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La définition du droit international public a été longue à se forger, l'expression même ayant mis du
temps à être couramment employée en français comme en anglais (International law).
La première utilisation se trouve sous la plume de l'anglais Bentham en 1780 (An introduction to the
principles of moral and legislation : où il parle de loi internationale par opposition à la loi nationale
et à la loi municipale).
La définition la plus couramment admise et que nous adopterons est qu'il s'agit du droit de la
société internationale. Pour en commencer l'étude, il convient de croiser différentes approches
(Section 1) afin de mesurer sa grande spécificité (Section 2).
§ 1. L'approche historique
Pour retracer l'histoire du droit international, deux conceptions sont possibles : soit le faire remonter à
l'apparition de ses principaux mécanismes, soit s'en tenir à l'apparition de la société internationale
interétatique.
De même, le règlement des différends par l'arbitrage existait dans la Grèce antique, ainsi qu'en
témoignent les Traités entre Sparte et Athènes 446 et 431 avant J C. (M. De Taube, Les origines
de l'arbitrage international, Antiquité et Moyen Age, RCADI, 1932-IV, vol. 42, p.5) .La protection
diplomatique institutionnalisée par les Cités grecques et le statut accordé aux ressortissants des
autres Cités (par exemple : les métèques à Athènes) donnent encore des exemples d'utilisations
anciennes d'outils propres aujourd'hui au droit international. En ce qui concerne l'Empire romain, on
le voit théoriser vraiment ses relations internationales, parfois sous l'égide du pouvoir religieux : c'est
la naissance du droit fétial, par lequel Rome essaie de s'attirer l'appui des divinités étrangères, les
prêtres sont alors de véritables ambassadeurs. L'approche historique éclaire aussi certains concepts
du droit international.
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2. L'ancienneté des concepts
Rome voit naître l'expression jus gentium (droit des gens). Développé par Cicéron, le jus gentium
règle le sort civil des non-citoyens romains. Il repose sur l'idée qu'un minimum commun est
valable pour tous.
La même vision transparaît dans la Bible selon laquelle en dehors de toute révélation, il existe des
règles communes à tous que l'on ne peut transgresser (P. Weil : Le judaïsme et le développement
du droit international, RCADI, 1976-III, p. 253) : c'est le début de l'idée de jus cogens .
Le droit de la guerre et de ses tempéraments humanitaires, nés dans les Cités de la Grèce
classique se retrouvera théorisé et développé pendant tout le Moyen Age avec l'instauration difficile
de la paix de dieu qui tend à juguler les guerres féodales. Alors même que le Moyen Age est présenté
comme la période la plus éloignée de l'idée de droit international public, à cause de l'absence
de pouvoir central, il apportera donc la notion de guerre juste et de guerre injuste qui aboutit
en définitive à la mise au ban de la guerre privée. Néanmoins, pendant longtemps la Doctrine a
considéré qu'il ne pouvait y avoir de droit international sans référence à l'Etat au sens moderne du
terme : classiquement, le droit international est présenté comme le droit de la société interétatique.
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et Pays-Bas), ils instituent la liberté religieuse. Ils fondent un nouveau droit public européen car la
souveraineté et l'égalité des Etats y sont reconnues comme principes fondamentaux des relations
internationales.
Il y a donc bien une société interétatique à peu près équilibrée composée de partenaires
égaux.Mais cette phase classique est aujourd'hui dépassée car la société internationale a beaucoup
changé. Elle est devenue multiple à bien des égards.
Pendant cette période, on voit naître les premiers projets d'organisation internationale des Etats. De
même, on voit naître des projets de " paix perpétuelle ".L'usage du Traité va devenir très fréquent.
Le Traité demeure plus que jamais l'instrument privilégié du Droit international (plus de 16000 seront
conclus entre 1815 et 1924) . Il pourra devenir multilatéral (invention au 19ème siècle) . Le Traité
classique est souvent l'oeuvre d'une conférence internationale où se manifeste le savoir faire de
l'Ecole Viennoise et la valeur personnelle d'un Talleyrand.On voit se développer des nouveaux
domaines pour le droit international. C'est la grande époque des Chartes fluviales qui règlent les
rapports autour des fleuves transnationaux, tel le Danube et des canaux (Suez et Panama) . Ces
Traités couvrent aussi le domaine économique et monétaire (naissance du mécanisme de la clause
de la nation la plus favorisée) . Le droit international devient aussi un droit de la colonisation.
1. L'expansion
Plusieurs tendances viennent démontrer que la société internationale a considérablement évolué : la
croissance du nombre d'Etats, le développement des Traités multilatéraux etc. En effet, il est difficile
au droit international de conserver son universalisme dans une société aussi éclatée.
• La croissance du nombre d'Etats : Elle proviendra successivement du réveil des nationalités,
de l'effondrement des anciens empires, de la décolonisation en Afrique en Asie et en Amérique
du Sud et enfin de l'effondrement du bloc de l'Est en Europe. Ces Etats plus nombreux (près de
deux cents à l'heure actuelle) perdent leur homogénéité et le droit international devra donc se
faire le reflet des disparités entre pays riches et pauvres (droit du développement) et pays de
culture différentes et de tradition politique différentes (définition d'un droit humanitaire ou d'un
droit international des droits de l'homme) .
• A ce phénomène se rattache aussi le développement des Traités multilatéraux surtout sous
la forme de Traités régionaux c'est-à-dire ne visant qu'une partie géographique du Globe
(Union Européenne, Organisation de l'Unité Africaine etc) .
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2. L'institutionnalisation
La première institution internationale crée par les Etats fut l'Union télégraphique internationale
(1865) . Elle ouvre une brèche dans le monopole des Etats en tant que sujets du droit
international. C'est la naissance des Organisations internationales gouvernementales (la Société
des Nations puis l'Organisation des Nations Unies) et des Organisations internationales non
gouvernementales (exemple de la Croix-Rouge, mais il existe des formes très anciennes : les
églises ou les syndicats) puis des Etablissements publics internationaux (exemple de la Banque des
Règlements Internationaux créée en 1930 pour les dettes de guerre de l'Allemagne) .
Beaucoup d'auteurs espagnols du " siècle d'or " ont marqué ce courant. On citera parmi les
précurseurs F. De Vitoria (1480-1546) qui déduit de l'existence même de la souveraineté des Etats la
nécessité d'un droit pour régir la société qu'ils forment. C'est la naissance du jus inter gentes, droit
entre les Etats et non plus du jus gentium romain fondé sur l'observation de la nature.En refusant
par exemple l'appropriation des mers données à son pays par le Pape, F. Suarez (1548-1617) revient
au droit des gens et le distingue du droit naturel.
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Suarez (Francisco) Théologien espagnol Grotius (Hugues de Groot dit) juriste
(1548-1617) Jésuite, professeur à Alcala, à hollandais (1585 1645) auteur de De jure paci
Salamanque et à Coimbra. Il insiste sur le ac belli (1625), ouvrage de droit international
caractère humain de l'attribution du pouvoir. qui entend donner aux rapport internationaux
la base du droit. De la nature sociable des
hommes découle le droit de la nature que l'on
peut retrouver par l'usage de la raison.
Ce dernier prime et le second doit lui être conforme, c'est le dualisme des règles de droit international
H de Groot dit Grotius (1583-1645) étant un laïc, il laïcisera la notion de droit des gens : l'un de ses
apports essentiels provient du fait qu'il se fonde uniquement sur le raisonnement : la " droite
raison ", sans avoir besoin de l'idée d'un ordre divin. Fondateur de " l'Ecole de la nature et
du droit des gens ", son ouvrage majeur s'intitule De jure belli ac pacis (1625) , il y reconnaît la
puissance souveraine comme un pouvoir supérieur, mais les Etats doivent accepter de se voir
limiter par une communauté internationale.
Pufendorf, (Samuel, baron de) Juriste et historien allemand (1632 1694). Il continua après Grotius à
professer la théorie du droit des gens, fondé sur des raisons humaines. Il a publié en 1672 Du droit
de la nature et des gens. Il donne comme fondement au droit naturel la raison naturelle.
Le droit naturel contient alors les principes que le " droit volontaire " met en œuvre par voie
d'accords qui doivent être respectés (cf. l'adage pacta sunt servanda). Ces accords ne peuvent
aller contre les règles naturelles. Grotius en tire des conséquences en matière de droit de la guerre
en mettant en oeuvre le concept de " guerre juste " : celle qui répond à une injustice née de la
violation d'une règle naturelle. La filiation peut se ressentir chez Pufendorf (1632-1694). En 1672,
il publie l'ouvrage " Du droit de la nature et des gens " qui affirme la subordination du droit volontaire
au droit naturel.
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Emmer de Vattel (1714-1768) suisse et diplomate, publie en 1758 Le droit des gens ou principes
de la loi naturelle appliquée à la conduite des affaires des nations et des souverains. Il fait de l'Etat
l'interprète souverain du droit naturel, ce qui le libère des contraintes de ce droit. Vattel entérine la
monarchie absolue et donc la toute puissance souveraine étatique, au nom du fait que les Etats n'ont
pas besoin les uns des autres à la différence des individus. C'est la naissance du droit international
volontaire (ou volontarisme) , dont les Etats déterminent les règles en fonction de ce dont ils ont
envie ou besoin, de ce qu'ils veulent. On conçoit que la référence à un ordre naturel des choses
dans ce cadre ne veut plus dire grand chose.
Appliqué à la guerre, le raisonnement fait d'une guerre juste une guerre où l'on se plie à quelques
formalités (par exemple la déclaration de guerre) sans considération pour les buts ou les moyens de
la guerre. On rattache à ce courant l'oeuvre de l'anglais H. Selden (1558-1654) qui prétend justifier
l'appropriation des mers par l'Angleterre par la maîtrise maritime britannique.
Vattel (Emmer De) : Diplomate et publiciste Suisse (1714-1767) Ses oeuvres sur le droit naturel
(Le droit des gens, 1758) en font un des fondateurs du droit international moderne. On lui doit une
Défense du système de Leibniz (1742).
D'ailleurs c'est à l'Etat souverain qu'il revient de déterminer comment s'applique le DIP en droit
interne. En choisissant le monisme ou le dualisme juridique dans leur ordre interne, ils déterminent
ainsi l'articulation des deux ordres juridiques. Du volontarisme classique résulte aussi un caractère
particulier au Droit international : l'absence de sanction de la violation des règles en dehors des
modes des règlements des conflits acceptés par l'Etat. La victime d'une violation peut renoncer à
faire valoir ses droits à réparation, en fonction de ses intérêts politiques bien compris, ou déclencher
des sanctions si elle s'estime lésée. En droit international, les Etats sont juges et parties et c'est
normal car ils sont souverains. On en déduit aussi l'absence de hiérarchie entre ces normes puisque
toutes trouvent leur fondement dans une source unique : la volonté de la puissance souveraine.
Une autre conséquence du positivisme est que le droit suit souvent les faits et se révèle très
conservateur dans ses solutions.
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G. Scelle quant à lui est un positiviste sociologique qui insiste donc sur les idées de solidarité
(solidarité internationale) en mettant l'accent non sur l'Etat mais sur les peuples.
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Section 2. La spécificité du droit international
Le caractère principal du DIP est d'être contesté dans son approche politique (1) comme dans sa
spécificité juridique (2) .
1. La critique marxiste
Au départ la critique marxiste sur le droit international est surtout une critique de l'Etat dont il est
un vecteur évident. L'Etat divise la classe prolétarienne en l'empêchant de s'unir pour réaliser la
révolution qui doit mener à la société sans classes. Par le ralliement à la théorie de la souveraineté
du peuple, les pays socialistes vont cependant infléchir leur discours sur l'Etat. Mais la critique du
droit international n'en demeurera pas moins vive. L'idée est que le droit international est un
ensemble de règles qui maintient un système de puissance, hostile aux plus pauvres des
Etats, assimilés à un prolétariat mondial (Lénine dira que l' "impérialisme est le stade suprême
du capitalisme").
Les pays socialistes afficheront alors un volontarisme très affirmé, débouchant sur une interprétation
très tranchée de certains concepts, exemple de la "Doctrine Brejnev " donnant à l'URSS un droit
de défense des conquêtes du socialisme dans les pays de l'Est, et le refus de la compétence de
la Cour internationale de justice. (A l'intérieur du bloc de l'Est, la doctrine Brejnev est celle de la
souveraineté limitée : aucun pays socialiste ne doit changer de camp et si le risque se présentait,
il serait du devoir de l'URSS et du pacte de Varsovie d'intervenir)Ces pays ont infléchi leur position
après la Perestroïka et vont maintenant vers un positivisme pragmatique. La Chine continue à
jouer le jeu d'un volontarisme étatique exacerbé que l'on peut rattacher soit à la critique marxiste,
soit à la critique tiers-mondiste.
2. La critique tiers-mondiste
Née de la décolonisation, une autre mouvance mondiale a critiqué le droit international en lui
reprochant d'être un mode d'asservissement politique car les peuples des pays les plus
pauvres n'en ont pas maîtrisé la formation : ni en ce qui concerne les règles (exemple du droit
de la mer et règles des protectorats) , ni en ce qui concerne les mécanismes (choix des systèmes
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juridictionnels de droit occidentaux) . De plus, le droit international volontariste classique repose sur
l'existence d'une souveraineté pleine et entière que les pays du tiers-monde n'ont pas réellement les
moyens économiques, culturels et politiques de mettre en oeuvre.
Jurisprudence
Cf. CIJ, arrêt du 3 février 1994, Affaire du Différend territorial entre la Grande Jamahiriya arabe
Libyenne populaire et socialiste et la République du Tchad, Rec. p. 5.
La critique tiers-mondiste du droit international est ambivalente. Rarement, elle abouti au rejet. Elle
est souvent présente dans le cas des pays de tradition islamisante : on en trouve un écho dans l'arrêt
de la CIJ relatif à l'Affaire du personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, CIJ
(fond) 24 mai 1980.
Au contraire, les pays du tiers-monde peuvent aussi utiliser le droit international et le faire
évoluer afin d'instaurer un nouvel ordre économique mondial : droit au développement droit à la
maîtrise des ressources naturelles, droit à environnement et aux ressources partagées etc. ; et pour
qu'il accompagne le processus de décolonisation, exemple du changement de sens de la notion de
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (Les buts des Nations Unies sont les suivants (...) : 2.
Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité
de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures
propres à consolider la paix du monde) . On les voit alors développer une vision très classique de
leur souveraineté, appliquée à des domaines économiques (par exemple dans la sentence arbitrale
Aminoil contre Koweït, du 24 mars 1982, JDI, 1982, p. 869).
1. L'argument
Il est exact qu'il n'existe pas d'autorité internationale prévalant sur les Etats. (A l'appui :
Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, Rec. 1949 p.179, qui constate
l'absence d'une communauté internationale pouvant se prévaloir des règles du droit international)
Faut-il alors adhérer à l'opinion selon laquelle les règles du droit international seraient de simples
règles de morale internationale, dont la violation engendrerait certes une réprobation mais pas de
conséquences matérielles notables ; ou de simples règles de forme (bonnes manières) ; ou bien
enfin de simples règles de droit public externe : une sorte de droit constitutionnel spécialisé ?
Une autre justification tire parti du fait que les individus ne se sentent pas sujets du droit international
Traité de sciences politiques, p. 498. Cet argument selon lequel la place réduite de l'individu en
droit international est l'un des facteurs qui en freinent l'application n'est pas dénué d'intérêt, peut-on
admettre cet argument pour nier l'existence du droit international ?
2. La réfutation
Sur le terrain du droit positif, on notera cyniquement que le droit international existe puisque l'Irak
l'a rencontré en 1990. De même, le droit international manifeste son existence matériellement : tous
les pays ont, au sein leur exécutif des bureaux où travaillent des juristes internationaux. On peut
ensuite constater que les sujets eux-mêmes c'est-à-dire les Etats ne nient pas l'existence d'un droit
qui leur soit applicable. Ils contestent juste ce droit quand il leur est appliqué. On constate donc qu'il
y a une vie juridique internationale, car il y a bien reconnaissance par une société internationale
composée de sujets, de règles permanentes sanctionables. Les Etats conçoivent bien leurs
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relations à travers les concepts posés par le droit international et il leur arrive d'en exiger la sanction
(responsabilité internationale, nullité de certains actes) . On ajoutera que très peu d'arrêts de la CIJ
n'ont pas été appliqués et la violation même des résolutions du Conseil est peu fréquente et provient
toujours des mêmes Etats. Le droit international a donc bien malgré tout, un caractère obligatoire
le seul problème se situant dans l'application réelle et dans la difficulté de faire naître des
voies d'exécution forcée lors de la persistance de violations.
Le droit international est donc accepté dans son principe par ses sujets principaux. En ce qui
concerne les individus, outre qu'ils sont englobés dans les Etats, nous verrons qu'ils sont de plus en
plus présents dans les règles du droit international.
Or, il s'agit pour l'instant d'une " société close, décentralisée, conflictuelle et délibérante " (P.-M.
Dupuy, manuel, précité) que des Etats, tous souverains au sens classique mais très hétérogènes
sous cette unité de statut et donc forcés de tenir compte les uns des autres.Mais toutes les
caractéristiques de la société internationale actuelle vont beaucoup plus dans le sens de la prise de
conscience de l'interdépendance des sujets que dans le sens des exacerbations souveraines.
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Remarque
Il s'agit ici d'annoncer un plan qui justifie l'ordre des leçons. Si le droit international revêt tant de
caractères spécifiques, c'est parce que ses premiers sujets ont été les Etats souverains. C'est
donc encore par l'étude de ses sujets, aujourd'hui plus diversifiés qu'il convient d'aborder le droit
international (leçons 2 à 5). On comprend mieux ensuite la diversité et le caractère obligatoire de
ses sources (leçons 6 à 10).
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Cours : Sujets et sources du droit international public
Auteur : Virginie Saint-James
Leçon n° 2 : Protection de l'Etat par le droit international
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Longtemps " droit des Etats ", le droit international s'ouvre difficilement à d'autres sujets. L'Etat
demeure donc le sujet principal du droit international puisqu'il est le seul à y avoir la capacité et
la personnalité juridique les plus développées. Entreprise en droit constitutionnel, l'étude de l'Etat
commence traditionnellement par l'énumération de ses éléments constitutifs ou critères qui sont au
nombre de trois : un territoire, une population et un gouvernement politiquement organisé,
maître de l'un et de l'autre. Ces trois éléments sont nécessaires car seule leur conjonction assure
l'indépendance et donc la souveraineté. Ils font tous trois l'objet de développements en droit
international.
On voit ainsi des Etats contester le souveraineté de petites îles(Chine et Vietnam en ce qui concerne
les îles Nansha RGDIP 2008 1 p. 145), ; voire se faire attribuer de simples bancs de sables (CIJ,
fond, 8 octobre 2007, Différend territorial et maritime dans la mer des Caraïbes ( Nicaragua C/
Honduras), réclamer des îles volcaniques éphémères (S.Touzé, Les îles volcaniques émergées :
règles d'acquisition territoriales et régime de délimitation maritime, AFDI 2006), ou encore de hauts
fonds décourverts seulement par la marée basse CIJ, (fond) 19 novembre 2012. Différend territorial
et maritime (Nicaragua c. Colombie)
Si tous les territoires font l'objet d'au moins une revendication territoriale, un continent entier,
l'Antarctique fait pour l'instant l'objet d'un gel de ces prétentions. En théorie il devrait être divisé entre
le Chili, l'Argentine, l'Australie, la France, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Le
Traité sur l'Antarctique de 1959 reconduit en 1992, gèle ses prétentions, pourtant contradictoires, et
fait de ce territoire une zone démilitarisée et consacrée à la recherche : cf. ; Le traité sur l'Antarctique,
40 ans après, Les Petites Affiches, n°42, 29 février 2000, p. 9. La question de l'Arctique et de
l'exploitation de ses voies maritimes, ressources et des glaces pose d'ailleurs problème, notamment
du fait du réchauffement climatique : C Vedrine, Ressources en Arctique et revendications étatique
de souveraineté, RGDIP, 2008 p 147 Ainsi la Russie a-t-elle planté un de ses drapeaux sur le Pôle
Nord le 3 août 2007.
La possession d'un territoire n'implique pas juridiquement qu'il soit précisément délimité. Toutefois,
sa détermination exacte est un gage de sécurité pour l'Etat qui cherche souvent à obtenir le tracé
exact de ses frontières.
A. La notion de frontière
La notion est plus multiple qu'elle n'y parait ; elle emporte un régime précis de délimitation car
délimite la Frontière c'est définir le territoire.
1. Définition
• Plutôt que de faire de la Frontière une ligne qui sépare, la doctrine moderne remarque que la
Frontière commune oblige souvent les Etats à un minimum de coopération interétatique (cf.
les travaux de De la Pradelle). La jurisprudence traduit cette idée et évoque pour définir la
frontière " la ligne de rencontre des espaces où s'exercent respectivement les pouvoirs et
les droits souverains ", CIJ, arrêt du 19 décembre 1978 (fond), Plateau continental de la mer
Egée Rec. 78 p. 35§ 85.La pratique oblige souvent les Etats à faire des accords de coopération
afin de gérer ensemble les problèmes liés à leur frontière commune (exemple de l'Accord cadre
entre la France et l'Allemagne du 22 juillet 2005, RGDIP, 2005 4 p. 909, chronique des faits
internationaux L. B.) Ainsi le Cambodge et la Thaïlande dont la frontière commune dans la zone
du Temple de Preah Vihéar a donné lieu à une jurisprudence célèbre, et que les deux parties
n'on cessé de revendiquer au point de déclencher le 15 octobre 2008 un affrontement armé,
se sont entendus dès le 16 pour organiser ensemble des patrouilles contre les pillards du site
sacré, inscrit au patrimoine mondial de l'humanité. En réalité , il peut arriver que la frontière
mette en contact un espace sous souveraineté et un espace international (haute mer) , mais
c'est toujours la ligne d'arrêt de compétences étatiques. L'arbitre international relève ainsi
qu'une frontière internationale " est la ligne formée par la succession de points extrêmes du
domaine de validité spatial des normes de l'ordre juridique d'un Etat " (Sentence arbitrale du
31 juillet 1989, Délimitation de la frontière maritime entre le Sénégal et la Guinée-Bissau, RSA,
Vol. XX, p. 144).
• Consistance. La frontière est terrestre, mais aussi marine, ce qui pose des problèmes
très délicats de recul des frontières et de divisions des compétences étatiques. On considère
que les zones à vocations finalisées (zones de pêche, zones économiques exclusives) ne font
pas partie du territoire de l'Etat. Cela rend incertain le régime de la délimitation du plateau
continental. La frontière maritime doit être dans la prolongement des frontières terrestres (CPA,
sentence du 18 septembre 2007, délimitation entre Guyana et Surinam). Il existe aussi une
frontière aérienne à l'aplomb de chaque frontière terrestre. Il n'y a guère que vers l'atmosphère
que le territoire ne soit pas borné, ce qui a permis à quelques pays équatoriaux de réclamer une
souveraineté sur leur orbite géostationnaire, sans succès. La frontière est toujours une "ligne
continue" (Sentence arbitrale, Affaire du Lac Lanoux, 16 novembre 1957, RSA, vol 12, p. 307
§12) et ne peut être une " zone frontière ".
2. La détermination de la frontière
La détermination exacte se fait en deux phases : délimitation (choix de l'emplacement) et démarcation
(tracé sur le terrain).
a) Processus de détermination
On procède à la délimitation et à la démarcation : l'accord sur la délimitation permet d'envisager
la phase de démarcation par exemple comme entre la Gabon et la Guinée équatoriale ( accord
du 27 février 2006).La délimitation est l'étape qui consiste à tracer la frontière sur le terrain,
elle est souvent l'oeuvre des diplomates ou des organes de règlement pacifique des différends. La
démarcation se fait ensuite sur le terrain, souvent par une commission de démarcation (souvent
mixte, c'est-à-dire composée des représentants des deux Etats frontaliers). Parfois, elle infléchi
légèrement le tracé en fonction d'éléments matériels (obstacles naturels, village que l'on ne souhaite
pas séparer en deux etc...).
Les moyens de preuve : évidemment, les parties produisent des cartes à l'appui de leurs
revendications. Ces cartes contradictoires n'ont pas de valeur probante, sauf si elles sont une annexe
de l'accord de délimitation et expriment la volonté des deux parties : CIJ, arrêt du 22 décembre
1986 (fond), Différend frontalier entre le Mali et le Burkina Fasso, Rec. 1986,§54 et suivants. Il arrive
d'ailleurs que les cartes soient anciennes et erronées. Néanmoins lorsqu'elles sont des annexes de
traités anciens elles conservent, dans une certaine mesure, une portée juridique (CPA, Commission
du tracé de la frontière Erythrée Ethiopie, Chronique de jurisprudence internationale, P Weckel,
RGDIP, 2002 4 p. 697). De plus, le comportement des parties pendant une longue période sert
aussi de preuve du titre territorial. Par exemple, ils peuvent prouver l'effectivité de l'occupation par
témoignage, en particulier des Etats tiers. Ils doivent alors démontrer qu'ils ont eu une possession
paisible du territoire en question, indice de la nationalité de leur droit.
La jurisprudence internationale semble préférer se référer aux traités, même anciens et ne prendre
en compte l'effectivité qu'en second lieu : CIJ, arrêt au fond relatif à la Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria, du 10 octobre 2002 (P D'Argent, Des frontières et de
peuples, L'affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, AFDI, 2002
p.281).L'effectivité sert surtout dans les différends internationaux où il n'est pas possible de retrouver
un traité : CIJ, arrêt au fond du 17 décembre 2002 Souveraineté du Pulau Ligitan et Pulau Sipandan,
Indonésie et Malaisie ; D. Perrin, Titre conventionnel et effectivités, L'affaire de la souveraineté sur
Pulau Ligitan et Pulau Sipadan, AFDI, 2002, p.322), RGDIP 2008 3 , p. 669). Pour une tentative de
bilan : voir M G KOHEN, La relation titres effectivité dans le contentieux territorial à la lumière de la
jurisprudence récente, RGDIP 2004, p.593. En pratique outre le titre et l'état de fait existant, on se
sert soit des obstacles naturels soit des parallèles surtout dans les zones peu peuplées.
Les traités qui fixent les frontières bénéficient d'une portée particulière. On les dit objectifs, c'est-
à-dire opposables à tous les Etats tiers en raison de l'unicité des compétences des Etats qui les ont
fixés. Par dérogation au principe de l'effet relatif des conventions internationales, ce caractère
objectif est justifié par l'exclusivité des compétences de l'Etat en ce qui concerne son territoire.
La frontière fixée par un traité n'en dépend pas. Ainsi, si le traité disparaît, la frontière n'en
demeure pas moins, car elle est intangible : cf. l'arrêt de la CIJ du 3 février 1994 (fond), Affaire du
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différend frontalier de la bande d'Aozou., Rec. p. 5. En effet, l'existence d'une frontière emporte pour
conséquence principale un régime juridique de protection.
Dans le même ordre d'idées, le respect des frontières explique le principe de "nationalité" pour les
Etats décolonisés. Ce principe impose le maintien des frontières issues de la décolonisation (Principe
issu des solutions apportées en Amérique latine en 1810, voir Equateur Pérou-précité). Pour une
mise en oeuvre, on se réfèrera à l'arrêt Différend frontalier entre le Bénin et le Niger CIJ (Fond) 12
juillet 2005.
Ce principe qui protège les frontières contre les vicissitudes de l'Histoire a été utilisé avec valeur
universelle dans l'arrêt sur le différend frontalier Burkina-Faso /Mali, précité, 1986, §20. Aujourd'hui
ce principe est utilisé dans une hypothèse qui ne doit rien à la décolonisation, entre la Croatie et la
Bosnie-Herzégovine (Avis de la Conférence pour la paix ,11 janvier 1992, RGDIP 1992 p. 267).
Néanmoins, le principe de l'uti possidetis doit céder devant l'existence d'un traité frontalier. Dans ce
cas, on applique de préférence le traité : cf. l'arrêt de la CIJ du 3 février 1994, Affaire du différend
frontalier de la bande d'Aozou., Rec. p. 5.
Au cours du siècle la doctrine a évolué quant à ses conceptions des rapports juridiques de l'Etat
avec son territoire (Cf. J. A. Barbieris, Les liens juridiques entre l'Etat et son territoire : perspectives
théoriques et évolution du droit international, AFDI, 1999, p. 132). Après des controverses doctrinales
qui ne sont pas closes, on semble s'orienter vers la théorie du " territoire titre " (opinion doctrinale
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la plus répandue, venant de Kelsen, Scelle, Basdevant, etc...). Cela veut dire que c'est le territoire
qui fonde et justifie l'exercice des pouvoirs étatiques.
Les compétences de l'Etat s'arrêtent donc à son territoire, notamment en ce qui concerne ses
rapports entre les personnes privées. Néanmoins, il existe quelques atténuations en ce qui concerne
les poursuites des criminels. En vertu d'un droit de suite qui peut être maritime (poursuite en haute
mer) ou terrestre, les Etats peuvent exceptionnellement continuer une poursuite en dehors de leur
frontière, si l'Etat voisin donne son accord, par exemple dans un traité (un tel traité existe entre les
Etats du Benelux).
Cette assertion a fait l'objet de réaffirmations (sentence arbitrale relative à l'Affaire du Lotus, 7
septembre 1927, série A, n°10). La souveraineté territoriale obéit donc à deux caractères principaux
plénitude et exclusivité.
Il trouvera sans doute une nouvelle application dans la différend entre le Nicaragua et le Costa Rica
à propos de la préservation du fleuve San Juan, une nouvelle instance ayant été introduite par le
premier devant la CIJ en 2001.
L'Etat est donc tenu à des relations de bon voisinage l'obligeant par exemple à notifier aux tiers les
accidents qui y sont survenu et qui les concernent (Cf. A.-C. Kiss, AFDI, 1986, p.139 relativement à
l'obligation de l'URSS lors de l'accident nucléaire de Tchernobyl).
L'évolution actuelle du droit international va peut-être même dans le sens d'une consécration de
l'utilisation " raisonnable et utile " de la compétence territoriale. La Conférence de Stockholm
de 1972 en matière d'environnement rappelle que sa protection par une législation interne est un
devoir des Etats. Beaucoup de domaines qui étaient considérés comme de la seule compétence
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étatique rejoignent maintenant la sphère des compétences internationales (par exemple la monnaie,
les droits de l'homme, le droit pénal)...
2. Exclusivité
Dans un Etat, un seul ordre juridique est valable : c'est le principe d'exclusivité. Le principe
d'exclusivité comporte pour l'Etat le droit de s'opposer aux agissements d'autres Etats sur son
territoire. Ainsi, dans l'Affaire du Rainbow Warrior, la France a dû présenter des excuses formelles et
sans réserve à la Nouvelle-Zélande et lui verser des indemnités pour avoir fait pénétrer des agents
secrets sur son territoire et avoir causé des dommages (Sentence arbitrale du 30 avril 1990, RGDIP
1990, p. 838).
Cette exclusion existe même en cas de violation " pour la bonne cause " : dans l'Affaire Détroit
de Corfou, la Cour internationale condamne certes l'Albanie, mais aussi le Royaume-Uni qui a
militairement été récupérer des mines à titre de preuve, en violation de la souveraineté albanaise.
Il arrive que des lois nationales entendent avoir un effet extra territorial, cela n'est pas interdit par
le droit international. Mais l'Etat qui édicte la norme ne peut prétendre exercer sa puissance sur
le territoire d'un autre Etat pour la faire respecter (CPJI, arrêt du 7 septembre 1927, Lotus, n°9,
série A , p. 10). Parfois, les Etats entendent sanctionner sur leur sol des comportements étrangers
réalisés à l'étranger. La question de la licéité de telles lois se pose à l'évidence. Il en est ainsi des
lois américaines réprimant les investissements étrangers dans certains pays (lois Helms-Burton et
D'Amato-Kennedy, cf. B. STERN, Vers une mondialisation juridique , RGDIP, 1996, p. 979, une
partie de la loi Helms-Burton a été suspendue le 16 juillet 2001, Cf. RGDIP, 2001, Chronique des faits
internationaux p.985, voir aussi P. KLEIN, Les prétentions des Etats à la mise en oeuvre "unilatérale"
du droit international, Revue Belge de droit international, 2008, p. 141.)
Par dérogation à la règle de l'exclusivité, il arrive qu'un Etat dispose de compétences fonctionnelles
sur le territoire d'un autre Etat. Mais ce sont des hypothèses qui ne mettent pas en cause la
souveraineté de l'Etat. On citera à titre d'exemple des cessions à bail (Macao et Hongkong avaient
été ainsi cédées par la Chine au Portugal et à la Grande-Bretagne cf. L Fosceanu, RGDIP, 1987, p.
479). En théorie, ce type de bail n'atteint pas la souveraineté territoriale. Il est vrai que la pratique
se révéler un peu différente...Le territoire de l'Etat conditionne donc son existence et sa capacité
juridique. Mais l'empire de l'Etat ne s'exerce pas seulement sur les biens, il s'exerce aussi sur les
personnes.
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Section 2. La population : les compétences personnelles de
l'Etat et la nationalité
"A côté de la compétence territoriale, il existe une Compétence personnelle de l'Etat : autrement
dit l'Etat est habilité par le droit international à légiférer à l'égard de ses nationaux, qu'il s'agisse
de personnes physiques qui lui sont rattachées par le lien de nationalité effectif ou qu'il s'agisse de
personnes morales soit en raison de la nationalité de leur siège social, soit en raison du lieu de
leur incorporation, ou enfin qu'il s'agisse de véhicules comme les navires ou avions " (B. Stern :
L'extraterritorialité revisitée, où il est question des affaires Alvares-Machain, Pâte à bois et quelques
autres AFDI, 1992, p. 252).
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L'octroi de la nationalité est en principe une compétence exclusive de l'Etat (domaine réservé des
Etats) la jurisprudence de référence restant à cet égard l'arrêt Nottebohm. La Cour reconnaît qu'il
appartient au Liechtenstein comme à tout Etat souverain de régler par sa législation les conditions
d'acquisition de sa propre nationalité.
En général, l'attribution de la nationalité d'origine relève des principes du droit du sol (naissance
sur le territoire) ou du droit du sang (filiation d'un national, même établi à l'étranger), soit d'un
mélange des deux. L'Etat est a fortiori libre de déterminer les règles d'acquisition de la nationalité,
notamment par mariage ou autre naturalisation. Un Etat peut aussi couper le lien national avec
un individu et déchoir quelqu'un de sa nationalité (situation des Kurdes syriens (RGDIP, 2001,
Chronique des faits internationaux, p. 742).
B. Problèmes particuliers
Il peut exister des conflits de nationalité qui posent de graves problèmes aux individus. Soit
l'individu se retrouve en possession de multiples nationalités, parfois incompatibles entre elles (Etats
en belligérance par exemple) , soit il se retrouve démuni de lien national.
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§ 2. La situation des personnes morales et des biens
Le droit international a raisonné comme pour l'individu que ce soit dans le cadre de la société comme
pour celui de l'investisseur.
1. Les principes
L'octroi d'une nationalité aux sociétés se fait en vertu de plusieurs critères appartenant
discrétionnairement à l'Etat. La même latitude lui est laissée pour accorder ou non une protection
diplomatique.
B. Les biens
En principe, les biens possèdent la nationalité de leur propriétaire. Certains biens possèdent
la nationalité de l'Etat. D'autres la revêtent parce que l'Etat se les approprie par le processus de
nationalisation. Mais il est parfois bien difficile de savoir, notamment pour les oeuvres d'art quelle est
la nationalité d'un bien suite aux vicissitudes de la guerre. Pour exemple, on citera l'arrêt de la CIJ
( exceptions préliminaires) du 10 février 2005 (Liechtenstein contre Allemagne) "Certains biens".
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• Les aéronefs. La Convention de Chicago du 7 décembre 1944 sur l'aviation civile internationale
impose d'immatriculer les aéronefs civils. Plusieurs Etats peuvent se regrouper au sein d'une
même immatriculation.
• Les engins spatiaux. Les engins spatiaux font aussi l'objet d'une immatriculation qui emporte
la responsabilité de l'Etat s'ils créent des dommages au sol (Convention de New York 14 janvier
1975, Article 2).
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Section 3. Le gouvernement : le principe de non-ingérence
La supériorité même de l'Etat sur les autres institutions réside dans sa souveraineté, dont découle
une puissance inégalée : la puissance souveraine. Cette souveraineté ne peut se concevoir sans
une indépendance de l'Etat, qui se manifeste dans ses choix de politique internes et internationaux.
Ces choix doivent pouvoir être exprimés par un gouvernement indépendant.
1. La compétence discrétionnaire
a) Contenu et valeur du principe
L'existence d'un Etat est un fait objectif, né de la réunion des trois critères constitutifs. Pourtant,
les autres Etats conservent un droit subjectif, discrétionnaire de reconnaître ou non le nouvel
Etat. En conséquence, il n'y a pas d'obligation à leur égard de nouer des relations diplomatiques
ou juridiques. Cette solution est classique (Institut de droit international, Résolution de Bruxelles,
Annuaire de l'IDI, 1936, II, p. 305). Elle permet clairement et un peu cyniquement à l'Etat de
conformer sa pratique à ses intérêts politiques et économiques. Il arrive souvent qu'ils diffèrent leur
reconnaissance comme ce fut le cas de la France pour la Lituanie (R Kherad, La reconnaissance
internationale des Etats baltes, RGDIP, 1992, p. 843). A l'inverse, ils reconnaissent parfois
prématurément des Etats dont les éléments constitutifs ne sont pas réunis (l'Etat palestinien reconnu
dans la Déclaration d'Alger du 15 novembre 1988). C'est pourquoi le caractère discrétionnaire de la
compétence étatique de reconnaissance est parfois contesté.
Cependant, on conteste cette faculté des Etats. D'abord, il est maintenant illicite de reconnaître les
situations acquises par l'usage de la force armée, C'est le cas par exemple dans la Résolution 662
du Conseil de Sécurité des Nations Unies, interdisant aux pays membres de reconnaître l'annexion
du Koweït par l'Irak (RGDIP, 1990 p. 835). Une autre tendance, que nous retrouverons avec la
nationalité des gouvernements, consiste à tenter de subordonner la reconnaissance d'un nouvel Etat
à des engagements de respect des traités internationaux et de la démocratie, par exemple : position
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de la Communauté européenne : Déclaration du 16 décembre 1991 sur les lignes directrices de la
reconnaissance des nouveaux Etats en Europe orientale et en Union Soviétique GTDIP, n°10.
'une façon différente mais voisine, un Etat peut subordonner sa reconnaissance au comportement
du nouvel Etat.
Exemple
Le Grèce n'a admis l'indépendacne du la Macédoine que si cette dernière renonçait à se faire
appeler ainsi.
et le différend a conduit les deux états devant la CIJ. CIJ, (fond), 5 décembre 2011 Application de
l'accord intérimaire du 13 septembre 1995.
En violation du droit international, elle a tenté de bloquer son admission à l'OTAN pour non respect
de cette condition : CIJ, 5 décembre 2011, (fond) Application de l'accord intérimaire du 13 septembre
1995.
b) Portée du principe
La doctrine a beaucoup discuté pour déterminer si la reconnaissance était déclarative ou
constitutive. Cela revenait à se demander quels étaient les effets de la reconnaissance :
déclarative, la reconnaissance ou non n'emportait pas de conséquences sur l'existence du
nouvel Etat ; constitutive, on faisait de la reconnaissance par au moins un Etat tiers une
quatrième condition d'existence de l'Etat. La reconnaissance internationale reste en pratique un
acte politique déclaratif (position de l'Institut de droit international session de 1936 Bruxelles, déjà
cité) et non pas constitutif. Il est évident que l'absence de reconnaissance internationale n'empêche
pas un Etat d'exister et d'exercer une pleine capacité juridique dans l'ordre international. Mais le
fait de reconnaître un Etat est constitutif, en ce sens que l'Etat qui reconnaît s'engage à nouer des
relations juridiques avec ce nouveau partenaire de la société internationale.
Remarque
Il convient d'ajouter que ces positions juridiques ne recoupent pas totalement la réalité. Il est
par exemple certain que les Pays baltes n'auraient pas pu facilement imposer leur retour sur la
scène internationale s'ils n'avaient fait l'objet d'une reconnaissance rapide par des pays d'Europe
occidentale. Ces questions sont beaucoup trop souvent des questions de fait que des questions
de droit. Dès lors, elles deviennent de plus en plus en plus complexes, au point que l'on ne sait
plus guère où est la règle juridique. On a assisté en 2008 a de nouvelles déclarations unilatérales
d'indépendance (Kosovo, Ossétie du Sud) et reconnaissances rapides. (O Corten, Déclarations
unilatérales d'indépendance et reconnaissances prématurées, RGDIP, 2008, p. 721 contra P
Weckel, Plaidoyer pour le processus d'indépendance du Kosovo, Réponse à O Corten, RGDIP
2009 2, p. 257. voir aussi C. Crepet Daigremont : Conformité au droit international de la déclration
d'indépendance realtvie au KosovoAFDI, 2010, p.229). En réaction, la Cour internationale de justice
a été saisie pour avis dans le cas du Kosovo par l'Assemblée générale des Nations Unies le 8
octobre 2008. Avis rendu le 22 juillet 2010 et qui confirme les solutions traditionnelles en affirmant
qu’une déclaration unilatérale d’indépendance ne viole pas le droit international.
Constituent aussi une reconnaissance d'Etat des actes implicites : l'établissement de relations
diplomatiques et même de relations commerciales. Reconnaître un Etat c'est forcément reconnaître
aussi son gouvernement. Pourtant les deux types de reconnaissance sont dissociables.
Devant la difficulté en droit international d'obtenir de façon simple le statut d'Etat, certains tentent
de faire jouer ce rôle à l'admission au sein des organisations internationales. Tel est le cas de la
Palestine à laquelle un vote de l'Assemblée générale des Nations Unies a conféré le statut d'Etat
observateur : N. De Rivière et T. Gorjestani , La question de la Palestine aux Nations unies et dans
les organisations internationales, RGDIP, 2012-3, p. 549.
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B. Reconnaissance des gouvernements
Il peut arriver que la situation soit quelque peu différente. Il n'y a guère de doute sur l'existence de
l'Etat, mais on doute de la validité de son troisième élément constitutif.
2. Régime juridique
Lorsque la reconnaissance des gouvernements perdure, reste à déterminer quelles sont les règles
auxquelles elle obéit. Plusieurs doctrines s'affrontent. Soit on s'en tient à la doctrine de l'effectivité,
qui est la plus " neutre ". Le gouvernement est reconnu s'il apparaît qu'il maîtrise territoire et
population, au besoin par la force. Appliquée souvent (exemple en 1930 au Mexique condition
matérielles de l'Etat où le nouveau gouvernement avait la maîtrise de la situation sur le terrain) ,
cette doctrine est très respectueuse du libre-arbitre des Etats mais assez cynique quand elle
entérine un coup d'Etat. On peut alors se référer à la doctrine de la légitimité : la reconnaissance
est subordonnée à ce que l'autorité soit sanctionnée par des élections démocratiques (1907 en
Equateur).
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§ 2. L'indépendance du gouvernement : le principe de non-
ingérence /non-intervention
Les principes de non-ingérence et de non-intervention seront définis brièvement avant de tirer les
conséquences juridiques qu'ils impliquent.
A. Les principes
Non-ingérence et non-intervention sont parfois utilisées comme synonymes (Cf. Dictionnaire de droit
international public, J Salmon, p. 746). Il est vrai qu'ils correspondent à la même idée, même si on
peut opérer une légère distinction entre les deux vocables.
Jurisprudence
La Cour internationale reprend cette même idée dans l'arrêt de principe Détroit de Corfou (Fond,
9 avril 1949, p. 35) quand elle évoque le droit de non-intervention comme étant " le droit de tout
Etat souverain de conduire ses affaires sans ingérence extérieure".
Si ces principes sont bien établis, c'est qu'ils bénéficient de fondements solides. " Non-ingérence
et non-intervention s'alimentent (...) à la même source : la règle de l'égalité souveraine des Etats
" (P.-M. Dupuy, Manuel, Précité p. 103). C'est ce que dit la Cour internationale dans l'arrêt Détroit de
Corfou, précité, Rec. 49 p. 35. Dans la société internationale classique en effet, il est impensable
de hiérarchiser juridiquement les Etats qui sont tous détenteurs d'une puissance inégalée : la
souveraineté.
Jurisprudence
Dans l'arrêt Détroit de Corfou, la souveraineté territoriale albanaise avait été violée par la Grande-
Bretagne, dont les bateaux avaient déminé le Détroit " de force ". La Cour qui pourtant condamne
l'attitude de l'Albanie fautive pour avoir laissé miner cette voie internationale, refuse de justifier
l'attitude britannique au nom de l'égalité entre tous les Etats, qui serait rompue si on laissait "
s'installer une politique de force ", " réservée par nature aux Etats les plus forts ", et donc contraire
au principe d'égalité des Etats.
a) Non-intervention
Le principe de non-intervention vise plutôt la souveraineté territoriale de l'Etat et condamne
donc le franchissement des frontières par la voie des armes. La condamnation internationale
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ayant entouré l'Irak lors de l'invasion du Koweït démontre assez la force du principe. Cependant il
correspond à une position " classique ", car essentiellement territoriale, en matière de souveraineté.
Dans ce sens plus étroit, le principe de non-intervention renvoie donc aussi au principe de non-
recours à la force armée, posé par l'article 2 §4 de la Charte des Nations Unies. On le voit dans
l'arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, précité, Rec. p. 108, §205 : " cet élément de
contrainte, constitutif de l'intervention prohibée et formant son essence même, est particulièrement
évident dans le cas d'une intervention utilisant la force ".
b) Non-ingérence
Le principe de non-ingérence traduit l'évolution qualitative de la notion de souveraineté. Il prend
en compte les aspects économiques et politiques de cette dernière : il permet de condamner
les pressions économiques. L'arrêt de principe à cet égard est sans doute celui de la CIJ du
27 juin 1986 (fond, Rec. p. 108), Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, qui condamne
les Etats-Unis pour avoir soutenu financièrement et matériellement les rebelles au régime politique
en place au Nicaragua. La Cour précise : " ce principe interdit à tout Etat ou groupe d'Etats
d'intervenir directement ou indirectement dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre Etat
(...) L'intervention est illicite quand, (...) elle utilise des éléments de contrainte, particulièrement
évidents dans l'emploi de la force soit directement soit indirectement, par le soutien à des activités
armées subversives ou terroristes ".
a) L'intervention
Le Dictionnaire de droit international (J Salmon, précité, p. 609) définit l'intervention comme l'acte
de force accompli par un Etat sur le territoire ou dans les espaces relevant de la juridiction
d'un autre Etat.
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Cette résolution établit surtout des devoirs d'abstention à la charge des Etats. Par exemple,
"chaque Etat a le devoir de s'abstenir d'organiser ou d'encourager l'organisation de forces irrégulières
ou de bandes armées, notamment de bandes de mercenaires, en vue d'incursions sur le territoire
d'un autre Etat". Ce devoir est le même pour les Nations Unies : "Aucune disposition de la
Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la
compétence nationale d'un Etat". On citera deux exemples d'intervention armée :
• directe : l'intervention britannique dans l'affaire détroit de Corfou ;
• indirecte : l'intervention des USA au Nicaragua par le soutien apporté aux rebelles au
gouvernement en place.
b) L'ingérence
On définit l'ingérence comme " l'immixtion sans titre d'un Etat ou d'une organisation inter
gouvernementale dans les affaires qui relèvent de la compétence exclusive d'un Etat tiers "
M. Bettati (Le droit d'ingérence, O Jacob, Paris 1996).
Le mot a ici une fonction protectrice de la souveraineté des Etats. L'ingérence peut donc être
d'ordre politique ou économique. On fait parfois appel à la notion d'intervention idéologique, pour
qualifier " l'action coercitive tendant plus particulièrement à renverser le gouvernement d'un Etat
qui aurait opté pour une idéologie ou un système politique donné " (Dictionnaire de droit international,
précité p. 611). Une telle intervention est, au sens strict, une ingérence.
Champ d'application : l'ingérence peut être le fait des Etats comme des organisations internationales.
Exemple
Résolution de L'AG de Nations Unies n° 3395 (XXX), du 20 novembre 1975 : " L'Assemblée
générale, demande à nouveau à tous les Etats de respecter l'indépendance, l'intégrité territoriale
et le non-alignement de la République de Chypre et de s'abstenir des tous les actes et de toutes
les interventions contre elle ". On voit ici que l'ingérence représente une notion plus large que
l'intervention.
Elles sont relayées toutes deux par des Résolutions de l'A.G. des nations Unies 2131 XX du 21
décembre 1965 "Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des
Etats et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté" reprise souvent (par exemple
dans la Résolution du 24 octobre 1970, 2625 XXV, GTDIP n°5), sans qu'aucune exception n'y soit
prévue. De même l'arrêt de la CIJ du 27 juin 1986 : Affaire des activités militaires et paramilitaires
des Etats-Unis au Nicaragua, fait explicitement référence à ces deux textes mais a en outre, reconnu
aux deux principes valeur coutumière sans référence à la Charte des Nations Unies (Rec. 86
p. 202). Cette attitude tend à donner aux principes une force particulière et un champ d'application
le plus large possible. Ces règles sont tellement importantes qu'on leur donne le statut de jus
cogens.
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Cours : Sujets et sources du droit international public
Auteur : Virginie Saint-James
Leçon n° 3 : Les bouleversements de l'Etat en droit international
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Section 1. La mutation des Etats
Ainsi que nous l'avons vu dans la leçon précédente, dans l'ordre juridique international, tout est
fait pour que l'Etat soit assuré de sa pérennité territoriale, de la sujétion de sa population et de la
plénitude de sa souveraine indépendance. Mais le droit ne saurait empêcher toute évolution. Aussi,
il existe des exceptions à tous les principes qui assurent la stabilité de l'Etat. Ces exceptions sont,
elles aussi encadrées par des règles juridiques internationales qui prévoient les mutations des Etats
et accompagnent les bouleversements qui peuvent affecter un des éléments constitutifs de l'Etat.
Le nombre et la substance des Etats ont considérablement varié depuis le XVIIIe siècle,
époque du droit international classique : de quelques dizaines à près de deux cents Etats,
actuellement membres de l'ONU.Ce phénomène n'a pu se produire sans heurts politiques et sans
accompagnement juridique qui tendent à prendre en compte la diversité des situations et à organiser
des solutions, toutes aussi diverses.
A. Typologie
On regroupe sous la question de la " succession d'Etats " des atteintes multiples à la pérennité
d'un Etat.
La réunion d'Etats : deux états se rejoignent, ce fut le cas de l'Allemagne, le 3 octobre 1990, après
la chute du Mur de Berlin.
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La dislocation : un Etat éclate en plusieurs Etats, ce fut le cas de la Yougoslavie à partir de 1991,
définitivement démembrée en 2006 avec l'indépendance du Monténégro, voire avec celle du Kosovo,
proclamée unilatéralement le 17 février 2008 Cf. Dissolution, continuation et succession en Europe
de l'Est, sous la direction de G Burdeau, Montchrestien, 1994
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B. Problème juridique
Souvent, la question n'importe pas d'abord en droit international. Certaines fédérations prévoient
dans leur constitution interne un droit de sécession (c'était normalement le cas de la Yougoslavie).
Et inversement, il arrive que la Constitution ait été prévue pour une réunification future (cas de
l'Allemagne et de la Loi fondamentale de 1949, qui pouvait intégrer de nouveaux landers). Malgré
cela, ces mutations intéressent nécessairement les tiers (cas des insurgés américains pour la France
du XVIIIe, ou des sudistes pour la Grande-Bretagne au XIXe).
Vis-à-vis du droit international, nous rappellerons que ces bouleversements n'ont pas
nécessairement besoin d'être sanctionnés par la reconnaissance diplomatique d'un nouvel
Etat (Cf. Conférence pour la paix en Yougoslavie, Commission d'arbitrage, avis n°10, 4 juillet 1992
§4). En réalité le problème et de savoir dans quelle mesure le nouvel Etat hérite des obligations de
l'ancien. Néanmoins en pratique un Etat sans la reconnaissance d'un nombre significatifs des autres
Etats voit se compliquer sa vie diplomatique. Tel est le cas de Taïwan que des Etats cessent de
reconnaître pour développer davantage leur relations avec la Chine (RGDIP, 2007 3, p. 677-678).
Jurisprudence
On le voit en ce qui concerne la Yougoslavie : la Commission internationale le 4 juillet dans un
avis n°9, GTDIP n° 9 bis p.126, reconnaît devoir s'inspirer des deux conventions de Vienne et des
règles coutumières " dans le but d'arriver à un résultat équitable ".
Exemple
Les trois Etats Baltes (Lettonie, Lituanie et Estonie) ne succèdent pas à l'URSS car ils avaient
été annexés illicitement en 1940 et donc se continuent eux-mêmes (sauf en ce qui concerne la
participation à la dette). La Fédération de Russie elle, succède à L'URSS et à ce titre occupe
son siège au Conseil de sécurité de l'ONU. Les autres Etats sauf L'Ukraine et la Biélorussie qui
étaient déjà des sujets de droit international, sont considérés comme successeurs de l'URSS et les
principes de partage sont réglés par la Déclaration d'Alma Ata qui s'en remet dans ce domaine à
la CEI, confédération très lâche (GTDIP n° 8 p.121).
1. Les principes
On notera trois traits communs à toutes les hypothèses de succession.
• Les deux conventions de la CDI sont manifestement dépassées par la pratique et ne suffisent
pas à régir la matière, mais elles constituent encore un repère.
• Il semble que le maître mot soit de parvenir à " un résultat équitable " .
• La continuation d'Etats dont la souveraineté a été niée est possible dès lors qu'elle s'appuie
sur la reconnaissance d'Etats tiers (réussie pour les pays Baltes, elle est un échec en
ce qui concerne les prétentions de la Serbie et du Monténégro à hériter la Yougoslavie).
Malgré le caractère déclaratif de la reconnaissance d'Etat, celle-ci joue donc un rôle non
négligeable.
Remarque
On remarquera que ces certitudes juridiques sont peu nombreuses. En particulier la notion
de " résultat équitable " (utilisée aussi en droit de la mer) laisse la porte ouverte à bien des
interprétations. En réalité, chaque succession se présente comme un cas particulier.
2. Le contenu
La question de la succession devient rapidement une question de dévolution des droits et
obligations de l'Etat prédécesseur à l'Etat successeur (dictionnaire de droit international, précité
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p. 1059). Les règles sont maintenant assez claires en matière de traité, de responsabilité, de dette
et de place dans les organisations internationales.
En matière de traité :
" table rase " ou " continuité absolue ". Aucun des deux ne l'emporte absolument en droit positif. Si
le droit tente de poser des règles, la pratique est encore fluctuante.
Le cas du Sénégal semble prouver que le nouvel Etat n'est pas lié ipso facto par les traités : il y a
intransférabilité des traités politiques (les traités d'extradition). La Convention de 1978 reprend
ce principe dans ses articles 11 et 12.
Jurisprudence
Mais sont transférables les traités territoriaux au nom d'un principe d'intangibilité des
frontières. Il en va ainsi de tous les aspects territoriaux de différents traités, exemple : aspect
territorial du traité sur le Danube entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie auquel succède la Hongrie :
affaire CIJ Affaire Gabcikovo-Nagymaros (fond), 25 septembre 1997, § 112 al. 2 comm. RGDIP
1998 1 J Sohnle). Cette transférabilité joue aussi dans les hypothèses post coloniales : CIJ, 10
octobre 2002, arrêt au fond sur la frontière terreste et maritime entre la Cameroun et le Nigéria.
Il y a aussi transférabilité des traités-lois, c'est-à-dire ceux qui sont conclus dans l'intérêt de la
communauté internationale. Dans ce dernier cas, la solution est plus nuancée : une pratique de
succession automatique tend à se développer.
En réalité la succession se fait souvent après un temps de réflexion où il doit y avoir confirmation
expresse des Etats dans la volonté de succéder au traité sans que les autres parties au traité
puisent s'opposer à leur volonté de succéder.
Jurisprudence
CIJ, Ordonnance pour mesures conservatoires, 8 avril 1993, Bosnie-Herzégovine Rec. 1993,
considérants 21 à 26 p. 16 et 17 en ce qui concerne la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide. Confirmation au stade des exceptions préliminaires CIJ, 11 juillet 1996 comm.
S Maljean Dubois AFDI 1996 p.353.La possibilité de la Bosnie à succéder à la Convention était
contestée par la Yougoslavie, puisqu'elle n'était pas un Etat quand la convention avait été signée.
Normalement, la succession est subordonnée à la conformité au droit international de la façon dont
le nouvel Etat a acquis son indépendance (Convention de Vienne de 1978, article 6). La CIJ n'a pas
entendu répondre sur ce terrain, et constate simplement que, membre de l'ONU, la Bosnie pouvait
donc être partie à la Convention et que dès lors " peu importent les circonstances dans lesquelles
elle a accédé à l'indépendance " (§19 p.18).
En ce qui concerne la responsabilité :
Le principe est la non-succession (Cf. l'Affaire des phares, entre la France et la Grèce, sentence
arbitrale du 24 juillet 1956, RSA, vol XII, p. 161). Lorsqu'un Etat s'est modifié au cours d'une instance
devant la CIJ, celle-ci recherche quel Etat est encore partie à l'instance : CIJ, (fond) 26 février 2007
Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
La succession à la dette d'Etat est liée à la question de la succession aux biens. On définit la
dette d'Etat comme étant "toute obligation financière d'un Etat à l'égard d'un autre Etat, d'une
organisation internationale ou de tout autre sujet de droit international née conformément
au droit international " (Convention de Vienne de 1983, article 33). La Convention, on le notera,
exclut les personnes privées. L'Etat nouveau succède au domaine public de l'ancien. La Convention
de 1983 (articles 37 à 41) a tenté de progresser en estimant que la succession se fait " dans
une proportion équitable " en fonction de cette transmission des biens notamment, sauf cas de
décolonisation (article 38). Ce principe est aussi valable en ce qui concerne les archives (Convention
de Vienne de 1983 article 30 §1), avec la possibilité de conclure des accords entre successeurs.
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En savoir plus : En pratique
En pratique, ces dispositions ne sont guère faciles à mettre en oeuvre. Par exemple, la partition
de l'URSS se solde par un principe de responsabilité solidaire de la dette des douze Etats
successeurs, sans les Etats baltes. Ce principe a été aménagé au sein d'entre eux par des accords.
En ce qui concerne la place dans les organisations internationales :Le ou les Etat(s)
successeur(s) peuvent-ils hériter le statut de l'Etat prédécesseur dans les organisations
internationales ? Il s'agit du domaine ou les solutions sont les plus variées. On en retire le principe
d'absence d'automaticité de la succession de la qualité de membre.
Exemple
A l'ONU dans sa Résolution 777 du 19 septembre 1992, le Conseil de sécurité constate la fin de l'Etat
de Yougoslavie. En conséquence la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
ne peut assurer automatiquement la continuité et la qualité de membre de l'ancienne république
fédérative socialiste de Yougoslavie à l'ONU, elle a dû demander la qualité de membre à l'assemblée
générale. A l'inverse, le siège de l'URSS au Conseil de sécurité a été donné à la Russie, et non
" partagé " entre les différents Etats successeurs à sa dette. Si la question de la succession d'Etat a
trouvé un renouveau contemporain, nul doute que cela ne provienne aussi d'une donnée nouvelle :
la nécessité de prendre en compte la volonté des peuples et le respect du droit humanitaire dans
la vie internationale.
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Section 2. Bouleversements affectant un élément constitutif de
l'Etat
Les évolutions modernes de l'Etat ne sont pas de simples questions matérielles de séparation. Elles
proviennent d'un changement d'optique de la vie internationale qui affecte les éléments constitutifs
de l'Etat que sont la population et l'indépendance souveraine du gouvernement.
Les principes ont connu dès lors une évolution remarquable " grâce à la Charte des Nations Unies
et à la coutume " que reconnaît la CIJ elle même dans son Avis du 21 juin 1971 sur la Namibie, Rec.
71 p. 16.Le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est devenu tellement fondamental
qu'on en arrive à le considérer comme une norme impérative du droit international et à le rattacher
au jus cogens (Avis de la CDI, 1976, annuaire, vol. 2, II partie, p. 89).
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internationaux I Choukri). Appelée souvent Charte de décolonisation, elle affirme que le manque
de préparation ne doit pas être un prétexte à retarder l'indépendance (§ 3). Un Comité a été créé
en 1961 pour suivre l'application des principes de la décolonisation. Il a adopté une résolution, le15
juin 2004 réaffirmant le droit du peuple Portoricain à l'autodétermination. Le principe est absolu et
opposable à tous les Etats, cela est réaffirmé dans des déclarations ultérieures : Résolution 2621
(XXV) et 2625 (XXV), GTDIP, N°5 p. 70 qui codifient sept principes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre Etats. La Cour internationale a rappelé avec force le droit
à l'autodétermination à propos du peuple palestinien dans l'Avis du 9 juillet 2004 : " Conséquences
juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé ", chronique de jurisprudence
internationale de P. Weckel, RGDIP, 2004, p.1028 §24.
a) Le contenu du principe
• Le titulaire du droit. Le dictionnaire de droit international reconnaît que la notion de peuple
est l'une des plus floues et qu'elle a un sens plus politique que juridique. Au sens le
plus général un peuple est une communauté humaine unie par un lien de solidarité.
Cette solidarité s'exprime dans le fait d'être ressortissant d'un même Etat, ou de partager un
attachement à un territoire, des traditions, des croyances. Le droit des peuples comporte le droit
à la souveraineté et à l'intégrité territoriale, à la non-intervention dans les affaires intérieures, à
la paix et à disposer de leurs richesses naturelles (Résolution, 1314 XIII et 1803 XVII).
• Le droit à l'indépendance. Il est reconnu " aux peuples soumis à une subjugation, une
domination et à une exploitation étrangère " , Résolution 1514, c'est-à-dire aux peuples
géographiquement séparés, ethniquement ou culturellement distincts, mais surtout maintenus
dans un statut discriminatoire, d'où l'extension de ce droit ouvert même en Afrique du Sud
à cause de l'Apartheid.
La situation discriminatoire ouvre ipso facto un droit à l'autodétermination. L'indépendance n'est
pas une fin obligatoire (l'acquisition de tout autre statut peut en découler). Les Etats de la
communauté internationale se voient astreints à des devoirs : mettre fin à leur colonisation
dans les plus brefs délais possibles et pour les autres favoriser le mouvement d'accession à
l'indépendance.
De nos jours, la discussion porte principalement sur el fait de savoir si la vioaltion du droit international
par un Etat ouvre un droit à "une sécession sanction" pour les populations, question sur laquelle
la CIJ n'a pas porté de jugement. (C. Crepet Daigremont, Conformité au droit international de la
déclaration d'indépendance relative au Kosovo,AFDI? 2010, p. 229). Les débats portent aussi que
la qustion d'un préalable quant à la viabilité économique du futur état indépendant (J Fernadez, A
propos des conditions d'accession à l'indépendance du Gröenland, AFDI2010, p. 413).
• Les modalités du droit. C'est l'organisation d'une consultation populaire
d'autodétermination qui est la voie conseillée par les organes internationaux pour exercer le
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (Avis consultatif de la CIJ, du 16 octobre 1975, relatif
au Sahara occidental, Rec., p. 33).
Ainsi, deux réferendums successifs furent nécessaires pour appliquer la sentence arbitrale
de la Cour permanente d’arbitrage du 22 juin 2009 pour déterminer les conséquence de la
délimitation de la zone d’Abyei au Soudan (P Weckel et G Areou, Chronique de jurisprudence
RGDIP 2010 -2, p ; 413.). ( C. Châtelot, Le Sud- Soudan a voté pour l'indépendance, ouvrant
la voie à la partition du pays, Le Monde, 18 janvier 2011)
.
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Le Timor oriental
Pour une application du principe, on évoquera le cas du Timor Oriental, et l'intervention de Nations
Unies le 20 septembre 1999 sur le fondement de la Résolution 1264 du Conseil de Sécurité du 15
septembre. Le référendum prévu par un accord du 5 mai 1999 a eu lieu le 8 août et a donné une
majorité de 78 % pour l'indépendance pour 90 % de votants. Des milices pro-indonésiennes sont
alors intervenues pour réprimer cette volonté d'indépendance. Un mandat onusien a permis au Timor
Oriental de devenir le 191ème Etat des Nations Unies, le 19 mai 2002. Devant les difficultés pour
accéder à l'autodétermination, il est admis en droit international que les peuples recourent à la force.
En conséquence un statut international est donné à certains mouvements politiques structurés tels
l'OLP et SWAPO (Namibie), qui représentent ces peuples soumis à domination coloniale, occupation
étrangère ou régime raciste : Résolution de l'Assemblée Générale n°2621(XXV) du 12 octobre 1970,
Cf., A. Gandolfi, Les mouvements de libération nationale, PUF, Que sais-je ?, 1989.
b) Le développement du principe
La reconnaissance du droit des peuples s'est vite liée à des revendications économiques des
peuples décolonisés. Elles a donc donné naissance à toute une branche du droit international
que nous n'étudierons pas : le droit du ou au développement selon les auteurs. Très éloigné
du volontarisme classique, le droit du développement se présente comme un instrument de
transformation de la société internationale. Pourtant il s'appuie sur les mécanismes classiques du
droit international. Il passe par la revendication en 1970 d'un " nouvel ordre économique mondial ".
Exemple
On a vu par le passé des Etats reconnaître à des minorités ethniques, particulièrement religieuses,
un statut plus ou moins protecteur : juifs à Venise et dans les Etats du Pape en Avignon, minorités
juives et chrétiennes dans l'Empire ottoman etc. Néanmoins on a toujours considéré qu'il s'agissait
là d'une compétence interne de l'Etat, au nom de sa compétence personnelle. La guerre de 1914
et la poudrière des Balkans, ont démontré l'intérêt d'internationaliser ces questions et plus tard, les
statuts particuliers des ethnies de l'Empire Austro-Hongrois ont été instaurés par voie de traités
après la guerre de 1914-1918.
Les instruments juridiques : on trouve des références intéressantes à la notion des droits des
minorités dans le cadre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(GTDIP n°14) et encore l'article 27 du Pacte des Nations Unies sur les droits civils et politiques.De
nos jours, les démembrements de l'Europe de l'Est et en Afrique marquent les débuts d'un statut
international des minorités ethniques, religieuses, culturelles et linguistiques. Ainsi, la Commission
d'arbitrage de la Conférence européenne pour la paix en Yougoslavie a mis en évidence quelques
solutions dans ce domaine (avis n°2 RGDIP 1992 1 n° 10). Elle n'a pas hésité à mettre la protection
des minorités dans le jus cogens. Surtout, la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité du 10 juin 99
qui règle les séquelles du Kosovo, fait bien du principe de respect des minorités une solution
pour éviter de toucher à l'intégrité territoriale des Etats.
L'ONU a adopté le 13 septembre 2007 une déclaration des droits des peuples autochtones qui reflète
le même type de préoccupation. Une Instance permanente des Nations Unies sur les questions
autochtones a été créée le 28 Juillet 2000 (RGDIP 2006 3 p. 704 Chronique des faits internationaux,
L Balmond).
2. L'exemple européen
Il reste le plus abouti dans le domaine et se situe à deux niveaux. :
• Dans le cadre de la CSCE (Conférence pour la Sécurité et la Coopération en Europe devenue
depuis l'OSCE véritable organisation internationale), on citera le texte de la Réunion de
Copenhague le 29 juin 1990 Chapitre IV sans portée obligatoire (Cf. E Decaux Documentation
Française, 1992, n° 238) qui définit des droits destinés à protéger l'identité des minorités.
• Sous l'égide du Conseil de l'Europe : Les Etats n'ont pu entrer au sein du Conseil que sous
condition du respect des droits des minorités, et s'ils ont ratifié deux conventions cadres : la
Charte Européenne des langues régionales ou minoritaires (5 novembre 1992) et la Convention
cadre pour la protection des minorités nationales (1er février 1995).
En savoir plus : Conventions cadres
• La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires le 5 novembre 1992 oblige
les parties à respecter la pratique de ces langues et à en permettre l'enseignement (RGDIP
1992 4 p. 1094, commentée par P. Kovacs RGDIP 1993 2 p. 441).
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• La Convention cadre pour la protection des minorités nationales, 1er février 1995 (GTDIP
n° 18) est intéressante car, au-delà des droits collectifs, elle met l'accent sur le droit individuel
de toute personne appartenant à une minorité de voir ce fait respecté par l'Etat (liberté
d'opinion, de religion, d'expression, de réunion d'association). On voit même poindre un droit
à la solidarité transfrontière pour les minorités divisées, au nom de l'universalisme des droits
de l'homme.
B. La "Responsabilité de protéger"
L'ingérence humanitaire va partir de ce substrat mais pour remédier à d'autres types de
problèmes. L'intervention des tiers ne vise pas à protéger leur ressortissant mais bien des
sujets d'un autre Etat.
Depuis la seconde guerre mondiale on constate que les conflits les plus meurtriers ne sont pas
toujours des conflits interétatiques mais biens des guerres civiles larvées, qui ne peuvent être
résolues dans le cadre international car elles sont couvertes par le principe de non-ingérence. " La
souveraineté c'est la garantie mutuelle des tortionnaires ", M. Bettati, op. cit. 17.
1. Fondement
• L'ingérence humanitaire permet à des Etats tiers d'intervenir dans un Etat au nom de la
défense des droits de l'homme dans des situations de crise, dans des hypothèses comme
le génocide ou la famine. Il est possible de fonder ce droit sur le droit à la vie, reconnu par
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, que l'on proposera
même de compléter dans ce sens.
• La reconnaissance dans les textes a suivi : L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté
le 8 décembre 1988 la Résolution 43/131 relative à l'Assistance humanitaire aux victimes
des catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre, relayé par un texte
du 14 décembre 1990 relatif aux couloirs d'urgence humanitaire, appliqué au Soudan puis
en Croatie. Dès lors, le principe d'un droit d'ingérence semblait acquis. Le Conseil de Sécurité
applique ce principe, notamment dans le cadre d'interventions humanitaires multilatérales :
Résolution 688, du 5 avril 1991, création d'enclaves humanitaires pour les Kurdes d'Irak,
GTDIP n°25. Les 10 et 11 mai 2002, pour la première fois, le Conseil a débattu de la notion,
lui donnant ainsi un début de reconnaissance officielle. Mais les conséquences du Tsunami
en Asie du 26 décembre 2004 et notamment les réactions indonésiennes de rejet de laide
internationale démontrent qu'il est encore difficile de bien cerner les contours de ce droit En
septembre 2005, lors du sommet du Millénaire (document final), l'ONU a estimé que chaque
Etat a le devoir de " protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage
ethnique et des crimes contre l'humanité" et faute d'y parvenir, ce devoir " dans le cadre de
l'organisation des Nations unies". (L Boisson de Chazounes et L Condorelli, De la responsabilité
de protéger, ou d'une nouvelle parure pour une notion déjà bien établie. (RGDIP, 2006 1 p. 11).
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• La notion a été notamment utilisée dans la cadre du Chapitre VII pour le cas de la Libye dans la
résolution du Conseil de Sécurité "Paix et Sécurité en Afrique" : R/res/1970/2011, du 26 février
2011.
2. Mise en oeuvre
Il reste que le responsabilité de protéger pose bien des questions qui ne sont pas encore toutes
résolues en droit international. voir, N Blaise, La responsabilité de protéger : les écueils d'une
consécration juridique tant attendue, Revue de droit interntional et de droit comparé 2011, n°4, p.
577.
• Droit ou devoir ? Une des questions qui demeurent en suspend est de savoir si cette ingérence
est un droit pour les Etats ou s'il s'agit d'un devoir. Dans le second cas, l'égalité des victimes
de violation est en cause. La pratique laisse entrevoir en effet de sérieuses disparités dans
les interventions. Exemple de climat d'impunité pour les violations patentes en Tchétchènie,
RGDIP, 2001, Chronique des faits internationaux, p. 169. (V. P Klein, Les prétentions des
Etats à la mise en oeuvre "unilatérale" du droit international, Revue belge de droit international,
2010/1, p. 141.)
• Quelle procédure ? Pour éviter des dérives possibles il est certain que l'ingérence doit
être le fait de la Communauté internationale représentée par l'ONU sur le fondement
d'une Résolution du Conseil de Sécurité en vertu du Chapitre 7 de la Charte, exemple
de la Résolution 688 précitée. Néanmoins, la possibilité pour chacun des cinq membres
permanents du Conseil d'opposer son veto, renforce le caractère inégalitaire de la mise en
oeuvre du droit d'ingérence et prétend justifier parfois des interventions des Etats ou
d'organisations internationales sans mandat explicite de l'ONU (23 mars 1999 Intervention
de l'OTAN au Kosovo (Cf. P. Weckel, L'emploi de la force contre la Yougoslavie ou la Charte
fissurée , RGDIP 1999, p. 19).
voir aussi P.
• Quelles modalités ? En outre, la détermination des droits, des buts à atteindre pour les
rétablir, de la proportionnalité et de l'impartialité des modalités de l'ingérence recèlent autant
d'abus possibles. Il semble que ce type d'action soit plutôt le fait des ONG humanitaires,
encore que leurs manipulations étatiques soient fort possibles.
En savoir plus : Droit d'ingérence
La question du droit d'ingérence, bouleverse bien des aspects du droit international classique. Si
on le reconnaît à l'ONU, il faudra que se pose la question de ses implications sur les opérations de
maintien de la paix et sur le système universel de sécurité collective. Ces implications seront d'abord
d'ordre matériel et financier, ce type d'opération grevant le budget de l'organisation.(v. N. Blaise, La
responsabilté de protéger : Les écueils d'une consécration juridique tant attendue, Revue de droit
international et de droit comparé, 2011, n°4, p. 577.)
Institutionnellement, il faudra certainement repenser le cadre juridique du droit de veto, voire la
composition du Conseil de sécurité onusien, pour assurer une plus grande égalité dans la mise
en œuvre. La société internationale même devrait évoluer et faire une place plus grande à la
coopération de l'ONU avec des institutions régionales (exemple l'OTAN pour l'Europe), et surtout
avec les organisations non gouvernementales. Le droit ou devoir d'ingérence humanitaire sera le
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grand débat doctrinal du XXIe siècle. Il s'est posé notamment de façon très vive, la question de
l'appliquer lors du passage du Cyclone Nargis sur la Birmanie en mai 2008, alors que les autorités
refusaient l'aide internationale dans un premier temps, malgré le nombre très élevé des victimes (Le
Monde, 15 mai 2008, Birmanie, vifs débats sur la « responsabilité de protéger ». RGDIP, 2008 3, p
634, M. B. Observations sur la responsabilité de protéger en Birmanie.
La notion demeure donc contestée au sein même des organes des Nation Unies ainsi qu'en
témoignent les débats de l'Assemblée générale en juillet 2009.
En fait toutes ces questions (droit des minorités ; ingérence humanitaire etc) ne sont que des
résurgences d'un problème beaucoup plus fondamental : l'Etat reste le seul sujet de droit international
à avoir une pleine compétence.
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Cours : Sujets et sources du droit international public
Auteur : Virginie Saint-James
Leçon n° 4 : Les groupements
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L'institutionnalisation est l'une des tendances du droit international moderne (cf. leçon n°1). Cette
tendance à faire émerger des groupements en droit international est parfois volontaire. Les Etats, qui
demeurent les principaux sujets du droit international créent en effet de plus en plus d'organisations
internationales non gouvernementales. Dans le même temps, spontanément les personnes privées
instaurent aussi des groupements qui occupent sans conteste une place dans la vie de la société
internationales sans bénéficier du même statut juridique ; les organisations internationales non
gouvernementales et les sociétés transnationales.
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1. Les causes
Plusieurs facteurs ont conduit les Etats à reconsidérer leur méfiance envers les organisations
internationales. La faiblesse des organisations n'est pas toujours profitable aux Etats ainsi que l'a
démontré l'exemple de la SDN. De plus l'internationalisation croissante incite les Etats à développer
des solidarités régionales dans des infrastructures permanentes que l'on peut développer au
besoin.
La naissance des solidarités régionales se traduit aussi par l'institutionnalisation. Ceci est d'autant
plus vrai en Europe avec les efforts d'intégration de l'Union Européenne exemple singulier et qui tend
peut-être à sortir du droit international pour entrer dans le cadre d'une fédération. La permanence
est l'un des atouts les plus précieux que les organisations internationales offrent aux Etats. Elle agit
ici en droit international comme elle agit dans l'organisation administrative : comme une puissance
en soi.
2. Les effets
Une partie de la doctrine tend à démontrer qu'il existe bien une rétroaction des organisations
internationales sur les Etats. Elles tendraient à trouver une certaine autonomie et à se placer
parfois " en face de leurs membres ", au point de détenir une personnalité internationale objective
(CIJ, 11 avril 1949), Avis sur les réparations de certains dommages subis au service des Nations
Unies, Rec. p. 174. Le régime juridique des organisations internationales traduit cette ambiguïté de
leur position.
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Le traité institutif d'une organisation est sa colonne vertébrale. Or il est en grande partie sous le
contrôle des Etats. Il leur permet de déterminer qui adhère à l'organisation. Son contenu et ses
évolutions sont donc encadrés par le droit international.
a) L'adhésion
Le traité institutif est un accord de volonté entre Etats. Il s'analyse donc comme une convention
multilatérale qui se voit appliquer le droit classique des traités c'est-à-dire la Convention de Vienne
de 1969. Il s'interprète en fonction du volontarisme classique. Les Etats membres rédacteurs
ou adhérant au traité ne sont liés qu'en fonction de leur acceptation des règles. La possibilité
d'émettre des réserves est maintenue. Mais il est vrai qu'elle est limitée par l'obligation de recueillir
l'acceptation de l'organe compétent de l'organisation considérée (Convention de Codification du droit
des traités conclus entre Etats et organisation internationales, 1986, article 2, alinéa 3). De toute
façon les réserves en général doivent être compatibles avec le but du traité (infra leçon n° 6). En
fonction de cela, les actes ultérieurs de l'organisation doivent être conformes aux traités institutifs,
le droit des organisations répond au principe de hiérarchie des normes.
b) Le contenu
Lors de l'élaboration originelle les membres fondateurs, réunis au sein d'une conférence inter
gouvernementale, s'efforcent de préserver leur intérêt. Ultérieurement, d'autres Etats peuvent vouloir
rejoindre l'organisation. Ces nouveaux membres sont censés adhérer en l'état sauf à obtenir une
renégociation des traités institutifs. La maîtrise de la modification du traité institutif appartient en
grande partie aux membres. c'est pourquoi, sauf dispositions contraires expesses, les Etas membres
peuvent bloquer l'entrée d'un autre Etat (CIJ (fond) 5 Décembre 2011, Application de l'accord
intérimaire du 13 septembre 1995). Souvent, la question est en fait ailleurs : l'entrée d'un nouveau
memebre signifie t-elle que ce dernier a la qualité d'Etat ? l'entrée dans une organisation tient alors
leiu de reconiazsce internationale et la pratique et le droit hésitent, comme dans le cas de l'entrée
de la Palestine à l'UNESCO le 31 octobre 2011 et non à l'ONU, où la question reste discutée.
Il est vrai que leur maîtrise en est moins grande lorsque le traité institutif lui-même en a prévu le cas.
Il peut arriver alors qu'une minorité se voit imposer de nouvelles règles (article 108 de la Charte de
l'ONU). La difficulté de mettre en oeuvre de telles solutions conduit à les écarter le plus souvent pour
leur préférer des modes de "révision simplifiée" dont l'ambition est beaucoup plus limitée (Charte de
L'UNESCO article 13 §1).De même la pratique n'ignore pas la révision coutumière, qui résulte de
la pratique répétée des Etats dans l'organisation.
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Exemple
On peut donner quelques exemples de révision coutumière en ce qui concerne la Charte des
Nations Unies : Le fait que l'abstention répétée d'un des membres du Conseil de sécurité soit
considérée comme ne faisant pas un veto en dépit de l'article 27 de cette même Charte a été
interprété comme une révision coutumière par le juge international (CIJ, Avis du 21 juin 1971, Relatif
à la Namibie Rec. p. 22).De même le processus de révision par la voie coutumière est évoqué à
propos de la Résolution Acheson, N°377, qui permet à l'Assemblée Générale de l'ONU d'agir en
lieu et place du Conseil de Sécurité en cas de blocage persistant de ce dernier. A travers la coutume,
outre le consentement des Etats membres c'est aussi le consentement de l'organe international lui-
même qui est requis.
a) La composition de l'OI
On distingue en doctrine les organisations fermées des organisations ouvertes.
Les Etats sont libres de demander ou non leur intégration dans l'organisation, il n'existe pas
d'organisation obligatoire (ainsi la Suisse a-t-elle attendu le référendum du 3 mars 2002 pour siéger à
l'ONU). La compétence de demande est donc discrétionnaire. Il peut arriver que participent pour une
part, à l'organisation des Etats qui ne sont pas membres mais qui jouissent d'un statut d'associé ou
d'observateur qui leur confère certains droits et obligations : tel était justement le cas de la Suisse à
l'ONU. Voir article du Journal Le Monde, du 5 mars 2002, p. 5 signé D.S. Miéville : La Suisse devient le
190e Etat membre des Nations Unies. Il arrive que ce statut d’observateur soit aussi donné à d’autre
organisations intergouvernementales (T. Garcia, Le retour des organisations intergouvernementales
observateurs à l’OMC : phénomène conjoncturel ou structurel ? , RGDIP2010 3, p.596.)
La qualité de membre d'une organisation s'acquiert par adhésion et ratification du traité institutif;
très facilement si l'on fait partie de membres originaires, souvent au terme d'une procédure
assez complexe dans les autres cas et reposant sur la réunion de critères d'admission. G Cahin,
L'admission aux organisations internationales, RGDIP, 2012 3 p. 519.
Il arrive aussi que les Etats déjà membres usent de divers moyens pour bloquer l'arrivée de nouveaux
membres en mésusant de leur droit d'objection. Ainsi la Grèce a bloqué par objection l'entrée
de la République de Macédoine en violation de ses obligations internationales, pour lutter contre
l'appellation de ce pays (CIJ, (fond) 5 décembre 2011). De même les Etats Unis se sont retirés de
l'UNESCO en octobre 2011 à la suite de l'admission de la Palestine, mettant gravement en danger
l'équilibre financier de l'institution.
Un cas particulier demeure : l'ONU. Depuis 1955, l'URSS a abandonné ses exigences particulières
en ce domaine ; l'adhésion se fait quasi automatiquement lors de l'arrivée d'un nouvel Etat. Toutefois,
les blocages révélés lors de la demande d'admission de la Palestine démontrent que le procesus
n'est pas si simple (Voir L Zechini, Palestine, la fuite en avant vers l'ONU, Le Monde, 22 septembre
2011.
Exemple
Pour le Conseil de L'Europe, les pays candidats doivent présenter un régime de démocratie
parlementaire pluraliste et adhérer à la CEDH ainsi qu'aux conventions cadre sur le traitement des
minorités ethniques. En outre, il faut parfois réunir l'acceptation de tous les partenaires pour pouvoir
entrer dans une organisation (cas de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun en 1972).
• Quant au retrait, on peut estimer comme l'ont fait les rédacteurs de la Charte de l'ONU
dans les travaux préparatoires, qu'il est inhérent à la souveraineté étatique. A défaut de
clause contraire et pertinente du traité institutif ou de travaux préparatoires pertinents sur cette
question, les Etats restent normalement libres de sortir des organisations internationales. Cela
équivaut en droit à une dénonciation du traité. Le plus souvent en pratique, c'est la politique
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de la chaise vide qui est la plus rentable pour l'Etat (exemples de la pratique de l'URSS à l'ONU
ou du refus français dans le cadre des Communautés Européennes jusqu'au Compromis de
Luxembourg en 1966).
• L'exclusion est possible en termes de sanction d'une violation du traité institutif. Mais elle
demeure en pratique la sanction majeure et n'intervient que très rarement (la Tchécoslovaquie
a été exclue du FMI en 1954). Souvent, l'Etat en cause préfère se retirer avant cette sanction
(retrait de la Grèce des Colonels du Conseil de l'Europe en 1969).
La participation des Etats à l'organe plénier se fait, nous l'avons vu, le plus souvent sur la base de
l'égalité souveraine. C'est le traité institutif qui règle les questions, plus délicates, de la participation
au sein des autres organes.
2. Ensuite, la force de ces actes peut venir du fait que ces résolutions reprennent une coutume
internationale.
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3. Enfin, ces résolutions sont parfois en réalité des accords que les Etats ont conclus entre eux,
sous les hospices de l'organisation (L'Avis consultatif de la CPIJ à propos du trafic ferroviaire entre la
Lituanie et la Pologne, 15 octobre 1931, série AB n°42 1931, c'est aussi le cas de la Convention sur
l'espace extra atmosphérique 13 décembre 1963). En ce cas, ils ont valeur de traités internationaux.
Dans le droit interne, les actes unilatéraux des organisations s'analysent comme des traités et ne
lient en conséquence que les Etats membres de l'organisation, sauf consensualisme d'un Etat tiers.
Et sauf cas d'espèce (droit communautaire et principe de primauté), Ils bénéficient des mêmes
modalités (l'article 55 de Constitution française) de mise en en œuvre.
Les Etats ne maîtrisent pas tous les groupements dans la vie internationale. Il arrive de plus en plus
fréquemment que l'on y rencontre des groupements privés.
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DROIT PRESENCE DES PARTICIPATION
ORIGINAIRE ETATS DES ETATS
Coûts :Participation
matérielle au
fonctionnement de
l'OI (garantie de
son autonomie).-
accords de siège-
contribution
financière
(obligatoire)
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Section 2. Les groupements privés
Par groupements privés en entendra les associations internationales que sont les organisations non
gouvernementales et les sociétés multinationales ou transnationales.
1. Multiplicité et diversité
On définit l'ONG comme une " association privée qui exerce ses activités à but non lucratif sur
le plan interne ou dans le cadre international " (Dictionnaire de droit international public, précité, p
793). On parlait autrefois " d'association internationale " (ibid., p. 104).
• Le premier critère qui caractérise l'ONG, c'est l'initiative privée, elle doit regrouper des
adhérents directs. Il est vrai qu'il peut y avoir parmi ceux-ci des personnes publiques, mais
l'ONG n'est pas instituée par un accord intergouvernemental. Les adhérents ne doivent en
aucun cas être soumis au lien associatif mais bien regroupés dans une démarche volontaire.
• Le second critère c'est l'aspect international des activités non lucratives, qui résulte soit
des nationalités des différents participants, soit de l'intérêt international du but associatif (accès
et soins aux victimes des conflits internationaux pour la Croix-Rouge).Bien des groupements
très divers correspondent à cette définition.
Exemple
On pourrait multiplier les exemples de buts poursuivi par les ONG. Historiquement, les plus
anciennes sont celles qui poursuivent des buts politiques (Internationale Socialiste) au sens étroit du
terme ou religieux (Conseil oecuménique des Eglises).Les plus en vue sont celles qui poursuivent
des buts humanitaires (Croix-Rouge, Amnesty international etc). Celles qui regroupent le plus de
membres sont souvent à but scientifique (l'Institut du droit international) ou à but sportif (Comité
international olympique, qui regroupe plus de membres que l'ONU).Les ONG sont très diverses par
leur taille et par leur influence internationale.
2. Statut juridique
Ces ONG sont considérées d'abord par les Etats comme des associations comme les autres,
assujetties au droit national (en France, le Décret-loi du 12 avril 1939 et la loi de 1901 sur la liberté
d'association). Elles ne bénéficient pas vraiment d'un statut de droit international même s'il existe
une Convention de Strasbourg du 24 avril 1986 (non encore ratifiée) sur la reconnaissance de leur
personnalité juridique.
Certaines organisations sont en mesure de négocier avec des Etats dans un contexte proche de
celui des organisations gouvernementales. C'est le cas du Comité International de la Croix-Rouge
dont le statut est très controversé, tant il est manifeste qu'il est remarquablement inséré dans la vie
internationale (A Lorite-Escorihuela, Le Comité international de la Croix-Rouge, comme organisation
sui generis, Remarques sur la personnalité juridique internationale du CICR, RGDIP, 2001, p. 581).
Les organisations intergouvernementales sont de plus en plis désireuses de collaboration avec les
ONG et des mécanismes existent pour leur permettre d’y avoir une représentation ( par exemple la
résolution 1996 31 du Conseil économiques et social de l’ONU fixe des « listes » qui permettent à
certaines ONG d’inscrire des questions à l’ordre du jour).
Remarque
On le voit l'avancée est limitée. D'autant que bien des " garde-fous " viennent entourer la saisine par
le Procureur (aval de la Cour, signature par les Etats, non-rétroactivité, possibilité de suspension
à la demande du Conseil de sécurité, etc).
A. Définition et statut
Il n'existe pas de définition univoque de la société transnationale, ce qui traduit bien la difficulté
à déterminer son statut en droit international.
1. Définition
A la différence des ONG, les sociétés transnationales se définissent par leur but lucratif. Ce sont
des " entreprises formées d'un centre de décision localisé dans un pays et de centres d'activité,
dotés ou non de personnalité juridique propre, situés dans plusieurs autres pays " (Institut du droit
international, 1977).Le problème est de savoir si le droit international doit réguler l'action de ces
sociétés.
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Il existe d'autres définitions, notamment celle de l'ONU : " Les sociétés transnationales qui sont
propriétaires d'installations de production ou de service ou les contrôlent en dehors du pays dans
lequel elles sont basées " (ONU ST/ESA-6, 1974, Rapport su groupe de personnalités). Cette
définition présente le mérite de mettre en évidence l'absence de contrôle réel des activités de ces
sociétés. Mais la multiplicité des définitions présente l'inconvénient de brouiller les critères de la
transnationalité.
2. Statut juridique
Le problème est nouveau pour le droit international sous sa forme interétatique, puisque ces "
sujets " renversent l'ordre établi en dépassant parfois la puissance des Etats " souverains
".Une des questions auquel le droit international contemporain doit répondre est de savoir s'il
faut tenir compte de leur puissance et les doter d'une personnalité internationale, susceptible par
exemple de déboucher sur les règles de responsabilité adaptées. Certains Etats ont tenté de
régir unilatéralement la question mais cela ne permet pas d'établir un statut convenable.
Pour l'instant on en reste au stade de l'étude sans force obligatoire : Le Conseil d'Experts de l'OIT a
abouti à une Déclaration tripartite sur les principes concernant les sociétés transnationales, le
16 décembre 1977 qui donne en 58 points un régime très abstrait. Sous l'égide des Nations Unies,
on tente de mettre sur pied un "code de conduite", mais ces sociétés parviennent cependant, par
contrat, à "dicter leur loi" face aux Etats.
Depuis quelques années, la question des investissements étrangers évolue. Des fonds contrôlés
par des Etats investissent dans d'autres Etats et menacent à terme leur indépendance. Il s'agit des
fonds souverains. On les estime à l'heure actuelle entre 200 et 250 milliards de dollars. Un code de
bonne conduite est en discussion (RGDIP 2008 p. 644 Chronique des faits internationaux, A. L.)
Les litiges relatifs à ces contrats sont souvent réglés par des arbitres internationaux. Ainsi, les
contrats d'état peuvent comporter des clauses d'intangibilité qui portent renoncement à un
pouvoir de modification unilatérale du contrat en vertu de prérogatives de puissance publique
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de l'Etat. On y rencontre aussi des clauses de stabilité, qui sont autant d'engagements à ne pas
modifier le droit applicable au contrat.
2. Problèmes juridiques
Les activités économiques sont peut-être en train de dépasser le droit international car, face aux
sociétés transnationales il n'y a pas de réponse unie des Etats, mais des réactions de droit
commercial ou social interne, généralement soldé par une faillite consommée par le biais des
contrats internationalisés.La qeusion à notre époque est cependant plus vaste qu'un simple
rapport entre Etats et personnes privées. Aussi a t-on assisté à la naissance d'un droit international
des investissements qui devient l'une des branches du droit international. Ce dernier est déjà en
mutation car des Etats investissent dans d'autes Etats, par le biais de " fonds souverains", ce qui
n'est pas sans soulever des problèmes nouveaux (R. Bismuth, Les fonds souverains face au droit
international : panorama des problèmes juridiques posés par des investisseurs peu ordinaires, AFDI
2010, p. 567.)
Le régime de ces contrats est très discuté en doctrine car ils sont parfois analysés comme un échec
des souverainetés : ils placent un acteur privé et un Etat sur un pied d'égalité. On leur refuse la
qualification de traités et on se demande parfois à quel ordre juridique interne, international ou autre
ils appartiennent. L'application de ces régimes relatifs aux contrats est souvent assez compliquée : cf
CIRDI, sentence du 9 novembre 2004, Salini Costruttori contre Jordanie (Chronique de jurisprudence
internationale, Ph. Weckel, RGDIP 2005, 2, p469). On les accuse de soumettre le contrat aux règles
du droit international notamment aux coutumes et usage du commerce international (lex mercatoria)
et de poser de ce fait un problème théorique quant aux sujets du droit international et à la valeur
de ses sources.
Nous noterons néanmoins que le droit des groupements internationaux est en pleine évolution et
les organisations internationales, telles l'ONU Cherchent de plus en plus à réaliser une collaboration
étroite avec les ONG et les entreprises.
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Cours : Sujets et sources du droit international public
Auteur : Virginie Saint-James
Leçon n° 5 : Les individus
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Mis à part G. Scelle pour qui toute société est en réalité composée d'individus, la doctrine de
droit international a toujours exclu l'individu des sujets de ce droit. Derrière cette exclusion de
principe quelle est la réalité ? Cette position traditionnelle est-elle battue en brèche par les avancées
du droit international public que sont la montée en puissance des règles de protection de l'individu
et " l'invention " d'une responsabilité pénale individuelle ?
A. Définition
Il s'agit d'un mécanisme de novation (ou endossement) qui substitue à l'individu son Etat de
rattachement, et les dédommagements éventuels ne lui seront pas versés, à moins que son Etat
les lui transfère. De ce fait l'individu n'est plus partie dans sa propre cause. Cette conception est
parfois critiquée. En pratique, c'est une protection très importante pour l'individu et c'est pour lui le
principal avantage du lien de nationalité (sous réserve des conditions de mise en oeuvre). Mais
la protection diplomatique témoigne bien du fait que l'individu n'est pas directement sujet du droit
international, n'y est pas directement partie.
B. Régime juridique
L'octroi de cette protection et l'effectivité de celle-ci sont discrétionnaires au cas par cas. Un
Etat peut donc renoncer à défendre l'un de ses ressortissants, même pour des raisons d'opportunité
politique. En général, la nationalité est un des éléments déterminants de l'octroi de cette protection.
Dans l'arrêt Barcelona traction (précité, Arrêt au fond du 5 février 1970, Rec., p. 3) la CIJ devait
refuser à la Belgique le droit de protéger des actionnaires d'une société, majoritairement Belges,
parce que la société était de nationalité canadienne.
Autre condition indispensable : l'individu ne doit pas avoir contribué à son propre dommage (doctrine
des mains propres) et avoir épuisé les voies de recours internes (CIJ, arrêt du 20 juillet 1989 (fond),
ELSI, Rec. 89, p. 46§ 59). A contrario, l'individu ne peut renoncer à cette protection.
Le droit international moderne s'engage depuis les années 1990 vers une exigence accrue de respect
de la protection diplomatique entendue comme une condition du respect des droits de l'homme dans
les arrêts de la CIJ ( fond) LaGrand 27 juin 2001 et ( fond) 31 mars 2004 Avena et autres
L'arrêt de la CIJ au fond du 30 novembre 2010 A S Diallo confirme le caractère essentiellement
individuel de la protection et les conditions classiques (voir aussi S Garibian, Vers l’émergence
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d’un droit individuel à la protection diplomatique ?, AFDI 2008, p. 119. S El Bouddouhi, La CIJ est
elle devenue une juridiction de protection des droits de l'homme, AFDI 2010, p. 277) L'arrêt sur
l'indemnisation a confirmé cette impression (CIJ (fond) 19 juin 2012 , A S Diallo voir Chonique de
jurisprudence internationale, M B Metou, RGDIP 2012 3 p. 726. Un projet d'articles de la CDI de
2006 existe.
B. La reconnaissance de garanties
Il n'est pas de droits effectifs sans possibilité d'en réclamer l'application et d'en sanctionner
les violations. Le droit international ouvre donc des contrôles et des recours, il est vrai avec
parcimonie. La plupart sont des recours de type administratifs ou diplomatiques, mais on note une
progression des recours de type contentieux.
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de recours ouverts aux particuliers, qui donnent aux droit de l'homme la dynamique de la dimension
jurisprudentielle.
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Section 2. Emergence d'une responsabilité internationale
individuelle
L'individu qui se voit reconnaître des droits au plan international, ne peut ignorer qu'il y est aussi un
titulaire de devoirs. Les résurgences du droit naturel conduiront le droit international à devenir un
véritable "droit des gens" si certaines avancées fondamentales sont bien réalisées. Un autre volet de
cette évolution est perceptible dans le fait que l'individu est sorti de son irresponsabilité pénale
internationale de principe, même si la mise en oeuvre commence simplement à s'internationaliser.
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2. Les infractions internationales
Il existe depuis longtemps des crimes internationaux spécifiques, le plus vieux, d'origine
coutumière est la piraterie (Congrès de Paris, 1856). Son origine internationale et son caractère
international sont mentionnés dans l'arrêt de la CPJI, Lotus, du 7 septembre 1927, série A, n° 10,
p. 70.il fait hélas l'objet d'un renouveau au point que la Conseil de sécurité a du mettre en place
un système de lutte international au large des côtes somaliennes en 2008. Le conseil de sécurité
appelle les Etats a juger ce crime sur le fondement de la compétence universelle dans sa résolution
1976 du 11 avril 2011(S/RES/1976 (2011)), ce que la France a fait dans un premier jugement le
1er décembre 2011.
Après la Seconde guerre, il est apparu que certains comportements faisaient la quasi-unanimité dans
la communauté internationale. Ce consensus s'est manifesté dans l'Accord de Londres du 8 août
1945, portant Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg.
Pour la première fois, les crimes de guerre (violation des lois et coutumes de la guerre), les crimes
contre la paix (agression), les crimes contre l'humanité qui, selon la Cour de Cass. française (affaire
Barbie, en 1985), se définissent comme ceux commis "avec la volonté de nier dans un individu
l'idée même d'humanité" sont sanctionnés. Cette représentation tripartite est toujours d'actualité.
On en a déduit un autre crime, le génocide qui a fait l'objet d'une Convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948. Le génocide peut être physique - il
s'agit d'un acte commis dans l'intention de détruire en tout ou partie un groupe national. Le génocide
peut être aussi culturel, il s'agit de la destruction d'institutions ou de formes à travers lesquelles un
groupe humain trouve son expression. Il se caractérise par une intention spécifique de détruire en
tout ou partie un groupe, ce qui peut le différencier du "nettoyage ethnique" qui incite par la terreur
au déplacement forcé du groupe (CIJ, arrêt (fond) du 26 février 2007, Affaire relative à l'application
de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide)
L'imprescriptibilité des crimes, considérée comme sous-entendue dans l'accord de Londres, est
maintenant évidente.
Le principe qui sous tend tout le système est que "les obligations internationales qui s'imposent aux
individus priment sur le devoir d'obéissance envers l'Etat dont ils sont les ressortissants". Tribunal de
Nuremberg. C'est poser des principes d'immédiateté et de responsabilité pénales très clairs,
néanmoins certaines immunités pénales peuvent jouer.
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B. Les immunités pénales
Le champ d'application spatial du droit pénal international est désormais très vaste. Mais la principale
difficulté pour appliquer ce droit réside dans le fait que nombre d'infracteurs possibles (chefs d'Etats,
gouvernants) sont traditionnellement placés au-dessus des sanctions, par le jeu des immunités
notamment diplomatiques et consulaires (Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du
8 avril 1961). En principe, elles ne s'étendent qu'aux actes de la fonction et non aux actes privés,
mais cette distinction n'est pas toujours retenue : Cf. L'arrêt de la CIJ du 14 février 2002 (fond), Affaire
du mandat d'arrêt du 1er avril 2000, Voir : M Sassoli L-arrêt Yerodia, quelques remarques sur une
affaire au point de collision entre les deux couches du droit international, RGDIP, 2002 4, p. 795 et M
Henzelin La compétence pénale universelle : une question non résolue par l-arrêt Yerodia, RGDIP,
2002 4 p. 819. Voir aussi CIJ, Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale
Djibouti contre France, fond, 4 juin 2008 (I Prezas, La répression nationale face au juge international :
A propos de l’affaire de l’entraide judiciaire en matière pénale, AFDI 2008, p. 237).
En ce qui concerne les différents crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, il semblerait que
la nature même de ces crimes retire ipso facto l'immunité au titulaire. Le tribunal de Nuremberg
a écarté leur application (Doc. Off. t. 1, jugement, p. 235). C'est le sens des décisions de la Chambre
des Lords du 25 Novembre 1998 et du 24 mars 1999 dans l'affaire Pinochet. C'est aussi dans ce
sens que va le nouveau statut de la Cour pénale internationale (article 27).
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de santé de l'ex-dictateur. De retour au Chili, il a fallu un miracle au mois d'août 2000 pour que
l'immunité sénatoriale de Pinochet soit levée, dans le cadre du droit interne Chilien. Mais la Cour
suprême a statué le 1er juillet 2002 sur l'impossibilité des poursuites eu égard à " l'état de démence
" de l'accusé. Si, le 26 aout 2004, la Cour suprême Chilienne est revenue sur cette position, l'ancien
dictateur est mort en décembre 2006 sans avoir été jugé. La mise en inculpation pour la première
fois d'un chef d'Etat en exercice s'est produite le 27 mai 1999, à l'encontre de S. Milosevic qui, après
avoir perdu les élections dans son pays seront transférées et jugées par le TPIY. Cette affaire donne
un aperçu de ce que pourrait être un droit pénal internationalisé. Mais là encore, la mort subite de
l'ancien président yougoslave empêche le droit pénal international de s'appliquer jusqu'au terme de
la procédure.
On constate un regain d’intérêt pour les mécanismes de compétence universelle de nos jours au
point que l’on voit parfois deux Etats tiers se disputer le droit de juger ( CIJ, Ord, 08/05/2009 Question
concernant l’obligation de poursuive ou d’extrader, (Belgique c/ Sénégal, les deux pays émettant le
vœux de poursuivre l’ancien président Tchadien Hissène Habré, résident au Sénégal. Toutefois ,
comme le Sénégal ne poursuivait pas effectivement, il s'est vu désavoué par la Cour internationale
de justice. (CIJ, fond, 20 juillet 2012, Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader.
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B. Le stade des juridictions ad hoc
Cette limite a bien été perçue en 1945 c'est pourquoi l'Accord de Londres et la décision du
Commandant en chef des troupes d'occupation du Japon du 19 janvier 1946 créent des tribunaux
spéciaux "ad hoc" pour juger les criminels de la Seconde guerre. Le tribunal de Nuremberg (4
juges titulaires, 4 suppléants désignés par les alliés avec une commission d'instruction) rendra 21
jugements (16 civils, 5 militaires) dont deux acquittements. La guerre froide a empêché que l'on
renouvelle le dispositif avant la création par le Conseil de Sécurité de l'ONU par la Résolution 808
du 22 février 1993 du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie. Ultérieurement, fut créé le
Tribunal Pénal International pour le Rwanda (Résolution 955 du 8 novembre 1994). Juridiquement,
ces tribunaux procèdent d'une décision des Nations Unies. Donc, ils représentent véritablement la
Communauté internationale alors que les tribunaux de Nuremberg et Tokyo faisaient partie d'un
dispositif militaire, imposé par les vainqueurs aux vaincus. Les Etats sont donc tenus de collaborer
avec eux sous peine d'engager leur responsabilité internationale : CIJ, fond, 26 février 2007 Affaire
relative à l'application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
ces tribunaux sont temporaires et ils devront fermer leur portes fin 2014 (résolution du conseil de
sécurité n° 1966, du 22 décembre 2010 (S/RES/1966/(2010)). On ne laissera en place qu'un "
mécanisme" résiduel, si bien que des affaires dont ils s’étaient saisis sont renvoyées devant des
justices nationales.
En 2009 Le tribunal spécial pour le Liban a commencé son activité (A. Lelarge, le Tribunal spécial
pour le Liban, AFDI, 2007, p. 397). Mais son action semble ralentie. Il a toutefois publié un acte
d'accusation en août 2011.
Les Chambres extraordinaires du Cambodge ont prononcé une première condamnation en juillet
2010 et fonctionnent très difficilement, faute de l'appui stable du gouvernement local une seconde
affaire débute fin 2011, mais les accusés sont très âgés ce qui compromet la tenue du procès.(M
Lemonde et P. Pourzand et L D'Ambrosio, Quelles leçons tirer du procès des Khmers Rouges ?
RSC, juillet sept. 2011, p. 597)
Définition de la compétence de la Cour.La juridiction de la Cour s'impose aux Etats parties lorsque
le crime est commis sur leur territoire, avec un engin immatriculé chez eux ou par l'un de leurs
ressortissants. La Cour est saisie par le Conseil de Sécurité ainsi que par les Etats et par son
procureur, éventuellement à la demande d'ONG. Il n'est plus question d'immunités devant elle.
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Le Conseil de sécurité pourrait néanmoins imposer un sursis aux poursuites. Les Etats doivent donc
livrer les suspects et exécuter les peines. La Cour est juridiquement autonome (art 4). Les articles
5 à 8 lui permettent de réprimer le génocide, le crime contre l'humanité les crimes de guerre et
d'agression. La cour a lancé sa chaîne vidéo sur YouTube.
Un premier procès a débuté par la confirmation des charges contre T Lubanga, chef de milice au
Congo pour l'enrôlement d'enfants soldats le 29 janvier 2007, d'autres ont suivi concernant le Congo
et la République centrafricaine. Il fut le premier condamné de la CPI le 10 juillet 2012.
Elle a déjà été saisie par le Conseil de sécurité de la situation au Darfour (résolution 593 31 mars
2005). Le procureur de la Cour a émis le 4 mars 2009 un mandat d'arrêt international à l'encontre du
Chef de l'Etat en exercice du Soudan, monsieur Al Bachir, sans obtenir cependant dans les faits que
les autres Etats ne le livrent à la justice internationale( S. Ndiaye, chronqiue des faits internationaux
RGDIP, 2012 1 p. 185.). Le Conseil de sécurité a aussi saisi la Cour de la situation en Libye par sa
résolution 1970 (2011) le 26 février 1970, La Cour pénale internationale (CPI) a délivré le 27 juin
2011 trois mandats d';arrêt à l'encontre de Mouammar Abu Minya Qadhafi, Saif Al-Islam Qadhafi
et Abdullah Al-Senussi pour des crimes contre l'humanité (meurtre et persécution) qui auraient été
commis en Libye du 15 février 2011 jusqu'au 28 février 2011 au moins, à travers l';appareil d'Etat
libyen et les forces de sécurité. Néanmoins, après le décès de l'ex chef de l'Etat, la Libye a fait savoir
qu'elle entendait juger elle même son fils, en vertu du rôle subsidiaire de la Cour.
Le 6 novembre 2009, la Cour a autorisé le procureur à ouvrir une enquête relative aux violences post
électorales au Kenya et des mandats d'arrêt ont suivi (voir situations et affaires).
La Côte d'Ivoire ayant reconnu la compétence de la Cour, l'ancien président GBAGBO a été déféré
à La Haye le 30 novembre 2011 et l'ouverture de son rpocès a été confirmée en décembre 2012.
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Cours : Sujets et sources du droit international public
Auteur : Virginie Saint-James
Leçon n° 6 : Définition et formation des sources conventionnelles
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Les sources matérielles du droit international se perdent dans la sociologie, la morale et la
géopolitique. En revanche, il est nécessaire d'intégrer dans notre étude les sources formelles
du droit international. Parmi ces dernières, les traités ou normes d'origine conventionnelles
occupent une place privilégiée par leur nombre et par l'étendue des domaines qu'elles régissent.
La volonté des parties au traité est l'élément qui permet d'expliquer quasiment la totalité du droit des
traités depuis leur définition jusqu'à leur mode de conclusion.
Il existe aussi des classifications matérielles, établies en fonction du contenu des traités. On distingue
alors les accords cadre (qui supposent encadrement des relations internationales, par exemple
la Convention de Vienne sur le droit des traités) les traités institutionnels, créant de situations
objectives (en théorie, qui s'appliquent à tous).Une des plus vieilles distinctions oppose traités lois
et traités contrats. Sans portée juridique, mais sources de controverses doctrinales classiques, elle
était censée établir une autorité des traités collectifs qui légiféraient pour la société internationale par
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rapport aux autres plus subjectifs, Cf. CIJ, 28 mai 1951, Avis sur les réserves à la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, Rec. 51 p. 23. On assiste à une résurgence de ces
notions dans le cas des conventions humanitaires. En définitive, seul importe la volonté des parties
ayant qualité de sujets de droit international, de soumettre au droit international leur engagement
exprimé par écrit.
§ 2. La définition du traité
De façon coutumière, le traité désigne " tout accord conclu entre deux ou plusieurs sujets de
droit international destiné à produire des effets de droit et régi par le droit international " (Cf.
Daillier et Pellet DIP, précité). Le droit des traités est très ancien ; comme l'outil conventionnel lui-
même (cf. leçon n°1). De ce fait, il existe des coutumes très solidement établies en la matière. Sur ces
bases, une codification par la CDI a été lancée dès 1950. Malgré des difficultés de départ (abstention
des pays de l'Est et opposition de la France), la Convention de Vienne sur le droit des Traités entre
Etats du 23 mai 1969 est très généralement acceptée comme un repère, même si elle n'est pas
ratifiée. Dans son article 2 § 1 elle précise : " L'expression traité s'entend d'un accord international
conclu par écrit entre Etats et régit par le droit international, qu'il soit consigné sur un instrument
unique ou dans plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière
".Si l'on reprend cette définition en lui donnant une portée générale, le traité se distingue par quatre
éléments constitutifs.
Le traité n'est pas le monopole des Etats. Si la Convention de Vienne ne vise que les traités
entre Etats, tout sujet de droit international peut conclure un traité. Des questions se sont posées
autrefois à cet égard (par exemple pour Concordat, signé par le Vatican). Tous les contrats entre
Etats sont-ils pour autant des traités ? La question reste en suspens.
Le traité est un véritable engagement juridique. Quel que soit le libellé d'un document entre sujets
de droit international, le fait qu'il comporte des engagements en fait un traité. Mais la définition de la
Convention de Vienne souligne l'importance de la forme écrite, tout en confirmant son indifférence
quant à la forme que revêt cet écrit qui peut naître d'un échange de lettres ou autre.Le dernier
élément n'est pas exclusif.
Le traité doit être soumis au droit international, mais pas forcément au seul droit international (le
droit interne dans le cas d'une reconnaissance de l'effet direct de la norme, ou bien la soumission
au droit constitutionnel interne en ce qui concerne la compétence pour le conclure et le ratifier).
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même titre que les organisations internationales, mais sans que les Etats aient à leur égard les liens
qui les unissent aux organisations gouvernementales. On conçoit que cela pose un problème.
B. Précisions et nuances
En ce qui concerne l'exigence d'un écrit, on soulignera la souplesse de la jurisprudence
internationale.
Jurisprudence
Exemple : le cas d'un procès verbal signé par des ministres des affaires étrangères constitue un
accord international, dès lors qu'il énumère les engagements auxquels les parties ont consenti :
CIJ, 1er juillet 1994, arrêt, fond, Affaire de la délimitation maritime et questions territoriales entre
Bareihn et Qatar, Rec., 121.De même, le nombre d'instruments et le fait que, dans le même écrit,
voisinent des dispositions qui relèvent du traité et d'autres de la simple déclaration est parfaitement
admis par la jurisprudence (CIJ, Arrêt du 19 mai 1953 (fond), Affaire Ambatelios, Rec., p. 42).
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Section 2. La manifestation de l'accord des parties : la
conclusion des traités
La conclusion des traités est traditionnellement présentée comme une course d'étapes, décrivant
l'ensemble des phases de la procédure qui conduit à un engagement. Le droit international n'a pas
vocation à saisir l'ensemble de ces opérations, certaines relevant d'abord du droit interne.
Seules les deux dernières relèvent exclusivement du droit international. Néanmoins, toutes ces
étapes peuvent donner peu ou prou lieu à des contestations appréhendées par le droit international.
Exemple
Exemple de la signature du Traité de normalisation entre la Turquie et l'Arménie le 10 octobre 2009,
G. Perrier Le Monde 13 octobre 2009.
• L'engagement :
Après la signature, le principe demeure selon lequel l'effet obligatoire du traité n'est pas encore
plein et entier car l'engagement solennel qui lui aussi, résulte de règles internes, fait encore défaut.
En bref, un Etat peut avoir signé un traité et ne pas s'engager pour autant, le droit international
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ne sanctionne pas un Etat qui ne s'engage pas après signature d'un traité. Dans l'attente, le droit
international précise toutefois que l'Etat signataire doit s'abstenir d'actes qui priveraient le traité
de son objet ou de son but en application du principe de la bonne foi (Cf. art 128 de la Convention
de Vienne). L'Etat signataire se voit aussi conférer certains droits tel celui d'être tenu au courant des
réserves ou celui d'en émettre ses réserves (infra).
Il peut arriver que la seule signature vaille consentement à être lié. Pour une application récente,
arrêt au fond de la CIJ du 10 octobre 2002, frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et
le Nigéria. Tel est le cas dans ce que la Convention de Vienne appelle des accords en forme
simplifiée, par opposition aux traités en forme solennelle, Article 11 de la Convention de Vienne :
" des divers modes d'expression du consentement à être lié par traité ". Ici encore, l'emprise du
droit international est réduite. Le droit international se soucie peu des catégories du droit interne :
ratification, acceptation, accession, approbation, etc. Ici encore, le mode, la compétence et même
la possibilité de ratifier ou de s'engager dès la signature relèvent du droit interne.
La notification internationale. Elle est régie actuellement par l'article 102 de la Charte des Nations
Unies, fondé sur l'acquis de la SDN. Il y eut autrefois des traités secrets, c'est-à-dire des accords
non publiés, ou dont des clauses étaient inconnues de la communauté internationale (article 11 du
traité entre la Grèce et la Serbie du 19 mai 1915). La diplomatie secrète ayant considérablement
envenimé la Guerre de 1914, le président américain Wilson fut l'instigateur d'une diplomatie ouverte
et publique (cf. l'article 18 de la Charte de la SDN).
Les traités doivent dont être enregistrés au secrétariat des Nations Unies, sous peine de voir ce
traité devenir inopposable devant les organes de l'ONU, dont la Cour internationale de justice (article
102 de la Charte des Nations Unies).A côté de cette obligation générale, des modes de publication
internationale coexistent, assurés par d'autres organisations internationales dans leurs domaines
respectifs (par exemple le J.O. des Communautés européennes). Cette solution est confirmée par
l'article 80 de la Convention de Vienne, qui a en outre le mérite de bien distinguer les notions et les
portées respectives de la publication et de l'entrée en vigueur.
Remarque
Sans faire peser de risques de nullité sur les traités ces règles sont néanmoins très incitatives.
On citera l'exemple de la France en 1970, faisant publier " en catastrophe " les accords d'Evian
(datant de 1962) quand un risque de nationalisation se mit à planer sur ses avoirs en Algérie.
On notera que le droit interne peut encore se trouver toutefois concerné, pour ce qui est des
conditions d'invocabilité des traités. Il est peu de traités dont les dispositions soient applicables
en droit interne sans formalités étatiques particulières. Néanmoins cela est possible si l'accord le
prévoit expressément (CEDH) ou, implicitement, si les dispositions sont suffisamment précises et
détaillées pour être appliquées par les juridictions internes.
L'entrée en vigueur des traités : En règle générale, le traité entre en vigueur en fonction de la
réalisation de conditions qu'il précise lui-même, article 24 de la Convention de Vienne. A défaut,
il entre en vigueur par expression du consentement à être lié de tous les Etats parties. En cas
d'adhésion et ratification postérieure pour un des Etats parties, celui-ci ne voit le traité entrer en
vigueur pour lui qu'à la date de son propre consentement (système d'entrée en vigueur échelonnée).
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En définitive, la marge de manœuvre des négociateurs est large à cet égard. Les conditions d'entrée
en vigueur diffèrent selon les cas.
Pour les accords en forme simplifiée, le traité est en vigueur dès l'expression du consentement
à être lié. Pour les traités en forme solennelle l'article 24 §2 de la Convention de Vienne la fixe
à la date de l'échange des deux instruments de ratification, qui est la date présumée à défaut
des dispositions contraires (CIJ arrêt du 18 novembre 1960, fond) Affaire de la sentence arbitrale
rendue par le Roi d'Espagne (fond), Rec. p. 208-209.
On peut prévoir une application différée (par exemple trente jours après le dépôt de la trente-
cinquième ratification).
A l'inverse, il est des traités qui prévoient une entrée en vigueur rétroactive, ou alors une application
provisoire (article 25 §1 de la Convention de Vienne).
On use parfois de nos jours de la technique des commissions préparatoires à l'application des
traités (exemple de la Commission de l'Autorité internationale des fonds marins). Cette phase
préparatoire prend fin si l'un des Etats annonce son abandon du projet de devenir partie au projet
(article 25 §2 de la Convention de Vienne).
A. Particularismes d'élaboration
Les procédures d'élaboration s'institutionnalisent le plus souvent par le biais de la tenue de
conférences multilatérales, il s'agit :
• Soit de conférences internationales proprement dites, réunies sous l'égide d'une
organisation internationale, qui dans ce cas, travaillent selon un mode voisin d'une assemblée
parlementaire,
• Soit de conférences ad hoc.
En savoir plus : Distinction
En doctrine, on distingue les conventions multilatérales, des conventions plurilatérales qui par
la volonté expresse ou tacite des parties supposent une participation limitée à certains Etats
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déterminés. Il s'agit alors d'un traité fermé, par opposition à la convention multilatérale, qui reste
souvent ouverte à l'adhésion de nouveaux sujets contractants.
Chaque année à l'occasion de l'Assemblée générale de l'ONU une « cérémonie des traités » permet
aux Etats de signer ou ratifier des traités multilatéraux.
On notera que la Convention opte pour une définition finaliste : la réserve est essentiellement
définie par son but. En revanche, peu importe la présentation formelle de la réserve.
En ce qui concerne les Etats cette liberté s'exprime dans les conditions posées par l'article 19 de
la Convention de Vienne (article 19 alinéas a et b) :
• Que la réserve ne soit pas interdite par le traité,
• Que le traité ne dispose pas que seules des réserves déterminées, parmi lesquelles ne figure
pas la réserve en question, peuvent être faites.
Les clauses qui permettent les réserves sont dites clauses d'autorisation. Par exemple, en vertu de
l'article 124 du traité portant statut de la Cour pénale internationale, la France a émis une déclaration
qui entre autres, module l'application du traité dans le temps en ce qui la concerne.
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L'article 22 de la Convention de Vienne ajoute qu'une réserve ou un retrait des réserves peut être
exprimé à tout moment sauf stipulations contraires du traité. Toutefois, la formulation des réserves
n'est pas conçue comme illimitée.
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Cours : Sujets et sources du droit international public
Auteur : Virginie Saint-James
Leçon n° 7 : Validité et application des sources conventionnelles
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Non seulement les sujets de droit international et principalement les Etats, maîtrisent grandement
le processus de formation des traités, mais ils demeurent très actifs dans la phase d'application
des sources conventionnelles. Avant toute chose, les traités sont des accords de volontés. Par
conséquent, leur régime juridique s'attache à préserver cette volonté commune des parties. La
protection commence dans la conclusion des traités, par l'établissement et la sanction de vices
affectant leur validité et se poursuit tout au long de l'application des normes conventionnelles.
Le problème de la corruption des représentants ou bien de la contrainte exercée sur eux fait
l'objet des articles 50 et 51 de la Convention. La contrainte est rare. On cite parfois le cas
du traité du 15 mars 1939 établissant un protectorat allemand sur la Bohème Moravie, où des
pressions physiques avaient été utilisées par Hitler contre le président Tchécoslovaque. L'hypothèse
de corruption intéresserait sans doute à l'heure actuelle plus les contrats internationalisés que
véritablement les traités, c'est l'un des enjeux qui interviennent dans la question de la nature des
contrats internationalisés (supra).
Pour que l'erreur de fait puisse être invoquée, il faut qu'elle affecte un élément ou bien une
situation ayant constitué la base essentielle du consentement (reprise d'une solution classique
CPI Concession Mavrommatis - précité, leçon n°2). La jurisprudence insiste surtout sur le caractère
déterminant du domaine affecté par l'erreur, dans l'arrêt de la Cour internationale de justice du 26
mai 1961, Temple de Préhah Vihéar (Rec., 1961, p. 30). Les erreurs cartographiques sont les rares
erreurs possibles, cette affaire fait l'objet d'une nouvelle saisine de la CIJ en 2011. (B. Philip, Un
temple Khmer au coeur des tensions entre la Thaïlande et le Cambodge, Le Monde 8 février 2011).
Il faut convenir que l'erreur est difficile à invoquer pour l'Etat qui doit ainsi reconnaître à la face du
monde que ces diplomates ne sont pas compétents !
La définition du dol est pourtant beaucoup plus large que celle de l'erreur puisque la doctrine y fait
entre tous les actes de tromperie possibles : par déclaration, représentation, "ou autres procédés
trompeurs" (ACDI, 1966, vol. II, p. 266). Mais la réticence à l'utiliser provient sans doute de ce que
le comportement dolosif est illicite internationalement. Non content de vicier le traité, le dol engage
en outre la responsabilité internationale de son auteur.
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B. Vices affectant le contenu du traité (validité objective).
Il s'agit ici d'une hypothèse très particulière. Il n'est pas question de mettre en doute la volonté
des parties ni la qualité du consentement qui a été exprimé dans l'accord international. Il s'agit
ici de confronter cette volonté commune avec l'ordre juridique international et de tirer les
conséquences d'une contrariété entre les dispositions de l'accord et les règles impératives
de cet ordre juridique.
La Convention dispose ensuite que la norme en question est "norme acceptée et reconnue
par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle
aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du
droit international général ayant le même caractère". Si l'on cherche l'équivalent de cette règle
internationale dans notre ordre juridique interne, on pourrait comparer l'article 53 de la Convention
et le Code civil qui frappe de nullité les contrats contraires à l'ordre public et aux bonnes moeurs.
L'article 64 de la même convention frappe de nullité et met fin aux traités qui, quoique réguliers au
moment de leur conclusion, sont contraires à une norme qui a nouvellement intégré le jus cogens .
D'autant que les critères d'identification ne sont guère parlants. Quelle portée donner à la notion
de " communauté internationale des Etats dans son ensemble ". Est-ce le nombre des Etats se
ralliant à une règle ? Est-ce la puissance de ceux qui s'y rallient ? La Convention ne fait pas non
plus référence à une source formelle du jus cogens. Peut-on le trouver dans la coutume ou dans les
traités ? Alors, faudrait-il admettre que certains traités invalideraient d'autres traités ?La Convention
de 1969 se contente de renvoyer au juge international, par le biais d'une demande unilatérale d'un
Etat (article 66 a).
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En droit interne, la réponse à ces questions est tout naturellement donnée par le juge qui détermine
s'il y a contrariété d'un contrat à l'ordre public ou bien aux bonnes moeurs. Cette solution est
envisagée dans l'article 66 a) de la Convention de Vienne (infra). Mais on touche ici les limites de
la transposition de ce qui se passe au plan interne dans l'ordre international. Ici, le recours au juge
est consensuel, jamais obligatoire (pour une application claire, CIJ, arrêt du 3 février 2006, Activités
armées sur le territoire du Congo - RDC Rwanda). Il est impensable pour les sujets de droit de s'en
remettre de cette façon au juge international. C'est ce qui explique que nombre d'Etats ont refusé de
devenir partie à cette Convention. C'est le cas de la France.
L'article 69 de la Convention de Vienne est très clair : " les dispositions d'un traité nul n'ont pas de
force juridique ".Les vices dégagent les Etats des obligations conventionnelles et plus aucun
Etat ne peut s'en prévaloir. Mais qu'elle est l'étendue de cette nullité et comment déclencher des
actions en nullité dans l'ordre international ?
A. Etendue de la nullité
Normalement, la nullité qui peut affecter les traités est une nullité ab initio et en ce sens, proche
de la nullité absolue. Cela explique que les actes pris en application du traité tant que l'on a cru à
sa validité peuvent être invalidés à la demande d'une partie (article 69 2).Mais, dans les cas d'erreur
ou de méconnaissance des règles internes les actes conclus de bonne foi avant que la nullité n'ait
été déclarée ne sont pas illicites.
• Mais en réalité, l'équivalent d'une nullité absolue ne viserait que l'hypothèse de violation du jus
cogens, sauf survenance d'un conflit de normes après que le traité fut conclu. L'effet principal
de la nullité absolue est de ne pas permettre la couverture par l'acceptation tacite ultérieure
des parties.
• Dans tous les autres cas, la nullité serait plus proche d'une nullité relative, susceptible d'être
couverte par une éventuelle acceptation ultérieure des parties formelle ou tacite (acceptation
de remplir les obligations qui découlent de ce traité pourtant vicié).
La nullité frappe tout le traité à moins qu'il n'y ait divisibilité et qu'elle ne frappe que l'une des
clauses. Pourtant exclue en principe, la divisibilité existe dans les cas d'erreur ou de ratification
imparfaite, si la partie lésée la demande, Convention de Vienne, Article 44 §2.
B. Actions en nullités
• Dans l'immense majorité des hypothèses, les actions en nullité ne semblent réservées qu'aux
seules parties par les articles 65 et 66 de la Convention de Vienne quelle que soit la nullité
encourue. Le but de la convention est d'éviter l'unilatéralisme. La partie qui invoque la nullité doit
en faire la déclaration solennelle aux autres parties. Cette faculté n'est enfermée dans aucun
délai, mais constitue le point de départ d'un délai de trois mois au bout desquels, en l'absence
d'objection des autres parties, l'Etat peut prononcer la nullité. En cas d'objection, il naît un
différend international (article 66 b de la Convention de Vienne). S'il n'est pas résolu dans les
douze mois, les parties peuvent recourir à un mécanisme obligatoire de conciliation auprès
du Secrétaire général de l'ONU, qui transmet le différend à une commission de conciliation
ad hoc (ses décisions ne sont pas obligatoires).
• Dans le cas ou la nullité trouve sa source dans une violation du jus cogens, toute partie peut
saisir le juge international, sans que l'on puisse pour autant déroger au principe selon lequel
l'Etat doit avoir consenti à la juridiction de la Cour (article 66a cf. supra).
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Section 2. La réalisation de la volonté des parties : l'application
et la fin des traités
Les traités ont vocation à être appliqués et donc à se traduire concrètement dans les faits. La volonté
des parties doit être respectée, néanmoins elle peut varier dans le temps.
1. L'effet obligatoire
Son fondement réside dans l'article 26 de la Convention de Vienne " tout traité en vigueur lie les
parties et doit être exécuté entre elles de bonne foi ". On retrouve cette obligation dans l'article
2 §2 de la Charte des Nations Unies. On accorde généralement au principe de l'effet obligatoire
valeur de jus cogens. Le principe signifie que le traité doit être appliqué de façon générale, clause
par clause et de façon loyale, de bonne foi.
Il est possible cependant d’invoquer la règle reprise à l’article 60 de la Convention de Vienne de ne
pas appliquer un traité lorsque l’autre partie ne remplit pas ses obligations. Il s’agit de la transposition
de la règle « non adimpleti contractus » classique en droit des obligations. Cette règle a fait l’objet
d’une tentative d’invocation vaine devant la CIJ CIJ (fond) 5 Décembre 2012 Application de l’accord
intérimaire du 13 septembre 1995. La Cour a relevé que le principe était inapplicable en l’espèce et
n’a pas pris position sur sa valeur.
2. L'effet relatif
Le principe : Le principe est confirmé par des applications jurisprudentielles nombreuses, par
exemple l'Affaire de l'île des Palmes (sentence du 4 avril 1928, RSA, vol. II p. 839 ou dans l'Affaire
de la Haute Silésie polonaise, CPIJ, arrêt du 25 mai 1926, série A, n° 7, p. 29).A fortiori les Etats
tiers ne peuvent se prévaloir des traités où ils ne sont pas partie (principe de non-invocabilité),
exemple (sentence du 28 janvier 1931, RSA, Vol. II, p. 1035) : la France et le Mexique s'en remettant
au Roi d'Italie pour déterminer leur souveraineté sur un îlot, il déclare l'Acte de Berlin de nul effet en
l'espèce, car le Mexique ne l'avait pas signé et ne pouvait s'en prévaloir.
Les exceptions : La règle de l'effet relatif souffre néanmoins des exceptions en droit international
Sous condition d'acceptation du bénéficiaire, le traité peut " accorder un véritable droit " à
un pays tiers (stipulation pour autrui) mais les conditions sont drastiques (CPIJ, arrêt du 7 juin
1932 Affaire des zones franches du Pays de Gex entre la Suisse et la France, Série AB, n°46 p.
147).Joue aussi la clause de la nation la plus favorisée dans laquelle des Etats décident d'étendre
mutuellement le régime le plus avantageux qu'il puisse conclure à l'avenir même avec des tiers. Enfin
certains traités sont objectifs et donc opposables au tiers : les traités territoriaux, établissant des
voies internationales, un nouvel Etat ou une organisation internationale.
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B. Le respect de la volonté des parties dans l'interprétation du traité
Comme tout acte juridique, le traité nécessite une interprétation (opération intellectuelle tendant
à établir le sens d'un ou de plusieurs termes) qui en détermine le sens (ce que les dispositions
veulent dire) et la signification (ce que les parties doivent faire pour respecter le traité). Les premiers
interprètes du traité sont bien sûr les parties elles-mêmes. Ce n'est qu'en cas de désaccord qu'elles
demanderont à un tiers, arbitre ou juge, de procéder à l'interprétation. Si les principes sont simples,
les méthodes varient à l'infini.
La mise en oeuvre explicitement prévue dans les clauses finales des traités prend la forme :
• Soit d'une révision à l'unanimité : Il s'agit de la procédure traditionnelle, exigée pour tous les
traités de nature politique, militaires ou instituant des intégrations internationales (OTAN).
• Soit de la révision majoritaire, qui est maintenant une pratique fréquente. La révision se fait
souvent à la majorité des deux tiers ou trois quarts des parties. En ce cas, la situation des parties
minoritaires varie. En théorie, ces modifications ne leur sont pas opposables. Néanmoins, une
ouverture jurisprudentielle dans l'arrêt de la CPIJ du 12 décembre 1934, Affaire Oscar Chinn
(où il fut admis que la convention de Saint Germain de 1919 avait pu modifier l'Acte général
de Berlin erga omnes), a ouvert la voie à la solution d'une opposabilité. Le plus souvent cette
opposabilité est partielle, c'est-à-dire que les minoritaires conservent le droit de se retirer de
l'organisation.
• Soit de révisions partielles limitées dans leur champ d'application à certaines parties d'accord
entre elles (Maastricht) et qui sont inopposables aux autres parties... Nous nous trouvons ainsi
devant un nouveau cas, de divisibilité des traités à laquelle le droit international classique
est violemment hostile.
En savoir plus : Opposabilité totale
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On rencontre un cas de révision majoritaire susceptible d'opposabilité totale, celui de la Charte
de l'ONU, qui prévoit de telles modalités de révision dans ses articles 108 et 109. Ils trouvent leur
fondement dans l'application du parallélisme des formes.
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Cours : Sujets et sources du droit international public
Auteur : Virginie Saint-James
Leçon n° 8 : La coutume internationale
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Il convient d'abord de lutter contre un réflexe de nos pays de droit civil et qui tend à dévaloriser la
règle coutumière, présentée comme archaïque, liée à un âge féodal du droit. Dans l'ordre interne,
la coutume véhicule l'image d'un droit vieillot et imprécis car non-écrit donc arbitraire dans son
application et subsidiaire parmi les sources. Ce n'est en aucun cas la réalité de l'ordre juridique
international qui en fait une de ses sources principales. Un second obstacle est représenté par
l'incertitude du vocabulaire qui utilise le mot coutume, à la fois pour désigner la norme de droit et
le processus qui l'a créée ; un peu comme si l'on appelait loi à la fois le texte et les réunions des
assemblées qui l'ont débattu et adopté. Il faut toujours s'attacher à bien discerner le sens que l'on
entend évoquer.
On comprendra que traditionnellement on a besoin d'une longue durée pour apprécier la constance
de l'usage. Il faut une pratique générale. Une pratique générale ne veut pas dire une pratique
unanime, il peut y avoir des violations. On estime qu'il faut que les sujets se comportent ainsi
généralement et traitent les comportements inverses comme des violations du droit international
(CIJ, 27 juin 1986, arrêt, fond, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, § 186, Rec. 98).
Il ne faut pas nécessairement que tous les Etats reproduisent le comportement. On se contentera
d'un nombre plus restreint si ces Etat sont représentatifs de la communauté internationale par leurs
différences (par exemple : pays développés comme pays en voie de développement). On demandera
aussi que le comportement soit partagé par les Etats les plus intéressés (les puissances maritimes
en ce qui concerne les coutumes du droit de la mer CIJ, arrêt du 20 février 1969), fond, Plateau
continental de la mer du Nord, Rec. p. 43 § 74.
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Jurisprudence
On mesure bien les caractères nécessaires du précédent dans les jurisprudences a contrario,
où le juge refuse de reconnaître un précédent. Ainsi, les termes d'une convention qui ne vise
originellement que les parties, peuvent devenir coutumiers, et toucher ainsi l'ensemble de la
communauté internationale (pour un exemple de rejet, voir CIJ, Compétence, 8 février 2006,
Activités armées sur le territoire du Congo, RDC, Rwanda). Mais le juge international en fait une
application négative en ce qui concerne l'article 6 de la Convention 1958 sur le droit de la mer
dans l'arrêt Plateau continental de la mer du Nord en 1969.Le précédent doit déboucher sur une
" pratique constante et uniforme ". Cela est rappelé dans l'arrêt de la CIJ, Affaire du droit d'asile,
Haya de la Torre (20 novembre 1950, fond, Rec., p. 277). La Cour trouve les pratiques confuses et
" fluctuantes ", de même a contrario, CIJ, arrêt (fond), Droit de passage en territoire indien 12 avril
1960, Rec. p. 40.Presque tout agissement des sujets (Etats comme organisations internationales
voire les autres acteurs en particuliers les mouvements de libération nationale selon Scelle) peuvent
valablement fonder une coutume. Il est beaucoup plus contesté en doctrine que les Etats puissent
se voir imposer ces coutumes créées par d'autres sujets (CPJI, Arrêt du 7 septembre 1927, Lotus,
Série A, n°10).
B. " Acceptée comme étant le droit " : élément psychologique (opinio juris
sive necessitatis)
Le premier élément matériel ne suffit pas à établir une coutume, CIJ, arrêt du 20 février 1969,fond,
Plateau continental de la mer du Nord, Rec. p. 44. Il faut impérativement que le comportement soit
accompagné de la conscience d'une obligation juridique qui le distingue du simple usage ou
de la courtoisie internationale (Ensemble de pratiques et de préceptes observés dans les rapports
internationaux en vertu de considération de convenances, sans qu'il y ait un sentiment d'obligation
juridique). La nécessité de cet élément est constante, on le voit dans l'Affaire du Lotus où la
France n'arriva pas à prouver que l'abstention de son adversaire reposait sur une conscience d'un
devoir de s'abstenir (CPJI, Arrêt du 7 septembre 1927, Lotus, Série A, n°10). Il s'agit de l'élément
psychologique, que l'on nomme parfois intellectuel ou subjectif. Il est très difficile à prouver sinon
par la pratique elle-même.
Jurisprudence
Très souvent en effet, la pratique sert de preuve de l'opinio juris.
La Cour internationale reconnaît procéder souvent par voie d'induction, en partant de l'analyse de
la pratique (CIJ, arrêt (fond) du 12 octobre 1984, Délimitation maritime dans la région du Golfe du
Maine, Rec. 1984, p. 299). L'opinio juris peut se déduire aussi de l'attitude des sujets à l'égard de
certains textes ou de certaines pratiques. Ainsi dans l'arrêt du 13 octobre 2009, Différend relatif
à des droits de navigation et des droits connexes, la Cour reconnaît l'existence d'une coutume
permettant la pêche de subsistance dans la fleuve San Juan du simple fait que le Nicaragua n'en
a pas nié l'existence et l'a laissé se développer sur une longue période sans intervenir)
• 1. Que se soient des résolutions des Nations Unies (CIJ, 27 juin 1986, arrêt (fond), Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua, § 188, Rec. 100, cf. aussi, CIJ, avis du 8 juillet 1996,
Licéité de la menace ou de l'emploi de l'arme nucléaire, Rec. p. 254, § 70).
• 2. Ou bien des conventions internationales, notamment celles qui codifient des coutumes, CIJ,
arrêt du 20 février 1969, fond, Plateau continental de la mer du Nord, Rec. p. 41.Le juge reste
cependant très prudent avec ce type d'indice de l'opinio juris.
A. Le fondement de la coutume
Une fois admise l'existence de la coutume (Processus normatif conduisant à la création d'une norme
de droit international ; Dénomination de la norme résultant de ce processus, conjonction d'une
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pratique effective des Etats et de leur sentiment du caractère juridique de ce comportement) sur
quoi faire reposer son autorité juridique ? La doctrine répond principalement de deux manières :
• Soit en se fondant sur l'accord tacite des sujets du droit international. C'est la vision
positiviste classique. On admet que la coutume procède de la volonté des Etats qui l'ont
formée ou du moins acceptée. En conséquence elle ne s'applique qu'aux sujets qui ont
raisonnablement pu participer à l'élaboration du processus coutumier (école volontariste).
• Soit en se fondant sur la théorie de la formation spontanée (ou droit spontané), dans une
approche sociologique. La coutume résulte alors d'une nécessité logique ou d'un besoin
de la société internationale Elle revêt alors une validité erga omnes car elle est extérieure à la
volonté des Etats (école objectiviste).
En savoir plus : Controverses
Ces controverses doctrinales sont accueillies diversement par la pratique jurisprudentielle. La
première école est relayée par la Cour internationale, peut-être, dans l'arrêt du 24 février 1982
Plateau continental Tunisie Libye (fond, Rec. p. 18). Mais l'appui principal de cette conception réside
dans un arrêt ancien de la CPIJ (7 septembre 1927, Lotus série A n°10). Le juge y fait allusion
à la volonté des Etats qui se manifeste dans des conventions et dans " des usages acceptés
généralement comme consacrant des principes de droit et établis en vue de régler la coexistence
de ces communautés indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs. Les limitations
de l'indépendance des Etats ne se présument donc pas ".La seconde opinion trouve son expression
dans nombre d'arrêts, par exemple celui de 1969 Plateau continental de la Mer du Nord, Rec. p.
3, précité.
Le nombre des sujets visés par la coutume emporte des conséquences sur le nombre des Etats
nécessaires pour en admettre l'existence. L'unanimité s'impose en ce qui concerne les coutumes
bilatérales (CIJ, arrêt du 12 avril 1960 (fond), Droit de passage en territoire indien ; Rec. p. 39). La
position est de plus en plus nuancée au fur et à mesure que le nombre des Etats s'accroît dont on
doit démontrer qu'ils l'ont tous valablement acceptée (Cf. l'arrêt (fond), du 20 novembre 1950, Affaire
du droit d'asile, Haya de la Torre, Rec. 1950, p. 276-277). Au plan universel, on a vu que le juge
n'exigeait pas une pratique unanime.
2. L'opposabilité de la coutume
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Juridiquement, la coutume est une norme de droit international général, donc applicable à
l'ensemble des sujets de droit international. En réalité, deux cas peuvent être présentés comme
des exceptions envisageables.
• Il est admis que la coutume n'est pas opposable aux Etats qui y ont fait objection c'est-
à-dire ceux qui s'opposent, par un acte unilatéral au caractère obligatoire d'une coutume
nouvelle à leur égard à moins que la coutume ait acquis une telle force, qu'elle n'ait intégré
le jus cogens.
• Les Etats nouveaux arguent parfois qu'ils n'ont pas pu participer à l'élaboration des coutumes
traditionnelles et qu'elles ne leur sont donc pas opposables. La solution est mal tranchée en
droit positif. En principe ils ne peuvent renier la coutume établie intransgressible. Libre à
eux d'éviter les autres coutumes en établissant des règles conventionnelles contraires.
Rien ne les empêche, si leur nombre est suffisant, de renverser cette tendance en élaborant
un nouveau processus coutumier, ce fut le cas du droit de la mer.
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Section 2. L'évolution de la coutume dans le droit international
contemporain
La coutume n'est pas un mode vieilli, mais un mode de régulation extrêmement souple donc
bien adapté à une société internationale en transformation. On peut se demander toutefois si l'on
n'assiste pas à une évolution des coutumes internationales à travers deux phénomènes : altération
du processus de formation et codification internationale.
A. La critique doctrinale
L'analyse doctrinale et la pratique actuelle se liguent pour dénoncer le caractère artificiel de la théorie
des deux éléments constitutifs de la coutume internationale.
Une partie de la doctrine critique violemment cette théorie en estimant qu'elle masque la réalité du
rôle du juge dans le processus coutumier (R. J. Dupuy, Le juge et la règle générale, RGDIP, 1989,
p. 569). Le fait que les deux éléments se prouvent quasiment par les mêmes voies, le fait matériel
prouvant souvent l'existence de l'opinio juris incite la doctrine à critiquer cette présentation formelle,
pour rendre à la coutume son caractère empirique et complexe. A travers la preuve de celle-ci, le
juge international aurait en réalité prise sur le processus coutumier.
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Exemple
On citera en exemple le mouvement unilatéraliste en droit de la mer sur la détermination du
plateau continental, suite à la déclaration Truman du 28 septembre 1945. Ces coutumes posent
des problèmes aux juges qui les acceptent de façon ambiguë. Dans l'affaire du Plateau continental
de la mer du Nord, le juge écarte l'existence de la coutume, mais semble admettre qu'elle aurait pu
naître en cinq ans (CIJ, arrêt du 20 février 1969 (fond), Plateau continental de la mer du Nord, Rec.
p. 43 § 74).Ces hésitations sont explicables par un risque de déstabilisation.
Dans ce sens, la CDI s'occupe activement de codifier les coutumes. Mais elle est chargée aussi de
développer progressivement le droit international. Par exemple, la Convention de Vienne sur le droit
des traités mêle des éléments nouveaux (article 53 sur le cas de violation du jus cogens, Cf. leçon
précédente) à des règles bien établies.
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En dehors du traité et des coutumes, il est de tradition de présenter les sources à travers l'article 38
de la Cour Internationale de Justice. Cette présentation est souvent contestée. On reproche à cet
article son caractère obsolète et aussi son caractère incomplet.
Pourquoi ne trouve-t-on pas la mention de principes généraux du droit international (Ensemble des
propositions fondamentales du droit international - J. Salmon, Dictionnaire, précité p. 877), qui est la
formulation habituelle ? Il faut donc bien distinguer les deux possibilités.
Exemple
On verra que la simple variation d'une lettre suffit à ce que les expressions ne qualifient pas du tout
les mêmes règles. Il convient donc très d'être très prudent quand on manie ces vocables.
Le contenu : Les principes tels qu'ils sont conçus permettent aux juges le recours à l'inspiration
des systèmes de droit internes, dès lors que le principe qu'ils appliquent fait l'objet d'une
reconnaissance générale dans les droits internes des Etats, pour éviter le non liquet, c'est-à-dire
de ne pouvoir juger en droit international faute de normes adéquates (CF. A. Verdross, Les principes
généraux du droit applicables dans le système des sources du droit international public. Mélanges
Guggenheim, IUHEI, Genève, 1968 p. 531).
Exemple
Il est admis que sont des principes généraux de droit international (Source autonome du droit
international aux termes de l'article 38 §1 c° du statut de la CIJ) les règles d'administration de la
justice selon lesquelles " on ne peut être juge en sa propre cause ".
On y trouve aussi des règles classiques du droit des obligations, par exemple la règle selon laquelle
on ne peut arguer du manquement de la partie adverse que l'on a soi-même provoqué : CPJI, Usines
de Chorzow (compétence), arrêt du 26 juillet 1926, série A, n°9, p. 31
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En savoir plus : Questions sur les principes
La question en ce qui concerne ces principes est de déterminer leur autonomie par rapport à la
coutume. Leur reconnaître une vraie spécificité, c'est aller contre la vision des pays en voie de
développement et des pays socialistes, qui en récusent l'existence même au nom du mépris de leur
système de droit, confortés en cela par la rédaction de l'article 38.
Une autre question est celle de la place et de la légitimité du juge international pour les
reconnaître. Dans un tel contexte, les juges ne peuvent faire appel qu'à des principes très généraux,
incontestables. En fait, sinon en droit, ils sont souvent relégués au rang de normes subsidiaires
et utilisés par défaut dans le cas de vide conventionnel ou coutumier. On plaide parfois pour un
renouveau de la notion.
Réalité : Très souvent abstraits et très généraux, ces principes existent néanmoins. On y trouve
"le concept fondamental de la souveraineté des Etats" : CIJ, Affaires des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (fond), 27 juin 1986, p. 14. On y rencontre le principe
selon lequel les limitations à la souveraineté ne se présument pas (Affaire du vapeur Wimbledon
CPJI, 17 août 1923, Série A, n°1).
Bien que très généraux ils ne seraient pas véritablement assimilables à la coutume universelle, du
fait de la place déterminante du juge dans leur formation, ou du moins dans leur reconnaissance
Fonctions : Contrairement à notre droit interne et aux principes généraux de droit, ils ne servent
pas à combler les lacunes du droit. Les principes généraux du droit international servent plutôt
d'axiome au raisonnement du juge sans vraiment combler de lacunes ou masquer un pouvoir
prétorien qui dans l'ordre international, est moins critiqué, mais moins solide qu'en droit interne
(puisque la justice y est facultative). Ils semblent éviter d'avoir à démontrer leur validité, tant ils sont
inhérents à l'ordre juridique international (Exemple, CIJ, arrêt au fond du 9 avril 1949, Détroit de
Corfou, Rec. p. 244).
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Ils sont peut-être une norme en renouveau, car ils répondraient aux besoins de construction de l'ordre
juridique international.
A. Doctrine et jurisprudence
Leur place est reconnue comme étant auxiliaire. Elles ne sont pas pour autant négligeables. On
verra très souvent le juge international se servir de dicta anciens pour établir l'autorité d'un
principe ou d'une règle coutumière. On verra aussi ces mêmes organes juridictionnels se référer
à certains auteurs et conceptions. On verra d'ailleurs surtout les parties faire appel à eux. Mais
il ne s'agit guère d'une source formelle, mais l'article 38 le laisse entendre, plutôt " des moyens
de déterminer la règle de droit ".
B. L'équité
Le second paragraphe de l'article 38 propose aux parties qui le souhaitent de renoncer au droit sans
renoncer au juge et d'un commun accord, de s'en remettre à l'équité. Il faut alors bien distinguer
l'hypothèse de cette équité contra legem, par rapport à l'utilisation de l'équité infra legem.
Dans le cadre de l'article 38 : l'équité contra legem. Par accord des parties, le juge peut statuer
en dehors des règles de droit (ex aequo et bono) au moins à titre subsidiaire et même parfois
contra legem par rapport aux autres sources. Des clauses de jugement en équité peuvent être
contenues dans certains traités. Inutile de dire que le consentement des parties dans ce domaine
doit être exprès. Jusqu'à présent, la CIJ n'a jamais été saisie sur de telles bases.
En dehors du cadre de l'article 38 : l'équité infra legem. En dehors de la volonté des parties,
il peut arriver que le juge ou l'arbitre international fasse appel à l'équité.
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Jurisprudence
L'équité est inhérente à la règle de droit, elle constitue alors une sorte de guide d'interprétation des
autres sources " quels que soient les raisonnements du juge, ses décisions doivent être justes,
donc dans ce sens, équitables (CIJ, arrêt du 20 février 1969, Plateau continental de la mer du Nord,
Rec. 39).
Cependant, l'exigence d'équité ne peut aller jusqu'à écarter des règles juridiques, ce qui serait
contraire à la sécurité juridique. L'équité, utilisée dans les expressions : " méthode équitable ", "
résultat équitable ", sert ici à corriger les inconvénients qu'une application stricte de la règle
de droit aurait produits. Ce type de raisonnement est très fréquent dans le droit de la délimitation
des espaces maritimes (Cf. P Weil, Perspectives du droit de la délimitation maritime, Paris, Pedone,
1988 p. 173).
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Section 2. Une présentation incomplète : l'unilatéralisme source
de droit
L'acte unilatéral est l'acte imputable à un seul sujet de droit, Etat ou organisation internationale.
B. Portée
Classification des actes :
• On distingue les actes autonormateurs qui n'engagent que le comportement de l'Etat lui-
même : CIJ, arrêt du 20 décembre 1974, (fond), Affaires des essais nucléaires, Rec. p. 270.Il est
reconnu que des déclarations revêtant la forme d'actes unilatéraux et concernant des situations
de droit ou de fait peuvent avoir pour effet de créer des obligations juridiques. Néanmoins
l'interprétation d'un tel acte est souvent très délicate : les limitations à la souveraineté ne se
présument pas (Cf. CIJ 20 décembre 1974, (fond), Affaires des essais nucléaires, Rec. p. 270.
• Bien entendu, le principe est encore plus strict en ce qui concerne les actes hétéronormateurs
Normalement ils se heurtent au principe de la non-opposabilité. Cela n'est possible que
dans le strict cadre des compétences souveraines ou lorsqu'un Etat agit comme mandataire de
la communauté internationale (exemple dans la gestion des canaux internationaux tels Suez
ou Panama).
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Panama
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Canal de Panama
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Canal de Suez
Exemple
Les décisions sont des actes juridiques internationaux, avec une portée qui en découle (CIJ, Avis
du 20 juillet 1962, Certaines dépenses de l'ONU, Rec. p. 163).Elles peuvent évidemment être
autonormatrices, mais aussi hétéronormatrices, par exemple, dans le cas des Nations Unies.
• Pour les décisions juridictionnelles (article 25 de la Charte).
• Pour les constatations d'une situation ou mesures de sanction, dans le cas d'une menace
ou d'une rupture de paix (CIJ, Avis 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les Etats de
la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie Rec.p.50). On rappellera le caractère
obligatoire des résolutions prises par le Conseil de sécurité sur le fondement du Chapitre VII
de la Charte (Cf. leçon n°4).
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Cours : Sujets et sources du droit international public
Auteur : Virginie Saint-James
Leçon n° 10 : Les rapports entre les normes internationales
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On oppose souvent le droit international au droit interne. Or, si le droit interne est systématisé et
complet (dans le sens d'achevé) le droit international est encore mal systématisé et très incomplet,
car il est le reflet d'une société internationale imparfaite. Une multitude de normes concurrentielles
produites par la volonté des sujets coexistent. Seules quelques-unes s'imposent à tous : c'est le jus
cogens .
Remarque
Rappelons qu'il existe une différence entre les sources matérielles ou formelles qui désignent les
processus de formation et les normes qui sont les règles de droit de positif. Les sources du droit
international sont souvent les mêmes. Cet état de fait oblige le droit positif à établir de solutions en
cas de conflits de normes, particulièrement dans les rapports entre traités et coutumes.
A. Le principe
Il n'y a pas de hiérarchie en droit international public ainsi qu'en témoigne la rédaction de l'article
38 du statut de la CIJ qui ne fait pas de son énumération une hiérarchie. De même l'article 38
affirme le caractère second, mais non secondaire des principes généraux du droit qui sont le recours
auxiliaire de l'interprète. Essentiellement, ce principe s'appuie sur l'absence d'autorité supérieure
en droit international. Dans une lecture volontariste du droit international classique, il n'existe rien
pour tempérer le consensualisme des Etats, sujets souverains, dont seule la volonté peut limiter
les compétences : c'est la théorie de l'autolimitation. On considère que le consentement étatique
au droit est direct en ce qui concerne les traités et indirect en ce qui concerne la coutume,
puisque les Etats pourraient s'y opposer par l'objection. Même les principes généraux sont réputés
émaner de la pratique internationale, donc du consentement des Etats. Cette identité des sources
fait que l'on ne peut dégager une hiérarchie des normes, au sens kelsénien.
Remarque
La question est beaucoup plus discutée en ce qui concerne le droit des sociétés transnationales.
Solutions expresses : les déclarations de compatibilité. Rien n'empêche les parties de prévoir et
de hiérarchiser leurs engagements, selon deux possibilités :
• 1. Par le biais de déclarations de compatibilité incluses dans les traités eux-mêmes et
précisant qu'ils n'affectent pas ou sont compatibles avec tels autres. Cette déclaration emporte
une directive d'interprétation lors de problèmes ultérieurs. Ces traités se présentent alors
comme subordonnés.
• 2. Dans le cas où le traité pose en principe sa supériorité vis-à-vis des autres, le problème
majeur serait la préservation des droits des tiers. On assiste de plus en plus à des mécanismes
préventifs dans ce domaine (article 228 du Traité de Rome qui permet de demander l'avis de la
CJCE et, en cas d'avis négatif, de subordonner l'entrée en vigueur jusqu'à la révision du traité
sur l'Union Européenne).
Dans le silence des traités, tout dépend du nombre et de la diversité des parties :
• 1) En cas d'identité des parties, l'article 30 de la Convention de Vienne propose des solutions
en cas de traités successifs (traités conclus à des dates différentes portant sur la même
matière et dont les parties sont, en totalité ou en partie les mêmes). Le traité antérieur ne
s'applique que s'il est compatible avec le traité postérieur à condition qu'ils aient le même
degré de généralité sinon, on applique la norme la plus spéciale.
• 2) En cas de différence entre les parties :
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• Si les deux traités sont compatibles, articles 41 §1, les relations entre les Etats parties
aux deux traités sont régies par une priorité au traité postérieur. Dans les relations entre
les autres Etats, joue le principe de l'effet relatif des traités. Seul s'applique le traité qui lie
les deux, l'autre étant inopposable à ce qui est un tiers.
• En cas de différence des parties et d'incompatibilité entre les deux traités, le traité
postérieur n'est pas licite au regard du droit international (CIJ, avis du 28 mai 1951, Avis
sur les réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
Rec. 561 p. 21).
Exemple
Déclarations de compatibilité : traité entre la France et l'Ouzbékistan du 27 octobre 1993 article 6
alinéa 2 : " Les engagements auxquels souscrit la république française dans les accords bilatéraux
avec la République de l'Ouzbékistan respectent les traités des Communautés européennes et les
textes et arrêtés pour leur application ".La règle qui n'ouvre un droit à réparation qu'à l'Etat victime
de l'inexécution est logique en ce qui concerne le droit de la responsabilité internationale. Mais elle
revient à permettre à l'Etat " fautif " de choisir quel traité il violera (cela peut être A ou C selon
l'attitude de l'Etat B). De plus, son attitude ne l'expose qu'à réparation et non à l'exécution du traité.
C'est très insatisfaisant intellectuellement.
Néanmoins, la pratique démontre que la source retenue n'est pas forcément le traité. Par exemple
dans l'arrêt Activités militaires et para militaires au Nicaragua, la Cour choisit de se référer à la
coutume plutôt qu'au traité (cf. leçon n°8).
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Section 2. Le développement de normes impératives : le jus
cogens
On comprend bien que ce qui fait l'intérêt de la notion, c'est que les règles de jus cogens sont
insusceptibles de dérogation par voie conventionnelle. C'est en ce sens qu'elles instituent une
véritable hiérarchie, puisque les traités qui leur sont contraires sont nuls. Mais il ne fait pas de doute
que le jus cogens dépasse le droit conventionnel et intéresse l'ensemble des sources internationales.
1. La moralité internationale
On prétend souvent justifier l'existence du jus cogens par la nécessité de traduire une morale
propre à la société internationale. La CDI lors de la présentation du projet de Convention a bien fait
référence à " des valeurs d'une communauté universelle ". On retrouve cette préoccupation morale
dans le commentaire que M. Virally faisait lors de la présentation du projet d'articles : M. Virally, le
jus cogens, AFDI, 1966, p. 15.
Pour justifier l'existence de telles règles, il faudrait pouvoir démontrer l'existence d'un ordre moral
international alors que l'on a déjà du mal à cerner les contours d'un ordre public international. Du
fait de ces liens supposés avec la morale, le jus cogens est souvent présenté comme relevant
de la philosophie du droit naturel. Notons toutefois que la Convention de Vienne dans son article
64 évoque l'hypothèse qu'une norme devienne du jus cogens, ce qui veut dire que la notion a un
contenu évolutif en fonction des besoins de la société internationale... Cette possibilité fait plutôt
penser à du droit positif selon l'Ecole sociologique.
2. La consécration jurisprudentielle
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Jurisprudence
Très peu de temps après la Convention de Vienne, la jurisprudence internationale allait s'emparer
de la notion. Cette utilisation jurisprudentielle traduit une réelle volonté de la Cour internationale de
justice de reconnaître le jus cogens car elle allait se produire dans un obiter dictum (opinion émise
par une juridiction et qui n'est pas essentielle à la motivation de la décision adoptée).
La CIJ dans l'arrêt Barcelona traction du 5 février 1970 (fond) explique qu '"une distinction
essentielle doit être établie entre les obligations des Etats envers la communauté internationale
dans son ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d'un autre Etat dans le cadre de la protection
diplomatique. Par leur nature même, les premières concernaient tous les Etats. Vu l'importance
des droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique
à ce que les droits soient protégés, les obligations dont il s'agit sont des obligations erga
omnes", Rec. p. 32.
Cette jurisprudence fut reprise au stade préliminaire pour la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Exceptions préliminaires, Affaire relative à l'application de la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Rec. § 31 p. 22).
L'apport de cette formulation est d'ouvrir une véritable action populaire, transposée dans le
domaine du droit international au nom de la notion de jus cogens ce qui débouche sur de nouvelles
approches en matière de responsabilité internationale supra.
Néanmoins, l'existence d'une possible violation d'une règle de jus, cogens n'est pas suffisante pour
permettre à un Etat de saisir la Cour internationale de justice si l'autre Etat n'accepte pas cette
compétence : CIJ 8 février 2006, Compétence, Activités armées sur le territoire du Congo, nouvelle
requête 2002, à noter que cet arrêt est le premier où la Cour utilise l’expression « jus cogens »
littéralement.
La jurisprudence arbitrale a aussi accueilli dans la notion. Sans l'Affaire de la délimitation maritime
entre la Guinée-Bissau et le Sénégal, l'organe arbitral s'en tient aux aspects conventionnels de la
notion : " du point de vue du droit de traités, le jus cogens est simplement la caractéristique propre
à certaines normes juridiques de ne pas être susceptibles de dérogation par voie conventionnelle
", Sentence du 31 juillet 1989, RGDIP 1990, p. 234.Voici donc une notion acceptée par le droit
international bien qu'elle ait représenté une avancée et non une codification pure et simple du droit
des traités. Malgré tout, subsistent des doutes sur l'existence d'un ordre public lié à la communauté
internationale susceptible de faire une brèche dans le volontarisme classique.
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doctrine a souvent fait du processus coutumier le seul vraiment probant. De fait, il n'y a pas de mode
autonome de formation des règles du jus cogens.
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Exemple
On citera quelques exemples parmi les plus célèbres :
• 1970 Affaire de la Barcelona Traction : prohibition des actes d'agression, génocide, atteinte
aux droits fondamentaux de la personne humaine, notamment esclavage et discrimination
raciale, alors même que ces problèmes n'étaient pas en cause en l'espèce (CIJ, (fond), 5
février 1970, Rec. p. 3).
• 1979 Ordonnance : Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran : protection
diplomatique telle qu'elle est définie par les Conventions de Vienne de 1961 et 1963 ? Cette
solution est très intéressante car les normes en cause trouvent leur expression dans une
source conventionnelle, il est vrai qu'il s'agit d'une coutume codifiée (CIJ, Ordonnance en
mesures conservatoires, Rec. p. 7) .
• 1989 La sentence Guinée-Bissau Sénégal consacre le droit à l'autodétermination des peuples.
Cette solution est implicite (Tribunal arbitral, 31 juillet 89 Sentence du 31 juillet 1989, RGDIP
1990, p. 234).
2006 CIJ, Exceptions préliminaires, 3 février 2006, Activités armées sur le territoire du Congo,
Comm Ph Weckel, RGDIP, 2006 2 p. 487. Interdiction du génocide
Il est vrai que l'œuvre est inachevée. Reste à replacer le jus cogens dans une vision dynamique et à
le considérer comme la pierre angulaire de construction d'un nouvel édifice - qui permet d'introduire à
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la fois l'existence d'un nouvel élément ; la communauté internationale, d'un nouveau but : le respect
d'un ordre public international, de nouveaux développements institutionnels : le rôle du juge dans
la construction du jus cogens.
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