n’indique jamais son
nom et il n’est pas exclu que certains corpus de lettres aient été rédigées par des femmes2.
Le cas des femmes scribes de Sippar a d’abord été étudié par R. Harris, dans son
étude pionnière consacrée à cette ville3. Par la suite, deux articles, l’un du même auteur,
l’autre de S. A. Meier4, ont à nouveau abordé ce sujet. Au total, une vingtaine de rédac-

* J’adresse mes remerciements à Rivkah Harris, qui m’a fait bénéficier de ses remarques et de ses précieux conseils,
ainsi qu’à Dominique Charpin, Cécile Michel et Ran Zadok. Mes collègues de Paris I qui ont organisé durant l’année univer-
sitaire 2001-2002 un séminaire d’histoire du genre intitulé « Femmes, hommes, histoire », sont indirectement à l’origine de
cet article ; qu’ils soient ici aussi remerciés.
1. Ziegler 1999 : 91-92 et 106, avec la bibliographie antérieure.
2. À Mari, il est probable que de nombreuses lettres envoyées par des dames de la cour sont rédigées par les femmes
scribes répertoriées par Ziegler 1999 ; la scribe Šima-ilat, qui fait partie de la dot d’une princesse mariote (ARMT 22,
322:58), était sans doute destinée au même emploi. À Sippar, les femmes scribes semblent se trouver parmi les naditum et
elles ont pu se charger de la correspondance de leurs compagnes. À l’époque paléo-assyrienne, selon Michel 2001 : 39, les
épouses des marchands assyriens savaient aussi écrire.
3. Harris 1975 : 196-197.
4. Harris 1990 et Meier 1991. Wilcke 2000 : 29-33 a aussi évoqué le cas des femmes scribes de Sippar et suggéré que les
femmes lettrées ne représentaient pas dans cette ville un cas exceptionnel.
Revue d’Assyriologie, volume XCV, p. 7 à 32, 1/2001
8 BRIGITTE LION [RA 95

trices sont aujourd’hui identifiables dans les documents publiés et, sur plusieurs
centaines de tablettes retrouvées à Sippar, plus d’une quarantaine ont été rédigées par des
femmes5.
Parmi elles, Inanna-ama-mu est de loin la plus prolifique. Elle travaille durant la
période la plus anciennement documentée à Sippar. L’étude de ses activités, si elle ne
fournit que peu d’informations sur la scribe elle-même, donne un aperçu sur le milieu du
temple et du « cloître » (gagûm) de Sippar au début de l’époque paléo-babylonienne.

1. CORPUS

1 . 1. Liste des textes

Inanna-ama-mu est l’auteur de dix-neuf tablettes, pour lesquelles sept enveloppes


ont été retrouvées6. La découverte de documents rédigés par cette dame lors des fouilles
irakiennes de Tell Abu Habbah montre que le corpus qu’on peut lui attribuer n’est pas
forcément clos. Il se compose provisoirement des textes suivants :

tablette enveloppe

al-Rawi-Dalley 113
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al-Rawi-Dalley 118 tablette al-Rawi-Dalley 118 enveloppe
BE 6/1, 7
CT 2, 34
CT 6, 42a MHET II/1, 237
CT 8, 28b CT 48, 31
CT 8, 44a
CT 33, 42
CT 33, 43
CT 47, 1
CT 48, 30
MHET II/1, 17 CT 8, 28a
MHET II/1, 18 tablette8 MHET II/1, 18 enveloppe9
MHET II/1, 2810

5. Une liste des femmes scribes de Sippar a été dressée par Harris 1963 : 138 et Harris 1975 : 196-197. On peut y
ajouter les références données par Stol 1976 : 152, Dekiere 1994 a, 1994 b, 1995 et 1996, ainsi que Al-Rawi et Dalley 2000.
6. Sur cette scribe, cf. la notice de Harris 1962 : 8. À la liste donnée par R. Harris (cf. note précédente), Stol 1976 : 152
ajoute trois documents : CT 47, 1, CT 48, 30 et 31. Il faut compléter ces références par CT 45, 1 ; L. Dekiere, MHET II/1,
17, 18, 23 et 28, MHET II/5, 743, 777 et 784 ; Al-Rawi et Dalley 2000, no 113 et no 118.
7. Le nom de la scribe ne figure pas sur l’enveloppe.
8. Lire igi (dinanna-ama-mu) [...] et non igi * dingir tal lik mu? / numun? * [...], cf. copie Dekiere 1984 a : 286.
9. Lire igi (dinanna-ama-mu x) [...] (x) [...], [dumu-mí] a-ab-ba-[tà-bu-um] et non igi * dingir tal lik (mu)? * (x) [...] (x),
[igi ...] a.ab.ba-[...], cf. copie Dekiere 1984 a : 286.
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 9

MHET II/5, 743


MHET II/5, 777
MHET II/5, 784
Waterman Bus. Doc. 14 Waterman Bus. Doc. 1411
Waterman Bus. Doc. 31 CT 45, 1

Certains documents, comme les contrats de bail (CT 33, 42, 43, MHET II/5, 743, 777
et 784), n’étaient pas conservés sous enveloppe. En revanche, les procès ou les donations,
par exemple, étaient mis sous enveloppe12. Or, dans plusieurs cas (cf. ci-dessous § 2.2),
seule la tablette a été retrouvée : les enveloppes sont donc perdues, ce qui indique que le
nombre réel de textes rédigés par Inanna-ama-mu est à réviser à la hausse. Et comme sa
carrière semble avoir été longue, on peut supposer qu’elle a produit bien davantage.

1 . 2. Provenance

Les textes édités dans Al-Rawi et Dalley 2000 ont été trouvés dans les fouilles de Tell
Abu Habbah menées par l’Université de Baghdad à partir de 1978. Ils sont conservés au
Musée de Baghdad. Des deux documents écrits par Inanna-ama-mu, seul le no 118 a une
origine certaine : il a été exhumé en V 108 (cf. plans III, fig. 2 et IV, fig. 4), un quartier situé
au nord-ouest du temple de Šamaš, à quelques centaines de mètres du sanctuaire, formé
d’unités d’habitations difficilement identifiables. Cette tablette provient de la pièce 28613.
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Malgré les tentatives de fouilles régulières à Sippar à la fin du XIXe s., la plupart des
autres tablettes ont été trouvées par les fouilleurs clandestins et achetées ensuite par les
collectionneurs et les musées. De ce fait, on ignore leur lieu de découverte exact, même s’il
est clair qu’elles ont été trouvées dans le secteur du gagûm de Sippar. BE 6/1, 7 provient de
la « Second Khabaza Collection », achetée par l’Université de Pennsylvania à Baghdad
en 1889. Les autres tablettes sont conservées au British Museum. Elles portent des
numéros d’inventaire en Bu 91-5-9 et ont été acquises par W. Budge dans la région de
Sippar en 189114, sauf deux qui sont entrées au musée un peu plus tard, CT 47, 1 (92-5-16)

10. La dernière ligne de la tablette (8´) comporte deux noms de témoins, igi ša-at-[d]a-a igi dinanna-ama-mu, mais pas
de mention de scribe, alors que ces deux femmes sont connues comme telles. J’attribue cependant la rédaction de la tablette
à Inanna-ama-mu, qui a l’habitude de s’inscrire comme dernier témoin (cf. ci-dessous § 2 . 2) et qui a rédigé le document
CT 47, 1, de formulaire très semblable à MHET II/1, 28.
11. L. Waterman note sur sa copie les variantes de l’enveloppe ; pour la tranche gauche, il ne signale rien : faut-il en
conclure qu’il n’y a pas de variantes et que le nom de la scribe figure exactement comme sur la tablette, ou que l’enveloppe
est cassée à cet endroit ? Ce point n’étant pas réglé, cette enveloppe n’est pas utilisée pour la présente étude. En revanche,
les empreintes de sceau sont publiées par Blocher 1992 : 25-26.
12. Leemans 1982 : 234-235. L’affirmation, n. 54, à propos de Sippar : « On n’a pas conservé d’enveloppes de contrats
des règnes des rois locaux » doit être nuancée, cf. ci-dessous § 2 . 1.
13. Pour toutes ces indications, Al-Rawi et Dalley 2000 : 3-4 et 7 ; la pièce 286 n’est pas indiquée sur la fig. 4.
14. Leichty, Finkelstein et Walker 1988 : XIX-XXV.
10 BRIGITTE LION [RA 95

et MHET II/1, 28 (92-7-9). La provenance des tablettes du British Museum pose


problème : elles sont en général attribuées au site de Tell ed-Der (= Sippar
Amnânum = Sippar d’Annunîtum)15, voisin de Tell Abu Habbah (= Sippar
Yahrurum = Sippar de Šamaš) où se trouvait le « cloître »16. C’est donc plutôt à Tell Abu
Habbah que l’on s’attend à retrouver les archives des naditum ; cette difficulté a déjà été
soulignée par J. Renger17, elle n’est pour l’instant pas résolue.

2. PRÉSENTATION D’INANNA-AMA-MU

2 . 1. Situation historique

Les activités d’Inanna-ama-mu s’étendent sur quatre règnes. Waterman Bus.


Doc. 31 et son enveloppe CT 45, 1 sont les seuls documents à porter un nom d’année, celui
de l’avènement de Buntahun-ila. CT 6, 42a et son enveloppe MHET II/1, 23 mentionnent
une mîšarum de Sumu-la-El. À cinq exceptions près (les contrats de bail des champs), les
textes contiennent une formule de serment qui donne le nom du roi régnant. Voici la liste
des documents classés par règne :
Immerum Waterman Bus. Doc. 14
Buntahun-ila, avènement Waterman Bus. Doc. 31 et enveloppe CT 45, 1
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Buntahun-ila18 al-Rawi-Dalley 118 tablette (cassé sur l’enveloppe)
Sumu-la-El al-Rawi-Dalley 113
BE 6/1, 7
CT 2, 34 (peut-être après une mîšarum)
CT 6, 42a et enveloppe MHET II/1, 23 (après une mîšarum)
CT 8, 28b
CT 8, 44a et enveloppe CT 48, 31
CT 48, 30
MHET II/1, 17 et enveloppe CT 8, 28a
MHET II/1, 18 tablette (cassé sur l’enveloppe)
Sabium CT 47, 1
MHET II/1, 28
Sans nom de roi CT 33, 42 et 43
MHET II/5, 743, 777 et 784

Inanna-ama-mu travaille donc durant l’époque où Sippar connaît des rois locaux
indépendants de la dynastie de Babylone, Immerum puis son successeur Buntahun-ila.

15. Cf. note précédente, ainsi que C. B. F. Walker, CT 52, préface.


16. Pour cette distinction entre les deux Sippar, voir Charpin 1988.
17. Renger 1986 : 98-99.
18. F. N. H. al-Rawi et S. Dalley lisent l. 11-12 : bu-un,-tah-<tu>-un-ìl, mais cette correction n’est pas nécessaire, car
d
Inanna-ama-mu écrit ce nom bu-un,-tah-un-i-la dans Waterman Bus. Doc. 31:24-25 (avec coupure au même endroit) et sur
l’enveloppe CT 45, 1 : 26 (sans coupure). Seule la graphie de la fin du nom diffère (-ìl dans al-Rawi-Dalley 118, -i-la dans
Waterman Bus. Doc. 31 et CT 45, 1).
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 11

Dans Waterman Bus. Doc. 31 et son enveloppe CT 45, 1, le serment est prêté par Šamaš,
Marduk, Sumu-la-El et Buntahun-ila, mais R. Harris explique la mention du dieu et du
roi de Babylone par le fait que l’une des deux parties est babylonienne19. S. Dalley et
F. N. H. al-Rawi considèrent en revanche que les deux souverains ont pu avoir conjoin-
tement autorité sur Sippar20. La majorité des tablettes est rédigée sous le règne de
Sumu-la-El, après le passage de Sippar sous contrôle babylonien. CT 47, 1 et MHET II/1,
28 enfin montrent qu’Inanna-ama-mu a survécu à ce roi et travaillait toujours sous son
successeur.
Quant aux cinq documents qui ne comportent pas d’indication de date, ils forment
un dossier cohérent et, d’après la liste des témoins, ils sont contemporains des autres
textes du corpus (cf. ci-dessous § 3.5, 4.3 et 5.3).
Même si les tablettes ne sont pas datables par des années précises, on voit
qu’Inanna-ama-mu a exercé ses fonctions sous deux rois de Sippar, puis sous deux rois de
Babylone. Harris 1975 : 289 a montré que le temps durant lequel certains scribes
exerçaient leurs fonctions pouvait s’étendre sur plusieurs décennies, et Inanna-ama-mu
est apparemment dans ce cas.

2 . 2. Nom, filiation, profession

L’auteur des documents porte un nom sumérien ( « Inanna est ma mère » ), comme
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plusieurs scribes masculins à Sippar, et aussi comme plusieurs femmes scribes connues un
peu plus tard au palais de Mari21. Si ce nom sumérien est lié à sa qualité de lettrée, reste le
problème de l’époque de sa vie à laquelle il lui a été imposé : dès l’enfance, par des parents
qui envisageaient déjà de donner à leur fille une éducation poussée, ou plus tard, après sa
formation scribale ?
Inanna-ama-mu écrit toujours son nom de la même manière, en le faisant parfois
précéder d’un clou de nom propre. Mais elle se désigne au moins de cinq façons différentes,
plus ou moins précises :
nom seul : (I)dinanna-ama-mu al-Rawi-Dalley 113 : 38 ; al-Rawi-Dalley 118
tablette : 19 ; CT 2, 34 : 33 ; CT 6, 42a : 34 ;
CT 8, 44a : 37 ; CT 33, 42 : 24 ; MHET II/1,
28 : 8´ ; MHET II/5, 777 : 20 ; Waterman
Bus. Doc. 14 : 35
nom + scribe : Idinanna-ama-mu, dub-sar BE 6/1, 7 : 22

19. Harris 1975 : 3, n. 9 et 10.


20. Al-Rawi et Dalley 2000 : 25.
21. Sur les noms des scribes de Sippar, cf. Harris 1975 : 288. Sur les noms sumériens et parfois emesal des femmes
scribes de Mari, cf. Ziegler 1999 : 91-92.
12 BRIGITTE LION [RA 95

nom + patronyme : (I)dinanna-ama-mu, dumu-mí CT 45, 1 : 23-24 ; MHET II/5, 743 : 17-18 (?)22
a-ab-ba-tà-bu-[um]
nom + patronyme + scribe : (I)dinanna-ama-mu, al-Rawi-Dalley 118 enveloppe : 19 ; CT 33, 43 :
dumu-mí a-ab-ba-tà-bu-um, dub-sar 17-19 ; CT 47, 1 : 22-24 ; CT 48, 30 : R
15-17 ; CT 48, 31 : R 9-11 ; MHET II/1, 17 :
28-29 et enveloppe CT 8, 28a : 28-30 ;
MHET II/5, 784 : 14-16 ; Waterman Bus.
Doc. 31 : 43-45
nom + patronyme + scribe des juges du temple de CT 8, 28b : 31-33
Šamaš : Idinanna-ama-mu, dumu-mí a-ab-ba-tà-bu-um
dub-sar, di-ku5-meš é dutu
texte incomplet, nom : dinanna-ama-mu [...]23 MHET II/1, 18 tablette : 32
d
texte incomplet, nom + patronyme : inanna-ama-(mu MHET II/1, 18 enveloppe : 21´-22´
x) [...] (x) [...]24, [dumu-mí] a-ab-ba-[tà-bu-um]

Lorsqu’elle indique sa profession, Inanna-ama-mu se dit constamment dub-sar, et


jamais mí-dub-sar ou dub-sar-mí. Chez les autres femmes scribes, les deux types de
désignation, avec ou sans indication du sexe, sont attestés. Dans le cas d’Inanna-ama-mu,
dont le nom est clairement féminin, cette précision pouvait paraître inutile, d’autant plus
que, lorsqu’elle indique sa filiation, la mention dumu-mí ne laisse aucune place à
l’ambiguïté.
Le fait qu’elle ne note parfois ni son patronyme ni sa fonction n’est pas gênant,
puisqu’elle porte un nom rare et qu’il existe suffisamment de documents où son
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patronyme, sa fonction, ou les deux, sont indiqués pour que l’on puisse l’identifier. En
outre, sa place en fin de document, le plus souvent comme dernier témoin25 ou parmi les
derniers26, est caractéristique. Mais cela laisse penser qu’il a pu y avoir à Sippar d’autres
textes écrits par des femmes et qui ne leur ont pas été attribués, voire des femmes scribes
dont les noms n’ont pas été jusqu’à présent repérés : si elles n’ont pas pris la peine
d’inscrire la mention dub-sar sur les tablettes qu’elles ont rédigées, elles peuvent se dissi-
muler parmi les témoins.
Dans les cinq occasions où l’on peut comparer la tablette et son enveloppe27, les

22. L. 17-18 : igi dinanna-ama-mu, dumu-mí a-ab-ba-<tà-bu-um>. Puisqu’il manque quelque chose à la fin de la l. 18,
on peut hésiter pour savoir s’il faut ou non restituer également <dub-sar>.
23. On peut proposer de restituer dans cette lacune soit [dub-sar], soit le patronyme, soit les deux.
24. On devrait logiquement restituer ici [dub-sar], mais ce serait alors le seul cas où le nom du métier précéderait le
patronyme.
25. Al-Rawi-Dalley 113 ; al-Rawi-Dalley 118 tablette ; BE 6/1, 7 ; CT 2, 34 ; CT 8, 44 ; CT 33, 42 ; CT 33, 43 ; CT 47,
1 ; CT 48, 30 ; MHET II/1, 17 et enveloppe CT 8, 28a ; MHET II/1, 18 tablette et peut-être enveloppe ; MHET II/1, 28 ;
MHET II/5, 743, 777 et 784 ; Waterman Bus. Doc. 31. Dans CT 28b elle est le dernier témoin avant la mention des juges.
26. Elle est l’avant-dernier témoin dans al-Rawi-Dalley 118 enveloppe, CT 6, 42a et CT 45, 1. Elle est neuvième
témoin sur un total de onze dans Waterman Bus. Doc. 14.
27. J’exclus de la comparaison la tablette Waterman Bus. Doc. 14 et son enveloppe pour la raison mentionnée
ci-dessus n. 11, ainsi que MHET II/1, 18 car la tablette et l’enveloppe sont toutes deux cassées.
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 13

désignations de l’une à l’autre varient et l’on observe quatre cas différents, sans aucune
logique ni cohérence :

tablette enveloppe

CT 6, 42a : nom seul MHET II/1, 23 : non mentionnée


al-Rawi-Dalley 118 : nom seul al-Rawi-Dalley 118 : nom, patronyme, scribe
CT 8, 44 : nom seul CT 48, 31 : nom, patronyme, scribe
Waterman Bus Doc. 31 : nom, patronyme, scribe CT 45, 1 : nom, patronyme ; d’après la copie, il n’y a
pas de place pour restituer « scribe »
MHET II/1, 17 : nom, patronyme, scribe CT 8, 28a : nom, patronyme, scribe des juges du
temple de Šamaš

Sur MHET II/1, 23 Inanna-ama-mu n’a pas inscrit son nom ; on peut cependant lui
attribuer la rédaction de cette enveloppe puisque la tablette correspondante est connue.
On peut donc faire l’hypothèse qu’il existerait d’autres documents rédigés par elle et non
repérés, par exemple des enveloppes, si jamais elle a omis d’y inscrire son propre nom.
CT 8, 28b présente un cas particulier. Il s’agit d’une tablette de non-contestation
(tuppi la ragamim), qui se termine par la mention suivante : dinanna-ama-mu, dumu-mí
a-ab-ba-tà-bu-um dub-sar, di-ku5-meš é dutu (l. 30-32). Le titre de « scribe des juges du
temple de Šamaš », relativement peu attesté, est toujours donné à des hommes et le
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problème se pose donc de savoir s’il se réfère ici à Abba-tabum ou à sa fille. R. Harris
pense improbable qu’il s’applique dans cet unique cas à une femme et considère donc que
c’est le père d’Inanna-ama-mu qui occupait cette fonction28. Pour ma part, je crois
cependant qu’il pourrait s’appliquer à Inanna-ama-mu, car je vois mal pourquoi la scribe
indiquerait la profession de son père qui n’intervient pas dans le document ; puisque la
tablette consigne un jugement rendu dans le temple de Šamaš, une telle indication serait
conjoncturelle29, les juges en question étant les cinq personnes dont les noms apparaissent
à la fin du document, juste avant celui d’Inanna-ama-mu. Mais on peut aussi objecter
qu’Inanna-ama-mu, s’il s’agit bien d’elle et non de son père, ne se dirait qu’une seule fois
« scribe des juges du temple de Šamaš », alors qu’elle met par écrit plusieurs verdicts
rendus dans ce temple (cf. ci-dessous § 3.1). La discussion reste donc ouverte.
Enfin, si les documents rédigés par Inanna-ama-mu concernent presque toujours des
transactions opérées par des naditum, la scribe n’indique jamais si elle est elle-même

28. Harris 1975 : 129-130, cf. aussi p. 130 et n. 51 et p. 285 et n. 119. R. Harris maintient cette interprétation
(communication personnelle).
29. Cela répondrait en partie aux interrogations de Harris 1975 : 129 : « Wether this refers to a specific office or is
simply a title given to any scribe serving in this capacity is not clear », et 130 : « Thus, though we find that a man might be
a scribe of the judges and also another type of scribe, we do not know if it might hold these offices consequentivly or concur-
rently ».
14 BRIGITTE LION [RA 95

naditum. Les tablettes qui la mentionnent sont celles qu’elle a écrites et qui la montrent
donc dans ses fonctions de scribe, mais aucun autre document ne se rapporte à ses activités
économiques éventuelles. Il est tentant de la rattacher au « cloître » de Sippar, puisqu’elle
travaille pour ses habitantes, mais il n’existe pas pour l’instant de preuve tangible de son
statut.

2 . 3. Sceau ?

On connaît peut-être, à l’époque de Hammu-rabi de Babylone, soit plusieurs


décennies après la période d’activité d’Inanna-ama-mu, le sceau d’une femme scribe à
Sippar, Šima-ahati. Il est inscrit au nom de cette dame et, selon Teissier 1998, porterait
mention de son métier30. Cette lecture ne fait cependant pas l’unanimité car pour Dekiere
1994 b, il n’y aurait pas d’indication de sa fonction de scribe, mais plutôt de sa qualité de
naditum31.
Pour Inanna-ama-mu, je n’ai pu trouver de sceau. Les empreintes n’ont pas été
publiées systématiquement avec les enveloppes correspondantes, sauf dans les volumes
récents de la série CT et dans al-Rawi-Dalley : 2000. Dekiere 1994 a et 1996 mentionne les
inscriptions figurant sur les empreintes, mais n’envisage pas le cas des sceaux-cylindres
anépigraphes. Blocher 1992 a publié les sceaux figurant sur les tablettes du British
Museum pour le début de l’époque paléo-babylonienne, ce qui correspond parfaitement à
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ce corpus et permet de compléter les références.

Date enveloppe publication des sceaux

Immerum Waterman Bus. Doc. 14 Blocher VII, p. 25-26


Buntahun-ila al-Rawi-Dalley 118 al-Rawi-Dalley 118
CT 45, 1 CT 45, 1 ; Blocher X, p. 30-31
Sumu-la-El CT 8, 28a Blocher XV, p. 34-36 ; MHET II/1, p. 199
CT 48, 31 CT 48, 31 ; Blocher XVII, p. 38-39 et pl. 2 c
MHET II/1, 18 Blocher XVI, p. 37-38 ; MHET II/1, p. 199
MHET II/1, 23 Blocher XIX, p. 41-42 ; MHET II/1, p. 200

Aucun des sceaux inscrits n’est celui d’Inanna-ama-mu. Mais on pourrait envisager
qu’elle possède l’un des nombreux sceaux anépigraphes déroulés sur les enveloppes.
Blocher 1992 : fig. 92 a établi un tableau indiquant les sceaux qui reviennent sur plusieurs
enveloppes, et si Inanna-ama-mu a un sceau, on pourrait s’attendre à le trouver sur

30. Teissier 1998 : 127-128, sceau no 29 apposé sur la tablette MHET II/2, 156 : ši-ma-(a-ha?)-ti, mí-(dub?-sar?), geme2
d
utu, ù da-(a), « Šima-ahati, (scribe?), servante de Šamaš et Aya ».
31. Dekiere 1994 b : 236 lit ce même sceau ši-ma-(a)-[ha-ti], lukur (dutu), geme2 dutu, ù da-(a), « Šima-ahati, naditum
de (Šamaš), servante de Šamaš et Aya ».
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 15

plusieurs de ces documents, sinon sur tous. Or les rares sceaux qui apparaissent plusieurs
fois sur les enveloppes de ce petit corpus sont deux sceaux inscrits, celui de Bur-Nunu (sur
CT 8, 28a, CT 48, 31 et MHET II/1, 18, cf. ci-dessous § 5.2.1) et celui d’Ili-mušallim
(CT 45, 1, Waterman Bus. Doc. 14 et al-Rawi-Dalley 118, cf. ci-dessous § 5.3).
Sur CT 45, 1, un sceau anépigraphe est déroulé entre la l. 23 : dinanna-ama-mu, et la
l. 24 : dumu-mí a-ab-ba-tà-bu-[um]. Il montre une scène de présentation devant une
divinité trônant, entourée de symboles astraux, et un héros à six boucles saisissant un lion.
Il serait tentant d’y voir le sceau de la scribe. Mais le croquis donné par Blocher 1992 : 30
indique que le sceau est apposé sur la tranche inférieure : la l. 23 est la dernière de la face,
et la l. 24 la première du revers. Dans ces conditions, n’importe quel témoin a pu imprimer
son sceau sur cet espace libre, et pas forcément la scribe. D’après les copies de
al-Rawi-Dalley 118, CT 8, 28a ou CT 48, 31, et d’après les transcriptions MHET II/1, 18
et 23, elle n’a pas non plus écrit sur les tranches inférieures de ces enveloppes, laissant ces
espaces libres pour les sceaux des témoins, comme le montrent les schémas donnés par
Blocher 1992 : 25, 30, 37, 38 et 41.
Les sceaux de femmes sont en règle général assez rares. Le milieu des naditum
n’échappe pas à la règle, comme l’a fait remarquer J. Renger32 ; certaines empruntent celui
de quelqu’un d’autre lorsqu’elles en ont besoin33. Inanna-ama-mu emprunte peut-être elle
aussi le sceau d’un participant à la transaction qu’elle met par écrit, ou même ne scelle pas
du tout les documents.
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2 . 4. Famille

Le père d’Inanna-ama-mu s’appelle Abba-tabum. Ce nom n’est pas très fréquent,


mais il existe plusieurs homonymes34.
Un Abba-tabum est connu lui-même comme scribe, par Scheil 1895 : 30, VS 8, 1 : 27
(tablette) et 2 : 25 (enveloppe)35. Il s’agit dans les deux cas de ventes de terrains, qui ne
concernent pas spécialement les affaires des naditum puisque vendeurs aussi bien
qu’acheteurs sont des hommes. Le texte publié par V. Scheil n’est pas daté, mais son
éditeur précise qu’il « est certainement de l’époque antérieure à Hammourabi ». D’après
la formule de serment, VS 8, 1 et 2 datent de Sumu-abum, dont la ville de Sippar a dû un

32. On en verra cependant un exemple dans ce corpus, cf. ci-dessous § 5 . 2 . 2, mais il s’agit alors du sceau de dame
Erišti-Aya, qui exerce la fonction prestigieuse de chef des naditum.
33. Renger 1977 : 77 et 84 n. 45.
34. Par exemple un sanga d’Ikunum sous le règne d’Apîl-Sîn, père de Warad-Amurrum, cf. Harris 1969 : 139.
35. Cette référence est donnée par Harris 1962 : 8, Harris 1963 : 138 et Harris 1975 : 296. En revanche, une autre
référence figurant dans Harris 1975 : 296 me paraît devoir être ôtée : dans Waterman Bus. Doc. 31, les trois dernières lignes,
43-45, igi dinanna-ama-mu, dumu-mí-a-ab-ba-tà-bu-um, dub-sar, doivent donner la profession d’inanna-ama-mu, et non celle
de son père. De même pour CT 8, 28 b (commenté par Harris 1975 : 129-130 et n. 51), cf. ci-dessus, § 2 . 2 et n. 28.
16 BRIGITTE LION [RA 95

moment reconnaître la domination. Quelles que soient les difficultés d’une reconstruction
chronologique précise pour l’époque la plus ancienne de l’histoire de Sippar, la domination
de Sumu-abum pourrait être contemporaine des tout premiers rois : cela placerait
l’activité d’Abba-tabum soit avant celle d’Inanna-ama-mu, soit à l’époque où elle rédige
ses premières tablettes. De ce point de vue, il n’y a pas d’obstacle chronologique à en faire
le père d’Inanna-ama-mu. Si tel est le cas, cela donnerait une indication importante sur sa
formation professionnelle, acquise dans un cadre familial. Si de nombreux hommes,
scribes ou spécialistes d’autres techniques, apprenaient leur métier auprès de leur père, il
s’agirait ici d’un cas plus rare de transmission de père à fille.
Inanna-ama-mu a eu au moins une sœur, Abaya36, témoin dans Waterman, Bus.
Doc. 14 : 37-38 où elle est mentionnée juste après Inanna-ama-mu qui rédige le texte.
Dans VS 8, 1 et 2, rédigés par Abba-tabum, apparaît, parmi les témoins, une fille de
celui-ci, Níg-Nanna. Elle pourrait donc être une autre sœur d’Inanna-ama-mu. Or une
Níg-Nanna, scribe à Sippar, a rédigé le compte rendu d’une affaire opposant deux
hommes37. Elle ne donne malheureusement pas son patronyme. La formule de serment,
par Immerum et Sumu-la-El, en fait une exacte contemporaine d’Inanna-ama-mu. S’il ne
s’agit pas d’une homonymie (Níg-Nanna n’est pas un nom courant), on peut imaginer
qu’Abba-tabum aurait formé non pas une, mais deux filles au métier de scribe !
Un fils d’Abba-tabum, Irra-gamil, figure parmi les témoins de MHET II/1, 10 : 43,
un achat de champ daté de l’année d’accession d’Immerum. Il est donc contemporain
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d’Inanna-ama-mu et de Níg-Nanna, mais cela ne suffit pas à le rattacher de façon certaine
à la même famille.

3. ACTIVITÉS SCRIBALES D’INANNA-AMA-MU

3 . 1. Typologie des documents

Les activités de la scribe sont très variées. D’un point de vue typologique, elle rédige :
— six comptes rendus de procès : CT 6, 42a (+ enveloppe MHET II/1, 23) ; CT 8, 28b et
CT 48, 30 ; al-Rawi-Dalley 113 ; MHET I/1, 17 (+ enveloppe CT 8, 28a) ; Waterman
Bus. Doc. 31 (+ enveloppe CT 45, 1) ;
— cinq contrats de mise en fermage de champs par Innabatum, naditum de Šamaš : CT
33, 42 et 43, MHET II/5, 743, 777 et 784 ;

36. Harris 1963 : 139.


37. Texte publié par Van Lerberghe 1982. Le fait qu’une femme rédige une tablette à propos d’un litige entre deux
hommes s’expliquerait-il du fait que l’affaire est réglée par l’arrachement de l’emblème-šurinnum de Šamaš, et doit donc
concerner le milieu de l’E-babbar, auquel les naditum sont liées ?
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 17

— trois attributions de biens, notamment de champs, à des femmes, parfois dési-


gnées comme naditum de Šamaš : CT 47, 1, MHET II/1, 18 (tablette + enveloppe),
MHET II/1, 28 ;
— un règlement de litige qui aboutit à la récupération d’un champ par une femme : CT 2,
34 ;
— un achat de terrain : CT 8, 44a (+ enveloppe CT 48, 31) ;
— un partage : Waterman Bus. Doc. 14 (tablette + enveloppe) ;
— une promesse de renoncement à une propriété : BE 6/1, 7 ;
— un achat d’esclave : al-Rawi-Dalley 118 (tablette + enveloppe).

Ces documents concernent des personnes très diverses, et souvent les parties en
présence n’apparaissent qu’une seule fois dans l’ensemble des textes qu’Inanna-ama-mu a
rédigés. Cependant, quelques tablettes peuvent être regroupées en petits dossiers, ou se
référer à des affaires connues par ailleurs dans le corpus de Sippar.

3 . 2. CT 8, 28b et CT 48, 30, des duplicatas

CT 8, 28b et CT 48, 30 portent des textes étroitement parallèles38, datant du règne de


Sumu-la-El. Ils enregistrent un procès intenté par Etel-pî-Šamaš, Itûr-Sîn, Utu-hegal et
Belum, les fils de Nur-Šamaš, contre Beletum, à propos d’un ensemble de biens
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comprenant un champ, une maison (ou plutôt une pièce ou un petit local, vu la superficie,
1 sar), des esclaves hommes et femmes et divers objets. Une autre tablette, CT 48, 59,
indique que ces quatre hommes sont les frères de Beletum. Le procès a lieu dans le temple
de Šamaš, Beletum prête serment par Aya, et la plainte des accusateurs est rejetée. Le
texte n’est pas disposé exactement de la même façon sur les deux documents : une partie
du début de la face de CT 8, 28b semble se retrouver sur la tranche latérale de CT 48, 30.
On voit mal la nécessité d’établir ce texte en deux exemplaires. Les premiers mots
de CT 8, 28b indiquent qu’il s’agit d’une tuppi la ragamim, « tablette de non-reven-
dication »39 ; elle doit normalement empêcher les plaignants, qui ont perdu leur procès, de
revenir sur cette affaire. Le début de CT 48, 30 est cassé ; on ignore donc si cette tablette
commençait de la même façon, et qui était supposé la garder.
Des informations complémentaires sur cette famille sont fournies dans CT 48, 59,
tablette par laquelle Beletum fille de Nur-Šamaš lègue ses biens à Šat-Aya fille
d’Etel-pî-Šamaš, sa nièce, sous le règne d’Apîl-Sîn. Ces biens sont en partie les mêmes que

38. Pour cette raison, Harris 1970 : 316 avait supposé que CT 48, 30 était « probably the inner tablet of CT 8, 28b ».
Dombradi 1996 : 128 et 356 pensait au contraire que CT 8, 28b était la tablette et CT 48, 30 l’enveloppe. Il s’agit en fait de
deux tablettes. Je remercie vivement le Pr Ran Zadok d’avoir bien voulu vérifier ce point lors d’un séjour au British
Museum.
39. Veenker 1974.
18 BRIGITTE LION [RA 95

ceux dont le sort est réglé par le procès40. Une autre opération foncière est documentée :
Itûr-Sîn et Belum vendent 5 sar de maison à leurs neveux Sîn-eribam et Šamaš-rim-ili, fils
d’Etel-pî-Šamaš (BE 6/1, 9). On observe ici deux voies de transmission des propriétés
foncières à l’intérieur de la famille, de femme à femme dans un cas, d’hommes à hommes
dans l’autre.

41
3 . 3. Les procès contre Takun-matum

Deux documents, Waterman Bus. Doc. 31 et CT 6, 42a (avec son enveloppe


MHET II/1, 23) impliquent les mêmes parties : d’un côté Takun-matum, naditum de
Šamaš, fille d’Amurrum et Rabbatum ; de l’autre, Halikum fils d’Arwium et ses enfants.
Takun-matum et sa mère Rabbatum ont acheté une palmeraie à Halikum, achat
enregistré par CT 4, 50a, sous le règne d’Immerum. Cet achat est rappelé dans CT 6, 42a.
Selon Waterman Bus. Doc. 31 en revanche, c’est avec son père Amurrum que
Takun-matum l’a effectué. Dans un premier temps, l’année d’avènement de Bunta-
hun-ila, Halikum et sa fille Hiššatum, elle aussi naditum de Šamaš, contestent cet achat et
perdent leur procès (Waterman Bus. Doc. 31). Des années plus tard, sous le règne de
Sumu-la-El, la palmeraie est à nouveau contestée par Halikum, Sumu-rame et leurs fils
cette fois. Ils sont encore déboutés, et se voient en outre imposer un châtiment, proba-
blement pour avoir rouvert une affaire déjà jugée. Les deux comptes rendus de procès ont
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dû être remis à la partie gagnante, Takun-matum, et conservés dans ses archives.
Dans les deux cas, les procès ont lieu dans le temple de Šamaš ; l’enveloppe
MHET II/1, 23 mentionne, parmi les témoins, le chef des naditum de Šamaš, Bur-Nunu.
Cela n’est guère surprenant puisque l’affaire est intentée contre une naditum,
Takun-matum, et ses parents, par une autre naditum, Hiššatum, ou par son père et ses
frères.

3 . 4. CT 2, 34 et les conflits entre Mayatum et la famille d’Amurrum

Dans CT 2, 34, Mayatum fille d’Asaliya a « fait sortir » (uše1i) un champ, « part »
(ha-la) de son père Asaliya, de chez Ilšu-ibišu fils de Beliya. Le terrain en question est
voisin d’un champ de Beliya et se situe dans le tawirtum d’Amurrum. Harris 1975 : 76
pense que le champ d’Asaliya a été indûment saisi par son voisin Beliya, et que le fils de
celui-ci doit par la suite le rendre à la fille d’Asaliya, héritière du champ. Finkelstein
1965 : 237 propose de voir dans cette restitution la conséquence d’une mišarum de

40. Sur cette affaire, cf. Harris 1970 : 317.


41. Ce dossier a déjà été présenté par Harris 1962 : 11-12. Cf. aussi Harris 1975 : 240 et n. 142.
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 19

Sumu-la-El, puisque la formule de serment permet de placer l’affaire sous le règne de ce


roi.
Sous le règne de Sabium, Mayatum fille d’Asaliya connaît d’autres problèmes. Les
documents qui les évoquent n’indiquent pas de nom de scribe. D’après CT 4, 26b (et son
enveloppe MHET II/1, 35), son frère Sumurah et elle-même sont mis en cause par
Belessunu et Napsanum, les enfants d’Apil-mara6, à propos d’un ensemble de plusieurs
champs, une palmeraie et au moins deux femmes esclaves. Le litige est réglé dans le
temple de Šamaš. Les plaignants perdent le procès et la propriété des biens est confirmée
aux enfants d’Asaliya.
Dans CT 2, 50 (et son enveloppe MHET II/1, 45), en l’an 12 du règne de Sabium,
Belessunu et Napsanum, en compagnie cette fois de Mattatum fille d’Izi-darê, attaquent
derechef Mayatum et son frère Sumurah42 à propos de champs, d’une maison, d’esclaves
hommes et femmes et d’une palmeraie ; cette dernière est la même que dans CT 4, 26b et
l’on peut donc supposer que l’ensemble des biens mis en cause est, au moins en partie, le
même dans CT 4, 26b et CT 2, 50. À nouveau, un procès dans le temple de Šamaš confirme
les droits de Mayatum et Sumurah, en soulignant que Belessunu, Napsanum et Mattatum
ne devront plus revendiquer. Une précision supplémentaire est apportée : les enfants
d’Amurrum, hommes et femmes, ne devront pas à l’avenir porter plainte contre Mayatum
et Sumurah. Si « enfants » est à entendre ici dans le sens de « descendants », cela laisse
entendre que les plaignants en font partie. Amurrum pourrait être le père d’Apil-mara6 et
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d’Izi-darê, et donc le grand-père de Belessunu, Napsanum et Mattatum.
Cette mention des descendants d’Amurrum éclaire un aspect de CT 2, 34. Le terrain
récupéré par Mayatum se situe dans le tawirtum d’Amurrum, ainsi nommé parce
qu’Amurrum avait dû en être un jour propriétaire, et les conflits entre les deux familles
résultent peut-être d’anciennes querelles de voisinage. Dans CT 2, 34, parmi les témoins,
figurent Napsanum, deux Belessunu, et Takun-matum : Napsanum et l’une des Belessunu
sont les enfants d’Apil-mara6, Takun-matum est une fille d’Amurrum (cf. ci-dessus § 3.3),
peut-être une tante de Napsanum et de Belessunu. Tous sont ici présents probablement
parce qu’ils ont hérité de terres dans le tawirtum de leur père ou grand-père, et sont à ce
titre voisins de Mayatum.

43
3 . 5. La mise en fermage des champs d’Innabatum

Inanna-ama-mu rédige pour Innabatum cinq contrats de fermage de champs ; aucun


n’est daté. Tous présentent la même structure : Innabatum remet un champ, dont la

42. Le frère et la sœur apparaissent aussi ensemble comme témoins dans un fragment d’enveloppe, TLB 1, 230 : 12´,
datant du règne d’Apil-Sîn.
43. Sur cette naditum, voir le dossier réuni par Harris 1962 : 8.
20 BRIGITTE LION [RA 95

surface est précisée, à un laboureur, qui doit le cultiver et verser un loyer « à la porte du
gagûm », en y ajoutant des livraisons supplémentaires pour diverses fêtes. On peut
résumer les données de ces tablettes par le tableau suivant :

surface
du champ loyer versements
texte en iku localisation laboureur en sila3 supplémentaires

CT 33, 43 0.0.4 Mahana Hattalum f. Mudadum 3.0.0.0 oui, indéterminés


MHET II/5, 784 [ ?] Mahana [...]nabalu f. [...]-gamil 3.0.0.0 pišanam u šah-tur
CT 33, 42 0.1.1 Mahana Sîn-iddinam f. Warad-Sîn 8.2.3.0 pišanam u šah-tur
MHET II/5, 743 0.0.3 Ib/Maširum Sîn-[...] f. Napšeri[...] 2.3.2.0 pišanam
MHET II/5, 777 0.0.3 Ib/Maširum Warad-Ilabrat 2.3.2.0 oui, indéterminés
f. Nemel-Šamaš

Il s’agit de deux champs ou ensembles de champs. Les textes MHET II/5, 743 et
777, qui concernent une même surface, au même endroit, pour laquelle un même loyer est
versé, correspondent à la même parcelle, attribuée successivement à deux laboureurs diffé-
rents. Le nom géographique Ib/Maširum est inconnu par ailleurs.
Le terroir (a-gàr) de Mahana présente un cas un peu plus complexe, et est documenté
au moins par une autre tablette : d’après CT 8, 47b (tablette) // MHET II/1, 8
(enveloppe), Innabatum, naditum de Šamaš, achète à Warattum fils de Hapiranum un
champ de 4 iku situé en ce lieu, voisin d’un champ de Zikilum ; le serment indique que la
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vente est conclue sous le règne d’Immerum. L’acte n’est pas rédigé par Inanna-am-mu,
mais par une de ses consœurs, Šat-Aya, qui inscrit son nom et sa profession sur la dernière
ligne de la tablette mais ne se mentionne pas sur l’enveloppe.
Le contrat de fermage CT 33, 43, par lequel Innabatum confie à un laboureur un
champ de 4 iku dans ce même terroir de Mahana, doit correspondre à la parcelle achetée
par CT 8, 47b, même si aucun nom de voisin n’est mentionné. Le champ en question est
composé des deux parties : la première, de 1 iku, est en friches. La seconde, de 3 iku, est
désignée comme KA . GAR. Dans MHET II/5, 784 la surface est perdue, mais le loyer
attendu, 3 gur, est le même que dans CT 33, 43 et il peut s’agir encore de la même parcelle.
Dans CT 33, 42, le champ concerné, situé lui aussi dans le terroir de Mahana, est plus
vaste, puisqu’il couvre 7 iku, et le loyer attendu plus élevé. Il s’agit donc soit d’un terrain
incluant celui évoqué dans les contrats précédents, soit d’une parcelle différente.
MHET II/1, 16, contrat d’achat de champ dans le terroir de Mahana, mentionne
Innabatum parmi les voisins, sans que l’on sache exactement de quelle parcelle il s’agit. Le
texte date du règne de Sumu-la-El.
Les indications chronologiques fournies par CT 8, 47b (tablette) // MHET II/1, 8
(enveloppe) et MHET II/1, 16 tendent à montrer que les cinq contrats de fermage se
situent dans le même laps de temps que les autres documents rédigés par Inanna-ama-mu.
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 21

Deux des laboureurs, Hattalum fils de Mudadum et Sîn-iddinam fils de Warad-Sîn,


apparaissent aussi dans d’autres textes : le premier est témoin dans un contrat de mariage
non daté (CT 6, 26a : R 9) et dans une vente de champ conclue sous le règne de
Sîn-muballit (Meissner, BAP 37 : 12) ; le second vend un champ sous le règne de Sabium
(CT 4, 35a : 6)44.
Les documents CT 8, 47b (et MHET II/1, 8), CT 33, 42 et 43, MHET II/5, 743, 777
et 784 appartiennent aux archives d’Innabatum et devaient être conservées par elle. Cette
naditum a recouru aux services de deux femmes scribes, Inanna-ama-mu et Šat-Aya, qui
travaillent dans le milieu du gagûm.

4. LES LIENS AVEC LE TEMPLE DE ŠAMAŠ

Le point commun des textes rédigés par Inanna-ama-mu est de concerner direc-
tement le milieu du gagûm ( « cloître » ) de Sippar, étroitement lié au temple de Šamaš.
Les procès dont elle rédige les minutes concernent les biens des naditum et sont tranchés
dans l’enceinte du temple de Šamaš. Le sanga de Šamaš assiste comme témoin non aux
procès, mais aux actes concernant les transmissions de biens fonciers.

4 . 1. Les litiges jugés dans le temple de Šamaš


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Des formules diverses montrent que les tablettes de procès rédigées par
Inanna-ama-mu concernent des jugements rendus dans le temple de Šamaš.
C’est le cas des deux procès contre Takun-matum. Waterman Bus. Doc. 31 : 10-12
précise : ru-gu-mu-ša, i-na é dutu, na-ás-hu, « sa plainte, dans le temple de Šamaš, a été
rejetée » ; CT 6, 42a : 13-15 // MHET II/1, 23 : 9-11 contient une formule plus
développée : da-ia-nu i-na é dutu, ar-nam i-mu-du-šu-nu-ti, ru-gu-me-šu-nu i-sú-hu-ma,
« les juges, dans le temple de Šamaš, leur ont imposé un châtiment et ont rejeté leur
plainte » ; tablette (l. 32) et enveloppe (l. 28) comportent en outre la mention di-in é dutu,
« jugement du temple de Šamaš ».
Quatre autres textes de procès fournissent des indications comparables :
Al-Rawi-Dalley 113 : 10-11 : ru-gu-mu-ša, i-n[a é] dutu na!-ás!-(hu), « sa plainte, dans
le temple de Šamaš, a été rejetée ». D’après la copie, on peut proposer de lire sur la tranche
latérale, l. 35 : [di-i]n (é d)[ut]u, « jugement du temple de Šamaš ».

44. Je dois ces indications à R. Harris, qui me communique également des références possibles à Yarbi-El fils de
Tuqarum, l’un des témoins de CT 33, 42 : un Yarbi-El sans patronyme est témoin dans un achat de maison sous Sabium
(BE 6/1, 13 : 37) ; un Ta(m)nanni fils de Yarbi-El apparaît dans CT 45, 12 : 23 (Apil-Sîn) et Waterman Bus. Doc. 42 : R 13
(Sîn-muballit) ; un Tappum fils de Yarbi-El achète des champs dans deux textes du règne de Sîn-muballit (Meissner
BAP 37 : 5 et CT 8, 16 b : 8).
22 BRIGITTE LION [RA 95

MHET II/1, 17 : 5-9 // CT 8, 28a : 5-11 : da-ia-nu i-na é dutu, a-na ni-iš dingir
ku-nu-tum, i-di-nu-ma, ni-iš da-a be-el-ti/-ša, ku-nu-tum iz-ku-ur-ma, ru-gu-me-ša
i-sú/-úh/-ma : « Les juges, dans le temple de Šamaš, ont livré Kunutum au serment par la
divinité ; Kunutum a prêté serment par Aya sa souveraine, et il a rejeté (sic) sa plainte
(celle de l’accusatrice) »45 ; MHET I/1, 17 : 20 // CT 8, 28a : 19 : di-in é dutu, « jugement
du temple de Šamaš ».
Dans les deux textes parallèles CT 8, 28b : 23 et CT 48, 30 : 28´ (cf. ci-dessus § 3.2), il
s’agit d’un di-in é dutu, « jugement du temple de Šamaš ». CT 48, 30 : 15´-17´ donne la
version la plus développée des faits : (da)-ia-nu i-na é dingir-ma, [a-na] ni-iš dingir,
[be-l]e-tum i-di-nu-ma, [ni-iš] (d)a-a be-el-ti/-ša, [be-le]-tum, [iz-ku-u]r-ma, [ru-g]u-me-šu-nu
i-sú-[hu] : « Les juges, dans le temple de la divinité, ont livré Beletum au serment par la
divinité. Beletum a prêté serment par Aya sa souveraine, et ils (les juges) ont rejeté leur
plainte » ; CT 8, 28b : 17-18 résume : da-ia-nu i-na é dutu ru-gu-me-šu-nu i-sú-hu, « les
juges, dans le temple de Šamaš, ont rejeté leur plainte ».
Les jugements des affaires des naditum, pour le début de l’époque paléo-babylonienne,
ont donc lieu à l’intérieur du temple. Juges et témoins, pour la circonstance, doivent se
déplacer pour pénétrer dans l’E-babbar. En revanche, les naditum impliquées dans ces
affaires restent dans un milieu qui leur est familier, et n’ont qu’à se rendre du cloître au
temple, ce qui ne représente vraisemblablement pas un trajet bien long, surtout si le gagûm
fait partie du complexe religieux46. Il en va différemment à une époque plus tardive, lorsque
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les procès ont lieu en présence du maire, du chef des marchands et du karum de Sippar47. Les
plaignants doivent alors s’adresser à des autorités siégeant hors du temple.
Le déplacement des procès concernant les naditum de l’enceinte du temple de Šamaš à
la ville de Sippar va de pair avec la disparition des mentions de femmes scribes dans les
textes, les dernières répertoriées à ce jour exerçant sous le règne de Samsu-iluna. Ce point
pourrait indiquer que les femmes scribes sont liées au gagûm, voire qu’elles y vivent, et qu’à
partir du moment où les procès se sont tenus à l’extérieur du complexe de temple, il n’a pas
semblé souhaitable aux autorités du cloître de laisser sortir des femmes pour consigner par
écrit ces jugements, alors que dans la ville des hommes pouvaient s’en charger. Toujours
dans cette hypothèse, la disparition des mentions de femmes scribes ne signifie pas la dispa-
rition de ces femmes : on ignore qui rédigeait la correspondance des naditum par exemple, et
il est possible que des femmes s’en soient chargé pendant toute la durée de vie du gagûm.

45. Comme l’a remarqué Harris 1975 : 150, n. 62, les naditum impliquées dans des procès et prêtant un serment
judiciaire jurent par Aya, et non par Šamaš. Cet usage ne paraît pas concerner les autres femmes de Sippar : MHET II/1, 78
montre par exemple une femme mariée, Belessunu, qui prête serment par Šamaš à l’occasion d’un procès dans le temple.
46. Harris 1975 : 188 : « The cloister of the naditu’s of Šamaš must have been within the temple complex ». Le seul
endroit d’où provienne avec certitude une tablette rédigée par Inanna-ama-mu, le secteur V 108 (cf. ci-dessus § 1 . 2), situé à
quelques petites centaines de mètres de l’E-babbar, fait peut-être partie du gagûm.
47. Harris 1975 : 60-61, 68-69, 71-73, 116-117, 258.
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 23

4 . 2. Les sanga de Šamaš

Deux sanga (« administrateurs » ) de Šamaš apparaissent dans ces documents.

4.2.1. Anum-pî-Šamaš

La tablette la plus ancienne du groupe, Waterman Bus. Doc. 14, est pourvue d’une
enveloppe qui porte l’empreinte d’un sceau inscrit au nom de : an-pi4-dutu, dumu
ìr-den-zu, sanga d[utu], « Anum-pî-Šamaš, fils de Warad-Sîn, sanga de [Šamaš] », attesté
comme tel dans d’autres documents datant du règne d’Immerum48. Sur l’enveloppe, le
premier témoin est Anum-pîšu (l. 26), certainement le même personnage dont le nom
apparaît ici sous forme hypocoristique, car un Anum-pîšu sanga sous Immerum figure
aussi comme premier témoin dans MHET II/1, 7 : 2149.

4.2.2 Lipit-Eštar

Lipit-Eštar, sanga de Šamaš, fils de Šalim-palih, est bien attesté à Sippar sous les
règnes de Sumu-la-El et Sabium50. Il apparaît à plusieurs reprises dans les textes rédigés
par Inanna-ama-mu, toujours comme premier témoin sauf sur la tablette CT 8, 44a où il
est en quatrième position (il est en revanche premier témoin sur l’enveloppe correspon-
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dante) :
— dans trois documents du règne de Sumu-la-El :
– CT 2, 34 : récupération d’un champ par une femme ;
– MHET II/1, 18 (tablette et enveloppe) : attribution de biens à une naditum de Ša-
maš ;
– CT 8, 44a (tablette) // CT 48, 31 (enveloppe) : vente des terres par plusieurs person-
nes dont une naditum de Šamaš ;
— dans deux documents du règne de Sabium :
– CT 47, 1 : attribution d’un champ à une naditum de Šamaš ;
– MHET II/1, 28 : attribution d’un champ à une femme.
Dans deux cas, sur les enveloppes MHET II/1, 18 et CT 48, 31, sa fonction de sanga
d
šá utu est indiquée.
Les textes dans lesquels Lipit-Eštar sert de témoin ont pour point commun de
concerner les champs de femmes que l’on peut considérer, même si cela n’est pas toujours

48. Harris 1975 : 157.


49. CT 48, 31 porte le sceau de dutu-tap-pá-šu, ìr é-babbar2, dumu an-pi4-dutu, qui serait peut-être le fils du sanga.
50. Harris 1975 : 157 et Stol 1976 : 151.
24 BRIGITTE LION [RA 95

précisé, comme des naditum de Šamaš. Il supervise donc leurs transactions immobilières,
qu’elles acquièrent des biens, comme c’est le cas ici dans quatre textes, ou qu’elles en
aliènent comme dans CT 8, 44a // CT 48, 31. Le sanga de Šamaš est directement concerné
par l’aisance matérielle des naditum ; or la propriété de biens immobiliers est la principale
garantie de leur capacité économique à assurer leur propre subsistance. Un siècle au moins
après la période d’activité d’Inanna-ama-mu, le rescrit de Samsu-iluna obligeant les
familles des naditum de Šamaš à les doter en témoigne encore et, parmi les destinataires de
ce rescrit, figurent toujours les sanga, même si les autorités municipales, le karum et les
juges, dont le rôle s’est progressivement développé, sont mentionnés avant eux51.
Lorsque ces femmes reçoivent des biens, les situations paraissent assez diverses. Un
texte comme MHET II/1, 18, par lequel Nusku-la-šanan et Ningal-tallak donnent un
champ et une esclave à Munawwirtum, peut faire penser à la dotation d’une naditum par
ses parents. Mais dans MHET II/1, 28, c’est une femme, Damiqtum, qui donne un champ
à Erištum fille de Warad-ilišu, et il peut s’agir d’une donation entre deux naditum, sans
que le texte permette d’établir si elles appartiennent ou non à la même famille. Dans
CT 47, 1, deux hommes, Ubar-Šamaš fils de Nurya et Sîn-rimeni, remettent un champ à
Belessunu, et là encore on ignore si des liens de parenté existent entre ces personnes. Sur
CT 2, 34, cf. ci-dessus § 3.4.
Dans la vente de terrains enregistrée par CT 8, 44a // CT 48, 31, la naditum
Nakulatum, fille d’Ili-aptan, n’est que l’un des vendeurs : elle aliène 4 sar de terrain
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(ki-bur-bal), conjointement avec Yabusatum épouse d’Ili-aptan, sa mère ou belle-mère ;
Haliyaum fils d’Yawum vend 3 sar, voisins d’un terrain d’Ili-aptan, donc probablement
dans le même secteur. L’acheteur de l’ensemble est Išme-Sîn.

4 . 3. Damu-galzu et Šamaš-ENGUR.A-niši

Damu-galzu est témoin dans de nombreux textes du corpus, comme Waterman Bus.
Doc. 14 (règne d’Immerum), CT 8, 44a // CT 48, 31 (règne de Sumu-la-El), CT 33, 43 (non
daté). Il y figure souvent en compagnie d’un autre personnage, Šamaš-ENGUR.A-niši52 :
c’est le cas dans Waterman Bus. Doc. 31 // CT 45, 1 (avènement de Buntahun-ila),
al-Rawi-Dalley 118 tablette et enveloppe (règne de Buntahun-ila), al-Rawi-Dalley 113
(règne de Sumu-la-El). Ces textes sont parmi les plus anciens du corpus. Il faut y ajouter
quatre mises en fermage des champs d’Innabatum, non datés : CT 33, 42, MHET II/5,
743, 777 et 784.
R. Harris a proposé de voir dans Damu-galzu un « balayeur de l’E-babbar », d’après
l’empreinte de son sceau sur le fragment TCL 1, 186 : dda-mu-gal-zu, kisal-luh

51. Janssen 1991.


52. Sur ce personnage, dont le nom est écrit de diverses manières, cf. Walker 1978 : 236.
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 25

é-babbar2-ra, ìr dutu da-a53. Soit qu’il y ait homonymie, soit que ce personnage ait occupé
deux fonctions successivement, L. Dekiere, MHET II/1, 7, lit le métier de Damu-galzu
rá-gaba šá é dutu, « courrier du temple de Šamaš ». Al-Rawi et Dalley 2000 : 120
mentionnent, apparemment pour cette même tablette, une collation de C. B. F. Walker
qui lit rá-gaba 20 ša dutu. Or dans CT 45, 1, sur l’enveloppe, en dessous de la mention igi
d
da-mu-gal-zu l. 19, et après igi dutu-ENGUR.A-ni-ši au début de la l. 20, cette ligne
continue ainsi : igi rá-gaba 30 šá dutu. Cette mention renverrait-elle à Damu-galzu, cité
juste au-dessus, à Šamaš-ENGUR.A-niši, cité juste avant (comme le pense Walker 1978 :
236), ou à une troisième personne ? Pour Šamaš-ENGUR.A-niši, aucune fonction précise
n’est pour l’instant connue.

5. LE MILIEU DU GAGÛM ( « CLOÎTRE » ) DE SIPPAR

5 . 1 Les affaires des naditum

Les textes rédigés par Inanna-ama-mu concernent toujours des femmes. Tantôt elles
sont clairement désignées comme naditum : c’est le cas d’Innabatum pour qui elle écrit
cinq contrats de fermage et qui doit percevoir ses loyers à la porte du gagûm (cf. ci-dessus
§ 3.5), de Takun-matum (cf. ci-dessus § 3.3), ou encore de Hanbatum (BE 6/1, 7) qui
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reçoit un champ. Tantôt leur dignité n’est pas mentionnée, mais leur appartenance au
personnel religieux du « cloître » peut se déduire de plusieurs indices : règlement des
procès les concernant dans le temple de Šamaš (cf. ci-dessus § 4.1), ou présence du sanga
de Šamaš parmi les témoins de leurs transactions immobilières (cf. ci-dessus § 4.2). En
outre, parmi les témoins, figurent souvent des membres de l’administration du gagûm, à
commencer par les chefs des naditum.

5 . 2. Les chefs des naditum

Harris 1975 : 189-193 a étudié cette fonction et donné une liste de personnes l’ayant
détenue. On peut y ajouter Bur-Nunu fils d’Imlik-Sîn, témoin dans plusieurs textes
rédigés par Inanna-ama-mu, et par ailleurs bien attesté par d’autres textes de
MHET II/1, ainsi que sa sœur Erišti-Aya : dans la période la plus ancienne de l’histoire
paléo-babylonienne de Sippar, des femmes comme des hommes peuvent en effet occuper
ce poste prestigieux.

53. Harris 1975 : 164 et n. 60. TCL 1, 186, petit fragment qui ne comporte quasiment que l’empreinte de sceau, est
difficilement datable.
26 BRIGITTE LION [RA 95

5.2.1. Bur-Nunu fils d’Imlik-Sîn

Il est représenté dans ce corpus, sous le règne de Sumu-la-El, par les tablettes
suivantes :
— la récupération de champ CT 2, 34 ;
— la donation de biens meubles et immeubles MHET II/1, 18 (tablette et enveloppe) ;
— le procès MHET II/1, 23 (enveloppe, mais il n’apparaît pas sur la tablette correspon-
dante CT 6, 42a) ;
— l’achat de terrain CT 8, 44a (tablette) // CT 48, 31 (enveloppe).

Sous le règne de Sabium, il est toujours actif, puisqu’il est témoin des deux donations
de champs CT 47, 1 et MHET II/1, 2854.
Il s’agit là exactement des textes où apparaît le sanga Lipit-Eštar : les cinq transac-
tions impliquant des terres des naditum, auxquelles s’ajoute le procès MHET II/1, 23.
Lorsque le sanga est premier témoin, Bur-Nunu apparaît juste après lui, en seconde
place55, dans CT 2, 34, MHET II/1, 18 tablette et enveloppe, CT 48, 31, CT 47, 1 et
MHET II/1, 28. Sur la tablette CT 8, 44a, il est premier témoin, Lipit-Eštar
n’apparaissant qu’en quatrième position. Sur l’enveloppe MHET II/1, 23, il est au
contraire mentionné en fin de liste, après les juges, et Lipit-Eštar est absent.
Parmi ces textes, plusieurs précisent la fonction de Bur-Nunu comme chef des
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naditum : les enveloppes MHET II/1, 18 (ugula lukur šá dutu) et MHET II/1, 23 (ugula
lukur [dutu]-hi-a), mais pas les tablettes correspondantes. La tablette CT 8, 44a le désigne
comme ugula nin!-dingir! šá dutu, « chef des prêtresses de Šamaš »56 ; l’enveloppe CT 48, 31
est cassée pour le passage correspondant (l. 17´ : igi bur-nu-nu ugu[la nin-dingir šá] dutu).
Son sceau est apposé sur plusieurs enveloppes57 ; il s’agit d’un sceau inscrit, qui
permet aisément de l’identifier. Le texte, d’après les empreintes figurant sur CT 8, 28a et
MHET II/1, 18, est le suivant : bur-nu-nu, ugula nin-dingir dutu, dumu im-lik-den-zu, ìr
é-babbar, « Bur-Nunu, chef des prêtresses de Šamaš, fils d’Imlik-Sîn, serviteur de
l’E-babbar ». Il faut donc probablement compléter et corriger la légende indiquée par
CT 48, 31 : « bur-nu-nu, ugula nin-dingir dutu, dumu im-lik-dIM » ; la dernière ligne de
l’inscription, ìr é-babbar, a pu ne pas apparaître sur l’empreinte, et le nom du père est
certainement à lire im-lik-den-zu ; Blocher 1992 : 38 indique d’ailleurs qu’il s’agit de la
même empreinte que sur CT 8, 28a et MHET II/1, 18.

54. L. 14 il faut lire bur-nu-nu plutôt que ku-nu-nu.


55. Phénomène noté par Harris 1975 : 189 : « The importance of the office is indicated by the fact that the Overseer
imediately follows the sanga of Šamaš in the sequence of witnesses to naditu transactions ».
56. Harrris 1975 : 314 et n. 29, qui rectifie Harrris 1962 : 8 et n. 23, et Harrris 1963 : 140-141.
57. Pour les empreintes de sceaux sur les enveloppes, cf. ci-dessus § 2 . 3.
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 27

S’il faut ici comprendre nin-dingir = ugbabtum, Bur-Nunu aurait d’abord été en
charge des ugbabtum, dans une première phase où est rédigé CT 8, 44a et où son sceau est
gravé, avant de devenir chef des naditum, titre qu’il porte MHET II/1, 18 et 23, tout en
conservant pour sceller MHET II/1, 18 un sceau faisant référence à sa fonction antérieure.
Ne serait-il pas possible aussi de comprendre nin-dingir comme « prêtresses » ou « femmes
consacrées », ce terme renvoyant aux naditum ? Dans ce cas, comme l’a proposé
R. Harris, les deux titres de chef des nin-dingir et de chef des naditum seraient interchan-
geables58.
L’enveloppe CT 8, 28a porte le sceau de Bur-Nunu alors même qu’il ne figure pas
dans la liste des témoins, et pas davantage sur la tablette correspondante MHET II/17.
Sans cette empreinte, on ne pourrait savoir qu’il a assisté au procès. Pareille situation fait
une fois de plus regretter que la publication des empreintes de sceaux n’ait pas systémati-
quement accompagné celle du texte des enveloppes, les informations données par ces deux
modes d’expressions étant souvent complémentaires.

5.2.2. Erišti-Aya fille d’Imlik-Sîn

Parmi les témoins du procès al-Rawi-Dalley 113, datant du règne de Sumu-la-El,


figurent Imlik-Sîn fils de Bur-Aya (l. 23-24) et Erišti-Aya (l. 30), sans autre indication
concernant ces personnes. S. Dalley et F. N. H. al-Rawi proposent qu’Erišti-Aya « may be
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the ugula šá naditum of BM 92539 », ce dernier texte ayant été publié par Walker 1978 :
235-23659. Or sur l’enveloppe de MHET II/1, 18 est apposé le sceau de e-ri-(iš-ti-da-a),
dumu-mí im-lik-den-zu, geme2 da-a ka-la-tim, ugula x lukur šá dutu, « Erišti-Aya, fille
d’Imlik-Sîn, servante d’Aya l’épouse (de Šamaš), chef [x] des naditum de Šamaš »60. Là
encore, Erišti-Aya, bien qu’ayant déroulé son sceau, n’est pas enregistrée dans la liste des
témoins, ni sur la tablette ni sur l’enveloppe, contrairement à Bur-Nunu qui, témoin sur la
tablette et l’enveloppe, a en outre déroulé son sceau.
Le fait qu’une femme soit chef des naditum est assez courant pour la période la plus
ancienne du cloître de Sippar61.

5.2.3. La famille d’Imlik-Sîn

On peut donc établir les relations familiales suivantes : Imlik-Sîn, probablement le


fils de Bur-Aya, est père de Bur-Nunu et d’Erišti-Aya, qui ont tous deux été chefs des

58. Harris 1975 : 313-314.


59. Renger 1967 : 157 n. 133 a déjà identifié cette dame comme chef des naditum.
60. Pour le sceau d’Erišti-Aya, cf. Blocher 1992 : 38, no 78 et Dekiere 1994 a : 199.
61. Harris 1975 : 189-191.
28 BRIGITTE LION [RA 95

naditum. Ils ont pu l’être en même temps, car Harris 1975 : 189 a noté que plusieurs
personnes pouvaient porter simultanément ce titre. L’enveloppe MHET II/1, 18 porte les
sceaux du frère et de la sœur, qui les désignent tous deux comme tels, mais avec des titres
légèrement différents.
Par la suite, d’après le tableau dressé par Harris 1975 : 190-191, Ilabrat-bani fils de
Bur-Nunu a été chef des naditum sous les règnes de Sabium et d’Apil-Sîn62. Un
Ilabrat-bani figure comme témoin dans CT 47, 1, rédigé sous le règne de Sabium,
Bur-Nunu apparaissant un peu plus haut dans la même liste ; il peut s’agir du père et de
son fils, déjà associés aux affaires du cloître. Nin-šubur-mansum fils d’Ilabrat-bani,
d’après MHET II/1, 107 : 23, est chef des naditum sous Sîn-muballit63. La fonction s’est
donc transmise à l’intérieur de la même famille sur au moins trois générations.

5 . 3. Les portiers du cloître

Harris 1976 : 193-196 donne une liste des portiers (ì-du8) du cloître de Sippar. Trois
hommes occupant cette fonction apparaissent comme témoins dans les textes écrits par
Inanna-ama-mu ; contrairement au sanga de Šamaš et au chef des naditum, ils n’occupent
pas une place hiérarchiquement définie dans la liste des témoins.
Le plus anciennement attesté est Ili-mušallim, témoin dans Waterman Bus. Doc. 14
(règne d’Immerum), Bus. Doc. 31 // CT 45, 1 (avènement de Buntahun-ila),
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al-Rawi-Dalley 118 tablette et enveloppe (règne de Buntahun-ila) ; Harris 1976 : 216
indique qu’il est toujours en poste sous Sumu-la-El. Son sceau est déroulé sur les
enveloppes CT 45, 1 et Waterman Bus. Doc. 30. Il porte la légende : dingir-mu-ša-lim,
ì-du8, ká ga-gu-um (sic), « Ilî-mušallim, portier de la porte du cloître ». Le sceau de
l’enveloppe al-Rawi-Dalley 118 est probablement le même64.
Amurrum-bani fils d’Ili-mušallim a dû succéder à son père dans sa fonction. Attesté
sous Sumu-la-El dans al-Rawi-Dalley 113, CT 2, 34, CT 8, 44a // CT 48, 3165, MHET II/1,
18 tablette et enveloppe, et sous Sabium dans CT 47, 1 et MHET II/1, 28, on le trouve
aussi dans quatre des locations de champs d’Innabatum, sans date, CT 33, 42 et 43,
MHET II/5, 743 et 784. Son sceau inscrit est déroulé sur l’enveloppe CT 48, 31 :

62. Aux références données par R. Harris, on peut désormais ajouter, entre autres, celles fournies par Dekiere 1994 a :
224.
63. Mais Harris 1963 : 133-134 et 141, mentionne aussi un Nin-šubur-mansum fils de Bur-Nunu et chef des naditum,
qui figure dans Ballerini 1908-1909 : 539-563. Il s’agit d’une enveloppe, dont le texte consigne l’achat d’un champ par une
naditum de Šamaš. D’après le serment, l’affaire est conclue sous le règne de Sîn-muballit. Nin-šubur-mansum, chef des
naditum, est témoin à la l. 23 ; son sceau précise qu’il est fils de Bur-Nunu. Il faudrait alors supposer deux homonymes
ayant occupé la même fonction à la même époque, l’un étant le neveu de l’autre.
64. Il faudrait corriger la lecture proposée par Al-Rawi et Dalley 2000 : 126, ì-du8, é lugal (gú?-du8?-a), « portier du
temple de Lugal-Gudua ».
65. Cette référence a été vue par Stol 1976 : 150.
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 29

d
mar-tu-ba-ni, dumu dingir-mu-ša-lim, ì-du8, ša é ga-gi-im, « Amurrum-bani fils
d’Ili-mušallim, portier du cloître ».
Idadum, d’après Harris 1975 : 216, est portier du cloître du règne de Sumu-la-El à
celui de Sîn-muballit. Dans le corpus des textes rédigés par Inanna-ama-mu, il n’apparaît
que deux fois, dans des textes du règne de Sumu-la-El, CT 2, 34 et MHET II/1, 18
tablette et enveloppe, où un autre portier, Amurrum-bani, est aussi témoin. L’enveloppe
MHET II/1, 18 indique son métier, ì-du8, « portier ». Elle porte aussi la trace d’un sceau
inscrit, dont les seuls signes lisibles sont ì-du866 ; elle doit correspondre soit à son sceau, soit
à celui d’Amurrum-bani témoin dans le même texte.
On rapprochera ces portiers du gagûm de ceux des appartements des femmes dans le
palais de Mari. Ils ont un même rôle, contrôler les accès d’un milieu féminin relativement
clos. La différence est qu’à Mari, il existe deux catégories de portiers, hommes et femmes, les
premiers surveillant la clôture de l’extérieur et les secondes de l’intérieur67. Pareille répar-
tition des tâches ne se retrouve pas à Sippar, où les portiers sont uniquement des hommes.

CONCLUSION

Harris 1963 : 138 notait, à propos des scribes de Sippar : « Very little is known about
these female scribes. » Depuis, en grande partie grâce aux études de R. Harris elle-même,
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on en sait davantage : de plus en plus de noms de femmes scribes sont connus, et le corpus
de textes qu’elles ont rédigé augmente petit à petit, non seulement du fait de la publi-
cation de documents nouveaux, mais aussi parce qu’on repère des tablettes qui dans un
premier temps ne leur avaient pas été attribuées.
Le cas d’Inanna-ama-mu est évidemment le plus intéressant à étudier car, comparée
à ses consœurs qui n’ont rédigé qu’un seul texte, voire deux ou trois dans le meilleur des
cas, elle a produit un corpus de tablettes considérable. De nombreux scribes hommes ont
laissé des traces beaucoup plus ténues.
Ses activités confirment qu’elle exerce sa profession dans le milieu du cloître et du
temple de Šamaš, mettant ses talents au service des naditum. Elle n’évolue pas pour
autant dans un milieu exclusivement féminin. Outre le personnel masculin du temple et
du cloître, elle rencontre probablement les hommes avec qui les naditum concluent les
contrats, qu’il s’agisse des laboureurs auxquels elles confient leurs champs, des acheteurs
ou vendeurs dans le cadre des transactions économiques, des plaignants et des juges dans
les procès. Elle s’appellerait même peut-être une fois « scribe des juges » et occupe souvent
cette fonction sans s’en donner le titre précis.

66. Blocher 1992 : 37, no 76 et Dekiere 1994 a : 199.


67. Ziegler 1999 : 32 et 110-116.
30 BRIGITTE LION [RA 95

Il n’y a pourtant pas que des femmes qui mettent par écrit les affaires impliquant les
naditum. On en donnera pour exemple MHET II/1, 30, une adoption d’une femme par
une autre, qui concerne vraisemblablement deux naditum ; or la tablette semble rédigée
par un homme, [Nanna-azi]da. Les procès jugés dans l’E-babbar, même s’ils impliquent
des naditum, peuvent eux aussi être consignés par des hommes : c’est le cas de
MHET II/1, 77, rédigé par Iddin-Sîn, sous le règne d’Apîl-Sîn donc légèrement postérieur
à la période d’activité d’Inanna-ama-mu. Cependant, de nombreux textes concernant les
naditum, qu’il s’agisse ou non de procès, ne portent pas de mention de scribe. Dans ce cas,
le doute reste permis : le (la) scribe peut figurer parmi les témoins, voire ne pas apparaître
du tout s’il ou elle a omis jusqu’à son nom. Dans ce dernier cas, il pourrait s’agir aussi bien
de femmes que d’hommes, du moins pour l’époque paléo-babylonienne ancienne.
On peut supposer qu’Inanna-ama-mu a appris son métier dans un cadre familial. En
revanche on ignore pour l’instant s’il en allait de même pour les autres femmes scribes de
Sippar. Si Inanna-ama-mu et d’autres scribes, comme sa contemporaine Šat-Aya, sont
présentes dans le gagûm pour la période la plus anciennement documentée de l’histoire de
Sippar, on pourrait imaginer aussi qu’elles ont eu un rôle dans la formation des femmes,
même si cela demeure pour l’instant une pure hypothèse. Scheil 190268 évoque une maison
de Sippar située « vis-à-vis et à proximité du temple », qui faisait fonction d’école, d’après
l’abondant matériel scolaire qui y a été exhumé ; elle témoigne de l’intensité de la vie
intellectuelle dans cette ville, ce qui n’est guère surprenant, au vu du nombre de tablettes
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retrouvé. Des femmes ont eu une part active dans ce processus, au moins au début de
l’époque paléo-babylonienne et, pendant des décennies après la disparition d’Inanna-
ama-mu, plusieurs de ses consœurs ont continué à exercer le métier de scribe.

BIBLIOGRAPHIE

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68. Chapitre III intitulé « L’école à Sippar », p. 30-54 ; citation p. 33. Cf. aussi Harris 1975 : 164.
2001] DAME INANNA-AMA-MU, SCRIBE À SIPPAR 31

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RÉSUMÉ

Les publications de tablettes de Sippar ces dix dernières années ont considérablement augmenté le
corpus des textes connus. De ce fait, le nombre de documents que l’on peut attribuer à des femmes scribes s’est
lui aussi accru. L’une d’entre elles, Inanna-ama-mu, a rédigé près d’une vingtaine de textes, sous les règnes
d’Immerum, Buntahun-ila, Sumu-la-el et Sabium. Si la personnalité de cette scribe reste difficile à cerner, ses
activités indiquent qu’elle travaille essentiellement pour les naditum du temple de Šamaš.
32 BRIGITTE LION [RA 95-2001]

ABSTRACT

The publications of the Sippar tablets during the past ten years have noticeably increased the corpus of
known texts. Consequently, the number of documents that may be attributed to female scribes has also
increased. One of them, Inanna-ama-mu, wrote nearly twenty texts, during the reigns of Immerum, Bunta-
hun-ila, Sumu-la-El and Sabium. The personality of this scribe is poorly known, but her activities show that
she works especially for the naditum of the Šamaš Temple.
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