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Djaouida Petot
L’évaluation clinique
en psychopathologie
de l’enfant
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2e
L’évaluation clinique
en psychopathologie
de l’enfant
P S Y C H O S U P
L’évaluation clinique
en psychopathologie
de l’enfant
Djaouida Petot
Deuxième édition
revue et augmentée
Illustration de couverture
Franco Novati
AVANT-PROPOS VII
BIBLIOGRAPHIE 487
J’ai tenté dans cet ouvrage de présenter l’ensemble des connaissances les
plus solides en matière de psychopathologie de l’enfant, les faits les mieux
établis et les théories qui me semblent les plus plausibles. Les connaissances
d’ordre empirique viennent le plus souvent de la recherche psychopatho-
logique anglo-saxonne, qui est particulièrement active dans le domaine de la
collecte et du traitement quantitatif des données cliniques et épidémio-
logiques. Les conceptions théoriques qui m’ont semblé les plus éclairantes
sont issues de la psychanalyse freudienne et kleinienne, parfois complétée
par certains apports des théories cognitives. J’ai organisé la présentation de
ces faits et de ces théories en fonction de quelques idées générales qui se
sont imposées à moi au fil des années.
La première est que les méthodes de ce que Daniel Lagache (1949) appe-
lait l’observation clinique « armée » apportent une amélioration considérable
à l’observation psychiatrique. L’observation clinique directe, sans utilisation
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
l’enfant ne reçoit pas une aide efficace, l’installation durable dans l’échec
scolaire perturbera les acquisitions, ce qui compromettra gravement l’adap-
tation ultérieure lors de l’adolescence et de l’âge adulte.
Même si cela semble paradoxal, le coût humain, individuel et social, des
troubles anxieux et dépressifs des enfants est sans doute plus élevé que celui
qui est lié aux pathologies les plus graves. Celles-ci mobilisent à juste titre
une bonne partie de l’activité des pédopsychiatres. Il me semble donc que la
psychologie clinique et la psychopathologie de l’enfant ont la mission priori-
taire d’approfondir la connaissance, et donc les possibilités de prise en
charge, des troubles psychologiques les plus fréquents dans la population.
X L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
les plus importants. Pour être utile, cette présentation doit être assez techni-
que et donc assez aride. La logique la plus simple aurait consisté à présenter
d’abord, dans une série de chapitres introductifs, les principales méthodes
d’entretien standardisé, de questionnaire et de tests. Mais cela aurait risqué
d’être fastidieux. J’ai donc choisi de répartir la présentation des instruments
spécialisés entre les différents chapitres. Beaucoup de ces instruments sont
présentés et illustrés dans le premier chapitre consacré à l’angoisse de sépa-
ration. D’autres sont introduits dans le chapitre consacré à la pathologie pour
l’évaluation de laquelle ils sont particulièrement irremplaçables : c’est ainsi
qu’on trouvera la présentation du Hand Test dans le chapitre sur les troubles
de la conduite ou celle du WISC-III, qui est l’instrument privilégié de
l’évaluation de l’intelligence, dans le chapitre sur les déficiences intellectuelles.
La plupart des chapitres suivent le même plan : description clinique des
troubles, puis présentation des questions nosographiques, épidémiologie,
troubles associés, théories étiologiques, évolution et méthodes d’évaluation.
Chaque chapitre se termine par la présentation du dossier complet d’un
enfant ayant fait l’objet d’un examen psychologique approfondi. La plupart
de ces cas sont tout à fait banals et ont été choisis parce qu’ils sont bien
représentatifs des formes les plus fréquentes des pathologies concernées.
Cependant, j’ai parfois choisi de présenter des cas qui correspondent peut-
être moins aux formes habituelles, mais qui posent des problèmes techni-
ques, cliniques et théoriques fondamentaux constituant la difficulté majeure
de l’évaluation de la pathologie concernée.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Chapitre 1
L’ANGOISSE
DE SÉPARATION
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
L’angoisse de séparation occupe une place singulière dans le groupe des trou-
bles anxieux. En effet, les autres troubles figurant dans ce groupe sont les
formes infantiles de névroses qu’on a d’abord décrites chez les adultes, et
qu’on observe surtout chez ces derniers. Tel est bien sûr le cas pour la névrose
phobique, pour la névrose obsessionnelle (ou trouble obsessionnel-compulsif)
et pour la névrose traumatique (ou « état de stress post-traumatique »).
L’hyperanxiété infantile qu’on avait naguère décrite comme un trouble spéci-
fiquement infantile apparaît aujourd’hui comme la forme infantile de la
névrose d’angoisse (ou anxiété généralisée). Quant à la phobie sociale, à
laquelle on rattache maintenant les formes les plus extrêmes de la timidité
infantile, il s’agit également d’une pathologie identifiée initialement chez des
patients adultes. L’angoisse de séparation est donc bien le seul trouble
anxieux dont la première description a été faite en observant des enfants, et
qu’on a longtemps cru propre à l’enfance, même si des travaux récents
montrent qu’il en existe des formes adultes longtemps méconnues.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les six troubles de la série anxieuse ont tous en commun, comme leur
nom l’indique, la présence massive dans leur tableau clinique de manifesta-
tions directes ou indirectes de peur ou d’angoisse. Ce qui caractérise
l’angoisse de séparation, c’est que l’enfant ne supporte pas les situations
banales et quotidiennes de séparation d’avec ses parents ou ses objets
d’amour. Il semble les considérer et les vivre comme s’il s’agissait de catas-
trophes irrémédiables, alors que les autres enfants les acceptent très bien à
partir de 3 à 4 ans. Il semble actuellement évident à la quasi-totalité des
cliniciens et des chercheurs que, chez les enfants qui souffrent d’angoisse de
séparation, l’objet unique – ou en tout cas principal – de l’angoisse est la
crainte d’être séparé de la personne la plus aimée, généralement la mère,
4 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
des parents et d’être dans un lieu nouveau, n’est pas une vraie phobie
scolaire. En effet, ni le personnel, ni la maîtresse, ni l’école ne sont vécus
comme des objets phobogènes.
Cette distinction entre angoisse de séparation et phobie scolaire pourrait
paraître académique. Il n’en est rien : dans l’angoisse de séparation, l’enfant
a peur de perdre les figures d’attachement, la peur n’a pas de lien spécifique
avec la situation scolaire. Toute situation qui implique une séparation suscite
une angoisse équivalente, ni plus ni moins intense que celle ressentie dans la
situation scolaire. Le chemin de l’école, les bâtiments de l’école, les ensei-
gnants et le personnel scolaire ne suscitent pas en eux-mêmes de terreur :
6 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
2 NOSOGRAPHIE
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
4 L’ANGOISSE DE SÉPARATION
ET LES TROUBLES ASSOCIÉS
OU COMORBIDES
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
sensibles aux besoins, mais elles ont une mauvaise perception ou une
mauvaise compréhension des signaux émis par les enfants et n’y répondent
que de façon aléatoire et relativement imprévisible. Ce comportement mater-
nel a pour conséquence la recherche par l’enfant de la proximité et du
contact physique, ainsi que des manifestations de détresse intenses lors des
séparations.
Plusieurs études montrent qu’il y a une relation entre les anomalies de
l’attachement pendant la petite enfance et les troubles anxieux ou dépressifs
de l’enfance, de l’adolescence ou de l’âge adulte. Mais comme ces anoma-
lies de l’attachement ont presque toujours produit d’abord une angoisse
pathologique de séparation au cours de l’enfance, on approfondira cette
question sous la rubrique de l’évolution du trouble angoisse de séparation
(cf. p. 16).
Il faut souligner que la théorie de l’attachement est devenue l’instrument
privilégié qui permet, dans de nombreuses situations cliniques, d’identifier
les facteurs qui favorisent la survenue de l’angoisse de séparation. Comme
Bowlby l’avait remarqué, les cliniciens notent souvent que les enfants qui
ont subi des séparations multiples sont particulièrement sensibles à la sépa-
ration. Quel que soit leur âge au moment de la rupture du couple parental, les
enfants dont les parents ont divorcé semblent également présenter un risque
élevé de développer une forme pathologique d’angoisse de séparation. Cette
crainte est d’autant plus élevée que le divorce a été conflictuel (Poussin,
2001, p. 91-97). La séparation d’avec l’un des parents a pour effet fréquent
de susciter la crainte imaginaire de nouvelles séparations.
fréquent dans certaines familles que dans d’autres : c’est ce que les épidé-
miologistes et les généticiens appellent le phénomène d’agrégation fami-
liale d’un trouble. Les auteurs anglo-saxons ont une tendance idéologique à
interpréter systématiquement les faits d’agrégation familiale qu’ils obser-
vent comme la conséquence et la preuve d’une transmission génétique et
héréditaire de ces troubles. Cette attitude idéologique est d’ailleurs à
l’origine des efforts considérables qu’ils ont déployés pour bien établir les
phénomènes d’agrégation familiale. Par exemple, dans l’étude australienne
de Vijaya Manicavasagar et de son équipe (2001), 63 % des enfants souf-
frant d’angoisse de séparation avaient un parent justifiant le diagnostic de
la forme adulte de l’angoisse de séparation. Cette concordance est onze fois
16 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
plus élevée que celle qu’on enregistrerait si le lien était purement fortuit,
c’est-à-dire s’il n’y avait aucune relation de cause à effet entre l’angoisse
de séparation des enfants et celle des parents. Elle est d’autant plus frap-
pante que les auteurs n’ont pas trouvé d’association entre l’angoisse de
séparation des enfants et d’autres troubles anxieux chez les parents. Réci-
proquement, aucun des enfants souffrant de troubles anxieux autres que
l’angoisse de séparation n’avait de parent avec un diagnostic d’angoisse de
séparation.
Il est donc clair qu’il y a une transmission familiale de l’angoisse de sépa-
ration : les enfants présentant le trouble angoisse de séparation ont tendance
à présenter encore ce trouble lorsqu’ils sont devenus adultes, et ils ont
tendance à le transmettre à leurs enfants. Mais il faut se garder d’en conclure,
comme le font systématiquement les auteurs anglo-saxons, qu’il s’agit d’une
transmission héréditaire reposant sur des mécanismes génétiques. Les
concepts psychologiques d’imitation et d’apprentissage social, ainsi que les
concepts psychanalytiques d’introjection et d’identification nous permettent
d’envisager des mécanismes de transmission psychologiques et non – ou non
seulement – biologiques.
6 ÉVOLUTION DE L’ANGOISSE
DE SÉPARATION
7 DIAGNOSTIC ET ÉVALUATION
PSYCHOLOGIQUE
Peu utilisés en France, sinon par quelques chercheurs, les entretiens clini-
ques structurés et semi-structurés sont l’outil de base des psychologues clini-
ciens anglo-saxons. Un entretien clinique structuré est un entretien parce
qu’il se passe sous forme orale : il y a échange de phrases entre le praticien et
le patient. Cet entretien est clinique précisément parce qu’il se déroule dans
un cadre clinique, entre un praticien, psychologue ou psychiatre, et un
patient ou, en psychiatrie de l’enfant, avec l’un des parents de l’enfant, un
frère ou une sœur, un proche, etc. Il est structuré parce que le psychologue
ne fait rien d’autre que poser des questions dont la liste est fixée à l’avance et
dont la formulation est invariable ou peu variable. Le praticien dispose le
plus souvent d’un cahier dans lequel les questions sont imprimées. Il lit ces
questions au patient et note la réponse. La plupart du temps, ces questions
sont fermées, c’est-à-dire qu’elles appellent une réponse par oui ou par non.
Par conséquent, les mêmes questions sont posées à tous les patients auxquels
l’entretien est administré, ce qui rend très exactement comparables les
réponses de ces patients. Ainsi, les entretiens cliniques structurés deviennent
de véritables instruments standardisés dont on peut calculer les qualités
psychométriques – validité, fidélité interjuges et fidélité test-retest, sensibi-
lité – comme on le fait pour les tests.
On appelle entretiens semi-structurés des formulaires d’interrogatoire qui,
en fait, ne diffèrent que légèrement des interrogatoires structurés. Les deux
différences principales consistent dans la présence de bifurcations dans
l’interrogatoire et dans la latitude laissée au clinicien de prendre l’initiative
de poser des questions complémentaires, dont le choix lui est souvent laissé.
Ainsi, beaucoup d’entretiens sont dits semi-structurés, parce que la manière
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
dont le patient répond à une question détermine le fait qu’on lui pose ou
qu’on ne lui pose pas une série de questions complémentaires facultatives
mais standardisées. L’autre aspect de la « semi-structuration » est le fait que,
dans certains formulaires, le clinicien est encouragé à poser des questions de
son cru pour apprécier la réalité et l’importance du phénomène clinique visé
par un item standardisé dont la formulation est trop stéréotypée pour pouvoir
s’appliquer à toutes les situations concrètes.
La plupart de ces instruments ont pour but de faciliter le diagnostic
psychiatrique, en standardisant l’enquête sur la présence ou l’absence des
symptômes retenus dans les principales classifications comme critères
20 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
paraît très optimiste. Ces questions sont formulées de deux manières diffé-
rentes, selon qu’on s’adresse à l’enfant ou à ses parents. La majorité des
items est cotée sur une échelle allant de 0 (absence du symptôme) à 8 points
(symptôme sévère), quelques items sont cotés de 0 à 2 ou à 3 points. En
additionnant les points attribués à chaque réponse, on calcule une note pour
chaque item. L’entretien est réalisé d’abord avec les parents puis avec
l’enfant ou l’adolescent seul. L’ISC s’applique aux enfants et aux adoles-
cents âgés de 8 à 13 ans.
La section consacrée à l’angoisse de séparation de la version destinée aux
enfants ne comporte pas moins de 25 questions. Une première série de ques-
tions explore les réactions qu’a présentées l’enfant lorsqu’il a quitté tempo-
rairement ses parents, par exemple pour aller passer quelques jours chez
d’autres membres de la famille ou en colonie de vacances. Une seconde série
porte sur les réactions de l’enfant en cas d’absence de l’un des parents. Une
troisième série de questions aborde les anticipations anxieuses caractéristi-
ques : l’enfant a-t-il peur de quelque chose lorsque ses parents sont absents ?
Craint-il que quelque chose de fâcheux n’arrive à sa mère ou à son père ?
L’interrogatoire continue en demandant la fréquence, la durée et l’intensité
de cette peur et se termine par des questions destinées à déterminer si l’enfant
arrive sans difficulté à dormir seul ou à faire certaines choses tout seul.
L’item « angoisse de séparation » est coté de 0 (néant) à 8 (perturbation
considérable du fonctionnement) en passant par les intermédiaires suivants :
a minima (note 1), léger (2 et 3), moyen (4 et 5), sévère (6, 7 et 8).
courante. Elle comporte deux parties. L’une évalue les compétences scolai-
res, sociales et les relations interpersonnelles. La seconde, comportant
118 items, évalue la présence ou l’absence de troubles affectifs et/ou de trou-
bles du comportement chez les enfants âgés de 4 à 16 ans. Le questionnaire
peut être rempli par les parents ou par toute personne connaissant bien
l’enfant. La version et l’adaptation française de cet instrument ont été mises
au point par Éric Fombonne et ses collègues (Fombonne et coll., 1988 ;
Fombonne, 1992 ; Fombonne, 1994).
La CBCL ne comporte pas de section spécialement destinée au diagnostic
ou à l’évaluation de l’angoisse de séparation. Mais elle présente l’intérêt de
permettre de recueillir, de façon commode et rapide, un grand nombre
d’informations sur le fonctionnement psychologique, sur les éventuels trou-
bles comorbides avec l’angoisse de séparation, ainsi que, grâce à l’échelle de
compétence, sur les ressources psychologiques de l’enfant. Elle permet en
particulier d’explorer la présence ou l’absence de tout un ensemble de mani-
festations anxieuses et dépressives qui sont les plus fréquemment associées à
l’angoisse de séparation. De ce fait, même si elle apporte peu au diagnostic
proprement dit de l’angoisse de séparation, elle contribue utilement à
l’évaluation d’ensemble de la pathologie de l’enfant chez lequel on diagnos-
tique ce trouble. Elle permet ainsi d’élargir la perspective diagnostique et de
faire un pas supplémentaire vers le point de vue plus général de l’évaluation
d’ensemble du fonctionnement psychologique de l’enfant.
On sait qu’il s’agit d’une série de 10 planches sur lesquelles sont reproduites
des taches d’encre. On demande au patient de dire à quoi ces taches pour-
raient ressembler. L’analyse tient compte de nombreux aspects de la réponse.
Les principaux concernent la localisation (l’endroit de la tache d’encre où
quelque chose a été « vu »), le contenu (le type d’être ou d’objet qui est
interprété) et ce qui a déterminé la réponse, c’est-à-dire ce qui fait le lien
entre la tache et le contenu (ressemblance formelle, couleur, dégradé de la
couleur, etc.). Le test de Rorschach permet d’orienter ou de préciser le
diagnostic de certains troubles psychopathologiques, mais ce n’est pas le cas
pour l’angoisse de séparation : on ne connaît pas de réponses typiques ou de
signes particuliers qui seraient spécifiquement associés à cette pathologie.
Mais le test de Rorschach permet d’évaluer la nature et l’intensité de
l’angoisse éprouvée par un sujet, même lorsque celui-ci la méconnaît ou la
nie. Il permet également d’avoir un aperçu de certains aspects du fonctionne-
ment psychique qui sont difficilement accessibles au moyen des échelles
d’auto-évaluation ou d’hétéro-évaluation, tels que la nature des mécanismes
de défense ou de « coping », la qualité effective des relations interperson-
nelles, révélatrice de ce qu’en psychanalyse on appelle la relation d’objet. Il
peut enfin nous mettre sur la piste de troubles associés ou comorbides,
lorsqu’on relève dans le protocole d’un enfant les signes typiques de ces
troubles.
Les protocoles de Rorschach des enfants souffrant d’angoisse de sépara-
tion présentent généralement des signes caractéristiques de l’angoisse en
général. Il s’agit tout d’abord de réponses dont les déterminants sont des
estompages de diffusion : on appelle ainsi les réponses dans lesquelles le
sujet voit des formes floues telles que des nuages, des paysages dans le
brouillard, des radiographies, et justifie sa réponse en invoquant le dégradé
du ton local effectivement présent sur les planches. On trouve également des
réponses que l’on cote « Clob » (Clair obscur) dans la méthode française
classique d’interprétation du Rorschach (Anzieu, 1961). Il s’agit de réponses
auxquelles s’associe un sentiment de malaise, de peur ou de tristesse, et qui
sont données à des taches qui sont à la fois massives et sombres (en particu-
lier les planches I, IV et V), par exemple, à la planche V : « un papillon de
nuit, il n’est pas beau, il a l’air abîmé » ; ou, à la planche IV : « un monstre
horrible qui fait peur ». On trouve également assez souvent des représenta-
tions d’objets endommagés ou détériorés, ainsi que des représentations
d’êtres ou de choses menaçants ou effrayants.
Le TAT est composé de 31 gravures dont le style général évoque les photo-
graphies de films du milieu du XXe siècle. On demande au sujet de raconter
L’ANGOISSE DE SÉPARATION 25
une histoire dont la planche pourrait être l’illustration. Dans la forme initiale
du test, créé aux États-Unis par Harry Murray et Christiane Morgan en 1935,
on propose au sujet 20 planches, choisies en fonction de son âge et de son
sexe. Dans la pratique, la plupart des psychologues, aussi bien anglo-saxons
que sud-américains ou européens présentent actuellement aux patients une
sélection de six à quinze planches. Il existe une variante destinée aux enfants
de moins de 8 ans, le CAT (Children Apperception Test, S. Bellak et
L. Bellak, 1949) dans lequel les personnages humains sont remplacés par des
animaux.
Les récits inventés par les adultes sont d’interprétation délicate et nécessi-
tent l’utilisation de procédures complexes. Mais les récits des enfants sont
souvent l’expression à peine déguisée ou transposée de leurs préoccupations
actuelles, de leurs espoirs, craintes, affects, relations, etc. Il suffit donc de
relever les thèmes des histoires pour recueillir une information pertinente qui
complète très souvent les informations que l’enfant n’a pas pensé à commu-
niquer au cours des entretiens, ou qu’il n’a pas osé donner directement. Très
souvent, les tests thématiques apportent des compléments utiles à l’anam-
nèse. D’une manière générale, ils nous donnent accès à des contenus
préconscients ou inconscients moins profondément refoulés que ceux
auxquels le test de Rorschach permet d’accéder.
Le TAT et le CAT sont assez peu utilisés par les chercheurs, parce qu’ils se
prêtent moins que le Rorschach à une analyse quantitative. On ne dispose
donc d’aucune information provenant d’études quantitatives sur les particu-
larités des récits TAT des enfants anxieux, et encore moins de ceux qui souf-
frent d’anxiété de séparation. Mais tout clinicien habitué à voir des enfants
présentant ce trouble ne peut manquer d’avoir relevé dans leurs récits la
fréquence élevée des thèmes de séparation, d’abandon, de solitude et de
catastrophe.
8 CAS CLINIQUE :
MARINA, 9 ANS ET 6 MOIS
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Marina est une fillette d’une grande beauté. Elle est en première année de
cours moyen (CM1 : quatrième année de la scolarité obligatoire en France),
ce qui signifie qu’elle n’est ni en retard, ni en avance dans sa scolarité. Elle
est conduite à la consultation psychiatrique par sa mère sur le conseil de son
médecin traitant.
Marina a du mal à s’endormir si sa mère n’est pas auprès d’elle. Elle fait
des cauchemars toutes les nuits depuis l’âge de 8 ans. L’un d’eux est le
suivant : « Quelqu’un rentre dans sa chambre et l’enlève. » Elle se réveille en
26 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Résultats au WISC-III
La moitié des enfants obtient 100, 95 % des enfants ont entre 70 et 130 :
Marina a donc une intelligence très supérieure à la moyenne, puisqu’elle fait
partie des 25 ‰ enfants qui réussissent le mieux à ce test. L’examen des résul-
tats partiels aux « subtests » permet d’analyser plus finement la répartition de
ses aptitudes. Aux subtests, la note moyenne est de 10 et l’écart type est 3, ce
qui signifie qu’environ 70 % des enfants ont une note comprise entre 7 et 13.
Toutes ces notes sauf deux sont comprises entre 12 et 16. À chaque subtest,
Marina est dans les 10 à 15 % supérieurs de sa classe d’âge. On note des
réussites exceptionnelles aux subtests qui font appel à la compréhension des
relations spatiales et une moindre performance, qui est d’ailleurs toute rela-
tive, au subtest de mémoire des chiffres qui évalue en bonne partie l’atten-
tion et la concentration.
On mentionnera que, pour mémoire, l’analyse en termes de facteurs
n’apporte rien de particulier dans le cas de Marina.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les échelles qui évaluent les aptitudes sociales et l’adaptation scolaire sont
tout à fait dans la norme. En revanche, la note à l’échelle d’activités est très
légèrement plus basse.
La note totale de perturbation est de plus de deux écarts types par rapport
à la moyenne et montre l’intensité des manifestations pathologiques de
Marina. Ces manifestations sont du type internalisation.
Comme on pouvait s’y attendre, l’échelle syndromique anxiété-dépression
est très élevée. L’anxiété et la dépression sont accompagnées de plaintes
somatiques de moindre intensité. À cela s’ajoutent des difficultés inter-
personnelles et un comportement agressif. On notera enfin la présence de
troubles de l’attention et d’hyperactivité.
Générale 64
Anxiété physiologique 17
Inquiétude/Hypersensibilité 12
Préoccupations sociales/Concentration 12
Échelle de mensonge 10
L’ANGOISSE DE SÉPARATION 29
Générale 68
Humeur dépressive 64
Problèmes interpersonnels 56
Inefficacité 70
Anhédonie 69
Estime de soi négative 55
Marina est à près de deux écarts types au-dessus de la moyenne (50, écart
type 10) : elle présente donc un état dépressif en plus de l’état anxieux qui
motive la consultation. Comme il arrive souvent dans les dépressions des
enfants (cf. p. 225), l’humeur dépressive est moins marquée que le sentiment
d’inefficacité et l’anhédonie.
Passation Enquête
Planche I
(TL [temps de latence]
= 20 s)
1) Une chauve-souris, 1) Où l’as-tu vue ? – L’ensemble. 2) Qu’est-ce qui fait
ça fait un peu peur. que ça ressemble à une chauve-souris ? – Les ailes,
les deux pattes collées, les yeux (Ddbl en haut),
c’est noir ça fait un peu peur.
☞
30 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
2) ΛVΛ Un masque 1) Partie inférieure entière. 2) Le nez, les yeux, ça a
de loup, un pelage un peu gris un peu noir (passe la main
à peu près. sur la planche et indique l’estompage).
3) Un déguisement 1) L’ensemble avec les Ddbl. 2) Les citrouilles
de Halloween. ont les yeux pareils et ça fait peur.
Planche II (TL = 5 s)
4) Ça ressemble 1) L’ensemble. 2) J’imaginais qu’elle ouvrait la bouche
à une dame et elle a de la couleur rouge comme le rouge à lèvres
qui a du rouge à lèvres. sur la partie des lèvres (rouge inférieur), le nez est là
(pointe médiane supérieure), les yeux ici
(rouge haut extérieur) et ses joues
(les deux parties noires latérales).
5) ΛV À un papillon. 1) D6 + D3 (les deux parties noires latérales
et le rouge inférieur). 2) Les antennes, la tête
et les grandes ailes et il y a des couleurs,
des taches rouges, ça a beaucoup
de taches rouges les papillons.
6) V Ça ressemble 1) L’ensemble. 2) Un fantôme en quelque sorte,
à une espèce il a des pieds (rouge en haut) décollés du corps,
de bête, il a une tête (rouge inférieur), et c’est blanc parce que
un monstre plutôt. c’est un fantôme, il y a que les ailes qui sont noires
(parties noires latérales). Il fait Hou ! Hou !
et il vole comme ça (gestes).
Planche IV (TL = 22 s)
9) ΛV Ça ressemble 1) L’ensemble. 2) Les grands pieds, la queue
à un monstre aussi, et la tête et les bras piquants, c’est noir ça fait peur,
ça n’a pas la forme ça n’a pas la tête d’un humain.
d’un homme, ça fait très
peur, il a des grands
bras, on dirait
☞
L’ANGOISSE DE SÉPARATION 31
☞
qu’il a des pouvoirs
magiques, ses pieds sont
en piques des deux côtés.
10) À deux têtes 1) D4 (saillies latérales supérieures).
d’oiseaux. 2) Le bec, la bouche et l’œil au milieu
(lacune intérieure).
Planche V (TL = 15 s)
Planche VI (TL = 5 s)
☞
18) Λ Un gros chien 1) D11 (gris en haut).
2) C’est une tête avec des yeux,
des grandes oreilles.
Planche IX (TL = 10 s)
19) Un monstre 1) L’ensemble. 2) Les trois têtes, les yeux,
avec trois têtes. le corps et les jambes. 3) Un monstre animal
ou humain ? – Animal.
Planche X (TL = 8 s)
20) Une dame raton 1) Gris en haut (touffe de poils) ; colonne médiane
laveur. (nez) ; rose latéral (gilet) ; bleu extérieur (mains) ;
bleu médian (maillot) ; brun orange en haut (collier).
2) C’est une dame raton laveur en tenue de maillot
de bain avec un petit gilet et un collier par-dessus
avec une touffe de poils autour de la tête.
3) En quoi ça ressemble à une touffe de poils ?
– Il y a des petits mouvements, des couleurs
qui sont mélangées.
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Localisa- Détermi- Facteurs
(mot Contenu
n° n° tion nants additionnels
principal)
II 4 Dame GDbl K. FC - Hd
5 Papillon Dd FC - A
8 Scarabée DDdbl FC - A
☞
VI 12 Fleur G F- Bot
17 Bonhomme D F- H INCOM 2
18 Chien D F- Ad
■ Psychogramme
R = 20
Temps total = 7 min 15 s
T/R = 22 s
YF = 1 Anat. = 0 K. C’F. YF
C’F = 3 Y=0 Art = 0
C’= 0 Ay = 2 Cotations
FV = 0 Bot. = 1 spéciales
FClob = 4 VF = 0 Expl. = 0 DV1 = 1 x1
ClobF = 0 V=0 Feu = 1 =1
Clob = 0 FD = 0 Géo. = 0 INCOM2 = 2
Paires = 5 Masque = 1 x4=8
Reflets = 0 Nature = 0 FABCOM1
Nuage = 0 =1x4=4
Obj. = 0
Pays. = 1
☞
34 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
Radio = 0 Somme
Sc. = 0 brute = 4
Sex. = 0 Somme
Sg. = 0 pondérée = 9
Vêt. = 1
G % = 50 F % = 40 A % = 50 Ban % = 25
D % = 25 F + % = 37 H % = 15
Dd % = 5 F + % élargi = 50
Dbl % = 0 Σ 2 H > Σ 1 Hd Phénomènes
DdDdbl TRI Σ 4 K/Σ 1,5 C Σ7A particuliers :
= 20 Form. cpl. Σ 1 k/Σ 5 (E + C’) > Σ 3 Ad
RC % = 25 Chocs à : I,
Type couleur : Σ 0 C + CF < Σ 3 IV, V
FC
EA de Beck = 5,5
es = 6 Indice
Indice d’isolement
d’égocentrisme = 25 % social = 10 %
■ Commentaire
Le rendement intellectuel est très sensible à la charge émotionnelle des situa-
tions. En effet, le niveau cognitif des réponses au test de Rorschach est très
nettement inférieur à ce qu’on attendait compte tenu du niveau intellectuel
de Marina au WISC-III. Cela indique que le fonctionnement intellectuel est
très perturbé dans les situations concrètes chargées de signification affective
et relationnelle.
On relève une nette tendance à l’envahissement par les émotions (F %
bas) chez une enfant qui est par ailleurs introversive, ce qui est rare avant
l’adolescence. Les éléments pathologiques présents chez Marina sont
l’anxiété (4 FClob) accompagnée d’affects dépressifs (3 C’F) et d’une
baisse de l’estime de soi (Indice Ego = 25 %). La présence de deux
estompages de texture (FT) témoigne d’un besoin de proximité physique
et affective. Le « type couleur », c’est-à-dire le rapport entre le nombre
des réponses dans lesquelles la couleur est subordonnée à la forme et le
nombre des réponses où la couleur prédomine sur la forme est « de
droite » : les couleurs sont toutes contrôlées par la forme (0 C
+ CF/3FC), ce qui est inhabituel chez les enfants et révèle une tendance
excessive au contrôle des émotions. Mais il faut noter que cette tentative
de contrôle des affects échoue, puisque les 3 FC sont de mauvaise qualité
formelle. Le pourcentage des réponses aux planches pastel (RC %) est
bas. Le nombre de réponses intégrant l’espace blanc (9 bl) témoigne
d’une tendance au négativisme et peut-être à la colère, probablement
L’ANGOISSE DE SÉPARATION 35
Protocole du TAT
Planche 1
C’est un petit garçon, il pense qu’il a son violon en face de lui, son père lui
interdit de jouer parce qu’il ne veut pas qu’il fasse du violon. Ce petit garçon
qui était très malheureux, il a pensé qu’il pourrait jouer du violon pendant que
son père n’est pas là, il aurait réussi à jouer. Son père devait aller au marché,
pendant ce temps le petit garçon pourra jouer du violon.
Planche 2
Ça se passe pas à notre époque, c’est sûr. Un monsieur et un cheval, non c’est
un monsieur qui doit aller cultiver ses champs, et il devait amener sa sœur et
sa femme. Mais il a été obligé de montrer les champs à sa sœur et à sa femme
pour voir si elles aimaient ses plantes. La sœur et la femme sont venues avec
lui, mais elles en avaient marre d’attendre. Elles repartirent sans même que le
jeune homme leur ait dit si ça leur plairait. Alors il repartit sur son cheval pour
les rechercher. Il leur expliqua ce que c’était. Il va récolter et les femmes trou-
vèrent que la récolte était bonne.
Planche 3BM
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
C’est l’histoire d’un petit garçon qui est très malheureux. Il pleure tout le
temps et on sait jamais pourquoi. Un jour, il s’enfuit de sa maison et sa mère
et son père s’inquiétèrent, ils attendèrent (sic), attendèrent son retour, puis
un jour ils décident d’aller à la recherche de leur fils. Ils savaient que l’en-
droit qu’il préférait s’appelait Mayaka. Mais ils ne savaient pas où se trou-
vait cet endroit ; puis ils marchèrent longtemps et au bord d’un ruisseau, ils
trouvèrent une jeune fille et cette jeune fille avait rencontré leur fils en che-
min. Elle a dit aux parents où se trouvait leur fils. Ils y allèrent et ils le re-
trouvèrent. Ils rentrèrent chez eux et en fait leur fils leur disa (sic) pourquoi
il pleurait tout le temps. En fait c’était d’aller à Mayaka, son bonheur c’était
d’aller à Mayaka, à Mayaka c’est tranquille et on entend pas les parents se
36 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Planche 4
C’était l’histoire d’un couple, mais le problème c’était que l’homme était ma-
rin. Il partait sans arrêt et laissait sa femme seule. Puis un jour, la femme en a
eu marre, elle le quitta. Puis un jour, le mari est revenu et il ne voulait pas que
sa femme le quitte. Et pour se faire pardonner il lui offra énormément de ca-
deaux qui coûtaient très cher et la femme était toute contente et elle est revenue
avec lui. Elle lui demanda une promesse : « il faut que tu partes moins en
mer ». Le jeune homme accepta.
Planche 6GF
Il était une fois, une femme, une fille très belle et très jeune qui vivait seule,
elle était très riche. Un homme, lui (indique le personnage au deuxième
plan), était très méchant. Il essaya d’enlever la jeune fille, il avait déjà tué les
parents de la jeune fille. Il l’enleva. Il avait un ami qui l’aidait à faire ce tra-
vail. L’ami s’est rendu compte que la jeune fille c’était sa sœur. Il arrêta de
travailler pour lui et lui ordonna de relâcher la jeune fille. L’homme très mé-
chant se fait arrêter par la police et la jeune fille trouva un gentil garçon et ils
se marièrent.
Planche 7GF
Il était une fois une petite fille qui n’allait pas à l’école, elle ne voulait pas
aller à l’école. Puis un jour ses parents la forcèrent à y aller. À l’école sa maî-
tresse heureusement était très gentille. Un jour elle a eu une interrogation. La
petite fille n’a pas pu travailler son interrogation. La maîtresse lui demanda
de venir à son bureau, c’était pour l’aider. La petite fille lui a dit qu’elle ne
voulait pas venir à l’école parce qu’elle avait peur. Psychologue : Pourquoi
et de quoi avait peur la petite fille ? – Elle sait pas trop.
Planche 10
Je vois pas très bien ce que c’est (long silence). C’est l’histoire d’un homme
qui ne quittait jamais son père. Une fois il devait partir pour l’armée, il était
obligé, mais il ne pouvait pas quitter son père. Alors le jeune homme prit une
décision. Il accepta d’aller à l’armée mais seulement la moitié de l’année.
Après avoir fait les adieux à son père, il partit pour un demi-an.
Planche 11
C’était un soir de brume. Dans ce pays, il y avait la mine extraordinaire. Per-
sonne ne s’y est jamais aventuré. Il parait qu’il y avait des dragons et des cor-
beaux pleins de pouvoirs. Un jour un garçon essaya de démolir complètement
la mine extraordinaire. Mais il trouva un vrai dragon et dut se battre contre lui.
Ce garçon était très malin, futé, rusé, aussi par la ruse, il le gagna et se promit
de ne plus aller dans des endroits ensorcelés.
L’ANGOISSE DE SÉPARATION 37
Planche13B
C’était une fois dans un vieux désert abandonné, une cabane de bois était
construite, il n’y avait qu’une cabane. Puis un jour un petit garçon voulut aller
explorer la cabane de bois. Il savait que c’était absolument interdit. On racon-
tait que la cabane de bois était ensorcelée. Puis le petit garçon s’assit à côté de
la cabane de bois. Il réfléchit, il décida de rentrer dans la cabane de bois. En
fait il n’y avait rien. Le petit garçon ressortit. Il se disait qu’il ne fallait jamais
croire les trucs imaginaires et il n’y crut plus jamais.
Planche13MF
Il était une fois un homme qui est très amoureux de deux femmes. Il devait
choisir, mais il ne choisit pas. Il partit au Mexique, là il rencontra une autre
femme jeune et jolie. Ils décident de se marier.
4. Aspects formels
Les scénarios des histoires sont généralement bien construits. Mais le récit
est incohérent à la planche 2, et il y a fabulation loin de la scène représentée
à la planche 13MF. Anomalie de verbalisation : « ils attendèrent » à la
planche 3.
■ Conclusion
Le protocole de Marina témoigne de la présence massive d’anxiété en rela-
tion avec les conflits interpersonnels et la crainte de la séparation.
LA NÉVROSE
D’ANGOISSE,
L’ANXIÉTÉ
GÉNÉRALISÉE
ET LA QUESTION
DU TROUBLE PANIQUE
ET DE L’AGORAPHOBIE
CHEZ L’ENFANT
Freud a isolé en 1895 (p. 39), dans le vaste ensemble de symptômes anxio-
dépressifs et psychosomatiques qu’on appelait à l’époque neurasthénie, un
ensemble de symptômes qu’il a nommé Angstneurose (névrose de la peur ou
névrose de l’angoisse). Bien que Freud lui-même ait publié en français un arti-
cle dans lequel il nomme ce trouble névrose anxieuse (Freud, 1895, p. 15), le
terme névrose d’angoisse a prévalu, sans doute parce qu’il a été diffusé par le
psychiatre français Hartenberg (1902), auteur d’un ouvrage sur cette pathologie.
Cette névrose se caractérise donc par la présence massive de l’anxiété
sous trois formes principales. On note d’abord un état d’excitabilité générale
du sujet qui réagit avec intensité à tout ce qui peut susciter la surprise ou la
peur. On observe également une attente anxieuse permanente, c’est-à-dire
une sorte de prédisposition systématique à la peur qui pousse le sujet à se
faire un souci exagéré au moindre prétexte. Enfin, on peut observer, surtout
chez l’adulte, des accès d’angoisse paroxystique brefs et brutaux. Par
ailleurs, Freud a rattaché, dans ses premiers écrits, les phobies de situation et
surtout l’agoraphobie à la névrose d’angoisse.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
2 NOSOGRAPHIE
par Leo Spitzer et les autres rédacteurs du DSM-III (APA, 1980) qui ont
imposé une classification qui ne reconnaît plus aucune relation entre
l’anxiété généralisée et le trouble panique. La volonté de séparer les deux
aspects de la névrose d’angoisse est telle qu’elle se manifeste dans le plan
même de la section « troubles anxieux » du DSM-III et de l’actuel DSM-IV
qui les éloigne spatialement : le trouble panique est le premier de la liste,
l’anxiété généralisée est le dernier. La CIM-10, publiée en 1992, s’est ralliée
à ce point de vue à ceci près qu’elle fournit une liste de vingt-deux manifes-
tations d’angoisse communes à l’anxiété généralisée et au trouble panique.
Les différentes éditions du DSM distinguent depuis 1980 deux formes du
trouble panique, selon qu’il est ou non accompagné d’agoraphobie, ce qui
48 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
tôt dans la vie, mais que ses symptômes appellent, en raison des critères retenus
par les classifications, des diagnostics différents, surtout celui d’angoisse de
séparation. Cette hypothèse pourrait trouver un argument dans l’étude
rétrospective australienne qui montre que les adultes « paniqueurs » et
agoraphobes ont souvent des antécédents d’angoisse de séparation infantile
(Silove et coll., 1993), à tel point que les chercheurs australiens Derrick
Silove et Vijaya Manicavasagar (1995) ont avancé l’idée que l’angoisse de
séparation est dans certains cas la manifestation précoce d’un trouble qui
s’exprimera ultérieurement sous forme de trouble panique avec agorapho-
bie.
4 ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE
ET TROUBLES ASSOCIÉS
Le taux de comorbidité est élevé parmi les enfants et les adolescents souf-
frant d’anxiété généralisée : il semble que la quasi-totalité des enfants
présentant ce syndrome souffre, en outre, soit d’un autre trouble anxieux,
soit d’une dépression. Dans l’étude américaine de Cynthia Last et de ses
collègues (1992), 96 % des enfants hyperanxieux avaient présenté au cours
de leur vie au moins un autre trouble anxieux, qui était la phobie sociale
dans plus de la moitié des cas. L’étude italienne de Gabriele Masi et de ses
collègues (1999) va dans le même sens. Sur une population clinique de
58 patients (19 enfants et 39 adolescents) âgés de 7 à 18 ans, seulement
13 % des enfants souffraient uniquement d’anxiété généralisée. 53 % des
patients (63 % des enfants et 48 % des adolescents) avaient, en plus de
l’anxiété généralisée, un autre trouble anxieux comme l’angoisse de sépara-
tion, la phobie spécifique et le trouble obsessionnel compulsif. Ces auteurs
n’ont pas trouvé de différences entre les enfants et les adolescents en ce qui
concerne la nature des troubles comorbides, excepté pour l’angoisse de
séparation qui était plus fréquente chez les enfants (42 % contre 10 % chez
les adolescents).
Les études épidémiologiques sur des populations normales confirment
cette comorbidité élevée : Javad Kashani et Helen Overschel (1990)
étudiant près de 5 000 enfants et adolescents du Missouri ont trouvé que sur
26 sujets justifiant le diagnostic d’anxiété généralisée, 13 présentent un
autre trouble anxieux comorbide, qui est le plus souvent l’angoisse de sépa-
ration. L’anxiété généralisée est également associée à des troubles dépres-
sifs. Dans l’étude italienne (Masi et coll., 1999), plus de la moitié des
enfants et des adolescents présentaient des troubles dépressifs associés à
l’anxiété généralisée.
LA NÉVROSE D’ANGOISSE, L’ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE… 51
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
Cohen et ses collègues (1993) ont suivi des enfants et adolescents âgés de
8 à 18 ans : 47 % d’entre eux continuaient d’avoir ce diagnostic deux ans et
demi plus tard. Les auteurs n’ont pas trouvé de différences ni d’âge ni de
sexe en ce qui concerne la persistance de ce trouble.
Dans l’étude clinique de Last et ses collègues (1996), sur les 20 enfants
présentant une anxiété généralisée et suivis sur une période de trois à quatre
ans, 80 % ne réalisaient plus les critères de ce trouble à la fin de la période
d’observation. Mais 35 % présentaient un autre trouble psychiatrique, le
plus souvent un autre trouble anxieux ou une dépression. Keller et ses collè-
gues (1992) ont mis en évidence que, chez les enfants dont les parents
présentaient des troubles thymiques, la durée moyenne du trouble de
l’anxiété généralisée était de quatre ans et demi : 46 % des enfants conti-
nuaient de présenter le tableau clinique de l’anxiété généralisée huit ans
après le début du trouble.
L’anxiété généralisée infantile peut évoluer ultérieurement vers l’alcoo-
lisme. Julie Kaplow et ses collègues (2001) ont examiné le lien entre
l’anxiété généralisée, l’angoisse de séparation et le début de la consomma-
tion de boisson alcoolisée. L’étude a porté sur 936 enfants (dont 45 % de
filles), évalués à 9, 11 et 13 ans. Le risque de consommation d’alcool à
13 ans est augmenté chez les enfants qui présentent une anxiété généralisée à
9 ou 11 ans. Pour l’angoisse de séparation, le risque est au contraire diminué.
Ce phénomène concerne les filles comme les garçons. En outre, le risque de
consommation d’alcool est particulièrement fort en cas de comorbidité de
l’anxiété généralisée avec la dépression.
7 DIAGNOSTIC ET ÉVALUATION
PSYCHOLOGIQUE
8 CAS CLINIQUE :
CYRILLE, 8 ANS ET 6 MOIS
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Cyrille est en cours élémentaire seconde année (CE2). Son père est techni-
cien dans une entreprise, la mère est employée de bureau. Cyrille a une sœur
âgée de 6 ans. Ses parents consultent, parce qu’il travaille de plus en plus
mal à l’école et qu’il est constamment inquiet.
Le développement psychologique de Cyrille s’est effectué normalement
en dépit d’un bégaiement apparu vers l’âge de 4 ans, alors qu’il était en
deuxième année d’école maternelle. Il a été suivi par une orthophoniste
pendant deux ans.
60 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Résultats au WISC-III
Les notes aux subtests sont très groupées entre 8 et 11, à l’exception de
l’arrangement d’images et du complètement d’images, qui sont deux
subtests non verbaux à support visuel nécessitant une bonne compréhension
des rapports spatiaux pour l’un et temporels pour l’autre. L’organisation
perceptive est nettement supérieure à la compréhension verbale et la vitesse
de traitement est dans la moyenne : l’intelligence de Cyrille est sans doute
plutôt pratique.
On rappelle que les notes brutes sont ramenées à une note « standard » dont
la moyenne est 50 et l’écart type 10, et que 68 % des enfants ont théorique-
ment des notes comprises entre 40 et 60.
Générale 65
Humeur dépressive 66
Problèmes interpersonnels 56
Inefficacité 70
Anhédonie 48
Estime de soi négative 62
Générale 67
Anxiété physiologique 14
Inquiétude/Hypersensibilité 13
Préoccupations sociales/Concentration 15
L’échelle d’anxiété manifeste indique que le niveau global d’anxiété est très
supérieur à la moyenne des enfants de son âge, mais est plus bas que ce
qu’on attendrait compte tenu du tableau clinique. Peut-être s’agit-il d’une
certaine tendance à la minimisation des troubles.
Planche II
(TL = 5 secondes)
3) Une chauve-souris 1) L’ensemble avec la grande lacune centrale.
qui s’est faite (sic) toucher, 2) Les ailes, la tête, le sang tout rouge qui coule.
elle a un trou, il y a du
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
☞
des pattes et des gouttes et une grande tête, il s’est fait toucher là,
de sang. il y a des gouttes de sang.
6) Il y a un nœud 1) D3 (rouge médian).
papillon. 2) C’est un nœud papillon tout rouge.
Planche IV (TL = 5 s)
9) C’est un bonhomme 1) L’ensemble.
qui est très haut. 2) Avec les bras en petit,
et les pieds en plus gros, comme s’il était très haut.
10) V On dirait un arbre 1) L’ensemble.
avec des pieds, 2) Il y a les pieds, les mains.
des mains.
Planche V
(TL = 2 s)
Planche VI
(TL = 11 secondes)
Planche VII
(TL = 7 s)
14) C’est encore 1) L’ensemble.
un monstre ! 2) C’est méchant, ça mange les hommes
et les enfants, c’est un monstre animal.
☞
17) C’est des nuages. 1) L’ensemble.
2) Avec les couleurs un peu mélangées,
du gris un peu clair et du gris un peu foncé
comme les nuages.
Planche IX (TL = 12 s)
20) C’est un monstre, 1) L’ensemble.
c’est méchant. 2) Il ressemble et il y a du sang rose sur lui,
c’est un monstre humain.
21) Deux messieurs, 1) L’ensemble (messieurs :
ils ont des grands doigts, détails bruns et verts latéraux ; sang : rose en bas).
ils se battent 2) Ils ont des grandes griffes et ils se battent alors
et il y a du sang. il y a du sang rose qui coule.
Planche X (TL = 5 s)
22) C’est un monstre 1) Dd 21 (rose latéral avec le gris en haut).
avec du sang. Il ressemble à un monstre et il a du sang rose sur lui.
3) Un monstre animal ou humain ? Animal.
23) Du soleil là. 1) D2 (jaune médian en bas). 2) C’est jaune.
24) Et de l’eau. 1) D1 (bleu latéral). 2) C’est bleu.
Rappel
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
☞
6 Nœud D FC + Vêt
papillon
7 Cœur D FC - Anat.
IV 9 Bonhomme G FD + H Ban
12 Chauve-souris G C’F + A
15 Puzzle G F+ Obj.
16 Papillon D F+ A
17 Nuages G Y Nuages
IX 20 Monstre G CF + (H), Sg
24 Eau D C Nature
■ Psychogramme
R = 24
Temps total = 8 min
T/R = 20 s
☞
D=7 CF = 7 TF = 0 (H) = 2
Dd = 1 C=1 T=0 (Hd) = 0 Codétermina-
Dbl = 0 tions :
Ddbl = 0 FY = 0 Abstr. = 0 CF. m
FC’= 0 YF = 2 Alim. = 0 CF. m
C’F = 1 Y=0 Anat. = 2 CF. YF
C’= 0 Art = 0 Kob. YF
FV = 0 Bot. = 1 K. CF. m
FClob = 3 VF = 0 Expl. = 0
ClobF = 0 V=0 Feu = 1 Cotations spé-
Clob = 0 FD = 1 Géo. = 0 ciales :
Nature = 2 DV1 = 1
Paires = 2 Nuage = 1 INCOM2 = 2
Reflets = 0 Obj. = 1
Pays. = 1
Radio = 1
Sc. = 1
Sex. = 0
Sg. = 5
Vêt. = 1
G % = 66 F % = 16 A % = 29 Ban % = 16
D % = 29 F + % = 75 H%=8
Dd % = 4 F + % élargi = 58 Phénomènes
Dbl % = 0 Σ2H>Σ0 particuliers :
Hd
TRI Σ 1 K/Σ 10 C Persévéra-
tions :
Form. cpl. Σ 5 k/Σ 3 (E + C’) Σ7A>Σ0 monstres = 5
RC % = 29 Ad Chauves-
souris = 3
E. A de Beck = 11 Indice
es = 8 d’isolement
Indice d’égocentrisme = 8 % social = 33 %
■ Commentaire
Ce protocole est extratensif, ce qui est la règle chez les enfants, mais il l’est à
un degré inhabituel. Le type extratensif est presque pur, le type couleur est
« de gauche » et très déséquilibré. Le faible nombre de réponses purement
formelles, ainsi que la médiocrité du F + % élargi montrent la faiblesse du
68 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Protocole du TAT
Planche 1
C’est un petit garçon qui regarde la guitare. Elle est cassée là, il pense à re-
coller le bout de la guitare qui est cassée. Ça va pas finir bien parce qu’il va
recoller le bout et elle va être encore cassée.
LA NÉVROSE D’ANGOISSE, L’ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE… 69
Planche 2
Il y a une femme qui a un livre, elle regarde quelque chose, un homme qui fait
le cheval et une femme qui a un bébé. Il y a des maisons, de la terre, des arbres,
des montagnes et des cailloux. Il se passe que ça va se terminer mal. PSYCHO-
LOGUE : Pourquoi ça va se terminer mal ? – Je sais pas.
Planche 3BM
C’est un homme, il pleure. Il est peut-être malade. Il y a une paire de ciseaux
en bas, puis un banc, puis de la moquette. Il pense qu’il ne soit plus malade.
Ça va pas bien finir, il est malade.
Planche 4
C’est un homme, il s’est marié puis la femme aussi. Ils sont dans une maison.
Il y a une petite fille dans un tableau, puis il y a des fenêtres. Ils pensent à avoir
des enfants. Ça va bien se terminer et ça va tout recommencer qui vont être
amoureux et avoir des enfants.
Planche 6BM
C’est une mamy qui regarde par la fenêtre et un monsieur qui regarde la mo-
quette, il tient son chapeau ici. Ils sont dans une maison, il y a des rideaux et
des fenêtres. Ils pensent. La mamy, elle pense peut-être à son mari qui est chez
un copain. Le monsieur, il pense à son père, qu’il soit bien, qu’il ne boive pas
de trop. Il pense à son père, il pense qu’il ne reviendra plus, qu’il les quitte.
Son fils, il a peur qu’il le quitte. Ça va pas bien se terminer.
Planche 7BM
C’est le papy avec son fils qui est en vacances. Puis le papy, il est malade et il
entend plus rien. Ça va pas bien finir, et puis il va être encore malade.
Planche 8BM
Il y a un homme, on lui fait une piqûre. Le petit garçon, il regarde quelque cho-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche 13MF
C’est un homme, c’est un homme, il pleure parce que sa femme est morte dans
le lit. Il y a une table avec deux livres, une lampe, une chaise. Il y a un tableau,
un tapis moquette et puis le monsieur, il a un pantalon et une cravate, une cein-
ture. Le monsieur, il pense qu’elle reviendra en vie sa femme. Ça va se termi-
ner mal parce qu’elle sera au ciel. Parce qu’elle était malade, une grippe.
70 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Planche 13B
C’est un garçon, il est pieds nus. Il n’habite pas ici, il est perdu, il se protège
du vent avec la cabane en bois. Il y a du sable. Ça va pas se terminer bien. Le
garçon, il pense, qu’il verra plus son père et sa mère et sa sœur Marina.
Planche 19
Une maison avec des fenêtres, il y a de la neige dessus et une cheminée. Là,
ils devraient manger à huit heures, ils dorment déjà et le garçon, il pense à
l’école et il pense que Marina va plus être malade.
Planche 16
J’aimerais avoir beaucoup de sous pour m’acheter ce que je veux avec mes
sous, dans une tirelire ils seront. J’aimerais bien que mes parents, ils seront
riches, que ma sœur ne soit plus malade, que Papa ne boit plus, que Marina
elle boit plus beaucoup de Champomy, que Maman elle est pas trop malade.
parents ils seront riches… »), elles expriment surtout le souhait que quelque
chose de malheureux ne se produise pas (« que Marina va plus être malade…
que ma sœur ne soit plus malade… que papa ne boit plus… que maman elle
est pas trop malade »). L’attente anxieuse de catastrophes paraît envahir
toute l’activité psychique de Cyrille.
4. Aspects formels
Les histoires sont assez courtes et peu dynamiques, mais Cyrille est peut-être
un peu jeune pour passer le TAT. Il se contente souvent de décrire les gravu-
res, avec parfois des perceptions inexactes (le violon devient une guitare ; le
revolver devient une paire de ciseaux). La syntaxe de certaines phrases est un
peu bizarre : « un homme qui fait le cheval… », « j’aimerais avoir beaucoup
de sous pour m’acheter ce que je veux avec mes sous, dans une tirelire ils
seront… ».
■ Conclusion
Cyrille ne peut à aucun moment – sauf peut-être à la planche 2 – développer
une rêverie mettant en scène des désirs personnels. Il n’évoque que des
scénarios catastrophes, et il le fait de façon abrupte, en abrégeant les récits,
qui comportent peu de péripéties, et en allant directement au dénouement
malheureux. Les anticipations anxieuses parasitent l’ensemble de la vie
imaginaire.
ses craintes pour recevoir des preuves d’amour. Seule une psychothérapie
permettra d’en savoir plus et pourra éventuellement dénouer un style d’inter-
action familiale renforçateur de bénéfices secondaires.
Chapitre 3
PHOBIE SPÉCIFIQUE
OU NÉVROSE
PHOBIQUE
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
On appelle phobie une crainte (en grec : phobos) qui est à la fois excessive,
irrationnelle, incontrôlable et répétitive. L’objet de cette crainte peut être un
être vivant ou inanimé, une situation ou une activité. La crainte est exces-
sive : cela signifie que, même si l’objet ou la situation provoque la peur chez
la plupart des enfants, la peur présente en cas de phobie une intensité excep-
tionnelle et s’accompagne de manifestations physiologiques gênantes
comme des palpitations, des sensations d’étouffement, d’étranglement ou de
transpiration qui sont des expressions somatiques de l’angoisse. L’angoisse
peut être augmentée par la peur de s’évanouir, de mourir, de perdre le
contrôle de soi ou de devenir fou. La crainte est irrationnelle : on veut dire
par là qu’elle n’est pas justifiée par la réalité d’un danger, dont l’enfant aurait
connaissance par expérience personnelle ou pour en avoir été averti par des
tiers, parents, éducateurs ou autres enfants. La crainte est incontrôlable :
l’enfant ne peut maîtriser sa peur, qui soit dégénère en crise d’angoisse, soit
donne lieu à une fuite immédiate de l’objet effrayant, quelle que soit la
volonté de l’enfant d’y faire face. Parfois, un certain contrôle est possible,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
observées sont celles de l’école (24 %), de l’obscurité (19 %), des chiens
(16 %). Viennent ensuite les phobies d’autres animaux, celles des hauteurs et
des insectes (8 % chacune), des ascenseurs (5 %), puis les phobies des
endroits clos, de la nage, des aiguilles piquantes, des toilettes ou des égouts
et des animaux empaillés (3 % chacune).
Face à ces objets, situations ou activités phobogènes, la réaction phobique
primaire est le développement d’angoisse, qui peut aller d’un malaise à peu
près contrôlable à la crise d’angoisse paroxystique, et qui suscite générale-
ment une réaction motrice de fuite. La peur s’atténue et disparaît lorsque
l’enfant n’est plus en présence de l’objet phobogène qu’il tend ensuite, lors-
que c’est possible, à éviter systématiquement. Cet évitement nécessite une
exploration vigilante de l’environnement, permettant de détecter et si possi-
ble de prévoir longtemps à l’avance toute rencontre avec l’objet phobogène,
de façon à pouvoir l’éviter systématiquement. Grâce à cette attitude de vigi-
lance permanente, beaucoup d’enfants phobiques arrivent à n’éprouver que
rarement la peur phobique proprement dite, parce qu’ils s’arrangent pour
éviter l’objet phobogène. La phobie n’en est pas moins génératrice de souf-
france et de dysfonctionnement, car elle entraîne un état de vigilance
anxieuse quasi permanent et/ou parce que l’évitement de l’objet ou de la
situation phobogènes entraîne une restriction plus ou moins importantes des
activités. Ainsi une phobie intense des lézards n’est pas très gênante pour un
enfant qui vit dans une ville du nord de la France, elle l’est beaucoup plus
pour celui qui vit à la campagne dans le Midi.
névrose infantile, selon laquelle tous les enfants passent par un épisode
névrotique dont la résolution est une étape structurante du développement
normal. Or, dans sa forme la plus fréquente et la plus bénigne, cette névrose
est essentiellement de nature phobique (Freud, 1909, p. 175-176) et, comme
l’écrit Françoise Couchard « […] si la phobie reste dans des limites de “bon
aloi”, c’est-à-dire qu’elle n’est pas déstructurante, qu’elle ne dure pas trop
longtemps, elle peut être entendue comme un rite initiatique, préparation de
l’enfant à tous les renoncements futurs et tout d’abord à celui de ses désirs
œdipiens » (2001, p. 72). Les phobies d’animaux y sont particulièrement
fréquentes : phobies de grands animaux de 2 à 6 ans, dans la période active
de la névrose, qui coïncide avec l’épisode œdipien, et phobie des petits
78 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
avoir derrière une porte, sous le lit, au-dessus ou dans le placard, l’enfant
redoutant que ces espaces ne soient peuplés d’êtres maléfiques ;
– la peur des animaux : de la troisième à la cinquième année, il y a une
augmentation progressive des peurs d’animaux. On sait depuis Freud que
ces phobies concernent d’abord de grands animaux comme le loup, le
chien, le chat, le cheval, la vache. La plupart ont comme particularité de
dévorer leurs proies ou de mordre. Plus tard, à partir de 6 ans, les phobies
portent sur les petits animaux, souris, rats, serpent, araignées. On ne sait pas
si ce phénomène est variable selon les cultures (Couchard, 2001, p. 74) ;
– les autres peurs : c’est également à partir de 6 à 7 ans qu’apparaît le plus
souvent la peur des blessures, du sang, des injections, des hôpitaux.
Ce n’est donc pas par leur contenu que les phobies pathologiques se
distinguent des peurs ou phobies normales de l’enfance, mais par leur inten-
sité, leur fréquence, leur durée au-delà de la période normale ou leur carac-
tère déstructurant, qui sont la marque d’une angoisse pathologique.
2 NOSOGRAPHIE
tée en présence de l’objet phobogène peut s’exprimer par des pleurs, des
accès de colère, des réactions d’immobilisation ou d’agrippement. Par
ailleurs, le critère de conscience du caractère irrationnel ou excessif de la
crainte n’est pas indispensable pour porter le diagnostic chez les enfants.
Enfin, le DSM-IV précise – ce que la CIM-10 fait également, mais seule-
ment pour les formes adultes – que les phobies spécifiques peuvent être
subdivisées, selon la nature de ce qui est redouté, en cinq catégories : phobies
d’animaux (chiens, insectes, etc.), de phénomènes naturels (orage, tonnerre,
eau), de certaines situations (ascenseurs, tunnels, avions), phobies de type
peur du sang (des injections, des blessures ou des accidents), ou phobies non
80 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
4 PHOBIES SPÉCIFIQUES
ET TROUBLES ASSOCIÉS
Brady et Kendall (1992) ont montré, dans un article de synthèse, que les
troubles anxieux sont ceux qui présentent le plus grand nombre de troubles
PHOBIE SPÉCIFIQUE OU NÉVROSE PHOBIQUE 81
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
Watson et Rayner (1920) ont réalisé une expérience où ils sont arrivés à
conditionner un enfant à avoir une réaction de peur en présence d’un rat
blanc inoffensif et qu’il ne redoutait pas au début de l’expérience. La présen-
tation du rat était suivie d’un bruit violent – qui est selon Watson le stimulus
naturel de la peur. Après un nombre suffisant de répétitions de la séquence
« rat, puis bruit », l’enfant manifestait de la peur dès l’apparition du rat. Par
la suite, le même enfant a développé spontanément une peur de divers objets
de couleur blanche (coton, lapin, masque), ce qui constitue une « généralisa-
tion de la réponse conditionnée ». Plus près de nous, le créateur des thérapies
comportementales modernes, Joseph Wolpe (1954), a fait de nombreux
travaux semblables sur des animaux.
La découverte du conditionnement opérant par Hilgard et Marquis et par
Skinner a élargi la théorie béhavioriste de l’origine des phobies : la peur d’un
objet ou d’une situation peut s’installer lorsque la rencontre de cet objet a
provoqué des expériences « aversives » douloureuses ou désagréables. Alors
que dans le conditionnement pavlovien, de nombreuses présentations simul-
tanées du stimulus naturel et du stimulus conditionnel sont nécessaires pour
que la réponse passe du stimulus naturel au stimulus substitutif, dans le
conditionnement opérant, le comportement est modifié par ses conséquen-
ces. Une seule expérience franchement douloureuse ou déplaisante suffit à
créer une certaine crainte de l’objet ou de la situation et à mettre en place une
tendance à l’évitement phobique.
Plus récemment encore, les béhavioristes ont admis que de nombreuses
informations sont apprises par l’imitation de modèles qui constitue, selon
Albert Bandura (1976), une forme de conditionnement qu’il nomme appren-
tissage social ou vicariant. Les psychothérapeutes comportementalistes
actuels, qui se veulent les continuateurs du béhaviorisme, admettent donc
que les phobies peuvent être contractées par un enfant qui a assisté à une
expérience aversive faite par une autre personne avec un objet ou une situa-
tion : par exemple, qu’un enfant peut développer une phobie des chiens après
avoir vu un chien mordre un autre enfant. Ils admettent également que les
phobies peuvent être transmises par instructions verbales, par exemple, par
une mère anxieuse qui peut mettre en garde ses enfants contre le danger
d’être renversés par les voitures avec une telle insistance que ces derniers
peuvent développer une crainte phobique des véhicules.
tion qui a été enregistrée aux âges de 5 et de 15 ans. Mais la plupart des
phobies n’ont pas été précédées par des expériences traumatiques ou aversi-
ves, ni par des associations répétées entre l’objet phobogène et un « stimulus
aversif ». La plupart d’entre elles sont apparues d’emblée, dès la première
rencontre avec l’objet ou la situation phobogène. Paradoxalement, les expé-
riences négatives en rapport avec les chutes, l’eau, les animaux dangereux
sont beaucoup plus fréquentes chez les enfants ne présentant pas de phobies
que chez ceux qui présentent les phobies correspondantes. Les auteurs relè-
vent que les phobies semblent protéger les enfants contre certains dangers
bien réels : risque de chute dont sont préservés les enfants acrophobiques,
risques de morsures ou de piqûres dont sont protégés les enfants qui ont peur
86 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
des chiens ou des serpents, risques de noyade dont sont préservés les enfants
qui ont la phobie de l’eau et de la nage en eau profonde. Ils avancent l’idée
que beaucoup de phobies ne sont pas apprises, mais désapprises au cours du
développement : les peurs innées sont progressivement « déconditionnées »
par la fréquentation habituelle d’endroits élevés d’où on ne tombe pas, de
chiens inoffensifs, etc. L’expérience de la vie réaliserait donc chez la plupart
des enfants une sorte de thérapie naturelle (par exposition in vivo) des
phobies innées. Ceux qui conservent la phobie le feraient pour diverses
raisons, dont deux sont faciles à imaginer : il est possible que la phobie
présente chez eux une intensité particulière qui conduit à un évitement plus
systématique ; il est également possible que la phobie soit également présente
chez les parents qui n’encouragent pas la rencontre avec l’objet phobogène,
ce qui empêche l’habituation progressive de l’enfant à cet objet.
7 DIAGNOSTIC
ET ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE
instruments, elle mêle aux questions portant sur des phobies simples quel-
ques questions portant sur des manifestations de phobie sociale. On demande
directement à l’enfant s’il a peur d’un certain nombre de choses qu’on lui
énumère. On fait l’inventaire de toutes les phobies recensées par la clinique
et la recherche : animaux divers (grands ou petits, y compris les microbes) ;
moyens de transport (trains, autobus, voitures) ; agoraphobie/claustrophobie
(sortir seul, être dans la foule, dans les magasins, supermarchés ou hyper-
marchés, etc.) ; sang et blessures ; angoisse de performance (cf. p. 105) ;
phobies « de situations » au sens anglo-saxon du terme (cf. p. 80) comme
celles de l’eau ou des hauteurs, etc. Après avoir noté toutes les réactions de
l’enfant aux mots de cette longue liste, on lui demande s’il y a encore
d’autres choses dont il ait peur.
Dans le cas où l’enfant présente une ou plusieurs phobies, on poursuit
l’entretien en posant de nouvelles questions destinées à évaluer l’intensité de
chacune d’elles, et le degré auquel elle provoque des comportements de fuite
ou d’évitement.
attitudes de fuite (par exemple : à la planche V, détail latéral « une biche qui
court se réfugier derrière un buisson, on ne voit que son derrière et ses
pattes »).
Mais il n’est pas vraiment utile d’employer des tests, et encore moins des
tests projectifs, pour faire le diagnostic d’une phobie spécifique. L’intérêt des
tests projectifs, dans des pathologies dont le diagnostic psychiatrique est
facile, réside ailleurs. Ils permettent de repérer des stratégies cognitives ou
affectives mises en œuvre par le sujet pour faire face à ses difficultés. Ainsi,
l’attitude d’exploration hypervigilante et méfiante de l’environnement à la
recherche d’une éventuelle présence de l’objet phobogène s’exprime souvent
au Rorschach par une forte élévation de l’indice d’hypervigilance proposé
par John Exner. Pour que cet indice soit positif, il faut que deux conditions
soient remplies : la première est qu’il n’y ait aucune réponse de texture dans
le protocole ; la deuxième est que soient présents quatre signes faisant partie
d’une liste de sept qui concernent le facteur d’organisation, les réponses
données dans l’espace intermaculaire, les réponses dont le contenu est
« vêtement », le nombre et certaines caractéristiques des réponses à contenu
humain et/ou animal (Exner, 1993, p. 187).
Le test de Rorschach permet aussi d’évaluer la quantité de l’angoisse qui
n’est pas « liée » par la phobie : on a traité des indicateurs de l’angoisse au
Rorschach dans le chapitre consacré à la névrose d’angoisse (cf. p. 57-58)
Enfin, il permet d’avoir une vue d’ensemble du fonctionnement psycho-
logique normal et pathologique, sans lien direct avec la phobie, mais dont la
prise en compte est nécessaire pour élaborer un pronostic et une indication
thérapeutique.
8 CAS CLINIQUE :
RODOLPHE, 10 ANS
Résultats au WISC-III
Toutes les notes aux différents subtests varient entre 12 et 16, ce qui
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
On rappelle que les notes brutes sont ramenées à une note « standard » dont
la moyenne est 50 et l’écart type 10, et que 68 % des enfants ont théorique-
ment des notes comprises entre 40 et 60.
92 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Générale 58
Anxiété physiologique 12
Inquiétude/Hypersensibilité 13
Préoccupations sociales/Concentration 11
Échelle de mensonge 11
Générale 49
Humeur dépressive 44
Problèmes interpersonnels 78
Inefficacité 39
Anhédonie 52
Estime de soi négative 40
Planche I
(TL [temps de latence] = 5 s)
1) Un oiseau. 1) L’ensemble.
2) Les ailes et le corps surtout avec les ailes
tout le dessus ont la forme d’ailes.
2) V On dirait aussi un papillon. 1) L’ensemble.
2) Avec les grosses ailes.
☞
94 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
3) Λ Un homme qui n’a plus de 1) L’ensemble.
tête, qui a des ailes. 2) Là le corps, là les ailes, là il manque la tête,
là les bords de la chemise (mamelons en haut).
4) Un monstre 1) L’ensemble.
comme ce que j’ai décrit 2) C’est une sorte de monstre à cause des ailes
pour l’homme et à cause du corps, car il ressemble à un
sauf qu’il a une tête. corps d’homme.
Réponse additionnelle donnée lors de
l’enquête : En enlevant les ailes, on verrait une
dame qui n’a plus de tête non plus.
Planche II (TL = 5 s)
Hou là !
5) ΛV Là on dirait un oiseau 1) L’ensemble.
vu d’encore plus haut que lui. 2) Parce que on voit la forme de la tête
et parce que on voit bien les ailes et on le voit
de très haut.
6) Λ À l’intérieur aussi un oiseau. 1) Dbl central plus le D rouge du bas.
2) Les ailes, le bec qui est un peu gris,
la limite de la tête, la queue en rouge.
7) V On dirait des jambes 1) D rouge du haut plus les détails
avec le bas d’un corps. noirs latéraux.
2) On distingue bien les jambes et le bas
du corps, ça ressemble au bas d’une jupe.
8) V Là un dragon c’est tout. 1) L’ensemble avec le Dbl central.
2) La tête d’un dragon. On peut croire que
le blanc c’est sa bouche et là c’est le feu
qu’il crache. 3) En quoi ça ressemble
à du feu ? – Ça ressemble à du feu rouge.
Planche IV (TL = 5 s)
11) On dirait un homme 1) L’ensemble. 2) Déjà on voit la cape
avec une cape. qui s’élargit du corps, on voit les pieds,
on voit la tête c’est tout.
☞
PHOBIE SPÉCIFIQUE OU NÉVROSE PHOBIQUE 95
☞
12) Un dragon. 1) L’ensemble.
2) Une tête qui fait tête de lézard, on voit que
c’est plus clair sur les côtés, on croit que
c’est le feu qu’il crache aussi.
3) En quoi ça ressemble à du feu ? – Là ça res-
semble à du feu parce que
c’est plus clair et on voit bien que ça sort
de la bouche et que ça s’élargit au fur
et à mesure que ça descend.
Planche V (TL = 3 s)
13) Là je vois un oiseau, 1) L’ensemble.
je vois pas d’autres choses. 2) Les ailes, la tête et les pattes.
14) V Là ça peut ressembler 1) L’ensemble.
à un papillon, pas beaucoup. 2) Les antennes et les ailes.
Planche VI (TL = 6 s)
15) On dirait un totem, là-haut. 1) D3 (partie supérieure).
2) On voit bien le poteau qui est là
et on voit aussi les formes.
16) Un dragon vu de haut quand 1) L’ensemble.
il vole. 2) Les oreilles, le museau (partie supérieure)
et ça c’est le corps. J’imagine qu’il volerait
et là on le voit vu de dos, c’est plutôt qu’on
est beaucoup plus haut que lui et on le voit
de haut.
Planche IX (TL = 10 s)
20) On dirait une fontaine avec 1) L’ensemble. 2) La couleur le bleu on dirait
des décorations, un petit peu l’eau qui jaillit, là on voit une sorte de dauphin
comme au château de Versailles. (brun en haut),là des hippopotames (détails
verts latéraux et, en rose, on dirait un socle.)
☞
96 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
21) V Un dessin animé 1) L’ensemble.
qui s’appelle Arnold 2) Là la tête qui est très large
qui a une tête très large (détail rose), les bras (détails verts latéraux)
car c’est une sorte de caricature. et là les jambes (détail brun).
Planche X (TL = 11 s)
Oh ! Jolie celle-là.
22) Un oiseau de toutes 1) L’ensemble.
les couleurs. 2) Le bec (gris médian en haut),
les ailes et surtout parce qu’il y a beaucoup
de couleurs.
23) Un feu d’artifice aussi. 1) L’ensemble.
2) On voit bien les trucs bleus et les couleurs
on dirait des feux d’artifice.
24) Là on dirait deux insectes. 1) D8 (gris supérieur sans le bâton.
2) Ce sont deux scarabées qui se disputent,
on voit bien les yeux et la bouche ouverte.
25) Là on voit un oiseau. 1) D3 (brun médian en haut).
2) On dirait qu’ils battent des ailes,
on voit des ailes qui sont vers le bas
quand ils battent.
26) Là deux caméléons. 1) D2 (jaune médian en bas).
2) Deux caméléons qui grimpent avec les yeux
orange un peu bizarres pour un caméléon,
je ne pense pas que ça ait les yeux orange.
On voit la tête et on voit les pattes.
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Localisa- Détermi- Facteurs
Contenu
n° n° (mot tion nants additionnels
principal)
I 1 Oiseau G F+ A
4 Monstre G F+ (H)
II 5 Oiseau G F- A
6 Oiseau DblD F- A
☞
III 9 Nœud D F+ Vêt
papillon
V 13 Oiseau G F+ A
VI 15 Totem D F+ Ay
VII 17 Homme G F- H
VIII 18 moineau G F- A
19 Papillon D CF + A
X 22 Oiseau G CF - A
25 Oiseau D F- A
■ Psychogramme
R = 26
Temps total = 31 min
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
T/R = 1 min 11 s
G = 17 F + = 10 K=0 A = 13 Ban = 3
dont : F- = 7 kp = 0 Ad = 0
GDbl = 2 kan = 5 (A) = 2
kob = 2 (Ad) = 1 Chocs = 3
H=2
FC = 0 FT = 0 Hd = 1
D=6 CF = 2 TF = 0 (H) = 3
Dd = 2 C=3 T=0 (Hd) = 0 Codétermina-
tions :
☞
98 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
Dbl = 0 Kan. CF
Ddbl = 0 FY = 0 Abstr. = 0 Kan. YF
DblD = 1 FC’= 0 YF = 1 Alim. = 0 Kob. C
C’F = 0 Y=0 Anat. = 0 Kob. C
C’= 0 Art = 1
FV = 0 Ay = 1 Cotations
spéciales
FClob = 0 VF = 0 Bot. = 0 INCOM1
=1×2=2
ClobF = 0 V=0 Expl. = 0 FABCOM1
=1×4=4
Clob = 0 FD = 0 Feu = 3 FABCOM2
=1×7=7
Géo. = 0 Somme brute :
3
Reflets = 0 Nature = 0
Nuage = 0
Paires = 2 Obj. = 0 Σ pondérée :
Pays. = 0 13
Radio = 0
Sc. = 0
Sex. = 0
Sg. = 0
Vêt. = 5
G % = 65 F % = 65 A % = 50 Ban % = 11
D % = 23 F + % = 59 H % = 11
Dd % = 7 F + % élargi = 61 Phénomènes
Dbl % = 3 Σ2H>Σ1 particuliers :
T.R.I. Σ 0 K/Σ 6,5 C Hd
Form. cpl. Σ 7 k/Σ 1 (E + C’) PSV = 2
RC % = 35 % Σ13 A > Σ 0 MOR = 1
Type couleur : Σ 5 C + CF > Σ 0 Ad AG = 1
FC
■ Commentaire
Ce protocole est assez pathologique, mais ce qu’il révèle a peu de rapports
avec la dimension phobique. Il y a des manifestations d’anxiété, notamment
les chocs et peut-être la lenteur de l’idéation, mais elles ne sont pas l’essen-
tiel du protocole. Tous les autres traits saillants vont dans le sens d’une
impulsivité importante et même un peu inquiétante : le type de résonance
intime est extratensif pur, ce qui est rare à cet âge ; la présence de trois
réponses intégrant l’espace blanc, de deux kob et d’un « type couleur de
PHOBIE SPÉCIFIQUE OU NÉVROSE PHOBIQUE 99
nuer la peur des orages et des averses. Après la disparition de la phobie, les
difficultés interpersonnelles se sont progressivement atténuées, aussi bien à
l’école que dans la famille. L’impulsivité et l’agitation ne posent plus de
problèmes. Il semble donc raisonnable de supposer que l’impulsivité
extrême exprimée dans la CBCL et dans le test de Rorschach était un phéno-
mène relativement superficiel et motivé par l’angoisse phobique.
Chapitre 4
PHOBIE SOCIALE
ET ANXIÉTÉ SOCIALE
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
La notion de phobie sociale n’est pas encore familière à tous les psycho-
logues et psychiatres français. Il s’agit pourtant d’une réalité clinique incon-
testable, dont la fréquence et les effets perturbateurs sont importants chez
l’adulte comme chez l’enfant ou l’adolescent. La phobie sociale est, en effet,
une forme extrême et particulièrement gênante de timidité, c’est-à-dire de
manque d’aisance et d’assurance dans les relations avec autrui.
L’intérêt pour la phobie sociale est relativement récent, alors même qu’elle
a été décrite dès l’Antiquité dans un fragment d’Hippocrate et dans de
nombreuses œuvres littéraires classiques (dans la littérature française : La
Bruyère, Rousseau, Baudelaire). Il semble que Pierre Janet ait été le premier à
employer l’expression phobie sociale (1903) dans un sens très proche de son
sens actuel, pour désigner une catégorie de phobies de situation qui regroupe
un ensemble de tableaux cliniques caractérisés par la crainte d’agir en public
(Pélissolo et Lépine, 1995 ; Servant et Parquet, 1997). C’est à Marks et Gelder,
qui ont publié en 1966 l’article qui a lancé la recherche moderne sur cette
pathologie, qu’on attribue généralement la définition de la phobie sociale.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
caractérisé par la rencontre d’inconnus : l’enfant est mal à l’aise quand il est
amené à rencontrer des personnes qui ne lui sont pas familières, qu’il
s’agisse d’adultes ou d’enfants, et qu’il doit interagir avec elles, alors même
qu’il peut établir de bonnes relations avec les personnes qu’il connaît bien.
Le contraste entre le malaise avec les inconnus et l’aisance avec les familiers
est l’une des caractéristiques fondamentales de la phobie sociale. Nous
pensons qu’il faut faire, dans ce premier type de situations, une place à part à
la peur de montrer sa peur, c’est-à-dire à la crainte de manifester des signes
qui rendent visible l’anxiété, tels que le fait de trembler, de transpirer, de
rougir, de bégayer ou de perdre la voix dans les situations de rencontre avec
les personnes peu familières. Un second groupe rassemble des situations qui
ont en commun de susciter ce qu’on appelle, d’un terme calqué sur l’anglais,
l’« angoisse de performance », c’est-à-dire la peur de faire quelque chose
(sous-entendu : devant les autres) : l’enfant a peur et perd ses moyens
lorsqu’il se trouve dans une situation où il peut être évalué ou jugé par autrui.
Il peut s’agir de la peur de parler ou d’écrire en public, de manger ou de
boire en public. L’anxiété de performance est très fréquente chez les enfants,
notamment dans les situations scolaires. Les enfants phobiques sociaux ont
peur des situations dans lesquelles ils se sentent observés par leurs camara-
des ou par la maîtresse, ou lorsque leurs compétences sont évaluées : être
interrogé en classe, lire ou réciter une poésie ou aller au tableau. Ils éprou-
vent alors une gêne extrême qui se manifeste souvent par les concomitants
physiologiques de l’angoisse : tachycardie, moiteur des mains, transpiration,
tremblements, douleurs abdominales, etc. Cette anxiété s’accompagne de
pensées négatives dévalorisant leurs performances. Par exemple, les enfants
se tiennent un monologue intérieur du type : « Ils vont penser que je suis
nul » ; « Ils vont penser que ce que je dis est sans intérêt » ; « Ils vont dire
que je suis bête, que je suis stupide. » Les enfants phobiques sociaux affir-
ment généralement qu’ils savent leur leçon par cœur, mais qu’ils ont telle-
ment peur qu’ils oublient tout et n’arrivent plus à répondre quand on les
interroge en classe. Dans les cas les plus graves, la peur de se trouver dans
ces situations est telle que l’enfant refuse d’aller à l’école.
Les classifications de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Associa-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
aussi systématique que possible des situations redoutées. Cela entraîne pres-
que inévitablement une altération importante des relations interpersonnelles,
des activités et notamment des performances scolaires. L’échec scolaire est
donc l’une des complications les plus fréquentes et les plus redoutables de la
phobie sociale. C’est bien ce que souligne l’étude rétrospective de Davidson
et de ses collègues (1993). Menée auprès de phobiques sociaux adultes
examinés dans le cadre d’une vaste enquête épidémiologique (Duke Catch-
ment Area Study), cette étude montre que près de 39 % de ces sujets ont
redoublé au moins une classe, que 38 % d’entre eux ont systématiquement
manqué l’école à un certain moment, ce qui n’a du reste entraîné des
mauvais résultats scolaires que dans moins de la moitié des cas (14,5 % du
total des phobiques sociaux).
2 NOSOGRAPHIE
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
Tableau 4.1
Données épidémiologiques sur la phobie sociale infantile
Les revues de la question établies par Angold et ses collègues (1999) et par
Axelson et Birmaher (2001) montrent que les troubles anxieux sont souvent
associés à la dépression, à l’hyperactivité avec déficit de l’attention et aux
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
taux est faible, mais qu’il n’est pas rare de relever chez ces enfants des symp-
tômes dépressifs en nombre insuffisant pour justifier un diagnostic de trouble
dépressif. Enfin, 10 % des enfants présentaient un trouble d’hyperactivité
avec déficit de l’attention et 8 % souffraient de mutisme électif, c’est-à-dire
de « l’incapacité régulière à parler dans des situations sociales spécifiques
dans lesquelles l’enfant est supposé parler (exemple : à l’école ou avec ses
camarades), alors qu’il parle dans d’autres situations » (DSM-IV, p. 135).
Même lorsque les manifestations cliniques n’étaient pas assez nombreuses
ou intenses pour que les critères diagnostiques de ces troubles soient remplis,
les enfants phobiques sociaux avaient souvent des symptômes d’anxiété
généralisée et beaucoup de peurs de certaines situations ou objets. Les peurs
les plus répandues étaient la peur des injections (51 %) et des prises de sang
(35 %), suivie par l’acrophobie ou peur des hauteurs et des emplacements
élevés (30 %), la peur du sang coulant des coupures ou égratignures (28 %),
la peur du noir (23 %), ainsi que des peurs de bêtes et d’insectes, la peur des
orages et des éclairs, et la peur des médecins ou des dentistes.
Dans l’étude de Strauss et Last (1993), 41 % des enfants phobiques
sociaux présentaient un diagnostic comorbide d’anxiété généralisée, 17 %
avaient une angoisse de séparation, 21 % avaient un diagnostic d’évitement
de l’enfance (catégorie diagnostique du DSM-III-R). En outre, 17 % présen-
taient un trouble dépressif qui était, dans plus de la moitié des cas (10 %),
une dépression majeure.
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
chez ceux des enfants d’un groupe témoin. Dans la famille proche des
enfants inhibés, les troubles anxieux considérés dans leur ensemble sont
quatre fois plus fréquents et la phobie sociale est six fois plus fréquente que
dans les familles des enfants témoins. Par ailleurs, les parents et les germains
des enfants inhibés présentent souvent plus de deux troubles anxieux simul-
tanés. Ce phénomène est présent chez 25 % d’entre eux, alors qu’il n’appa-
raît pas une seule fois dans la famille des enfants témoins (Rosenbaum et
coll., 1991).
L’association entre l’inhibition du comportement pendant la petite
enfance et la phobie sociale ultérieure au cours de la deuxième enfance ou
114 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
de l’adolescence est donc bien établie. Schwartz et ses collègues (1999) ont
montré qu’elle se prolonge pendant l’adolescence. En effet, les enfants qui
avaient été évalués comme des enfants inhibés au cours de la deuxième
année de leur vie présentaient au cours de l’adolescence des phobies sociales
généralisées beaucoup plus souvent que des peurs spécifiques, de l’angoisse
de séparation ou d’anxiété de performance. Il convient de noter que ces
constatations n’invalident pas la théorie psychanalytique de la phobie sociale
comme refoulement d’un exhibitionnisme antérieur, car le lien entre l’inhibi-
tion du comportement et la phobie sociale est très fréquent, mais non univer-
sel. Il y a des exceptions, auxquelles peut s’appliquer la théorie du
refoulement de l’exhibitionnisme.
On connaît peu de choses sur le devenir des enfants phobiques sociaux, mais
l’expérience clinique semble souligner l’extrême stabilité de l’anxiété
sociale au cours de la vie. Comme le disent les auteurs du DSM-IV (p. 487) :
« L’évolution de la phobie sociale se fait souvent sur un mode continu. Elle
dure fréquemment toute la vie bien que la sévérité du trouble puisse s’atté-
nuer ou qu’il puisse y avoir rémission au cours de la vie adulte. »
L’Étude européenne des premiers stades de développement de la psycho-
pathologie (EDSP, Early Developmental Stages of Psychopathology Study ;
cf. Wittchen et coll., 1999 ; Wittchen, 2000) met en évidence que l’évolution
de beaucoup de sujets, spécialement à la fin de l’adolescence, présente des
hauts et des bas. Les problèmes peuvent être atténués grâce à l’attachement à
un partenaire dans le cadre d’une relation apaisante, mais la survenue d’un
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les auteurs de l’EDSP (Wittchen et coll., 1999) ont suivi sur une période
de plusieurs années des phobiques sociaux qui étaient des adolescents et des
jeunes adultes au début de l’étude. Ils ont ainsi montré que les phobiques
sociaux ont un risque élevé de développer ultérieurement un épisode dépres-
sif majeur. Ils ont également un risque élevé de développer différents trou-
bles anxieux et de devenir des consommateurs d’alcool ou de drogue.
7 DIAGNOSTIC
ET ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE
1. Copyright © 1998, Multi-Health Systems Inc. USA : P.O. Box, North Tonawanda NY 14120-
0950. Canada : 3770 Victoria Park Avenue, Toronto ON, M2H 3M6.
PHOBIE SOCIALE ET ANXIÉTÉ SOCIALE 119
contraire beaucoup (chez les enfants dont la phobie recouvre des tendances
agressives). Dans le même ordre d’idées, les réponses mettant en scène une
relation de coopération ou de coexistence pacifique entre deux êtres quels
qu’ils soient – personnes, animaux ou objets – sont moins fréquentes que
chez les sujets normaux. L’échelle de réciprocité de Urist (1977) est rare-
ment utilisable avec les enfants phobiques sociaux, parce que les réponses
d’interaction sont rares dans leurs protocoles. Mais quand il y en a, elles sont
souvent marquées par la dépendance ou l’agressivité.
Le nombre de réponses animales, bon indicateur de l’adaptation et du
conformisme social, est souvent plus faible que la moyenne. Par ailleurs,
l’indice d’isolement social proposé par John Exner est généralement élevé –
cet indice tient compte des réponses nature, nuages, botanique, paysage et
géographie (cf. Exner, 1990, p. 82). Il évalue la prédisposition interne à
l’isolement plutôt que la situation réelle d’isolement.
Enfin, selon Exner, « […] quand la valeur des mouvements passifs excède
de plus d’un point celle des mouvements actifs, cela indique que le sujet aura
tendance à assumer un rôle plutôt passif dans les relations interpersonnelles,
sans pour autant que cela prenne la forme d’une soumission ». Les protoco-
les de Rorschach de 16 adultes qui participaient à un groupe d’affirmation de
soi indiquent que 7 d’entre eux (44 %) avaient des rapports a : p où p dépas-
sait a de plus d’un point, alors que les réponses actives sont normalement
plus nombreuses que les réponses passives chez l’adulte, le rapport étant
ordinairement de deux à trois mouvements actifs pour un mouvement passif
(1993, p. 325).
8 CAS CLINIQUE :
CAROLINE, 12 ANS
Caroline est en classe de cinquième. Sa mère est infirmière, son père cadre
moyen dans une grande entreprise. Caroline a deux frères et une sœur, âgés
120 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Résultats au WISC-III
L’examen de ces notes montre qu’elles sont toutes (sauf une) comprises
entre 12 et 17. Les subtests qui font appel à la compréhension des relations
spatiales (arrangement d’images, cubes et assemblage d’objets) sont particu-
lièrement réussis. Le subtest mémoire des chiffres qui est sensible à l’atten-
tion et à la concentration est le moins bien réussi, ce qui est fréquent chez les
enfants anxieux et dépressifs.
Échelle de compétence
La note totale de compétence est très basse, elle est à deux écarts types en
dessous de la moyenne. Caroline n’a pratiquement aucune activité, comme
en témoigne la note de 26 à l’échelle d’activité. Les deux seules activités
notées par la mère sont « faire la vaisselle » et « faire la cuisine ». La note à
l’échelle sociale, qui évalue la participation à des groupes et les relations
interpersonnelles, est tout aussi basse : Caroline n’a aucune activité de
groupe, et ses relations avec autrui sont pratiquement inexistantes. La note à
l’échelle scolaire est dans la moyenne, ce qui est surprenant compte tenu du
niveau intellectuel.
122 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Échelle syndromique
Générale 54
Anxiété physiologique 9
Inquiétude/Hypersensibilité 8
Préoccupations sociales/Concentration 16
Échelle de mensonge 9
PHOBIE SOCIALE ET ANXIÉTÉ SOCIALE 123
Globalement, Caroline n’est pas plus anxieuse que la moyenne des enfants
de son âge, mais la note à la sous-échelle préoccupations sociales-concen-
tration est à deux écarts types au-dessus de la moyenne. Les items de cette
sous-échelle évaluent presque tous des préoccupations relatives à la manière
dont l’enfant anticipe le fait d’être jugé ou évalué par les autres enfants ou
par des adultes dans les différentes situations d’interaction quotidienne.
Générale 70
Humeur dépressive 75
Problèmes interpersonnels 56
Inefficacité 70
Anhédonie 54
Estime de soi négative 73
Planche I
(TL [temps de latence]
= 5 s)
1) Un animal 1) L’ensemble, y compris les deux détails
avec les deux yeux, blancs supérieurs.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
☞
Planche II
(TL = 15 s)
4) Des personnages 1) L’ensemble.
avec la tête et le corps, 2) Parce qu’il y a des taches claires
ils n’ont pas l’air contents. (projections de taches entre les deux D rouges)
qui fait comme un effet de tristesse
dans les yeux.
5) Ça fait des éléphants 1) D1 (détails noirs latéraux).
ici avec la trompe. 2) À la couleur grise, la trompe et le corps.
Comme si c’était les trompes qui se rejoignaient
et les oreilles.
6) La tache rouge 1) D3 (détail rouge du bas).
du bas un peu 2) Ça fait comme deux ailes des deux côtés
comme un papillon. et il a des petites branches (antennes)
qui sont là (saillies inférieures du D3).
Planche IV (TL = 2 s)
11) On dirait un peu un 1) D7 (partie noire entière sans la partie médiane infé-
monstre humain avec la rieure). 2) Les mains ne sont pas proportionnelles au
tête, des bras et des corps et ça descend comme si c’était une image vue
grands pieds, on dirait du bas, ce qui fait que la tête elle est plus petite par
qu’on le voit du bas. Je ne rapport au reste.
vois pas d’autres choses.
12) Un peu des mitaines 1) Dd 28 et Dd 27 (parties inférieure
ici. du Détail central inférieur).
☞
PHOBIE SOCIALE ET ANXIÉTÉ SOCIALE 125
☞
2) Des mitaines parce qu’on voit les bouts des doigts.
13) Un genre de canard 1) D4 (partie latérale supérieure).
qui est en train 2) Comme un bec là, la tête d’un canard
de se gratter. avec un très long cou comme un cygne,
comme s’il était en train de se gratter le cou
avec ses pattes, je ne sais pas comment il fait.
Planche V (TL = 2 s)
14) Ça ressemble un peu 1) L’ensemble.
à une chauve-souris toute 2) Les petites antennes, avec la continuité
noire avec les ailes qui des ailes et c’est pareil des deux côtés
partent comme ça. et la couleur noire aussi.
15) On dirait qu’il y a 1) L’ensemble. 2) Comme un monsieur
quelqu’un derrière le avec un chapeau, qui a les pieds un peu déformés,
lapin. comme si c’était un monsieur qui peut voler,
un monsieur surnaturel. Là il y a comme un lapin
debout avec de grandes oreilles, qui se trouverait
devant un homme surnaturel qui aurait des ailes,
et il est caché par ce lapin.
16) Un petit peu la tête 1) D10 droit (saillie latérale droite).
d’un crocodile. 2) Comme une espèce de long museau
avec une espèce de joue qui redescend.
Planche VI (TL = 6 s)
17) On dirait un peu une 1) L’ensemble.
peau avec la tête de 2) On voit souvent des animaux morts qui ont gardé
l’animal et un genre de la peau qui est un peu tannée et ça fait un peu doux
pattes, comme si elle était comme une peau et des pattes avec ces différences
aplatie, on dirait un peu de couleurs.
des moustaches un petit
peu d’un cheval, le museau
et la raie sur le dos.
18) Là on dirait un crabe 1) Dd 27 (petits mamelons à la base médiane).
avec les yeux. 2) C’est la même chose que tout à l’heure (planche I),
c’est juste les yeux.
19) V Un petit peu 1) Dd 21 (crochets médians inférieurs).
les pinces d’un scorpion. 2) Normalement elles sont plus longues,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
☞
22) On dirait un visage 1) D3 (2e tiers). 2) C’est un visage d’un personnage
avec le nez, la bouche, de bande dessinée ou de dessin animé
l’œil et les cheveux qu’il qui n’est pas très naturel. Il ressemble à un homme
porte devant. qui s’est transformé avec une tête déformée
et les cheveux qui sont devant (saillies latérales
du 2e tiers).
Planche IX (TL = 12 s)
27) Comme un poisson 1) D1 (vert latéral). 2) Comme la forme de Polochon
fantaisie avec l’œil dans la Petite Sirène de Walt Disney. Il fait un peu
et le nez. gros, il a de gros yeux et il a une petite nageoire
et le bout ça fait comme un nez humain.
28) > Là comme 1) D4 (détail rose latéral).
une tête de cochon 2) Un rond comme un œil, le bout qui dépasse
avec la couleur rose est un peu aplati comme une narine,
et il y a des taches plus une tache rose plus foncée et des petites oreilles.
foncées et plus claires.
Ça fait comme un œil là,
le bout dépasse comme
une narine parce que
c’est en plus clair.
☞
PHOBIE SOCIALE ET ANXIÉTÉ SOCIALE 127
☞
29) Un peu comme des 1) D11 + Ddbl 23 (yeux = fente à la base
yeux qui se fondent dans de la lacune centrale souvent interprétée
le décor. comme guitare ou violon ; décor = les deux verts laté-
raux). 2) Ils sont déformés, ils sont tout
en longueur, il y a un côté vert et un côté blanc
comme le blanc de l’œil, ils se fondent un peu
dans le décor. 3) – Des yeux de qui ? – Des yeux
surnaturels, de toutes les façons, ça ne peut pas être
des yeux d’humain ou d’animal. Comme ils étaient
verts et comme s’ils ont été percés ou éclatés, le vert
s’est dispersé et ils sont allés se déposer sur le côté.
4) – Tu as dit des yeux qui se fondent dans le décor ?
– Ils sont derrière une espèce de décor d’une scène.
Planche X (TL = 10 s)
30) Comme des yeux 1) D jaune + D vert.
avec un nez 2) Des yeux avec une tache ovale au milieu
plus la moustache. et plus le nez et la forme de la moustache.
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Localisa- Détermi- Facteurs
Contenu
n° n° (mot tion nants additionnels
principal)
2 Ailes D F+ (Hd)
3 Crabe D F- A
II 4 Personnages G K+ H (2)
6 Papillon D F+ A
8 Oiseau D F- A MOR
10 Échographie D Y. m - Radio
12 Mitaines Dd F+ Vêt.
13 Canard D Kan + A
16 Tête crocodile D F+ Ad
VI 17 Peau G FT + Ad Ban
18 Yeux Dd F- Ad PSV
19 Pinces Dd F+ Ad
21 Chat D Kan + A
24 Yeux Dd YF + (Hd)
☞
PHOBIE SOCIALE ET ANXIÉTÉ SOCIALE 129
☞
25 Papillon D YF. CF + A
IX 27 Poisson D F- A PER
X 30 Yeux Dd F- Hd
34 Pince D F- Ad
35 Anguilles D F+ A (2)
36 Lunettes D F- Obj.
38 Lapin D F+ Ad
■ Psychogramme
R = 38
Temps total = 42 min
T/R = 66 s
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
130 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
■ Commentaire
La particularité la plus immédiatement repérable de ce protocole réside dans
le fait qu’on relève quinze réponses dont le contenu se réfère à des yeux ou
dont la description mentionne les yeux. On ne peut manquer d’établir un
PHOBIE SOCIALE ET ANXIÉTÉ SOCIALE 131
Mais le nombre de réponses animales réelles est très élevé (20 A + Ad), ce
qui nous montre une tentative de répondre sur un mode conformiste. Cepen-
dant, elle ne donne que quatre réponses banales. Il y a trop de réponses
animales partielles par rapport aux réponses animales entières (7 Ad pour
13 A), ce qui indique une certaine déformation de la perception par le
fantasme. Donc, on note un conflit et une oscillation entre la fuite dans le
fantasme et la recherche du maintien d’un lien solide, voire conformiste,
avec la réalité.
Protocole du TAT
Planche 1
Le garçon, il est triste parce que ça n’a pas l’air de lui plaire. Ses parents l’ont
obligé de faire ça. C’est pas ce qu’il voulait. Ses parents lui ont offert, il est
déçu. C’est peut-être un cadeau ? Il va peut-être en jouer pour faire plaisir à
celui qui lui a offert. Il n’a pas l’air joyeux.
Planche 2
C’est peut-être la fille des deux personnages du fond qui revient de l’école.
Elle a des livres à la main. Vu qu’elle rentre, elle va aider les parents dans les
vignes. Elle est obligée par ses parents, c’est comme si c’était une habitude.
Tous les jours quand elle revient, elle doit aider. Elle y va tous les jours, c’est
comme un rituel. Elle en a peut-être assez, mais elle ne le montre pas, parce
qu’il n’y a aucune expression sur son visage.
Planche 3BM
C’est peut-être la suite de la première image parce qu’on a l’impression que la
personne est encore triste. À mon avis elle dort pas, ça doit pas être très
confortable. Et puis si c’est la suite de la première image, ça sera la même fin.
PSYCHOLOGUE : La même fin ? – Comme c’est un violon, il va en jouer quand
même pour faire plaisir à celui qui lui a offert.
Planche 4
C’est peut-être une peinture derrière. Il y a une espèce de tableau, ça ressemble
à la fille qui est là. Il est peut-être en colère, il y a comme une espèce de désir
de vengeance et la jeune femme le retient, enfin elle essaie de le retenir. PSY-
CHOLOGUE : Tu as dit un désir de vengeance ? – C’est peut-être en rapport avec
la fille qui est derrière. C’est peut-être sa femme. Il va peut-être l’écouter et
rester où il est.
Planche 6BM
Là on dirait aussi que les deux personnages se sont disputés. C’est la mère du
monsieur parce qu’elle fait un peu plus âgée. Elle vient de lui avouer quelque
PHOBIE SOCIALE ET ANXIÉTÉ SOCIALE 133
chose et ça le laisse perplexe. Ils se sont disputés parce qu’elle lui tourne le
dos. Ils se regardent pas. Ils vont sans doute se réconcilier à la fin.
Planche 6GF
L’air de la jeune fille, on dirait qu’elle est surprise. Il lui a peut-être dit quelque
chose qui l’a étonnée, qui l’a choquée. Elle est assez jolie, elle est bien ha-
billée, elle a une belle coiffure. Puis pour le monsieur, la question qu’il lui a
posée, c’est pour la tester, pour la piéger, pour voir quelle est sa réaction. À la
fin, il va lui dire que ce n’était pas vrai.
Planche 7GF
C’est peut-être dans une famille riche, ça fait un peu vieux car les filles ne
s’habillent plus comme ça. Là c’est peut-être la bonne de la famille. Elles
doivent parler de la poupée parce que la bonne regarde fixement la poupée
et puis la petite fille, elle doit avoir rien à faire. On a l’impression qu’elle est
dans les nuages, elle regarde par la fenêtre. À la fin, elle en aura marre, elle
va partir.
Planche 8GF
Elle fait pensive, elle est peut-être dans un cours de dessin. Une dame qui pose
et plein de monde qui dessine. Elle regarde peut-être par la fenêtre comme
pour passer le temps, parce qu’elle doit s’ennuyer un peu. Ça fait lugubre,
peut-être parce que c’est en noir et blanc. Et puis elle va rester là jusqu’à la fin
du cours dans la même position parce qu’elle ne doit pas bouger. Puis elle va
rentrer chez elle.
Planche 9GF
Là, c’est des filles assez aisées quand on regarde leurs toilettes. Elles jouent
peut-être à cache-cache. Elle (personnage au premier plan), elle fait celle
qui cherche, en même temps elle a des yeux noirs. Ça fait comme si elle
scrutait un peu partout. En fait, elle cherche la jeune fille qui est là (person-
nage au second plan). Puis à la fin, elle va la voir et elles vont continuer à
jouer.
Planche 8BM
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche 10
Je sais pas si c’est un homme ou une femme. Le personnage du fond, il a l’air
triste et pensif en même temps. On voit pas vraiment à quoi il pense, l’autre
134 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
non plus d’ailleurs. Ils ont peut-être été séparés pendant un long moment. Ils
sont un peu tristes et en même temps ils sont heureux de se retrouver. PSYCHO-
LOGUE : Ils ont été séparés pourquoi ? – On sait pas.
Planche 13MF
On a l’impression que la femme, elle est morte parce qu’elle a le bras qui tom-
be. Elle est toute droite et elle fait sans vie. C’est peut-être lui qui l’a tuée, ou
elle est morte comme ça. Si elle est morte simplement, il cherche ce qu’il faut
qu’il fasse. Il est triste, on a l’impression qu’il tient pas bien debout. Si c’est
lui qui l’a tuée, c’est comme si c’était un geste de soulagement, il dit qu’il l’a
fait. Si elle est morte simplement, il va appeler la police et les pompiers, les
pompiers surtout. Si c’est lui qui l’a tuée, il va s’enfuir.
Planche 13B
Là, ça fait photo. Les autres, ça faisait plus dessin. Là, ça fait photo en noir et
blanc. Il doit être pauvre. Il n’a pas de chaussures. Ce qu’on voit autour, ça fait
vieux, ça fait sale. Il fait penseur, on a l’impression qu’il se pose des questions
et puis finalement, il va peut-être jouer avec les autres enfants en laissant de
côté ces questions. PSYCHOLOGUE : Il se pose des questions sur quoi ? – Des
questions sur la vie quotidienne, des questions qu’il pourrait se poser par rap-
port à sa vie à lui.
3. Aspects formels
Les scénarios des histoires sont bien construits. Mais une peinture devient
par la suite un personnage réel (planche 4). Il y a fabulation assez loin de
l’image à la planche 8GF. À la planche 8BM, Caroline souligne que l’enfant
du premier plan a la bouche fermée, mais qu’il explique aux autres comment
s’est faite l’opération. On note également une hésitation entre deux thèmes
différents (mort naturelle et meurtre) à la planche 13MF. Mais tout cela
demeure mineur et n’a aucune signification pathologique.
■ Conclusion
Le protocole de Caroline se caractérise par l’absence ou la qualité négative
de la relation entre les personnages dans huit récits sur douze. Lorsqu’une
relation précise est évoquée, elle est de type conflictuel : vengeance, colère,
agressivité, piège tendu à l’autre.
LA NÉVROSE
OBSESSIONNELLE
(LE TROUBLE
OBSESSIONNEL
COMPULSIF)
LA NÉVROSE OBSESSIONNELLE…
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
incessant. Freud a souligné que ces idées provoquent une culpabilité d’autant
plus intense que la plupart des patients – et cela s’applique encore plus aux
enfants – croient à la toute-puissance de ces pensées : ils ne peuvent s’empê-
cher de croire que les idées obsédantes possèdent une sorte de force magique
intrinsèque qui fait qu’il suffit de les penser pour que ce qu’elles représentent
se réalise.
Certaines obsessions présentent le caractère particulier d’être la représen-
tation d’un acte dangereux ou criminel que l’enfant pourrait accomplir lui-
même de façon involontaire et impulsive. Ces actes nécessitant certains
objets ou ne pouvant être accomplis que dans certains lieux, l’obsession se
140 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
le meilleur des cas inutiles et le plus souvent gênants, parce qu’ils font
perdre beaucoup de temps ou attirent à l’enfant des reproches des adultes ou
des moqueries des autres enfants. De plus, les actes compulsifs sont une
tentative de lutter contre des idées obsédantes egodystoniques. Enfin, les
actes compulsifs sont souvent en partie egodystoniques : l’enfant qui ne peut
pas s’en abstenir a cependant conscience du caractère absurde ou inutile de
ses rituels. On ne trouve aucun de ces trois caractères dans les manifestations
obsessionnelles normales : elles sont utiles pratiquement, socialement ou
scolairement, elles ne sont pas des tentatives de conjurer une idée obsédante
et elles sont egosyntones.
142 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
2 NOSOGRAPHIE
Symptômes
Obsessions
Propreté/
contamination 28 40 52 64 50
Catastrophes/
Pensées agressives 22 25 63 69 31
Symétrie 20 – – – –
Thèmes sexuels – 15 11 36 24
Thèmes religieux – – 15 36 10
Sécrétions
corporelles – 10 –
Somatiques – – 33 36 33
Compulsions
Lavage 63 80 48 56 50
Vérifications diverses 47 44 63 65 61
Rangements 27 18 37 33 28
Activités répétitives 22 50 – – –
Comptes
et calculs mentaux 17 20 44 42 36
Accumulations – – 30 36 18
Toucher des objets 14 22 – – –
Conjurations 9 23 – – –
Confessions
et questions – – 33 20 34
Tableau 5.1
Fréquence de différents symptômes chez les obsessionnels enfants,
adolescents et adultes
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
sionnelles.
Les études précédentes portent sur des populations normales. Une étude
d’Ann Garland et de ses collègues de San Diego (2001) fournit des indica-
tions sur la fréquence du trouble obsessionnel compulsif dans une population
d’enfants et d’adolescents (1 618 patients âgés de 6 à 18 ans) examinés dans
cinq consultations médicales ou médico-sociales. Le taux de prévalence sur
l’ensemble de cette population est estimé à 2,5 %. Une précision intéressante
concerne les variations de la prévalence en fonction de l’âge : elle est de
2,1 % pour les 6-11 ans, de 2,7 % pour les 12-15 ans et de 2,6 % pour les 16-
18 ans. Le trouble atteint également les filles et les garçons.
146 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
4 NÉVROSE OBSESSIONNELLE
ET TROUBLES ASSOCIÉS
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
6 ÉVOLUTION DE LA NÉVROSE
OBSESSIONNELLE
7 DIAGNOSTIC ET ÉVALUATION
PSYCHOLOGIQUE
8 CAS CLINIQUE :
DAMIEN, 9 ANS ET 10 MOIS
toute une série d’objets, comme des vieux jouets, des cartons, des tickets
d’autobus ou de métro qu’il ramasse soigneusement dans les gares. Il
adopte de plus en plus souvent une démarche particulière : il avance d’un
seul pied en laissant l’autre en arrière, le pied « arrière » ne venant
jamais se poser devant le pied « avant », ce qui le fait avancer très lente-
ment. Le soir, il éprouve le besoin de vérifier que les portes et les fenêtres
sont bien fermées, ce qui le conduit à se coucher très tard, parce que,
après ses vérifications, il faut qu’il se lave les mains soigneusement et
longuement. Comme ces vérifications se répètent, il faut également répé-
ter le lavage. Il affirme que tout est sale et contaminé, et chaque fois
qu’on le touche ou qu’il touche un objet, il éprouve le besoin de se laver.
Il reste longtemps sous la douche le matin, ce qui le met en retard pour
l’école et crée des conflits avec sa mère. Damien exige de sa mère qu’elle
lave des vêtements qu’il n’a portés qu’une seule fois, car ils sont « pleins
de microbes ». Dès que Damien rentre de l’école, il se précipite dans la
salle de bains et se lave longuement. Enfin, il récite souvent des prières
après avoir souhaité la mort de son frère ou la mort de ses parents.
Nous n’avons pas réussi à administrer l’inventaire d’obsessions de Leyton
(Leyton Obsessional Inventory-Child Version), car Damien s’est assez rapi-
dement lassé et a fini par refuser de répondre.
Résultats au WISC-III
Le niveau intellectuel est homogène et moyen (en fait : très légèrement infé-
rieur à la moyenne).
Comportement agressif : 82
Planche I
(TL [temps de latence] = 6 s)
1) Au renard. 1) L’ensemble.
2) Il a une tête de renard avec ses oreilles
et son nez (petite lacune au centre).
2) Une chèvre. 1) L’ensemble.
2) La tête et ses cornes
(saillies supérieures médianes).
3) Un lion. 1) L’ensemble. 2) Une tête de lion.
Planche II (TL = 8 s)
4) Une fleur. 1) L’ensemble. 2) Parce qu’elle a la couleur
d’une fleur, au-dessus et en dessous il y a du rouge.
5) Des bottes. 1) D2 (détail rouge du haut).
2) Parce que ça ressemble à des bottes c’est tout.
6) Un animal. 1) D3 (détail rouge du bas).
2) La forme d’un papillon avec ses antennes.
7) Des bottes, des souliers. 1) D2 (détail rouge extérieur). 2) Ils ont la forme.
8) Un papillon. 1) D3 (détail rouge médian).
2) Il y a son corps et ses ailes.
9) Un animal. 1) D1 (les deux détails noirs latéraux
avec le panier). 2) C’est un monstre animal,
là sa tête (détail noir inférieur)
et le reste son corps et ses pattes.
Planche IV (TL = 7 s)
☞
Planche V (TL = 3 s)
13) Une chauve-souris. 1) L’ensemble.
2) Ses ailes, ses pattes, ses antennes.
14) Une queue 1) Dd32 (saillie médiane inférieure).
d’un éléphant. 2) Juste le bout qui ressemble
à une queue d’éléphant.
15) Des jambes. 1) D9 (détail médian inférieur).
2) Des jambes d’un chien, le chien, on le voit pas.
Planche VI (TL = 6 s)
16) Une tête. 1) Dd23 (détail de l’extrémité supérieure).
2) La tête d’un serpent.
17) Un drapeau. 1) D3 (détail supérieur).
2) Un drapeau d’une tribu d’Indiens.
18) La peau. 1) D1 (les deux grands détails latéraux).
2) C’est plat, c’est dans un sens des poils.
3) En quoi ça ressemble à des poils ?
On dirait que c’est des poils c’est tout.
Planche IX (TL = 9 s)
24) Des griffes d’un animal. 1) Dd25
(projections brunes supérieures vers le milieu).
2) Parce que ça ressemble à des griffes.
Planche X (TL = 11 s)
25) Une dame qui tombe 1) Dd (dame : détail brun de côté, colline :
de la colline. détail rose latéral). 1) Là ça ressemble à une colline
et là on dirait qu’elle tombe dans le vide.
158 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Localisa- Détermi- Facteurs
Contenu
n° n° (mot tion nant additionnels
principal)
I 1 Renard G F+ Ad
2 Chèvre G F- Ad
3 Tête de lion G F+ Ad
II 4 Fleur G CF + Bot
5 Bottes D F- Vêt
6 Animal D F+ A
8 Papillon D F+ A
9 Monstre D F+ (Ad)
IV 10 Tête animal Dd F+ Ad
12 Oreilles chien D F+ Ad
V 13 Chauve-souris D F+ A Ban
14 Queue Dd F+ Ad
15 Jambes D F- Ad DV1
VI 16 Tête serpent Dd F+ Ad
17 Drapeau D F+ Emblème
18 Peau D F+ Ad (peau)
VII 19 Queue Dd F+ Ad
20 Lapins D F+ A (2)
22 Monstre G F- (A)
23 Papillon D CF + A
IX 24 Griffes Dd F+ Ad
■ Psychogramme
R = 25
Temps total = 13 min
T/R = 31 s
FC’= 0 YF = 0 Alim. = 0
C’F = 0 Y=0 Anat. = 0
C’= 0 Art = 0 Cotations
FV = 0 spéciales
Bot. = 1 DV1 = 1
FClob = 0 VF = 0 Emblème = 1
ClobF = 0 V=0 Expl. = 0
Clob = 0 FD = 0 Feu = 0
Géo. = 0
Paires = 1 Obj. = 1
Reflets = 0 Nature = 0
Nuage = 0
Pays. = 1
Radio = 0
Sc. = 0
Sex. = 0
Sg. = 0
Vêt. = 2
G % = 20 F % = 88 A % = 64 Ban % = 8
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
D % = 52 F + % = 73 H%=4
Dd % = 28 F + % élargi = 72
Dbl % = 0 Σ1H>Σ0 Phénomènes
TRI Σ 1 K/Σ 2 C Hd particuliers :
Form. cpl. Σ 0 k/Σ 0 (E + C’) K- = 1
RC % = 20 Σ 5 A < Σ 11 Dd = 28 %
Type couleur : Σ 2 C + CF > Σ 0 Ad
FC Chocs à :
VII, X
EA de Beck = 3 Indice
es = 0 d’isolement
Indice d’égocentrisme = 4 % social = 8 %
160 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
■ Commentaire
Ce protocole donne une impression globale de pauvreté et de bizarrerie. Tout
indique la prédominance de mécanismes de refoulement qui inhibent l’expres-
sion affective et surtout fantasmatique. Les réponses impersonnelles en forme
pure sont en nombre excessif, on ne trouve que deux réponses en couleur franche
et l’unique kinesthésie humaine est en mauvaise forme. De ce fait, le type de
résonance intime est coarctatif et le EA de Beck est très pauvre. Aucune kines-
thésie mineure, aucune réponse en estompage ne vient témoigner d’un retour des
fantasmes ou des affects refoulés. Le style obsessionnel se reconnaît au nombre
élevé des détails rares (Dd) et des réponses stéréotypées de parties d’animaux.
La pression du refoulement est telle que Damien n’arrive même pas à donner les
réponses ordinaires les plus banales aux planches III et VIII : le protocole ne
comporte qu’une seule représentation humaine entière qui est également la seule
kinesthésie humaine. Cette réponse est en F-, ce qui aurait été considéré autrefois
comme un signe pathognomonique de schizophrénie, mais la qualité formelle
générale (F + % et F + % élargi) reste suffisante pour que l’hypothèse d’un fonc-
tionnement obsessionnel soit la plus plausible. Il faut cependant noter le carac-
tère à la fois très inhabituel et très projectif de cette représentation (une femme
qui tombe dans le vide) qui exprime, à la toute dernière minute, une angoisse
massive qui ne s’était jusqu’alors exprimée que de façon très indirecte par le
choc de la planche VIII et l’excès des processus de refoulement.
Protocole du TAT
Planche 1
Un petit garçon qui pense à quelque chose devant un fromage. Il pense à ce
qu’il va faire, s’il va râper le fromage. Bien, il va réussir à trouver ce qu’il veut
faire. Il va râper le fromage.
Planche 2
Une dame qui va quelque part et un monsieur qui jardine avec son cheval dans
le champ de blé. Là, il y a une autre dame qui le regarde. Ils pensent qu’ils vont
réussir à jardiner.
Planche 3BM
C’est un petit garçon qui pleure, il pleure sur son lit. Il doit être en prison et il
doit penser que ses parents vont venir le chercher. Il va réussir à partir de la
prison. Il a dû faire une bêtise, il a tué quelqu’un hier parce qu’elle l’a peut-
être embêté. Il a tué une femme, elle a dû le taper.
Planche 4BM
Là, c’est un homme qui veut s’échapper et une femme qui le retient. Il pense
à partir et elle, elle pense à ce qu’il reste. Il veut partir parce qu’il est fâché
avec elle. À la fin, il va rester.
LA NÉVROSE OBSESSIONNELLE… 161
Planche 6BM
Là, c’est une veille dame qui regarde dehors, et elle pense aux oiseaux. Et le
monsieur, il pense à aller travailler. Ce sont des amis.
Planche 8BM
Il pense à son ami qui s’est fait tuer. Eux, ils pensent à le tuer parce qu’ils
avaient envie, parce qu’ils n’aiment pas les enfants. Ils n’aiment pas les en-
fants parce qu’ils sont pauvres. Ils vont réussir à le tuer, son copain. Lui, il pen-
se à son ami, il ressent des sensations juste au moment où il se fait tuer.
Planche 10
C’est des amoureux, l’homme il pense que la fille l’aime et la fille pense que
l’homme l’aime. Ils vont se marier et faire des enfants.
Planche 13MF
Quelqu’un qui se réveille et il croit que sa femme, elle est morte. Alors il pense
à elle. Elle fait semblant d’être morte pour lui faire une blague. Elle va se ré-
veiller, il lui dit : « Je te croyais morte. »
Planche 13B
Un petit garçon qui pense à quelque chose. Il pense peut-être à avoir une fer-
me. Il aimerait bien en avoir une, une ferme d’animaux. Il est malheureux par-
ce qu’il aimerait bien avoir la ferme, mais il ne l’a pas eue. Une vraie ferme
avec des chevaux, des vaches, des lapins, des chiens, des poules.
Planche 3BM : pleurs d’un enfant emprisonné pour avoir tué une femme qui
a dû le taper : relation agressive violente, intervention salvatrice possible des
parents.
Planche 4BM : thème banal. Conflit : l’homme veut partir, mais il va finale-
ment rester.
Planche 6BM : pas d’action, pas d’interaction. Relation interpersonnelle
positive (« ce sont des amis »).
Planche 8BM : thème de meurtre. Relation interpersonnelle agressive.
Planche 10 : thème banal : rapprochement amoureux (« se marier et faire des
enfants »).
162 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Planche 13MF : humour noir (femme qui fait croire qu’elle est morte).
Planche 13 B : rêve du petit garçon : ferme avec des animaux. Issue malheu-
reuse.
3. Aspects formels
Une fausse perception (le fromage à la planche 1) et les bizarreries déjà
signalées.
■ Conclusion
Le caractère un peu morbide et « grinçant » de certaines histoires pourrait
faire penser à des traits psychotiques, mais cadre encore mieux avec l’idée
d’un fonctionnement obsessionnel, caractérisé par le refoulement (effort
pour donner des réponses banales ou triviales) et le retour des pulsions agres-
sives refoulées.
LA NÉVROSE
TRAUMATIQUE
ET LES « ÉTATS DE CHOC »
PSYCHOTRAUMATIQUES
(ÉTAT DE STRESS
POST-TRAUMATIQUE
ET ÉTAT DE STRESS
TRAUMATIQUE)
plus graves, ils se frappent la tête contre le mur, se mordent jusqu’au sang ou
déchirent leurs vêtements. Ils sont, par ailleurs, très irritables et ont de
fréquents accès de colère. Certains expriment leur détresse par un comporte-
ment franchement agressif.
Les troubles du sommeil sont fréquents. Ils se manifestent aussi bien par
des difficultés d’endormissement que par des réveils nocturnes. Il arrive
fréquemment que les enfants se réveillent en criant. Ils font souvent des
cauchemars dont les thèmes sont répétitifs. Interrogés sur le contenu de ces
cauchemars, ils racontent des histoires effrayantes de monstres qui viennent
les dévorer ou dévorer leurs parents.
L’envahissement de la conscience par des souvenirs récurrents de l’événe-
ment traumatique que l’on observe chez les adultes prend une forme particu-
lière chez les enfants. En effet, ces souvenirs récurrents, avec tout leur
cortège d’images et de pensées, s’expriment chez eux dans les dessins et
dans les jeux. Ceux-ci sont, dans certains cas, en rapport avec l’événement
traumatique. Un enfant qui a vu son grand-père faire une chute mortelle lors
d’une randonnée en montagne répète constamment cette scène dans ses jeux
avec des figurines. Un enfant qui a survécu à l’explosion de sa maison provo-
quée par une fuite de gaz dessine ou joue des scènes où tout explose et où
tout le monde meurt. Il arrive que certains enfants ne retiennent qu’un seul
aspect de l’événement traumatique, par exemple, le pistolet utilisé par un
malfaiteur lors d’une agression à laquelle l’enfant a assisté : il dessine sans
cesse des pistolets, et aucun autre souvenir n’est évoqué dans ses dessins ou
dans ses jeux. Mais il arrive que chez certains enfants, les plus jeunes notam-
ment, les thèmes des dessins ou des jeux n’aient pas de rapport direct avec
l’événement traumatique, mais un rapport symbolique évident. Par exemple,
un enfant qui a été témoin d’une agression peut jouer de manière récurrente
une histoire dans laquelle il y a des bonshommes ou des monstres qui
veulent l’attaquer et le tuer : ils le poursuivent partout, il veut s’enfuir, mais
il n’y parvient pas. La mort touche tout le monde à la fin de l’histoire.
La névrose traumatique se manifeste aussi par un état de détresse intense
avec des manifestations physiologiques d’activation neurovégétative perma-
nente, qui redoublent d’intensité lorsque l’enfant est dans une situation qui
évoque l’événement traumatique ou qui lui ressemble. Ainsi un enfant qui
était présent lors d’un grave accident de la route impliquant la voiture de ses
parents se met à crier et à pleurer, dit qu’il veut rentrer chez lui et ne veut
plus ressortir, aussitôt qu’il aperçoit dans la rue un policier en tenue. Les
idées pessimistes quant à l’avenir et la crainte que l’événement traumatique
puisse se reproduire sont fréquentes. Un enfant qui a assisté à l’intrusion
chez lui d’un cambrioleur qui a menacé sa mère avec une arme, craint sans
cesse que le voleur revienne et qu’il tue toute la famille.
On peut observer chez certains enfants un comportement marqué de retrait
durable et un refus systématique de parler de l’événement traumatique, un
LA NÉVROSE TRAUMATIQUE ET LES « ÉTATS DE CHOC »… 169
2 NOSOGRAPHIE
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
cette étude, parmi les événements traumatiques les plus fréquents, les auteurs
relèvent les viols et les agressions physiques subis par les adolescents (25 %),
les agressions ou meurtres dont ils ont été témoins (17 %), les blessures
soudaines ou accidents qu’ils ont eux-mêmes subis (13 %) et les annonces de
mort ou d’accident concernant des proches ou des amis (13 %).
Shannon et ses collègues (1994) ont réalisé une vaste étude épidémiologique
sur une « population à risque », dont on savait qu’elle avait été exposée à un
événement potentiellement traumatique, le cyclone Hugo qui a dévasté la côte
atlantique des États-Unis en 1989. Ils ont examiné trois mois après l’événement
5 687 enfants et adolescents âgés de 9 à 13 ans. Le taux de prévalence du « stress
post-traumatique » était de 5,4 %. Les filles étaient atteintes plus souvent que les
garçons (presque deux fois plus : 6,9 % contre 3,8 %). Par ailleurs le taux de
prévalence chez les enfants de 9 à 12 ans était de 9,2 % ; chez les 13-15 ans, il
était de 4,2 % et chez les 16-19 ans, il était de 3,1 %. Les filles et les enfants les
plus jeunes sont donc les plus vulnérables. Le taux de prévalence est évidem-
ment beaucoup plus important lorsque les enfants ont été exposés directement à
un événement qui a mis leur vie en danger. Par exemple, Robert Pynoos et ses
collègues (1987) ont évalué les symptômes post-traumatiques de 159 écoliers à
la suite d’une attaque par un tireur fou dans une cour de récréation. Près de 40 %
des enfants présentaient un état de stress post-traumatique modéré à grave un
mois après l’événement. Quatorze mois après les faits, les symptômes étaient
atténués chez la plupart de ceux qui étaient absents lors de l’attaque, ou qui
étaient relativement abrités dans les bâtiments de l’école, mais le niveau de
pathologie psychotraumatique restait élevé chez ceux qui s’étaient trouvés dans
la cour de récréation, directement exposés aux balles du forcené (Nader et coll.,
1990). Abdel Aziz Moussa Thabet et Panos Vostanis (1999) ont mené une étude
auprès de 239 enfants de Gaza (Palestine) âgés de 9 à 11 ans, exposés quotidien-
nement aux bombardements et aux attaques aériennes. Ils ont relevé que près de
73 % des enfants avaient des symptômes de stress post-traumatique : légers dans
31,8 % des cas, d’intensité moyenne dans 35,6 %, mais d’intensité sévère chez
5,4 % des enfants. Ils n’ont pas trouvé de différences entre les filles et les
garçons. Les symptômes les plus fréquemment rapportés étaient les pensées et
les peurs en rapport avec le traumatisme, l’anhédonie, les troubles de la concen-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
4 NÉVROSE TRAUMATIQUE
ET TROUBLES ASSOCIÉS
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
rie, mais parce que pour eux il s’agissait de névrose traumatique et non
d’hystérie.
Quoi qu’il en soit, la notion d’hystérie traumatique est centrale dans la
psychopathologie freudienne jusqu’à 1920. Parce qu’il est armé de ce
concept, il tend à considérer les pathologies névrotiques réactionnelles à un
traumatisme comme des formes d’hystérie, et, réciproquement, il a tendance,
comme Janet à la même époque, à expliquer l’origine des symptômes hysté-
riques par des traumatismes. Mais la biographie de ses patientes hystériques
ne révélant que rarement des traumatismes du type classique (catastrophes,
accidents, agressions, etc.), il s’oriente assez rapidement vers la théorie selon
laquelle les traumatismes responsables de l’hystérie sont précoces, de nature
sexuelle, et frappés par l’amnésie. De ce fait, l’événement traumatique est
revécu sans que les patientes sachent qu’elles revivent un événement de leur
passé infantile : c’est ce que signifie la phrase selon laquelle les hystériques
souffrent de réminiscences. Il faut entendre le mot réminiscence dans son
sens précis, emprunté à la philosophie et à la neurologie – spécialité offi-
cielle de Freud – qui désigne, par exemple, les états seconds des épileptiques
qui revivent de façon hallucinatoire des scènes de leur passé sans avoir cons-
cience qu’il s’agit d’une répétition : ils sont complètement immergés dans la
scène, et ils croient la vivre réellement dans le présent. L’abandon partiel de
cette théorie, en 1897, est généralement considéré comme le moment de
l’émergence de la psychanalyse proprement dite.
C’est la multiplication des cas de névroses traumatiques (dites à l’époque
névroses de guerre) chez les combattants de la Première Guerre mondiale
qui a suscité l’intérêt des psychanalystes autrichiens et allemands mobilisés
en tant que médecins militaires, puis de Freud lui-même et de ses disciples
(Fenichel, 1944). Les premières évocations de la névrose traumatique figu-
rent dans l’Introduction à la psychanalyse (1916-1917, p. 256) : Freud
oppose désormais la névrose traumatique aux autres névroses, et notamment
à l’hystérie, tout en déclarant qu’elle exhibe sous une forme particulièrement
évidente un phénomène commun à toutes les névroses, l’importance des
bénéfices secondaires dans l’apparition et surtout dans le maintien de la
pathologie. Bien qu’il ne le dise pas explicitement, Freud semble penser que
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
l’une des fonctions principales des névroses de guerre est de préserver la vie
de ceux qui en sont atteints, en les rendant incapables de retourner au front.
Mais, surtout, Freud est frappé par la répétition involontaire et automatique
du traumatisme dans les rêves et dans les fantasmes des patients. Il note que,
lorsque la névrose traumatique inclut des « accès hystériformes », l’analyse
de ces derniers révèle qu’ils sont également des réminiscences du trauma-
tisme. Dès lors, c’est essentiellement sous l’angle de la répétition du trauma-
tisme qu’il aborde la théorie de la névrose traumatique, ce qui débouche sur
une transformation profonde de l’ensemble de la théorie psychanalytique.
Le rêve traumatique est, en effet, la seule exception reconnue par Freud à
son principe selon lequel le rêve est la réalisation hallucinatoire d’un désir.
174 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
cette hypothèse : les enfants des deux groupes manifestaient des troubles
tout aussi intenses.
Gilbert Vila et ses collègues (1999), récapitulant les facteurs qui peuvent
contribuer au développement des symptômes post-traumatiques, signalent
l’importance de l’absence de soutien social, c’est-à-dire dans le cas de l’enfant,
de soutien familial. Les travaux de Stephen Joseph et de ses collègues (1993),
sur les rescapés du naufrage du Jupiter, ont bien montré que les enfants qui ont
pu bénéficier du soutien de leurs familles immédiatement après la catastrophe
ont développé moins de syndromes post-traumatiques que les autres.
6 ÉVOLUTION
DE LA NÉVROSE TRAUMATIQUE
dent, qui avait fait vingt-deux victimes, les survivants devenus adultes
présentaient encore des symptômes d’inadaptation, continuaient d’avoir des
symptômes d’état de stress post-traumatique et souffraient, en outre, de
divers troubles comorbides : dépression, anxiété phobique, troubles somati-
ques et psychoses. Ce phénomène était d’autant plus prononcé que les sujets
avaient été plus exposés au risque : il était maximal chez ceux qui s’étaient
trouvés dans l’autobus percuté, nettement moindre chez ceux qui étaient à
bord des autres véhicules. La gravité de la menace vitale semble donc expli-
quer non seulement le déclenchement de la pathologie psychotraumatique ;
elle semble avoir également une influence sur sa durée.
178 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
7 DIAGNOSTIC
ET ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE
handicap que tout cela entraîne dans la vie quotidienne. Lorsque l’enfant
consulte pour un trouble manifestement traumatique, on peut utiliser directe-
ment la deuxième et la troisième séries de questions en tant que liste de vérifi-
cation permettant de noter les symptômes.
L’Impact of Event Scale (IES) est une échelle d’auto-évaluation qui mesure
l’impact qu’un événement traumatique peut avoir sur un enfant. Cette
échelle a été développée par Horowitz et ses collègues (1979) et traduite et
validée en France par Hansenne et ses collègues (1993). L’IES est destinée
aux adultes, mais elle a été utilisée avec des enfants à partir de 8 ans. Elle
comporte 15 items regroupés en deux sous-échelles. La première est compo-
sée de sept items relatifs aux sentiments et aux idées intrusives liés à l’événe-
ment traumatique. La seconde, composée de huit items, permet d’évaluer
l’évitement des pensées, des situations et des sentiments associés au trauma-
tisme. Pour chacun de ces items, l’enfant cote la fréquence d’occurrence sur
LA NÉVROSE TRAUMATIQUE ET LES « ÉTATS DE CHOC »… 181
8 CAS CLINIQUE :
CHIRAZ, 12 ANS ET 10 MOIS
Résultats au WISC-III
Les résultats aux différents subtests sont assez groupés. Cependant, les
subtests mémoire des chiffres et arithmétique sont moins réussis : cela peut
signaler une très légère difficulté de concentration. On pourrait s’expliquer
de la même façon le fait que les subtests qui évaluent la vitesse de traitement
sont un peu moins bien réussis que les subtests de compréhension verbale et
d’organisation perceptive. Mais il n’y a là que des différences mineures, et
les résultats sont globalement homogènes.
Anxiété-dépression : 88
Problèmes interpersonnels : 52
Troubles de la pensée : 81
Attention/hyperactivité : 69
Comportement délinquant : 53
Comportement agressif : 54
Générale 81
Humeur dépressive 79
Problèmes interpersonnels 56
Inefficacité 58
Anhédonie 84
Estime de soi négative 79
L’intensité de la dépression est très élevée. Il s’agit d’une forme qu’on pour-
rait dire intériorisée, dans la mesure où les manifestations les plus intenses
concernent l’humeur, l’absence de plaisir et l’autodévalorisation, avec peu
de retentissement sur les aspects plus extérieurs, problèmes interpersonnels
et auto-évaluation des compétences.
Protocole de Rorschach
(temps total : 14 min 45 s)
Planche I
(TL [temps de latence]
= 4 s)
1) Une chauve-souris. 1) L’ensemble. 2) Qu’est-ce qui fait que ça ressemble
à une chauve-souris ? – Déjà à la couleur noire
et la manière dont ils ont fait les taches d’encre.
2) Ou une araignée. 1) D4 (partie médiane entière avec les Ddbl supérieurs
et inférieurs). 2) La forme des antennes déjà, la cou-
leur aussi pareil que la première, ça fait penser à une
araignée avec les antennes de devant qui pincent.
☞
LA NÉVROSE TRAUMATIQUE ET LES « ÉTATS DE CHOC »… 187
☞
3) Un oiseau. 1) Toute la tache mais sans l’extrémité inférieure
médiane et sans les saillies médianes supérieures
(les mains). 2) La forme des ailes, ça fait penser
que ça vole haut, il vole en liberté, il n’a pas besoin
d’un appareil pour voler. 3) C’est quoi un appareil
pour voler ? – Il peut voler en liberté.
4) Une robe toute noire. 1) D4 (partie médiane entière). 2) C’est une robe toute
noire comme celle que portent les femmes
dans mon pays, c’est une robe toute seule
avec la forme du col (mamelons centraux),
des bras (saillies médianes supérieures),
elle est très longue.
Planche II (TL = 3 s)
5) Deux personnes qui 1) L’ensemble. 2) La tête (rouge supérieur),
sont côte à côte qui se le corps, ils se tiennent la main ici
tiennent la main. (pointe médiane supérieure).
6) Des coqs avec leur 1) L’ensemble). 2) Déjà la crête rouge qu’ont les coqs
crête, ils sont debout. et la bouche qui s’ouvre, je sais pas si c’est
une bouche, juste là (petite tache en bas du D rouge).
Planche IV (TL = 12 s)
8) Un ogre. 1) L’ensemble. 2) La forme des pieds, on voit le corps
et qu’il est en hauteur, très haut alors on voit pas
bien la tête.
9) Un peu la carte 1) Toute la tache mais sans les saillies latérales
de France. supérieures et sans la partie médiane inférieure.
2) À la forme, c’est tout.
10) Il y a des flammes, 1) L’ensemble. 2) Ça fait penser à une explosion,
il y a eu un feu. ce n’est pas le feu directement, mais c’est un appareil
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche V (TL = 3 s)
11) Une chauve-souris. 1) L’ensemble. 2) Les ailes et la tête, les oreilles,
je dirais aussi à la couleur noire ça me fait penser
à ça.
☞
188 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
12) Un deltaplane. 1) L’ensemble. 2) Un deltaplane vu de derrière,
la personne se cramponne, le deltaplane vole,
on ne voit pas la personne de face.
13) Un oiseau aussi. 1) Toute la tache sans la partie médiane inférieure,
les saillies médianes supérieures et les saillies
latérales. 2) La forme des grandes ailes, la tête,
on ne la voit pas, je dirais aussi à la couleur noire,
on le voit voler en liberté aussi.
Planche VI
(TL = 4 s)
14) Quelqu’un qui fait 1) L’ensemble. 2) Quelqu’un vu de derrière, vu de dos,
du yoga. qui a croisé ses jambes et qui met ses bras… on dirait
qu’il met ses bras sur ses jambes.
15) Je vois aussi un grand 1) L’ensemble. 2) J’ai vu le dessin animé Titi et Gros
chien qui est assis. Minet, ça fait plus penser à un chien.
Planche VII
(T. L. = 7 s)
16) Deux lapins 1) L’ensemble (lapins 1er et 2e tiers, pierre 3e tiers).
qui se tiennent dos à dos 2) La forme de lapins avec les oreilles, le corps,
sur une autre statue. c’est des lapins qui sont face à face, ça ressemble
à des statues de lapins. 3) C’est quoi l’autre statue ?
– C’est pas une statue, on dirait que c’est la forme
d’une pierre qui tient les statues.
Planche VIII
(TL = 5 s)
17) Deux loups qui font 1) L’ensemble (loups : parties roses latérales ; rocher :
de l’escalade sur un très toute la partie centrale). 2) Ils contournent le rocher
grand rocher. pour pouvoir monter au sommet. 3) En quoi
ça ressemble à un très grand rocher ? – On le voit
du bas et il est très, très haut.
18) Ou bien un aigle 1) L’ensemble. 2) Le corps, les ailes. 3) Tu as dit
en train de voler en train de voler ou immobile, tu peux m’expliquer ?
ou immobile je dirais – Oui il vole et de temps en temps il devient immobile.
les deux.
Planche IX (TL = 13 s)
19) Deux cerfs qui sont 1) D2 (cerfs : brun orangé en haut, arbres :
dos à dos derrière des verts latéraux).
arbres, dans la forêt. 2) Avec leurs cornes et le corps,
ils sont l’un en face de l’autre debout de l’autre coté,
derrière des arbres. 3) En quoi ça ressemble
à des arbres ? – Ça m’a fait penser à des arbres
☞
LA NÉVROSE TRAUMATIQUE ET LES « ÉTATS DE CHOC »… 189
☞
et à l’herbe, la mousse qui est sur les arbres,
elle prend beaucoup de place, on dirait qu’elle
est tassée. 4) Tu peux m’expliquer pourquoi on dirait
qu’elle est tassée ? – On dirait que c’est épais comme
la mousse et c’est vert foncé et aussi c’est vert plus
clair aussi, c’est pour ça que j’ai dit qu’elle est tassée.
20) Deux flammes 1) D2 (flammes : brun orangé en haut ; herbe :
qui brûlent l’herbe. les deux détails verts latéraux). 2) Déjà à la couleur
orange et aussi parce qu’il y a des endroits
où c’est des couleurs qui sont plus foncées
et plus claires qui montrent que le feu est très fort
en bas, les flammes sont plus importantes.
3) Et l’herbe ? – C’est à la couleur verte.
21) Un bébé 1) D6 + D11 (bébé : partie rose entière ; forêt : les
qui est couché, deux verts latéraux). 2) Déjà il est rose et il est couché
pareil dans la forêt. en dessous de quelques arbustes verts et que personne
ne voit. 3) Tu as dit : et que personne ne voit, peux-tu
m’expliquer ? – Personne ne le voit, il est en dessous
des arbres, quelqu’un l’a caché en dessous de façon
que personne ne le voie.
Planche X (TL = 4 s)
22) Plein d’insectes, 1) D1 (bleu latéral).
des araignées. 2) La forme des pattes qui vont partout.
23) Des vers, ça bouge 1) D8 (gris latéral en haut).
vite, ça rampe. La forme de vers et la couleur aussi.
24) Des limaces 1) D13 (brun latéral, en bas).
qui rampent. 2) La couleur orange, la taille aussi
et ça rampe aussi pareil.
25) Des cafards. 1) D7 (gris brun de côté). 2) Un peu la couleur grise,
des pattes ici et ça va partout.
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Localisa- Détermi- Facteurs
Contenu
n° n° (mot tion nants additionnels
principal)
☞
II 5 Personnes G K+ H (2)
9 Carte Dd F- Géo
12 Deltaplane G K. Kob + H, Sc
VI 14 Quelqu’un G K- H
18 Aigle G Kan - A
21 Bébé Dd K. CF + H, Pays
■ Psychogramme
R = 25
Temps total = 14 min 45 s
T/R = 35 s
LA NÉVROSE TRAUMATIQUE ET LES « ÉTATS DE CHOC »… 191
G % = 56 F % = 12 A % = 56 Ban % = 24
D % = 28 F + % = 67 H % = 20
Dd % = 12 F + % élargi = 68 Phénomènes
Dbl % = 0 Σ5H>Σ0 particuliers :
DDdbl = 4 TRI Σ 5 K/Σ 5,5 C Hd G amputé = 1
K-=1
Form. cpl. Σ 12 k/Σ 8,5 (E + C’) Σ 14 A > Σ 0 PER = 1
Ad
RC % = 36
Type couleur : Σ 1 C Chocs à :
+ CF > Σ 0 FC
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
IV, IX
■ Commentaire
Ce protocole est très inhabituel. Le nombre des réponses impersonnelles
(purement formelles) est très bas, en raison du grand nombre de réponses
192 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
LES EFFETS
PSYCHOLOGIQUES
DES MAUVAIS
TRAITEMENTS
(NÉGLIGENCE,
VIOLENCES
PHYSIQUES
ET SEXUELLES)
Le présent chapitre sera fort différent des autres. Les troubles présentés
jusqu’ici sont des tableaux cliniques bien définis. Mais leur étiologie n’est
pas certaine, sauf dans le cas de la névrose traumatique. Dans le cas des
effets psychologiques des mauvais traitements, l’étiologie est généralement
connue ou relativement facile à identifier, mais les tableaux cliniques sont
fluctuants ou mal définis.
La psychanalyse a montré que des événements ponctuels ou des situations
répétitives survenant au cours de l’enfance peuvent produire des troubles
psychologiques immédiats ou différés dont le tableau clinique n’est pas celui
de la névrose traumatique : ainsi le petit Hans, après avoir assisté à la chute
d’un cheval, développe une phobie de ces animaux ; l’Homme aux loups,
après avoir assisté aux relations sexuelles de ses parents, développe une
névrose obsessionnelle qui évoluera plus tard, à l’âge adulte, vers des trou-
bles graves comportant des aspects psychotiques. Par ailleurs, Freud a
renoncé en 1897 à sa théorie de l’étiologie sexuelle de l’hystérie qui affirmait
le caractère universel et nécessaire de la détermination de l’hystérie des adul-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1.1 La négligence
La négligence fait référence à une situation où un parent ne fournit pas à son
enfant les éléments nécessaires à son développement. Elle peut prendre
différentes formes qui peuvent survenir ensemble ou séparément et auxquel-
les les spécialistes ont pris l’habitude de donner des dénominations précises.
• La négligence physique consiste en ceci que l’enfant se trouve dans des
conditions de vie défavorables à son développement physique et psycho-
logique. Cela peut prendre plusieurs formes : les enfants ne sont pas nour-
ris ou, plus souvent, sont nourris en dépit du bon sens et des règles
diététiques les plus élémentaires (nous avons vu des enfants qui ne
mangeaient pratiquement que des bonbons et des gâteaux), ce qui a pour
conséquence des ralentissements ou des arrêts de croissance. Souvent, du
fait de l’irréflexion des parents ou de leur incapacité d’anticiper le danger,
les enfants sont livrés à eux-mêmes sans que personne pense à les protéger
des dangers de la vie quotidienne et de la vie sociale. Ils ne sont pas
LES EFFETS PSYCHOLOGIQUES DES MAUVAIS TRAITEMENTS… 199
habillés de manière adéquate et, dans les cas les plus extrêmes, ils
dorment dans la rue. C’est surtout – mais pas seulement – dans les milieux
défavorisés qu’on rencontre ces situations. Mais dans les pays avancés où
existent de nombreux dispositifs d’aide sociale, il est très rare qu’elles
soient intégralement attribuables à la pauvreté.
• La négligence relative aux soins médicaux est le fait que les parents négli-
gent la santé de leur enfant. Ils dénient l’existence d’une maladie mani-
feste de leur enfant et refusent les soins médicaux. Comme le soulignent
R. et H. Kempe, il peut s’agir d’une forme très insidieuse de mauvais trai-
tement (1978, p. 16).
• La négligence émotionnelle est habituellement définie comme le fait que
les parents refusent de reconnaître que l’enfant souffre sur le plan psycho-
logique et refusent, par conséquent, d’entreprendre toute démarche
susceptible de déboucher sur une prise en charge psychologique, psycho-
sociale ou psychiatrique.
• La négligence éducative est l’absence d’attention ou d’intérêt portés par les
parents à l’assiduité et au travail scolaire des enfants. Elle est souvent
repérable à partir de l’absentéisme scolaire de l’enfant.
1.2 La maltraitance
1.2.1 La maltraitance physique
On en observe différentes formes dont les plus fréquentes sont les coups et
les brûlures. La forme la plus typique est celle qui consiste à porter des coups
violents à l’enfant provoquant des fractures ou des blessures graves nécessi-
tant une hospitalisation d’urgence ou des contusions ou des marques de
bâton, de fouet ou de martinet sur le visage, sur le cou ou sur le corps. Les
brûlures infligées intentionnellement sont une autre forme importante et
fréquente de maltraitance. Les plus fréquemment détectées sont les brûlures
de cigarettes qui sont courantes. Elles se répartissent habituellement à
plusieurs endroits du corps de l’enfant. Les brûlures avec un fer à repasser
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
sont également fréquentes, mais sont plus difficiles à détecter en tant que
forme de sévices, car les parents soutiennent ordinairement qu’il s’agit d’un
accident dû à l’imprudence de l’enfant. Les parents brûlent assez souvent les
enfants en leur mettant la main ou les deux mains sous le robinet d’eau
chaude. Les douches glacées en plein hiver sont encore une autre forme de
maltraitance.
est inexacte, car elle sous-entend qu’il y aurait, si l’on ose dire, une utilisa-
tion sexuelle légitime des enfants. Il importe de définir précisément ce qu’on
appelle maltraitance sexuelle, car les divergences entre les auteurs et les
affirmations excessives de certains reposent sur le choix de définitions discu-
tables. On ne sera donc pas surpris que les chercheurs se soient engagés dans
des controverses académiques sur la différenciation des variétés de
maltraitance : c’est que les enjeux idéologiques sous-jacents sont importants.
Pour certains auteurs anglo-saxons, un baiser donné par un père à sa fille de
13 ans sent le soufre. Grâce à des définitions extensives de la maltraitance
sexuelle, on a pu affirmer qu’une femme nord-américaine sur deux a subi un
« abus sexuel » avant l’âge de 18 ans.
On n’entrera pas dans le détail de ces classifications. La plupart des
auteurs admettent un continuum allant des actes les moins graves qui
n’impliquent pas de contact physique direct (exhibitionnisme, exhibition
d’images ou de films pornographiques, propositions sexuelles) aux actes les
plus graves (pénétration accompagnée de menace ou de violence) en passant
par des degrés intermédiaires : caresses et attouchements sexuels, masturba-
tion. Selon une loi relevée par les sociologues pour l’ensemble des actes
déviants ou délinquants, il y a une relation inverse entre la fréquence et la
gravité des actes sexuels impliquant des enfants. Beaucoup d’enfants ont vu
des images pornographiques ou des exhibitionnistes, ceux qui ont subi une
pénétration sexuelle sont beaucoup plus rares.
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
4 FACTEURS DE RISQUE
DES MAUVAIS TRAITEMENTS
Keegan Eamon (2001) sur 1 397 enfants de 4 à 9 ans, confirme que la prati-
que des punitions corporelles est associée à des facteurs tels que la pauvreté,
l’âge de la mère à la naissance de l’enfant, le passé scolaire des parents, les
conflits conjugaux et la dépression maternelle.
Les effets à long terme des mauvais traitements sont le simple prolongement
de leurs effets à court terme. Les pathologies observables dès l’enfance
perdurent jusqu’à l’âge adulte. Les anciens enfants maltraités physiquement
ou sexuellement présentent différents troubles psychopathologiques, comme
des troubles anxieux (notamment des névroses traumatiques), des dépres-
sions et l’abus d’alcool et de drogue (Fergusson et Dacey, 1997 ; Schuck et
Widom, 2001).
David Fergusson et Michael Linskey (1997) ont interrogé 1 265 adoles-
cents de Christchurch (Nouvelle-Zélande), dont le fonctionnement psycholo-
gique a par ailleurs été évalué, sur le degré de sévérité et sur la fréquence des
punitions physiques que leurs parents leur avaient infligées au cours de leur
enfance. Les troubles psychopathologiques sont d’autant plus fréquents et
graves que les punitions ont été fréquentes et sévères. Comme on pouvait s’y
attendre, les troubles les plus fréquents sont les troubles anxieux, la dépres-
sion majeure, les tentatives de suicide, l’abus de drogue et d’alcool et les
agressions violentes.
LES EFFETS PSYCHOLOGIQUES DES MAUVAIS TRAITEMENTS… 205
6 DIAGNOSTIC ET ÉVALUATION
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
PSYCHOLOGIQUE
assez rare qu’on ait à détecter ou à diagnostiquer la maltraitance par des tech-
niques purement psychologiques dans le cadre d’une consultation pédopsy-
chiatrique ou médico-psychologique. Compte tenu de la forte tendance des
enfants à dissimuler ce qu’ils subissent et à protéger leurs parents, on a peu
de chances de découvrir la maltraitance par un interrogatoire direct des
enfants. C’est pourquoi les entretiens cliniques structurés sont de peu
d’utilité de ce point de vue. Ainsi, l’ISC ou la Kiddie-SADS ne contiennent
pas de section consacrée à la maltraitance. Pour la même raison, il y a peu à
attendre des échelles d’auto-évaluation et de la CBCL (puisqu’elle n’est vrai-
ment informative que lorsqu’elle est remplie par les parents). Seuls les tests
projectifs peuvent parfois apporter quelque chose, parce que l’enfant peut y
révéler la maltraitance indirectement et à son insu. Encore faut-il être très
prudent, car il serait peu sérieux de conclure à l’existence de mauvais traite-
ments sur la seule base de réponses aux tests projectifs. Cela constituerait un
manquement éthique en même temps qu’une erreur technique.
La situation la plus fréquente est celle dans laquelle le psychologue doit
observer un enfant dont on sait qu’il est maltraité : son travail consiste alors à
faire un inventaire général du fonctionnement psychologique en vue de
déterminer la nature et l’intensité des troubles éventuels. Dans une telle
situation, la démarche n’a rien de particulier, à part le fait qu’en général il
n’y a pas de trouble précis ayant motivé la consultation : on ne sait pas si
l’enfant est anxieux ou déprimé, on sait simplement qu’il a été gravement
négligé, ou battu ou victime d’actes sexuels et on cherche s’il présente des
troubles psychologiques. On ne doit exclure aucun trouble. Il faut, par consé-
quent, utiliser des entretiens cliniques structurés comme l’ISC qui passent en
revue l’ensemble du comportement et du fonctionnement, faire le point sur le
niveau intellectuel au moyen du WISC et administrer des questionnaires
d’auto-évaluation, comme l’échelle d’anxiété de Reynolds et Richmond,
l’échelle de dépression de Maria Kovacs, l’échelle de phobie sociale de
Beidel, ainsi que la CBCL (à condition que l’un des parents soit suffisam-
ment digne de confiance) et un ou plusieurs tests projectifs. Dans la mesure
où la maltraitance n’est pas une pathologie mentale des enfants, mais un
comportement déviant et éventuellement pathogène de leur entourage, qui
peut produire chez les enfants pratiquement toutes les pathologies, l’examen
psychologique des enfants maltraités n’a rien de spécifique.
7 CAS CLINIQUE :
VALÉRIE, 11 ANS ET 6 MOIS
mère est secrétaire. Le père de Valérie est alcoolique et très violent. Déjà très
agressif vis-à-vis de son épouse avant la naissance de Valérie, il a commencé
à la battre peu après l’accouchement. Les scènes de violence conjugale ont
fini par entraîner le divorce.
Vers l’âge de 3 ans, Valérie était complètement repliée sur elle-même, ne
souriait jamais, semblait constamment triste. Elle pleurait souvent et faisait
régulièrement des cauchemars. Elle avait peur de rester seule et suivait sa
mère partout. Elle hurlait et se roulait par terre lorsque sa mère la conduisait
à l’école maternelle. À l’école, elle était amorphe et continuait de pleurer
dans un coin de la classe, et personne ne parvenait à la consoler. C’est ainsi
que la psychologue scolaire a conseillé à la mère de consulter un spécialiste.
Mis au courant, le père s’oppose de façon véhémente à toute forme d’aide
psychologique. Lorsque son épouse a voulu se plaindre, il l’a frappée, mena-
cée de la défigurer et de la tuer. Peu de temps après cet épisode, et parce qu’il
ne supportait pas les pleurs incessants de sa fille, il a commencé à la battre.
D’abord il la secouait violemment, lui donnait des gifles, la traînait par terre
en la tirant par les cheveux tout en lui donnant des coups de pieds. Lorsque la
mère s’interposait pour protéger sa fille, elle était battue à son tour. Assez
souvent, la scène se terminait par le départ de la mère et de sa fille, qui se
réfugiaient tantôt chez la grand-mère, tantôt chez la tante maternelle de Valé-
rie. Alors, le père suppliait son épouse de rejoindre le foyer conjugal en
promettant de ne plus recommencer. Mais tout recommençait quelques
semaines après le retour au foyer de Valérie et de sa mère. Finalement, alors
que Valérie avait un peu plus de 6 ans, sa mère a définitivement quitté le
foyer conjugal et l’a emmenée avec elle dans la région parisienne. Valérie
commence alors une psychothérapie, qui dure près de quatre ans, et se
termine à l’initiative de la psychologue qui estime – contrairement à l’avis de
la mère – que Valérie va bien. Un an après, la mère de Valérie consulte parce
que sa fille a commencé à commettre de nombreux vols : vols d’objets divers
dans des magasins et à l’école. À la même époque, son intérêt pour le travail
scolaire diminue et ses notes commencent à baisser. Elle semble de nouveau
triste et irritable. Chaque fois qu’elle reçoit la visite de son père (environ une
fois par mois), elle se met à parler à sa mère des scènes de violence et dit ne
pas pouvoir « enlever ces images de sa tête ».
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Résultats au WISC-III
Le niveau de « compétence » globale est très bas (près de deux écarts types
en dessous de la moyenne), alors que la note totale de perturbation reste
modérée. Mais le score d’internalisation est élevé, en raison de l’intensité
des manifestations d’anxiété-dépression et, dans une moindre mesure, de
retrait-isolement. Le score d’externalisation est moyen, mais l’échelle de
comportement déviant est très élevée. Notons enfin qu’il semble y avoir des
manifestations d’hyperactivité ou d’inattention qui n’apparaissaient pas lors
du premier entretien. Il conviendra donc d’être attentif à cet aspect des
choses. Tout le reste est normal.
Générale 65
Humeur dépressive 64
Problèmes interpersonnels 89
Inefficacité 64
Anhédonie 50
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Générale 64
Anxiété physiologique 13
Inquiétude/Hypersensibilité 15
Préoccupations sociales/Concentration 13
Échelle de mensonge 10
Le niveau global d’anxiété est également élevé mais inférieur au seuil patho-
logique. Seule est vraiment élevée l’échelle d’inquiétude-hypersensibilité
qui évalue la dimension d’anticipation anxieuse caractéristique de l’anxiété
généralisée.
Planche I
(TL [temps de latence]
= 5 s)
1) Un papillon. 1) L’ensemble y compris les espaces blancs.
2) Qu’est-ce qui fait que ça ressemble à papillon ? –
Là le corps et les ailes. On peut voir sa queue
qui ressort et ses ailes qui ont différentes formes,
différents dessins (Ddbl).
2) Une sorte de para- 1) L’ensemble.
pente avec quelqu’un des- 2) Sa tête, son corps et les pieds,
sus qui lève les bras. parapente sur les côtés.
3) Une danseuse. 1) D4 (partie médiane entière).
2) Avec son corps et ses mains comme ça
en couronne.
4) Des anges là. 1) D2 (les deux détails latéraux).
Avec le visage (saillie supérieure),
le corps et les ailes.
5) Deux personnes 1) D4 (partie médiane entière).
qui pourraient se tenir 2) Une première tête
par la taille et en même et une deuxième tête (petits mamelons dans le milieu
temps ils lèvent les bras. supérieur) et ils lèvent chacun une main.
Leur robe ici et comme ils sont un peu collés,
on peut imaginer qu’ils se tiennent par la taille
et là on voit les chaussures.
☞
LES EFFETS PSYCHOLOGIQUES DES MAUVAIS TRAITEMENTS… 211
☞
Planche II (TL = 8 s)
6) On dirait une tête 1) D3 (rouge du bas).
d’oiseau qui ouvre le bec. 2) C’est surtout le bec ouvert et la forme de la tête.
7) Des clowns 1) L’ensemble.
qui se tapent les mains 2) Parce qu’ils sont rouges, on a l’impression
et on a l’impression que là, c’est les bras et ils se tiennent les mains,
qu’ils tiennent main contre main (pointe médiane supérieure).
un chausson 3) En quoi ça ressemble à un chausson ?
dans leurs mains. – Le bout droit, c’est gris clair
avec une bande foncée et ça devient
un peu gris clair et foncé, un mélange quoi.
8) On dirait un petit 1) D3 (rouge du bas).
papillon en bas en rouge. 2) Avec ses ailes son corps
et ses antennes, la forme des ailes et il y a du rouge
de différentes couleurs comme sur certains papillons,
les rouges ne sont pas les mêmes.
9) Une tête 1) D2 (rouge du haut).
d’un bonhomme 2) Avec juste un œil et la cagoule
avec des joues qui est sur sa tête.
et des yeux avec
une cagoule sur la tête.
Planche IV (TL = 21 s)
☞
14) Ou une personne 1) L’ensemble.
assez gluante qui tombe 2) Les contours de son corps ne sont pas droits (montre
en cendres par terre. les irrégularités du contour de la tache). C’est un peu
tourbillon, une personne molle qui ne tient plus et qui
se laisse tomber, ça retombe comme une grosse
masse, ça fait masse gluante parce que c’est plus clair
et plus foncé, une masse étalée par terre.
3) Tu as dit qui tombe en cendres par terre, peux-tu
m’expliquer ? – C’est comme les cendres
de la cigarette, ça se laisse tomber.
15) On a l’impression 1) L’ensemble.
que c’est une personne 2) Il y a les épaules, on pourrait imaginer
qui n’a pas de bras, qu’il y a un habit autour d’elle et comme
au niveau des bras elle n’a pas de bras,
il y a comme les manches de l’habit retombent.
des manches,
ça retombe.
Planche V (TL = 5 s)
Planche VI (TL = 7 s)
☞
Planche VII (TL = 20 s)
21) ΛV Des pattes 1) L’ensemble.
d’une grenouille 2) Des pattes d’une grenouille
avec des os. avec des cuisses (3e tiers), après le genou
et les mollets, c’est les muscles et pas des os.
Planche IX
(TL = 62 s)
27) On dirait des têtes 1) D3 (brun en haut).
d’éléphants. 2) Avec la trompe et les petits yeux.
28) < On dirait un ours 1) D1 (vert latéral).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche X (TL = 15 s)
29) Là on dirait 1) D11 (gris médian en haut).
des crabes blessés 2) Avec la couleur grise, le corps est ovale,
qui essayent avec les antennes, la bouche, l’œil et de chaque côté,
de s’échapper il y a des petites pattes et des petites antennes.
et de grimper
sur quelque chose.
☞
214 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
30) Une sorte de chenille 1) D9 (rose latéral).
avec un corps 2) Avec le corps et parce que les couleurs plus foncées
un peu bombé. et plus claires ça fait qu’on a l’impression que le corps
est épais et bombé et avec l’antenne au-dessus
(extrémité en haut du D rose).
31) Des ciseaux 1) D10 (vert médian du bas).
qu’on prend 2) Là le bout des ciseaux, les manches qui partent
pour couper de chaque côté, on peut mettre les doigts
les fleurs. dans les petites fentes.
32) Là des petits bébés 1) D7 (gris brun de côté).
grenouilles qui sont morts. 2) Avec les petites antennes,
les petites pattes et le corps.
3) Tu as dit mort ? – On dirait des cadavres.
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Localisa- Détermi- Facteurs
Contenu
n° n° (mot tion nants additionnels
principal)
3 Danseuse D K+ H
5 Personnes D K+ H, Vêt
8 Papillon D FC. FY + A
11 Nœud D FY + Vêt
papillon
IV 13 Grosse G K. FD + H, Obj
personne
☞
LES EFFETS PSYCHOLOGIQUES DES MAUVAIS TRAITEMENTS… 215
☞
14 Personne G K. ClobF. H MOR
gluante TF +
18 Gueule D F+ Ad
20 Organes Dd F- Anat
VII 21 Pattes G F+ Ad
grenouille
22 Tête éléphant D F+ Ad
23 Tête chameau D F- Ad
24 Visage D F+ Hd Ban
26 Scorpion D F- Ad DV1
IX 27 Têtes D F- Ad (2)
éléphants
28 Tête ours D F+ Ad
30 Chenille D FV + A
31 Ciseaux D F- Obj.
32 Bébés D F- A MOR
grenouilles
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
■ Psychogramme
R = 32
Temps total = 23 min 30 s
T/R = 44 s
☞
F- = 7 kob = 1 (Ad) = 0
H=9
Hd = 2
FC = 2 FT = 1 (H) = 1
D = 22 CF = 1 TF = 1 (Hd) = 0
Dd = 1 C=0 T=0 Codétermina-
Dbl = 0 tions :
Ddbl = 0
K. kob
FY = 3 Abstr. = 0 K. CF. FY
FC’= 1 YF = 1 Alim. = 0 FC.FY
C’F = 3 Y=0 Anat. = 2 C’F. YF
C’= 0 Art = 0 K. FD
FV = 1 Bot. = 0 K. ClobF. TF
FClob = 0 VF = 0 Expl. = 0 FT. FC’
ClobF = 1 V=0 Feu = 0 C’F. kan
Clob = 0 FD = 1 Géo. = 0
Paires = 6 Nature = 0 Cotations
Reflets = 0 Nuage = 0 spéciales
Obj. = 3
Pays. = 0 DV1 : 2 × 1= 2
Radio = 0 FABCOM2 :
Sc. = 1 1×7=7
Sex. = 0
Sg. = 0
Vêt. = 7
G % = 28 F % = 53 A % = 50 Ban % = 19
D % = 69 F + % = 59 H % = 34
Dd % = 3 F + % élargi = 72
Dbl % = 0
Σ9H>Σ2 Phénomènes
TRI Σ 7 K/Σ 2 C Hd particuliers :
MOR = 6
■ Commentaire
Les caractéristiques principales de ce protocole riche mais perturbé sont
l’introversion et les indices de dépression, d’anxiété et d’hypervigilance. On
relève sept kinesthésies humaines qui sont toutes en bonne forme, ce qui est
très rare à cet âge, puisque la plupart des enfants sont extratensifs jusqu’à la
préadolescence (période au cours de laquelle une petite moitié d’entre eux
évolue vers l’introversion en passant par une étape intermédiaire d’ambi-
équalité). Très logiquement, cela s’accompagne d’un phénomène tout
aussi rare : le grand nombre de réponses humaines, dont neuf sont des
« H pures ». On peut y voir un indice d’hypermaturité qu’il est possible de
relier au grand nombre de réponses dont le contenu est « vêtements », ce qui
est une manifestation d’hypervigilance anxieuse. L’anxiété s’exprime égale-
ment par la présence de quatre estompages de diffusion et par quatre chocs.
Elle s’accompagne de sentiments dépressifs manifestés par quatre réponses
C’, une Clob, deux perspectives (une Vista et une FD) et six réponses morbi-
des. L’une de ces réponses, celle qui évoque à la planche IV une « personne
gluante en train de tomber en cendres » est très étrange et inquiétante. Cette
planche donne lieu au premier choc du protocole, et ouvre une succession
très rapprochée de réponses morbides. Une tradition ancienne fait de la plan-
che IV celle du « surmoi paternel » ou de l’image du père. Il serait impru-
dent d’interpréter systématiquement toutes les réponses à cette planche
d’après ce principe, comme si la signification latente était dans la planche et
non dans le psychisme du patient qui donne les réponses. Mais dans ce cas
précis, compte tenu de ce que nous savons de l’histoire de Valérie, il est très
plausible que cette réponse exprime symboliquement la représentation à la
fois dégradée et destructrice qu’elle a de son père et qui semble s’accompa-
gner d’un mélange de peur et de dégoût.
Enfin, rien dans ce protocole ne permet de rapporter les vols impulsifs à
des aspects stables et profonds du fonctionnement psychique : on n’y trouve
pas les indices classiques d’impulsivité tels que les Dbl, le type couleur « de
gauche » (c’est-à-dire plus de C et de CF que de FC) ou les kob, etc. Les
conduites kleptomaniaques sont sans doute quelque chose de relativement
circonstanciel et périphérique. On sait que de tels accès sont assez fréquents
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Protocole du TAT
Planche 1
C’est un petit écolier qui fait du violon. Il a une partition en dessous. On dirait
qu’il n’a pas très envie d’en faire. Il fixe son violon comme s’il n’avait pas
envie d’en faire. Il va pas avoir le choix, il va en faire. PSYCHOLOGUE : Pour-
quoi il n’a pas envie d’en faire ? – Il a pas l’air joyeux, il a l’air plutôt triste,
très triste.
218 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Planche 2
Il y a une femme enceinte et il y a son mari qui est en train de faire les champs.
Il y a une dame qui passe, c’est une maîtresse, elle a l’air soucieuse, elle regar-
de la dame. La dame c’est comme si elle avait un problème car elle est appuyée
sur un arbre et elle a l’air fatiguée. Elle ose pas aller la voir parce qu’il y a
l’homme. À la fin la dame elle va bien accoucher, elle était fatiguée parce que
l’homme la faisait trop travailler.
Planche 3
C’est une dame qui est appuyée sur son lit et on dirait qu’elle est blessée et
qu’elle pleure. En fait elle s’est fait frapper par son mari et elle va aller à l’hô-
pital et elle va se faire soigner et elle va quitter son mari.
Planche 4
On dirait une femme qui parle à son mari. Mais son mari ne veut pas l’écouter
alors il part, puis voilà.
Planche 6GF
On dirait une femme qui est surprise par un homme et on dirait qu’il veut lui
faire du mal et elle s’enfuit. (Très long silence, tête baissée sur la planche, puis
rire.)
Planche 7GF
On dirait une maman qui est en train de raconter une histoire à sa fille et la pe-
tite fille, elle s’en fiche un peu et puis voilà. PSYCHOLOGUE : Pourquoi la petite
fille s’en fiche un peu ? – Elle est plutôt triste alors elle veut aller jouer avec
ses amis dehors.
Planche 8GF
On dirait une femme qui est pensive, qui pense à quelque chose et on dirait
qu’elle voudrait avoir quelque chose mais elle peut pas l’avoir. PSYCHO-
LOGUE : Que voudrait-elle avoir ? – Quelque chose qu’elle regarde dehors, une
grande maison avec des enfants. À la fin, elle aura des enfants mais pas une
grande maison.
Planche 8BM
On dirait des chirurgiens qui veulent opérer le patient, alors que le patient n’est
pas endormi et il crie, crie très fort. Et le monsieur qui est là devant (person-
nage au premier plan), on dirait que c’est le chef de tout ça, qui est à l’origine
parce qu’il a un regard méchant et puis voilà. Et puis il va faire ça à plusieurs
patients et un jour il sera retrouvé par la police et lui-même il sera tué comme
il a tué des gens.
LES EFFETS PSYCHOLOGIQUES DES MAUVAIS TRAITEMENTS… 219
Planche 9GF
On dirait des femmes qui sont sur la plage et il y en a une qui espionne une
autre fille parce qu’elle est jalouse d’elle. Parce qu’elle aimerait avoir une
même vie qu’elle, donc elle l’espionne, elle essaie de faire comme elle.
Planche 10
On dirait un homme et une femme qui dansent. (Très long silence). Puis on di-
rait qu’ils sont concentrés sur la musique, alors ils ferment les yeux puis c’est
tout. PSYCHOLOGUE : Comment ça va se terminer ? – Je sais pas.
Planche 13MF
On dirait un homme qui vient de tuer sa femme et on dirait qu’il va l’abandon-
ner comme ça, il va la laisser et il va partir. Et après, il sera retrouvé dans un
autre pays et il ira en prison.
Planche 13B
On dirait un enfant qui est triste, qui est pauvre, qui a pas de chaussures et qui
fait la manche dans la rue et il rêve d’une autre vie. À la fin ça va toujours être
comme ça, parce qu’il va pas à l’école, il sait pas lire et écrire.
■ Interprétation du TAT
1. Style des relations interpersonnelles et nature du conflit
Planche 1 : petit écolier qui n’a pas envie de faire du violon.
Planche 2 : la maîtresse n’ose pas aller voir la femme enceinte parce qu’il y
a l’homme. La femme enceinte, fatiguée parce que l’homme la faisait trop
travailler. Issue positive : elle va bien accoucher.
Planche 3BM : femme battue par son mari, va aller à l’hôpital et quitter son
mari.
Planche 4 : femme qui parle à son mari qui ne veut pas l’écouter.
Planche 6GF : femme surprise par un homme qui veut lui faire du mal, elle
fuit.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche 7GF : mère qui raconte une histoire : la petite fille s’en fiche, elle est
plutôt triste et veut aller jouer avec ses amis dehors.
Planche 8GF : femme pensive. Désir de grande maison avec des enfants. Fin
mitigée : elle aura des enfants mais pas la maison. (Remarque : aucune allu-
sion à un père des enfants).
Planche 8BM : thème d’opération chirurgicale sans anesthésie qui glisse à
un thème de meurtre en série.
Planche 9GF : jalousie et espionnage d’une femme par l’autre, qui « aimerait
avoir une même vie qu’elle ».
220 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Planche 10 : couple qui danse concentré sur la musique (remarque : rien sur
la relation entre cet homme et cette femme ; pas de dénouement).
Planche 13MF : homme qui vient de tuer sa femme. Fuit mais sera retrouvé
et ira en prison.
Planche 13B : enfant triste et pauvre. Pas de dénouement.
4. Aspects formels
Valérie n’arrive pas à raconter des histoires avec une succession d’événe-
ments. Elle évoque surtout des scènes statiques sans véritable dénouement.
Elle commence presque tous ses récits de façon stéréotypée par « On
dirait ».
■ Conclusion du TAT
Le monde intérieur de Valérie est complètement envahi par des représenta-
tions anxiogènes de violence. Toutes les émotions évoquées sont négatives.
LES EFFETS PSYCHOLOGIQUES DES MAUVAIS TRAITEMENTS… 221
LES ÉTATS
DÉPRESSIFS
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
outre, souligner que les enfants dépressifs expriment très souvent des plain-
tes somatiques variées, concernant le plus souvent des maux de tête, des
douleurs abdominales, des nausées et vomissements, etc.
La tristesse peut s’exprimer sous forme verbale par des plaintes directes. Il
arrive que l’enfant se plaigne d’être seul, de ne pas être aimé ou d’être rejeté.
Mais son expression la plus fréquente est non verbale : l’enfant pleure
souvent, sans raison apparente, il est inconsolable ou très difficile à consoler.
Lorsqu’il ne pleure pas, il reste morose, on remarque l’absence de sourire ou
d’expression émotionnelle. Il arrive assez souvent que les pleurs ne s’inscri-
vent pas dans un contexte de tristesse apparente, mais semblent survenir dans
226 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
activités, à aller à l’école, à faire ses devoirs, et elle est à son minimum en fin
d’après-midi.
2 NOSOGRAPHIE
environ six mois. Lorsque les dépressions majeures se répètent avec une
certaine périodicité, on les considère comme des épisodes renvoyant à un
processus morbide unique qu’on nomme le trouble unipolaire. Lorsqu’une
ou plusieurs dépressions alternent avec un ou plusieurs épisodes maniaques
caractérisés par l’exaltation et l’hyperactivité, on parle de trouble bipolaire
(cf. p. 267).
La dysthymie ou névrose dépressive se caractérise par un état dépressif
d’intensité relativement modérée, dans lequel les symptômes dépressifs ne
sont pas assez nombreux et assez intenses pour réaliser les critères de
l’épisode dépressif « majeur », mais ils sont chroniques ou tout au moins
prolongés pendant de longues périodes qui se comptent en années plutôt
qu’en mois. Chez l’enfant, ils peuvent durer pendant une période allant
jusqu’à trois ans.
Le trouble de l’adaptation avec humeur dépressive est un état dépressif
réactionnel d’intensité modérée, consécutif à un facteur déclenchant ou un
événement grave (par exemple : départ du milieu familial, divorce des
parents, l’entrée à l’école, catastrophe naturelle, maladie physique, rupture
sentimentale, etc.). Ce syndrome dépressif comporte peu de symptômes et sa
durée est généralement brève, pas plus de six mois.
On peut en rapprocher le deuil pathologique, dont les manifestations
peuvent avoir l’intensité d’un véritable épisode dépressif majeur.
Les autres troubles dépressifs sont la conséquence directe soit d’un trou-
ble physique ou d’une maladie, soit de l’utilisation de substances psycho-
actives. Ils sont rares chez l’enfant et sont souvent associés à des anomalies
physiques ou à des maladies graves, nécessitant des hospitalisations prolon-
gées et des traitements médicaux ou chirurgicaux douloureux.
La CIM-10 fait de l’épisode dépressif un diagnostic primaire, qui doit être
porté lorsqu’un patient présente pour la première fois de sa vie un tableau
clinique dépressif d’une durée d’au moins deux semaines. Selon le nombre,
l’intensité et la nature des symptômes, on distingue quatre niveaux de
gravité : léger, moyen, sévère sans symptômes psychotiques, sévère avec
symptômes psychotiques. Dans les trois premiers troubles, les symptômes
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Symptômes
Humeur
dépressive 92 92 80 99 95
Irritabilité 83 56 71 83 82
Colère – 64 62 83* 82*
Anhédonie/ 52 6 71 90 87
Perte d’intérêt
Pessimisme – 36 42 46 69
Culpabilité 77 14 31 52 55
☞
LES ÉTATS DÉPRESSIFS 231
☞
Faible estime
de soi – 56 64 82 74
Idéation
suicidaire 44 17 22 60 61
Tentative
de suicide – – – 12 26
Concentration 52 42 67 86 87
Fatigue 79 22 64 81 81
Perte de l’appétit 37 6 47 50 52
Augmentation
de l’appétit 17 17 13 14 23
Insomnie 60 22 62 74 73
Hypersomnie 14 11 22 16 34
Agitation
psychomotrice 12 – 76 61
Ralentissement
psychomoteur 35 – 65 61 71
Plaintes
somatiques – 36 67 83 66
Retrait social – 8 53 64 73
Tableau 8.1
Caractéristiques cliniques de la dysthymie et de la dépression majeure
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
qu’on aboutit à des résultats très différents selon qu’on interroge les parents
ou les enfants eux-mêmes : le taux de prévalence estimé à partir d’entretiens
faits avec les enfants et des adolescents est trois fois plus élevé (3,5 %) que
celui auquel on aboutit quand on interroge les parents (1,1 %).
Malgré cela, l’étude suédoise d’Almqvist et de ses collègues (1999), faite
par enquête auprès des parents de 5 813 enfants âgés de 8 et 9 ans, révèle un
taux de prévalence global de 6,2 % : 4,7 % chez les filles et 7,8 % chez les
garçons. Dans l’étude épidémiologique française d’Éric Fombonne (1994)
portant sur plusieurs centaines d’enfants d’âge scolaire de la région de Char-
tres, la prévalence pour les « troubles affectifs » (anxiété plus dépression) est
232 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
4 DÉPRESSION
ET TROUBLES ASSOCIÉS
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
distinguer les fantasmes des actes réels, il croit avoir réellement attaqué et
détruit la mère. Comme la notion de destruction définitive n’a encore aucun
sens pour lui, il redoute que la mère dévorée ne se venge en lui rendant la
pareille. Cette peur du talion est le noyau de ce que Melanie Klein nomme la
position persécutive. Plus tard, l’enfant redoute d’avoir détruit la mère et de
l’avoir perdue. Cette nostalgie de l’objet perdu s’accompagne de la croyance
que l’objet a été perdu par sa propre faute. Elle est à l’origine de la culpabi-
lité. La nostalgie de l’objet perdu et la culpabilité de l’avoir perdu par sa
propre faute constituent le noyau de l’angoisse dépressive. Les formes primi-
tives de la dépression sont caractérisées par l’écrasement du moi encore très
immature par l’angoisse dépressive encore fortement mélangée à des angois-
ses persécutives. Cette dépression primordiale est selon Melanie Klein une
étape cruciale du développement de l’enfant : elle surviendrait au milieu de
la première année de la vie. Toute l’évolution ultérieure de la petite enfance
aurait pour fonction de surmonter l’angoisse dépressive au moyen de méca-
nismes de défense divers. Certains sont primitifs et inefficaces, tels que le
déni de la perte ou de son importance caractéristiques des défenses schizoï-
des ou maniaques : l’enfant tente de nier sa peur et son chagrin. Les défenses
les plus efficaces sont des mécanismes de réparation qui procèdent par annu-
lation ou surcompensation : la haine est niée et transformée en amour ;
l’enfant tente de réparer symboliquement dans ses fantasmes, ses jeux ou ses
activités les dommages infligés à l’objet d’amour. Le complexe d’Œdipe lui-
même apparaît comme une nouvelle redistribution de l’amour et de la haine
qui permet un nouveau progrès des mécanismes de réparation, notamment en
ceci que la jalousie œdipienne est adoucie par l’admiration pour le rival ou la
rivale et permet l’accès à des émotions plus complexes, plus nuancées et
mieux modulées par le moi.
Les mécanismes de réparation sont seuls capables d’assurer une perlabo-
ration efficace de la position dépressive à travers et grâce aux processus
œdipiens. L’utilisation prédominante de mécanismes de défense schizoïdes,
maniaques ou obsessionnels est responsable d’une prédisposition à la
dépression. L’enfant qui présente une telle prédisposition présente un risque
élevé de réagir par un épisode dépressif à tout événement ayant la significa-
tion d’une perte réelle ou symbolique (Klein, 1945).
Les conceptions de René Spitz sont moins élaborées, mais elles ont
l’avantage de reposer sur des observations qui suggèrent l’existence d’un
lien direct et quasiment automatique entre la perte de la mère et la dépres-
sion. Freud a fortement souligné l’état de dépendance totale du nourrisson
vis-à-vis de sa mère et en déduit que l’absence de la mère provoque un état
de détresse et de désespoir (Hilflosigkeit) (Freud, 1926, p. 98-102). Spitz a
montré dès 1945 que lorsque l’absence se prolonge, d’authentiques états
dépressifs apparaissent chez les nourrissons. Il a nommé dépression anacliti-
que cette pathologie réactionnelle à l’absence prolongée de la mère ou d’une
personne capable d’assurer des soins maternels. Le terme « anaclitique », qui
LES ÉTATS DÉPRESSIFS 235
des études sur les effets psychologiques sur les jeunes enfants de la dispari-
tion de leurs parents. Ces observations confirment très largement celles de
Spitz. Intégrant les conceptions psychanalytiques classiques, sa propre théo-
rie de l’attachement (cf. p. 12-15) et l’analyse des déformations cognitives
typiques des déprimés (cf. p. 237-239), il a passé en revue les différentes
conditions nécessaires au passage d’un état de tristesse banal caractérisé par
une humeur dépressive normale à une dépression pathologique. La tristesse
est une réaction normale à toute perte d’une relation, d’une personne aimée,
d’un lieu, d’une activité voire d’un objet aimé ou apprécié. La réaction
également normale de défense contre cette tristesse est de chercher une
compensation dans une nouvelle relation affective ou dans des satisfactions
236 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
dence, il n’enregistre que les reproches et la colère mais néglige le fait que
c’est parce qu’elle tient à lui qu’elle est si véhémente. Les enfants dépressifs
sont infiniment plus sensibles à leurs échecs qu’à leur réussite : ils se déses-
pèrent de leurs résultats scolaires faibles ou médiocres, mais ils ne tiennent
pas compte de leurs bonnes notes dans certaines matières ou de leurs succès
dans d’autres domaines (musique, sport, etc.).
L’inférence arbitraire est une erreur logique qui consiste à tirer d’un fait
une conclusion qui n’est pas plus vraisemblable que d’autres conclusions,
divergentes ou contradictoires : lorsqu’un enfant veut absolument intervenir
en classe et que la maîtresse lui demande d’attendre son tour, il interprète
238 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
6 ÉVOLUTION DE LA DÉPRESSION
7 DIAGNOSTIC ET ÉVALUATION
PSYCHOLOGIQUE DE LA DÉPRESSION
dépression n’est pas encore fait – par exemple, lorsque la consultation a pour
motif principal un trouble différent – cette échelle contribue utilement à
l’identification de symptômes dépressifs. Le parent cote des items tels que
« se plaint de se sentir seul (item 12) ; « pleure souvent » (item 14), « se
trouve bon à rien ou inférieur » (item 35) ; « trop peureux ou anxieux »
(item 50). Lorsque le diagnostic de dépression est déjà fait, elle permet de le
confirmer et d’évaluer l’intensité du risque suicidaire. En effet, la CBCL
comporte, en plus de l’échelle anxiété-dépression, trois items qui ont trait au
suicide : l’item 18 « se fait mal délibérément ou a fait des tentatives de
suicide », l’item 36 « se fait souvent mal, a tendance à avoir des accidents »
et l’item 91 « parle de se tuer ». La CBCL fournit, en outre, des informations
précieuses relatives aux troubles comorbides et aux symptômes habituelle-
ment associés à la dépression comme les plaintes somatiques ou le retrait
social, ainsi que les troubles du comportement.
1. Copyright © 1982, Maria Kovacs, 1991, 1992, 1993, sous licence exclusive, Multi-Health
Systems. USA : P.O. Box 950, North Tonawanda NY 14120-0950. Canada : 3770 Victoria Park
Avenue, Toronto ON, M2H 3M6.
LES ÉTATS DÉPRESSIFS 245
l’utiliser avec des enfants plus jeunes ou avec des enfants qui ont une maîtrise
incertaine de la lecture. Dans ces cas, le psychologue lit les items à l’enfant et
lui demande de choisir la phrase qui convient le mieux. Les 27 items permet-
tent d’évaluer l’étendue des symptômes dépressifs : troubles de l’humeur,
baisse de l’estime de soi, désespoir, problèmes dans la capacité de prendre du
plaisir, fonctions végétatives et difficultés au niveau des relations interperson-
nelles. De plus, certains items sont relatifs aux conséquences de la dépression
comme les difficultés scolaires. Chacun de ces items est composé de trois
phrases entre lesquelles l’enfant doit choisir celle qui décrit le mieux « ce
qu’il a fait, ressenti ou pensé au cours des deux dernières semaines ». Ces
trois phrases sont cotées 0, 1 ou 2 selon la présence ou l’intensité du symp-
tôme. L’addition des notes aux 27 items permet d’obtenir une note totale qui
peut varier de 0 à 54. Dans la population générale canadienne, la moyenne est
proche de 9 et l’écart type 7 (Kovacs, 1985b). La note seuil distinguant les
dépressifs des non-dépressifs est 19. En plus de cette note totale qui permet
d’évaluer l’aspect quantitatif de la dépression (intensité et fréquence des
symptômes), l’analyse factorielle a permis de dégager cinq sous-échelles qui
permettent une approche qualitative fine de la symptomatologie :
– humeur dépressive (total des notes aux items 1, 6, 8, 10, 11 et 13) ;
– problèmes interpersonnels (total des notes aux items 5, 12, 26 et 27) ;
– incompétence (total des notes aux items 3, 15, 23 et 24) ;
– anhédonie (total des notes aux items 4, 16, 17, 18, 19, 20, 21 et 22) ;
– estime de soi négative (total des notes aux items 2, 7, 9 14 et 25).
Enfin, la CDI permet de détecter l’idéation ou l’intention suicidaire. De
nombreux cliniciens ont avancé dans le passé des raisons éthiques pour utili-
ser une version incomplète de l’instrument, dans laquelle on supprime les
phrases évoquant l’idéation suicidaire. Ils redoutaient de heurter la sensibilité
des enfants en leur posant des questions trop directes. Ils craignaient égale-
ment de suggérer le suicide à des enfants qui n’y auraient pas pensé spontané-
ment. L’inconvénient majeur de cette attitude est le risque de ne pas détecter
à temps un projet suicidaire. Ce risque est faible au point de vue statistique,
mais il me paraît inacceptable de le courir. J’utilise pour ma part la version
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
complète, et je constate que cet item est très bien accepté par les enfants,
peut-être parce que je reprends systématiquement la réponse de l’enfant au
cours de l’entretien clinique qui suit immédiatement la passation de la CDI.
elles apparaissent, c’est surtout aux planches II, III et VII (un personnage qui
se regarde dans un miroir), VI (un paysage et son reflet dans l’eau dans l’eau)
et VIII (un animal et son reflet).
8 CAS CLINIQUE :
SÉBASTIEN, 12 ANS
Environ deux mois après que je l’eus examiné et alors qu’il était en
psychothérapie, Sébastien a tenté par deux fois de se suicider. Il a essayé de
se jeter dans le vide depuis le sixième étage, et c’est de justesse que son père
l’a rattrapé. Mais environ une heure plus tard, il a avalé une grande quantité
de médicaments trouvés dans la pharmacie familiale.
Les difficultés scolaires rendent nécessaire l’évaluation de l’intelligence.
La composante dépressive et suicidaire impose l’administration d’une
échelle de dépression. La compréhension générale du fonctionnement
psychologique de Sébastien rend souhaitable l’utilisation de la CBCL et des
méthodes projectives.
Résultats au WISC-III
Les notes de compétence sont moyennes, un peu faibles, ce qui est cohérent
avec les difficultés scolaires actuelles. Le niveau global de perturbation est
très élevé, en particulier en ce qui concerne les troubles intériorisés, ce qui
est imputable à la valeur exceptionnelle de la note d’anxiété-dépression.
Notons que les troubles d’externalisation atteignent un niveau franchement
pathologique, en raison de la présence de comportements agressifs et
déviants. La détresse psychologique s’accompagne donc de sérieuses diffi-
cultés interpersonnelles qui s’expriment surtout dans le registre du passage à
l’acte, mais aussi, dans une moindre mesure, sous la forme du retrait et de
l’isolement.
252 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Générale 80
Humeur dépressive 85
Problèmes interpersonnels 49
Inefficacité 64
Anhédonie 83
Estime de soi négative 72
Planche I
(TL [temps de latence]
= 2 s)
1) Une sorte d’insecte, 1) Où as-tu vu le papillon ? - Indique toute la tache.
un papillon. 2) Qu’est-ce qui fait que ça ressemble à un papillon ?
– Les ailes et le corps.
2) Deux diables qui arri- 1) L’ensemble (diables : les deux très grands détails
vent vers le même poteau, latéraux ; mains : les petites saillies médianes supé-
l’un du côté droit, l’autre rieures ; poteau : axe central).
du côté gauche, ils vont 2) En quoi cela ressemble à deux diables ? - Ils sont
poser la main sur une de couleur noire et ils ont des ailes, il y a une sorte
bosse, on dirait de colonne au milieu (axe central),
qu’ils ont des ailes. ils posent leur main dessus.
Planche II (TL = 7 s)
3) Des éléphants qui se 1) L’ensemble (éléphants : les deux parties latérales
battent avec leur trompe, noires ; les pattes : saillies des bords inférieurs ; sang :
il y a du sang partout, le rouge haut et bas).
sang gicle partout, c’est 2) Tu as dit ils ont en partout sur eux, à quoi tu le
rouge et ça dégouline sur vois ? – Oui ici des taches de sang sur leur peau.
leur corps, ils en ont par- 3) En quoi ça ressemble à une peau ? – On sent que
tout sur eux. c’est une peau avec ces couleurs différentes
☞
LES ÉTATS DÉPRESSIFS 253
Planche IV (TL = 8 s)
7) On voit un homme 1) L’ensemble.
du bas, on voit des pieds, 2) C’est un homme vu du bas, comme
une tête, plus ça monte si on le voyait d’en bas, il a deux petits bras
plus ça se rétrécit. assez ramollis, des gros pieds.
8) Peut-être un arbre 1) L’ensemble.
avec des branches 2) On voit le tronc (partie médiane inférieure),
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche V (TL = 4 s)
9) Une chauve-souris 1) L’ensemble.
qui a déplié ses ailes 2) Elle a deux antennes, des ailes,
et qui a dû prendre deux pattes identiques et elle vole.
son envol.
☞
254 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
10) Peut-être une statue 1) L’ensemble.
d’animal. 2) L’animal est en pierre, il a la forme d’un aigle.
Planche VI (TL = 7 s)
☞
Planche VIII (TL = 3 s)
Planche IX (TL = 10 s)
Planche X (TL = 5 s)
☞
et des pétards qui
explosent en faisant
des feux d’artifices.
25) < Peut-être à une île 1) L’ensemble (île : rose latéral ; arbre : bleu latéral ;
avec un arbre floral, on verdure : vert latéral en haut).
dirait de la verdure et 2) En quoi ça ressemble à une île avec un arbre flo-
l’eau commence à mon- ral ? – On voit bien que c’est une île avec un arbre
ter, on voit l’île qui se avec plein de fleurs de couleur bleue, et là c’est de
reflète dans l’eau. l’eau et on voit le reflet (il me demande de tracer un
trait qui divise la tache en deux parties et indique le
blanc de la planche pour l’engramme eau).
3) Tu as dit l’eau qui commence à monter ?
– Oui ça monte progressivement, l’eau monte petit
à petit et va recouvrir ça (indique les détails
non interprétés de la planche).
4) En quoi ça ressemble à de l’eau ?
– C’est de couleur blanche.
5) Et la verdure ? – À la couleur.
26) Une sorte de soleil à 1) Soleil (orange latéral en bas), nuages
moitié disparu dans les (blanc de la planche).
nuages blancs. 2) En quoi cela ressemble à un soleil ? – Parce que
c’est orange comme le coucher du soleil, il est caché
par les nuages. 3) Et les nuages ? – La couleur
blanche des nuages.
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Locali- Facteurs
Déterminants Contenu
n° n° (mot sation additionnels
principal)
I 1 Papillon G F+ A Ban
4 Papillon G FC. FY + A
IV 7 Homme G FD + H Ban
☞
10 Statue G F+ Art
VI 11 Sapin G F+ Bot
16 Puzzle G F- Obj.
19 Vase G F+ Obj
20 Masque G F- Masque
21 Tête chien G F- Ad
23 Éléphant G K+ A DV1
■ Psychogramme
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
R = 26
Temps total = 16 min15 s
T/R = 37 s
258 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
G % = 88 F % = 27 A % = 38 Ban % = 11
D%=0 F + % = 57 H%=4
Dd % = 0 F + % élargi = 69 Phénomènes
particuliers :
Dbl % = 0 ΣH1>Σ0 MOR = 5
Hd AG = 1
DDbl % = 1 TRI Σ 2 K/Σ 9 C
Form. cpl. Σ 13 k/Σ 18 (E + C’) Σ9A>Σ1
Ad
RC % = 35
Type couleur : Σ 7 C + CF Chocs à :
> Σ 2 FC Indice VII et IX
d’anxiété
somatique
EA de Beck = 11 =7%
es = 31
Indice d’égocentrisme = 58 % Indice
d’isolement
social = 31 %
LES ÉTATS DÉPRESSIFS 259
■ Commentaire
D’une manière globale, le protocole de Sébastien met en évidence la gravité
de la pathologie, il montre des signes de perturbation si nombreux et si
massifs qu’il serait purement académique de tous les relever et les commen-
ter. L’essentiel est que la pathologie affecte le fonctionnement psychique
dans son ensemble. C’est un enfant qui est en proie à des affects dépressifs
intenses (9 réponses C’, 5 réponses MOR, c’est-à-dire morbides), avec une
composante anxieuse également très importante (chocs aux planches VII
et IX, 5 estompages de diffusion et deux mouvements passifs d’objet que
nous cotons m selon la cotation de Klopfer), associés à l’auto-dévalorisation
(5 réponses de perspective Vista ou FD). On relève également des indices qui
nous montrent la faiblesse du moi de cet enfant : manque de contrôle des
affects et impulsivité (TRI extratensif dilaté, type couleur de gauche,
présence de deux réponses couleur pure, 5 réponses qui intègrent l’espace
blanc et 7 réponses kob ; la somme des petites kinesthésies, des C’et des
estompages atteint une valeur que je n’avais jamais rencontrée jusqu’ici). La
présence d’un nombre exceptionnel de reflets témoigne de l’importance de
l’égocentrisme et des problèmes narcissiques de cet enfant. Dans un proto-
cole d’une telle richesse, il est étonnant qu’il n’y ait qu’une seule réponse
humaine entière, ce qui, associé à l’indice d’isolement social élevé, confirme
la fragilité de l’investissement objectal et montre que les difficultés interper-
sonnelles ont des racines profondes. Enfin, ce protocole comporte un nombre
vraiment extraordinaire de réponses codéterminées, dont certaines compor-
tent jusqu’à cinq déterminants simultanés. Cela témoigne d’une complexité
et d’une profondeur psychologique inhabituelles chez un enfant. Mais la
nature des associations entre déterminants montre le caractère tourmenté de
cette richesse et de cette complexité psychologique : douze sur treize sont
typiquement suicidaires (association d’estompage et de couleur, mais aussi
de couleurs et de valeurs achromatiques, d’estompages et de valeurs achro-
matiques et de différentes variétés d’estompage entre eux). Le risque suici-
daire est réel et sans doute imminent : on est dans une situation d’urgence
thérapeutique.
C’est pourquoi nous avons interrompu aussitôt l’investigation psychologi-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
HYPOMANIE,
MANIE,
TROUBLES BIPOLAIRES
ET CYCLOTHYMIE
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
Cependant l’aliéniste français Moreau de Tours avait décrit dès 1888 des cas
de manie infantile survenant dès l’âge de 7 ans. Kraepelin croyait la manie
très rare chez les enfants prépubères, mais il ne la niait pas : sur les
900 patients maniaques qu’il avait étudiés, il en relève quatre chez lesquels
la manie a débuté avant l’âge de 10 ans. En 1928, le psychiatre allemand
Rümke décrivait un syndrome infantile qu’il nommait manie fantastique
infantile (mania phantastica infantilis). De nombreuses observations clini-
ques ont confirmé l’existence de ce trouble.
C’est donc essentiellement dans la psychiatrie anglo-saxonne que la
manie infantile a été ignorée ou négligée jusqu’à une période récente. Des
études épidémiologiques assez récentes (Anderson et coll., 1987 ; Mc Gee et
coll., 1990 ; Reinherz et coll., 1993) et même l’étude québécoise de Breton
et de ses collègues (1999) ne font aucune mention des troubles maniaques
chez l’enfant ni même chez l’adolescent. Cela renforce l’idée erronée que le
trouble est très rare et qu’il ne peut pas se manifester avant le début de
l’adolescence.
Comment expliquer cette méconnaissance ? La manie infantile est diffi-
cile à diagnostiquer en raison de la difficulté de différencier les symptômes
maniaques des symptômes d’autres troubles plus familiers aux cliniciens,
tels que les troubles de la conduite, les comportements agressifs, et même la
névrose traumatique (Biederman et coll., 2000). Mais c’est surtout avec
l’hyperactivité infantile que le risque de confusion est le plus grand. En effet,
plusieurs symptômes sont communs aux deux tableaux cliniques (Bowring
et Kovacs, 1992). De plus, il est fréquent de constater une authentique
comorbidité entre ces deux troubles, les critères de chacun d’eux se trouvant
réalisés simultanément. C’est en tout cas ce que soutient l’un des chercheurs
les plus actifs dans ce domaine, Joseph Biederman (1998), qui affirme qu’en
pareil cas, la manie, plus rare, est masquée aux cliniciens par l’hyperactivité
qu’ils sont plus habitués à diagnostiquer.
La frontière entre la manie et l’hypomanie est difficile à fixer. Elle varie
selon les auteurs et les classifications. Une des meilleures descriptions de la
manie infantile se trouve dans un ouvrage déjà ancien de Michel Dugas et
Marie-Christine Mouren (1980) dans lequel ce tableau clinique est attribué à
l’hypomanie. Se fondant sur l’inventaire des caractéristiques cliniques de
neuf enfants, ces deux auteurs ont regroupé les manifestations observables
en quatre domaines principaux. Nous adhérons à cette analyse qualitative du
tableau maniaque, et nous lui emprunterons donc une bonne partie de notre
présentation de la sémiologie maniaque infantile.
• Le premier groupe de symptômes est constitué par des troubles de l’activité
qui comprennent en premier lieu l’instabilité motrice qui est intense et
improductive ; il s’agit d’« une véritable fuite dans les actes ». À cette insta-
bilité motrice s’ajoutent un comportement ludique et une exagération de la
mimique qui est « labile, grimacière et moqueuse ».
HYPOMANIE, MANIE, TROUBLES BIPOLAIRES ET CYCLOTHYMIE 265
1.1 L’hypomanie
L’hypomanie n’est qu’une forme atténuée de la manie et tous les degrés
intermédiaires existent entre ces deux diagnostics. Parce qu’on a souvent cru
que la manie proprement dite n’existait pas chez l’enfant, on a longtemps
266 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
utilisé le terme hypomanie pour désigner tous les tableaux cliniques thymi-
ques marqués par l’exaltation, y compris ceux qu’on considérerait
aujourd’hui comme franchement maniaques.
Les différences sont surtout quantitatives : la durée de l’épisode mania-
que doit être d’une semaine selon le DSM-IV, mais il suffit de quatre jours
pour porter le diagnostic d’état hypomaniaque. La liste des symptômes
retenus comme critères diagnostiques est la même et le nombre de symptô-
mes nécessaires pour porter les deux diagnostics est le même. Mais le
diagnostic de l’état maniaque nécessite soit qu’on observe « une altération
marquée du fonctionnement professionnel, des activités sociales ou des
relations interpersonnelles » du fait de la perturbation de l’humeur, soit que
l’hospitalisation soit nécessaire afin de prévenir les conséquences domma-
geables pour le sujet ou pour autrui, soit qu’il existe des caractéristiques
psychotiques, c’est-à-dire des idées délirantes de grandeur ou des halluci-
nations. On porte le diagnostic d’hypomanie lorsqu’aucune de ces condi-
tions n’est réalisée. La CIM-10 présente les choses de façon peu
différente : elle fait de l’hypomanie une des formes cliniques de l’épisode
maniaque, avec des critères de durée et de retentissement sur l’adaptation
générale très proches de ceux du DSM-IV. Quand il s’agit d’enfants, on
parlera donc d’hypomanie lorsqu’il n’y a pas d’altération marquée du fonc-
tionnement scolaire ou de la vie sociale, lorsque l’hospitalisation n’est pas
indispensable et lorsque le tableau clinique ne comporte pas de symptômes
d’allure psychotique.
2 NOSOGRAPHIE
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
4 LA MANIE, L’HYPOMANIE
ET LES TROUBLES ASSOCIÉS
Stephen Faraone et ses collaborateurs (1997) ont trouvé un taux très élevé
de comorbidité entre la manie et l’hyperactivité. Cette étude comprend
68 enfants et 42 adolescents avec un diagnostic de manie. Chez les enfants,
la comorbidité avec l’hyperactivité est de 93 % ; chez les adolescents dont la
manie a débuté dans l’enfance, elle est de 88 % ; chez les adolescents dont la
manie a débuté à l’adolescence, elle est de 59 %. La présence d’hyperactivité
comorbide avec la manie chez un adolescent maniaque peut donc être un
indice révélant un début très précoce des troubles bipolaires.
D’autres études ont montré la fréquence de l’association de la manie
infantile et des troubles de la conduite. Kovacs et Pollock (1995) ont trouvé
un taux de 69 % de troubles de la conduite chez les enfants maniaques qu’ils
ont étudiés. Certains de ces enfants présentaient des comportements de
passage à l’acte graves incluant des cambriolages, vols, vandalismes et des
antécédents de suspension scolaire. Biederman et son équipe (1999) ont
consacré une étude au chevauchement de la manie et des troubles de la
conduite dans une population de 192 enfants dont la moyenne d’âge était
d’environ 11 ans. 76 d’entre eux (40 %) remplissaient à la fois les critères de
la manie et les critères des troubles de la conduite. L’anamnèse montre que la
manie avait précédé les troubles de la conduite dans 41 % des cas et que les
troubles de la conduite avaient précédé la manie dans 25 % des cas. Enfin,
dans 34 % des cas, les deux troubles étaient apparus simultanément. Les
auteurs estiment qu’il ne faut pas en conclure que les symptômes du trouble
apparu en second lieu ne sont que la conséquence du trouble apparu en
premier : ils affirment au contraire qu’on a affaire à un véritable phénomène
de comorbidité, c’est-à-dire que deux troubles distincts et indépendants sont
simultanément présents.
Dans cette même étude, les auteurs se sont intéressés à l’association de la
manie et du trouble oppositionnel : elle est de l’ordre de 77 % sur l’ensemble
des enfants maniaques étudiés. Mais lorsqu’on examine seulement les
enfants chez lesquels la manie est associée aux troubles de la conduite, on
constate que la fréquence du trouble oppositionnel s’élève à 99 % dans ce
sous-groupe qui cumule donc trois diagnostics comorbides : manie, trouble
de la conduite et trouble oppositionnel.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Bien que ce ne soit pas l’objectif principal de leur étude, Biederman et ses
collègues relèvent la grande fréquence de la comorbidité de la manie avec la
dépression majeure. Le taux de comorbidité est de 81 % lorsque la manie
n’est pas accompagnée de troubles de la conduite, il s’élève à 91 % chez les
enfants présentant à la fois manie et troubles de la conduite. En ce qui
concerne l’histoire des troubles, la dépression majeure avait précédé la
manie dans environ 35 % des cas, la manie avait précédé la dépression dans
environ 40 % des cas et les deux troubles avaient débuté simultanément dans
environ 25 % des cas. La présence ou l’absence de troubles de la conduite
comorbides avec la manie ne semble pas avoir beaucoup d’influence sur
l’ordre d’apparition des troubles.
270 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
6 ÉVOLUTION DE LA MANIE
7 DIAGNOSTIC
ET ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE
Le profil des enfants maniaques est très anormal. En particulier, les notes
standard sont particulièrement élevées aux échelles syndromiques de
comportement agressif, de comportement déviant et de troubles de la
pensée. Par exemple, dans l’étude de Biederman et ses collègues (1998), la
comparaison de la CBCL des enfants maniaques et des enfants hyperactifs
montre que les enfants maniaques sont beaucoup plus nombreux que les
hyperactifs à avoir des notes standard supérieures à 70 : environ les trois
quarts des maniaques contre seulement un quart des hyperactifs pour
l’échelle « comportement agressif » ; environ 65 % des maniaques contre
20 % des hyperactifs pour l’échelle « anxiété/dépression » ; plus de 60 %
des maniaques contre un peu plus de 40 % des hyperactifs, alors même que
la notion de « déficit de l’attention » figure dans la dénomination complète
de l’hyperactivité ! On peut dire la même chose de la plupart des échelles
de la CBCL.
HYPOMANIE, MANIE, TROUBLES BIPOLAIRES ET CYCLOTHYMIE 275
Il n’existe pas d’études cliniques sur les caractéristiques des réponses des
enfants maniaques ou hypomaniaques au test de Rorschach. Mais on
dispose, en psychopathologie de l’adulte, d’un ensemble de travaux qui
soulignent l’importance et l’intensité des troubles de la pensée chez les
maniaques et la prépondérance des mécanismes combinatoires dans ces trou-
bles. Par troubles de la pensée, on entend des anomalies des associations
d’idées du type de celles qu’on a longtemps crues typiques des schizophrè-
nes et qu’on nomme troubles de la pensée formelle (terme employé par les
Anglo-Saxons) ou troubles du cours de la pensée. Il faut souligner, avant
d’aller plus loin, que ces troubles ne sont pas de nature déficitaire. Le sujet
qui en est atteint conserve toutes ses capacités d’opérations logiques, mais il
organise les contenus de façon bizarre ou incongrue qui viole les règles
implicitement admises concernant l’ordre ou la continuité de la pensée.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
même planche. Mais les sujets normaux ne se sentent pas tenus de mettre
ces deux choses en rapport simplement parce qu’elles se touchent sur la
planche : ils donnent deux réponses distinctes, sans chercher à établir de
rapport entre elles. Mais les sujets très impulsifs ou très fantaisistes se
sentiront poussés à mettre ces deux choses en relation simplement parce
que les deux détails sont contigus, sans tenir compte de l’absurdité ou de
l’invraisemblance.
Ces résultats obtenus sur des patients adultes sont-ils applicables aux
enfants maniaques ou hypomaniaques ? En l’absence d’études quantitatives,
on ne peut l’affirmer catégoriquement, mais tout semble l’indiquer. L’étude
du protocole de Julien, que j’ai déjà utilisé (Petot, 1999c) pour mettre en
évidence la possibilité de trouver des manifestations de troubles du cours de
la pensée chez l’enfant, nous en fournira un exemple.
On ne dispose d’aucune étude sur les récits inventés au TAT par des patients
maniaques, qu’ils soient adultes, adolescents ou enfants. C’est sans doute
parce qu’il est pratiquement impossible pour ces patients de se concentrer
sur la tâche plus de quelques instants : la caractéristique la plus typique des
protocoles maniaques, c’est d’être interrompus après quelques planches.
Mais la plupart des cliniciens qui ont eu l’occasion de commencer la passa-
tion du TAT ou du CAT avec des enfants maniaques n’ont pu manquer de
retrouver dans leurs histoires d’autres caractéristiques typiques telles que la
difficulté à se concentrer, la tendance à raconter des histoires extravagantes
n’ayant qu’un rapport lointain avec les images qui leur sont présentées, et
dont les thèmes sont marqués par les idées de grandeur, les associations
d’idées fondées sur l’assonance et la consonance des mots, les jeux de mots
et calembours, etc.
Julien est en cours moyen deuxième année (CM2), ce qui est normal pour
son âge. Sa mère le conduit à la consultation psychiatrique en raison d’une
perturbation grave de son comportement. J’avais déjà examiné Julien quand
il avait 8 ans. À cette époque, il nous avait été adressé à la suggestion de son
institutrice en raison d’une agitation excessive et de difficultés d’apprentis-
sage. Nous avions porté le diagnostic d’hyperactivité avec trouble de l’atten-
tion et nous l’avions nous-même adressé à un psychiatre qui l’avait suivi en
psychothérapie pendant dix-huit mois.
278 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
une corde à sauter… Sans aucune transition, il déclare ensuite qu’il y a une
sorcière qui l’oblige à faire l’amour avec lui, etc.
Résultats au WISC-R
Générale 69
Humeur dépressive 64
Problèmes interpersonnels 99
Inefficacité 59
Anhédonie 59
Estime de soi négative 56
Julien obtient une note générale qui correspond à un état dépressif d’inten-
sité moyenne. L’élévation extraordinaire des problèmes interpersonnels est
plus explicable par la manie que par la dépression. Mais l’humeur dépressive
est bien présente, même si elle est modérée, ainsi que l’anhédonie. On a donc
affaire à une « manie pédiatrique », c’est-à-dire à un état maniaque mixte.
☞
Planche II (TL = 4 s)
Planche IV (TL = 3 s)
Planche V (TL = 1 s)
9) Pareil 1) L’ensemble.
une chauve-souris, 2) Elle est noire, les chauves-souris, c’est noir,
ça c’est une chauve- elle a une tête, des jambes et des ailes.
souris, ça ressemble
exactement.
10) Sinon un homme 1) L’ensemble.
qui s’est fait fabriquer 2) Il vole par-dessus les toits, C’est un méchant.
des ailes volantes et qui 3) Tu as dit méchant… ? – Il est tout noir et il vole
vole par-dessus les toits, par-dessus les toits, c’est monsieur le plus fort.
c’est le plus fort.
☞
HYPOMANIE, MANIE, TROUBLES BIPOLAIRES ET CYCLOTHYMIE 283
☞
Planche VI (TL = 5 s)
Planche IX (TL = 7 s)
☞
on dirait un cochon tué 2) C’est un cochon avec des oreilles (brun orange
à qui on a enlevé la tête, en haut) on lui a enlevé la tête, il est fait de feuilles
on a enlevé le ventre et, (détails verts latéraux) et de rosbif (détail rose).
à la place du ventre 3) En quoi cela ressemble à des feuilles ? – C’est
on a mis des feuilles, des feuilles ici, une forme de feuilles. 4) En quoi cela
à la place des pieds ressemble à un rosbif ? – Forme de rosbif qu’on a mis
on a mis un rosbif. à la place des pieds.
Planche X (TL = 9 s)
19) ΛV Un monsieur fait 1) Tête : vert latéral en bas ; jambe : détail gris
de scorpions et de vers en haut ; bras : détails bleus latéraux ; corps (détails
de terre et de jambes roses latéraux). 2) Sa tête faite de vers de terre,
de bois, c’est monsieur il n’a pas d’autres jambes, il a une seule jambe,
le vampire des ténèbres. ses bras faits de scorpions et son corps. C’est le plus
gigantesque et le plus méchant des vampires avec
ses amis les scorpions et les vers de terre, les mygales,
il mange les vers de terre et des petits thons.
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Localisa- Détermi- Facteurs
Contenu
n° n° (mot tion nants additionnels
principal)
2 Papillon G F+ A PSV
5 Chauve-souris G F- A
IV 7 Chauve-souris G F+ A
VI 11 Chat G F- A DV1
☞
HYPOMANIE, MANIE, TROUBLES BIPOLAIRES ET CYCLOTHYMIE 285
☞
12 Débile fou G K- H DR1
14 Arche G F+ Sc
■ Psychogramme
R = 19
Temps total = 9 min 30 s
T/R = 30 s
Ddbl = 0 spéciales :
FY = 0 Abstr. = 0 DV1 = 4 x 1
=4
FC’= 1 YF = 0 Alim. = 0 INCOM1
=1x2=2
☞
Expl. = 0 FABCOM1
FClob = 1 VF = 0 =1x4=4
Feu = 0 FABCOM2
ClobF = 0 V=0 = 2 x 7 = 14
Géo. = 0 CONTAM
Clob = 0 FD = 0 =1x7=7
Obj. = 0 Somme brute
= 16
Paires = 2 Nature = 0 Somme
pondérée
= 59
Reflets = 0 Nuage = 1
Pays. = 0
Radio = 0
Sc. = 3
Sex. = 0
Sg. = 0
Vêt. = 1
G % = 79 F % = 58 A % = 63 Ban % = 16
D%=5 F + % = 45 H%=5
Dd % = 16 F + % élargi = 47
Dbl % = 0 Σ1H>Σ0 Phénomènes
Hd particuliers :
TRI Σ 4 K/Σ 0 C K- = 3
Form. cpl. Σ 2 k/Σ 1,5 (E + C’) Σ 11 A > Σ 1
Ad Chocs à : III,
IX, X
RC % = 26
Type couleur : Σ 0 C + CF = Σ 0 Indice
FC d’isolement
social = 16 %
EA de Beck = 4
es = 3,5
Indice d’égocentrisme = 10 %
■ Commentaire
Alors que le niveau intellectuel évalué au moyen du WISC-R est normal, le
fonctionnement effectif est très perturbé dans la situation du test de
Rorschach, qui comporte des enjeux affectifs et relationnels (F + % et F + %
élargi tous deux très bas, deux kinesthésies humaines de mauvaise qualité
formelle). De plus, on a un grand nombre de cotations spéciales révélant des
troubles du cours de la pensée relevant du processus combinatoire, typique-
ment maniaque : combinaisons incongrues (INCOM), combinaisons fabu-
lées (FABCOM), une contamination et les réponses déviantes. La pensée est
gravement et profondément perturbée.
HYPOMANIE, MANIE, TROUBLES BIPOLAIRES ET CYCLOTHYMIE 287
Protocole du TAT
Planche 1
Il pense qu’il joue du violon, un instrument à cordes qui grince doucement les
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
cordes et ses bruits embruyant et Mme Petot elle pense que c’est un très beau
instrument, il aimerait bien jouer du violon mais il ne sait pas en faire.
Planche 2
Elle regarde quelqu’un dans les yeux et elle est amoureuse en tenant un livre
dans les mains ! C’est un livre d’amour, elle le donne au garçon.
Planche 3
C’est un pauvre garçon qui est triste, qui a pas à manger, avec des messieurs
violents qui lui tapent dessus pour qu’il travaille comme au bagne. Il porte des
brouettes comme dans les mines, ils le fouettent jusqu’à temps qu’il finisse
288 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
ses chaussettes. Ses parents, ils vont aller en prison parce qu’ils n’ont pas le
droit de faire ça.
Planche 13MF
Il met les trucs sur les bras, ses bras sur sa tête et ses yeux et essuie ses larmes,
c’est un homme qui pleure, sa femme est morte, elle va ressusciter en pétant.
(Julien chante tout en racontant l’histoire.)
Planche 19
Une maison, un fantôme dans la forêt qui se cache et la maison dégringole.
(Chante.)
■ Interprétation du TAT
1. Style des relations interpersonnelles et nature du conflit
Planche 1 : sortie de la tâche : mise en relation arbitraire du héros imaginaire
du récit avec la psychologue.
Planche 2 : relation amoureuse sans grand rapport avec ce qui est représenté
sur la planche.
Planche 3BM : tristesse, violence, travaux forcés.
Planche 4 : danger, fuite devant un agresseur, relation amoureuse.
Planche 5 : danger, se cacher d’un agresseur menaçant de mort.
Planche 6BM : problèmes d’argent. Dénouement heureux plaqué, mais sans
plus de précisions. Relation entre les personnages non précisée.
Planche 7BM : révélation à un enfant d’un secret concernant de l’or et des
diamants.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
■ Conclusion
Ce protocole ne contient pas de thèmes apportant ou confirmant des informa-
tions biographiques. En ce qui concerne les aspects formels, on relèvera en
plus du fait que Julien chante ou éclate de rire très souvent, la présence du
néologisme « embruyant » (planche 1), les expressions vulgaires (« tantou-
ses ») ou scatologiques, le tout étant caractéristique de l’idéation maniaque.
Le protocole du TAT confirme les informations données par le test de
Rorschach, en y ajoutant quelques nuances supplémentaires : une dimension
persécutive dans les relations interpersonnelles, des thèmes de trésor et de
richesses extraordinaires et surtout cette étonnante illustration du mécanisme
de la défense maniaque.
L’HYPERACTIVITÉ
AVEC DÉFICIT
DE L’ATTENTION
OU L’HYPERKINÉSIE
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
font mal ce qu’on leur demande, cassent ou abîment les objets, se coupent ou
se couvrent de bleus. On se doute que cela irrite et épuise leur entourage, qui
ne leur ménage pas les remontrances, mises en gardes, avertissements et
punitions. Les autres enfants sont souvent moins tolérants, et les rejettent
franchement, parfois même avec hostilité. Même si les enfants hyperactifs
semblent – et sont en partie – peu sensibles aux sanctions, cela ne peut
manquer de les affecter à la longue.
2 NOSOGRAPHIE
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
4 HYPERACTIVITÉ
ET TROUBLES ASSOCIÉS
relativement faible.
Enfin, l’association avec les troubles des apprentissages (dyslexie, dysor-
thographie et dyscalculie) varie de 6 % à 92 %. Ces troubles ont souvent
pour conséquence l’échec scolaire. Du fait de cette association entre l’hyper-
activité et les troubles des apprentissages, on a pensé naguère que les enfants
hyperactifs souffraient de déficit intellectuel. Cette thèse était cohérente avec
le dogme de la nature organique du « trouble cérébral mineur ». Mais toutes
les études ayant utilisé différentes batteries d’évaluation de l’intelligence
(Stanford-Binet, WISC-R ou K-ABC) montrent peu de différences entre les
enfants hyperactifs et les enfants témoins. Le quotient intellectuel moyen des
groupes cliniques d’enfants hyperactifs étudiés dans la littérature spécialisée
300 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
n’a été évoquée ni par Freud, ni par Melanie Klein, ni par Anna Freud. Mais
plusieurs hypothèses psychanalytiques relatives à l’hyperactivité ont été
avancées en France à l’occasion d’un colloque organisé par le regretté Jean
Ménéchal (Ménéchal, 2001).
La théorie du lien avancée par Ménéchal lui-même (2001) me semble
particulièrement éclairante et prometteuse. Cet auteur part du double constat
suivant : les enfants hyperactifs sont généralement insupportables pour les
adultes et pour les autres enfants, mais les recherches cliniques actuelles
comme les définitions officielles du trouble ne tiennent pas compte de ce fait.
Ménéchal estime, au contraire, que cette dimension intersubjective est un des
aspects essentiels de la sémiologie de l’hyperactivité, qui est une pathologie
302 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
6 ÉVOLUTION DE L’HYPERACTIVITÉ
Les tableaux cliniques purement hyperactifs sont rares, et il est encore plus
rare qu’ils se maintiennent durablement. Dans les cas les plus nombreux, où
l’hyperactivité est associée à d’autres troubles, ces derniers passent progres-
sivement au premier plan tandis que l’hyperactivité devient un élément
souvent secondaire du tableau clinique. Dans les cas beaucoup plus rares où
l’hyperactivité est seule, elle cède progressivement la place au trouble de la
conduite ou au trouble oppositionnel. La revue synthétique établie par
Biederman (1998) montre que les enfants hyperactifs présentent un risque
élevé de développer d’autres troubles psychopathologiques au cours de
l’adolescence et de l’âge adulte. Ces troubles incluent aussi bien les troubles
d’extériorisation, comme les troubles du comportement ou la toxicomanie,
que les troubles d’internalisation comme l’anxiété, la dépression ou les trou-
bles bipolaires.
L’étude rétrospective de Winokur et de ses collègues (1993) a établi l’exis-
tence d’antécédents d’hyperactivité infantile chez plus de 20 % des adultes
souffrant de troubles bipolaires. West et son équipe (1995), qui ont étudié
quatorze adolescents souffrant de troubles bipolaires, indiquent que ces trou-
bles avaient été précédés, environ six ans auparavant, par des manifestations
d’hyperactivité chez huit des patients (57 %) et que ces huit adolescents
L’HYPERACTIVITÉ AVEC DÉFICIT DE L’ATTENTION OU L’HYPERKINÉSIE 305
7 DIAGNOSTIC
ET ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE
1. © MHS 1997, 2000, 2001. Multi-Health Systems Inc. États-Unis : P.O. Box 950, North
Tonawanda, North Tonawanda NY 14120-0950. Canada : 3770 Victoria Park Avenue, Toronto
ON, M2H 3M6.
L’HYPERACTIVITÉ AVEC DÉFICIT DE L’ATTENTION OU L’HYPERKINÉSIE 309
ques C’) ;
– le nombre de réponses à déterminants multiples (Blends) ;
– les réponses tridimensionnelles déterminées par les caractéristiques
formelles (FD) ;
– les réponses à contenu morbide (MOR) ;
– les réponses dans l’espace blanc (Dbl) et tout particulièrement des répon-
ses en mauvaise forme localisées dans les détails blancs ;
– les réponses organisées (Zf) ;
– l’indice de dépression (DEPI).
312 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Je n’ai pas trouvé de différence entre les deux groupes en ce qui concerne
certaines variables importantes : le nombre de réponses, les kinesthésies
humaines (K et kp), la « formule affective » (Afr, équivalent du RC %), le
nombre des réponses humaines entières (H) et l’indice de trouble de l’adap-
tation (Coping Deficit Index, CDI).
8 CAS CLINIQUE :
SAMUEL, 6 ANS ET 4 MOIS
Samuel est en cours préparatoire. Il ne travaille pas et n’a fait aucune acqui-
sition depuis le début de l’année scolaire. De plus, il est très agité et dérange
ses camarades. L’institutrice et la directrice ont envisagé de l’orienter vers
une classe d’adaptation (classe spéciale pour les enfants qui présentent des
difficultés scolaires importantes). Les parents de Samuel, qui sont tous deux
professeurs de l’enseignement secondaire, sont très surpris par cette déci-
sion. Ils pensent que leur enfant « n’a pas de retard mental ». Ils reconnais-
sent cependant que les problèmes scolaires et comportementaux de Samuel
ont commencé dès l’école maternelle. Cela fait deux ou trois ans qu’il est
agité et distrait, qu’il frappe ses camarades de classe, les barbouille avec de
la peinture ou les mord. De l’aveu même de ses parents, il est très impulsif et
imprévisible. Il se met souvent dans des situations dangereuses (grimpe sur
les rebords des fenêtres, traverse la rue sans faire attention aux voitures,
desserre le frein à main de la voiture de son père, etc.). La moindre contra-
riété ou frustration provoque chez Samuel des grandes crises de colère
paroxystiques : il se roule par terre en hurlant puis devient totalement muti-
que pendant une heure ou deux. Il présente depuis l’âge de 4 ans une énuré-
sie secondaire (diurne et nocturne), alors que la propreté avait été acquise à
l’âge de 3 ans. L’énurésie est apparue peu après la naissance de sa petite
L’HYPERACTIVITÉ AVEC DÉFICIT DE L’ATTENTION OU L’HYPERKINÉSIE 313
sœur. Samuel porte des couches, ce qui lui vaut des moqueries de la part de
ses camarades. L’examen psychologique s’est bien déroulé malgré l’agita-
tion, le manque d’attention et un bégaiement assez accentué. On notera que
Samuel répétait souvent « je suis nase » (c’est-à-dire « nul ») ou « j’y arrive-
rai jamais ».
Résultats au WISC-R
■ Commentaire
Le niveau intellectuel est globalement supérieur à la moyenne. Les parents
de Samuel ont donc raison d’exclure le « retard mental ». Cependant, sans
que cela soit vraiment pathologique, on note un écart très important entre les
aptitudes verbales, qui sont légèrement inférieures à la moyenne, et les apti-
tudes non verbales, logiques et spatiales, qui sont très élevées. Samuel se
situe dans les 2 % supérieurs des enfants de son âge en ce qui concerne
l’arrangement d’images et les cubes de Kohs. Son niveau est à peine moins
bon aux subtests assemblage d’objets et code, et il a 14 au subtest compré-
hension, qui reflète l’intelligence sociale plus que des aptitudes liées directe-
314 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
ment au maniement du langage. Les résultats les plus bas sont obtenus aux
subtests liés aux acquisitions familiales et scolaires qui transitent par le
langage : information et vocabulaire. Le seul point un peu inquiétant est la
note relativement basse (bien que restant dans les limites de la normale) au
subtest similitudes qui évalue l’intelligence catégorielle, c’est-à-dire la capa-
cité à former des concepts et à les mettre en relations logiques.
Le plus surprenant est finalement que Samuel, qui semble présenter un tableau
clinique typique d’hyperactivité avec déficit de l’attention, a un score normal
(11,67) au facteur 3 du WISC-R. L’agitation et l’impulsivité semblent donc plus
importantes que le trouble de l’attention, qui n’est pas confirmé par le WISC.
■ Commentaire
Les résultats sont pathologiques, avec l’écart habituel en psychopathologie
entre l’échelle de « compétence » qui est relativement basse et la note totale
de perturbation qui est à plus de deux écarts types au-dessus de la moyenne
(ce qui situe Samuel dans les 2 % les plus perturbés). Les troubles d’externali-
sation sont bien présents, avec le score le plus élevé à l’échelle d’atten-
tion/hyperactivité, suivie de près par les échelles comportement agressif et
problèmes interpersonnels. La note de comportement déviant et celle de trou-
bles de la pensée sont un peu élevées, mais dans le registre de la normale. Il
n’y a pas de troubles d’internalisation, mais on remarquera quand même un
L’HYPERACTIVITÉ AVEC DÉFICIT DE L’ATTENTION OU L’HYPERKINÉSIE 315
L’indice d’hyperactivité est à plus deux écarts types par rapport à la moyenne
et le facteur impulsivité-hyperactivité va logiquement dans le même sens. La
note aux troubles des conduites est au-dessus de la moyenne ce qui traduit le
comportement agressif de Samuel, déjà mis en évidence par la CBCL.
L’anxiété atteint aussi un niveau pathologique. En somme l’ensemble des
éléments de l’échelle de Conners confirme les données de la CBCL.
Générale 64
Humeur dépressive 64
Problèmes interpersonnels 56
Inefficacité 59
Anhédonie 56
Estime de soi négative 67
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche I
(TL [temps de latence] = 2 s
1) Un aigle. 1) Où as-tu vu l’aigle ? Indique toute la tache.
☞
316 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
2) Qu’est-ce qui fait que ça ressemble à un aigle ? –
Parce qu’il y a des petits volants (sic) des trucs qui
volent, oui il vole et parce qu’il a un corps, une tête.
2) Une chauve-souris. 1) L’ensemble. 2) Elle a des petits boutons.
(Samuel indique les taches noires.)
C’est des boutons où tu peux te soigner,
c’est des boutons ou tu te fais mal avec.
3) C’est quoi ces boutons ? – Il a été pris
par une épine qui lui a fait plein de boutons.
Planche II (TL = 4 s)
3) ΛV Un homme. 1) L’ensemble avec la lacune centrale.
2) Des pieds, une grande tête, des grands bras
et un corps (Dbl central).
4) V Un aigle. 1) L’ensemble. 2) Des pattes, et des ailes pour voler
et une tête et il vole.
Planche IV (TL = 10 s)
8) Un fantôme. 1) L’ensemble.
2) Parce qu’il est grand,
il a des grands pieds et des petits ongles
(projections sur le bord inférieur de la « botte »).
9) Des pattes. 1) D6 (détail latéral inférieur).
2) C’est des pattes d’un animal,
il est en Bretagne, on voit que ses pattes,
il a envie d’avoir beaucoup de soleil.
Planche V (TL = 3 s)
10) Une chauve-souris. 1) L’ensemble. 2) Parce qu’elle a des ailes, un
corps, des cornes (antennes) et des pieds,
elle ressemble, elle vole.
11) Ça ressemble 1) L’ensemble. 2) La forme du tronc (axe central)
à un arbre. et les branches de chaque côté.
☞
L’HYPERACTIVITÉ AVEC DÉFICIT DE L’ATTENTION OU L’HYPERKINÉSIE 317
☞
Planche VI (TL = 4 s)
12) À une peau. 1) L’ensemble. 2) Parce que le contour, on fait le
tour de ça, on dit que c’est une peau d’Indiens.
13) À des moustaches 1) D3 (détail supérieur).
du chat, à une tête de chat. 2) Ça ressemble à une tête de chat.
14) ΛV C’est un tronc 1) L’ensemble.
qui a des branches partout, 2) C’est un arbre, ça ressemble.
partout sur son corps.
Planche IX (TL = 11 s)
20) À un tapis. 1) L’ensemble. 2) Il a des petites formes
et qu’il y a des couleurs.
21) À des lions. 1) D3 (brun en haut).
2) À des têtes de lion que la tête,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche X (TL = 12 s)
23) À des cerfs. 1) D7 (détails bruns latéraux).
2) Parce qu’ils ont des cornes.
24) À un tapis 1) L’ensemble.
et à des couleurs. 2) Il y a plein de couleurs.
318 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Locali- Déter- Facteurs
Contenu
n° n° (mot sation minant additionnels
principal)
II 3 Homme Gbl F- H
4 Aigle G Kan- A
7 Papillon D F+ A
9 Pattes D F+ Ad DR2
11 Arbre G F- Bot
13 Tête chat D F+ Ad
16 Tapis G F+ Obj
17 Moustaches D F- Hd
22 Yeux serpent Dd F- Ad
X 23 Cerfs D F+ A (2)
■ Psychogramme
R = 24
Temps total = 6 min 10 s
T/R = 15 s
G % = 58 F % = 62 A % = 54 Ban % = 25
D % = 37 F + % = 73 H % = 12
Dd % = 4 F + % élargi = 58
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
■ Commentaire
Le protocole est assez pauvre, mais il serait assez banal sans la vitesse
d’idéation et les manifestations de troubles de la pensée, auxquelles il faut
rattacher les persévérations (cotées selon la définition de Piotrowski). Le
nombre de réponses est normal, la proportion des réponses purement formel-
les est double de ce qui est habituel à 6 ans, ce qui peut s’expliquer soit par
l’hypercontrôle défensif, soit par un style cognitif impulsif. C’est sans doute
cette seconde hypothèse qu’il faut retenir : Samuel répond très vite, sans
prendre le temps d’examiner attentivement la planche (le temps par réponse
exceptionnellement bas est à la limite de la fuite des idées). À l’enquête, il
répond également très vite sans réfléchir, ce qui n’est guère favorable à
l’introspection : or, sans un minimum d’introspection, il n’est pas possible de
prendre conscience des déterminants sensoriels et de les verbaliser. Cette
impulsivité d’apparence hypomaniaque explique peut-être également la
présence des troubles du cours de la pensée, dont la quantité est excessive
même pour un jeune enfant. Par ailleurs, la présence de deux réponses C’, de
deux réponses morbides et de quatre chocs confirme la réalité de la souf-
france anxio-dépressive déjà détectée par la CBCL remplie par les parents et
par l’échelle de Maria Kovacs.
Protocole du CAT
Planche 1
Un poussin, il mange de la soupe (Samuel montre l’animal de gauche). Un jour
il y avait un requin dans la soupe et leur maman poule vena. Elle rotira (= re-
tira) le requin. Maintenant il peut manger sa poupe (= soupe). Ils ont fini de
manger, ils vont au dodo.
Planche 2
Deux contre un, tout au début ils veulent jouer au tirer à la corde. Ils sont deux
tronque (= contre) un, le gagneur (animal de gauche) il aura deux médailles.
PSYCHOLOGUE : Qu’est-ce qui va se passer ? – Il rentre à la maison, il prend à
manger et ils vont se coucher.
Planche 3
C’est l’histoire d’un lion qui est dans son fauteuil. Un jour il sort, il voya des
gens et il dit je voudrais vous manger. À la fin, il a trop mangé d’hommes, il ren-
tra à la maison, il mangera son autre homme après et après manger il va se laver
les dents et après de laver de laver leur dent il rentra dans sa chambre et y dorma.
Planche 4
C’est l’histoire des Kangourous, il alla en vélo et maman à pied. Il arriva dans
un sapin, il pique-nique. Il prend les assiettes, il mangea et allons se baigner et
L’HYPERACTIVITÉ AVEC DÉFICIT DE L’ATTENTION OU L’HYPERKINÉSIE 321
Planche 5
Ça me paraît dur à construire… C’est l’histoire d’un lit qui allume la lumière
et se reposera et se mangera. PSYCHOLOGUE : Qui se reposera et se mangera ?
– Le berceau, ils vont dans son lit. PSYCHOLOGUE : Qui va dans son lit ? – Le
berceau va dans son lit après il lit un conte et il s’endort. PSYCHOLOGUE : Qui
s’endort ? – Le berceau qui s’endort.
Planche 6
C’est l’histoire d’un volcan. Le volcan lit un conte, il lit un conte dans son ber-
ceau et un jour, il sort de sa cachette. PSYCHOLOGUE : Qui sort de sa cachette ?
– Le berceau, il rentre à la maison (Samuel détourne le regard de la planche
comme si elle lui faisait peur) et les loups en rentrant il se mangera, il mangera
son berceau parce qu’il s’endort.
Planche 7
Trop dur ! C’est l’histoire d’un lion (Samuel ne veut pas regarder la planche)
et un jour ils vont au pique-nique et un soir ils vont manger, après manger ils
vont se laver les dents et après se laver les dents ils vont au lit, après ils vont
raconter une histoire. PSYCHOLOGUE : Qui va raconter une histoire ? – Leur
papa et c’est terminé.
Planche 8
C’est l’histoire d’un singe qui veulent se rincer les dents. Un jour il peut pas,
un jour il peut pas (répète quatre fois cette phrase) et un jour il peut. PSYCHO-
LOGUE : Pourquoi un jour il peut ? – Parce qu’il a une bronchite. Là ils sont
trois, ça veut dire qu’ils vont se coucher.
Planche 9
C’est l’histoire d’une porte qui s’ouvre et qui se ferme. Un jour la porte arrê-
tera de se parler et un jour il s’en alla près d’un buisson. PSYCHOLOGUE : Qui
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
est-ce qui s’en alla près d’un buisson ? – Et la porte continua de bouger et un
autre jour le maître revient et la porte recontinue, recommence à bouger, un
jour le maître va se coucher et la porte s’arrêta.
Planche 10
C’est l’histoire des toilettes, c’est fini, il s’en alla faire caca et un jour des
chiens arriva. Il s’est dit, je vais casser un et une tabouret, un chien s’en est allé
boire un café et le chien revient il est pas content et toute la journée il arrêtera
de boire et un jour il s’arrêta, il rentra à la maison. Il mangera, ils vont se laver
les dents et ils vont se raconter une histoire et quand il s’endort, l’histoire est
terminée.
322 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
■ Analyse du CAT
1. Style des relations interpersonnelles et nature du conflit
Planche 1 : manger la soupe, ont fini de manger la soupe, ils vont au dodo
(activité non relationnelle).
Planche 2 : jouer « au tirer la corde » (activité relationnelle), rentrer à la
maison, il prend à manger et ils vont se coucher (activité non relationnelle).
Planche 3 : relation agressive orale (manger des hommes).
Planche 4 : faire du vélo, manger lors du pique-nique, aller se baigner,
rentrer à la maison, manger, se laver et dormir (activités non relationnelles).
Planche 5 : pas de thème reconnaissable, pas de relation, assemblage incohé-
rent d’activités quotidiennes sans sujet reconnaissable : allumer la lumière,
se reposer, manger, etc.
Planche 6 : pas de thème ni de relation reconnaissables. Fabulation sans
rapport avec le matériel présenté.
Planche 7 : pas de thème ni de relation reconnaissables. Évocation d’activi-
tés banales non relationnelles (manger, se laver les dents [activité]) ou rela-
tionnelles (le père raconte une histoire).
Planche 8 : singe qui peut pas se laver les dents parce qu’il a une bronchite
(fabulation incongrue sans rapport avec le matériel présenté).
Planche 9 : porte qui bouge et s’arrête de se parler, etc. (fabulation incongrue
sans rapport avec le matériel présenté).
Planche 10 : pas de thème ni de relation reconnaissables. Évocation d’activi-
tés banales non relationnelles (faire caca, un chien s’en est allé boire un café)
ou relationnelles (ils vont se raconter une histoire).
Il n’y a pas vraiment de thèmes mais des suites d’activités banales de la
vie quotidienne, généralement non relationnelles. Il n’y a ni scénario ni
aucun principe d’organisation temporelle (c’est-à-dire pas d’histoire avec un
commencement, un milieu et un dénouement).
3. Aspects formels
On relève des fabulations sans rapport avec les dessins présentés, par exem-
ple, à la planche 1 (un jour il y avait un requin dans la soupe), à la planche 3
(lion qui mange des hommes), à la planche 6 (des loups en rentrant il se
mangera), à la planche 7 (aller au pique-nique). Presque toutes les « histoi-
res » sont incompréhensibles du fait des incohérences traduisant les troubles
de la pensée. C’est particulièrement net à la 5 (un lit qui allume la lumière et
L’HYPERACTIVITÉ AVEC DÉFICIT DE L’ATTENTION OU L’HYPERKINÉSIE 323
le berceau va dans son lit et s’endort), à la 6 (histoire d’un volcan qui lit un
conte, un berceau qui rentre à la maison) et à la 9 (la porte qui bouge, arrête
de se parler, etc.). On ne peut manquer de se demander s’il n’y a pas un
aspect maniaque dans ces associations incohérentes.
Il faut surtout souligner, pour s’en inquiéter, que ce qu’on appelle habi-
tuellement et improprement des « troubles de la pensée formelle » (il s’agit
en réalité d’incohérences qui violent la vraisemblance, mais non la logique
pure) s’accompagne ici d’une véritable désorganisation formelle (au sens le
plus précis) de la pensée. Cette perturbation se traduit par une désorganisa-
tion massive du langage, qui va bien au-delà du simple bégaiement, qui s’est
du reste atténué lors de la passation des tests. Le vocabulaire est atteint : roti-
rer pour retirer, poupe pour soupe, tronque pour contre, substitution de
formes régulières incorrectes – mais logiques – aux formes irrégulières
correctes de certains verbes (leur maman poule vena, il voya des gens, il
dorma, etc). Ces dernières fautes sont fréquentes chez des enfants plus
jeunes, mais ordinairement surmontées à 6 ans. Certaines fautes d’accord
sont signe d’immaturité mais relativement banales chez les enfants ayant des
troubles du langage (planche 3 : « et après de laver de laver leur dent il
rentra »). Le plus inquiétant est que les structures fondamentales de la
syntaxe peuvent être malmenées. Une phrase comme « le volcan lit un conte,
il lit un conte dans son berceau et un jour il sort de sa cachette » (planche 6)
est « incohérente » (en fait : extravagante) en ce qui concerne le contenu.
Mais elle est syntaxiquement correcte en ce sens qu’elle est constituée de
trois propositions correctement coordonnées dont chacune est composée
comme il se doit d’un syntagme nominal dont le noyau est correctement
constitué d’un substantif et d’un syntagme verbal dont le noyau est bien un
verbe. Au contraire, les phrases suivantes violent les règles syntaxiques :…
et les loups en rentrant il se mangera (planche 6)… il s’est dit je vais casser
un et une tabouret (planche 10). Ce sont des phrases impossibles qui ne
respectent pas du tout les règles d’assemblage des « parties du discours ».
LE TROUBLE
DES CONDUITES
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
des petites victimes, ce qui amène les parents ou les éducateurs à le réprimer
sévèrement. Cependant, dans les cas les plus graves, ce comportement
persiste et s’aggrave malgré les punitions, et l’on est en présence d’enfants
qui présentent des comportements permanents d’hostilité, de provocation,
d’intimidation ou de menace envers leurs camarades. Le plus souvent c’est
l’agression physique qui domine. L’enfant déclenche les violences et agresse
physiquement ses camarades par des coups de poing violents, en les bouscu-
lant, en leur tordant les bras, en les mordant ou en leur tirant les cheveux. Il
arrive même que les enfants maltraitent leurs parents, le plus souvent leur
mère : ils la menacent, la battent, lui donnent des coups de pied dès qu’elle
tente de leur imposer une limite quelconque. Dans les cas les plus graves,
heureusement rares chez les enfants, les agressions se font au moyen
d’armes diverses : bâtons, pierres, couteau, cutter, voire ficelle pour étran-
gler. Aux États-Unis, l’utilisation d’armes à feu par des jeunes adolescents
ou même des enfants d’âge scolaire n’est pas exceptionnelle. Les animaux,
notamment les chiens et les chats qui sont les plus accessibles, sont souvent
victimes de cette violence : ils sont martyrisés, blessés (oreilles ou queue
coupées), jetés à l’eau et parfois ils sont tués. La destruction ou la détériora-
tion des affaires des camarades font également partie de ce comportement
agressif. Les affaires scolaires, livres, cahiers, crayons, sont déchirés. Les
jeux comme le « Game Boy » que les enfants aiment emporter à l’école ou
les téléphones portables sont jetés ou cassés. Ils peuvent aussi mettre le feu
aux affaires de leurs camarades ou incendier des poubelles, des locaux
scolaires, des immeubles quelconques. Chez les enfants les plus âgés et dans
les cas les plus graves, cette destruction peut aller jusqu’au bris des vitres ou
à l’incendie des voitures en stationnement. Les abris en verre des haltes
d’autobus ou des stations de chemin de fer sont cassés, les banquettes des
autobus ou des trains sont lacérées à l’aide de cutters, etc. On peut rappro-
cher de ce genre de dégradations les inscriptions de graffiti divers et les
barbouillages de murs, de wagons ou de voitures.
1.2 Vols
On peut observer chez certains enfants des petits larcins très variés, vols de
friandises, de bonbons ou de pièces de monnaie. Ces vols se produisent habi-
tuellement à la maison et disparaissent très vite, puisque les principales victi-
mes en sont les parents, qui répriment rapidement ces larcins, ou les frères et
sœurs, qui n’ont aucun mal à identifier le coupable et à provoquer l’interven-
tion des parents. Mais ils peuvent également se produire à l’école. L’enfant
vole les affaires scolaires de ses camarades ou divers objets qu’il trouve dans
les vestiaires des salles de sport. Habituellement, il s’agit d’un acte isolé. On
ne considère qu’un enfant est voleur que lorsque ce comportement est répéti-
tif et persistant. C’est donc la fréquence, la nature et les circonstances des
LE TROUBLE DES CONDUITES 329
1.3 Mensonge
Les mensonges sont fréquents chez les enfants qui présentent des troubles de
la conduite. Bien sûr, le mensonge est normal chez les jeunes enfants : avant
5 ou 6 ans, l’enfant ne différencie pas encore complètement la réalité et
l’imaginaire, et il est donc difficile de différencier de la simple fabulation le
mensonge intentionnel destiné à tromper l’interlocuteur. Le mensonge
proprement dit apparaît chez l’enfant déviant comme une sorte de nécessité
technique : il lui faut cacher ses délits pour éviter les réprimandes et les puni-
tions. Il peut également tenter de détourner les sanctions en accusant d’autres
enfants des méfaits qu’il a lui-même commis. Chez certains enfants, le
mensonge devient ensuite un instrument d’accomplissement des actes
déviants : ils font des promesses fallacieuses à des camarades pour les entraî-
ner dans un endroit isolé et les dépouiller de leur téléphone portable, de leur
« Game Boy », de leurs vêtements de marque ou de leur argent de poche. Il
arrive enfin que certains enfants ou adolescents semblent mentir en quelque
sorte pour le plaisir de mentir : les mensonges utilitaires dont la finalité est
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
2 NOSOGRAPHIE
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
de difficultés.
4 TROUBLES ASSOCIÉS
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
délinquant. Ces hommes vivent souvent avec des femmes non alcooliques et
non délinquantes, alors que les femmes alcooliques ou délinquantes vivent
presque toujours avec des hommes alcooliques ou délinquants.
Certains auteurs ont voulu attribuer à des facteurs génétiques le fait
prétendu selon lequel les troubles de la conduite seraient, aux États-Unis,
plus fréquents chez les enfants noirs ou hispaniques que chez les enfants
blancs. Mais il semble que ce fait ne soit pas confirmé : il semble s’agir
d’une illusion due au fait que les enfants délinquants issus des minorités
ethniques sont plus souvent séparés de leur famille et placés en institutions
que les enfants blancs présentant les mêmes problèmes (Robins, 1991).
On a également relevé le caractère incohérent de l’éducation familiale
reçue par les enfants présentant des troubles de la conduite. La discorde entre
les parents, l’oscillation entre la négligence et le laisser-faire et des punitions
sévères voire cruelles sont fréquentes (McCord, 1990).
Il est traditionnel en psychiatrie de l’adulte d’expliquer l’incapacité de
beaucoup de psychopathes d’anticiper les conséquences de leurs actes par un
trouble cognitif spécifique, dont le substrat serait une anomalie des lobes
frontaux. Mais l’étude de Dunedin a établi que les enfants et les adolescents
délinquants ne présentent ce type de déficit cognitif que lorsqu’ils souffrent
également d’hyperactivité avec déficit de l’attention (Moffit et Henry, 1989).
Lee Robins (1991), qui est l’un des rares chercheurs anglo-saxons qui
n’explique pas systématiquement les conduites pathologiques par des
facteurs génétiques, admet cependant une contribution de ces facteurs au
trouble de la conduite. Il propose une comparaison avec le rôle respectif des
facteurs génétiques et environnementaux dans le déterminisme du quotient
intellectuel. Les facteurs génétiques rendent compte des anomalies graves :
débilités profondes d’origine manifestement organique, ou troubles de la
conduite précoces et massifs. Les facteurs d’éducation, d’imitation et d’iden-
tification suffisent largement à rendre compte des formes légères aussi bien
de déficit intellectuel que de déviance comportementale.
ils sont soumis à un surmoi archaïque et sévère et/ou à un idéal du moi gran-
diose ; c’est la pression de ce surmoi-idéal du moi primitif qui provoque les
passages à l’acte déviants.
6 ÉVOLUTION
DU TROUBLE DES CONDUITES
troubles étaient en rémission par le fait qu’ils étaient plus gravement atteints,
comme en témoignent les placements dans des classes spéciales, les difficul-
tés à l’école et avec leurs parents. Ces auteurs estiment que le meilleur
prédicteur de la persistance du trouble est l’existence de perturbations dans
de nombreux domaines de fonctionnement. La persistance des troubles est
associée exclusivement avec des taux initiaux plus élevés de trouble de
l’humeur, de troubles oppositionnels avec provocation, d’abus de substances,
d’agressivité et de délinquance.
Dans l’étude épidémiologique prospective de l’Ontario Child Health
Study (Offord et coll., 1992), près de la moitié des enfants ayant reçu un
diagnostic initial de trouble des conduites continuaient d’avoir ce trouble
quatre ans après le début de l’étude. Cette étude montre aussi que ces enfants
ont un risque élevé de développer d’autres troubles au cours de l’enfance et
de l’adolescence.
La relation entre le trouble des conduites de l’enfance et le comportement
antisocial ou la personnalité antisociale est attestée par de nombreuses
recherches longitudinales. Par exemple, Zoccolillo et ses collègues (1992)
ont comparé un groupe d’enfants qui avaient été placés dans des maisons
d’enfants avec un groupe témoin d’une banlieue défavorisée. Sur les
35 garçons avec un trouble des conduites pendant l’enfance, 40 % avaient un
trouble de la personnalité antisociale à l’âge adulte contre seulement 4 % du
groupe témoin. Sur les 26 femmes ayant présenté un trouble des conduites
au cours de l’enfance, 35 % ont reçu le diagnostic de personnalité antiso-
ciale, contre aucune dans le groupe témoin.
Une étude suédoise impressionnante par son ampleur (Kratzer et
Hodgins, 1997) a évalué la santé mentale et le casier judiciaire de
6 449 hommes et de 6 268 femmes qui avaient présenté des troubles de la
conduite dans leur enfance. Les données montrent qu’à l’âge de 30 ans,
76 % des hommes et 30 % des femmes qui avaient des troubles du compor-
tement au cours de l’enfance avaient soit un casier judiciaire (ils avaient
commis un ou plusieurs crimes ou délits), soit un trouble mental, soit les
deux à la fois. Comme le soulignent Zoccolillo et Huard (1999), les enfants
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
7 DIAGNOSTIC
ET ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE
présenter un certain intérêt. Or, l’ISC ne comporte pas d’items pour l’hyperacti-
vité ni pour le trouble oppositionnel. On pourrait utiliser les items de la section
supplémentaire spécialisée de la Kiddie-SADS comme grille d’un entretien
semi-structuré. Mais cet instrument se contente d’explorer les conduites
déviantes énumérées dans les critères du DSM-IV, en changeant simplement
l’ordre dans lequel elles sont abordées.
Comme par ailleurs la Kiddie-SADS n’est pas disponible en français, il
suffira dans la pratique de prendre les quinze comportements mentionnés par
le DSM comme grille d’un entretien semi-structuré. Une fois repérés les
conduites déviantes présentées par l’enfant qu’on examine, on prendra soin
d’évaluer le degré de perturbation causé par ces conduites, la durée du trou-
ble, la forme clinique (type grégaire/type solitaire-agressif/type mixte) et
l’âge de début (au cours de l’enfance/au cours de l’adolescence).
aussi bien dans des fonctionnements de type « névrotique » que dans des
fonctionnements plus « pré-psychopathiques ». Le Rorschach est intéres-
sant justement parce qu’il contribue puissamment à la distinction entre ces
deux types d’enfants. Chez les premiers, on trouvera les indices classiques
d’anxiété et de dépression accompagnés ou non de signes de passage à
l’acte. Chez les seconds, les indices de passage à l’acte prédominent,
souvent accompagnés de signes de faible investissement des relations
d’objet.
Quels sont les indices de risque de passage à l’acte ? La tradition clini-
que souligne depuis des décennies l’importance de la triade psychopathi-
que, dénomination d’origine inconnue qui désigne la présence simultanée
de Dbl, de kob et d’un type couleur de gauche. Les Dbl sont, dans la
méthode française, des réponses localisées dans les espaces intermaculai-
res et dont la « vision » implique le renversement de la relation habituelle
figure-fond. Cette vision non conformiste correspond à une manière
personnelle de percevoir et d’interpréter la réalité, qui peut prendre le
contrepied des démarches cognitives communes, du « bon sens » et de la
conformité sociale. De plus, des travaux plus récents ont montré la relation
entre les réponses données dans l’espace blanc (que le renversement
figure-fond soit présent ou non) et la colère (Exner, 1993, p. 383). Tout
cela impose l’interprétation de la présence de plus de deux réponses inter-
maculaires comme signe d’agressivité, d’opposition et de négativisme. Les
kinesthésies d’objet cotées kob dans la méthode française sont des repré-
sentations de mouvements d’objets très dynamiques et souvent explosifs :
toupies, fusées, avions à réaction, feux d’artifice, explosions nucléaires,
etc. On admet ordinairement qu’elles sont une projection directe de la
violence destructive. Quant au « type couleur de gauche », il s’agit d’une
variable structurale consistant dans le fait que le nombre des réponses C
(couleur pure) ou CF (couleur et forme, la couleur déterminant la réponse
plus fortement que la forme) est supérieur à celui des réponses FC (forme
et couleur, la forme déterminant la réponse plus fortement que la couleur).
La couleur exprime directement la réaction affective immédiate au stimu-
lus, la forme exprime le contrôle conscient et volontaire de cette réaction.
Les réponses C et CF traduisent donc une impulsivité échappant au
contrôle du moi, tandis que les FC sont des réponses dans lesquelles
l’affect est exprimé de façon modulée et nuancée sous le contrôle du moi.
L’interprétation du type couleur doit être nuancée en fonction de la qualité
de la forme associée à la couleur. Si les réponses CF sont en mauvaise
forme, l’impulsivité est encore plus évidente. Cette signification tradition-
nelle du « type couleur » a été confirmée par les travaux empiriques
(Exner, 1993, p. 376-377).
À la triade psychopathique s’ajoutent souvent des caractéristiques qui
témoignent de la difficulté des relations interpersonnelles : rareté des kines-
thésies humaines et des réponses humaines entières. Le contenu des réponses
LE TROUBLE DES CONDUITES 343
Le Hand Test ou test des mains est un test projectif ancien, datant du milieu
du XXe siècle, qui a été remanié et publié par Edwin Wagner en 1969. Il a été
adapté et validé en France en 1989 par les Éditions du Centre de psycho-
logie appliquée. Le matériel de ce test est constitué de dix petites cartes : les
neuf premières reproduisent des dessins de mains, la dixième est blanche,
comme la planche 16 du TAT. Pour chacune des cartes, le sujet est invité à
dire ce que la main est en train de faire. Pour la carte blanche, on demande
au sujet d’imaginer une main et de dire ce qu’elle est en train de faire.
Comme pour le test de Rorschach, on note les réponses du sujet mot à mot,
on note l’heure de début et l’heure de la fin de la passation (pour calculer le
temps total), le temps de latence avant chacune des réponses cotables et
344 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
enfin la position de la carte. Le but principal du Hand Test est de prédire les
comportements agressifs, le risque de passage à l’acte et les tendances
comportementales des sujets. Plusieurs études, notamment chez les jeunes
délinquants et les groupes de prisonniers, ont montré que les réponses au
Hand Test permettent la prévision des comportements d’acting out.
Comme pour le test de Rorschach, le Hand Test donne lieu à une cotation
et à un résumé quantitatif et qualitatif. Les catégories curieusement
nommées quantitatives (elles sont en fait qualitatives) sont les plus pertinen-
tes pour l’évaluation du comportement du sujet. Il y a quatre groupes de
catégories « quantitatives » :
– les réponses interpersonnelles «… les relations avec les autres […] elles
représentent la sensibilité, l’intérêt et la capacité » dans les relations inter-
personnelles. Il y a six sous-catégories de réponses interpersonnelles :
affection, dépendance, communication, exhibition, direction, agression ;
– les réponses environnementales : «… reflètent des attitudes envers le
monde impersonnel, les dispositions à répondre aux stimuli extérieurs, les
manières d’agir sur l’environnement ». Cette catégorie comprend trois
sous-catégories : acquisition, activité, passivité ;
– les réponses inadaptées : «… reflètent une difficulté à mener à bien diffé-
rentes actions dont l’individu est au moins partiellement conscient, cette
difficulté est due à un sentiment subjectif d’incapacité interne et/ou à une
impossibilité externe. De telles réponses reflètent l’appréhension et le
désarroi devant l’échec à aboutir à des solutions satisfaisantes ». Il y a
trois sous-catégories : tension, infirmité, peur ;
– les réponses de retrait : « […] reflètent une perte du sens ou de l’efficacité
des actions vitales. Ce type de réponse représente une incapacité du sujet à
projeter une action adéquate sur le destin de la main » (Éditions du Centre
de Psychologie Appliquée, 1989, p. 12-16). Il y en a trois sous-catégories :
description, bizarrerie, échec.
Le résumé des catégories quantitatives donne lieu au calcul de six indices
dont l’un est particulièrement intéressant pour l’évaluation des troubles de la
conduite : le rapport de passage à l’acte, qui compare la proportion des
réponses (affection + dépendance + communication) à la proportion des
réponses (direction + agression).
Le Hand Test ne peut en aucun cas être utilisé comme seul instrument
dans l’évaluation psychologique. En raison de son caractère un peu unidi-
mensionnel, le risque est grand de faire des interprétations et des prédictions
imprudentes et erronées. Il faut donc contrôler ses résultats en vérifiant qu’ils
s’accordent avec ceux des autres instruments.
LE TROUBLE DES CONDUITES 345
8 CAS CLINIQUE :
MANUEL, 6 ANS ET 11 MOIS
Manuel est en cours préparatoire. Son père est technicien et sa mère secré-
taire de direction. Il a une sœur âgée de 4 ans.
Les parents consultent en urgence en psychiatrie, parce leur fils vient
d’être exclu temporairement de l’école en raison de son comportement
violent. Manuel se bagarre constamment avec ses camarades de classe. Il les
intimide et les brutalise (donne des coups de poing violents). Lors d’une
bagarre, il a récemment tordu violemment les bras de l’un de ses camarades
qui a perdu l’équilibre, est tombé sur un rebord de pierre et s’est cassé un
bras. Manuel justifie cet acte violent en expliquant que son camarade l’avait
provoqué en lui disant « nique ta mère ». Il a aussi cassé les dents d’un autre
de ses camarades, détruit ou volé des objets appartenant à d’autres enfants.
Selon ses parents, Manuel ment et leur dissimule ce qui se passe à l’école. Il
est désobéissant à la maison comme à l’école. Il est très insolent et agresse
verbalement les adultes.
Manuel est né à terme, il a été placé chez une nourrice de l’âge de 3 mois
à l’âge de 6 mois. Les parents ont interrompu ce mode de garde, parce qu’ils
soupçonnaient la nourrice de négligence : ils soutiennent que leur fils deve-
nait apathique, ne souriait plus et pleurait fréquemment. Les problèmes de
comportement de Manuel ont commencé vers l’âge de 3 ans, lors de l’entrée
à l’école maternelle. Il était très agité, détruisait les affaires de ses camarades
et les empêchait de travailler. Pour cette raison, il a été suivi en psychothéra-
pie dès l’âge de 4 ans.
Manuel est très conscient du fait que son comportement pose problème et
semble très affecté par son renvoi de l’école. Mais il soutient que ça n’est pas
de sa faute : ce sont les autres qui l’embêtent. Il répète plusieurs fois cette
affirmation qui deviendra ensuite un véritable leitmotiv au cours de l’examen
psychologique.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Résultats au WISC-III
Générale 76
Humeur dépressive 54
Problèmes interpersonnels 99
Inefficacité 49
Anhédonie 83
Estime de soi négative 67
Ces résultats vont dans le sens d’un diagnostic comorbide de trouble dépres-
sif majeur. On observera l’élévation extrême du score de problèmes interper-
sonnels, qui reflète l’intensité de la souffrance provoquée chez Manuel par le
rejet dont il est victime. L’absence d’émotions plaisantes montre bien qu’il
s’agit de dépression proprement dite, et non seulement d’une détresse
anxieuse (laquelle n’exclut pas les émotions positives). L’autodévalorisation
est assez importante, mais la CDI n’indique pas de tristesse typiquement
dépressive (mais l’absence de ce symptôme est courante chez les enfants
déprimés, cf. p. 225-226) et le niveau d’efficacité auto-évaluée reste normal.
☞
2) Une chauve-souris 1) L’ensemble (dents : saillies médianes supérieures).
avec des dents géantes, 2) Avec ses ailes, et la tête on la voit pas.
elle fait peur. 3) Tu as dit, elle fait peur, pourquoi elle fait peur ?
– Elle est grosse, elle est toute noire, elles sont comme
ça.
Planche II (TL = 4 s)
3) ΛV Ça ressemble 1) L’ensemble. 2) Ça ressemble, il y a des ailes,
à un papillon. des pattes et des antennes.
4) Λ Ou une chauve- 1) Les deux parties latérales noires, la lacune
souris, on l’a trouée intérieure et le rouge du bas. 2) Elle a des ailes,
y a plein de sang. elle a un trou dans le ventre, elle saigne, le sang,
il coule là et là (saillies médianes du rouge inférieur),
sa tête, on la voit pas.
5) V Ou un ver de terre 1) D6 (les deux parties latérales noires).
volant. 2) avec ses ailes, il vole comme ça (gestes).
6) Λ Un rhinocéros 1) D1 (grande partie latérale).
2) ça vit dans le désert, ça ressemble c’est gros.
Planche IV (TL = 6 s)
9) Comme un escargot. 1) L’ensemble. 2) Ça ressemble à un escargot.
10) V Une limace toute 1) D1 (détail médian inférieur).
noire. 2) Ça ressemble à ça une limace avec sa couleur.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
☞
Planche V (TL = 20 s)
14) Je sais pas… 1) L’ensemble.
une chauve-souris, 2) Avec ses ailes et son corps.
ça mord.
Planche VI (TL = 2 s)
15) Ça c’est une abeille 1) L’ensemble. Où as-tu vu le moustique ?
qui veut avaler – On le voit pas il est parti.
un moustique, 2) Avec sa tête et ses ailes.
mais le moustique
s’en va.
Planche IX (TL = 1 s)
20) La tête d’un dragon. 1) D3 (brun orangé en haut).
2) Ça ressemble à une tête de dragon.
21) Une sorcière 1) D12 (Détails latéraux brun orangé et vert).
qui crache du feu 2) Elle crache du feu ici, y’a plein de feu rouge
et qui devient toute verte qui sort de sa bouche, y’a ses yeux ici (Dd 26),
avec sa corne. sa corne. 3) Pourquoi elle devient toute verte ?
– Comme ça.
Planche X (TL = 2 s)
22) Ça ressemble 1) D1 (bleu latéral).
à un géant moustique 2) Je t’ai dit, regarde ! Il y a tout plein de pattes
avec plein de pattes et des mains.
et plein de mains.
LE TROUBLE DES CONDUITES 351
Rappel
Pl. Rép. Locali- Détermi- Facteurs
de la réponse Contenu
n° n° sation nants additionnels
(mot principal)
I 1 Fourmi G Kan + A
II 3 Papillon G F+ A
6 Rhinocéros D F+ A
8 Super abeille D F- A
IV 9 Escargot D F- A
10 Limace D C’F + A
12 Scorpion G F- A
13 Araignée D F- A
V 14 Chauve-souris G F+ A Ban
VI 15 Abeille G F- A Confabulation
VII 16 Crapaud G F- A
17 Fesses D F- Hd
18 Scorpion G F- A
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
X 22 Géant D F- A DV1
moustique
352 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
■ Psychogramme
R = 22
Temps total = 8 min
T/R = 22 s
G % = 45 F % = 63 A % = 82 Ban % = 9
D % = 50 F + % = 28 H%=4
Dd % = 0 F + % élargi = 41
Dbl % = 0 Σ0H< Phénomènes
Σ 1 Hd particuliers :
DdDbl = 4 TRI Σ 1 K/Σ 2 C MOR = 1
Form. cpl. Σ 5 k/Σ 3 (E + C’) Σ 17 A > Confabulations = 2
Σ 1 Ad Dévitalisation
RC % = 18
Type couleur : Σ 1 C
+ CF Σ 1 FC
☞
LE TROUBLE DES CONDUITES 353
☞
EA de Beck = 3 Indice Chocs à :
es = 8 d’anxiété III, V, VII, VIII.
somatique
Indice d’égocentrisme = 0 =9%
Indice
d’isolement social
=9%
■ Commentaire
Ce protocole est nettement pathologique. Il se caractérise notamment par un
fonctionnement cognitif très perturbé (mauvaise qualité formelle) et par une
nette tendance au refoulement (T.R.I. presque coarctatif). Plusieurs éléments
soulignent l’importance des affects dépressifs et anxieux : les trois valeurs
achromatiques (deux C’et C’F contre une FC’, ce qui montre, en outre,
l’absence de contrôle par le moi), la FClob et la réponse morbide, ainsi que les
caractéristiques du contenu (représentation d’animaux dangereux ou hostiles).
Il y a sans doute un rapport entre l’anxiété et la médiocrité de l’exactitude
perceptive : plus de la moitié des mauvaises formes surviennent lors de
l’évocation d’un animal agressif ou monstrueux. C’est également le cas des
deux confabulations (pas au sens d’Exner, mais au sens de Rorschach : projec-
tion de quelque chose qui ne correspond à aucun élément objectif de la tache)
qui sont associées à des représentations de dévoration. Il est donc probable que
l’anxiété suscitée par des représentations agressives contribue à désorganiser le
fonctionnement cognitif. En outre, le contenu est très dévitalisé, ce qui souli-
gne la dimension dépressive et peut-être carentielle : treize invertébrés pour
seulement cinq vertébrés, dont quatre mammifères. Cette dévitalisation révèle
également une perturbation de la représentation de soi et d’autrui, que confirme
l’absence de toute réponse humaine entière et réaliste, alors qu’il y a une
réponse humaine partielle (dont le contenu est particulier : fesses à la plan-
che VII) et une réponse para-humaine (sorcière crachant du feu à la IX). Les
difficultés dans les relations interpersonnelles sont donc fondées sur une pertur-
bation profonde des relations d’objet et de l’investissement de l’objet libidinal.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche 2
Une tête, le monsieur qui est devant le tableau nous fait les tables de 1 000 par
4. Jean, lui (enfant au premier plan) fait les tables de 1 000 par un, et c’étaient
les tables de 1 000 par 4, et il a eu un zéro sur zéro, et il a été convoqué ses
parents, ses parents lui ont dit qu’il faut bien travailler et pas faire de bêtises.
Quand il travaillait mal il leur disait : « j’ai un 1 000 sur 1 000 » et puis il ment
depuis toujours. PSYCHOLOGUE : Pourquoi il ment depuis toujours ? – Sinon il
se fait disputer. – Comment ça va se terminer ? – Comme ça.
Planche 3
Là ils sont en classe, ils font leurs tables et leur français et lui (garçon au pre-
mier plan) écrivait des mots de français. Émilie elle a trouvé plein, plein, plein,
1600, les autres ont trouvé 1 001. Lui il a pas trouvé, il travaille plus, il veut
plus travailler. PSYCHOLOGUE : Pourquoi il ne veut plus travailler ? – Il a pas
envie. – Comment ça va se terminer ? – Il travaille pas.
■ Commentaire
Les thèmes renvoient à l’échec et à la dévalorisation dans les tâches scolaires
et dans les relations avec les pairs : le héros principal de la planche 1 est isolé à
la suite d’une bagarre, celui de la planche 2 travaille mal, ment et se fait dispu-
ter, celui de la planche 3 est en situation d’échec et ne veut plus travailler. Les
trois dénouements sont défavorables. Il s’agit évidemment d’une projection de
soi (le héros ressemble à Manuel dont il a les attitudes et comportements). La
dimension de fabulation est très manifeste dans l’évocation des tables de
multiplication et des nombres élevés. On pourrait spéculer sur la signification
inconsciente éventuelle du 1 000 et du 1 001, mais en l’absence d’autres asso-
ciations, on se contentera de remarquer qu’il s’agit à la fois de nombres très
élevés et d’opérations relativement complexes (multiplication) que les enfants
de cet âge ne peuvent guère comprendre. S’agit-t-il d’une perturbation de
l’épreuve de réalité, en ce sens que Manuel voudrait comprendre des choses
hors de sa portée et serait ainsi rejeté de sa toute-puissance imaginaire à un
sentiment d’impuissance entraînant une blessure narcissique ?
Passation Cotation
☞
Planche II (TL = 3 s)
4) Là, il joue à l’araignée avec sa main. EXH
5) Il montre ses ongles à part le pouce pour montrer EXH, BIZ
qu’ils sont propres, on voit aussi la colonne vertébrale.
Planche IV (TL = 4 s)
7) Il veut serrer la main à quelqu’un. COM,
AFF
Planche V (TL = 6 s)
8) Quand il se fait mal à la main, CRI
il s’est fait mal et il ne peut plus bouger les doigts.
Planche VI (TL = 2 s)
9) Il met un coup de poing à quelqu’un. AGG
10) Il tape sur la table parce qu’il est énervé (fait le geste). AGG
Planche IX (TL = 5 s)
13) Il laisse sa main tomber parce que son pouce est blessé ; CRI
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche X (TL = 4 s)
14) Une main qui tape sur le sol et puis elle essaie de casser le sol, AGG
parce qu’il a envie de faire trembler la maison, il a envie de la péter,
de la casser.
356 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
R (nombre de réponses) : 14
Catégories quantitatives :
ER (rapport d’expérience : somme des réponses interpersonnelles comparée
à la somme des réponses environnementales comparée à la somme
des réponses inadaptées comparée à la somme des réponses retrait) : 10/1/3/1
Rapport de passage à l’acte (somme des réponses affectives,
dépendance et communication comparée à la somme des réponses direction
et agressivité) : 1/7
Note de pathologie (somme des réponses inadaptées et du nombre,
multiplié par deux, des réponses retrait) : 3
Temps de latence moyen : 3,6 s
Temps de latence le plus long moins temps de latence le plus court : 4 s
■ Commentaire
On n’entrera pas dans le détail de l’analyse technique du Hand Test. Il suffira
de souligner que dix des quatorze réponses mettent en scène un acte agressif
ou une blessure. Des quatre réponses restantes, l’une comporte une bizarre-
rie que dans d’autres tests projectifs, on appellerait une confabulation ou une
fausse perception (on voit la colonne vertébrale… rappelons que le dessin
représente une main !). Le Hand Test confirme l’impulsivité et l’incapacité
où est Manuel de contrôler ses tendances agressives.
LES TROUBLES
OPPOSITIONNELS
AVEC PROVOCATION
OU LE TROUBLE
DU CARACTÈRE
1.1 La désobéissance
L’enfant ne se contente pas de refuser verbalement les ordres, consignes et
interdictions, il désobéit tout aussi systématiquement qu’il exprime son refus.
Cette désobéissance doit être distinguée de celle de certains enfants caractériels
qui désobéissent en cachette. Chez les enfants négativistes, la désobéissance est
franche, immédiate et spectaculaire. Elle s’étend à toutes les situations de la vie
quotidienne et entraîne une transgression de toutes les règles, qu’elles soient
importantes ou non. On dit à l’enfant : « il ne faut pas sortir », il sort. On lui dit
« va te laver », il refuse et ne se lave pas. On lui dit « tu peux aller faire un tour à
vélo, mais sois prudent » et aussitôt il emprunte un sens interdit. Le jeune enfant
à qui sa mère refuse d’acheter des bonbons chocolatés dans un supermarché
insiste, se sert lui-même dans le rayon. Quand sa mère lui reprend les bonbons
et les remet en place, il proteste et tente immédiatement de les reprendre. Seule
une force physique supérieure peut l’en empêcher, mais au prix de protestations
et de hurlements tels que les parents capitulent souvent pour éviter de se donner
en spectacle. Un enfant plus âgé, à qui ses parents interdisent de regarder des
films violents à la télévision, passe outre dès qu’ils tournent le dos. Lorsqu’ils
s’en rendent compte et le réprimandent, il se met en colère et les insulte, si bien
qu’ils ferment le téléviseur et l’envoient dans sa chambre. Il faut finir par
débrancher le téléviseur et l’installer dans la chambre des parents (cas réel) pour
résoudre ce problème. Entre-temps, un autre sujet de conflit a surgi…
1.2 La provocation
Les parents disent souvent : « il ne fait rien de ce qu’on lui dit et souvent il fait
systématiquement le contraire ». En effet, la désobéissance s’accompagne pres-
que toujours de provocation et de défi, du simple fait que l’enfant ne cherche pas
à la dissimuler, mais a tendance à l’annoncer, à la proclamer, à l’exhiber voire à
la mettre en scène. On a l’impression, surtout chez les jeunes enfants et, parfois,
chez les tout jeunes adolescents, que l’affirmation de soi dans le refus et dans la
désobéissance est beaucoup plus importante pour eux que le fait de refuser telle
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1.3 L’hostilité
La provocation débouche souvent sur des comportements agressifs sans véri-
table gravité, mais qui sont très désagréables pour ceux qui en sont victimes
et qui contribuent à isoler l’enfant négativiste. Par exemple, ils injurient
gratuitement leurs parents ou leurs camarades. Bien évidemment, les enfants
insultés ne restent pas passifs, et l’escalade s’engage. Autre pratique
courante chez les enfants « opposants » : ils s’emparent par surprise d’un
objet quelconque appartenant à un camarade – livre, cartable, baladeur, télé-
phone portable, etc. – et courent autour de lui en lui disant « je vais te les
déchirer, je vais te les casser », etc. Les réactions des camarades entraînent
souvent des bagarres, les perturbateurs font l’objet de plaintes et sont
souvent mis à l’écart par les autres enfants. L’isolement et le manque de
popularité auprès de leurs pairs sont des caractéristiques remarquables des
enfants qui présentent une forme pure de négativisme : elles les distinguent
nettement des jeunes déviants présentant un trouble des conduites, qui ont
plus tendance à s’associer et éventuellement à diriger des groupes qui
peuvent devenir des bandes ou des gangs.
2 NOSOGRAPHIE
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
4 TROUBLES ASSOCIÉS
conduite est très élevée, mais paradoxalement, le taux exact en est inconnu
parce que très peu de cliniciens et de chercheurs prennent la peine de distin-
guer les deux troubles. C’est d’ailleurs une des raisons qui font qu’on
connaît mal ses associations avec d’autres troubles : en effet, beaucoup de
chercheurs confondent purement et simplement ces deux troubles et se
contentent d’examiner la comorbidité entre ce bloc composite et les autres
troubles (Angold et coll., 1999 ; Loeber et coll., 2000). Joseph Rey (1993) a
passé en revue les études portant sur des enfants opposants ne présentant pas
de trouble des conduites associé, et il souligne que le trouble oppositionnel
est très souvent associé à l’hyperactivité : la comorbidité varie de 20 % à
93 % selon les études et selon les instruments utilisés.
Les psychiatres canadiens Russell Schachar et Rod Wachsmuth (1990) ont
étudié les troubles associés sur un petit échantillon de 21 enfants opposants.
Ils trouvent essentiellement l’hyperactivité, des troubles anxieux ou dépres-
sifs et des troubles des apprentissages. Plus récemment, Angold et Costello
(1996) ont mené une étude épidémiologique sur un échantillon tout-venant.
Ils montrent que le niveau de comorbidité entre le trouble oppositionnel pur
(sans trouble de la conduite associé) et les autres pathologies mentales est
relativement faible : 14 % des enfants opposants présentent également un
syndrome d’hyperactivité, 14 % des troubles anxieux et 9 % des troubles
dépressifs.
Bien entendu, ces considérations ne s’appliquent pas lorsque le syndrome
oppositionnel fait partie d’un tableau clinique de trouble de la conduite : les
comorbidités sont alors celles, beaucoup plus graves, du trouble de la
conduite (cf. supra, p. 333-334).
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
6 ÉVOLUTION
DU TROUBLE OPPOSITIONNEL
7 DIAGNOSTIC
ET ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE
tes, s’il lui arrive souvent d’ennuyer les autres ou de les taquiner, voire de les
harceler, s’il considère facilement et fréquemment que les autres sont
responsables de ses propres fautes ou erreurs, s’il est susceptible et rancunier
(facilement vexé, capable de garder longtemps du ressentiment pour une
vexation minime) et s’il est spontanément agressif ou « méchant » sans
raison particulière. En s’inspirant de la Kiddie-SADS, on cherchera à savoir
si l’enfant utilise de façon provocatrice un langage grossier ou ordurier.
Une fois établie la liste des critères présents, on évalue la durée du trouble, le
degré de perturbation qu’il entraîne et l’existence d’un facteur déclenchant,
ce qui permettra de confirmer le diagnostic selon les critères de la CIM-10
ou du DSM-IV.
Aucune recherche publiée n’a porté particulièrement sur les réponses aux
tests projectifs thématiques des enfants opposants. Dans ma pratique clini-
que, j’ai observé parfois – mais pas toujours – que ces enfants mettent en
scène sans déguisement leurs conduites et leurs conflits avec leurs proches
dans les récits qu’ils imaginent. En dehors de ce phénomène particulier, rien
ne caractérise les histoires TAT ou CAT des enfants opposants. Mais l’intérêt
des tests projectifs n’est pas diagnostique : il est de permettre la compréhen-
sion des aspects du fonctionnement psychique des enfants qui ne sont pas
directement en rapport avec le trouble. Il s’agit en particulier des aspects
cachés, non conscients, préconscients ou inconscients qui permettent de
comprendre dans quel ensemble les symptômes apparaissent et éventuelle-
ment prennent sens. C’est dans cette perspective de compréhension aussi
complète que possible du psychisme des enfants, indispensable pour le
pronostic et l’indication thérapeutique, qu’il est conseillé d’utiliser le Rors-
chach et le TAT ou le CAT avec les enfants opposants.
8 CAS CLINIQUE :
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Résultats au WISC-III
Les trois quotients intellectuels sont moyens et très proches les uns des
autres. Les difficultés relationnelles sont manifestement sans rapport avec un
quelconque dysfonctionnement intellectuel.
LES TROUBLES OPPOSITIONNELS AVEC PROVOCATION… 375
Planche I
(TL [temps de latence]
= 2 s)
1) Une chauve-souris. 1) L’ensemble. 2) Les ailes et ça les mandibules,
c’est vu de haut, elle est grosse parce qu’elle a
beaucoup mangé. 3) À quoi tu vois qu’elle est vue
de haut ? – Nous on la regarde de haut.
2) Un papillon. 1) L’ensemble. 2) Un papillon a des ailes plus gros
que le corps, il a une petite queue à l’arrière,
c’est vu de haut. Comme pour la chauve-souris
(fait un geste pour indiquer qu’on la voit de haut
et qu’elle est plus basse).
3) Un masque d’humain. 1) L’ensemble avec les lacunes inférieures
et supérieures. 2) Les yeux ici et ça a une mauvaise
tête, pas de sourire, comme si un lion grognait
qui montre ses dents ici (lacunes inférieures).
Planche II (TL = 10 s)
4) ΛV Un papillon 1) L’ensemble avec la grande lacune centrale.
à l’envers. 2) Les pattes, ailes et antennes. Les ailes sont
plus grosses que le corps. Il est vu de haut
comme ça (gestes).
5) Λ Un avion de guerre 1) Les deux détails noirs latéraux
qui crache du feu. et le détail rouge du bas.
2) À cause des grandes ailes et beaucoup de feu
à l’arrière, ça en crache plus que les autres avions
et le feu tout rouge craché à l’arrière.
☞
LES TROUBLES OPPOSITIONNELS AVEC PROVOCATION… 377
☞
Planche III (TL = 5 s)
6) ΛVΛ Un ventre 1) Dbl 24 (lacune autour du détail central).
c’est tout. 2) Le ventre, c’est rond. 3) Un ventre de qui ?
– D’un bonhomme.
Planche IV (TL = 1 s)
7) Plutôt un gros 1) L’ensemble. 2) Il est gros, il a des chaussures
bonhomme vu de bas. grosses. 3) Tu as dit vu de bas ? – Là, il y a les pieds
et il est en haut comme ça (geste indiquant la position
élevée du bonhomme).
Planche V (TL = 2 s)
8) Une chauve-souris vue 1) L’ensemble. 2) La tête, les pattes et les grandes
de haut. ailes. Elle descend comme ça, elle a des crochets
pour s’accrocher.
9) Un bonhomme 1) L’ensemble. 2) La tête, les pieds et la cape
avec une cape. qui est trouée, il a les bras tendus pour tenir la cape.
3) Tu as dit la cape qui est trouée ? – Elle est un peu
coupée, déchirée (extrémité des ailes).
Planche VI (TL = 10 s)
10) On dirait une tête 1) D3 (détail supérieur). 2) À cause des moustaches,
de chat. oreilles et poils. 3) À quoi tu vois que c’est des poils ?
– Car il y a plusieurs petits traits et parce que c’est pas
au museau et ça lui arrive pas jusqu’à la bouche.
11) Puis un chat aplati 1) L’ensemble. Là avec ses quatre pattes, parce qu’il
par terre. est à plat, on voit ses pattes sur le côté.
13) Une sorte de vaisseau 1) D6 (l’ensemble sans les détails roses latéraux).
avec du feu à l’arrière. 2) Parce qu’il y a deux mitraillettes en haut (gris
supérieur) et les ailes ici (détail bleu), il est dans le ciel
et il crache du feu tout rouge (détail rose orange),
ça crache du feu à l’arrière pour aller plus vite.
14) Et un bonhomme sur 1) L’ensemble (bonhomme : détail gris en haut ;
un trône de roi qui animaux : détails roses latéraux ; trône : détail bleu
repousse des animaux. et détail rose orange). 2) Parce qu’on voit les animaux
en train de tomber et on voit la tête, les mains
du bonhomme qui pousse, on voit pas le corps,
il est caché par le trône, c’est vu de dos.
☞
378 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
Planche IX (TL = 6 s)
15) Des flammes, un feu 1) L’ensemble. 2) Les flammes, c’est orange
et des cendres. et ça monte et le reste, les cendres (détail rose en bas),
ça vibre, on a l’impression que ça bouge.
16) Ou deux têtes 1) D3 (détail brun orange en haut).
de dragons. 2) Parce qu’ils s’envoient du feu,
ça a la couleur et ça monte.
Planche X (TL = 3 s)
17) C’est pareil, une sorte 1) Dd21 (détail gris et détails roses latéraux).
de vaisseau spatial. 2) C’est un vaisseau de guerre avec une mitraillette
(détail gris), il est dans le ciel, il tire pas mal.
18) Et une explosion 1) L’ensemble.
et c’est tout. 2) C’est le feu toutes ces couleurs.
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Localisa- Détermi- Facteurs
Contenu
n° n° (mot princi- tion nants additionnels
pal)
I 1 Chauve-souris G F+ A Ban
2 Papillon G F+ A PSV
II 4 Papillon GDbl F+ A
IV 7 Bonhomme G FD + H Ban
VI 10 Tête chat D F+ Ad
11 Chat aplati G F+ A
☞
16 Têtes dragons D Kan. Kob. (Ad), Feu (2), AG
C+
X 17 Vaisseau Dd Kob- Sc
■ Psychogramme
R = 18
Temps total = 8 min
T/R = 27 s
Radio = 0
Sc. = 3
Sex. = 0
Sg. = 0
Vêt. = 1
G % = 61 F % = 44 A % = 39 Ban % = 22
D % = 16 F + % = 75 H % = 28
Dd % = 11 F + % élargi = 72
Dbl % = 11 Σ 2 H < Σ 3 Hd Phénomènes
particuliers :
☞
380 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
TRI Σ 2 K/Σ 7,5 C Kob. C = 5
Form. cpl. Σ 9 k/Σ 0
(E + C’)
RC % = 33 Σ 6 A > Σ 1 Ad
Type couleur : Σ 5 C + CF
> Σ 0 FC
EA de Beck = 9,5
es = 9 Indice
Indice d’égocentrisme d’anxiété Chocs à :
=5% somatique = II, VI.
■ Commentaire
Ce protocole étonne d’emblée par la présence massive de signes d’impulsivité
et d’absence de contrôle du moi sur les affects et les conduites. Le F % et le
F + % sont un peu bas, et l’extratension est très prononcée, ce qui n’a rien de
pathologique. Mais la présence simultanée de quatre réponses intégrant
l’espace blanc, de cinq réponses codéterminées par la couleur pure et le
mouvement d’objet et d’un « type couleur de gauche » réalise la triade
psychopathique (Dbl + Kob + {C + CF > FC}), considérée par beaucoup de
cliniciens comme indice prédicteur de passages à l’acte violents. Tout cela est
d’autant plus inquiétant que les kob sont associées à des C pures, c’est-à-dire
des déterminants qui correspondent à un développement d’affect totalement
incontrôlé par le moi. De plus, quatre de ces réponses Kob. C sont associées
au contenu « feu » dont la valeur pulsionnelle agressive est très communé-
ment admise, et la cinquième est associée à un contenu « explosion ».
Rien ne semble indiquer la moindre possibilité de contrôler, moduler ou
canaliser cette agressivité destructrice. Rien non plus ne semble permettre de
la mitiger. Rien n’exprime l’angoisse ou la dépression. On aurait pu penser
que les plaintes somatiques évoquées par la mère se traduiraient par des
réponses typiques : il n’en est rien. Par ailleurs, la représentation de l’être
humain est incertaine : les deux H pures sont moins nombreuses que les Hd ;
les deux kinesthésies humaines s’accompagnent de cotations spéciales (une
réponse morbide, une agressive). Les figures féminines banales de la plan-
che III et de la planche VII ne sont pas vues : à leur place vient une réponse
dégradée qui les réduit à des ventres. L’imago maternelle semble encore plus
dévalorisée que l’imago paternelle.
Protocole du TAT
Planche 1
C’est un garçon qui aime jouer du violon et puis à la fin, il aime plus en jouer.
Il est fainéant, il pense que c’est juste une boîte de résonance avec une corde.
Il est pas content parce qu’il en a marre de jouer du violon et puis je sais plus.
LES TROUBLES OPPOSITIONNELS AVEC PROVOCATION… 381
Planche 2
C’est des paysans qui labourent. À la fin, la femme est fatiguée et le cheval
aussi, c’est des paysans qui à la fin, ils sont trop fatigués pour continuer. Ils
pensent qu’ils aimeraient bien avoir des tracteurs pour labourer et des vraies
maisons. Cette personne, elle lit, elle rentre dans l’histoire à la fin, elle ressort
de l’histoire quand elle a fini de lire.
Planche 3
C’est un garçon qui n’est pas sage, à la fin, il se fait engueuler. Il pleure sur son
meuble ou sur son canapé.
Planche 4
C’est les parents qu’ils lui disent de pas redescendre, qu’il est privé de dîner et
puis je sais pas.
Planche 5
Là, c’est sa grand-mère qui croit qu’il y a un voleur chez elle et elle sort de sa
chambre effrayée. Elle fouille dans sa maison, elle ne trouve rien.
Planche 6BM
Ce sont deux personnes qui se sont disputées, ils veulent plus se parler, à la fin,
ils se reparlent. PSYCHOLOGUE : Pourquoi ils se sont disputés ? – Je ne sais pas
pourquoi ils se sont disputés.
Planche 7BM
C’est un grand-père qui dit à quelqu’un une messe basse, un secret dans
l’oreille. À la fin celui qu’il a écouté il va le faire. PSYCHOLOGUE : il va faire
quoi ? – D’aller tuer quelqu’un. – Que va-t-il se passer ? – Le monsieur se fait
prendre par la police, ils vont tous en prison.
Planche 8BM
C’est quelqu’un qui a eu un accident de voiture, le docteur, il le soigne, à la
fin, il revit.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche 10
Là je crois que c’est des gens qui se sont disputés. À la fin, ils se sont arrêtés, ils
se sont serrés dans leurs bras. PSYCHOLOGUE : Pourquoi ils se sont disputés ? –
Parce qu’il y en a un qui a cassé une vitre et l’autre voulait qu’il la répare et l’autre
n’était pas d’accord. Ils arrêtèrent de se disputer et l’autre a réparé la vitre.
Planche 11
Là c’est un dragon qui est dans une grotte face à la cascade. Le dragon voit un
homme qui va se noyer. Le dragon y va pour manger l’homme. À la fin, le dra-
gon rentre dans sa grotte pour digérer tranquillement et c’est fini.
382 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Planche 13B
Là c’est des cabanes en bois à louer qui sont en face de la mer. C’est un garçon
qui ne veut pas se baigner. À la fin, il décide d’aller se baigner. Finalement
c’était mieux que dans la cabane.
Planche 19
Il y aurait une maison où il y a la fenêtre qui est ouverte. Il y a un lutin qui est
dedans pour donner des cadeaux. À la fin, il ressort de la maison parce qu’il y
a la famille qui arrive et c’est tout.
Planche 16
Au début, un clochard qui joue le violon dans le train pour gagner de l’argent
et après il se paye un travail et après il se fait un hôtel pour loger les autres clo-
chards. À la fin les autres clochards ils deviennent riches et c’est fini.
3. Aspects formels
Les histoires sont brèves. À la planche 4, il n’y a même pas d’histoire, mais
une simple scène instantanée de réprimande (privé de dîner) qui est une
fabulation sans aucun rapport avec le dessin. Quatre histoires sont réduites à
une péripétie unique, c’est-à-dire à un simple changement dans l’attitude ou
la relation qui ne suffit pas à faire une action (aime jouer du violon/en a
marre ; labourent/sont fatigués ; se sont disputées/se reparlent ; veut pas se
baigner/décide d’aller se baigner). Six sont des récits élémentaires en trois
temps, du genre de ceux qu’on trouve dans les livres illustrés pour tout-petits
comportant la description d’un état initial, d’un événement qui survient et
l’indication des conséquences (ou de l’absence de conséquence) de l’événe-
ment ou de l’action : garçon pas sage – se fait engueuler – pleure ; la grand-
mère croit qu’il y a un voleur – fouille dans la maison – ne trouve rien ;
grand-père dit de tuer quelqu’un – il le tue – ils vont tous en prison ; il a eu
un accident de voiture – le docteur le soigne – il revit ; un dragon voit un
homme – il va le manger – il rentre pour digérer ; un lutin est dans la maison
– la famille rentre – il ressort. Deux histoires sont un tout petit peu plus
complexes, et comportent quatre temps : vitre cassée – conflit – réconcilia-
tion – réparation de la vitre à la planche 10 ; clochard joue du violon – se fait
un hôtel pour loger les autres – les autres clochards deviennent riches (plan-
che 16). Mais ces deux histoires sont bizarres : la première a initialement un
scénario réduit à une seule péripétie : dispute puis réconciliation ; c’est ma
question qui suscite une fabulation loin de la gravure (vitre cassée puis répa-
rée) qui semble être un placage qui masque le malaise suscité par le thème
banal de rapprochement tendre entre deux personnes ordinairement vues
comme étant de sexe différent. Dans la deuxième, le quatrième événement
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
■ Conclusion
Au total, ce TAT est pauvre par son contenu comme par sa forme. Il ne
contient aucune élaboration symbolique de fantasmes ou de désirs person-
nels. Kevin semble avoir une représentation très simpliste des êtres humains,
de leurs intentions, de leurs motivations et de leurs actions.
384 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
LA SCHIZOPHRÉNIE
INFANTILE
ET LES PSYCHOSES
INFANTILES
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
Le délire et les hallucinations sont rares chez l’enfant : ils existent cependant
avec une fréquence suffisante pour que la majorité des psychiatres admettent
l’existence de formes infantiles de la schizophrénie, du trouble schizo-affec-
tif et de la paranoïa ou trouble délirant. Mais les pédopsychiatres français ont
longtemps répugné à reconnaître l’existence d’une schizophrénie infantile,
car ils étaient surtout sensibles à la fréquence de l’intrication de manifesta-
tions délirantes ou hallucinatoires avec des troubles de l’intelligence et du
comportement dans des tableaux cliniques complexes et variables qu’ils ont
décrits sous les noms de psychoses infantiles, dysharmonies psychotiques,
psychoses déficitaires, etc.
Il paraît donc souhaitable de décrire les tableaux psychotiques infantiles
en commençant par les manifestations les plus typiquement psychotiques, et
en décrivant dans un second temps celles dont la nature psychotique est
moins évidente.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
pour le tuer. Une autre enfant refusait de boire son verre de lait parce que le
mauvais œil venait de l’empoisonner. On rencontre assez souvent des délires
somatiques relatifs au corps propre, tels que le fait de croire et de sentir qu’il
y a des araignées ou des serpents dans son corps, qu’ils marchent dans son
ventre ou dans sa tête. Dans les délires de référence, l’enfant est convaincu
que des écrits, ou plus souvent des paroles prononcées par des personnes ou
entendues à la radio ou à la télévision, parlent de lui ou s’adressent à lui ou
contiennent des messages qui lui sont directement destinés. Par exemple,
l’enfant fait une colère parce qu’un chanteur chante à la télévision une chan-
son qu’il n’aime pas, il dit qu’il le fait exprès pour l’embêter : c’est à la fois
un délire de référence (l’enfant croit que le chanteur s’adresse spécialement à
lui) et un délire de persécution (dans la mesure où il croit que cette centration
particulière est hostile).
Souvent, les délires persécutifs ou somatiques sont, en outre, bizarres,
c’est-à-dire qu’ils atteignent un degré supplémentaire dans l’étrangeté. Ainsi,
un enfant décrit par Andrew Russel (1989) croyait qu’il y avait des « boîtes
de mémoire » dans sa tête et son corps. Il disait qu’il pouvait « […] radiodif-
fuser ses pensées à partir de ses boîtes de mémoire au moyen d’un ordinateur
spécial en utilisant un traçage radar ». Un de mes patients, âgé de 10 ans,
m’expliquait avec la plus grande anxiété que le mur de la salle de consulta-
tion était en train de le regarder et de lui parler. Les délires grandioses sont
ceux dans lesquels l’enfant s’attribue des pouvoirs extraordinaires : il
communique avec Dieu, commande aux bêtes féroces, c’est lui qui provoque
les hold-up et les tremblements de terre. Il arrive parfois que des enfants se
plaignent de pensées imposées : quelqu’un les oblige à penser des choses
contre leur volonté, ils ne peuvent pas éviter de laisser ces pensées envahir
leur esprit.
Ces délires reposent le plus souvent sur un mécanisme hallucinatoire. Les
hallucinations sont des fausses perceptions : le sujet perçoit quelque chose
qui n’existe pas et qu’il est le seul à percevoir. Dans la schizophrénie infan-
tile, les hallucinations sont le plus souvent auditives, mais tous les registres
sensoriels peuvent être concernés. Les hallucinations auditives prennent la
forme de voix qui semblent provenir de l’extérieur et qui parlent, soit de
l’enfant, soit à l’enfant : souvent, il s’agit de commentaires de ses actes ou
d’ordres qui lui sont donnés. Les hallucinations visuelles, somatiques ou
olfactives sont moins fréquentes. De plus, elles sont rarement présentes s’il
n’y a pas d’hallucinations auditives : elles surviennent ordinairement à côté
et en plus de ces dernières.
Les troubles du cours de la pensée se manifestent par une incohérence
de la pensée et par un affaiblissement ou un relâchement des liens associa-
tifs entre les idées qui se succèdent de façon manifestement désordonnée,
parfois même totalement incompréhensible. Le discours de l’enfant est
difficile à suivre, parce que les phrases sont incomplètes ou dépourvues de
lien logique, ou parce qu’il y a des incongruités soudaines qui donnent
LA SCHIZOPHRÉNIE INFANTILE ET LES PSYCHOSES INFANTILES 389
également fréquents dans les troubles dépressifs et les troubles anxieux, mais
ils accompagnent habituellement la schizophrénie.
Le plus commun de ces symptômes est l’émoussement affectif qui se
manifeste par une diminution de l’expression des émotions au cours des inte-
ractions sociales, repérable en particulier par une certaine fixité du regard et
de l’expression faciale des émotions. L’enfant ne regarde pas son interlocu-
teur. Si on tente de plaisanter avec lui ou de le faire rire, il demeure sérieux et
figé dans une expression indifférente. Cela n’exclut pas la survenue inopinée
de manifestations émotionnelles extrêmes, qui semblent totalement immoti-
vées et incongrues.
390 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
cinations (91 %) et de délires (73 %). Ils soulignent que dans cette patholo-
gie, les phénomènes psychotiques ne sont pas évidents et ne se révèlent
que lorsqu’on conduit systématiquement des interrogatoires structurés
avec les enfants.
2 NOSOGRAPHIE
ves, autres idées délirantes persistantes sans fondement dans une croyance
culturelle). Le second est réalisé par la présence simultanée ou successive au
cours de la période d’un mois d’au moins deux manifestations relevant d’un
ou plusieurs des quatre groupes suivants : hallucinations persistantes,
discours incohérent ou néologismes, comportement catatonique ou symptô-
mes négatifs.
La CIM-10 et le DSM-IV ont en commun de distinguer cinq formes clini-
ques : schizophrénie paranoïde, hébéphrénique (CIM) ou désorganisée
(DSM), catatonique, indifférenciée et résiduelle. La CIM-10 décrit un autre
sous-type, la schizophrénie simple. Mais cela ne présente d’intérêt que
lorsqu’il s’agit d’adolescents ou d’adultes : les données actuellement dispo-
nibles ne permettent pas de faire la distinction entre ces différentes formes
chez l’enfant.
Existe-t-il, chez l’enfant, des psychoses non schizophréniques ? Certains
auteurs ont signalé la présence chez des enfants d’un trouble schizo-affectif.
Il s’agit d’un trouble relativement courant chez l’adulte, décrit de façon à
peu près identique par le DSM et la CIM : le tableau clinique associe des
symptômes de type schizophrénique (idées délirantes, hallucinations,
discours désorganisé, comportement désorganisé, symptômes négatifs) avec
des troubles de l’humeur qui peuvent être maniaques, dépressifs ou mixtes.
Le diagnostic ne peut être porté que si les deux conditions suivantes sont
réalisées :
– les symptômes psychotiques et thymiques ont coexisté pendant au moins
deux semaines ;
– il y a eu des symptômes psychotiques sans symptômes thymiques pendant
au moins deux semaines.
La première condition différencie le trouble schizo-affectif de la schizoph-
rénie, la seconde le différencie des troubles thymiques avec idées délirantes.
Le DSM ne semble pas envisager que ce trouble puisse survenir avant
l’adolescence (p. 347), mais on a par le passé méconnu tellement de patholo-
gies chez l’enfant qu’il convient d’être prudent.
Bien que cela ne soit pas explicitement énoncé dans le DSM ni dans la
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
4 SCHIZOPHRÉNIE
ET TROUBLES ASSOCIÉS
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
6 ÉVOLUTION
DE LA SCHIZOPHRÉNIE INFANTILE
7 DIAGNOSTIC
ET ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE
dite. Viennent ensuite deux items plus spécifiques portant sur les hallucina-
tions et les pensées délirantes. En ce qui concerne les hallucinations, une
centaine de questions permet d’établir si l’enfant a ou a eu antérieurement
des hallucinations auditives, visuelles ou olfactives et, éventuellement, de
tester le degré de croyance de l’enfant dans ces fausses perceptions. Les voix
et les illusions de transformation corporelle font l’objet d’un interrogatoire
particulièrement insistant. En ce qui concerne les délires, plusieurs dizaines
de questions explorent les idées de persécution, de référence, d’influence, de
lecture ou de devinement ou de vol de la pensée par des tiers, de mégaloma-
nie et de transformation corporelle.
« une plante humaine, elle est moitié humaine, moitié plante ». Enquête :
« là on voit qu’il a des bras coupés, là ça fait comme une plante » (garçon
de 12 ans).
Les confabulations (au sens originel de Rorschach, et non au sens plus
restreint donné à ce terme par Exner) sont des réponses complètement arbi-
traires. Dans les unes, le percept est relativement proche du stimulus, mais
sert de point de départ à des divagations sans rapport avec la tache deman-
dée. Dans d’autres cas, il n’y pratiquement pas de correspondance entre la
tache d’encre et l’engramme évoqué par l’enfant. Exemple (planche I) : « un
monstre qui est en train de perdre la peau ».
406 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
8 CAS CLINIQUE :
GRÉGOIRE, 5 ANS ET 5 MOIS
Résultats à la WPPSI-R
Planche I
(TL [temps de latence]
= 2 s)
1) Un papillon. 1) L’ensemble.
2) Qu’est-ce qui fait que ça ressemble à un papillon ?
– Il a des ailes, c’est son corps, ici ça ressemble
à un papillon.
2) On dirait que c’est une 1) L’ensemble.
madame avec une robe, 2) Qu’est-ce qui fait que ça ressemble
une ceinture très serrée et à une madame ? – Je t’ai dit ça ressemble,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
des yeux et aussi des il y a des madames qui sont comme ça.
ailes, elle veut voler, elle
vole dans le ciel.
Planche II (TL = 3 s)
3) ΛV Un papillon là, 1) L’ensemble.
il a des ailes comme ça 2) Il ressemble qu’il a des ailes,
(geste), il vole des bottes (rouge
dans le ciel. du haut), qu’il a des cheveux
et un nez de cheval (rouge du bas)
et des pointues antennes.
☞
410 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
Planche III (TL = 1 s)
4) et 5) Hou là ! c’est très 1) D1 (chiens : les deux parties noires latérales ;
difficile… Des chiens qui tête de bonhomme : partie noire inférieure médiane).
montent sur une tête 2) Ils ressemblent qu’ils ont des griffes
de bonhomme ; ils ont qu’ils montent sur la tête.
des griffes très pointues,
si on touche le nœud
papillon, les chiens vont
mettre la tête à l’envers,
ils vous coupent la tête, ils
ont déjà coupé une tête à
un monsieur qui s’appelle
Hugues le clown, il s’avait
fait couper par les
méchants cruels la tête… 1) Nœud papillon (D3, rouge médian).
Hugues le clown, 2) Qu’est-ce qui fait que ça ressemble à un nœud
il s’est fait couper la tête, papillon ? – Je te dis c’est un nœud papillon.
il était mort.
Planche IV (TL = 0 s)
6) Ouh ! c’est un papillon 1) L’ensemble.
qui fait n’importe quoi, 2) Qu’est-ce qui fait que ça ressemble à un papillon
c’est difficile. qui fait n’importe quoi ? –
Ça veut dire, il tourne partout.
Planche V (TL = 4 s)
7) V Une chauve-souris, 1) L’ensemble.
elle est pendue à un 2) Les chauves-souris ont une tête, elles sont pendues
arbre, moi si j’étais comme ça, elles sont toutes noires.
pendu à ça, ça veut dire
que j’ai la tête à l’envers.
Planche VI (TL = 6 s)
8) C’est une guitare 1) L’ensemble.
avec des ailes de oiseaux 2) C’est une guitare avec des ailes de oiseaux
et des moustaches, voilà ! et des moustaches.
☞
11) Une feuille verte. 1) D5 (2e tiers bleu).
2) C’est le vert de la feuille.
12) Des loups. 1) D1 (partie rose latérale).
2) Je te dis à la tête et les pieds ici.
13) Et un serpent. 1) D2 (rose et orange en bas).
2) C’est une tête de serpent.
Planche IX (TL = 13 s)
14) Des crabes. 1) D3 (brun orangé en haut).
2) C’est des crabes comme ça.
15) Une feuille. 1) D1 (vert latéral).
2) Je t’ai dit ça ressemble à la couleur de la feuille.
16) Des têtes de mort de 1) D4 (rose en bas sur le côté).
Jésus. 2) Qu’est-ce qui fait que ça ressemble à des têtes
de mort de Jésus ? – C’est quand il était mort.
Planche X (TL = 2 s)
17) Des crabes qui man- 1) Crabes (bleu latéral) ; feuilles (vert latéral en haut) ;
gent des feuilles vertes du vaisseau spatial (gris médian entier, en haut).
vaisseau spatial. 2) Les crabes mangent les herbes qui sont tombées
du vaisseau spatial, les crabes mangent les herbes
et ils vont pincer les doigts du monsieur qui est
dans le vaisseau, tout à l’heure il sera tombé
du vaisseau parce qu’il (= vaisseau) va exploser.
18) C’est un avion, 1) D3 (brun médian en haut).
il vole sur terre. 2) Il ressemble qu’il vole.
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Locali- Détermi- Facteurs
Contenu
n° n° (mot sation nants additionnels
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
principal)
I 1 Papillon G F+ A Ban
IV 6 Papillon G Kan + A
☞
412 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
V 7 Chauve- G Kan. FC’+ A Ban
souris
13 Serpent D F- Ad
IX 14 Crabes D F- A (2)
15 Feuille D CF + Bot
18 Avion D Kob + Sc
■ Psychogramme
R = 18
Temps total = 12 min
T/R = 40 s
☞
FV = 0 Bot. = 3 INCOM2
FClob = 0 VF = 0 Expl. = 0 = 3 x 4 = 12
ClobF = 0 V=0 Feu = 0 DR2 = 2 x 6 = 12
Clob = 0 FD = 0 Géo. = 0 FABCOM2
Obj. = 0 =1x7=7
Paires = 6 Nature = 0 Σ Brute = 8
Reflets = 0 Nuage = 0 Σ Pondérée = 34
Pays. = 0
Radio = 0
Sc. = 2
Sex. = 0
Sg. = 0
Vêt. = 3
G % = 33 F % = 50 A % = 61 Ban % = 27
D % = 61 F + % = 78 H % = 22
Dd % = 5 F + % élargi = 78
Dbl % = 0 Σ 0 H < Σ 4 Hd
Σ 0 H < Σ 1 (H)
TRI Σ 1 K/Σ 2,5 C Σ 9 A > Σ 2 Ad -
Form. cpl. Σ 6 k/Σ 0,5
(E + C’) Chocs à :
RC % = 50 % VII, VIII, IX.
Type couleur : Σ 2 C + CF > Σ
1 FC Indice d’anxiété
somatique
= 22 %
EA de Beck = 3,5
es = 6,5 Indice d’isolement
Indice d’égocentrisme = 33 % social = 16 %
■ Commentaire
Ce protocole présente deux traits exceptionnels, d’importance d’ailleurs
inégale. Il se caractérise tout d’abord par la présence massive de cotations
spéciales qui trahissent le nombre et la gravité des « dérapages » du cours de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
la pensée. Le second trait saillant est constitué par l’absence de toute repré-
sentation entière et réaliste de la forme humaine qui, associée à la présence
d’un nombre exceptionnellement élevé de réponses humaines partielles Hd
(4), signale le trouble en profondeur des investissements objectaux.
L’indice d’égocentrisme est faible (à cet âge, il est normalement de
0,69 ± 14), mais la signification des valeurs faibles de cet indice étant discu-
tée, on n’en tirera aucune conclusion. On accordera plus d’importance au fait
que, malgré l’importance des troubles du cours de la pensée, le fonctionne-
ment cognitif reste paradoxalement de bonne qualité : le nombre des détails
fréquents est élevé, la qualité formelle est bonne, et le pourcentage des
réponses animales, ainsi que le nombre des réponses banales témoignent
414 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Protocole du CAT
Planche 1
Ils vont manger un loup, aussi la tête du loup est coupée (dans le bol). Après
ils auront tout mangé la tête et il sera mort pour toute la vie, on le verra plus.
Ils auront tout mangé et il sera aussi dans le ventre des cinq oiseaux. Aussi il
avait rien fait de mal, mais les oiseaux ils doit répliquer (PSYCHOLOGUE :
Qu’est-ce que c’est répliquer ? Grégoire ne répond pas) Parce que lui, il était
pas méchant et ils vont manger aussi le bébé de la maman et elle aussi la poule
elle mange, après ils vont tout manger et il sera plus là, il sera mort le pauvre
renard.
Planche 2
Des ours qui font la bagarre tirer le fil en haut d’une montagne… après ils vont
tomber dans la plaine de la vie, après ils vont s’écraser et se tuer. Le petit va
presque être tué, il va presque être tombé et se faire du mal… il faut qu’il tien-
ne la corde, il faut que la maman (l’ours de gauche) tienne très très très fort
pour qu’il remonte… lui il tient la corde après boum ! Il tombe la maman a lâ-
ché la corde.
Planche 3
Un lion vieux, il se promène et il reste calme. Le lion réfléchit dans sa tête pour
devenir pas vieux, aussi il réfléchit après il voudrait bien être un animal et sor-
tir pour aller retrouver ses copains animal… après il se dira j’ai envie de dor-
mir au revoir !
Planche 4
Des dinosaures… des kangourous… (Grégoire s’arrête et me dit « non j’ai
plus envie de faire ça… » puis au bout de quelques secondes il poursuit) un
bonhomme dans son ventre, il l’a avalé, il est pas content, il a deux boules dans
sa bouche, après il fait les yeux méchants, il a pas peur il va le manger… il a
attrapé des épines dans ses cheveux.
LA SCHIZOPHRÉNIE INFANTILE ET LES PSYCHOSES INFANTILES 415
Planche 5
Un lit avec un bébé ours, deux jumeaux bébés ours. Le papa et la maman dor-
ment dans le grand lit et la lampe est éteinte. Quelqu’un un monstre monte sur
le plancher, et d’un seul coup il prendra les petits et les mangera… un œil
s’ouvert c’était le papa ours, il ouvre les grands yeux il voit plus le bébé et il
va vite à son secours de ses bébés, de ses enfants. Il donne des coups de poings,
il saute en haut d’une montagne, et il jette le monstre de la montagne et il
meurt et c’est le papa des enfants qui gagne, les enfants reviennent au lit.
Planche 6
Des ours, le petit était coincé, le papa dormait et d’un seul coup, il arriva pas
à sortir de la cage puante. Après le papa et la maman faisaient attention à ne
pas réveiller le petit. Le petit dit « Oh ! que j’aimerais bien sortir de cette
cage », il arrivera pas à sortir de la cage. Après les parents vont se réveiller et
après ils vont le sortir.
Planche 7
Le tigre saute sur le singe après il l’a dévoré, ça veut dire il l’a mangé d’un seul
coup ! Il dit « Au secours, Au secours ! un animal ! un tigre ! » Après avec sa
patte et d’un seul coup, il sauta dessus et gram, gram, gram, il l’avala d’un seul
coup.
Planche 8
Des singes, des gorilles étaient à la maison, eux s’est réfugié et ont parlé tous
les deux et puis il (le singe au premier plan) disa à son petit garçon : « tu sais
mon petit garçon les hommes et les lions sont des animaux très terrifiants
comme les éléphants des fois quand ils sont en colère… Oh ! j’entends un
lion ! » C’est le père qui dit ça, d’un seul coup il vena et il marcha sur les pa-
rents et après ils sont morts.
Planche 9
Le lapin dorma et il se réveilla, il vu une grosse araignée, il disa « Au secours !
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
fermez la porte ! » Et d’un seul coup, un loup le mangea. Après des plumes de
lapin sortent du loup, de ses dents.
Planche 10
Le chien veut aller aux toilettes. La maman se met debout et puis le met
sur les genoux pour qu’on le voit pas parce que il y a un monsieur qui vient.
Ils se sont cachés dans la salle de bain. D’un seul coup le chien a fait
« Haou » ! Il était frappé sur la tête et foutu dehors. Le monsieur a frappé
les chiens parce qu’ils voulaient pas de chiens chez eux. Ils vont devenir
des maladroits, ça veut dire méchants gentils. Ils croyaient qu’il y avait pas
de gens dans la maison.
416 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
■ Analyse du CAT
1. Style des relations interpersonnelles et nature du conflit
Planche 1 : agressivité orale : dévoration, tête coupée, mort.
Planche 2 : bagarre, mort, échec d’une tentative d’aide par la maman.
Planche 3 : relation d’affiliation au sens de Murray (« aller retrouver les
copains »).
Planche 4 : dévoration (« un bonhomme dans son ventre, il l’a avalé »).
Planche 5 : agression d’un monstre qui veut dévorer les enfants. Intervention
salvatrice du père qui tue l’agresseur.
Planche 6 : le petit coincé dans une cage puante. Intervention salvatrice des
parents.
Planche 7 : le tigre dévore le singe d’un seul coup.
Planche 8 : animaux terrifiants, mort des parents.
Planche 9 : le loup mange le lapin.
Planche 10 : chien « frappé sur la tête et foutu dehors ».
Les thèmes dominants sont l’agressivité orale (thèmes de dévoration aux
planches 1, 4, 5, 7 et 9) et les autres formes d’agression physique (plan-
ches 2, 5, 8 et 10). La mort est évoquée quatre fois (planches 1, 2, 5 et 8).
Huit des dix histoires sont morbides, et sept se terminent mal. Ces thèmes
sont identiques à ceux des dessins que Grégoire avait faits pendant la
première consultation.
3. Aspects formels
Les récits sont incohérents, les fantasmes l’emportent largement sur la
perception et l’analyse du réel. On relève des fausses perceptions à la limite
de l’hallucination ou en tout cas de la fabulation : à la planche 1, il voit une
tête de loup dans un bol de soupe, et à la planche 4, il voit des épines là où
ordinairement les enfants ne voient rien de semblable ; à la planche 6, il voit
une cage qui n’y est pas. Aux planches 8 et 9, la fabulation se développe avec
l’invention de détails ne figurant pas dans l’image : à la planche 8, c’est
l’intervention d’un lion que l’enfant imagine purement et simplement ; à la
planche 9, la fabulation entraîne l’invention de détails sans aucun ancrage
dans l’image dessinée avec l’araignée (invisible sur la planche) les plumes
LA SCHIZOPHRÉNIE INFANTILE ET LES PSYCHOSES INFANTILES 417
(inexistantes) du lapin (sic) qui sortent du loup (invisible sur l’image), de ses
dents. Enfin, on observe dans ce protocole de CAT, de façon encore plus
massive que dans le Rorschach, la désorganisation du discours typique des
enfants schizophrènes.
■ Conclusion
Le CAT confirme donc l’incohérence et les perturbations du processus de
pensée. Il y ajoute l’évocation d’un monde imaginaire dominé par la
violence des interactions et particulièrement par le sadisme oral. Presque
toutes les relations sont conflictuelles.
LA DÉFICIENCE
INTELLECTUELLE
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
On ne traitera pas ici des enfants atteints de déficience grave : ils ne peuvent
pas parler, leur trouble est diagnostiqué très précocement et les psycholo-
gues, à moins d’être très spécialisés, n’ont guère l’occasion de les examiner
ou de les aider. Les enfants débiles mentaux moyens (c’est-à-dire les imbéci-
les de la nomenclature ancienne) se caractérisent par le fait qu’ils ont du mal
à apprendre à lire et à écrire. L’apprentissage de la lecture est rudimentaire,
la lecture reste parfois au niveau du déchiffrage. Même lorsqu’ils arrivent à
déchiffrer certaines lettres, ceux des enfants qui sont les plus gravement
atteints oublient au fur et à mesure ce qu’on leur a appris. L’acquisition du
langage est lente et difficile, leur vocabulaire est très pauvre et ils n’arrivent
pas à acquérir des mots nouveaux. Ils ont du mal à faire la distinction entre
un nom, un verbe ou un adjectif.
L’apprentissage de l’écriture est encore plus difficile, l’enfant fait des
efforts particuliers pour essayer d’écrire. Cela se traduit par des syncinésies :
ils écartent les jambes, leur corps est quasiment sur la table, et ils se mordent
la langue. Les plus gravement atteints des déficients moyens n’arrivent
même pas à écrire. Écrire se limite chez eux à tracer des lignes continues ou
discontinues sur une feuille de papier et ils sont tout contents d’annoncer
qu’ils ont écrit une feuille entière.
Le graphisme est incertain, ils n’arrivent pas à faire des dessins et se limi-
tent à des gribouillages. Lorsqu’on leur demande de dessiner une personne,
ils ne peuvent faire mieux que ce qu’on appelle un bonhomme têtard, c’est-à-
dire un rond pour le corps avec deux – ou dans le meilleur des cas quatre –
traits représentant les membres.
Le handicap des enfants déficients légers (c’est-à-dire les débiles de la
nomenclature ancienne) se révèle un peu plus tard dans la scolarité : tous
parviennent à lire, écrire et dessiner, mais certains ont des difficultés dès le
cours élémentaire (c’est-à-dire, en France, la deuxième année de la scolarité
obligatoire) : ils ont du mal à faire des additions, des soustractions et encore
plus des multiplications. Ils ont besoin pour cela qu’on utilise un support
visuel concret, comme des jetons ou des bûchettes, pour parvenir, dans les
meilleurs des cas, à un résultat correct mais fondé sur l’observation du
LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE 423
2 NOSOGRAPHIE
du niveau 8 ans (mais aucune de celles des âges supérieurs à 8 ans) aurait un
QI de 114. C’est de cette façon que se calcule le QI estimé à partir des tests
actuels qui dérivent directement du test initial de Binet et Simon, c’est-à-dire
le Stanford-Binet IV et la NEMI de Zazzo et ses collègues. Le QI inventé par
Stern est donc un indice de l’avance ou du retard de l’enfant par rapport aux
enfants du même âge. Il évalue la vitesse du développement intellectuel.
L’intérêt de ce système est de permettre de savoir si l’avance ou le retard
d’un enfant se maintient au cours de son développement.
L’inconvénient de ce mode de calcul du QI est qu’il n’est pas applicable à
l’adulte. Les aptitudes intellectuelles adultes sont en principe atteintes aux
426 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
et 69 et l’âge mental du patient (devenu adulte) est dans le meilleur des cas
« de 9 ans à moins de 12 ans ». Pour le DSM-IV, le retard mental léger se
définit par un QI de 50-55 à 70.
En pratique, les débiles légers ne dépassent guère l’âge mental de 10 ou
11 ans. Ils peuvent faire des acquisitions, ils apprennent à lire, à écrire et à
compter. Les moins limités peuvent atteindre le niveau de la classe de
sixième (en France, sixième année de la scolarité obligatoire) vers l’âge de
11 ou 12 ans, mais à partir de ce niveau, ils n’arrivent plus à faire de nouvel-
les acquisitions et se trouvent ainsi dans une situation d’échec scolaire. Cet
échec s’explique par l’incapacité de ces enfants d’accéder à une structure de
pensée formelle : ils n’arrivent pas à accéder au raisonnement hypothético-
déductif, ils n’ont pas de possibilités d’abstraction, ils restent au niveau des
opérations concrètes. À l’autre extrémité de cette catégorie, certains enfants
n’accèdent pas au niveau des opérations concrètes et ne dépassent pas l’âge
mental de 7 ou 8 ans qui correspond au niveau scolaire du cours élémentaire.
Entre les deux, une grande quantité d’enfants déficients légers, d’âge mental
compris entre 8 et 10 ans, maîtrise certaines opérations cognitives concrètes
sans parvenir à les maîtriser toutes. J’estime qu’il est regrettable qu’on ait
abandonné la distinction essentielle, fondée sur des différences fondamenta-
les dans la structure des aptitudes cognitives, entre les trois niveaux de la
débilité (aujourd’hui : « débilité légère ») jadis distingués par Bärbel
Inhelder. Il serait certes inélégant de parler de « débiles légers profonds », de
« débiles légers moyens » ou de « débiles légers légers », mais à ne pas le
faire on perd beaucoup en finesse d’évaluation clinique.
La communication, la socialisation et les relations interpersonnelles ne
sont pas sérieusement altérées chez les enfants dont le retard mental est
léger. À l’âge adulte, certains parviennent à une relative autonomie sur le
plan social et professionnel. Pour d’autres, l’autonomie est restreinte et ils
ont besoin de soutien ou de conseils lorsqu’ils se trouvent confrontés à des
situations difficiles, nouvelles ou complexes.
bûchettes ou des bâtonnets dessinés sur une feuille de papier : des additions,
parfois des soustractions, rarement des multiplications mais jamais ou pres-
que jamais des divisions. Ces enfants ne peuvent guère dépasser le cours
préparatoire (première année de la scolarité obligatoire en France) et doivent
être scolarisés dans des classes spécialisées. À l’âge adulte, ils sont capables
d’effectuer des tâches pratiques simples sous le contrôle d’un mentor
(ouvrier qualifié, contremaître, chef d’équipe, éducateur spécialisé) mais ils
ne peuvent pas mener une existence autonome et ont besoin d’un soutien
permanent – par exemple d’une surveillance familiale ou d’une tutelle – et
de structures adaptées (instituts médico-professionnels, ateliers protégés,
etc.).
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
L’étude de la fréquence des déficiences mentales repose surtout sur des critè-
res psychométriques et sur la valeur du QI. La fréquence de la déficience
mentale dans la population devrait donc, par simple application de la loi
normale réduite (cf. p. 440), être de 2,5 %. Effectivement, la plupart des
études épidémiologiques donnent des taux de prévalence du retard mental
compris entre 1 % et 3 %. D’après la revue de plusieurs études effectuée par
Stefen Scott (1994), le taux de prévalence dans la population générale se
situe entre 2 et 3 %. Dans les études fondées sur les statistiques des enfants
suivis par des services spécialisés (médicaux et/ou scolaires), le taux de
prévalence est généralement inférieur à 1 %. Cela pourrait indiquer qu’un
nombre assez important de débiles légers n’est pas identifié comme tels.
Selon l’Association américaine de psychiatrie (1994), 85 % des retards
mentaux sont des retards mentaux légers, 10 % sont des retards mentaux
moyens, 3 % à 4 % sont des retards mentaux profonds et 1 % à 2 % sont des
retards mentaux graves. En admettant que la prévalence globale des retards
mentaux est de l’ordre de 25 ‰, cela signifie que la prévalence du retard
léger est de l’ordre de 17 ‰, celle du retard moyen d’environ 2 ‰ et celle
des degrés grave et profond du retard mental de l’ordre de 1 ‰.
4 DÉFICIENCE INTELLECTUELLE
ET TROUBLES ASSOCIÉS
chez les débiles plus gravement atteints (débiles moyens, graves et profonds
confondus) (Scott, 1994, p. 618-627).
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
pensent que le niveau augmente dans le verre lorsqu’on ajoute le sucre, mais
qu’il redescend ensuite lorsque le sucre a fondu.
L’acquisition des conservations du nombre (6-7 ans), de la quantité de
matière (8-9 ans), du poids (9-10 ans) et du volume (10-12 ans) scande les
étapes caractéristiques du développement de l’intelligence opératoire
concrète, mais bien d’autres aptitudes sont acquises au cours de cette
période. Ainsi, l’enfant apprend le renversement des perspectives d’abord
dans des situations simples, puis dans des configurations spatiales plus
complexes : il comprend vers 7-8 ans que ce qui est à gauche quand il va à
l’école est à droite quand il en revient. Mais c’est seulement vers 9-10 ans
qu’il peut comprendre que la tour Eiffel, qui est à gauche du Sacré-Cœur
quand il regarde le paysage depuis la banlieue sud-est de Paris, soit à droite
lorsqu’on l’emmène se promener dans le parc de Saint-Germain-en-Laye
(situé à l’ouest de Paris). Pour comprendre ce fait, il faut avoir dépassé
l’égocentrisme qui privilégie la perception faite depuis le point de vue
propre, et comprendre que l’apparence des choses est relative au point de vue
de l’observateur : le fait d’être à gauche et le fait d’être à droite ne sont pas
des propriétés intrinsèques des choses, mais sont relatifs au point de vue de
l’observateur. Les opérations spatiales évoluent parallèlement aux opérations
logiques ou physiques.
À partir de 11 à 12 ans, l’enfant commence à accéder à des notions et
opérations caractérisées par un niveau supérieur d’abstraction, qui définis-
sent le stade des opérations formelles. Il devient capable de raisonner sur des
possibilités et non seulement sur des réalités observées, ce qui se traduit par
la maîtrise du raisonnement hypothético-déductif. Lorsqu’un enfant a atteint
le stade des opérations formelles, il comprend que le raisonnement suivant
est impeccable : « tous les chiens sont verts ; or Médor est un chien ; donc
Médor est vert ». L’enfant qui est encore au stade des opérations concrètes
n’y voit qu’une série de phrases absurdes. C’est au stade opératoire formel
que sont acquises la compréhension de la combinatoire (combien de maniè-
res différentes de disposer quatre jetons de couleurs différentes ?), des dépla-
cements complexes dans l’espace (quelle est la figure tracée par un crayon
qui descend de haut en bas en marquant un papier collé sur un cylindre verti-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
6 ÉVOLUTION
DE LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE
7 DIAGNOSTIC
ET ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE
par David Wechsler. Comme tous les tests psychométriques, ces batteries
reposent sur des considérations statistiques : elles situent la performance de
l’enfant par rapport à une population d’étalonnage, avec un certain risque
d’erreur qui est inhérent à la démarche probabiliste sur laquelle repose la
construction même des tests.
On pourrait cependant se demander s’il n’est pas plus pertinent d’adopter
une méthode radicalement différente. On sait depuis Bärbel Inhelder (1969)
que la déficience intellectuelle est un arrêt du développement : l’intelligence
des enfants déficients n’est pas seulement inférieure à celle des enfants
normaux, elle est différente qualitativement. Ils sont complètement dépour-
vus de certaines facultés qu’ont développées les enfants normaux. Piaget a,
par ailleurs, mis au point des centaines d’épreuves cliniques simples et ingé-
nieuses qui permettent de constater la présence ou l’absence des différentes
opérations concrètes ou formelles. Ces épreuves ne sont pas des tests, elles
ne reposent sur aucune considération statistique. Elles ne sont pas étalonnées
et n’ont pas besoin de l’être, parce que leur but n’est pas de situer les enfants
les uns par rapport aux autres. Alors que les indications données par les tests
sont relatives (la performance de l’enfant est rapportée à celle des autres
enfants du même âge), celles données par les épreuves de Piaget sont abso-
lues et ne sont affectées d’aucune marge d’erreur : l’enfant a ou n’a pas
accédé à la compréhension de la conservation de la quantité de matière, ou
de la quantification de l’inclusion.
On pourrait donc conclure que les épreuves opératoires de ce type sont
infiniment plus intéressantes que les tests proprement dits. Il est certain que
dans de nombreux cas, la détermination exacte du stade de développement
opératoire ne peut vraiment se faire que par l’utilisation de ces épreuves. Il
ne faut pas cependant sous-estimer l’intérêt clinique des batteries classiques
du type de celles de Wechsler. Quelle que soit en réalité la nature profonde
de l’intelligence, elle ne se limite pas à la maîtrise d’opérations logiques,
mathématiques ou physiques. De nombreuses aptitudes non logiques contri-
buent à la performance intellectuelle dans les situations réelles de la vie,
comme la capacité de la mémoire immédiate, la rapidité de l’évocation des
informations stockées dans la mémoire à long terme, les aptitudes de
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
moyen d’un paramètre nommé l’écart type, dont la valeur est arbitrairement
fixée à 15 points pour la commodité des calculs. La plupart des tests et en
particulier les échelles de Wechsler sont construits pour que la majorité de la
population soit comprise entre + 2 et –2 écarts types : 95 % des sujets ont un
QI compris entre 70 et 130. L’intérêt de la loi de Gauss est que l’on peut
connaître a priori le rang d’un sujet dans son groupe de référence à partir de
la seule note de QI : seuls 2,5 % des sujets obtiennent un QI égal ou supé-
rieur à 130, environ 16 % des sujets ont un QI égal ou supérieur à 115 (+ 1
écart type), 50 % des sujets ont plus de 100 et 50 % ont moins, etc.
Dire que sont déficients les enfants dont le QI est inférieur à 70, c’est dire
que leur niveau intellectuel est très inférieur à celui des sujets normaux, et
que la valeur de cet écart à la moyenne est supérieure à deux écarts types.
Compte tenu de l’erreur type de mesure, on ne peut être vraiment certain de
ce fait que si le QI est plus bas que 70 : il faut un QI calculé de 65 ou moins
pour que l’on ait moins de 5 % de risque d’erreur en affirmant que le QI vrai
est inférieur à 70. Dans la pratique, je ne porte le diagnostic de déficience
que si le QI est égal ou inférieur à 65.
Par ailleurs, il ne faut jamais se contenter d’examiner le QI total pour faire
le diagnostic de déficit mental. Beaucoup d’enfants présentent un décalage
entre le QI verbal et le QI performance. L’intelligence verbale correspond à
ce qu’on appelle parfois l’intelligence cristallisée : elle est, au moins en
partie, le fruit de la culture, des apprentissages et de l’éducation ; elle peut
être limitée chez les enfants qui proviennent de milieux socioculturels défa-
vorisés et dont les apprentissages ne se sont pas faits de manière adaptée.
Cela peut être également le cas d’enfants qui ont une maîtrise incertaine de la
langue française. Enfin, beaucoup d’enfants qui ont des troubles psychopa-
thologiques comme l’hyperactivité, les troubles des conduites, les troubles
dépressifs ou les troubles anxieux présentent ce décalage, ainsi, bien
entendu, que ceux qui souffrent de troubles spécifiques du langage : leurs
aptitudes foncières, évaluées par le QI performance, sont plus élevées que
leur intelligence verbale, moins développée par manque de stimulation fami-
liale et sous l’effet de différents facteurs ayant perturbé les acquisitions
scolaires.
Ainsi, le critère psychométrique est fiable à condition de prendre des
précautions élémentaires. La première de ces précautions est d’utiliser ce
critère correctement, c’est-à-dire en appliquant complètement et scrupuleu-
sement la procédure d’administration des tests. Il faut mettre en garde les
psychologues scolaires et les psychologues cliniciens contre une pratique
malheureusement répandue qui consiste à économiser du temps en n’admi-
nistrant qu’un nombre réduit de subtests des échelles de Wechsler. Il est vrai
qu’on peut avoir une assez bonne estimation du niveau d’un enfant en ne lui
administrant qu’un subtest verbal, comme le vocabulaire, et un subtest de
performance, comme les cubes de Kohs, mais cette pratique présente de
sérieux inconvénients. D’abord, on ne peut pas fonder un diagnostic de
LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE 441
très simples pour les enfants les plus jeunes, elles font appel à des informa-
tions plus étendues chez les enfants plus âgés.
L’aptitude principale mesurée par ce subtest est l’étendue des connaissan-
ces (Wechsler, 1944, p. 95), qu’on pourrait également appeler culture géné-
rale. Certains troubles psychopathologiques peuvent également influencer
négativement la réussite à ce subtest. Il s’agit notamment des troubles
anxieux, des troubles dépressifs et de l’hyperactivité avec déficit de l’atten-
tion.
Bien que ce subtest soit typiquement verbal et renvoie aux acquisitions
familiales et scolaires, deux études américaine (Kaufman, 1994) et française
(Wechsler, 1991, 1996) montrent qu’il est très corrélé avec le QI global
(corrélation : 0,75 dans la version française), considéré comme représentatif
de l’intelligence générale.
Similitudes
Le subtest similitudes consiste à demander au sujet en quoi deux mots
regroupés par paires se ressemblent.
Wechsler (1944, p. 106), insiste tout particulièrement sur « la lumière que
le type de réponse reçue projette sur le caractère logique du processus de
pensée du sujet ». Il prend l’exemple de la banane et de l’orange, et il estime
qu’il y a une différence évidente entre le niveau de maturité et le niveau de
pensée du sujet qui répond que la banane et l’orange ont toutes les deux une
peau, et le sujet qui répond que tous les deux sont des fruits. Ainsi le subtest
Similitudes est classiquement considéré comme évaluant principalement ce
que les psychologues de la cognition appellent « pensée catégorielle ». Il
s’agit de la compréhension de l’inclusion des éléments dans des concepts et
des concepts spécifiques dans des concepts plus génériques. En ce sens, le
subtest similitudes est un équivalent des épreuves piagétiennes de quantifi-
cation de l’inclusion. Comme il s’agit d’une opération logique fondamen-
tale, il n’est pas étonnant que ce subtest soit lui aussi très fortement corrélé
avec l’intelligence générale (corrélation : 0,75 dans la version française ;
Kaufman, 1994).
Arithmétique
Le subtest arithmétique est composé de 24 problèmes arithmétiques que le
sujet doit résoudre mentalement en temps limité.
Pour Wechsler, ce subtest fait appel à la vivacité intellectuelle et au raison-
nement arithmétique, il est aussi une bonne mesure de l’intelligence géné-
rale, ce qui est confirmé par les données les plus récentes. Sa corrélation avec
le QI global est de 0,69 dans la version française.
Pour Bannatyne, l’arithmétique évalue les connaissances acquises et les
processus séquentiels, c’est-à-dire la capacité de résoudre un problème lors-
que les informations sont données les unes après les autres. Cette capacité
LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE 443
Vocabulaire
Pour ce subtest, on demande à l’enfant de définir un mot, de nous expliquer
ce que chaque mot veut dire. Il y a 30 mots de difficulté croissante.
Pour Wechsler, la richesse du vocabulaire n’est pas seulement un indice
d’instruction, c’est également et surtout une excellente estimation de l’intelli-
gence générale (corrélation dans la version française : 0,80). Selon Wechsler,
le lien entre l’intelligence et les connaissances est très fort parce que c’est
l’aptitude du sujet à apprendre qui détermine son « fonds de connaissance et
de l’étendue générale de ses idées ». Il reconnaît cependant que ce subtest
dépend de l’éducation et de la culture du sujet.
Compréhension
Ce subtest est constitué de 18 questions portant sur la conduite la plus appro-
priée dans certaines situations de la vie quotidienne. Ce subtest est assez
composite. Certains items font appel à l’acquisition du sens moral et des
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Code
Le subtest code comporte deux parties A et B. Pour la partie A destinée aux
enfants de moins de 8 ans, l’enfant observe d’abord une série de figures
géométriques dans lesquelles sont inscrits des signes arbitraires. On lui
montre ensuite une série de 64 figures dans lesquelles il doit inscrire le signe
qui convient. Le temps est limité (2 minutes) et la note est le nombre de
signes correctement placés. Pour la partie B, destinée aux enfants de plus de
8 ans, les signes sont un peu plus complexes. On présente à l’enfant une
longue série de chiffres en dessous desquels il doit reporter le signe corres-
pondant. Le temps est également limité à deux minutes, et le principe de
notation est le même.
Pour Wechsler, la rapidité et la précision dans l’exécution de ce type de
tâche sont une mesure de l’aptitude intellectuelle d’un sujet. Il remarque que
les individus instables échouent à ce subtest en raison de leurs difficultés à se
concentrer et à s’appliquer dans une tâche qui nécessite « un effort persis-
tant ». Pour Bannatyne, ce subtest évalue les processus séquentiels. Pour
Kaufman, il évalue la mémoire visuelle à court terme, la coordination
visuelle et motrice et plus spécifiquement la vitesse psychomotrice. Ce
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Arrangement d’images
Ce subtest est constitué de 14 séries de plusieurs images qui représentent
chacune un moment ou un épisode d’une petite histoire relative à des situa-
tions courantes. On présente ces images dans le désordre et l’enfant doit les
arranger de telle sorte que les images soient disposées dans l’ordre chrono-
logique.
446 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Wechsler considère « qu’en premier lieu, c’est le type de test qui mesure
effectivement l’aptitude à comprendre et à saisir une situation dans son
ensemble » (p. 109). Le sujet doit saisir « l’idée » de l’histoire de telle sorte
qu’il puisse réaliser l’arrangement correct. Wechsler souligne, en outre, que
ce subtest fait appel à l’intelligence générale appliquée à des situations socia-
les et non à l’intelligence sociale comme l’ont affirmé certains auteurs car,
remarque-t-il, même les délinquants ou les psychopathes réussissent
« souvent très bien à ce subtest ».
Kaufman considère que l’aptitude spécifique évaluée par ce subtest est
l’anticipation des conséquences et la compréhension des séquences tempo-
relles liée à la compréhension du concept de temps. Il n’est donc pas éton-
nant que ce subtest ait une forte corrélation avec le QI total (0,69 dans la
version française). En outre, Kaufman établit une longue liste des autres apti-
tudes mesurées par ce subtest, mais cette liste est trop disparate pour avoir un
intérêt clinique.
Cubes
Le matériel de ce subtest est constitué de neuf cubes identiques. Deux
faces sont de couleur rouge, deux faces sont de couleur blanche et deux
faces composées de deux triangles, l’un rouge et l’autre blanc, séparés par
la diagonale du carré. L’enfant doit reproduire en temps limité, en utilisant
les faces des cubes comme les éléments d’un puzzle, des modèles
présentés par le psychologue puis les modèles contenus dans le carnet de
« stimulus ».
Ce subtest est la forme réduite et simplifiée d’un test classique inventé
en 1920 par C. Kohs (ECPA, 1972), dont le matériel original comporte
seize cubes de plusieurs couleurs. Pour Wechsler, ce subtest est à la fois un
excellent test d’intelligence générale (corrélation avec le QI total : 0,69
dans la version française) et « le meilleur subtest de performance de notre
échelle » (1944, p. 113 ; corrélation avec le QI performance : 0,76 dans la
version française). La reproduction des modèles fait en principe appel à la
fois aux aptitudes analytiques et synthétiques du sujet, mais il apparaît
clairement que la réussite dépend surtout des aptitudes analytiques : « les
individus qui réussissent le mieux cette épreuve ne sont pas ceux qui
voient le modèle comme un tout, mais ceux qui sont capables de le frac-
tionner en petites portions » (p. 113). Les cubes de Kohs constituent un
des meilleurs instruments de détection des perturbations de ce « processus
de perception supérieure » qui repose essentiellement sur de bonnes capa-
cités d’analyse. Tous les auteurs spécialisés s’accordent sur cette significa-
tion, Bannatyne (1974) insistant cependant sur la contribution d’une
aptitude spécifique spatiale. Pour Kaufman, ce subtest met en jeu les
processus simultanés, la représentation spatiale et la formation de concepts
non verbaux.
LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE 447
Assemblages d’objets
Pour ce subtest, le sujet doit assembler des pièces en temps limité et sans
avoir de modèles. Ce subtest fait appel à la compréhension des relations des
parties isolées entre elles et donc à la capacité de synthèse sous forme de
représentation mentale de l’objet. Wechsler accorde à ce subtest une valeur
clinique particulière parce qu’il nous permet de voir comment le sujet aborde
la tâche. Certains sujets saisissent d’emblée la situation d’autres, comme les
débiles, n’ont pas d’emblée une représentation de l’objet à reconstituer : ils
procèdent par essais et erreurs pour arriver à assembler les morceaux deux à
deux jusqu’à ce qu’ils reconnaissent des parties d’un objet. Ce subtest a une
corrélation avec le QI total de 0,63 dans la version française.
Symboles
Le livret de symboles comporte deux parties A et B. Pour la partie A destinée
aux enfants de moins de 8 ans, l’épreuve comporte plusieurs dizaines de
lignes dont chacune contient un symbole isolé qui figure à gauche, et qui est
suivi d’une série de trois symboles puis de deux cases comportant les mots
OUI et NON. L’enfant doit cocher l’une de ces cases selon que le symbole de
gauche est présent ou non dans la série des trois symboles qui lui succèdent.
Pour la partie B, destinée aux enfants de plus de huit, il s’agit de la même
tâche, à ceci près que ce sont deux symboles isolés qui figurent à gauche du
livret, et une série de cinq symboles à droite du livret. On accorde deux
minutes à l’enfant pour cocher le maximum de cases.
Ce subtest, qui ne figurait pas dans les versions antérieures du WISC, a
fait son apparition dans le WISC-III. Kaufman estime qu’il mesure spécifi-
quement la vitesse de la recherche visuelle. Il évalue, en outre, l’encodage de
l’information en vue d’un traitement cognitif, la mémoire à court terme
(visuelle), la représentation spatiale, la vitesse du traitement mental et la
coordination visuelle et motrice. L’anxiété, la distractibilité, les troubles des
apprentissages, l’hyperactivité et le travail en temps limité influencent néga-
tivement la réussite à ce subtest. La corrélation avec le QI total est de 0,50
(Grégoire, 2000).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Labyrinthes
Une série de dix plans schématiques de labyrinthes, où les murs sont repré-
sentés par des lignes, sont présentés à l’enfant. Pour chacun d’entre eux
l’enfant doit tracer avec un crayon un parcours allant du centre jusqu’à la
sortie. Il ne doit ni s’engager dans une impasse, ni traverser de « mur ». La
tâche doit être réalisée en temps limité en fonction du labyrinthe.
Ce subtest dérive directement d’un test classique mis au point en 1914 par
Porteus (ECPA, 1965) et destiné, selon cet auteur, à l’évaluation de
l’adaptation sociale et de l’aptitude d’un sujet à planifier son comportement
et de prévoir l’effet de ses actions. Porteus avait insisté sur le fait que les
448 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
■ Interprétation du WISC-III
La démarche classique de l’interprétation du WISC-III se fait selon quatre
étapes fondamentales : interprétation du quotient intellectuel total ; interpré-
tation des deux QI verbal et performance et de la différence éventuelle entre
eux ; interprétation des indices factoriels et analyse de la dispersion des
notes aux subtests.
L’interprétation des QI
Le QI total représente l’intelligence générale. La construction et donc l’inter-
prétation du WISC, comme déjà celle du test de Binet et Simon, présuppose
que chaque subtest mobilise des aptitudes spécifiques (celles qui sont
énumérées en détail pour chacun par Kaufman) et une aptitude générale, qui
se retrouve plus ou moins dans tous les subtests. C’est cette théorie, énoncée
par Charles Spearman à partir de 1904, qui légitime le procédé consistant à
additionner les notes obtenues par le sujet à des subtests différents. Dans la
mesure où les aptitudes spécifiques des enfants varient au hasard et où leurs
LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE 449
Ces solutions sont originales en ce sens que, le sujet n’ayant pas ou peu de
formation ou d’expérience particulière dans le domaine considéré, il ne
dispose pas d’un savoir préalable lui indiquant comment trouver une solution
à ce type de problème et doit tout inventer. Ainsi une épreuve comme
l’assemblage d’objets peut être facilitée par une expérience antérieure des
jeux de puzzle, mais les puzzles font rarement l’objet d’un apprentissage
systématique dans le cadre familial et jamais dans le cadre scolaire. L’apti-
tude à faire rapidement et exactement une tâche proche d’un puzzle est donc
relativement indépendante des acquisitions familiales ou scolaires.
Le QI verbal fournit donc une estimation de l’intelligence cristallisée,
faite surtout d’aptitudes au raisonnement verbal et d’apprentissages sociaux
450 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Analyse de la dispersion
David Wechsler a recommandé dès la parution de sa première échelle
d’intelligence que le psychologue ne se contente pas de calculer un ou
plusieurs QI, mais procède à une analyse clinique fine des résultats aux diffé-
rents subtests. Seule cette analyse de la dispersion permet de détecter une
éventuelle hétérogénéité du fonctionnement cognitif. Elle permet de dégager
les points forts ou les points faibles d’un profil. Dans ce but, on additionne
l’ensemble des notes obtenues aux différents subtests, on calcule la moyenne
et on compare à cette moyenne chacune des notes obtenues par l’enfant aux
différents subtests. Par exemple, si un enfant obtient un total de 123 aux
13 subtests passés, la moyenne sera de 9,46. On compare chacune des notes
des différents subtests à cette moyenne. Si la valeur absolue de l’écart à la
moyenne est supérieure à 3 (un écart type ; en fait, les écarts significatifs
varient, selon les subtests, de 3,17 à 3,78 ; cf. Wechsler, 1991, p. 264), on
considère qu’il est significatif et que cela révèle un point faible ou un point
fort. On examine alors les aptitudes spéciales mesurées par chacun des
subtests les mieux réussis (ou les moins réussis) pour trouver par recoupe-
ments quelle est l’aptitude responsable de cette différence de niveau.
Cette manière de procéder ne s’applique que si la différence entre le QI
verbal et le QI performance est non significative, c’est-à-dire inférieure à
LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE 451
Les caractéristiques des protocoles des enfants déficients sont toutes typique-
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
8 CAS CLINIQUE :
ADRIEN, 7 ANS
un frère et une sœur âgés respectivement de 5 et 4 ans. Son père est maçon,
et sa mère est actuellement « femme au foyer ».
Adrien avait déjà été examiné avant que nous le rencontrions par des
psychiatres qui avaient évoqué les diagnostics de « troubles du comporte-
ment » et de « psychose atypique ». L’entretien d’anamnèse nous indique que
la grossesse et l’accouchement se sont déroulés normalement. Mais Adrien a
eu un retard de langage et il n’a marché qu’à l’âge de 18 mois. À l’âge d’un
an, il a souffert d’une déshydratation pour laquelle il a été hospitalisé pendant
une semaine. Il a été suivi en rééducation orthophonique et en psychothérapie
dès l’âge de 3 ans, en raison de son retard du langage et d’une agitation
intense. À 3 ans, il n’avait acquis que quelques mots. À 4 ans, son vocabulaire
s’est légèrement enrichi, mais il n’arrivait pas à construire des phrases et il
était encore difficile à comprendre. À 5 ans, le langage s’est nettement
amélioré mais l’agitation psychomotrice et l’agressivité envers les camarades
persistaient. La directrice de l’école a accepté de l’admettre en classe de CP, à
condition que l’enfant soit suivi en psychothérapie et en rééducation ortho-
phonique. Ne constatant aucune amélioration et s’inquiétant pour l’avenir, les
parents d’Adrien demandent un bilan psychologique dans l’espoir qu’il
permettra d’indiquer une prise en charge plus adéquate.
Compte tenu de ces données, je pouvais m’attendre à un déficit plutôt qu’à
une psychose, sans cependant exclure a priori cette seconde hypothèse. Il
était donc logique d’approfondir l’examen du fonctionnement intellectuel.
C’est pourquoi j’ai administré à Adrien non seulement le WISC-III, mais
aussi le K-ABC, instrument plus récent qui permet de distinguer deux formes
de traitement de l’information et permet, à la différence du WISC, une évalua-
tion des acquisitions scolaires. J’avais initialement prévu de proposer à
Adrien des épreuves piagétiennes (réglage du tous et du quelques, conserva-
tion du nombre) mais les premiers résultats au WISC ont montré que son âge
mental était insuffisant pour que ce type d’opérations soit maîtrisé. Par
ailleurs, l’évocation antérieure du diagnostic de psychose nécessitait une
investigation approfondie du comportement quotidien au moyen de la CBCL
et du fonctionnement psychologique au moyen des méthodes projectives, test
de Rorschach et, compte tenu de l’âge d’Adrien, du CAT.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Résultats au WISC-III
Les QI sont tous les trois dans le registre de la déficience. Quel que soit le
diagnostic (troubles du comportement, psychose, hyperactivité, etc.) auquel
456 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Profils spécifiques :
SCAD = 3
ACID = 3,5
Le déficit est homogène : les notes des subtests oscillent entre 2 et 6. Les
subtests spatiaux (notamment complètement et arrangement d’images) sont
dans l’ensemble un peu mieux réussis que les subtests verbaux. Les indices
factoriels confirment les indications données par les QI. Les profils spécifi-
ques confirment l’existence de difficultés d’apprentissage exactement
proportionnées au degré de déficience légère indiqué par les QI.
Résultats au K-ABC
Processus séquentiels : 54
Processus simultanés : 66
Processus mentaux composites : 54
Connaissances : 59
Les quatre scores globaux du K-ABC, qui doivent être lus comme des QI
(c’est-à-dire comme des notes standard renvoyant à une moyenne de 100
LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE 457
Processus
Processus simultanés Connaissances
séquentiels
Le déficit semble plus prononcé dans les subtests séquentiels, qui font
appel à la mémoire et à la continuité de l’attention. L’échec est un peu
moins spectaculaire aux processus simultanés, qui évaluent l’aptitude à
traiter des informations présentées simultanément, et qui sont tous de
nature spatiale. Mais la note très basse aux triangles confirme le 4 obtenu
au subtest de cubes du WISC-III : Adrien échoue complètement dès qu’il
faut dépasser la perception et pré-voir (c’est-à-dire anticiper et visualiser
mentalement) l’agencement spatial des cubes ou des triangles. On doit
également observer, même si l’échec scolaire est le motif principal de la
consultation, que les acquisitions scolaires sont somme toute un peu moins
mauvaises que ne le laisserait attendre le niveau intellectuel d’Adrien :
« lecture et compréhension » est dans le registre normal faible, personnages
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche I
(TL [temps de latence]
= 9 s)
1) Ça rappelle des ani- 1) L’ensemble.
maux méchants qui se 2) C’est un méchant qui se bat avec celui-là (il indique
battent. les deux grandes parties latérales ensemble).
2) Un crocodile. 1) L’ensemble.
2) C’est sa tête.
3) De la peinture, 1) L’ensemble.
de l’encre. 2) C’est de l’encre.
4) Des mains aussi. 1) D1 (saillies médianes supérieures).
2) C’est comme des mains.
5) Un pied en bas. 1) Dd33 (Petite saillie du bord latérale en bas).
2) C’est comme un pied.
3) Un pied de qui ? – D’un homme.
4) Où tu vois l’homme ? Y en a pas.
6) Des yeux. 1) Dd22 (mamelons centraux).
2) On dirait des yeux.
3) Des yeux de qui ? – Des yeux d’un homme.
4) Où est l’homme ? – C’est pareil y en a pas.
Planche II (TL = 10 s)
7) Des pieds. 1) D2 (rouge supérieur).
2) C’est comme des pieds d’un méchant.
8) Un ventre. 1) D3 (rouge en bas).
2) C’est rond.
3) Un ventre de qui ? D’un homme.
On dirait de l’encre, 1) D6 (Détails noirs latéraux).
de la peinture. 2) C’est de l’encre.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche IV (TL = 8 s)
11) C’est un méchant. 1) L’ensemble.
2) Les pieds du méchant (grandes saillies latérales
☞
460 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
☞
inférieures), avec ses bras (saillies latérales
supérieures), avec les yeux, la bouche et le nez
(extrémité de la partie supérieure médiane), un zizi
de lui (partie médiane inférieure).
Planche V (TL = 5 s)
12) Un truc qui s’envole, 1) L’ensemble.
une sirène. 2) Regarde les ailes, sa tête, ses pieds,
une sirène qui s’envole.
3) Qu’est-ce que c’est une sirène ? – Une sirène,
tu sais pas, c’est une sirène ! (Adrien se fâche.)
Planche VI (TL = 6 s)
13) Un méchant. 1) L’ensemble.
2) C’est un animal méchant avec ses bras, son ventre,
ses pieds. C’est comme le méchant
avec cette image-là (planche IV).
Planche IX (TL = 16 s)
16) V C’est un gros ani- 1) L’ensemble.
mal méchant qui est pas 2) Avec les pieds (détail brun), le ventre (détail vert),
beau. la tête (détail rose).
Planche X (TL = 9 s)
17) Des pieds. 1) D8 (gris latéraux en haut).
2) C’est des pieds.
3) Des pieds de qui ? – D’un monsieur.
LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE 461
Rappel
Pl. Rép. de la réponse Localisa- Facteurs
Déterminants Contenu
n° n° (mot tion additionnels
principal)
2 Crocodile G F- Ad
3 Encre G F± Frag
4 Mains D F+ Hd
5 Pieds Dd F- Hd
6 Yeux Dd F- Hd
II 7 Pieds (d’un D F- Hd
méchant)
8 Ventre D F- Hd
10 Jambes Do F+ Hd
IV 11 Un méchant G FClob + H, Sx
V 12 Sirène G K- (H)
VI 13 Un méchant G F- A PSV
VII 14 Lapin Dd F- A
IX 16 Gros animal G F- A
méchant
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
X 17 Pieds D F- Hd Persévération
■ Psychogramme
R = 17
Temps total = 13 min 5 s
T/R = 43 s
462 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
G % = 41 F % = 82 A % = 39 Ban % = 5
D % = 41 F + % = 25 H % = 44
Dd % = 18 F + % élargi = 32
Dbl % = 0 Σ1H>Σ7 Phénomènes
Hd particuliers :
TRI Σ 2 K/Σ 0 C K- = 1
Form. cpl. Σ 0 k/Σ 0 (E + C’) Σ5A>Σ2
RC % = 18 Ad Persévéra-
Type couleur : Σ 0 C + CF Σ 0 tions :
FC Pieds = 4
Indice Méchant = 6
d’anxiété
somatique Chocs à : IX
= 47 %
EA de Beck = 2
es = 0
Indice d’égocentrisme = 6 %
■ Commentaire
La caractéristique principale de ce protocole très pathologique est l’ineffica-
cité du fonctionnement cognitif d’Adrien. Parce que c’est un enfant actif et
LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE 463
Protocole du CAT
Planche 1
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Une poule, ils mangent après ils vont prendre son bain et après ils vont au lit.
Après son papa, il va au travail et après il va aller à l’école demain. Ça va se
terminer demain lundi, mardi, mercredi.
Planche 2
Des méchants avec des oreilles, la bouche, des yeux, le nez. Ils se battent.
L’autre aussi il a des yeux, des oreilles, des pieds, des mains après je sais pas.
Planche 3
Un méchant avec des bras, une cigarette, les pieds, la queue, la canne et un mé-
chant qui met sa main sur la bouche. Il va peut-être attaquer un autre, il va
464 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
Planche 4
Le lapin qui fait du vélo et l’autre la maman, il achète à manger. Il pense s’il
peut aller faire du vélo dehors. Le lapin, il veut pas aller dehors. Il va y aller
tout de suite dehors, il va se cacher et après il sera dehors et la maman elle va
le trouver, elle va plus le retrouver. Il va pleurer parce que sa maman elle sera
en colère.
Planche 5
Un petit ours qui dort avec un autre et après ils dorment dans le lit. Les ma-
mans, elles vont dormir avec les papas. Ils vont éteindre la lumière après ça va
faire nuit. Il a peur, qu’il va aller dans le lit de sa maman. Elle dit : « tu vas tout
de suite dans ton lit sinon je te donne une fessée ». Après il pleure parce qu’il
est en colère et l’autre petit qui est dans le lit, il dort, il est gentil.
Planche 6
Oh mince ! un ours avec son petit ours, les oreilles, les yeux, le nez, la bouche,
les pieds. Ça c’est une tente. Ils dorment parce que s’il pleut dehors, il va pas
aller dehors. PSYCHOLOGUE : Qui va pas aller dehors ? – Le petit ours, il repen-
se et il dort. Le papa lui dit : « tu vas avoir une fessée » parce que s’il va pas
dehors il sera en colère.
Planche 7
C’est Balou le tigre. C’est un méchant avec des oreilles, des yeux et le nez. Il
pense qu’il va pas aller dehors. Il est méchant et il attaque et le singe se bat
aussi. PSYCHOLOGUE : Comment ça va se terminer ? – Le tigre, il attaque le
singe.
Planche 8
« Tu peux aller dans ta chambre petit oui, mais tu fais pas le bordel, maman va
te donner une fessée. » Le papa est en colère parce qu’il parle avec un mon-
sieur, après il boit du café et voilà.
Planche 9
Un lapin est dans son lit, la porte elle est ouverte parce que il a peur, il y a un
méchant, il va appeler maman et papa et ils vont attraper le méchant. Il est
caché dans la baignoire. Maman et papa vont attaquer le méchant et le papa il
sera mort. C’est un petit ours qui tue le papa, il est dans la salle de bains.
Planche 10
Un chien avec un petit chien qui va dans les toilettes et je ne sais pas si il va
boire dans le cabinet. Ça va se finir comme ça, parce que le chien est méchant
LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE 465
3. Aspects formels
Adrien n’arrive pas à respecter la consigne et à construire des histoires. Cet
échec se traduit par la substitution, aux récits proprement dits, de descrip-
tions de la planche : énumération des parties du corps aux planches 1, 2, 6, 7
(cf. les Hd au Rorschach). On relève également des fausses perceptions :
certains animaux facilement reconnaissables sont vus comme des animaux
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
d’une espèce et d’une taille très différentes ; des détails importants ne sont
pas remarqués. Le langage est très désorganisé et les histoires sont souvent
incohérentes ou difficilement compréhensibles : planches 1, 4, 6, 9 et 10.
■ Commentaire
Le CAT confirme donc l’inachèvement et l’incohérence des capacités
d’élaboration mentale et de construction d’histoires cohérentes en relation de
vraisemblance avec les images proposées. L’activité fantasmatique est domi-
née par les représentations agressives, mais elle est surtout pauvre et incohé-
rente.
466 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
L’AUTISME INFANTILE
ET LES SYNDROMES
VOISINS
1 DÉFINITION
ET DESCRIPTION CLINIQUE
Dès 1943, le psychiatre américain Léo Kanner a donné une description clini-
que claire et décisive du syndrome qu’il a dénommé autisme infantile et
qu’on appelle aussi syndrome de Kanner. Il devançait de peu le psychiatre
allemand H. Asperger (1944) qui définissait l’année suivante, à partir de la
présentation de quatre cas cliniques, le même syndrome en lui donnant le
nom presque identique de psychopathie autistique de l’enfance (il faut
rappeler que, dans les pays germaniques, psychopathie désigne l’ensemble
des troubles du caractère et non la seule psychopathie antisociale). Les prin-
cipaux symptômes décrits par Kanner sont « l’incapacité de développer des
relations avec autrui, un retard dans l’acquisition du langage, un refus de
communiquer par le langage après son acquisition, l’écholalie retardée et
l’inversion pronominale, des activités de jeux répétitives et stéréotypées, un
désir obsessionnel d’immuabilité, un manque d’imagination et une bonne
mémoire mécanique » (Rutter et Schopler, 1978, p. 1). Les recherches ulté-
rieures ont montré que l’autisme est accompagné deux fois sur trois d’une
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
déficience mentale parfois sévère. Or, Kanner a décrit des enfants d’intelli-
gence normale, voire supérieure : le syndrome autistique apparaît chez eux
dans toute sa pureté, mais il ne faut pas oublier que, dans la réalité clinique,
les manifestations autistiques sont souvent brouillées ou altérées par leur
intrication avec le déficit intellectuel.
L’autisme se caractérise par l’association de trois groupes de symptômes
présents chez presque tous les enfants autistes (Rutter et Schopler, 1978 ;
Lelord et Sauvage, 1990 ; Rogé, 1999) :
– des troubles de la communication verbale et non verbale se manifestant
par un retard du langage et une compréhension du langage altérée ;
470 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
les premiers mois de la vie. Contrairement aux enfants normaux, les enfants
autistes n’arrivent pas à développer de comportement d’attachement.
Lorsqu’ils sont bébés, ils ne sourient pas lors de l’apparition du visage de
leur mère et n’ont pas de contact visuel avec elle. Ils n’ont pas de posture
d’anticipation, c’est-à-dire qu’ils ne tendent pas les bras et n’ont pas de
mouvements de « frétillement » et de joie lorsque leur mère veut les prendre
dans ses bras. Certains manifestent même du déplaisir et se mettent à pleurer
ou à se débattre lors de ce contact étroit. D’autres relâchent totalement leur
musculature et se laissent complètement aller « comme un chiffon ». Très
souvent ils ne pleurent pas lorsque leur mère les remet dans le berceau. Plus
tard, lorsqu’ils commencent à marcher, ils ne la suivent pas dans la maison et
lorsque la mère ou le père rentre le soir, ils ne manifestent aucune émotion et
ne se précipitent pas pour dire bonjour ou pour être pris dans ses bras. Les
enfants autistes ne manifestent pas et ne semblent pas éprouver ce besoin de
relation qu’ont les enfants normaux avant d’aller se coucher, ils ne deman-
dent pas qu’on les embrasse ou qu’on leur raconte des histoires. Les difficul-
tés interpersonnelles n’affectent pas seulement les relations parents-enfants.
Les enfants autistes ont encore plus de mal à établir des relations avec des
personnes non familières, qu’il s’agisse d’adultes ou d’autres enfants. Leurs
difficultés dans ce domaine sont telles qu’ils ne peuvent pas être envoyés à la
crèche ou à l’école maternelle. L’interaction avec les autres est, en effet, très
altérée, ils ne peuvent pas participer à des jeux de groupe avec les autres
enfants, ils s’isolent dans leur coin, ils ne jouent pas et quand ils jouent, ils
jouent seuls à des jeux très stéréotypés. Ils manquent d’empathie et ont du
mal à percevoir les sentiments des autres. Quand ils se font mal, ils ne
recherchent pas le réconfort auprès des autres. L’ensemble de ces conduites
et de ces attitudes provoque un rejet ou une fuite de la part de l’entourage, et
notamment des autres enfants. En particulier, les anomalies du contact visuel
provoquent le malaise de tous, adultes ou enfants.
Par ailleurs, les autistes ne supportent pas qu’il y ait des changements dans
leur environnement (besoin d’immutabilité) et peuvent être bouleversés si on
est amené à modifier même de façon mineure les objets ou les meubles de la
maison. J’ai déjà signalé que les jeux des enfants autistes sont très particu-
liers, ils sont rigides et stéréotypés et la dimension proprement ludique en
semble absente. Ils n’ont pas de jeux créatifs, de jeux symboliques ou de
jeux d’imitation. Ils peuvent aligner des jouets les uns à côté des autres ou
faire tourner en l’air une ficelle ou une corde pendant des heures.
Les descriptions qui précèdent s’appliquent aux formes pures de
l’autisme, dans lesquelles il n’y a pas de déficience intellectuelle associée.
Mais il faut rappeler que ces cas purs sont minoritaires. On leur donne
souvent le nom d’autistes de haut niveau. Il existe, en outre, des cas
d’autisme sans déficit intellectuel qui ne présentent aucun trouble du
langage. Les manifestations autistiques se réduisent alors à des troubles de
l’interaction sociale et de la communication non verbale et à des comporte-
ments stéréotypés. On utilise souvent le nom de syndrome d’Asperger pour
désigner cette pathologie.
Mais dans la pratique, la plupart des autistes sont également des déficients
intellectuels, ce qui signifie que les troubles de la communication et de
l’interaction sociale, ainsi que les stéréotypies du comportement sont aggra-
vés par le handicap intellectuel. Les troubles du langage et de la communica-
tion perdent de leur spécificité en s’intégrant dans un tableau de débilité et
les stéréotypies comportementales ressemblent assez souvent à celles qu’on
peut observer chez les débiles profonds. Dans certains cas, le diagnostic
différentiel entre autisme et débilité peut être très difficile.
2 NOSOGRAPHIE
3 ÉPIDÉMIOLOGIE
Il faut souligner le fait que l’autisme, bien qu’il soit très connu du grand
public par suite du succès de récits comme L’Histoire d’Elly ou de films
comme Rain Man, est en fait un trouble très rare que les psychologues et les
psychiatres ne rencontrent guère, sauf lorsqu’ils travaillent dans des institu-
tions très spécialisées. Les études épidémiologiques font état d’un taux de
prévalence de deux à cinq cas pour 10 000 personnes, quatre à cinq fois plus
élevé chez les garçons que chez les filles (APA, 1994). En outre, il semble
bien que les formes féminines diffèrent quelque peu des formes masculines,
au moins par la plus grande sévérité du déficit intellectuel associé. En
France, le taux de prévalence est assez bien connu : on peut l’estimer à
5,2 pour 10 000 à partir des résultats de quatre enquêtes épidémiologiques
publiées de 1989 à 1997 et ayant concerné environ 800 000 enfants. Cette
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
4 AUTISME
ET TROUBLES ASSOCIÉS
5 HYPOTHÈSES ÉTIOLOGIQUES
est associé à une déficience intellectuelle, le pronostic est sombre : les sujets
ne parviennent jamais à l’autonomie sociale et professionnelle et passent
toute leur existence dans des institutions spécialisées. Lorsqu’il n’y a pas de
déficit intellectuel, une certaine forme d’adaptation scolaire, professionnelle
et sociale est possible. Les autistes de haut niveau, ainsi que les patients
présentant le syndrome d’Asperger ont assez souvent des talents particuliers
dans les domaines les plus abstraits, ils peuvent être brillants en mathémati-
ques ou en informatique. Mais ils conservent toujours des traits autistiques
prononcés qui se manifestent par l’évitement des contacts interpersonnels,
un style particulièrement gauche de contact avec autrui faisant alterner la
distance et la proximité intrusive et par l’attachement à des routines et à des
480 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
rituels dans leur vie quotidienne. Ils ressemblent ainsi à certains adultes schi-
zoïdes qui vivent seuls, ont peu ou pas d’amis, et restent célibataires mais
semblent mener l’existence qui leur convient.
7 DIAGNOSTIC ET ÉVALUATION
PSYCHOLOGIQUE
des tâches à l’aide d’une grande variété de matériel approprié qu’on met à sa
disposition (jouets, objets, etc.). Destinée à l’évaluation des enfants d’âge
préscolaire, la CARS comporte quatorze domaines : les relations avec les
personnes, l’imitation (verbale et motrice), l’affectivité, l’utilisation du
corps, la relation aux objets, l’adaptation aux changements de l’environne-
ment, les réponses visuelles, les réponses auditives, les récepteurs de la
proximité, les réactions d’anxiété, la communication verbale, la communica-
tion non verbale, le niveau d’activité (motricité) et le fonctionnement intel-
lectuel.
Le diagnostic repose sur la note totale obtenue par l’enfant et sur le
nombre de domaines où il obtient un score pathologique (égal ou supérieur à
trois). En fonction du score total, on conclut à l’absence d’autisme (score
inférieur à 30 points) ou à l’existence d’un autisme modéré ou sévère.
La CBCL (Achenbach, 1991) que je recommande dans la plupart des autres
pathologies, n’a guère d’intérêt dans l’évaluation des enfants autistes, parce que
les domaines qu’elle explore sont minutieusement examinés en tenant compte
des spécificités des autistes par les échelles de Le Couteur et de Schopler.
L’ECA ou Échelle d’évaluation résumée du comportement autistique1 est
une procédure beaucoup moins lourde qui ne nécessite ni entretien avec les
parents ni observation spéciale de l’enfant (Barthélémy et coll., 1990, p. 103-
106). Elle est, en effet, destinée à être remplie par les infirmières ou les
éducatrices qui connaissent bien l’enfant et l’observent régulièrement dans la
vie quotidienne. L’échelle se compose de vingt items côtés de 0 à 4 selon la
fréquence avec laquelle le comportement pathologique est observé. Les dix
premiers items correspondent aux manifestations les plus caractéristiques de
l’autisme : retrait autistique, troubles de la communication verbale et non
verbale, réactions bizarres à l’environnement. Les dix derniers correspondent
à des symptômes considérés comme moins caractéristiques, mais fréquem-
ment rencontrés tels que les perturbations de la motricité, l’inadéquation des
réactions affectives, les troubles du comportement alimentaire et les troubles
des fonctions cognitives. Du fait de sa grande simplicité d’emploi, cette
échelle peut être répétée dans le cadre d’un suivi éducatif ou thérapeutique,
d’une observation longitudinale ou d’une recherche prospective.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1. Éditée par les Éditions et Applications Psychologiques (95 boulevard de Sébastopol, 75002
paris).
482 L’ÉVALUATION CLINIQUE EN PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT
8 CAS CLINIQUE :
JACQUES, 10 ANS ET 5 MOIS
Jacques est le premier né d’une famille de deux enfants. La mère est biblio-
thécaire, le père ingénieur. Jacques est scolarisé dans un établissement privé
et il a beaucoup de mal à s’adapter. Les parents, qui n’en sont pas à leur
première consultation spécialisée, consultent de nouveau dans l’espoir qu’on
les orientera vers un établissement ou une structure adaptée aux problèmes
de leur fils.
Jacques est né à 8 mois de gestation, quoique la grossesse se soit bien
déroulée. Ses parents se sont très vite aperçu que leur enfant ne se dévelop-
pait pas normalement. Il semblait différent à bien des égards des autres
enfants. Il ne savait pas téter. Il n’a jamais souri. C’était un bébé trop calme,
qui avait très peu de réactions vis-à-vis de sa mère et de son père. Il « jouait »
avec ses mains devant son visage et, au cours de sa deuxième année, il avait à
certains moments des stéréotypies corporelles à type de mouvements de
L’AUTISME INFANTILE ET LES SYNDROMES VOISINS 483
trois planches et parce qu’il a compris que ce test était en rapport direct avec
ses difficultés scolaires. Il n’a même pas accepté de regarder les planches de
Rorschach.
Planche 2
On voit le maître qui explique l’exercice. Les enfants doivent faire ce que le
maître dit. Ils sont pas contents parce qu’ils aiment pas l’école. Le maître don-
ne des corrections, des notes, le maître est sévère, des fois. Les enfants, ils pré-
fèrent rester chez eux.
Planche 3
Les enfants sont en récréation, il y en a qui jouent au ballon, un qui les regarde
jouer, un qui s’ennuie qui veut rentrer chez lui.
■ Commentaire
Comme on pouvait le craindre, ce protocole ne nous apprend pas grand-
chose. Nous connaissions déjà l’aversion de Jacques pour l’école en tant que
situation sociale et pour les tâches scolaires, ses récits ne font que nous en
apporter la confirmation.
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école buissonnière, 330
maniaques, voir manie
émoussement affectif, 389
manie, XXII, XXIV, 263-290, 323-324
épisode dépressif majeur, 228-230, 241-
– pédiatrique, 268, 273
242
entretiens structurés et semi-structurés mélancolie, 228
(définition), 19-21 mensonge, 329-331, 356
éreutophobie, érythrophobie, 104-105,
111
N
esprit (théorie de l’–), 478-479
estime de soi, 225-226, 423-424 négativisme, 361-384
état de choc, 165-193 négligence, 198-206
évitement, 77, 106, 116, 166-168, 175, névrose
180 – d’angoisse, XXIV, 17, 41-72, 172
exaltation, 263, 265 – dépressive, cf. dysthymie
externalisation (troubles d’–), XXIV – obsessionnelle, 139-162
– phobique, cf. agoraphobie, phobie
F sociale, phobie spécifique
fabulation, 329-330, 390, 403-406, 416- – traumatique, XXIV, 165-193, 197,
417, 454 201, 204-205, 221
INDEX DES NOTIONS 511
SOMMAIRE V
AVANT-PROPOS VII
BIBLIOGRAPHIE 487
INDEX DES NOTIONS 509
INDEX DES AUTEURS 513
PSYCHO SUP PSYCHOLOGIE
COGNITIVE
PSYCHOLOGIE
SOCIALE
PSYCHOLOGIE
CLINIQUE
Djaouida Petot
EN PSYCHOPATHOLOGIE
DE L’ENFANT
Véritable revue d’ensemble des connaissances les plus DJAOUIDA PETOT