CHARETTE ET LA VENDÉE : ENTRETIEN AVEC PHILIPPE DE VILLIERS p .

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4 s ❙ N° 2860 ❙ 67e année ❙ Du 4 au 17 avril 2013 ❙ Paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois ❙ www.actionfrancaise.net

La République Pa ge
3

L'ESSENTIEL

3 ÉCONOMIE
ne répond plus
Rémunérations :
taxer plus pour gagner moins . . p. 2
Medef : l'heure du bilan . . . . . . . p. 2
3 POLITIQUE
François Hollande :
un cataclysme ambulant . . . . . . p. 4
La langue française
bannie des universités . . . . . . . . p. 4
3 SOCIÉTÉ
L'Alsace cultive sa singularité . . p. 5
Bioéthique : débat embryonnaire
à l'Assemblée nationale . . . . . . . p. 6
3 MONDE
Défense :
les armées en sursis . . . . . . . . . p. 7
L'Irak, dix ans après . . . . . . . . . . p. 7
Jean-Luc Mordoh
tourne l'Europe en dérision . . . . p. 8
Chypre sortira-t-elle de l'UE ? . . p. 9
Barack Obama
au Proche-Orient . . . . . . . . . . . p. 10
3 ARTS & LETTRES
Querelle de la Belle Époque . . p. 11 dans le temps, confrontent les époques, une répétition générale. Le travail et la

Dans l'univers de Chagall . . . . p. 12

Big Bang
3 DÉBAT UNE RÉVOLUTION est toujours un acci-
dent. Elle ne s'annonce jamais. Aucun
L'identité européenne coup de tocsin ne nous avertit. Certes,
en héritage . . . . . . . . . . . . . . . . p. 13 les historiens se piquent d'en isoler les
et nous promettent un soulèvement pro-
chain. Enfin, les "providentialistes" nous
affirment que ces éruptions sont le signe
de la colère de Dieu. En fait, gageons que
la vie est une situation révolutionnaire
perpétuelle ! La révolution n'est pas la
transcendance ont été touchés. La dignité
et l'aspiration au sacré ont tremblé.
Beaucoup sont convaincus que nous
sommes dans les faubourgs d'un soulève-
ment populaire. Nous l'attendons, cette
révolution qui se fait attendre. Certains,

3 IDÉES causes en laboratoire. Ils pointent du

Lire (ou relire)
Hippolyte Taine . . . . . . . . . . . . p. 14
Relire Maurras :
une opposition radicale contre
le "mariage pour tous" . . . . . . . p. 14
M 01093 - 2860 - F: 4,00 E
doigt les mécanismes, dressent les décors
d'une situation pré-révolutionnaire, et
nous affirment que ce qui devait avoir
lieu a eu lieu. Ils sont pourtant les dupes
de ce que les philosophes qualifient de
« dialectique de l'effectué ». Plus simple-
ment, après les bruits et la fureur, ils éla-
borent une dramaturgie en creusant au
milieu des cendres refroidies. L'histoire a
besoin d'un sens et ils s'y attellent à la
manière des vulcanologues décelant dans
leur sismographe les futures convulsions
guerre. Elle est un chaos provisoire, une
table renversée, des cartes redistribuées.
Elle devrait toujours avoir lieu car les rai-
sons de se révolter sont constantes. Aussi
sommes-nous sans le savoir condamnés à
vivre dans les conditions alchimiques
d'une révolution sans cesse grondante.
Elle est la mauvaise humeur des peuples.
Elle est un phénomène naturel, pourquoi
pas la bonne santé d'une nation qui ne
s'en laisse pas compter. Aujourd'hui, dans
notre pays, les ouvriers de Goodyear ont
chargé les forces de l'ordre, lors de la
pourtant, prétendent que notre peuple
est avili par le confort et qu'aucun cou-
rage ne le précipitera dans la rue. Ces
deux sentiments sont vains. La révolution
ne se signale sur aucun bulletin météo.
Les hommes n'en décident pas. Elle s'im-
pose à eux. Et vient nous visiter par sur-
prise, que la mer soit calme ou agitée.
Elle est le mystère de la vie en société.
C'est une violente crispation, une explo-
sion sans détonateur, un "Big Bang" qui
nous précipitent d'un univers à un autre.
Elle est à l'origine du monde... ❑

&’:HIKLKJ=XUYUU\:?c@i@g@k@k" du sol. Il y a aussi les politologues qui se

risquent à des spéculations, des analogies
manifestation contre le mariage gay, des
esquisses d'affrontements sonnent comme Rubempré

« T O U T C E Q U I E S T N AT I O N A L E S T N Ô T R E »
 Économie
SALAIRES
Taxer plus
pour gagner oins
Encadrer les hauts revenus,
une idée nécessaire
mais insuffisante.
LES PÉRIODES de crise ont ceci
d'intéressant qu'elles permet-
tent de se poser les bonnes
questions. Il y a encore peu
(même pendant la campagne
présidentielle de 2012, le sujet
était à la limite de l'incon-
gruité), évoquer l'encadrement
des salaires du privé faisait
hurler au communisme. Aujour-
d'hui, on ne se demande plus
s'il faut traiter la question,
mais comment la traiter ; nous
tâcherons, quant à nous, d'y
apporter nos éléments de ré-
ponse. Ce n'est pas chose ai-
sée, tant le principe de liberté
d'entreprise n'a rien d'ultra-li-
béral, pas plus que de poser la
question de la limite de l'inter-
vention de l'État dans les af-
faires privées.
Un fossé indécent
C'est pourquoi il n'est pas in-
utile, lorsque l'on aborde ce su-
jet, de rappeler une réalité
abrupte : certains dirigeants
perçoivent un salaire équivalent
à plus de cent fois celui de
leurs employés les moins bien
payés. Eu égard à la prise de
risque – quasi nulle - de la plu-
part de ces dirigeants, de telles
rémunérations apparaissent dis-
proportionnées, surtout lorsque
l'on demande au contribuable
un effort supplémentaire dont
rien n'assure qu'il ne sera que
temporaire. Et encore ne vi-
sons-nous ici que la part fixe
des rémunérations, la part va-
riable permettant bien souvent
de doubler ou de tripler le fixe.
Le gouvernement, après avoir
établi une rémunération maxi-
mum dans les entreprises pu-
bliques (pour les mandataires
sociaux uniquement) et envi-
sagé de le faire dans le privé, a
finalement (et comme bien sou-
vent) opté pour le compromis.
Devant la difficulté à mettre en
place sa taxe à 75 % et le tollé
que ne manquerait pas de pro-
voquer une mesure d'encadre-
ment des salaires, il décide
donc d'assigner cette taxe aux
entreprises pour les salaires su-
périeurs à 1 million d'euros.
Une fois de plus, cela ne règle
rien et ne satisfait personne.
Reprendre paraîtra toujours
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❚2
plus illégitime que limiter (il en
va de même pour les acquis so-
ciaux...), et les entreprises ri-
valiseront de toute façon d'in-
génierie pour contourner la
règle. Son efficacité, tant sur
le plan dissuasif que fiscal, est
donc plus que douteuse.
On ne fera pas de nous des mé-
lanchonistes pour autant,
même si le rapport de un à
vingt entre le plus bas et le
plus haut salaire, évoqué par le
patron du Parti de gauche, ne
nous semble pas aberrant. Nous
y apporterions toutefois
quelques nuances, et en pre-
mier lieu celle de ne limiter
que la partie fixe du salaire,
afin de laisser l'entreprise dis-
poser de la part variable
comme levier d'incitation et de
récompense. Mais à la condi-
tion que cette part variable
soit, de son côté, également
encadrée, par des exigences
prenant notamment en compte
des données sociales, mais
pourquoi pas aussi – c'est notre
obsession – la contribution à la
richesse nationale. En d'autres
termes, une rémunération va-
riable qui ne dépendrait plus
seulement d'objectifs financiers
dont on connaît trop les tra-
vers, mais de rapports entre
rentabilité et création ou main-
tien d'emploi, recours à des
fournisseurs nationaux, ou en-
core absence ou limite des dé-
localisations.
Cela pourra paraître à certains
difficile à mettre en œuvre et
à contrôler, mais à l'heure où
l'on note les États sur leur pro-
babilité de défaut et où l'on
déploie des trésors d'imagina-
tion pour réduire les alloca-
tions familiales, la difficulté
nous semble toute relative. Ce
qui manque, c'est la sagesse
politique, c'est un arbitrage in-
dépendant qui n'agira pas pour
essayer de renflouer ses
caisses, ni pour contenter telle
ou telle fraction de l'opinion,
mais pour mettre un peu plus
d'ordre et de justice dans la so-
ciété. ❑
Pierre Marchand
❏ PATRONAT
Medef : l'heure du bilan
Laurence Parisot tire sa révérence sans élégance. On lui reproche,
par ailleurs, de s'être immiscée dans le débat politicien. Mais qu'en est-il,
pour le reste, de son action à la tête du syndicat patronal ?
Selon Laurence Parisot, « la liberté de penser s'arrête
là où commence le Code du travail »
e conseil exécutif du Medef
L
à tranché (non sans mal,
avec vingt-deux voix contre
vingt-deux et une abstention) :
Laurence Parisot ne pourra pas
concourir à la prochaine élection
à la présidence du syndicat pa-
tronal, le nombre de mandats suc-
cessifs restant limité à deux.
Cette nouvelle réjouira ceux - ils
sont nombreux - qui n'ont pas ac-
cepté que la présidente sortante
tente de changer les règles du
scrutin à quelques mois seulement
de l'échéance, règles qui étaient
en vigueur en 2010 lorsque les
rênes du mouvement lui avaient
été une nouvelle fois confiées (il
est vrai qu'il n'y avait pas d'autre
candidat à l'époque).
Étrange cécité
Nous ne sommes pas de ceux qui
se délectent du malheur des
autres ; mais quelque chose nous
heurte dans cette tentative de se
maintenir à la tête du mouve-
ment. Ce n'est pas la durée qu'au-
rait impliqué ce nouveau mandat
(Bernard Thibault est resté qua-
torze ans aux commandes de la
CGT avant que la roue ne tourne
en faveur de Thierry Lepaon, sans
que personne n'y trouve rien à re-
dire), mais le caractère incongru
de cette prétention qui inspire la
circonspection : comment Lau-
rence Parisot n'a-t-elle pas vu à
quel point cette opération pou-
vait être perçue comme cho-
quante aux yeux de ses adhérents
et de l'opinion publique ? Avait-
elle conscience de l'image qu'elle
renvoyait du monde patronal ? Un
tel manque d'empathie chez une
dirigeante de ce niveau laisse pan-
tois. Aussi, lorsqu'on sait que
Mme Parisot a effectué une partie
de sa carrière dans des instituts
de sondages, on comprend mieux
les surprises (pas toujours désa-
gréables) que nous réservent ré-
gulièrement les élections locales
et nationales.
Huit années de service
Mais, au-delà de cette sortie qui
fera date, que dire des huit ans
que Mme Parisot aura passés à la
tête du plus important mouve-
ment patronal français ? D'abord
qu'elle n'a pas eu une tâche fa-
cile : succéder au peu diplomate
baron Seillière (depuis empêtré
dans une sordide affaire d'"opti-
misation" fiscale au sein de la hol-
ding Wendel, affaire connue sous
le doux nom de Solfur, à laquelle
s'est ajoutée ces jours-ci l'affaire
Editis), se faire entendre dans un
milieu (qu'on le veuille ou non)
essentiellement masculin, et en-
fin, présider le Medef dans une
période de crise inédite au cours
du dernier demi-siècle. Ces cir-
constances ne sont, hélas, pas to-
talement atténuantes : il est dif-
ficile de passer sous silence l'opus-
cule de Mme Parisot intitulé Un
piège bleu marine. À l'occasion
de sa publication, elle est tota-
lement sortie de son rôle, croyant
sans doute que les chefs d'entre-
prise avaient (en pleine crise) un
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
besoin urgent de leçons de mo-
rale citoyenne. Personne n'a be-
soin des lumières de Mme Parisot
pour juger de la pertinence de tel
ou tel programme électoral. Pour
le reste, l'action de la présidente
sortante, basée sur la recherche
du consensus et un réel talent
oratoire (non dénué de sens de la
formule, comme en témoigne son
fameux « la liberté de penser s'ar-
rête là où commence le Code du
travail ») aura été efficace, si l'on
en juge par le nombre d'accords
signés avec les syndicats de sala-
riés et les bons rapports entrete-
nus avec le monde politique.
Contradictions internes
Il est en tout cas un problème que
le départ de Mme Parisot en juillet
prochain ne règlera pas : c'est ce-
lui de la contradiction inhérente
au mouvement patronal. Comment
le Medef peut-il défendre équita-
blement les intérêts parfois an-
tagonistes de ses diverses com-
posantes ? Par exemple, les
banques et leurs débiteurs, ou les
constructeurs automobiles, les
équipementiers et leurs sous-trai-
tants ? Les grands groupes et leurs
fournisseurs PME ? La grande dis-
tribution et le commerce de dé-
tail ? Quelle que soit la tendance
de la nouvelle direction (adepte
du consensus, comme l'incarne le
potentiel candidat Frédéric Saint-
Geours, ou plus combative,
comme le propose Pierre Gattaz),
ce hiatus sera toujours un frein à
l'efficacité de l'action patronale. ■
Jean-Marc Ferrand
L’ACTION FRANÇAISE 2000
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Croix-des-Petits-Champss
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Directeur de 1965 à 2007 : Pierre Pujo (✟)
Directeur de la publication : M.G. Pujo
Directeur éditorial : François Marcilhac
Rédacteur graphiste : Grégoire Dubost
Politique : Élie Hatem, Aristide Leucate
Société : Stéphane Blanchonnet,
Jean-Pierre Dickès, Michel Fromentoux,
Économie & Social : Jean-Marc Ferrand,
Pierre Marchand, Guy C. Menusier
Europe : Charles-Henri Brignac,
Grégoire Dubost, Guy C. Menusier
Monde :
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Pascal Nari, Maurice Perseval
Arts & Lettres : Anne Bernet,
Charles-Henri Brignac, Louis Montarnal
Histoire : Michel Fromentoux,
Yves Lenormand, François-Xavier Présent
Idées :
Stéphane Blanchonnet, Louis de Galice,
Dimitri Julien, François Marcilhac,
abbé Guillaume de Tanoüarn,
Francis Venant
 Éditorial

La République ne répond plus

ù va la République ? À vrai dire, ce serait le sont que des mots, vidés de leur sens par une pra- dis, justifiait le colonialisme et justifie aujourd'hui

O cadet de nos soucis si ce régime désespérant

n'entraînait la France avec lui dans une
lente dérive qui semble promettre à notre pays
des lendemains catastrophiques. Car il y a malheu-
reusement fort peu de raisons d'espérer pour tout
citoyen qui regarde la situation sans préjugé au-
cun. Alourdie par son déficit qui se creuse chaque
jour davantage, la situation financière du pays est
gérée au jour le jour, dans le cadre contraint d'une
Union européenne qui interdit toute marge de ma-
nœuvre et, non contente d'alourdir nos exporta-
tions par la monnaie la plus forte du monde, est le
seul espace commercial entièrement ouvert à une
concurrence internationale aussi furibonde que dé-
loyale. Or, nos politiques, de gauche et de droite,
font consensus sur le respect scrupuleux des « en-
gagements européens de la France », qui ne sont
que ceux d'une oligarchie qui a vampirisé l'État et
s'arrange avec ces fameux principes républicains
dont nos politiciens se gargarisent à longueur de
journée pour mieux les vider de toute substance.
Qu'en est-il de ce fameux pouvoir du peuple, par
le peuple et pour le peuple, qui définirait notre
république démocratique ? Le non du peuple à
Maëstricht ? Violé ! La voix du peuple contre le
mariage homosexuel dans la plus grande manifes-
tation de l'histoire de France ? Ignorée ! Cette
même voix s'exprimant dans la plus grande pétition
publique réunie dans un délai historiquement
court ? Méprisée !
Certes, nous ne sommes pas de ceux qui pensent
qu'un référendum, une pétition ou une manifesta-
tion, même "historiques", soient par eux-mêmes
sources de légitimité quand ce sont les fondements
de la nation qui sont en jeu, qu'il s'agisse de l'indé-
pendance de la patrie ou de ce socle de la société
qu'est la famille. Non, il est des principes qui dé-
passent la volonté populaire, ou plus exactement,
qui ne sont pas mesurables à l'aune de ce monstre
qu'est l'opinion publique. Mais justement : le
29 mai 2005 ou les 13 janvier et 24 mars 2013, ce
n'est pas l'opinion publique, fabrication des media,
qui s'est exprimée, mais ce bon sens du pays réel,
ce sûr instinct de conservation, cette volonté vrai-
ment populaire de persévérer dans l'être. Aussi,
comment ne pas observer qu'en république, les dés
sont pipés et que « volonté générale », « expres-
sion démocratique », « pouvoir du peuple » ne
tique politique inhérente au régime lui-même ? Si
la République est bien, en France, le régime de
l'imposture, c'est qu'elle est fondée sur trois men-
songes originels : historique - le peuple brisant ses
chaînes -, idéologique - le peuple se libérant de
l'obscurantisme -, politique - le peuple devenant
maître de son destin. Jamais les Français n'ont été
autant asservis que depuis cette froide journée de
janvier 1793, où on leur a fait croire qu'en coupant
la tête de leur souverain, ils devenaient souverains
eux-mêmes. Le premier qui, ayant inventé la vo-
lonté générale, s'avisa de dire : « vous êtes les
maîtres absolus », et trouva des compatriotes as-
sez simples pour le croire et échanger leurs liber-
tés concrètes contre cette souveraineté illusoire,
fut le vrai fondateur de la démocratie. Plus de
deux siècles ont passé. Et si la France a paru par-
fois se relever et rompre avec la fatalité issue de
la Révolution, malheureusement, la pesanteur his-
torique a à chaque fois triomphé. Oui, ces deux
siècles sont ceux d'un effacement progressif de
notre pays, comme d'une disparition programmée.
Et qui semble connaître aujourd'hui une accéléra-
tion fulgurante. Le mandat de François Hollande -
car François Hollande n'existe pas, il n'est que le
syndic de faillite -, préparé par celui d'un Nicolas
Sarkozy dont seuls les Français qui ont la mémoire
courte peuvent oublier qu'il fut une insulte perma-
nente à l'être de notre pays, paraît achever
comme un long déclin.
On nous dira qu'en cela la France partage, sur les
plans économique, social, national et "sociétal", le
sort d'une grande partie de l'Europe. Nous ne le
nions pas. Mais avec cette particularité : ayant
abandonné depuis deux siècles, comme une vul-
gaire défroqué, sa dignité de fille aînée de l'Église
et de nation des lys, rempart contre l'Empire, pour
la parure de messagère de la liberté et de patrie
des droits de l'homme, la France cultive ses divi-
sions au nom de principes quasi religieux qui la
conduisent à sa perte, s'autodénigrant à mesure
qu'elle leur aurait été infidèle. Car chez nous, le
mots d'égalité, de fraternité et de liberté ne se
contentent pas de composer une devise inscrite au
fronton des prisons. Ce sont des valeurs que la
droite et la gauche prennent au sérieux, la gauche
avec plus de ferveur, la droite plus de veulerie,
mais c'est le grand héritage commun : celui qui, ja-
l'immigration ; qui, jadis, justifiait la lutte contre
l'obscurantisme chrétien et prépare aujourd'hui la
destruction de la famille ; qui, jadis, éradiquait les
cultures et les libertés des peuples de France fédé-
rés par le roi et impose aujourd'hui un multicultu-
ralisme et un communautarisme planétaires.
La République n'est pas simplement la femme sans
tête, c'est-à-dire un régime dont l'incapacité poli-
tique a conduit plusieurs fois la France au bord de
l'abîme - 1815, 1870, la saignée de 14-18 condui-
sant à la fausse paix de 1919, la vraie défaite de
1940, dont nous ne sommes toujours pas relevés...
Non, la République, c'est plus que cela : c'est la
justification même de notre perte. Ayant aban-
donné un patriotisme aussi abstrait que moral,
destiné, en tant que tel, à se vider de toute signi-
fication au fur et à mesure qu'il était démenti par
l'histoire, la République a trouvé depuis trente ans
dans l'universalisme mercantile une valeur de rem-
placement qu'elle veut imposer à la fois par la
désintégration du peuple lui-même (c'est le rôle de
l'immigration) - un peuple qu'elle a déjà culturelle-
ment désincarné par son individualisme idéolo-
gique - et le renversement de la société (ce sont
les lois sociétales). C'est le même constructivisme
qui est à l'œuvre depuis deux siècles et que les Lu-
mières ont essaimé, tel un virus dans le monde dit
occidental. C'est ce même constructivisme qui
aboutit à la destruction sociale, nationale, cultu-
relle et ethnique de notre peuple. Que cette Répu-
blique risque bientôt de mourir des contradictions
inhérentes à ces bouleversements, contradictions
que révèlent le récurrent débat sur la sacro-sainte
laïcité, nous importe dans la mesure où c'est l'exis-
tence même de notre nation qui est en jeu.
La crise à venir n'est pas simplement politique.
C'est pourquoi espérer un nouveau 6 février 34, un
6 février qui, lui, réussirait, est insuffisant. C'est à
autre chose que nous devons nous préparer. À une
lutte sans merci car c'est notre être même qui en
dépendra. Le 24 mars 2013, un million et demi de
Français sont venus crier qu'ils ne voulaient pas
mourir. Rien n'est perdu tant que le pays réel sait
encore faire entendre sa voix. Mais le temps
presse. Et les princes devront, cette fois, être au
rendez-vous. ❑
François Marcilhac

❚ NOTRE SOUSCRIPTION POUR L'AF

Et maintenant,
faire réfléchir les Français...
LA RÉUSSITE des manifestations
contre le mariage gay, la forte
mobilisation des Français contre
la politique familiale de Fran-
çois Hollande et la sensibilisa-
tion qui en a résulté constituent
pour nous, Action française, un
climat idéal pour diffuser nos
idées. À nous maintenant de
faire réfléchir nos compatriotes
sur les vraies causes de la situa-
tion actuelle : la démocratie, le
régime républicain, l'autocra-
tisme de nos gouvernants. La
démocratie ? C'est elle qui nous
a amené la gauche au pouvoir ;
le président de la République a
été élu démocratiquement.
Alors ? Cela fait plus de deux
cents ans que l'on recherche en
France une bonne république. Il
est temps de faire réfléchir les
Français sur un autre mode de
gouvernement. Notre journal
constitue le principal moyen de
faire progresser nos idées. Dif-
fusez-le autour de vous. En-
voyez-nous des noms de per-
Liste n° 3
sonnes susceptibles d'être inté-
ressées pour que nous leur Virements réguliers : Annie Paul,
adressions un abonnement d'es- 15,24 ; Serge Bollé, 50 ; Dr Jean-
sai gratuit. N'hésitez pas à nous Louis Rondy, 500.
écrire pour nous donner votre
avis et vos suggestions pour Total de cette liste 565,24 s
L'AF 2000. Cela nous permettra Liste précédente 618,84 s
de dialoguer avec vous et d'ou-
vrir un courrier des lecteurs. Et Total 1 184,08 s
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d'avance. ❑ de Mme Geneviève Castelluccio, à
Marielle Pujo L'Action Française 2000, 10 rue Croix-
des-Petits-Champs, 75001 Paris.

L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013 3❚

 Politique
❏ FRANÇOIS HOLLANDE
Un cataclysme ambulant
Le président de la République est intervenu à la télévision jeudi dernier.
Sans convaincre ses détracteurs. De toute façon, aux yeux
des plus virulents, il ne détient aucun pouvoir.
François Hollande mène une politique « plus médiocre
que normale », selon François Fillon
elon Médiamétrie, pas moins
S
de huit millions de téléspec-
tateurs auraient suivi la
piètre représentation de l'ex-dé-
puté de Corrèze, s'essayant, en
vain, à jouer au chef de l'État.
Entre l'être du premier socialiste
de France et le néant de ses pro-
pos, une chose est certaine : le
peuple devait se sentir gagné par
la nausée en le voyant agiter ses
mains si impuissantes.
Calamiteux et cynique
Telle une farce de Molière revue
par la commedia dell' arte, on at-
tendait Amphitryon et nous vîmes
apparaître Polichinelle grimé, gro-
tesque, en Jupiter. Flasque, déses-
pérément creux, tournant en rond,
arborant un ego en bandoulière,
comme pour rappeler sa singerie
anaphorique du débat d'entre-deux
tours face à un Sarkozy qui savait
déjà perdue sa réélection à force
de promesses trahies, François
Hollande peinait lamentablement
à se départir de son habit de pré-
sident de conseil général. Que
pouvait-il dire de crédible, tandis
que les indicateurs économiques
(augmentation historique du chô-
mage, dette publique abyssale,
croissance nulle) viraient au rouge,
démontrant tout à la fois l'inuti-
lité de sa fonction et la vanité de
son action ?
Plus que jamais, Hollande appa-
raît certes comme un accident de
l'histoire de la Ve République, ainsi
que nous l'avons écrit dans ces co-
lonnes, mais, pire, comme un ca-
taclysme ambulant. Comme l'ob-
❚4
retirer le projet de loi de "ma-
riage" gay, Hollande ne cherche-
rait-il pas à pousser l'exaspération
des Français à son paroxysme, les
forçant à prendre le contrôle de
la rue, ce qui lui fournirait l'alibi
d'un pays devenu ingouvernable
pour légitimer son appel à l'aide
de l'Union européenne ? En ins-
trumentalisant le sociétal, le ré-
sident temporaire de l'Élysée au-
rait trouvé un moyen habile d'élu-
der le social. Convaincu de ne plus
être réélu, d'assister à la bérézina
du PS lors des prochaines élec-
tions intermédiaires, Hollande
joue son va-tout. Ne craignant plus
les sinistres augures des sondages,
il assumerait le risque de voir nom-
mer par Bruxelles un technocrate
à la Monti pour prendre à sa place
des mesures économiques et so-
ciales impopulaires. Nul ne sait
mieux que lui que son Premier mi-
nistre et son gouvernement sont
tout simplement incapables et in-
compétents.
À la mode Sarkozy
Cela explique sans doute pour-
quoi, devant Pujadas, il n'a nul-
lement fait allusion à Jean-Marc
Ayrault. Hollande nous fait du Sar-
kozy. Il protège son fusible rava-
lant ainsi le Premier ministre à un
servait un journaliste de The Eco- rôle de figurant. Mais la différence
nomist, « Hollande dispose d'as- notable avec son prédécesseur
sez de pouvoirs pour causer bien tient dans son absence de cha-
des dégâts dans son pays ». La risme et de visibilité politique. Si
couverture de Valeurs actuelles Sarkozy n'avait, tout comme son
titrant sur « le président catas- successeur, aucune prise sur la
trophe », était, à cet égard, on réalité, il masquait cette carence
ne peut plus éloquente, qui mon- par un incessant et brillant nu-
trait la photo d'un Hollande méro d'agitation médiatique. Quoi
trempé par la pluie, semblant ap- qu'il en soit, Hollande restera
peler sur lui (et donc sur la comme celui qui aura ouvert les
France) toutes les calamités na- vannes des plus folles revendica-
turelles et surnaturelles. Par une tions de la gauche post-soixante-
formule assassine, l'ancien Pre- huitarde : le "mariage" des inver-
mier ministre François Fillon ré- tis, le remboursement de l'avor-
sume « la politique conduite par tement, l'assistance sexuelle
François Hollande, plus médiocre tarifée des handicapées, la sub-
que normale ». stitution des sexes par le genre,
Mais la mollesse du tempérament les salles de shoot... Vraiment, de
n'est pas incompatible avec l'in- quoi Hollande est-il le nom ? ■
telligence et le cynisme politique
du personnage. Aussi, en s'arc-bou- Aristide Leucate
tant sur son refus obstiné de faire aleucate@yahoo.fr
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ENSEIGNEMENT
La langue française
bannie des universités
Le gouvernement prévoit d'introduire de nouvelles
exceptions au principe selon lequel
l'enseignement doit être dispensé en français.
L'ACADÉMIE française s'élève à
son tour contre le projet de loi
Fioraso qui, dès ses premiers
articles, s'empresse d'édenter
la loi Toubon afin d'en venir,
dans nos universités et nos
grandes écoles, à un enseigne-
ment en "anglo-américain pour
tous", tant pour les étrangers
que l'on a l'illusion de mieux
attirer, que pour les étudiants
français. Est-ce là, en fait, la
première urgence de la ré-
forme voulue de l'enseignement
supérieur ?
Protestations
L'Académie française, et
quelques mouvements poli-
tiques patriotes, tous saisis par
nos associations dès la fin de
janvier et la fuite de l'avant-
projet Fioraso, sont venus heu-
reusement amplifier un haut-
le-cœur de révolte que nous
espérons salutaire. Il faut prier
tous parlementaires accessibles
de s'opposer au vote de cet ar-
ticle du projet de loi conçu par
l'actuel gouvernement, mais
voulu depuis plus de cinq ans
par son prédécesseur (Mme Valé-
rie Pécresse, MM. Pierre Tapie
et Richard Descoings).
Si cet article était voté, ce se-
rait une véritable révolution,
et un signal envoyé au monde
entier par la France de renon-
ciation au rôle primordial de sa
langue, pilier de sa personna-
lité nationale comme de la
Francophonie. Comme si elle
renonçait aussi à son histoire, à
sa civilisation, à ses voies et
voix originales dans le concert
des nations, à sa cohésion so-
ciale-sociétale, à son industrie,
à sa défense, à son immense
espace maritime, pour se livrer
pieds et poings liés à l'Empire.
La langue de la République dis-
crètement étranglée au lacet,
au détour du sérail. Quasi
"mauvais coup" d'État. Difficile-
ment imaginable par le peuple
qui croit encore que ses élites,
ses "partis de gouvernement"
de gauche comme de droite,
représentent et protègent ses
intérêts fondamentaux. Mais le
doute s'installe. Les yeux se
dessillent. On le perçoit de
plus en plus clairement : le
peuple, troublé, inquiet, se ré-
veille et gronde... Mauvais
coup d'État complété, du reste,
par un projet Peillon tendant à
introduire l'enseignement obli-
gatoire dès le cours prépara-
toire (CP), d'une « langue
étrangère » en fait évidem-
ment de l'anglo-américain.
Il faudrait être aveugle pour ne
pas voir tous les signaux
concordants, convergents, du
chambardement. L'intention
est claire : d'abord la bilingui-
sation de l'école ; puis l'aban-
don du français comme langue
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
principale d'enseignement ; en-
fin le passage presque complet
à l'anglo-américain langue
unique pour tous, véhicule
idéal de la "pensée unique" dé-
noncée par Claude Hagège,
professeur au Collège de
France. Il faudrait être com-
plice pour accepter ou tolérer
ce type de changement.
Nous ne sommes pas seuls à su-
bir ce vol et ce viol de notre
langue et de notre personnalité
nationale : M. Joachim Gauck,
président de la République fé-
dérale d'Allemagne, ne vient-il
pas, le 22 février, traitant de
l'Europe dans un long "discours
à la nation allemande", bien
différent de celui de Fichte en
1808, reçu d'ailleurs diverse-
ment outre-Rhin, de recom-
mander que l'anglais soit la
langue de l'Union européenne ?
Je le traduis : « un plurilin-
guisme pour des parties sans
cesse plus importantes des po-
pulations [de l'Europe], à l'aise
dans à la fois la langue mater-
nelle - et sa poésie - et un an-
glais pratique pour toutes les
situations et tous les âges de
la vie » ! La voix de l'euraméri-
canie...
Vers le sursaut
Depuis plusieurs années, nos
"élites" atlantistes et euro-
péistes semblent bien avoir dé-
cidé, par cette voie de la
langue comme par d'autres, de
faire passer la France de l'être
au non-être. Écoutons, et fai-
sons entendre autour de nous,
ce que nous dit l'Académie
française dans son langage me-
suré et pondéré. Nous y perce-
vons tout de même un sursaut
de l'œuvre de Richelieu. Nous y
percevons la même indignation
- et presque la même passion,
jusqu'à l'engagement - que dans
nos associations et dans les
cœurs bouleversés de nos mili-
tants. ❑
Albert Salon
✓ Dans sa déclaration adoptée le
21 mars, l'Académie française dé-
nonce une disposition législative
« propre à dégrader la situation
de la langue française dans l'en-
seignement supérieur [...] dont
la valeur symbolique serait d'au-
tant plus grande qu'elle serait plus
vague, et qui inaugurerait de vé-
ritables franchises linguistiques
dans les universités françaises ».
Selon les Immortels, « sans nul-
lement méconnaître les nécessi-
tés des adaptations et de l'ou-
verture aux langues étrangères,
le principe constitutionnel selon
lequel la langue de la République
est le français ne doit souffrir,
dans le domaine de l'enseignement
supérieur, que des exceptions ri-
goureusement justifiées et préci-
sées, donc limitées ».

❏ DÉCENTRALISATION
L'Alsace cultive sa singularité
À la faveur d'un référendum organisé dimanche prochain, l'Alsace devrait conforter sa singularité
institutionnelle. Cela suscite des inquiétudes, notamment chez les souverainistes. Joël Broquet,
président du Carrefour des Acteurs sociaux, accueille néanmoins ce projet avec bienveillance.
« C'est faire injure aux Alsaciens de les soupçonner
❏ L'Action Française 2000 - Les
Alsaciens sont convoqués aux
urnes dimanche prochain,
7 avril. Sur quel projet ce réfé-
rendum va-t-il porter ?
❏ Joël Broquet - Les électeurs
inscrits sur les listes électorales
en Alsace sont appelés à approu-
ver ou rejeter une réforme dont
l'aspect le plus spectaculaire ré-
side dans la fusion des deux
conseils généraux (Bas et Haut-
Rhin) et de l'actuel conseil régio-
nal dans une seule assemblée qui
s'appellera Conseil d'Alsace. Il élira
son bureau à la proportionnelle.
La véritable innovation réside
dans la création d'un conseil exé-
cutif élu par l'Assemblée au scru-
tin majoritaire. Il pourra être ren-
versé par l'Assemblée. Les conseils
généraux se survivront par le
maintien de deux assemblées dé-
partementales consultatives. Une
autre innovation forte réside dans
la création de huit à douze con-
seils de territoires correspondant
assez exactement à la notion de
pays. Signalons que le Conseil éco-
nomique, social et environne-
mental régional (CESER) s'est tou-
jours montré très majoritairement
favorable à cette réforme.
❏ Cette consultation, peu mé-
diatisée jusqu'à présent, tra-
duit-elle la mise en œuvre d'un
processus fédéraliste ?
❏ Une des raisons pour lesquelles
on en parle peu est que le pari-
sianisme est tel que, l'événement
étant spécifiquement provincial,
il est réputé négligeable, à moins
que les doctrinaires du centra-
lisme ne parviennent à enflam-
mer le débat... Disons tout net
que cette réforme ne revendique
aucune légitimité régionale sui
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
de vouloir quitter la France »
generis. Au contraire, elle s'ins-
crit parfaitement dans la légalité
la plus totale, puisqu'elle se fonde
sur l'article 29 modifié de la loi
du 16 décembre 2010. Elle res-
pecte parfaitement les conditions
légales et notamment l'obligation
faite aux collectivités (en l'espèce
les deux départements et le
conseil régional) concernées
d'adopter un même "texte fonda-
teur". La meilleure preuve que
l'on est loin du processus fédéra-
liste est que cette fusion devra
être sanctionnée par une loi por-
tant sur l'organisation de la ré-
gion nouvelle, alors qu'un système
fédéral se serait contenté de l'ob-
tention d'un label de constitutio-
nalité. On n'ose imaginer un re-
jet par le Parlement d'une réforme
à la fois cadrée légalement et po-
pulaire. Mais il vrai que le condi-
tionnement unitariste est tel que,
dès lors que la décentralisation
se concrétise dans les faits elle
conduit à s'interroger sur les pers-
pectives qu'elle pourrait ouvrir sur
le fédéralisme... Cette réforme
s'inscrit dans la mise en œuvre de
l'Acte III de la décentralisation et
doit beaucoup au fait que Philippe
Richert, actuel président de la ré-
gion et porteur du projet, a pu
préparer le terrain lorsqu'il était
secrétaire d'État aux Collectivi-
tés locales.
❏ Le résultat du scrutin n'est-il
pas déjà acquis ? Un sondage
donne le "oui" vainqueur à 75 %.
❏ Effectivement, mais encore
faut-il savoir que la barre est
haute. Il faut, pour que la ré-
forme soit adoptée, qu'il y ait
dans chacun des départements
plus de 50 % de votants, et donc
que le "oui" y soit plébiscité par
25 % des électeurs inscrits. Rap-
pelons que le 22 novembre, les
membres des trois assemblées ont
approuvé le referendum par cent
huit voix pour, cinq contre et neuf
abstentions. Les élus FN avaient
appelé à voter "oui"... avant de
recevoir de Paris l'ordre de faire
campagne pour le "non". Aujour-
d'hui font campagne pour la ré-
forme l'UMP, l'UDI, les écologistes
et la fédération socialiste du
Haut-Rhin. Font campagne contre
elle le Front de Gauche et la di-
rection du FN, dont plus de 60 %
des électeurs voteront "oui"
d'après un sondage.
❏ Certains s'inquiètent des
risques que ferait peser, sur
l'unité nationale, l'intégration
programmée de l'Alsace dans une
vaste région européenne. C'est
le cas de Marine Le Pen, qui dé-
nonce le « détricotage de la Ré-
publique ». Qul'en pensez-vous ?
❏ Tout ce qui menace l'unité fran-
çaise est condamnable, mais pré-
cisément, en l'espèce, on peut
également soutenir que tout ce
qui renforce une région périphé-
rique lui donne des moyens accrus
dans le dialogue avec ses voisins.
À moins, évidemment, de
confondre la France avec un
dogme centralisateur qui lui tient
lieu non de principe d'unité mais
de corset paralysant. D'ailleurs, la
véritable opposition au projet,
dans sa version virulente et pro-
prement idéologique, procède de
groupes qui haïssent les "particu-
larismes" alsaciens, notamment
dans le domaine des cultes, et
craignent que l'adoption de la ré-
forme enterre à tout jamais leurs
espoirs d'en finir avec ce qu'ils
considèrent comme des hérésies
au regard de la religion laïque :
enseignement des religions, ré-
gime des corporations obligatoires,
régime de traduction des actes,
statut des religieux... Le MPEP
(Mouvement politique d'émanci-
pation populaire) de M. Jacques
Nikonoff appelle même à consti-
tuer des « brigades républi-
caines » pour aller faire entendre
raison à ces Alsaciens. Un autre
groupuscule s'effraie à l'idée que
l'Alsace devienne « le laboratoire
de la destruction de la Répu-
blique ». Une certaine Union pour
la promotion et l'expansion de la
laïcité est allé jusqu'à poser une
question prioritaire de constitu-
tionnalité (QPC) au sujet du ré-
gime des servants du culte pro-
testant, ce qui a conduit le pas-
teur Collange à poser la question :
pourquoi tant de haine ? On le
voit, la bataille pour le statut de
l'Alsace a largement débordé son
objet strict pour revenir aux vieux
démons d'une guerre idéologique
bien française. Si « détricotage »
il y a, c'est bien celui de l'abs-
traction nationalitaire, c'est cer-
tainement celui de l'idéologie ja-
cobine ou encore du culte de la
déesse raison, mais sans doute pas
celui de la France. Et d'ailleurs
c'est faire injure aux Alsaciens de
les soupçonner de vouloir quitter
la France. Quant à l'argument qui
consiste à dire qu'une Alsace "au-
tonomisée" tomberait sous la
coupe des oligarchies mondialistes
il suffit pour y répondre de consta-
ter l'impuissance de l'État à la ju-
guler. La région ne fera pas pire.
❏ Le mouvement engagé en Al-
sace pourrait-il faire école dans
d'autres régions ?
❏ L'intérêt du cas alsacien est
d'être... alsacien. La décentrali-
sation, n'en déplaise aux décen-
tralisateurs qui ne le sont qu'en
paroles, n'est pas du clonage.
Chaque entité, chaque région,
chaque communauté est originale
et doit trouver sa voie propre.
Comme le fait le Mouvement nor-
mand pour la Normandie. Mais
nous menons campagne dans
toutes les régions pour dire que
si l'Alsace offre un exemple,
chaque région doit identifier et
faire jouer des ressorts qui lui
sont propres. En se référant, par
exemple, aux travaux de Loeiz
Laurent, président du CLAR (Co-
mité de liaison pour l'action lo-
cale et régionale) et en valorisant
le couple pays-région. Nous ex-
pliquons également à nos amis
wallons qu'une association plus
poussée avec la France sera d'au-
tant plus envisageable que la Ré-
publique n'apparaitra plus comme
la "prison des peuples" mais of-
frira à chacun une relation origi-
nale avec la nation. Peut-on ima-
giner que le règlement de l'affaire
algérienne eût été différent si
"l'offre politique" avait été autre
chose que le "tout ou rien" ? ■
Société
» DIMANCHE
L'ensemble des commerces
devraient-ils être autorisés à
« ouvrir chaque jour de la se-
maine ainsi que le week-end,
de jour comme de nuit » ?
Telle est la conviction du dé-
puté Patrick Balakany, qui a
déposé une proposition de loi
en ce sens avec le soutien de
plusieurs collègues, dont Luc
Chatel, Pierre Lellouche et
Thierry Mariani. « On estime
ainsi à vingt-mille le nombre
d'emplois qui pourraient être
créés en France en autorisant
l'ouverture dominicale, dont
mille à Paris en temps plein
en autorisant l'ouverture do-
minicale des grands magasins
du boulevard Haussmann »,
plaide-t-il dans l'exposé des
motifs. Reste à convaincre les
catholiques, dont beaucoup
se sentiront à nouveau trahis
par l'UMP...
» LAÏCITÉ
Une majorité de Français
(83 %) souhaiteraient bannir
des entreprises tout signe
d'appartenance religieuse ou
politique, a fortiori dans les
lieux accueillant des enfants,
selon un sondage BVA pour
I-Télé. Philippe Houillon, dé-
puté UMP du Val-d'Oise, a dé-
posé une proposition de loi à
cet effet. Voilà qui devrait sa-
tisfaire la Fédération natio-
nale de la libre-pensée, dont
le président, Marc Blondel,
ancien secrétaire national de
Force ouvrière, déplore la cé-
lébration de sainte Geneviève
par la Gendarmerie : celle-ci
« porte atteinte à la néces-
saire neutralité des services
publics », a-t-il soutenu dans
une lettre adressée au mi-
nistre de l'Intérieur.
» ISLAM
Manger halal n'est pas du goût
de Mme Sylvie Goy-Chavent,
sénateur UDI de l'Ain, ni de
ses collègues Alain Houpert et
Jean-Pierre Leleux, respecti-
vement sénateurs UMP de
Côte-d'Or et des Alpes-Mari-
times. Aussi ont-ils déposé
une proposition de loi « vi-
sant à informer le consomma-
teur quant à l'origine des
viandes issues des filières
d'abattage rituel ». Ce fai-
sant, ils s'érigent en défen-
seurs de la "liberté de
conscience", qu'ils jugent
« tout aussi précieuse pour
les athées, les agnostiques ou
les indifférents » que pour les
croyants. Par ailleurs, ils
pointent un risque sanitaire :
« dans le cadre de l'abattage
rituel », soulignent-ils, « il
est en effet impossible de li-
gaturer l'œsophage des ani-
maux lors de leur mise à
mort et leur contenu gas-
trique chargé de germes pa-
thogènes se répand dans le
système sanguin et sur la car-
casse, par la plaie béante
du cou ».
5❚
 Société
❏ BIOÉTHIQUE
Débat embryonnaire
L'obstruction parlementaire offre un sursis aux embryons humains :
dans l'immédiat, ceux-ci continueront de ne pouvoir faire l'objet
de recherches qu'à titre dérogatoire – au moins en apparence.
Y aurait-il une "appétence" particulière des scientifiques
pour la recherche sur les embryons ?
n février 2012, alors qu'il
E
était en campagne, François
Hollande avait annoncé que,
s'il était élu président de la Ré-
publique, la loi encadrant les re-
cherches sur l'embryon serait à
nouveau révisée. Ce faisant, avait-
il déclaré, « nous rattraperons
notre retard sur d'autres pays et
nous favoriserons le retour des
post-doctorants partis à l'étran-
ger » - notamment aux États-Unis,
où la loi n'impose aucune restric-
tion en la matière. Sa promesse
semblait en passe d'être tenue :
à cet effet, une proposition de loi
devait être votée par l'Assemblée
nationale mardi dernier, 2 avril.
C'était compter sans la résistance
de quelques députés UMP, qui ont
noyé le texte sous une pluie
d'amendements, empêchant son
examen dans les délais impartis.
Ambiguïtés légales
Dans l'immédiat, la législation
conservera donc ses ambiguïtés :
si elle autorise la recherche sur
l'embryon, c'est, formellement, à
titre dérogatoire, quoique de fa-
çon pérenne – comme s'il fallait
maintenir un interdit symbolique
tout en s'en affranchissant dans
les faits. Autant en finir avec l'hy-
pocrisie ! C'était l'objet de la pro-
position de loi en débat, dont
l'adoption aurait néanmoins
constitué « un bouleversement
éthique et juridique », selon
Théophane Le Méné. De son point
de vue, elle aurait entériné « la
réification de la personne hu-
maine, la suprématie de la tech-
nique sur l'homme et son asser-
vissement à la logique utilitariste
des laboratoires ». En effet, a-t-
il expliqué sur Causeur, « le prin-
cipe allait devenir l'exception et
l'exception le principe ».
❚6
Aujourd'hui, trente-six équipes de
recherche travailleraient, en
France, sur des cellules em-
bryonnaires. Elles y ont été au-
torisées par l'Agence de la bio-
médecine, avec la bénédiction
des ministres chargés de la Santé
et de la Recherche, mais aussi le
consentement des individus à l'ori-
gine des "embryons surnuméraires"
conçus in vitro dans le cadre d'une
procréation médicalement assis-
tées, les seuls pouvant faire l'ob-
jet de recherches au regard du
droit. Avant d'agréer un protocole,
les autorités sont censées s'assu-
rer que soient réunies les condi-
tions suivantes, résumées par
Mme Dominique Orliac, député PRG
du Lot, rapporteur du texte sou-
mis à l'Assemblée : « la perti-
nence scientifique du projet de
recherche est établie ; la re-
cherche est susceptible de per-
mettre des progrès médicaux ma-
jeurs ; il est expressément éta-
bli qu'il est impossible de parvenir
au résultat escompté par le biais
d'une recherche ne recourant pas
à des embryons humains, des cel-
lules souches embryonnaires ou
des lignées de cellules souches ».
La hantise des recours
Autant d'éléments dont l'appré-
ciation est sujette à discussion.
« S'il est vrai que les chiffres de
l'Agence de biomédecine révèlent
un véritable dynamisme de la re-
cherche française en la matière,
la rédaction actuelle de la loi est
source de contentieux qui retar-
dent le lancement de certains
projets scientifiques », déplore
Mme Orliac. De fait, explique-t-
elle, « la Cour administrative
d'appel de Paris a déduit de l'exis-
tence de l'interdiction de prin-
cipe de la recherche qu'il appar-
tenait à l'Agence de la bioméde-
cine de faire la preuve que des
recherches employant des moyens
alternatifs ne pouvaient parve-
nir au résultat escompté. Elle a
en conséquence annulé l'autori-
sation accordée trois ans aupa-
ravant à une recherche. » Appa-
remment, la loi proposée répon-
drait surtout à la Fondation
Jérôme Lejeune, dont les recours
feraient peser sur les chercheurs
« une véritable insécurité juri-
dique ». Onze affaires seraient
en cours d'instruction, s'inquiète
Dominique Orliac, au motif que
l'Agence de biomédecine « n'avait
pas prouvé l'impossibilité de me-
ner ces recherches par d'autres
méthodes ». Or, prévient-elle,
« en matière de recherche fon-
damentale, une telle preuve ne
peut pas être apportée ». Ce-
pendant, poursuit-elle, « les re-
cherches sur les cellules souches
adultes et les cellules repro-
grammées n'ont pas vocation à se
substituer, en l'état des connais-
sances scientifiques, à la re-
cherche sur les cellules souches
embryonnaires, mais en sont le
complément nécessaire ».
Alternative prometteuse
Voilà précisément ce que conteste,
par exemple, M gr André Vingt-
Trois, archevêque de Paris et pré-
sident de la Conférence des
évêques de France. Étant donné
les perspectives offertes par les
ressources du sang placentaire ou
la reprogrammation cellulaire,
l'engagement en faveur de la re-
cherche sur l'embryon serait « un
combat d'arrière-garde » selon lui,
Ce combat n'est mené « que pour
contester la valeur intrinsèque de
l'embryon », a-t-il déclaré dans
un entretien à Radio Notre-Dame
retranscrit par France catholique.
Évidemment, les chercheurs s'en
défendent : « il n'y a aucune "ap-
pétence" particulière des scienti-
fiques pour la recherche sur les
cellules souches embryonnaires et
si, à l'avenir, d'autres méthodes
s'avèrent être plus efficaces, elles
évinceront naturellement cette
dernière », soutient Mme Orliac.
Les projets les plus prometteurs,
à brève échéance, viseraient à
traiter la maladie de Steinert, qui
se traduit par des anomalies mus-
culaires et neuronales, ou la dé-
générescence maculaire, affec-
tant plus particulièrement la vue
des personnes âgées. Les patients
concernés peuvent-ils, dès lors,
espérer une guérison prochaine ?
Mgr Vingt-Trois entend dissiper de
faux espoirs : « c'est une trom-
perie à l'égard des gens que de
leur faire croire que grâce à cela
ils vont avoir des traitements pour
Alzheimer, Parkinson, etc. », a-
t-il prévenu. « Cela n'aboutira
pas. » Un jugement sans appel. ■
Grégoire Dubost
Au fil de la presse
Où l'on se demande si le pouvoir
"a-national-socialiste" est soit cynique, autiste,
sourd, aveugle, de mauvaise foi, borné ou un peu
tout cela à la fois. Le pays légal de quelques
centaines de lobbyistes homosexualistes vaut mieux,
pour ce pouvoir méprisable, que le million
de voix du pays réel qui se lève
contre cette humiliation.
❏ L'excellent site catholique,
Le Salon beige rappelle ces
propos tenus par un certain so-
cialiste, en 2006, lors des ma-
nifestations contre le projet de
CPE (contrat première em-
bauche) : « Quand il y a des
milliers et des milliers de ci-
toyens, jeunes ou moins
jeunes, quand toutes les orga-
nisations syndicales, représen-
tées sans exception, quand de
nombreuses associations d'étu-
diants et de parents d'élèves,
sont aussi mobilisés, à quoi
sert d'attendre la prochaine
manifestation ? [...] Il suffirait
d'un mot, un seul, que le pou-
voir hésite à prononcer :
l'abrogation. C'est un gros mot
pour la droite. Mais quand on a
fait une erreur, il faut savoir
l'effacer. » Il s'appelait... Fran-
çois Hollande. Cela n'engageait
à rien de proférer de tels pro-
pos. Aujourd'hui, le même les
nierait sans doute en bloc.
❏ Jean-Gilles Malliarakis (Inso-
lent.fr, 25 mars) ne peut s'em-
pêcher, à bon droit, de vitupé-
rer cette sourde et méprisante
ignorance du pays réel, par un
"sinistre de l'Intérieur" hors
sol : « Honte à ce ministre
d'origine trotskiste puis socia-
liste strauss-kahnien, recon-
verti désormais en croque-mi-
taine faussement droitier : ses
services prévoyaient cent mille
personnes [...], il en reconnaît
trois cent mille. Il est donc,
quoi qu'il arrive, responsable
du débordement. »
❏ Sur son blog, l'ancien député
Christian Vanneste note, lui
aussi, que « le mépris a un
autre visage, c'est celui, cas-
qué, de la dissuasion et de la
répression policières. Tout a
été mis en œuvre [...] pour ex-
céder les manifestants. En rai-
son d'un déploiement policier
impressionnant, rejoindre le
lieu de rassemblement exigeait
de longs détours. »
❏ Paul-Marie Coûteaux, prési-
dent-fondateur de Souverai-
neté, Indépendance et Libertés
(SIEL), s'est, quant à lui, fendu
d'un communiqué équilibré
(25 mars) : « Il est devenu évi-
dent que le projet Taubira sus-
cite trop d'oppositions pour
qu'il soit imposé dans son état
actuel. Si le président de la
République ne le retirait pas
pour engager sans délai une
large concertation sans exclu-
sive, il ne serait plus jamais le
président de tous les Français.
Il prendrait ce faisant la res-
ponsabilité de graves troubles
déjà perceptibles à maints
signes qui montrent, au-delà
même de la question du pré-
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
tendu mariage, un état de ten-
sion sociale qui pourrait dégé-
nérer et aurait tôt fait d'enta-
cher son quinquennat, si toute-
fois il reste en mesure de le
mener à son terme. » Et c'est
une grave question, en effet :
François Hollande est-il déter-
miné à diviser les Français, à
déchirer notre fragile lien so-
cial, bref, à jeter le pays dans
les flammes de la violence ?
❏ Dans Politique Magazine
(26 mars), l'éditorialiste Hilaire
de Crémiers ne peut manquer,
non plus, de mettre le soi-di-
sant chef de l'État devant ses
contradictions : « Suprême re-
tournement d'une situation qui
touche au comble du ridicule :
eux qui n'ont jamais envisagé
de légitimité politique que
dans les révoltes de la rue où
ils puisent les exemples de
leur conception monomaniaque
qui leur tient lieu de philoso-
phie sociale et de rhétorique
politicienne, aujourd'hui s'as-
seyent sur leur trône d'aventu-
riers de passage pour brandir
leur sceptre et leur main de
justice et, usant des grands
sceaux qu'ils ont à leur disposi-
tion, exigent l'obéissance du
peuple aux lois qu'ils façonnent
dans leurs conventicules et
qu'ils votent sans souci même
des plus justes réactions, en
affirmant hautement que force
doit rester à la loi et que la
rue ne saurait s'imposer pour
avoir le dernier mot. François
Hollande ne s'est-il pas laissé
aller à dire : il n'est pas pos-
sible de "céder" à la rue ; la
loi, c'est la loi et c'est moi qui
la promulgue. »
❏ Alors, demain ? Selon le poli-
tologue Bernard Stiegler (Atlan-
tico, 26 mars), « si rien ne se
passe qui changerait radicale-
ment la donne, ce n'est pas la
droite qui l'emportera, c'est
l'extrême droite. Le Front na-
tional n'arrête pas de monter.
Sarkozy a pu faire croire à
quelques naïfs que le FN était
fini alors qu'avec lui son dis-
cours devenait celui du gouver-
nement, et à présent les choses
apparaissent telles qu'elles
sont. Il est donc à peu près iné-
luctable que Marine Le Pen
sera au gouvernement dans
quatre ans. [...] Je pense que
le président de la République
et le Premier ministre sont ca-
pables de tirer les leçons de
trente ans d'errance et d'amor-
cer le tournant. Et à vrai dire
ils n'ont pas le choix : s'ils ne le
font pas dans les mois qui vien-
nent, c'est le FN qui sera très
bientôt au gouvernement. »
Aristide Leucate

❏ DÉFENSE
Les armées en sursis
La publication du nouveau livre blanc sur la défense est imminente.
Dans la foulée sera adoptée une loi de programmation militaire, dont
le président de la République a promis qu'elle ne déshériterait pas les armées.
La frégate Prairial, un navire français affecté
à la surveillance du Pacifique
l'approche de la publication
A
du nouveau livre blanc sur
la défense et la sécurité na-
tionale, parlementaires et indus-
triels sont montés au créneau, ap-
pelant le chef de l'État à "limiter
la casse". Sans doute ont-ils été
rassurés par son intervention té-
lévisée du 28 mars : au profit de
la Défense, « nous dépenserons
en 2014 le même montant qu'en
2013 », a-t-il promis ce soir-là.
Auparavant, le Premier ministre
avait tempéré les inquiétudes
dont Jean-Pierre Raffarin s'était
fait l'écho au Sénat : « si le pré-
sident de la République a pris la
décision d'engager nos forces au
Mali, ce n'est pas pour, demain,
entraver les capacités de notre
armée », avait-il déclaré.
Incertitudes budgétaires
Qu'en sera-t-il au juste ? Bien qu'il
ait exclu les "scénarios catas-
trophe" détaillés par nos con-
frères, François Hollande est de-
meuré évasif quant à l'ampleur
du budget pris en référence. Se-
lon que l'on considère le budget
annoncé ou celui effectivement
exécuté, que l'on y inclue ou non
des recettes exceptionnelles (des
ventes de fréquences ou des ces-
sions immobilières, par exemple),
les chiffres ne sont pas les
mêmes... En outre, selon la for-
mule du général Georgelin, an-
cien chef d'état-major des ar-
mées, cité par notre confrère
Jean-Dominique Merchet, anima-
teur du blog Secret Défense, « la
Défense gagne en général les ba-
tailles stratégiques contre Bercy,
mais elle perd ensuite tous les
combats tactiques ».
Alors que l'adoption d'une loi de
programmation militaire (LPM) a
été reportée à l'automne, rien ne
permet d'assurer qu'elle sera du-
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
rablement respectée. C'est même
le contraire qui serait étonnant.
Fin janvier, La Tribune signalait
déjà une « première encoche »
au budget annuel de la Défense,
priée de contribuer au finance-
ment des surcoûts éventuels de
la politique de l'emploi. Alors qu'il
était encore ministre délégué au
Budget, Jérôme Cahuzac avait
toutefois promis « de piocher dans
la réserve de précaution si la fac-
ture des opérations extérieures
(Opex) était supérieure aux
630 millions d'euros déjà budgé-
tés », précise notre confrère Mi-
chel Cabirol.
Ces aléas budgétaires nourrissent
l'indécision chronique de l'État,
contre laquelle s'élèvent les in-
dustriels, à l'image du missilier
MBDA. Paris n'en finit pas de dif-
férer ses arbitrages portant sur
deux programmes phare, « l'un
très important pour toute la fi-
lière industrielle missilier fran-
çaise » (le missile moyenne por-
tée, appelé à succéder au missile
Milan), et l'autre « crucial pour
la coopération britannique »
(l'anti-navire léger), rapporte en-
core La Tribune. Or, sous la pres-
sion de ses actionnaires, l'entre-
prise pourrait stopper certains dé-
veloppements, prévient son P-DG
Antoine Bouvier.
Quelles nouveautés ?
La publication d'un nouveau livre
blanc confirmera vraisemblable-
ment la nécessaire montée en
puissance de la cyberdéfense.
« Depuis 2008, la France a com-
mencé à combler son retard » en
la matière, selon Jean-Louis Car-
rère, le président de la commis-
sion des Affaires étrangères, de
la Défense et des Forces armées
du Sénat. « Une agence nationale
de la sécurité des systèmes d'in-
formation (l'ANSSI) a été créée
en 2009 et notre pays s'est doté
en 2011 d'une stratégie dans ce
domaine. Pourtant, en dépit de
ces progrès, le sentiment qui pré-
domine aujourd'hui est que la me-
nace a été largement sous-esti-
mée et que notre dispositif
connaît encore d'importantes la-
cunes. » Par ailleurs, comparé au
précédent, le prochain livre blanc
devrait accorder une attention re-
nouvelée à l'Afrique - Mali oblige -
ainsi qu'aux enjeux maritimes -
« une des données majeures de
l'évolution du contexte straté-
gique depuis dix ans », soutient
M. Carrère.
Océan Pacifique
D'ores et déjà, « 41 % du trafic
maritime de biens de consom-
mation à destination de la mé-
tropole passe en mer de Chine du
Sud. Par conséquent, nos intérêts
économiques quotidiens sont di-
rectement tributaires de la sé-
curité de ces eaux », a souligné
le vice-amiral Jean-Louis Vichot,
lors d'un colloque au Sénat consa-
cré au Pacifique. De plus, « c'est
outre-mer que nous allons trou-
ver les ressources minérales, ali-
mentaires, biologiques qui vont
nous permettre de développer la
recherche et l'industrie en France,
outre-mer et en métropole », a-
t-il plaidé. « À Wallis et Futuna,
ont été découverts des encroû-
tements minéraux d'une rare qua-
lité. En Polynésie française, on
espère une forte croissance de la
pêche avec le réchauffement cli-
matique. Celui-ci n'apporte pas
que des catastrophes puisqu'il va
déplacer la ceinture du thon vers
le Sud, vers la ZEE [zone écono-
mique exclusive] de la Polynésie
française. » De quoi susciter des
convoitises...
Aussi la présence française dans
le Pacifique requiert-elle des pa-
trouilleurs - « suffisamment gros
pour affronter la houle du Paci-
fique » -, des frégates - « les
seules à avoir assez d'autonomie
et de moyens militaires pour
maintenir une présence dans l'en-
semble du Pacifique, sur les côtes
d'Asie et d'Amérique », mais aussi
des avions et des satellites d'ob-
servation. Or, comme l'a rappelé
l'amiral Vichot, « les conclusions
du livre blanc de 2008 [avaient]
préconisé de réduire de moitié
les capacités militaires françaises
dans le Pacifique, y laissant des
forces à peine suffisantes pour
exprimer la souveraineté de notre
pays sur ces territoires ». À
l'époque, on avait considéré « que
les îles du Pacifique étaient suf-
fisamment protégées par les
étendues océaniques qui les en-
touraient, à une nuance près pour
la Nouvelle-Calédonie ». Le tir
sera-t-il rectifié ? Réponse cou-
rant avril. ■
Grégoire Dubost
ANNIVERSAIRE
L'Irak, dix ans après
Voilà dix ans, les Américains envahissaient
l'Irak afin de renverser Saddam Hussein.
Retour sur un fiasco.
GANGRENÉ par la violence, la
corruption et l'instabilité poli-
tique, l'Irak a marqué dans la
plus grande discrétion le
dixième anniversaire de son in-
vasion par une coalition mili-
taire américano-britannique. La
guerre d'Irak, parfois connue
sous le nom de troisième
guerre du Golfe, a commencé
le 20 mars 2003 avec l'invasion
de l'Irak par la coalition menée
par les États-Unis contre le
parti Baas de Saddam Hussein
pour faire triompher la démo-
cratie. C'était aussi l'époque du
"french bashing", parce que
Jacques Chirac avait dit non à
l'oncle Sam. Aux yeux des Amé-
ricains, nous étions des lâches,
des singes capitulards, d'in-
fâmes pacifistes, hantés par
l'esprit de Munich, de vieux Eu-
ropéens décadents, des alliés
ingrats, qu'ils se promettaient
bien de punir.
French bashing
Ils s'amusaient alors à récapitu-
ler toutes nos défaites depuis
1940. Mais seulement dix ans
après, les Américains doivent
reconnaître que les Français
n'avaient pas tort. Les plus sé-
vères jugent le bilan de leur in-
tervention en Irak comme un
fiasco. « Les grandes puis-
sances font rarement des choix
qui leur explosent aussi vio-
lemment à la figure », lit-on
dans le New York Times. Plus
de quatre mille boys ont laissé
leur vie dans une guerre qui a
coûté, au bas mot, 2 000 mil-
liards de dollars. On estime à
plus de cent quinze mille les
civils irakiens morts dans les
violences (essentiellement des
attentats), auxquels il convient
d'ajouter près de deux cent
cinquante mille réfugiés, sans
compter les dommages causés
aux infrastructures civiles (ser-
vices de santé, hôpitaux,
routes, centrales électriques,
centres de communication...),
sur fond d'insécurité générale
(pillages, incendies et prises
d'otages).
Le 18 décembre 2011, l'armée
américaine a plié bagages,
mais les attentats continuent -
Sunnites contre Chiites, Chiites
contre Kurdes. Les Américains
ont disloqué cet État, forgé de
toutes pièces par les Anglais il
y a près d'un siècle (en 1921).
Les Kurdes ont pris une quasi-
indépendance, tandis que les
cadres sunnites de Saddam
Hussein, évincés par les Améri-
cains, rejoignaient Al-Qaïda
dans sa lutte contre
le Grand Satan.
L'Irak est-il au moins plus dé-
mocratique en 2013 qu'en
2002 ? Le droit de vote, la li-
berté d'expression, la multipli-
cation des médias, oui, tout
cela existe. Il y a eu l'installa-
tion d'un gouvernement provi-
Monde
soire irakien, choisi par la coa-
lition, en vue de réorganiser la
vie politique du pays, puis le
vote d'une constitution accep-
tée à 75 % (principalement par
les Kurdes et les Chiites), ac-
compagné du retour de réfu-
giés politiques, exilés dans les
pays voisins, l'organisation des
premières « élections libres »
depuis plus de cinquante ans.
Mais il n'y a pas de citoyens,
seulement des communautés
ethniques et des tribus... « Le
suffrage universel a donné les
clefs d'un camion plein de pé-
trole à une majorité chiite. ».
L'Iran chiite en rêvait, George
Bush l'a fait.
Outre le bouleversement du
statu quo lié à la géopolitique
du pétrole, en éliminant Sad-
dam Hussein, les Américains ont
abattu le seul élément résistant
au voisin iranien dans la région.
Ils avaient pour objectif de pro-
téger Israël et ses alliés arabes
du Golfe de la menace ira-
kienne. Ils les ont placés sous
une menace iranienne, encore
plus puissante, préparant tran-
quillement sa bombe atomique.
Ainsi, on assiste à un double
renforcement à l'Est et au Nord
de la puissance politique de l'is-
lam chiite et donc de l'Iran, qui
peut désormais soutenir pleine-
ment son allié syrien, et au
Nord de la puissance politique
de l'islam sunnite et donc de
l'Arabie saoudite.
Ne plus rien toucher
Après l'Irak et l'Afghanistan,
deux fiascos, Barack Obama ob-
serve les délicatesses d'un élé-
phant dans un magasin de por-
celaine. Surtout ne pas bouger,
pour ne rien casser. Alors,
comme des enfants privés de
joie, les Américains regardent
avec envie nos troupes caraco-
ler au Mali, à la poursuite du
terroriste. Ils nous admirent, ils
nous louent. On fait le sale
boulot à leur place.
Pourtant, rien ne dit que notre
guerre-éclair au Mali servira à
quelque chose, et que les fa-
meux terroristes ne reviendront
pas, dès que l'armée française
aura le dos tourné. Et rien ne
dit non plus qu'on ne commet-
tra pas là-bas les mêmes er-
reurs que les Américains. Pour
citer Éric Zemmour en conclu-
sion : « Allez sans rancune, et
comme on dit chez nous, "ren-
dez-vous dans dix ans" ! » ❑
Henri de Rochefort
7❚
 Monde
❏ JEAN-LUC MORDOH
Tourner l'Europe en dérision
Le théâtre sera-t-il la planche de salut du souverainisme ? Se définissant comme « pro-français »,
Jean-Luc Mordoh espère contribuer, par ce biais, à faire vaciller l'édifice européen,
dont il réprouve la construction avec la plus grande vigueur.
❏ L'Action Française 2000 - Pour-
quoi ce livre, et surtout sous
cette forme, celle d'une pièce
de théâtre ?
❏ Jean-Luc Mordoh - Pourquoi ce
livre ? J'ai été un europhile
convaincu jusqu'au jour où j'ai dé-
cidé d'y voir un peu plus clair. Ce
que l'on me promettait, cette uto-
pie d'union des peuples, ce pari
fou d'effacer mille cinq cents ans
ans et plus de conflits avec nos
voisins, surtout après le summum
de la barbarie de 1914-1918 suivi
de 1939-1945, j'y ai fermement
cru. Mais au fil des années, ce dis-
cours européen n'apportait que
son lot de pessimisme. À chaque
déboire, à chaque délocalisation,
à chaque injonction de Bruxelles,
c'est la même bouée de sauve-
tage, le même remède préconisé,
le même discours convenu répété
inlassablement par nos politiciens
comme un mantra sanskrit : l'Eu-
rope, une autre Europe, une nou-
velle Europe, une Europe sociale,
plus d'Europe. Une litanie de slo-
gans censée nous transcender et
nous convaincre que demain sera
le jour de la réalisation. Cela fait
trente ans que cela dure, mais
demain n'existe pas. Dans un mo-
ment de lucidité, j'ai décidé de
comprendre la définition de l'Eu-
rope politique, de sortir de l'idéo-
logie pour me pencher sur du so-
lide, du factuel, le contrat qui
nous lie à l'UE, le traité sur le
fonctionnement de l'Union euro-
péenne ( TFUE). Et là, ce fut la
douche froide.
Pourquoi une pièce de théâtre ?
Écrire un livre sur le TFUE dans
un style académique n'aurait eu
aucun impact sur les gens. Pour
deux raisons : d'une part, il y a
plein de livres sur ce sujet, ad-
mirablement bien écrits ; d'autre
part, je n'ai pas les compétences
pour rédiger et expliquer comme
un politique. Le meilleur moyen
de capter l'attention, d'y appor-
ter du nouveau, un regard neuf,
c'est de caricaturer la situation
tout en faisant rire les lecteurs.
Quand vous faites rire, le mes-
sage passe beaucoup mieux. L'au-
todérision est le meilleur outil
pour comprendre sa geôle. Pour
y mettre un peu plus d'entrain et
de vie, l'explication par un couple
des articles du TFUE incriminés
s'opère à travers un dialogue, un
peu décalé mais toujours péda-
gogique. Les discussions politiques
autour d'un bon repas dominical,
on a tous vécu cela.
❏ Quels sont, à vos yeux, les prin-
cipaux dangers de l'Union euro-
péenne ?
❏ Le premier, le plus important,
la pierre angulaire de toutes les
déclinaisons décisionnelles, c'est
l'abandon de notre pouvoir, de
notre démocratie. Je l'explique
par les articles 3, 4, 5, 6 du TFUE
et les GOPE, les grandes orienta-
❚8
tions de politique économique.
Notre vote n'a plus aucun sens.
Aucun. Tout est déjà pensé, dé-
cidé et planifié dans tous les do-
maines : justice, transports, so-
cial, marché, acquis sociaux,
santé, défense, etc. Il ne nous
reste plus que le pouvoir de dé-
cider si nous transformons cette
rue en voie piétonne ou si cette
nouvelle crèche portera le nom
de Pablo Picasso. Pas plus. L'UE a
changé la définition du mot "dé-
mocratie". Il y a peu, c'était le
peuple qui votait et son vote dé-
cidait d'une voie à suivre. Au-
jourd'hui, un pays est démocra-
tique quand il valide les direc-
tions stratégiques de Bruxelles.
Nous avons fait un saut quantique
avec le même mot. Ce mot dé-
mocratie est une césure entre le
peuple qui croit, plus ou moins,
décider, et les politiciens, qui eux,
connaissent la nouvelle définition.
La démocratie d'aujourd'hui est
dictée par une armée de com-
missaires bruxellois jamais élus
et qui n'ont aucun besoin de l'aval
d'élections. Cela explique, entre
autres, les taux d'abstention de
plus en plus élevés lors des élec-
tions, de toutes les élections. À
quoi bon voter si celui que j'élis
ne fait qu'appliquer bêtement les
directives de Bruxelles ?
❏ Pensez-vous qu'un retrait pur
et simple soit possible ? Marine
Le Pen a demandé récemment
à François Hollande d'organiser
un référendum sur un éventuel
retrait de la France de l'Union
européenne. Ne pensez-vous pas
que les Français sont aujour-
d'hui tout simplement incapables
de l'envisager en raison du ma-
traquage qu'ils subissent depuis
des décennies sur l'Europe ? Ce
serait, à leurs yeux, de l'aven-
turisme...
❏ Un retrait est techniquement
possible, mais totalement impro-
bable. Je m'explique puisque vous
avez cité un nom. Contrairement
aux apparences, Marine Le Pen ne
veut pas sortir de l'Europe. La rai-
son est simple. Si vous désirez sor-
tir et que vous l'annoncez devant
vos militants et autres, vous don-
nez la marche à suivre. Et la
marche à suivre est claire, c'est
l'article 50 du TFUE. Cet article
a été conçu pour qu'un État puisse
sortir d'une façon unilatérale, sans
l'accord des autres pays. Il a été
pensé et prévu, donc en parler
n'est pas une gageure. Le pro-
cessus de sortie dure au maximum
deux ans. Jusqu'à aujourd'hui, je
n'ai jamais entendu Marine Le Pen
citer cet article. J'ai des doutes
sur sa volonté de sortir de l'UE.
Elle demande un référendum,
soit. Mais vous connaissez les Fran-
çais : 70 % d'entre eux sont prêts
à se couper la main au lieu de vo-
ter FN ou aller dans son sens. Les
partis UMP et PS le savent et ra-
meneront ce référendum à un
vote contre la peur des "Chemises
brunes". L'équation sera simple...
Le FN veut un référendum pour
sortir de l'Europe. Le FN est un
parti fasciste (évidemment non,
mais il est toujours représenté
comme cela). Donc sortir de l'Eu-
rope est une démarche fasciste.
Vous désirez revivre les années
quarante en France ? Non. Eh
bien, vous savez ce qu'il vous reste
à faire. Les jeux sont faits et l'on
connait déjà le gagnant. Mon ana-
lyse personnelle et le paradoxe
de tout cela, c'est que Marine
Le Pen le sait. Alors, pourquoi
part-elle au feu pour une défaite
assurée ? La politique est un jeu
de rôle pas toujours très clair pour
les électeurs. Marine Le Pen part
perdante mais son ambition pre-
mière est d'être incontournable à
droite et de faire vivre son en-
treprise familiale. Pas de sortir
de l'Europe. Marine Le Pen est le
ciment du statut quo actuel.
L'UMP et le PS le savent parfai-
tement et en jouent merveilleu-
sement bien en actionnant, dès
que possible, les qualificatifs de
raciste, fasciste et autres syno-
nymes de nécrose à faire fuir le
premier venu. À croire qu'il y a
une pièce de théâtre jouée entre
eux trois. Deux gentils et un mé-
chant, un trio qui s'entend comme
larons en foire.
Pour conclure, l'article 50 est une
clef que la France n'a pas les
moyens d'utiliser. Pour l'actionner,
il faut une majorité à l'Assemblée
nationale, une majorité sur 575
députés. Tout est dit : l'article 50
est inaccessible. Notre seule
chance de sortir de l'Europe vien-
dra d'événements extérieurs. La
Grèce sortira un jour car je vois
mal les Allemands payer tous les
six mois ad vitam aeternam. Si la
Grèce sort, ce sera l'effet domino.
Le Portugal, l'Espagne puis l'Italie
suivront. Tout l'axiome même de
l'Europe, un conglomérat de na-
tions, sera partiellement détruit.
Bruxelles n'aura plus aucun sens
et tout s'écroulera. Même scéna-
rio avec l'Angleterre. À titre indi-
catif, la France verse chaque an-
née 21 milliards d'euros à l'UE et
elle en reçoit 14. Une sortie,
contrairement aux délires pessi-
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
mistes d'européistes, c'est un gain
net de 7 milliards. Quant au re-
tour du franc, je vous invite à lire
et écouter les propos de Jacques
Sapir ou de Philippe Murer (Forum
démocratique) qui démontrent
techniquement qu'une sortie n'au-
rait aucun impact négatif sur notre
économie. Bien au contraire.
Cela dit, il y a effectivement un
matraquage pour rester dans l'UE
et il n'y a aucun débat sensé digne
de ce nom sur ce sujet. Les jour-
nalistes ont choisi leur camp et
leurs interlocuteurs. Le seul
contradicteur invité est Marine
Le Pen. Mais en l'invitant, on joue
sur des peurs irraisonnées et les
partis classiques sortent systé-
matiquement vainqueurs de cette
confrontation. Je vous ai démon-
tré qu'elle ne voulait pas sortir de
l'UE. Invitez Jacques Sapir, Phi-
lippe Murer, Étienne Chouard ou
François Asselineau, le débat
risque d'être ardu pour les tenants
de l'Europe face à ces pointures.
Mais ils ne sont jamais invités.
❏ Vous définiriez-vous comme
un souverainiste ?
❏ Oui, car je défends la souve-
raineté de mon pays. Non, car ce
terme est altéré depuis de nom-
breuses années, il a une sonorité
négative. Pour faire vite, à tra-
vers ce mot, beaucoup de gens
entendent extrême droite, repli
sur soi, rejet de l'immigration sans
nuance, idéologie nationaliste
donc réveil des années noires de
la France de 1939, alors qu'il porte
en son coeur, un joli mot, souve-
rain. J'aime mieux le qualificatif
de français, voire patriote, ou,
quitte à inventer un mot, pro-
France. Et si l'européiste con-
vaincu me réplique que lui aussi
il l'est, je lui mets sous le nez
toutes les soumissions réglemen-
taires auxquelles il doit souscrire
obligatoirement pour valider son
attachement à l'Europe. Moi, c'est
la constitution française, lui, c'est
le TFUE. Un monde nous sépare.
❏ Entendez-vous donner une
suite politique à ce livre ?
❏ J'ai un essai sur l'immigration
en cours. Que je le veuille ou non,
c'est politique. Le domaine étant
aussi sensible qu'une fiole de ni-
troglycérine, il sera abordé sous
le même angle, la dérision. ■
Propos recueillis
par François Marcilhac
✓ Jean-Luc Mordoh, Comment sor-
tir de l'Europe sans sortir de table,
éditions la Bourdonnaye, 124 pages,
4,99 euros au format numérique,
ou 15,99 euros au format papier sur
Lulu.com

❏ EUROPE
Chypre sortira-t-elle de l'UE ?
L'État chypriote est-il responsable du marasme dans lequel l'a plongé la crise
de la dette ? Ci-dessous, son avocat plaide non coupable,
soulignant l'intérêt qu'aurait l'Union européenne à précipiter l'île vers la ruine.
Le président Anastasiades, élu tout récemment,
devra conduire la reconstruction de l'économie chypriote
sur de nouveaux fondements
u-delà des aspects finan-
A
ciers, des enjeux d'ordre po-
litique, voire géostraté-
gique, expliquent pourquoi l'Union
européenne (UE) et le Fonds mo-
nétaire international (FMI) ont im-
posé des mesures conduisant à la
ruine de Chypre. Bien que M. Mos-
covici ait évoqué une prétendue
« économie-casino » l'État chy-
priote, internationalement re-
connu, n'a accordé aucune licence
d'exploitation de casino, cette ac-
tivité ne prospérant que dans la
partie nord de l'île, occupée par
la Turquie depuis 1974, et qui
échappe à son contrôle.
Place stratégique
L'économie de ce pays s'est
construite grâce au secteur ter-
tiaire, à une législation attrayante
d'inspiration anglo-saxonne, mais
aussi à la place stratégique qu'il
occupe en Méditerranée. Ainsi,
Chypre a bénéficié de flux de ca-
pitaux, d'abord libanais lors de la
guerre du Liban, ensuite koweï-
tiens et proche-orientaux lors de
la première guerre du Golfe, mais
aussi serbes lors de la guerre en
ex-Yougoslavie. Enfin, après l'écla-
tement de l'Union soviétique, les
Russes y ont afflué en masse,
comme investisseurs ou comme
touristes. Les relations se sont
consolidées avec eux grâce, no-
tamment, à leur communion de
foi orthodoxe avec la communauté
grecque chypriote.
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
Malgré son adhésion à l'UE et son
entrée dans la zone euro, avec
toutes les restrictions de son in-
dépendance en conséquence,
Chypre a pu préserver son éco-
nomie, qui était, en 2011, l'une
des meilleures de l'Union, avec
un PIB brut de 17 milliards d'eu-
ros pour une population de
836 000 habitants. Elle n'a béné-
ficié d'aucune aide de l'Union eu-
ropéenne. Cependant, la crise
grecque a frappé de plein fouet
l'État chypriote, en raison d'une
créance qu'il avait envers
Athènes, d'un montant de 23 mil-
liards d'euros, effacée partielle-
ment par l'UE en 2012.
Le président sortant, Dimitri Chris-
tofias, a cherché des bailleurs de
fonds internationaux pour pallier
cette situation inattendue, dont
l'économie du pays n'est pas res-
ponsable. C'est ainsi qu'ont débuté
les négociations avec la Troïka
composée du FMI, de l'UE et de la
Banque centrale européenne
(BCE). Le mandat du président
Christofias a pris fin en février
dernier. Nicos Anastasiades a été
élu pour lui succéder le 24 février.
Il a repris les négociations dès son
investiture afin de sauver l'État
de la faillite avant mai prochain.
Dans ce contexte, le FMI et l'UE
ont imposé des conditions draco-
niennes à l'Etat chypriote en
contrepartie d'un prêt de 10 mil-
liards d'euros. Dans un premier
temps, ils ont négocié avec le pré-
sident Anastasiades la taxation
des dépôts bancaires, à 6,75 %
jusqu'à 100 000 euros et 9,9 % au-
delà. Le parlement chypriote a
rejeté cette proposition le
19 mars. La panique s'est instal-
lée dans le pays, où les banques
étaient fermées en raison d'une
fin de semaine prolongée (le dé-
but du carême orthodoxe). Les
négociations ont continué jusque
dans la nuit du 24 au 25 mars.
Lors de ces durs pourparlers, le
ton serait monté entre Mme Chris-
tine Lagarde, qui dirige le FMI, et
le président chypriote, qui a me-
nacé de démissionner. Leur ac-
cord prévoit la ponction des dé-
pôts de la principale banque chy-
priote (Bank of Cyprus) à hauteur
de 30 % au-delà de 100 000 eu-
ros, la fermeture de la deuxième
banque du pays (Popular Bank),
la privatisation de certains sec-
teurs tels l'électricité et les télé-
communications, et une légère
hausse de l'impôt sur les sociétés,
qui passera de 10 % à 12,5 %. Ces
mesures vont déstabiliser l'éco-
nomie du pays. Celle-ci reposait
notamment sur le secteur ban-
caire, qui sera affecté dans son
ensemble par la perte de
confiance des déposants étran-
gers. Une fuite des capitaux est
inéluctable.
Faux prétexte
Loin d'une leçon moralisatrice,
évoquée relativement au blan-
chiment d'argent qui, en propor-
tions, est minime par rapport aux
pratiques observées dans d'autres
pays de l'Union, des considéra-
tion géostratégiques préoccupent
les bailleurs de fonds. La récente
découverte de gisements de gaz
et de pétrole importants en Mé-
diterranée orientale ont conduit
les Européens et les États-Unis à
s'inquiéter de voir Chypre, forte
économiquement, osciller vers
Moscou, qui lui avait accordé un
prêt de 2,5 milliards d'euros à un
taux avantageux. Curieusement,
à l'occasion des négociations entre
Bruxelles et le gouvernement chy-
priote, Israël et la Turquie se sont
réconciliés. Ankara avait, par
ailleurs, pris position contre le
régime syrien que soutient la
Russie...
La sortie de Chypre de la zone
euro, mais aussi de l'Union euro-
péenne, est à l'ordre du jour, alors
qu'on s'interroge sur les bénéfices
sécuritaires de l'adhésion, es-
comptés par certains dirigeants
chypriotes européistes à la fin des
années quatre-vingt-dix. L'opinion
publique chypriote y est large-
ment favorable. Il reste quelques
semaines au gouvernement chy-
priote pour combler sa dette par
un autre moyen et prendre cette
initiative, avant que l'accord de
Bruxelles ne devienne définitif par
le premier versement du prêt,
prévu début mai. ■
Élie Hatem
Monde
BELGIQUE
Nicolas Sarkozy,
exilé d'un jour à Bruxelles
Nicolas et Didier sont tombés dans les bras l'un
de l'autre lorsque le premier est venu enrubanner
le second comme un vrai œuf de Pâques.
C'EST sur sa réserve personnelle
d'ancien chef d'État que Nicolas
Sarkozy a fait Didier Reynders,
vice-Premier ministre de Bel-
gique, commandeur de la Lé-
gion d'honneur. La cérémonie
s'est déroulée au palais d'Eg-
mont, en lisière du grand salon
où sont érigées les statues des
comtes d'Egmont et d'Horn, dé-
capités sur ordre du terrible
duc d'Albe. Loin de ces souve-
nirs tragiques, l'ambiance était
à la fête. Intime, soulignait-on.
Une intimité toute relative, car demande parfois si moi-même
quatre cents invités avaient été je ne suis pas un peu de Liège,
conviés. Mais pour ce qui est je laisse pleuvoir. » Chacun y a
des médias, on avait élevé des vu une allusion à sa mise en
barrières. Pas question de lais- examen. Surtout lorsqu'il
ser se glisser dans un coin un ajoute : « Il ne sert à rien de
journaliste français. Souriant, maudire la pluie car elle finit
Nicolas Sarkozy a fait cette dé- toujours par laisser un jour ou
claration : « J'aime ce joli dic- l'autre la place au soleil, même
ton wallon : "Faites comme à à Liège. » À Liège ou à
Liège, laissez pleuvoir !" Je me Paris ? ❑ Ch.-H.B.
BANDE DESSINÉE
François Schuiten
offre ses planches à la BNF
Craignant que son héritage soit dilapidé sous
la pression du fisc, un dessinateur vient de le céder
à diverses institutions en France et en Belgique.
APRÈS la mort de Didier Co-
mès, l'auteur de Silence, c'est
d'un autre grand de la BD dont
on parle aujourd'hui, François
Schuiten. Dieu merci, lui n'est
pas mort, mais il se préoccupe
de son œuvre et de sa survie.
Seul Belge détenteur du grand
prix d'Angoulême en vingt ans,
premier auteur étranger cou-
ronné au Japon, à cinquante-
deux ans, il a décidé de faire
don de ses meilleurs albums à
la Bibliothèque nationale de
France et à la Fondation roi cession à cause de la valeur
Baudouin. Le dessinateur des exorbitante des planches sur le
Cités obscures confiera d'autres marché de l'art. » Du vivant
trésors au musée de la bande d'Hergé, qui n'en revenait pas,
dessinée d'Angoulême et au une planche de Tintin valait
centre belge de la bande dessi- 3 000 euros. Désormais, elle en
née. « C'est un déchirement, est à 100 000 euros ! « Il y a
confie-t-il au Soir, mais si mes des choses qu'on ne doit pas
enfants héritaient aujourd'hui, vendre », estime François
ils seraient forcés de vendre Schuiten. D'où son geste qui
pour payer les droits de suc- impressionne. ❑ Ch.-H.B.
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9❚
 Monde
❏ PROCHE-ORIENT
Barack Obama dans ses œuvres
Tandis que les fruits de la diplomatie américaine pourrissent en Irak, en Afghanistan,
en Libye, en Égypte..., le président américain, Barack Obama, vient de se rendre au Proche-Orient,
notamment en Israël où il a arraché de timides avancées.
orsque Barack Obama a été
L
élu président des États-Unis,
il y a plus de quatre ans, sa
première priorité, en politique
étrangère, était de résoudre le
problème palestinien et de paci-
fier les relations de son pays avec
le "monde musulman", que la di-
plomatie de Washington et ses ex-
perts, souvent douteux, croyaient
et croient toujours, semble-t-il,
homogène, quasi uniforme et ré-
duit au seul monde arabe.
Un échec total
Force est de constater que, sur
ce plan, l'échec est total, sans
nuance. L'Irak, dix ans après l'in-
vasion, est en état de guerre ci-
vile permanente – cent vingt mille
tués depuis la "fin" de la guerre.
Petite consolation pour Washing-
ton, la majeure partie de la ré-
gion kurde est calme et prospère.
Les grandes compagnies pétro-
lières jubilent, en revanche : l'or
noir irakien coule à l'abri des per-
turbations et leurs bénéfices sont
en hausse. Qu'importe, dès lors,
la ruine d'un pays, la misère crois-
sante des Irakiens, le sort tragique
des chrétiens d'Irak...
En Afghanistan, la situation est
encore pire. Avant même sa prise
de fonction officielle, le président
élu avait annoncé sa décision
d'évacuer l'Afghanistan. Promesse
qui sera bientôt tenue. Mais per-
sonne ne doute désormais que le
pays tombera à nouveau sous la
coupe sanglante des Taliban, de
la charia, et redeviendra une base
arrière du terrorisme islamiste.
Avec, peut-être, le danger d'une
guerre civile interethnique. Tout
ça pour ça ?
Voilà pourquoi les médias occul-
tent, autant que faire ce peut,
les événements se déroulant dans
ces deux malheureux pays. Ce qui
se prépare dans le Nord de
l'Afrique semble encore plus dé-
sastreux. La Tunisie est plongée
dans la violence, la crise écono-
mique et le chaos. On sait main-
tenant qu'au moment de la ten-
sion avec le président Ben Ali, une
intervention de l'armée aurait pu
éviter le désastre. Mme Clinton l'a
empêchée in extremis au nom de
la démocratie.
La Libye n'existe pratiquement
plus en tant qu'État organisé ; elle
est devenue l'arsenal du terro-
risme islamiste en Afrique. Per-
sonne n'en parle plus. Le pétrole
libyen continue de couler norma-
lement. C'est l'essentiel.
La tragédie qui se met en place
en Égypte est d'une autre di-
mension. Après avoir favorisé et
soutenu la chute du président
Moubarak, leur plus sûr allié dans
la région, les Américains conti-
nuent leur rêve d'islamisme mo-
déré. L'Égypte islamiste donne
l'exemple de violences, d'intolé-
rance croissante à l'égard des
chrétiens (10 à 15 % de la popu-
❚ 10
Barack Obama, prophète d'un islam modéré
lation) et des partisans d'un État
de droit. Elle s'enfonce de plus
en plus dans la crise économique,
et la corruption y règne encore
davantage qu'auparavant. Qu'im-
porte. Washington vient de dé-
bloquer une aide d'urgence de
250 millions de dollars pour sau-
ver le "modéré" Morsi, donc les
islamistes. Le basculement défi-
nitif de l'Égypte constituera la vé-
ritable tragédie de la diplomatie
américaine. Il y a peu d'espoir
qu'il puisse être évité. Et cela sera
un désastre régional, on ne le ré-
pétera jamais assez.
Un voyage
sans grands résultats
De prime abord, le voyage du pré-
sident Obama en Israël, en Jor-
danie et dans les territoires pa-
lestiniens n'a pas eu de résultats
spectaculaires. Autrement dit, les
négociations palestiniennes sont
toujours dans l'impasse, la colo-
nisation sauvage n'a pas été sus-
pendue. Le président Obama a,
certes, affirmé « la nécessité de
l'existence d'un État palestinien
comme le premier pas nécessaire,
et le plus important, sur le che-
min d'une vraie paix au Proche-
Orient ». Mais les Israéliens ne
sont pas prêts à l'accepter. Et on
voit difficilement des négociations
s'engager sans un geste de bonne
volonté de l'État hébreu sur ce
point. Israël reste également sur
sa position de refus quant à la li-
bération de nouveaux prisonniers
palestiniens ou l'extension de la
zone sous contrôle de l'Autorité
palestinienne de M. Mahmoud Ab-
bas. Tout au moins dans l'immé-
diat, rien n'a été annoncé. Néan-
moins, des lueurs d'espoir appa-
raissent. Obama a pu obtenir de
Netanyahou le transfert des taxes
dues à l'Autorité palestinienne et
bloquées par suite de sa recon-
naissance par l'ONU comme un
"État observateur". Une aide d'ur-
gence de 500 millions de dollars
pourrait également être mise en
place par Washington en faveur
de Ramallah. Ajoutées aux
100 millions de dollars promis par
les pétro-monarchies du golfe Per-
sique, ces deux mesures vont em-
pêcher l'asphyxie de l'Autorité pa-
lestinienne.
SYRIE
Des rebelles et des armes
Tandis que Paris livrerait déjà des fusils à l'opposition
syrienne, le gouvernement de Bachar el-Assad accuse
les rebelles d'avoir employé des armes chimiques.
PARIS ne livrera pas d'armes aux
rebelles syriens sans avoir la cer-
titude qu'elles échapperont aux
mains des terroristes islamistes, a
assuré François Hollande lors de
son intervention télévisée. Mais se-
lon le Nouvel Observateur, citant
« une source fiable au sein de l'ap-
pareil d'État français », des fusils
(des Famas typiquement français)
et des munitions auraient été four-
M. Obama aurait même contraint
M. Netanyahou d'appeler le Pre-
mier ministre turc M. Erdogan et
d'entamer ainsi le processus de
réconciliation avec Ankara, pilier,
avec Tel Aviv, de ce qui reste d'in-
fluence américaine dans la région.
En fait, la Turquie, comme Israël,
comme les États-Unis, sont in-
quiets pour le royaume de Jorda-
nie, sans doute prochaine cible
de la subversion islamiste. Mais
l'aide apportée à la rébellion sy-
rienne, pratiquement menée par
les plus radicaux de ces mêmes
islamistes, est-elle la meilleure
solution en la matière ? Ne vau-
drait-il pas mieux favoriser la paix
par négociation en Syrie, comme
le suggère Moscou ?
Nucléaire iranien
La question cardinale du nucléaire
militaire iranien reste toujours in-
quiétante. Washington, avec Tel
Aviv, Ankara et les monarchies du
Golfe, en conviennent. Mais ils sa-
vent qu'une action militaire serait
contre-productive. Seul Israël croit
qu'elle pourrait éventuellement
retarder la possession de l'arme
nucléaire par les ayatollahs. Mais
Washington, depuis l'arrivée au
pouvoir de M. Obama, ne pourra
rien entreprendre de réellement
efficace pour provoquer une vraie
évolution du régime à Téhéran,
tant que sa ligne pro-islamiste
"modérée" restera prédominante.
Or, tout le monde s'accorde, au
moins en privé, pour reconnaître
que seul un changement politique
à Téhéran pourrait permettre de
sortir de cette crise.
Rien de fondamental, donc, ne
sort de ce périple. Une bouffée
d'oxygène pour l'Autorité palesti-
nienne, une réaffirmation du sou-
tien américain à Amman (mais ce
soutien ne sert pas à grand-chose)
et une conversation téléphonique
de bon augure entre Netanyahou
et Erdogan. De petites lueurs d'es-
poir. Les problèmes fondamentaux
demeurent. ■
Pascal Nari
nis à l'Armée syrienne libre dès le
mois de janvier. Des militaires fran-
çais auraient même commencé à
former des rebelles au tir de mis-
siles sol-air portables. Ce n'est pas
la Ligue arabe qui le reprochera à
la France. Le 26 mars, lors d'un
sommet auquel étaient conviés des
représentants de l'opposition sy-
rienne, elle a affirmé que ses
membres pouvaient soutenir la ré-
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
» L'ŒIL DE MOSCOU
L'enseignement du français
est-il devenu suspect aux
yeux de Moscou ? En Russie,
le Parquet a visité plusieurs
bureaux de l'Alliance fran-
çaise, installés à Perm, Ros-
tov-sur-le-Don et Samara. Ces
inspections participent du
contrôle accru des ONG béné-
ficiant d'un financement
étranger, priées de se faire
inscrire sur un registre idoine,
en application d'une loi en-
trée en vigueur en novembre
dernier.
» FRANCOPHONIE
À l'occasion de la Journée in-
ternationale de la francopho-
nie, le 20 mars dernier,
l'Unesco a célébré « le pou-
voir qu'a la langue française,
outil de compréhension mu-
tuelle et de paix, de rappro-
cher peuples et cultures ».
Selon sa directrice, de natio-
nalité bulgare, Mme Irina Bo-
kova, c'est par souci « d'éga-
lité et de respect », mais
aussi « d'efficacité et de
clarté », que l'Unesco « s'at-
tache à promouvoir la langue
française comme langue de
travail et source de renouvel-
lement des idées et de préci-
sion dans l'exercice de son
mandat ». La veille, Ban Ki-
moon avait reçu, au nom de
l'ONU, la médaille Léopold Sé-
dar Senghor et le grand prix
de la Francophonie.
» MALOUINES
Cristina Kirchner aurait passé
plus de deux heures en com-
pagnie du pape François, le
18 mars dernier, rapporte le
quotidien argentin La Nacion,
cité par le Courrier interna-
tional. À cette occasion, le
chef de l'État argentin aurait
demandé au souverain pontife
« qu'il "intercède" auprès du
Royaume-Uni afin de faciliter
l'ouverture d'un dialogue au
sujet des îles Malouines ». En
2010, alors qu'il était encore
archevêque de Buenos Aires,
le cardinal Bergoglio « avait
déclaré que les Malouines
étaient "argentines'" », rap-
pellent nos confrères.
bellion par « tous les moyens [...]
y compris militaires ». À l'ONU, en
revanche, les loyalistes ont tou-
jours droit de cité. C'est même à
leur demande que les Nations Unies
ont ouvert une enquête sur l'em-
ploi possible d'armes chimiques par
des rebelles syriens. ■ G.D.

❏ LIVRES
Querelle de la Belle Époque
Seuil symbolique, le tournant des année 1900 est célébré comme une rupture entre la France du passé,
catholique et royale, et le modèle laïc et républicain en train de se mettre en place. Rien d'étonnant,
alors, si la plupart des historiens en donnent une vision politiquement marquée.
n peut se demander pour-
O quoi l'Américain Eugen We-
ber continue d'être encensé
à l'instar d'un maître de l'histo-
riographie, alors que tant de ses
confrères français lui taillent hy-
pocritement des croupières. Sans
doute à cause de son étude sur
l'AF, aux limites intellectuelles et
idéologiques évidentes, mais qui
colle si bien avec les partis pris
de l'université. Cependant, les
mêmes défauts, passés inaperçus
des critiques dans cette thèse,
font l'objet d'attaques en règle
s'agissant d'un autre "classique"
de Weber, La Fin des terroirs,
parce que, dans cet ouvrage-là,
ce n'est plus la seule école maur-
rassienne qui subit les délires du
cuistre d'outre-Atlantique, mais
tout Français encore un peu at-
taché à ses racines provinciales
et rurales.
Les terroirs en horreur
Weber s'est un jour aventuré à
traiter non plus des sphères in-
tellectuelles parisiennes, mais de
la France profonde. S'il compre-
nait mal les premières, la seconde
lui a totalement échappé. Et
toutes les lectures, impression-
nantes au demeurant, accumulées
avant d'écrire ne changent rien à
cette incapacité à appréhender
un monde auquel il demeure
étranger. D'où le phénoménal ca-
talogue de bourdes et d'absurdi-
tés, très savamment documentées
et justifiées, que constitue cet
ouvrage "indispensable". De quoi
s'agit-il ? De démontrer qu'avec la
IIIe République, la France, extra-
vagant conglomérat de terroirs hé-
téroclites n'ayant guère en com-
mun que la crasse, la pauvreté,
l'ignorance, la bêtise et la super-
stition, serait enfin devenue non
seulement un pays moderne, mais
une nation... S'appuyant sur des
chiffres, des statistiques, des rap-
ports officiels, tout en laissant de
côté les régions les plus riches,
Weber peint de manière horrifique
un monde arriéré enfoncé dans
des croyances moyenâgeuses, sans
d'ailleurs se rendre compte qu'une
bonne part des tares dénoncées
sont le fruit non de l'Ancien Ré-
gime, mais de la Révolution, pro-
digieuse machine à détruire les
structures existantes, priver de
repères moraux et religieux, fa-
briquer des générations d'anal-
phabètes. L'Américain n'imagine
pas une seconde que ce gâchis,
inexistant sous Louis XVI, soit le
fruit des idées des Lumières mises
en application. Il se réjouit donc
de voir, soixante-dix ans après, les
héritiers spirituels des Grands An-
cêtres reprendre la besogne avec
d'autres méthodes, achevant d'éra-
diquer de nos campagnes ce qui
avait survécu à la Terreur et qui
était, d'une certaine manière,
l'âme même de cette nation vieille
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
comme les Gaulois, dont le fils de
la neuve Amérique nie l'antique
existence... C'en serait drôle si ce
n'était tragique. Mona Ozouf,
grande historienne fière d'être nor-
mande, le dit avec tact dans sa
préface ambiguë à la réédition de
l'œuvre de son confrère yankee.
Une édition précédente, qui doit
se trouver encore, proposait en
supplément un choix d'articles de
l'ineffable Eugen, Les Imaginaires
et la Politique au XIXe siècle. His-
toire de rire un peu plus.
Triomphe des Lumières
Au vrai, le propos de Weber n'est
pas très éloigné de celui professé
par Michel Winock dans le cours
qu'il dispensait sur la Belle Époque
à Sciences Po. 1900 marque, en
effet, selon lui, le triomphe de
l'idéal républicain sur les forces
obscurantistes de la réaction roya-
liste, nationaliste et catholique,
ainsi que l'affermissement du ré-
gime. Désormais, et il le dit avec
une franchise désarmante, vont
triompher les idées des Lumières
à travers le réseau d'influence des
Loges et celui de la Ligue des
droits de l'homme. Progrès, Rai-
son, Tolérance, Liberté vont s'op-
poser victorieusement au message
en tout contraire de l'Église... Le
nouveau siècle est donc l'affron-
tement, en politique, dans la so-
ciété, les mœurs, les arts, de deux
visions antinomiques de l'huma-
nité. Affrontement parfois mar-
qué d'étranges péripéties, ou de
fâcheuses erreurs, tel le choix
d'Anatole France d'écrire Les dieux
ont soif, dénonciation d'une Ré-
volution qui, on le sait grâce à
Clemenceau, « est un bloc ». Mais
qu'attendre d'un romancier, si ta-
lentueux soit-il, admiré par Maur-
ras ? Si l'on veut bien se souvenir
que ce cours a contribué à for-
mer l'intelligence de nos élites
autoproclamées, l'on comprendra
mieux certains aspects de la lutte
du gouvernement actuel pour im-
poser à toute force son nouveau
paradigme, vieux comme la Ré-
volution...
Défi maçonnique
Jean-Pierre Rioux, dont on réédite
sous un nouveau titre, La France
de 1900, un ouvrage, Chronique
d'une fin de siècle, initialement
paru au Seuil en 1991, a choisi
une forme plus grand public afin
d'évoquer, par petites touches,
ces combats. Il donne le ton en
ouvrant son livre en 1889, avec
l'exposition universelle célébrant
le centenaire de la Révolution et
l'inauguration de la tour Eiffel,
« la tour sans croix » dénoncée
comme un défi maçonnique. Au
ton de certains chapitres, consa-
crés au fait religieux à travers les
pèlerinages à Lourdes et ailleurs,
à l'affaire Taxil Vaughan, canular
anticlérical aux larges retombées,
au succès de Botrel et d'autres
chantres du régionalisme, tandis
Arts & Lettres
que les forces de gauche font l'ob-
jet de textes autrement plus cha-
leureux, l'on comprendra que le
propos reste similaire à celui de
Winock, quoiqu'il ne vise pas le
même lectorat.
C'est toujours cet affrontement
que raconte, par le biais, cette
fois, du roman policier, Jacques
Neyrinck dans Le Crime du prince
de Galles. 16 février 1899 : Raoul
de Mézières, jeune polytechni-
cien, patiente dans les salons de
l'Élysée en attendant d'être reçu
par le président Félix Faure à qui
il doit exposer les mérites de la
télégraphie sans fil. Le rendez-
vous n'aura jamais lieu puisque,
à l'heure prévue, M. Faure suc-
combe à une attaque cérébrale
alors qu'il se trouvait en compa-
gnie de sa maîtresse, la belle
Mme Steinheil. Rude coup pour une
IIIe République qui joue la vertu
spartiate contre les débauches
monarchiques... Sans comprendre
comment ni pourquoi, Mézières,
au nom de « la patrie en dan-
ger », se voit chargé d'emmener
au plus vite l'encombrante
« connaissance du président » à
Rambouillet et de l'y retenir,
quitte à payer de sa personne,
jusqu'au lendemain des obsèques,
pour éviter le scandale. Cette mis-
sion, accomplie avec succès,
transforme un officier aristocrate
attaché à l'ancien ordre des choses
en responsable officieux des af-
faires troubles de la République,
laquelle, comme chacun sait, n'en
manque pas. C'est donc tout na-
turellement à lui que, dix ans plus
tard, Meg Steinheil s'adresse
quand son mari est assassiné. Et
pas par n'importe qui : à en croire
cette demi-mondaine forcenée,
le criminel ne serait autre que le
roi Edward VII d'Angleterre, son
amant en titre... De quoi faire
trembler le régime, une fois de
plus. Neyrinck connaît parfaite-
ment son sujet, et, ce qu'il ra-
conte le mieux, en sus d'une as-
tucieuse énigme, ce sont les cou-
lisses du pouvoir, des loges, des
officines troubles, ce qui ne l'em-
pêche pas, - il faut ce qu'il
faut... - de ricaner doucement de
tout ce qui leur est opposé.
Juin 1906 : à la une du Matin, l'un
des quotidiens les plus lus de
l'époque, ce gros titre terrifiant :
« On vole des enfants à Paris. »
À en croire ce qui ressemble à
une enquête des plus sérieuses,
au cours des dernières semaines,
plus d'une dizaine de petits gar-
çons blonds, tous âgés d'environ
six ans, ont été enlevés, prati-
quement sous les yeux de leurs
parents. On en est toujours sans
nouvelles... Heureusement,
comme les lecteurs le compren-
dront vite, ce fait divers horri-
fiant n'est rien d'autre que le pre-
mier chapitre du nouveau feuille-
ton du journal, signé Louis Forest.
Pendant tout l'été, le romancier
journaliste tiendra le public en
haleine, continuant, ce qui n'avait
encore jamais été fait, à traiter
sa fiction comme s'il s'agissait de
la plus brûlante actualité, n'hési-
tant pas à faire intervenir, dans
de faux débats, faux courriers,
faux entretiens, la fine fleur de
la vie politique et culturelle fran-
çaise. D'épisode en épisode, l'an-
goisse s'accroît. Ce sont mainte-
nant plus de trente garçonnets et
fillettes, tous supérieurement in-
telligents, qui ont disparu, et qui
servent de cobayes aux terri-
fiantes expériences du docteur
Flax, pédiatre que l'on prenait
pour un bienfaiteur de l'huma-
nité... Jamais réédité depuis
1920, le livre de Forest, outre ses
remarquables qualités de sus-
pense, a le mérite de faire en-
trer le lecteur moderne de plain-
pied dans le quotidien d'il y a cent
ans, faisant toucher du doigt les
angoisses, espoirs, passions et ré-
actions de nos arrière-grands-pa-
rents, exploit que même les
meilleurs historiens ne sauraient
égaler. Mais, ce qui frappe le plus,
et que le lecteur de 1906 ne pou-
vait imaginer, c'est que la réalité
a rattrapé et dépassé la fiction.
Les émules du docteur Flax se sont
multipliés, prenant pour sujets
d'expérimentation des milliers
d'enfants, les tuant sans le
moindre remords. Ainsi, le mythe
du Progrès porté aux nues aura
débouché sur l'horreur. Sans le dé-
gonfler pour autant. ■
Anne Bernet
✓ Eugen Weber, La Fin des terroirs,
Fayard Pluriel, 720 p., 16 s ; Mi-
chel Winock, La Belle Époque, Per-
rin Tempus, 432 p., 9 s ; Jean-Pierre
Rioux, La France de 1900, Tallan-
dier Texto, 320 p., 10 s ; Jacques
Neyrinck, Le Crime du Prince de
Galles, 10-18, 230 p., 6,90 s ; Louis
Forest, On vole des enfants à Paris,
Le Masque Poche, 735 p., 7,35 s.
11 ❚
 Arts & Lettres
❏ PEINTURE
Dans l'univers de Chagall
Le musée du Luxembourg consacre une exposition à Marc Chagall (1887-1985).
Une centaine d'œuvres illustrent paix et guerre, au gré des événements vécus par l'artiste,
de la révolution d'Octobre jusqu'à son exil en France.
Au-dessus de Vitebsk, huile sur toile, 1915-1920
vec Chagall, on se trouve
la Russie tsariste, la guerre qui
devint sa compagne avant de
Leirens. Chagall, à l'époque, vi-
vait encore. La discrétion, mal-
heureusement, fit que nous n'en
parlions pas.
Revenons à l'exposition du Luxem-
bourg pour dire nos coups de
cœur. Par ordre chronologique, il
y a les scènes de soldats blessés
dans les rives de Vitebsk ou de
Saint-Petersbourg durant la
Grande Guerre. Certains, la tête
entourée d'un bandage, font son-
ger à Apollinaire, grand ami de
Chagall. Parmi nos coups de cœur,
il y a aussi ces paysages de Vi-
tebsk influencés par le cubisme,
de neige, d'ocre ou de bleuté, où
un personnage barbu, une canne
à la main, figure le juif errant.
Complétons cette énumération
par ces tableaux où des animaux
fantasmagoriques, tels un cheval
rouge, des écuyères les reins cam-
brés, peuplent un ciel sombre et
habité. Chagall, dans sa fièvre,
est un amoureux de la couleur. À
elle seule, sa palette devait être
un tableau mêlant le bleu nuit au
vert, le blanc cru au noir qui le
fait ressortir. Parmi tant de toiles
qui seraient à citer, concluons par
ce portrait magnifique du roi Da-
vid revêtu de pourpre, couronné
et jouant sur sa harpe d'or. Comme
CINÉMA
Les films
d'avril
❏ PIÉTA - Écrit et réalisé par
le Coréen Kim Ki-Duk, ce film
a obtenu le Lion d'Or au festi-
val de Venise 2012. Aban-
donné à sa naissance, Kang-do
est un homme seul. Son mé-
tier, recouvreur de dettes, il
l'exerce sans pitié, voire avec
sadisme. Un jour, il reçoit la
visite d'une femme préten-
dant être sa mère, et le
doute s'installe en lui. Comme
il en a l'habitude, Kim Ki-Duk
traite de souffrance et mort,
sacrifice et rédemption, d'où
le titre, a-t-il expliqué :
« Nous sommes tous des com-
plices et des pêcheurs. [...]
Personne ne peut se départir
d'une certaine transcendance,
j'ai donc décidé de nommer
ce film "Piéta", afin de cher-
cher le pardon de Dieu. »
Cette œuvre étonnante, très
réussie, dénonce l'argent roi
qui corrompt et pourrit les
êtres humains. Cependant, at-
tention pour les âmes sen-
sibles, le traitement en est,
comme souvent dans le ci-
néma asiatique, très cru,
glauque et violent.
❏ LE PREMIER HOMME -
D'après le roman (inachevé)
d'Albert Camus. Août 1957, un

A entre ciel et terre. En ape-

santeur, les météorites de
son univers chatoyant et bariolé
sont un âne, un coq, un violoniste,
une Torah. La belle et importante
exposition qui lui est consacrée
au musée du Luxembourg raconte
l'histoire d'une vie confondant le
réel et l'imaginaire pour en faire
une œuvre. Marc Chagall naît près
de Vitebsk, dans l'empire russe,
dans une famille hassidique où l'on
pratique un judaïsme qui se chante
à coups d'archets, sur un pas de
danse. Le rabbin de Vitebsk peint
par Chagall ressemble à un per-
sonnage des frères Tharaud, avec
son châle de prière, sa barbe four-
nie et, sur le front, une boîte
noire, symbole porté lors de la
prière matinale. La vie de Chagall
fut écartelé entre les pogroms de
l'engloutira, la révolution d'Oc-
tobre, l'exil américain pour fuir le
nazisme, la France et ses douceurs
provençales comme dernier re-
fuge. Chaque moment se reflète
dans son œuvre. Elle est jalonnée
des drames collectifs qui tracè-
rent son destin. Pour son bonheur,
il est irradié par l'amour. Celui de
Bella traversera toute sa vie jus-
qu'à sa mort soudaine à New York
en 1944. L'image de Bella figure
dans beaucoup de tableaux. Bella
à la fenêtre, Bella nue sur son lit
dont le rouge profond fait res-
sentir la blancheur de la nudité.
C'est Ida, la fille de Chagall et de
Bella, qui, sa mère disparue, trou-
vera pour lui une gouvernante,
Virginia Haggard. Fille d'un diplo-
mate britannique, femme culti-
vée éprise d'art... et d'artistes elle
rompre sept ans plus tard, en
1952. Le couple eut un fils. Vir-
ginia vint en Belgique. Elle épousa
Charles Leirens, photographe cé-
lèbre, puis, devenue veuve, se re-
maria avec Henri Storck, des Sei-
gneurs de la forêt, film superbe,
poème visuel et chant du cygne
du Congo belge auquel est asso-
cié le nom du roi Léopold III.
Des animaux
fantasmagoriques
Les hasards de la vie firent que
je rencontrai à diverses reprises
à cette époque Virginia. Âgée,
elle conservait beaucoup d'allure.
Sa conversation était d'un grand
intérêt intellectuel. Elle me fit
l'amitié de m'offrir un très beau
portrait de Malraux dû à Charles
s'il en tirait des accents qui ré-
sument la vie de Chagall. ■
Charles-Henri Brignac
✓ Chagall entre guerre et paix ;
musée du Luxembourg, 19 rue de
Vaugirard, Paris 6e ; 01 40 13 62 00 ;
jusqu'au 21 juillet, tous les jours de
10 heures à 19 h 30, le dimanche
de 9 heures à 20 heures, le lundi
et le vendredi jusqu’à 22 heures ;
tarif normal : 11 euros.
✓ Dans notre précédent numéro,
nous avons parlé du livre de Chris-
tophe Buffin de Chosal, Les Vraies
Raisons pour lesquelles les églises
se vident. Précisons qu'il est publié
en Belgique par les éditions Mols et
diffusé en France par la Sodis
(118 p. 17 euros).
écrivain célèbre, en l'occur-
rence Camus (remarquable-
ment interprété tout en
nuances par Jacques Gam-
blin), rend visite à sa mère
dans une Algérie où le drame
se dessine. Malgré une cer-
taine partialité (le réalisateur
Gianni Amelio est un homme
de gauche qui était pour l'"in-
dépendance"), on y trouve,
outre la beauté des paysages
et des lumières, un réel souci
d'objectivité et une modéra-
tion qui correspondent bien à
l'attitude de Camus, intellec-
tuel déchiré entre "sa mère et
la justice". C'est un beau film,
qui nous fait comprendre un
peu cet immense gâchis et la
colère des pieds-noirs et mu-
sulmans fidèles qui furent tra-
his, massacrés, et durent
abandonner leur pays.

LIVRE
Lumière sur l'ordre
du Saint-Sépulcre
Un album retrace l'histoire
des chanoines-chevaliers
et de leurs héritiers.
L'ORDRE du Saint-Sépulcre doit son institu-
tion à l'antique coutume, au temps des Croi-
sades, d'armer des chevaliers sur le tombeau
du Christ. Pour les historiens, c'est Godefroy
de Bouillon qui fonde en 1099 un ordre de
chanoines réguliers, dont la mission est de
veiller sur le Saint-Sépulcre et d'y célébrer
les offices. Ces religieux se placent en 1112
sous la règle de saint Augustin. Plus tard,
l'ordre devient un ordre de chevalerie. Au XIIe
siècle, les chanoines-soldats du Saint-Sépulcre
participent aux combats en compagnie d'un
tiers ordre composé de combattants qui por-
tent le nom de chevaliers. C'est avec la perte
de la Terre Sainte que la dénomination d'Ordre
du Saint-Sépulcre de Jérusalem fait son ap-
parition. À la fin du XIIIe siècle, l'ordre com-
porte des chevaliers adoubés, des chanoines
réguliers et des confréries laïques qui lui sont
rattachées. Ses membres escortent et pro-
tègent les pèlerins qui se déplacent vers
Jérusalem.
Un ordre équestre pontifical
À partir de 1847, l'ordre devient un ordre
équestre pontifical, sans vrai rapport avec les
anciens chanoines-chevaliers. De l'ancien ordre
militaire ne subsistent que des monastères de
chanoinesses autonomes les uns par rapport
aux autres. De 1907 à 1949, le pape en est
le grand maître. De nouveaux statuts sont ac-
cordés en 1949 et, désormais, la grande maî-
trise est assurée par un cardinal.
C'est sur cette institution de l'Église catho-
lique que les éditions Terramare viennent de
publier un fort bel album, richement illus-
trée, qui retrace les grandes pages d'histoire
de l'ordre, sans oublier ses missions actuelles,
particulièrement en France. Protecteur des
chrétiens, notamment d'Orient, l'Ordre est fa-
buleusement mis en lumière par Mgr Domi-
nique Le Tourneau. ■
François-Xavier Présent
✓ Mgr Dominique le Tourneau, L'Ordre du Saint-
Sépulcre de Jérusalem, 192 pages, 21 x 21 cm,
éditions Terramare, 25 euros (en vente sur
www.editions-terramare.com).
❏ LA RELIGIEUSE - D'après le
roman inachevé de Diderot.
Contrairement à l'ancienne
version de Jacques Rivette,
très anti-catholique (1966),
Guillaume Nicloux nous conte,
dans de magnifiques décors
naturels, l'histoire de cette
jeune fille très croyante mais
qui refuse l'enfermement du
couvent pour vivre sa foi en
toute liberté. Belle interpré-
tation de Pauline Étienne
dans le rôle principal de cette
très réussie coproduction ger-
mano-franco-belge. ❑
Frédéric Pic

❚ 12 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013


❏ LE PROCÈS DE L'EUROPE
L'identité européenne en héritage
Un débat stimulant entre Jean-François Mattéi et Pierre de Meuse s'est tenu sur la Toile,
accueilli par La Faute à Rousseau (lafautearousseau.hautetfort.com). Nous en publions ci-dessous
le premier volet. Le second suivra dans un prochain numéro.
ean-François Mattéi nous a
J donné, il y a déjà trente
mois, un nouveau sujet de
réflexion avec un livre intitulé Le
Procès de l'Europe. La lecture de
cet ouvrage est, comme toujours,
pleine d'enseignements et même
dispensatrice de plaisir. Jamais,
en effet, on n'y trouve d'austères
périodes, ni surtout de langage
obscur ou ampoulé comme mal-
heureusement de nombreux phi-
losophes nous en infligent trop
souvent le déchiffrement. Non,
Mattéi parle en clair, dans un fran-
çais hellénique, nous donnant sans
cesse à penser avec le jeu des
étymologies, un exercice que nous
ont transmis les Grecs, et qui ré-
vèle le sens des mots cachés sous
l'acception commune. Parler avec
élégance et naturel des choses
graves et essentielles est le propre
des grands esprits. Ils ne sont pas
très nombreux par les temps qui
courent.
Logique et abstraction
À l'érudition et la clarté, Mattéi
ajoute le courage, puisque le su-
jet de son livre est la culpabili-
sation de l'Europe et sa mise en
accusation par la pensée domi-
nante. A-t-on le droit de vouloir
que l'Europe soit autre chose qu'un
marché ou une expression géo-
graphique ? Peut-on être fier de
son identité européenne alors que
tant de penseurs, de Julien Benda
à Bédarida, en passant par Frantz
Fanon, pointent du doigt les
crimes qui jalonnent l'histoire de
notre vieux continent, simple ex-
croissance à l'extrémité de l'Asie ?
Mattei, non seulement, se refuse
à plaider coupable, mais réclame
le non-lieu.
Avec sa connaissance exception-
nelle de la philosophie, celle de
Platon, mais aussi des sciences
et de la musique, le philosophe
montre comment la connaissance
et la mesure du monde ont été
possibles, non seulement par l'ex-
périence de la main, comme l'ont
fait toutes les cultures humaines,
mais par deux inventions des
Grecs : la logique et l'abstrac-
tion, qui procèdent par généra-
lisation et progression dialec-
tique. Ainsi, les Européens ont
accumulé des inventions per-
mettant de dominer la nature
comme personne ne l'avait fait
avant eux. Grâce à eux, selon
Mattéi, le monde est devenu in-
telligible. De sorte qu'aujourd'hui,
s'il existe encore des sciences et
des musiques propres à certaines
cultures, personne ne conteste
que la science et la musique sont
celles que les Européens ont
conçues. Les fils de l'Europe ont
créé un modèle universel de la
raison et l'ont offert à l'humanité.
Leur société, ouverte sur les
autres et sur l'extérieur, a per-
mis l'invention de l'humanisme.
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
« Pouvons-nous espérer transmettre à nos enfants quelque chose
qui n'appartienne à personne d'autre qu'à nous ? »
En effet, c'est l'Europe et l'Eu- neutre et attentif, grâce à la dis-
rope seule, éclairée par la pen- tanciation, le « regard éloigné »
sée grecque et le christianisme, dont parle Lévi-Strauss. À mesure
qui a imaginé que l'homme, que les langues et les légendes
l'homme en soi, pouvait exister. des pays conquis disparaissaient,
Et Mattéi d'égrener les étapes de les savants, plus tard les ethno-
cette naissance : de la Magna logues, les recueillaient pieuse-
Carta à la controverse de Valla- ment et même amicalement.
dolid et aux bills of Rights, jus- Reste la question ultime, et la
qu'à la déclaration des Droits de seule, à notre avis, qui mérite
l'homme de 1948. qu'on la pose, car elle concerne
notre survie : nous reste-t-il, à
Cultures déracinées nous Européens, une identité qui
nous soit propre ? Pouvons-nous
Bien sûr, l'Europe a déraciné des espérer transmettre à nos enfants
cultures, au cours de ses con- quelque chose qui n'appartienne
quêtes, mais elle ne fut pas la à personne d'autre qu'à nous ?
seule à le faire, ce qui est indis- Mattéi répond, formellement oui,
cutable, car toutes les cultures mais son argumentation attend
ont prospéré sur la ruine de celles encore quelques précisions pour
qu'elles avaient dominées. De plus, être vraiment convaincante.
ces cultures ne pouvaient pas sur-
vivre à l'irruption d'une abstrac- Modèle universel
tion qu'elles n'étaient pas en me-
sure d'assimiler : « La vie de l'an- Le philosophe passe en revue les
thropologie européenne signe, critiques de ceux qui refusent
quoi qu'on fasse, la mort des cul- d'admettre que l'Europe possède
tures indigènes. La voix de la na- une identité exprimée par une
ture s'éteint quand les signes de culture propre, qui la distingue-
l'écriture apparaissent : le monde rait radicalement des autres cul-
ne résiste pas à la prise du tures. Ainsi, il donne l'exemple
concept. » Par ailleurs, l'auteur d'Alain Badiou, pour qui « l'Eu-
estime que beaucoup ne méri- rope vide ou évide la pensée » ;
taient pas de se perpétuer, à cause de Denis Guenoun : « le vide est
de leur cruauté ou leur brutalité, son avenir positif » ; Ulrich Beck :
comme les Aztèques ou les Incas. « vacuité substantielle et ouver-
Mattéi écarte donc l'accusation, ture absolue ». En bref, tous pro-
qu'elle concerne la colonisation clament que l'identité de l'Europe
ou la traite, et souligne que ce est impossible et que le seul des-
n'est pas l'Europe qui a inventé tin de l'Europe est de devenir
l'esclavage, mais que c'est elle qui étranger à soi. On pense imman-
l'a aboli. Enfin, il montre que c'est quablement à Lévi-Strauss qui se
aussi l'Europe qui a fait des autres demandait ironiquement « com-
cultures les objets d'un regard ment nous métisser nous-
mêmes ». Citant Pierre Manent,
Mattéi constate la permanence et
la nocivité de cet interdit jeté sur
l'identité de l'Europe.
Pourtant, on ne peut pas vouloir
une chose et son contraire. Si,
comme le dit Mattéi, « la raison
européenne s'est toujours identi-
fiée à son ouverture vers l'Uni-
versel », si la culture européenne
n'est pas une culture mais une
métaculture, alors elles ne nous
appartiennent pas, et c'est à bon
droit que les philosophes préci-
tés, quelle que soit parfois leur
médiocrité, nous emprisonnent
dans nos promesses inconsidérées.
Si l'Europe est une Idée offerte
aux autres hommes, de quel droit
voulons nous l'accaparer dans
notre chair ? En somme, le mo-
dèle universel de la rationalité
peut il encore avoir une identité ?
L'universalité du droit édifiée sur
les modèles des Lumières est-elle
compatible avec l'affirmation de
ce qui nous est propre ? Et pour
finir : peut-on encore se consi-
dérer comme une culture si l'on
s'affirme comme une « culture su-
périeure », surtout si cette affir-
mation est acceptée par les autres
cultures ? Les historiens savent
que le peuple qui impose sa vi-
sion à l'empire qu'il a conquis perd
toujours son particularisme.
Afin de répondre à cette ques-
tion restée sans réponse valable,
quelle que soit la forme sous la-
quelle on l'énonce, il convient
de se demander si l'Europe ne
s'est pas empoisonnée avec ses
propres concepts. Elle a, nous dit
l'auteur, créé le modèle d'une
Débat
« société ouverte ». Peut-être
trop ouverte, au point de détruire
toutes les légitimes différences ?
Elle a, poursuit-il, osé l'ouverture
à l'« homme ». Mais qu'est-ce que
l'homme ? Croit-on qu'après avoir
fabriqué un tel concept, il va res-
ter sagement limité aux passions
humaines communes, à la litté-
rature ou aux fins dernières ? Et
laisser intacts traditions, langues,
religions et particularismes ? Et
les Droits de l'homme dont le
pape Pie IX disait qu'ils étaient
« une monstruosité », non pas
parce qu'ils sont des droits, mais
parce qu'ils se prétendent atta-
chés à l'homme. Souvenons nous
enfin de ce fameux quolibet de
Maistre : « L'homme, je ne l'ai
jamais rencontré ! »
Nécessaire inventaire
Osons nous demander, en espé-
rant que notre éminent ami ne
nous en tiendra pas rigueur, s'il ne
conviendrait pas, au lieu d'ac-
cepter sans réserve tout l'héritage
accumulé depuis l'École de Sala-
manque jusqu'aux Lumières, de
faire sécession de cette Europe
mentale, incompatible avec notre
survie, et de nous demander à
quel moment les choses ont com-
mencé à déraper. Une telle dé-
marche nous permettrait, comme
disent les juristes, d'accepter la
succession « sous bénéfice d'in-
ventaire ». Après tout, avons-nous
toutes les raisons de nous glori-
fier de notre cadeau de la raison
universelle offert au monde ? Le
voyageur peut constater aisément,
en visitant les pays de tous les
continents, que le monde s'enlai-
dit à mesure et à proportion de
son européanisation. C'est le vi-
sage hideux de la modernité,
certes, mais comme le montre
Mattéi, c'est notre œuvre. Or, de
Vico à Herder, à Maistre, Donoso
Cortès et Spengler, nombreux fu-
rent les penseurs qui contestè-
rent et rejetèrent « l'idée d'une
intelligibilité qui régirait aussi
bien le monde que l'homme », re-
fusèrent « l'idée de raison uni-
verselle » et espérèrent « en fi-
nir avec l'idée linéaire menant
l'humanité vers le progrès ».
Avaient-ils tort, ou n'étaient-ils
pas européens ?
Osons aussi regretter que notre
Europe contemporaine n'ait pas
conservé, comme les Grecs clas-
siques, à côté de leur philosophie,
une poésie épique, qui façonnait
les esprits et les volontés vers les
vertus vitales. Osons déplorer en-
core que notre société ait perdu
le sens du tragique, dont Mattéi
nous dit qu'il « s'enracine dans le
théâtre des Grecs plus que dans
leur philosophie », ajoutant que
« c'est toujours cette dernière qui
donne le la ».
N'allons pas jusqu'à souhaiter,
comme Platon qui exigeait que les
poètes restassent en dehors de la
cité, réserver le même sort aux
philosophes, afin que l'Europe,
telle Ulysse « abandonne son nom
de "Personne", lorsque le fils de
Laërte aura retrouvé, avec la
terre natale, son identité ». ■
Pierre de Meuse
✓ Jean-François Mattéi, Le Procès
de l'Europe, Presses universitaires
de France, 264 pages, 22,50 euros.
13 ❚
 Idées
❏ CHRONIQUE
Lire (ou relire) H. Taine
Cheminer avec Hippolyte Taine se révèle une expérience intellectuelle
très féconde. Sa critique de la Révolution, notamment, s'avéra
pertinente, profonde et finalement radicale.
ippolyte Taine est, avec Au-
H
guste Comte et Ernest Re-
nan, une des grandes réfé-
rences intellectuelles de Charles
Maurras pour le XIXe siècle. Il lui
a d'ailleurs consacré un beau texte
sur lequel il nous faudra revenir
parce qu'il y critique une thèse
perturbante, celle de l'importance
décisive de la langue voire de l'es-
prit classique dans la genèse de
la Révolution française... Plus im-
portants encore que Maurras pour
le découvrir, il faut naturellement
mentionner les travaux, aussi sa-
vants et érudits que de lecture
agréable, de ce parfait honnête
homme d'Action française que fut
François Leger (décédé en 2010).
Ses deux ouvrages La Jeunesse
d'Hippolyte Taine (1980) et Mon-
sieur Taine (1996) sont tout à fait
décisifs, au moins sur un plan bio-
graphique, François Leger se gar-
dant, en effet, d'une évaluation
systématique de son œuvre.
La carrière de Taine
Né à Vouziers le 21 avril 1828,
dans les Ardennes, et mort à Pa-
ris en 1893, Taine ne sera pas un
« déraciné ». Au contraire, son
œuvre critique établit à quel point
les origines familiales déterminent
– plus encore qu'inclinent – la sen-
sibilité et la pensée d'un homme.
Pour autant, sa carrière fut es-
sentiellement parisienne puisqu'il
intégra en 1848 l'École normale
supérieure et enseigna aux Beaux-
Arts et à Saint-Cyr. Élément
brillant mais aussi contestataire
et moqueur – ce qui se verra no-
tamment dans ses très décapants
Philosophes classiques en France
(1857) –, il fut barré à l'agréga-
tion de philosophie, éloigné en
province (Nevers, Poitiers, Be-
sançon), et dut se refaire une vir-
ginité dans les études littéraires
où il excella bientôt.
Sa thèse, que Pierre Boutang
évoque dans La Fontaine poli-
tique, porta sur La Fontaine et
ses Fables (1853). Loin de se li-
miter à ce nouveau champ, Taine
s'intéressa à l'Histoire et à l'Art
sous toutes ses formes. Il est vrai
que sa curiosité était universelle
– ce dont témoigne son charmant
Voyage aux Pyrénées (1855)
qu'illustra Gustave Doré – et que
son esprit était particulièrement
bon et vif : à la fois analytique
et systématique ; lequel esprit,
pourvu qu'il fût méthodique,
comme il l'était, peut s'"appliquer"
partout pour juger souveraine-
ment du vrai et du faux, ce que
dit Descartes, et qu'avère Taine.
On notera que ce dernier s'essaya
à un roman, Vie et opinions de
M. Frédéric-Thomas Graindorge
(1867), sans doute trop didactique
pour être tout à fait reconnu
comme tel, et à un essai amu-
sant, Vie et opinions philoso-
phiques d'un chat (1858). On lui
doit aussi un Voyage en Italie
❚ 14
Hippolyte Taine par Léon Bonnat
(1860). Mais, somme toute, c'est
la philosophie qui demeura sa
"forme maîtresse", ainsi qu'en té-
moigne son œuvre la plus diffi-
cile, De l'intelligence (1870), dont
Sartre aimait parfois partir.
Pourquoi lire Taine ?
Tous les ouvrages mentionnés mé-
ritent d'être lus, et il n'est pas in-
utile de sentir et de penser avec
Taine. Cheminer avec lui se ré-
vèle une expérience intellectuelle
très féconde. Son style peut être
un peu lourd cependant, ou man-
quer de clarté, et l'on se prend à
le relire pour s'assurer du sens
d'une phrase ou d'un paragraphe
– ce qui permet alors de consta-
ter qu'il n'y a nulle incohérence,
mais bien de la profondeur ou trop
de richesses ramassées dans des
formules (qu'il goûte beaucoup...
et dont il est à la recherche). Bref,
un peu comme pour Auguste
Comte – mais à un degré moindre
tout de même... –, il faut s'habi-
tuer à sa manière d'écrire. Encore
que la chose ne soit pas toujours
vraie : si l'introduction à L'His-
toire de la littérature anglaise
(1864), que nous analyserons dans
une deuxième livraison, est dif-
ficile – mais il est vrai que son ob-
jet est complexe –, Les Origines
de la France contemporaine se li-
sent très facilement, y compris
dans ses analyses inaugurales.
Elles laissent en tout cas une im-
pression profonde.
C'est naturellement le Taine des
Origines qui a su se gagner les
grâces du courant "réactionnaire",
tant sa critique de la Révolution
s'avéra pertinente, profonde et
finalement radicale. Rien ne dis-
posait d'ailleurs Taine à cette éva-
luation, à laquelle il se résolut,
par devoir de comprendre en
somme, après le désastre de Se-
RELIRE MAURRAS
Une opposition radicale
contre le "mariage pour tous"
Le gouvernement s'obstine à vouloir ouvrir le mariage
aux couples de même sexe. Au point d'instituer
une véritable dictature ?
LES RÉCENTES manifestations
contre le "mariage pour tous"
ont démontré que les Français
savaient se mobiliser quand on
voulait leur imposer un texte
de loi qu'ils trouvaient incom-
patible avec leur genre de vie
et leur morale.
Par ailleurs, personne ne com-
prend bien pourquoi le gouver-
nement, qui se dit socialiste
mais qui, en réalité, est plutôt
"staliniste", s'obstine et cherche
à faire passer un texte qui n'in-
téresse qu'un tout petit pour-
centage de la population.
Idéologie bolchevique
Il semble que cette obstination
soit surtout idéologique. « Du
passé faisons table rase. »
C'est singulièrement cette idéo-
logie "rousseauiste", devenue
bolchevique, qui paraît guider
notre gouvernement. Le plus
curieux, c'est que nous sommes
en pleine dictature idéolo-
gique, car de nombreuses indis-
crétions nous ont fait savoir
dan et son prolongement de la que tous les députés qui ont
Commune. En effet, Taine est ré- voté le texte ne l'approuvaient
solument un moderne ; ses réfé- pas, mais qu'une "main de fer"
rences majeures sont Condillac, les a obligés à dire oui.
Spinoza et Hegel. Il eut le spiri- Cette main de fer c'est la me-
tualisme de Cousin en détesta- nace de se faire "éjecter" du
tion. Il convient cependant d'ajou- parti qui les a fait élire et qui
ter que Taine, tout en reconnais- est le maître de leur destinée
sant honnêtement ses dettes ou politique. Nous avons là un
en signalant des auteurs impor- exemple parfait de la dérive
tants (ainsi Stendhal, qu'il contri- démocratique qui transforme
bua à faire découvrir), est un pen- un régime qui se veut libéral
seur autonome et qu'il n'est guère en dictature. Nos dirigeants se
de domaine investigué par lui où disent socialistes, ils sont bol-
il n'ait produit une théorie et cheviques. Issus des idéologies
promu une méthode. "soixante-huitardes", ils ne
Avant d'examiner quelques leçons veulent pas le bonheur du
tainiennes, considérons le fait que peuple - seul un roi le veut - ;
nous n'avons pas affaire avec lui ils veulent changer la société
à un penseur "vieilli" ou "dé- et ne veulent écouter per-
passé" : ses approches et ses sonne. Il y a au fond d'eux une
thèses, marquées du sceau de la pensée léniniste qui leur a été
systématicité et de l'absence de insufflée lors de leurs études
doute, ont pu être contredites ou et qu'ils n'ont pas réussi
balancées, elles recèlent encore à éliminer.
une puissance et font montre Face à cette obstination crimi-
d'une pénétration exceptionnelle. nelle, nous ne devons pas flan-
Taine participe du génie français cher. Charles Maurras a écrit,
en acte. ■ dans Le Soleil du 18 juillet
Francis Venant
L'ACTION FRANÇAISE 2000 BULLETIN
D'ABONNEMENT
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Bulletin à retourner avec un chèque à l'ordre de la PRIEP à :
L'Action Française 2000 10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARIS
CCP Paris 1 248 85 A
1 - Sur justificatif
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
1903, un très beau texte sur
l'opposition à un gouvernement
"dictatorial" : « Un gouverne-
ment sage doit être ac-
cueillant, hospitalier, ouvert,
tolérant, appliqué à tout utili-
ser et à tout faire converger.
Si l'on donne à ce système poli-
tique, le nom d'opportunisme,
je dirai hardiment que tout
pouvoir de fait doit être op-
portuniste. Mais une opposition
doit être radicale. Dans son ra-
dicalisme réside sa puissance.
Une opposition doit être
ferme, implacable sur les doc-
trines, intraitable sur les for-
mules. Un petit nombre d'ex-
pressions, tirées avec rigueur,
appliquées de sang-froid et ré-
gulièrement, doivent lui suf-
fire. Tout ce qu'elle doit faire
ou dire doit être expressif, si-
gnificatif, péremptoire. Les
demi-mots, les demi-mesures
lui sont interdits. Qu'elle fasse
son camp dans une armée ro-
maine, creusé, fortifié, retran-
ché, hérissé : tout ce qui la
distinguera d'autre chose lui
donnera du cœur à la vie, à
l'action, au succès. Mais à
l'état diffus, je lui prédis la
débandade. » Ainsi, dans leur
opposition à cette loi inaccep-
table, les opposants ne doivent
pas "mollir". Sinon, ce sera,
comme l'a dit Maurras, la dé-
bandade, et c'est ce qu'atten-
dent les gouvernants. ❑
Louis de Galice
Premier abonnement (un an)
❏ France . . . . . . . . . . . . .80
❏ Étranger . . . . . . . . . . .140
s
s
Abonnement ordinaire
❏ Un an . . . . . . . . . . . .125 s
❏ Six mois . . . . . . . . . . . .70 s
Abonnement de soutien
❏ Un an . . . . . . . . . . . .150 s
Étudiants et chômeurs 1,
ecclésiastiques
❏ Un an . . . . . . . . . . . . .70 s
Outre-mer (un an)
❏ DOM . . . . . . . . . . . . .135 s
❏ TOM . . . . . . . . . . . . .165 s
Étranger (un an)
❏ Europe . . . . . . . . . . . .165 s
❏ Autres pays . . . . . . . . .178 s

❏ LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
Pour un "Printemps français"
Après le succès de la Manif pour tous, dont le pouvoir feint d'ignorer l'ampleur,
le mouvement d'Action française appelle tous les patriotes
à rejoindre le collectif du Printemps français.
près des manifestations
A
massives ignorées, après une
pétition d'envergure histo-
rique jugée irrecevable, après le
mépris arrogant des élus et des
représentants du gouvernement,
ce pouvoir autiste, qui méconnait
la notion de dialogue, confirme
sa volonté de passer en force en
utilisant ses fonctionnaires, pré-
fet, magistrats, policiers, zéla-
teurs de "l'ordre nouveau". Mal-
gré les réserves du Conseil d'État,
malgré les avertissements de
l'Académie des sciences morales
et politiques, malgré les recom-
mandations des experts, juristes,
scientifiques, religieux, le gou-
vernement reste sourd à la cla-
meur du pays réel. Les opposants
entament donc un véritable bras
de fer contre la force aveugle
d'un pouvoir de plus en plus illé-
gitime. L'élargissement de la no-
tion d'homophobie à tous ceux (y
compris homosexuels) qui émet-
tent la moindre réserve sur le pro-
jet de loi n'est que l'expression
d'un totalitarisme qui s'installe
tranquillement dans le pays, avec
la complicité active d'une grande
partie de la presse. Songeons
quand même que seule l'Inter-
LGBT, qui ne représente à peu
près rien, a eu droit aux plateaux
télé, sans qu'aucun organisateur
de la Manif pour tous ne soit sol-
licité le soir du 24 mars.
Cependant, la crise continue à
produire ses effets délétères :
croissance zéro, voire récession,
chômage, pauvreté, insécurité ;
tandis que le système policier res-
serre son étau, non pas sur les dé-
linquants de la « France orange
mécanique », mais sur les dange-
reux manifestants du di-
manche 24 mars, représentant la
France honnie par les "élites"
bobo. Nous savons bien que der-
rière tout cela se profile un bou-
leversement profond de notre so-
ciété s'appuyant sur la théorie du
"genre" qui vise à nier toute dif-
férence sexuelle : il n'y a plus
d'hommes, plus de femmes, plus
de filles, plus de garçons, et toute
contestation sera taxée d'homo-
phobie. Les Français vont ils sup-
porter encore longtemps cette ab-
surdité totalitaire, alors que leur
avenir social et économique est
COMMUNIQUÉ
Violences policières
à la Manif pour tous
La jeunesse d'AF en première
ligne pour défendre
les familles !
LA JEUNESSE d'AF s'était mobilisée ce di-
manche 24 mars pour ce qui nous semblait
être une marche bon enfant, familiale et
festive. Nous avions prévu des tentes et
L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2860 – Du 4 au 17 avril 2013
Combat
Centre royaliste d'Action française
10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARIS
communication@actionfrancaise.net
Président Responsable étudiant
du Comité directeur d'AF Antoine Desonay
Stéphane Blanchonnet antoine.desonay@actionfrancaise.net
stephane.blanchonnet@actionfrancaise.net Trésorier
Secrétaire général Giovanni Castelluccio
Olivier Perceval giovanni.castelluccio@actionfrancaise.net
olivier.perceval@actionfrancaise.net Secrétaire administratif
Secrétaires généraux Marie-Suzanne
adjoints de Benque d'Agut
François Bel-Ker communication@actionfrancaise.net
francois.belker@actionfrancaise.net Provinces
Pierre Marchand Philippe Castelluccio
pierre.marchand@actionfrancaise.net paris-province@actionfrancaise.net
» AGENDA ❏ PARIS – Il y aura un an, le
17 avril, René Resciniti de Says
❏ MARSEILLE – Cercle de forma- nous quittait. Ses amis se retrou-
tion des jeunes de l'AF Provence veront le jeudi 18 avril à 18 h 30
le jeudi 4 avril à 18 h 30, au nou- en l'église Saint-Germain- l'Auxer-
veau local, sur « la France et l'Eu- rois (Paris 1er), paroisse des rois
rope ». Renseignements : mar- de France, pour une messe pour
seille.royaliste@actionfrancaise.net le repos de son âme. Pour ceux
qui le souhaitent, la messe sera
❏ PARIS – Vendredi 5 avril, le Cercle suivie d'un dîner. Inscription :
de Flore reçoit Jean-Yves Le Gal- 30 euros ; chèques à l'ordre de
lou, président de la Fondation Po- Blandine Dejouy, à renvoyer au
lémia, directeur du bulletin de ré- CRAF, 10 rue Croix-des-Petits-
information sur Radio Courtoisie Champs, 75001 Paris.
et organisateur de la cérémonie
des Bobards d'or. Il viendra nous
« Le peuple français ne supporte plus un pouvoir qui l'ignore parler de la Tyrannie Médiatique,
et viole ses droits les plus élémentaires » objet de son dernier livre. Rendez-
vous à 19 h 15, 10 rue Croix-des-
par ailleurs de plus en plus me- de voir si le printemps, chez nous, Petits-Champs, Paris 1er. Rensei-
nacé ? Non. Apparemment, recevra le même accueil média- gnements : communication@ac-
quelque chose de nouveau s'est tique que celui qu'a suscité, tionfrancaise.net
produit le 24 mars. Les Français semble-t-il spontanément, celui
"polis" ont envahi les Champs-Ély- qui avait mis le feu au Maghreb
sées, et les ont occupés plusieurs et au Moyen-Orient.
heures, malgré l'interdiction de la Quoi qu'il en soit, nous évoquions ❏ BEAUNE - Le samedi 23 mars der- plus dans notre combat quotidien.
préfecture et les charges de la po- l'insurrection dans le précédent nier a eu lieu à Beaune un déjeu- L'AFE beaunoise remercie tous les
lice. Cette foule échappait même numéro de L'AF 2000 : le peuple ner-débat d'Action française. C'est participants qui nous ont permis
au contrôle du collectif de la Ma- français, pour une grande partie, autour d'un bon repas que nous de jouir de cette grande camara-
nif pour tous. C'est le signe que ne supporte plus un pouvoir qui avons pu écouter les différents dis- derie d'Action française. Même si
la France profonde est détermi- l'ignore et viole ses droits les plus cours des cadres qui étaient parmi nous sommes éparpillés dans la
née à se faire entendre. élémentaires. On a fait en France nous, dont le secrétaire général France entière, nous sommes très
des révolutions pour moins que d'AF, Olivier Perceval. Cela a été- nombreux et nous ne formons
L'insurrection, ça, et la déclaration des droits de suivi de nombreux achats de livres qu'un ! Pour que vive la France,
l'homme de 1793, qui doit être af- et d'autres objets qui nous per- vive le roi ! ■
devoir indispensable freusement populiste, a gravé ce mettrons de nous investir encore Baudouin Carter
L'Action française appelle tous les principe dans le marbre : « quand
patriotes à rejoindre le collectif le gouvernement viole les droits
du Printemps français, cette ap- du peuple, l'insurrection est pour
pellation qui en étonne quelques- le peuple et chaque portion du ❏ HAUTS-DE-SEINE - Pour son dî- vint très vite, avant-guerre, un
uns n'étant pas sans rappeler le peuple, le plus sacré des droits ner-débat annuel, la section des jeune cadre plein de dynamisme.
"Printemps arabe" qui enchantait et le plus indispensable des de- Hauts-de-Seine a invité Jérôme Sa fidélité à la maison de France
les médias au moment de son dé- voirs » (article 35). On ne va pas, Besnard, journaliste, pour parler l'entraina par deux fois dans une
clenchement. C'est bien évidem- pour une fois, se priver d'appli- de Pierre Boutang à l'occasion de tentative de prise de pouvoir en
ment un clin d'œil, il n'a échappé quer un précepte issu de la bible la sortie de sa biographie aux édi- faveur du comte de Paris. Malgré
à personne que le Printemps arabe des républicains... Ce sera le tions Muller. Devant une quaran- sa séparation de la vieille maison,
a été télécommandé de Wa- thème de notre réunion publique taine de personnes de tous âges, avec la création de La Nation fran-
shington pour qu'il suscite l'en- du 11 mai à l'occasion de la célé- l'orateur a retracé l'iténéraire in- çaise, où il réunit les grandes
gouement occidental. Nous ne bration de Jeanne d'Arc. ■ tellectuel et politique de ce phi- plumes de l'époque, il resta fidèle
souscrivons pas à la stratégie du losophe. Après une enfance ber- à son maître Charle Maurras. Àprès
chaos, mais nous sommes curieux Olivier Perceval cée par l'Action française, il de- que ce journal eut cessé de pa-
raître, il fut réintégré dans l'en-
seignement en 1967, où il finit sa
carrière comme professeur de phi-
des duvets pour camper dans Paris et conti- pavé avenue des Champs-Élysées contre les losophie à la Sorbonne. Le confé-
nuer la lutte. Imaginez quelle a été notre mercenaires du régime, rejoints par de rencier a surtout voulu nous de-
surprise lorsque des amis sont arrivés à nombreux militants et sympathisants tren- montrer qu'on ne pouvait pas sé-
notre hauteur pour nous apprendre que de tenaires, quadras, quinquagénaires et au- parer le militant politique de
jeunes enfants, des familles entières, des delà ! Nous avons eu l'occasion de déployer l'intellectuel chez Pierre Boutang.
étudiants et nombre de nos anciens avaient nos tentes pendant la soirée. À l'issue de La responsable de la section ,
été aspergés de gaz lacrymogène par les ces affrontements, nous comptions encore Mme Geneviève Castelluccio, a reçu
forces de la République. Nous nous sommes sept militants en garde à vue... Honneur à de la main du secrétaire général,
alors dirigés vers l'Arc de Triomphe et le ceux qui sont dans les geôles de la Répu- Olivier Perceval, la plaque bleue,
haut de l'avenue afin de protéger les mani- blique, le combat continu ! ❑ en récompense de son investisse-
festants des violences policières en faisant ment continu dans le mouvement.
barrage de nos corps, un groupe restant au Antoine Desonay, Après un débat animé, les audi-
milieu de la manifestation pour maintenir Secrétaire général teurs se sont quittés en se donnant
le campement. Plus tard, nous tenions le des Jeunes d'Action Française rendez-vous pour les prochains évé-
nements. ■
15 ❚
 Entretien
❏ PHILIPPE DE VILLIERS
Charette avec une plume de feu
Voilà tout juste trois cents ans que la Vendée s'est soulevée. Cela rend d'autant plus vivant
le souvenir de Charette, dont Philippe de Villiers a dévoilé des aspects jusqu'alors méconnus de la vie.
Rencontre avec un fervent admirateur du combattant au panache blanc.
❏ L'Action Française 2000 - Pour-
quoi avoir consacré un ouvrage
à François-Athanase Charette, et
pas à Bonchamps ou La Roche-
jaquelein, par exemple ?
❏ Philippe de Villiers - L'idée m'a
été suggérée par Alexandre Sol-
jenitsyne, lors de sa venue chez
moi, le 3 septembre 1993, après
qu'il eut découvert le spectacle
du Puy-du-Fou – précisément dans
la nuit suivant la cinéscénie à la-
quelle il avait assisté. « En écri-
vant un livre sur Charette, m'a-
t-il expliqué, vous changeriez la
"porte d'entrée" sur les guerres de
Vendée. » J'étais étonné qu'il
connaisse Charette. Il l'avait ren-
contré dans son enfance, à la lec-
ture du Mémorial de Sainte-Hé-
lène, et grâce à sa mère qui com-
parait l'insurrection vendéenne à
celle de Tembov, son pendant en
Russie, en quelque sorte. Solje-
nitsyne connaissait bien les guerres
de Vendée. Pour lui, cela ne fai-
sait aucun doute : la matrice des
totalitarismes du XXe siècle avait
été fabriquée ici, en Vendée. Or
la "porte d'entrée" des guerres de
Vendée ouvrait, selon lui, sur la
forêt de Grasla, où auraient vécu
des hirsutes accroupis au niveau
des taupes, mangeurs de glands,
attardés obscurantistes qui ne
comprenaient rien aux Lumières
ni à la Révolution française. Avec
Charette, cette porte s'ouvre à
Brest. Elle s'ouvre sur le monde !
Sur la marine du Ponant, celle du
Levant. À la rencontre d'un héros
de la guerre d'Amérique. Les chefs
vendéens avaient fait le tour du
monde. Même Lescure avait un
planisphère chez lui. Il était pas-
sionné par les étoiles. C'était une
sorte de géographe. Tandis que
les philosophes des Lumières par-
laient de progrès, d'autres les réa-
lisaient, faisaient avancer la car-
tographie, l'hydrographie, la
connaissance de la faune et de
la flore...
❏ L'idée de ce livre vous est donc
venue en 1993. Pourquoi avoir
attendu si longtemps avant de
le publier en octobre dernier ?
❏ Le Charette vendéen, le Cha-
rette terrien, était déjà assez
connu. Je ne pouvais pas appor-
ter grand-chose de neuf à son pro-
pos. En revanche, il restait à dé-
fricher l'histoire du Charette des
origines, le Charette breton, le
Charette marin, celui dont la vie
s'est étendue de 1779 à 1790. Sa
"traversée du désert", entre 1790
et 1793, de sa démission de la
Royale à son entrée dans la
contre-révolution, était une autre
période méconnue de sa vie, dont
je me suis attelé à reconstituer
les étapes. J'ai pu étudier des ar-
chives privées, des documents des
archives de la Marine et des Ar-
chives nationales. La création du
Puy-du-Fou a favorisé la conver-
gence à mon adresse d'un certain
nombre de dons ou de lettres qui
témoignaient de l'époque de Cha-
rette. À titre peut-être anecdo-
tique, mais fortement symbolique,
j'ai reçu la couverture du livre de
messe de Lescure, ou encore le
pistolet de Charette, que vous
pouvez voir désormais à la Cha-
botterie. De nombreux journaux
de bord m'ont également été
adressés. J'ai toutefois conservé
la discrétion sur l'origine de cer-
taines archives, conformément au
vœu des familles.
❏ Après le temps des recherches
vint celui de l'écriture. Dans cet
exercice, vous vous êtes ex-
primé, au nom de Charette, à la
première personne. Pourquoi ?
❏ Depuis l'enfance, je me sens
très proche d'Athanase. D'autant
plus proche qu'une de ses ama-
zones, fidèle jusqu'à la Chabot-
terie, était mon aïeule. Par cette
filiation, j'ai eu accès à l'intimité
de la grande âme de Charette. Si
bien que je suis allé jusqu'à dire
"je". Il était plus facile pour moi
de m'identifier à mon héros, plu-
tôt que de le traiter d'une façon
froide, comme un historien. En
réalité, j'ai écrit ce livre avec une
plume de feu, presque d'un jet,
au galop en somme.
❏ Le défi historique que vous
avez relevé n'a-t-il pas consisté
à retracer le parcours, appa-
remment paradoxal, d'un contre-
révolutionnaire s'étant battu
pour la liberté avant 1789 ?
❏ Cela va même beaucoup plus
loin. Avec de grands amiraux tels
De Grasse, Lapérouse, Lamotte-
Piquet, Charette a effectivement
navigué vers l'Amérique au nom
d'un combat pour la liberté. De-
puis son enfance, il entendait et
répétait qu'un continent ne pou-
Édité par PRIEP SA au capital de 59 880 euros – 10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 Paris – Imprimerie RPN 93190 Livry-Gargan
Numéro de commission paritaire 0415I86761 – Directeur de la publication : M.-G. Pujo
vait pas être durablement dirigé
par une île. Il avait entendu le
mot "liberté" chez les Américains.
Il est revenu en France avec lui.
Envoyé au Levant, il y a décou-
vert les paysans grecs qui se sou-
levaient contre les Ottomans les
traitant de brigands. Ils portaient
des jupes dont les quatre cents
plis symbolisaient les quatre cents
années de domination turque. Ils
vivaient dans des grottes et ne
sortaient la nuit que pour atta-
quer les collecteurs d'impôts sou-
mis à Istanbul. Leur chef s'appe-
lait Athanase, et il avait l'âge de
Charette ! Autant d'analogies frap-
pantes aux yeux de Charette, pour
qui la Grèce était la Virginie des
mers ottomanes. Il avait pour
ordre de défendre les intérêts
turcs, au nom d'une vieille alliance
remontant au temps de Soliman
et François Ier. Il s'y est refusé. On
l'a donc renvoyé à Toulon, où il a
débarqué nourri des images ac-
cumulées au cours de ses voyages.
À son retour, il a appris qu'il n'y
avait plus de Marine royale. Il en
était révulsé ! Le pavillon blanc
avait fait le tour du monde bien
avant le drapeau tricolore de La-
martine... Il a démissionné et est
rentré chez lui.
❏ Un des passages les plus inté-
ressants de votre livre porte sur
ses années d'inactivité, entre
1790 et 1793. Charette était-il
réduit à ses chemins creux, la
chasse quotidienne, une aven-
ture sentimentale ici ou là... ?
❏ Il n'attendait plus rien. Il a
acheté un chien et est parti à la
chasse. Il a mis beaucoup de temps
à être admis par la société du ma-
rais vendéen, où il avait échoué
après un mariage pas très heu-
reux. C'était un marin à terre ! Au
moins savait-il tirer, au point d'ac-
quérir un grand prestige auprès
de ses voisins. La chasse le pous-
sait à arpenter cette géographie
particulière du marais, lieu de ses
futurs exploits militaires. Mais il
a opposé un refus à ceux qui
étaient venus, une première fois,
le tirer de son logis. « Navré, vous
êtes des gens d'ouvrage, pas des
gens de guerre », leur a-t-il ré-
pondu. Il n'y croyait pas. Il était
piégé, pourtant... Si bien qu'il est
parti finalement avec ses paysans
révoltés de mars 1793, agitant des
bâtons contre des canons.
❏ Au fond, Charette n'était-il pas
profondément humain, à la dif-
férence des autres chefs de la
Vendée militaire, qui étaient
comme des saints, à l'image de
Bonchamps, la Rochejaquelein
et Cadoudal ?
❏ Vous avez raison. Mais ce qui
me fascine chez Charette, c'est
que nous avons affaire à l'inven-
teur de la guerre tactique, ce qu'il
appelait « la pêche à la bou-
teille ». Il a rompu avec la ligne
de fil que devaient tenir des ran-
gées de soldats. Il avait une in-
telligence du terrain supérieure
à celle de tous les autres. Ceux-
ci ressortaient leur petit manuel
militaire. Cela n'enlève rien à leur
mérite, mais place Charette bien
au-dessus. Il savait qu'il ne pou-
vait pas gagner frontalement la
guerre. Il fallait la faire durer afin
de fatiguer l'adversaire, dans l'es-
poir que les Bleus finiraient par
abandonner le terrain. C'était une
guerre de coups de main, une
guerre invisible - le principe
même de la guérilla. Charette
voulait dissuader les Bleus d'en-
trer dans les chemins creux qu'il
a transformés petit à petit en vé-
ritables coupe-gorge. Ce faisant,
il a réalisé un tour de force, trois
ans durant ! Et puis, ce qui me
touche également chez Charette,
c'est le panache. Il faisait partie
de ces hommes, rares dans les
veilles sociétés où les juristes pre-
naient le pas sur les vrais poli-
tiques, qui ne pouvaient pas
concevoir une décision ni une ac-
tion sans la geste qui va avec.
Certes, le panache n'était pas dans
son vocabulaire. Restons donc sur
la geste, tant Charette semblait
marqué par la culture de la che-
valerie, de la Table ronde. Il était
le "chevalier" Charette.. C'est ainsi
qu'il se désignait. Derrière cela,
il y avait le choix de l'élégance.
Il songeait à Ronceveaux, où Ro-
land n'avait pas gagné. À Arthur
qui n'avait jamais obtenu le Graal.
Malgré tout, il avait réellement
du panache, puisqu'il est allé jus-
qu'à commander le peloton d'exé-
cution le mettant à mort.
❏ À qui, à quoi destinez-vous
cette biographie de Charette,
racontée comme un roman ?
❏ J'ai écrit ce livre pour des gens
qui ne lisent jamais. Je l'ai écrit
avec une plume de feu afin qu'il
brûle des mains ! Mais j'ai ménagé
le lecteur en multipliant les pe-
tits chapitres. Je l'ai écrit égale-
ment comme un scénario. Après
la création du Puy-du-Fou, j'ai tou-
jours pensé qu'un grand film sur
la Vendée serait l'étape suivante.
Il nous faut un grand réalisateur
pour porter Charette à l'écran ! Il
y a des scènes toutes trouvées.
Notamment sur le Bellérophon, le
navire qui transporta Napoléon à
Sainte-Hélène, où l'Empereur ex-
prime son admiration pour Cha-
rette devant Las Cases, qui l'avait
connu à Brest sous Louis XVI. Il y
aussi Chateaubriand rencontrant
Charette qui débarquait à Brest,
rougi par le soleil : quelle belle
scène de cinéma nous avons là,
tirée des Mémoires d'outre-
tombe ! Et quelle intensité poli-
tique lors de la signature du traité
de La Jaunaye en 1795... Au yeux
de Charette, la reconnaissance de
la liberté de culte ne suffisait pas,
si elle n'était pas elle-même pro-
tégée par un cadre politique. Il
pensait que la Vendée devait de-
venir une sorte de principauté, un
petit royaume en extra-territo-
rialité, ce qu'il appelait un « corps
de nation », susceptible d'ac-
cueillir le petit roi Louis XVII,
avant de devenir le royaume de
la conquête. Charette était un po-
litique. C'est la raison pour la-
quelle il a tenu plus longtemps
que les autres chefs vendéens. ■
Propos recueillis
par Marc Savina
✓ Philippe de Villiers, Le Roman
de Charette, éditions Albin Michel,
475 pages, 22 euros.