, 1 LE SYMBOLE DES APOTRES

. PREMI~RE PARTIE

DIEU

Nihil obstat ,
LA PRO V'I DENeE
A. DEGAND, cano cens. librorum.' SERMONS
prononcés ·.dans S'église de l'Université de Budapest

par S. Exc. Mgr TEHAMER TOTH

IMPRIMATUR hêque de Veszprém

Traduits par l'Abbé Marcel GRANDCLAUIDON

Licencié ès Lettres
Tornaci, die 26 septembris T934.

J. LECOUVET, vic. Gin.

4 m • ÉDI'I'ZON 13'" lIULLE

ÉDITIONS SALVATOR
MULHOUSE (Haut-Rhin)
. ,(
1947
 AVANT-PROPOS

LE SECRET DU SUCCÈS
DANS LA PRÉDICATION.

1. Le premier secret du succès dans la prédication a

toujours été et sera toujours celui-ci: la personnalité du
" .' . prédicateur, un zèle enflammé, une vie irréprochable. Un
prêtre qui sacrifie tout pour le Christ et Le préfère à
tout exerce une profonde influence sur les hommes
d'aujourd'hui submergés par les flots du matérialisme.
Un sermon qui ne porte pas le sceau d'une conviction
inébranlable aurait beau être composé selon les règles
du meilleur manuel 'oratoire, il resterait : (( un airain
sonnant et une cymbale retentissante» (1 0 Corinthiens
XIII, 1). En revanche, si l'auditeur se!).t que le prédi-
cateur croit ce qu'il dit du haut de la chaire, vit confor-
mément à ce qu'il enseigne et se tient avec sa vie
irréprochablecoinme un livre grand ouvert devant ses
àuditeurs, s'il sent dans ses paroles que toute sa joie et
tout son bonheur, toute son ambition consistent à
gagner de nouveaux fidèles à ~ la vérité, alors la négli-
gence,..,dans l'emploi des procédés oratoires ne nuira en
rien au succès de la prédication. C'est avec surprise
que nous voyons, même dans « un monde fatigué de la
prédication», les auditeurs se pr~sser autour d!'!.la chaire
d'un prêtre enflammé de zèle pour la gloire de Dieu,
pour lequel il ù'ya ni jour ni nuit quand il s'agit de la
6 AVANT-PROPOS
conquête .des âmes et dont la vie de travail justifie la
vérité du vieux proverbe : « Ignis nunquam dicit :
sufficit ».
Un incroyant s'est exprimé de la façon suivante sur
le P. de Ravignan : ( Il croit lui-même ce qu'il prêche
et tout en lui respire la foi ». Une conviction si ardente
compense un physique ordinaire et bien des défauts
(exemple: le Curé d'Ars) . Un violon ne peut pas
toujours être un Stradivarius, mais Paganini savait
tirer des sons mélodieux d'un mauvais violon. Nous
pourrions un peu modifier les paroles de saint Augustin
« Ama et fac quod 'vis » en les appliquant au prédi-
cateur : « Esto sanctus et praedicà quod vis ».
A la différence de l'art oratoire profane, il nous faut
poser dans la prédication le principe suivant : Nos
sennons auront d'autant plus de succès que nous
réussirons mieux par notre propre vie à nous rapprocher
de l'idéal catholique.
Le prédicateur fera bien de relire fréquemment les
paroles de saint Paul à Timothée et à Tite. Que n' exigeait-
il pas d'eux? (1 0 Timothée III, 2 et suiv.; Tite J, 7 et
suiv.) Et pourquoi tout cela? « Ut potens sit exhortari IJ .
« Cujus vita despicitur, restat, ut ejus praedicatio
contemnatur » a dit le pape saint Grégoire le Grand.
A son tour saint François de Sales dit avec raison .:
« Une once d e bon exemple a plus de valeur que cent
belles paroles ».
Actuellement nous vivons tellement à une éppque de
« prestige personnel» que ce n'est pas le " grand
prédicateur » qui remplit avec succès la tache d'annoncer
la parole de Dieu, mais le prêtre pieux et zélé. C'est
ce qu'enseigne si bien saint Charles Borromée dans ses
« Pastorum instructiones » : « Quemadmodum en irnin
arca testamenti duo illi Cherubim ita collocatint eTant,
AVANT··PROPOS 7
\
semper mutuo se aspicerent : ita vita concionantis
doctrinae ex alter a parte respondere debet usque adeo,
ut et vitam doctrina collustret, et doctrinam rursus vita
corroboret, viresque eidem perpetuo addat ... »
Toutes ces qualités personnelles du prédicateur, que
les manuels rangent sous le titre global de « la personne
du prédicateur» (la sainteté de "la vie, l'humilité, .':,.
piété, le désintéressement, la pureté d'âme, la politesse
et le savoir-faire pastoral), tout cela acquiert de nos
jours, où disparaît de plus en ' plus le respect de l'au-
torité au profit du prestige personnel, une importance
croissante pour le succès de la prédication.
Pour l'orateur profane, tout cela a moins d 'impor-
'tance, mais tout cela en a d'autant plus pour l'orateur
sacré. L'orateur profane ne vise pas à un but surnaturel,
les procédés oratoires habituels lui suffisent donc . Mais
il n'en va pas de même pour le prédicateur qui a pour
but de conduire ses auditeurs à la vie surnaturelle; si
brillante que soit son éloquence; elle ne suffit pas, mais
c'est la vie surnaturelle du prédicateur lui-même qui
joue le rôle décisif pour obtenir le succès. Comment
un . prédicateur pourrait-il élever son auditoire vers
Dieu, si lui-même n'est pas capable de s'élever
jusqu'à Dieu?
Une conférence scientifique témoigne de la science
et de l'é.r udition dti conférencier. Un roman, d e la
richesse d'expression et de l' adresse de son auteur. Une
déclamation dé l'art de l'orateur. Et un sermon? De la
foi du prédicateur. Il faut aussi pour tin sennon de la
science, de l'érudition, de ia facilité d'élocution, mais
l'essentiehest une foi vive et une réelle conviction. Un
bon sennon témoigne toujours de la foi et de la mesure
dans laquelle le prédicateur, dans son âme,' dans sesl
,idées, dans sa sensibilité et dans sa volonté, est pénétré
8 AVANT-PROPOS
de la toute-puissance de Dieu. C'est pourquoi ne peut
rencontrer aucun succès un sermon qui ne repose que
sur des procédés de logique et de rhétorique et n'est
que le produit de raisonnements abstraÎts.
Nous n'hésitons ~onc pas à affirmer que la méditation
quotidienne d'un 'prêtre zélé est l'instrument par
excellence du succès. Il prêche bien celui qui médite
beaucoup. « Ex plenitudine contemplatiônis praedicatio
derivatur » (Summa 2" 2,.e q. 188, art. 6). Par contre
« qui non ardet, non incendit ».
Le Seigneur dit un jour à Ezéchiel : « Audies de ore
meo verbum et annuntiabis eis ex me » (III, 17). Et les
apôtres ont associé la prière et la prédication: « Nos
vero oratiOIù et ministerio verbi instantes erimus »
(Actes VI, 4). Que de fois saint Paul répète cette pensée:
Il demande les prières des Ephésiens : « Vt detur mihi
sermo in operatione oris mei, cum fiducia notum facere
mysterium evangelii » (Ephésiens VI, 19). Il demande
les prières des Colossiens : « Orantes pro nobis, ut
Deus aperiat nobis ostium sermonis ad loquendum
mysterium Christi... ut manifestem ilIud; ita ut
oportet me loqui » (Colossiens IV, 3-4). Il demande
les prières des Thessaloniciens : « Fratres, orate pro
nobis, ut sei'mo Dei cun'at et cIarificetur » (llo Thessa-
loniciens III, 1).
Écoutons aussi ces paroles de saint Grégoire le Grand:
« Prius aurem cordis aperiat voci Creatoris,et postmodum
os sui corporis aperiat auribus plebis» (In Ezech. 1;
1, Hom. 1). Saint Augustin estime que le prédicateur
« pietate magis orationum, quam oratorum facultate
indiget... Sit orator, antequam dictor,.. Priusquam
exerat proferentem linguam, ad Deum levet animam
~itientem , ut eructet, quod biberit, vel quod impleverit
iundat » (D e doc,trina christ. l, IV).
AVANT-PROPOS 9
L'art de bien prêcher ne s'apprend pas dans les
écoles, mais à genoux.
Il. Vne importante condition du succès dans la
prédication est la connaissance de la vie moderne et le
souci de l'act!f.alité. Mais il faut bien comprendre le
sens de cette expression. Il se tromperait étrangement
le prédicateur qui, pour se rendre plus intéressant,
serait véritablem ent une gazette vivante, publierait
dans la chaire de vérité toutes les n ouvelles du jour,
se livr erait à des comparaisons tirées aux cheveux,
jonglerait avec les m ots et les idées, tout cela pour
prêcher d'une manière (( nouvelle» et cc moderne )).
Ce n 'est pas à cela que nous pensons, lorsque nous
indiquons parmi les conditions du succès dans la
prédication la recherche de l'actualité et la compréhen-
sion de la vie moderne. Il s'agit ici de tout autre chose.
La piété personnelle, le zèl e et la dignité de vie du
prédicateur ne suffis ent pas, mais il faut encore qu'il
sache comment on doit faire aimer les vérités religieuses
à l'homme d'aujourd'hui.
Les fidèl es ont un sens extraordinairem ent subtil sur
ce point et remarquent vite , si du h aut de la chaire on
leur présente les vieilles vérités traditionnelles, sans vie
et sans âme, sou s des phrases pomp euses et des flots de
paroles, avec de grands éclats d e voix ou bien s'ils ont
devant eux un frère, un homme comme eux, un homme
vivant d ill1s le mond e actuel, un homme d'auj ourd'hui
dont l'âme vibre avec celle de tous ceux qui cherchent
Dieu , un homme dont l'âme tremble dans les luttes de
la vie; un h om me qui, avec chaleur et sympathie, tend
les mains à ses f,ifres, pour les amener~jusqu'au cœu r
du Christ où lui, prêtre , est déjà arrivé et Oil il a trouvé!
je bünllcur.
10 AVANT-PROPOS
Si les auditeurs sentent la force de la vie spirituelle
qui 'déborde de l'âme du prédicateur, s'Ils sentent
comme son âme soupire, brûle, lutte et souffre sous le
couriIDt d'une vie surnaturelle à haute tension, comme
il trouve sa joie et regarde comme son plus saint devoir
de brancher les petites lampes de ses auditeurs sur le
courant vivifiant et libérateur du Christ, alors une
prédication de ce genre est confonne à l'état d'esprit ·
actuel. \ de nos prédécesseurs; il n'aime plus entendre le pretre
C'est cette actualité, c'est cette adaptation à la vie
moderne que nous réclamons. Une prédication où les
fidèles s'aperçoivent que leur prêtre ne s'égare pas dans
des raisonnements nuageux et ne se répand pas en
considérations ascétiques, dans un éloignement total de
la vie réelle. « Non ùt dominantes in cIeris, sed forma
facti gregis . ex animo » (1 0 Pierre V, 3). Si seulement
les ,fi~èles pouvaie~t se rendre compte que la chaire
chre~lenne est aussI exposée aux furieuses tempêtes de
la VIe terrestre et que le prédicateur suit avec une
chaude sympathie les durs combats de la vie,
qu'avec ':lne âme,co~patissante il connaît les privations
sur.huma11l~s de 1 eXIstence actuelle et possède un regard
claIr et lucIde auquel ils peuvent en toute tranquillité
confier la conduite de leur âme tourmentée!
Lire dans les profondeurs des âmes, découvrir leurs
mouvements et leurs pensées intimes de manière à
ré~o,?,dr~ à leurs questions les plus secrètes, voilà une
predlcatlOn adaptée aux exigences de la vie moderne.
Ce ~'est pas ainsi que peut prêcher le prêtre qui passe
sa ~le dans un burea~, un secrétariat, une bibliothèque
ou. a sa t~ble de0ravall. Ne peut prêcher ainsi que le
pretre qUI confcJse souvent et parle souvent avec ses
fidèles: La prédication du prêtre qui entend journel-
lement les plaintes amères monter de l'océan de la vie
AVANT-PROPOS II
aura toujours pour sujet les questions les plus brûlantes
et les plus angoissantes, et on pourra lui, appliquer ces
paroles d'Emerson: « Pressez ses paroles et il en
sortira du sang ».
III. Une troisième condition dU: succès, c'est le naturel
dans le sermon. Prêchons naturellement. L'homme
moderne ne supporte plus le genre solennel et compassé
, 'i faire de l'éloquence» en chaire. Mais il lui accordera
toute son attention, si le prêtre converse avec lui, avec
le même ton, les mêmes expressions, les mêmes gestes
que deux vieux amis qui se promènent en causant
joyeusement. Le meilleur moyen d'éviter la monotonie
et ce que l'on appelle le « tonde prédicateur » sera
pour le prêtre d'exposer avec toute sa personnalité les
vérités qu'il annonce du haut de la chaire. Celui qui
cherche sérieusement à faire pénétrer les idées
religieuses dans son auditoire ne l'endormira pas,
il ne l'assourdira pas non plus par ses cris, mais il
« conversera » avec naturel et simplicité, c'est-à-dire
observera la ponctuation, l'accentuation, fera des pauses,
évitera tout ce qU\ est affecté ou exagéré.
Et c'est précisément ainsi que l'on s'assure le succès.
Car le prédicateur a pOUl' tâche d'influencer ses
auditeurs, de les persuader. Pour cela il faut trois choses
réclamées non seulement par la psychologie moderne,
mais déjà par Cicéron : (( Tribus rebus omnes ad .
nostram " sententiam perducimus: aut docendo, aut
conciliando, aut permovendo » c'est-à-dire 'exposer
clairement le sujet (dicendo) le rendre sympathique
(conciliando) et susciter l'enthousiasme (permovendo).
Car s'il est vrai que «( le premier fidèle d'un bon curé
c'est lui-même >l, il n'est pas moins vrai qu'un bon
12 AVANT- PROPOS
sermon doit produire son etfet le plus profond sur le
prédicateur en personne. Lorsque le prédicateur,
pendant sa préparation, cherche les moyens et la possi-
bilité de faire passer dans sa propre vie les consé-
quences pratiques de son sujet et remarque les obstacles
qui lui barrent la route, son sermon se pénètre de cette
profondeur, de cette chaleur, de cette .force'"qui ne
permettent pas à l'âme des auditeurs de résister. Le
prédicateur dont l'âme a passé par ces différentes
phases caractéristiques et qui connaît par sa propre
expérience leurs répercussions dans l'âme d'autrui,
saura facilement convaincre ses auditeurs que les vérités
qu'il leur annonce leur sont réellement indispensables,
car elles donnent la force dans la lutte, la consolation
dans le chagrin, la lumière dans les ténèbres et la
récompense dans la victoire.
IV. Dans l'intérêt du succès nous ne pouvons
qu'approuver l'usage de ces prédicateurs qui ont pour
principe de rechercher dans les mille événements de la
vie quotidienne des exemples pour toucher de plus près
l'âme de leurs auditeurs. Il est indéniable que l'insertion
d'exemples et d'histoires a élargi les cadres rigides
d'autrefois et a donné à la prédication une allure qui
frappe davantage les imaginations. Mais ne pourrions-
nous pas trouver aussi des exemples dans la méthode
de N~otre- Seigneur, qui non seulement sur la terre
ferme,'mais à bord d'une nacelle enseignait les hommes.
« 11 monta dans une barque qui était à Simon et le pria
de s'éloigner un peu de terre; puis s'étant assis, il
enseigna le peuple de dessus la barque» (S.,+uc V, 3)'
Il Y a des prédicateurs qui savent mieux prêcher en
.suivant l'ordre logique des idées et en se tenant sur le
terrain du syllogisme; mais il y en a qui conduisent
AVANT-PROPO~'
avec la force impulsive des vagues de la VIe la barque
de leurs fidèles vers Dieu .
Les prédicateurs français classiques ont évité par
principe l'emploi des exemples. Mais celui qui préfère
le succès du sermon à sa conformité au;x règles c1as-
~ ique& peut tranquillement employer des exemples.
A.vec mesure miturellement. Et uniquement ;\, bon
èflcient.
N'importe quel événement d'une vie active peut
faire une excellente entrée en matières (exordium ah
illustratione), s'il répond à l'idée fondamentale du
sermon. Nous pouvons également donner une conclu-
sion impressionnante, si nous disposons d'un trait 'qui
résume tout le sujet étudié. Mais nous p ouvons utiliser
avec grand profit aussi bien les histoires véritables et
les exemples que les allégories, ies métaphores et les
par;lboles, dans le corps même du sermon. Il arrive
fréquemment même aux gens cultivés d'ouvrir leur
iournal du dimanche d'abord à la page du « Supplément
illustré
)J. La psychologie moderne a constaté que
l'intellectuel aussi pense en images et non pas seule-
ment en idées abstraites: quant au public moyen, il lui
est très difficile de penser sans recourir aux images.
Et même si nous pouvons illustrer telle outene
vérité abstraite par un exemple frappant, intéressant,
emprunté à la vie actuelle, non seulement nous obtien-
drons de nos auditeurs une attention plus grande qui
fera pénétrer davantage cn eux l'idée fondamentale,
mais, chose encore plus précieuse, ils verront que ce
que nous prêchons est vr:;!.i ct peut être pratiqué.
L'usage des exemples,.Jentravé parfois le dévelop-
pement logique de la pensée ct la marche dthsermon,
mais en vue du succès nous pouvons fermer les yeux sur '
cette imperfection. Etsi Notre:Seigneurn'a pasd ,~ daigné
14 AVANT-PROPOS
d'employer des exemples, nous n'avons pas besoin n6n
plus de nous en priver. Car si le divin Maître ' était
resté dans ses discours aussi nuageux et aussi abstrait
que bien des prédicateurs, certainement Il n'aurait pas
été compris. Mais Notre-Seigneur n'a pas agi ainsi.
Dans ses prédications la moisson blanchit, le figuier
verdit, le lys fleurit, le firmame-nt rougeoie, la flamme
brille, tout vit, même la nature inanimée.
L'emploi d'exemples, de traits, d'histoires et de
paraboles n'est pas autre chose que la remise en usage
de l'ancienne (( biblia pauperum ,). Nous remplissons
par là plus facilement les exigences de la psychologie
et de la pédagogie , religieuses modernes, suivant
lesquelles il ne f<lut pas seulement exposer les vérItés
de la foi par la manière rationnelle, mais s'efforcer d e
les faire pénétrer dans les âmes par l'imagination et la
sensibilité. C'est seulement ainsi que le sermon
deviennra pour les âmes une source de vie.
Or le fait qu'un sermon est une source de vie po""r
l'âme est la marque du succès de la prédication.
v. Mals pour atteindre au succès, il nous faut encore '
remplir une autre condition, ~'est de faire davantage
usage de la psychologie. C'est une exigence qu'il nous
faut formuler dans deux directions.
A) Dans l'enseignement des Facultes de théoJogie1C
premier rang revient naturellement ' à ' la logique, au
raisonnement et à l'argumentation. Les futurs prêtres
doivent démontrer suivant les règles d'une logique
rIgoureuse, avec preuves et arguments, que tous no\>
dogmes, toutes nos obligations morales reposent sur
des bases solides et sont des vérités que 1'on ne peut
pas mettre en doute.
Mais à 'côté il yale danper que le rrétre continue à
AVANT-PROPOS
suivre en chaire la méthode de ses manuels de théologie
et que Ses auditeurs soient submergés sous un flot
d'arguments et de syllogismes. Le succès d'un sermon
n'est pas encore assuré du fait que,nous avons prouvé
avec une clarté lumineuse la vérité de notre sujet.
Notre prédication rencontrera du succès, si elle fortifie
la volonté, si elle favorise les pieuses résolutions. Même
après le plus brillant assaut d'éloquence, l'auditoire est
toujours menacé par ,ce danger: «mirati sunt, conversi
non sunt J).
Pour convertir, pour agir sur la volonté, pour inspirer
de pieuses résolutions, il faut à côté de la logique une
bonne dose de psychologie. Une psychologie qui ne se"
contente pas d'insister sur les vérités du sujet traité,
mais qui s'efforce d'agir à la fois sur la sensibilité et la
volonté et c'est précisément pour cela qu'elle fait
ressortir les heureux côtés du sujet, par exemple la
beauté, l'élévation, la force, la consolation, la paix que
l'on rencontre dans le dogme dont il est question, la
conformité de la moraie chrétienne avec la nature, la
raison humaine, le bien de l'état, tandis que sa violation
mène au déclin et à la ruine. A côté de la théologie
morale, il faut aussi utiliser la psychologie morale; à
côté de la « theologia mentis », la « theologia cordis ».
L'Église sait bien que l'homme n'est p~s seulement
un cerveau, mais une volonté et uri cœur. Elle. sait que
c.e ' n'est pas par des études théologiqJes seulement
qu'on devient un bon prêtre, et elle impose plusieurs
années de sérpinaire au futur prêtre non pas unique-
ment pour aiguiser son intelligence, mais pour former
sa volonté et son -'caractère. Le prédicateur lui aussi
doit s'apercevoir que la vérité de son sujet, malgré la
logique la plus sévère, ne suffit pas à influencer la
volonté et la sensibilité de ses auditeurs. L'orateur doit
16 AVANT··PROPOS
tenir compte que l'homme actuel est plus accessible
aux preuves historiques et psychologiques qu'à une
démonstration logique. On prend plus facilement cet
homme par le cœur que par la raison; ,et si nousgagnons
son cœur, son esprit est aussi à nous. Sur bien des
questions, l'homme moderne ne sent pas comme il
pense, mais pense comme il sent.
Les commerçants adroits ont découvert depuis
longtemps qu'il ne suffit pas d'avoir les meilleures
marchandises, mais qu'il est tout autant nécessaire d e
les faire connaître et de les offrir. De gros volumes ont'
paru sous le titre de.: « Psychologie du vendeur ». Et
si nous n'avions pas peur d'être mal compris, nous
proposerions pour assurer le succès de la prédication
d'imiter les procédés du commerçant ingénieux. Comme
il présente sous un jour favorable sa marchandise à
l'acheteur! Comme il est empressé et agréable! Comme
il ne cesse de vanter la qualité de ses articles! Jusqu'à
ce que la force de résistance de l'acheteur soit à bout
ét que le client achète. Peut-être même ce qu'il ne
voulait pas acheter, peut-être aussi ce dont il n'a pas
besoin.
Pourrait-il y avoir un prédicateur pour accepter
tranquillement que dans son travail pour le royaume
éternel de Dieu, dans l'enseignement de la parole divine
il soit dépas~é par un commerçant dans !a recomman-
dation plus chaleureuse, plus vivante, plus adroite, plus
persuasive d'une marchandise terrestre périssable?
B) Mais quand nous parlons en faveur d'une plus
grande utilisation de la psychologie, nous avons aussi
en vue une autre idée. Nousvoudrionsattirerl'attention
>~ ur un certain nombre de détails que nous pourrions
cataloguer sous le nom global de « Méthode psycholo-
gi.que de prédication )) et dont l'observation appartient
AVANT-PROPOS
également au secret du succès de la prédication. L'un
de ces détails par exemple consiste dans la modestie de
l'attitude et du maintien du prédicateur, car la. vanité
n'est nulle part plus déplaisant(> que dans la chaire
chrétienne. Il faut aussi s'en ... tenir'-- strictement à
certaines règles de convenances connues sous le nom "
de .« de~orum ». Ainsi la durée du sermon aujourd'hui
dOIt tenlr compte de la nervosité de ROS contemporains;
I~ faut ~~rtout traiter avec beaucoup de tact les ques-
tiOns deJlcates et désagréables. On ne peut pas toujours
totalement éviter en chaire de blâmer, de critiquer
assez sévèrement des opinions dangereuses et de
condamner de fausses maximes morales, mais tout cela
avec la plus grande délicatesse, avec modération et sans
allusions blessantes et personnelles.
Soy.ons particu.lièrement prudents et sur nos gardes
pour Juger certames tendances qui dans le fond sont
bonnes et légitimes, et dangereuses seulement d~s
leurs excès .
Dans la préparation de nos sermons qui renferment
des reproches ou des blâmes, rappelons-nous cette
histoire où deux prédicateurs jouèrent un rôle à
l'époque du mouvement anti-esclavagiste en Amérique.
Tous deux parlaient avec le même enthousiasme contre
:' e~cIavage, ~ais tandis que les gens écoutaient le plus
age, le plus Jeune ne rencontrait que des railleries et
des menaces. Final ement il se plaignit à son confrère
et lui demanda: « Je n'y comprends rien. Nous ensei-
gnons tous les deux la même chose, et vous êtes écouté
tandis qu'on se moque de moi. Son aîné répondit;
C'est parce que vous dites constamment à vos audi-
teurs : si vous faites telle et teIlê- chose, vous serez
certainement damnés. Par contre voici ce que je dis:
Mes chers amis, si à l'avenir vpU's ne faites plus telle et
Symb. d. Ap, - T. 1 2
18 AVANT-PROPOS
.
telle chose, il est certain que vous ne serez pas damnés.
Et voyez, on m'écoute, tandis qu'on vous repousse. Il
VI. Ce qui contribue grandement.au succès. de ·la
prédication, c'est aussi le chofx méthodlque du sujet: ou,
pour employer une expresslOn à la mode, la ratwna-
lisation du choix du sujet. . et de la fidélité que manifestent ses auditeurs en suivant
Sur le terrain intellectuel et matériel, on réclame de
plus en plus la rationalisation et il serait dommage de ne
pas s'en préoccuper dans la préparation ~e. nosprédi-
cations. Il nous faut reconnaître qu'en ChOISIssant, sans
méthode, au petit bonheur, le sujet d: notre sermon,
nous · gaspillons beaucoup de forces mtellectuelles et
nous donnons beaucoup d'instructions sans succès, car
se réalisent les paroles de la Sainte. Écritur~ .
« Ceciderunt sacerdotes in hello... dum sme conslllo
exeunt in prœlium» (1 Machabées V,. (7). .,
"De nos jours, les-prédicateurs exprlment. avec mSIS-
tanèeleur désir de posséder de nouvelles péncopes pour
les dimanches car celles actuellement en usage ne
contieanent q~'une petite partie de nos Saints ~iv;es
et ont déjà été largement utilisées pour 1a. prMlcatlO~
homilétique. Mais celui qui connaît les ddficultés qUl
s'opposent ~ cette réalisation n'attendra P:u' pour
renouveler le fond de ses sermons et accrOltre leur
intérêt, après l'âœompli,s sement très incertain de ce
vœu, il introduira à côté de nos pél'icopes actuelles la
rationalisation de la prédication. . de l'abbé M. Grandclaudon. Éditions Salvator, Mulhouse.
Et justement s'offre au préd~c~teur un ~o~en vénta-
blement pratique; le cours SUiVi de pr.édications. Il est
'un fait intéressant,'""e'est que le pubhc actuel préf~re
entendre toute une série de sermons sur tel ou tel sUJet
plutôt que des instruction~ sans lien en~e elles et
portant sur des sujets dlfféFents de. dimanche en
AVANT-PROPOS 19"
dimanche ..L'auteur' de ces lignes a prêché, dans l'église
de l'Université pazmany, devant le public cultivé d'une
grande ville, pendant un an sur l'encyclique « Quas
primas li relative au Christ-Roi (I),pendant deux ans sur
les Commandements (2), actuellement il parle sur lé
Symbole (3) et il est réellement touché de l'attention
ces séries de prédications. .
Du reste les sujets appropriés à de plus ou moins
longues séries d'instructions et capables de susciter
l'intérêt ne manquent pas. En voici quelques-uns: les
, Miracles de Notre-Seigneur, les Paraboles, les portraits
biblîques de l'Ancien et du Nouveau Testament, les
Sacrements, la Sainte Messe, etc. les auditeurs sont
aussi grandement impressiollnés, lorsqu'en suivant le
développement systématique de ces prédications, ils
peuvent s'apercevoir du travail que le prédicateur
s'impose pour le salut de leurs âmes.
VII. Enfin, il est indis}3ensable au succès de la
prédication d'y apporter une préparation sérieuse. On ne
saurait assez insister sur ce point que ce que l'on
appelle « la langue bien pendue li, la facilité de la parole,
n'est pas du tout une ~ertitude de succès. En effet la
question n'est pas de savoir si nous parlons, mais
(1) • Le Christ et les Problèmes du temps présent» tJ,'aduction
(2) « Les Dix Commandements de Dieu» traduction de
l'abbé G. Delagneau en 2 tomes. ÉditionsSalvator.
(3) « Le Symbole des Apôtres ", Ire Partie, DIEU, (leprésent
volume). - Hme Partie, JÉSUS-CHRIST. - HIme Partie, LES
SOUFFRo\NCES DU CHRIST. - IVme Partie, LA RÉSURRECTION.
~ v me Parti~, LE SAINT-ESPRIT. - Vlme Partie, LA
COMMUNION DES SAINTS. Éditions Salvator, Mulhouse • .
 20 AVANT-PROPOS
comment nou~ ' parlons. Celui qui ne se prépare que
_rapidem ent et superficiellement à prêcher , n'a pas la
moindre idée de la mission sublim e du prédicateu 'i' et
de la lourde responsabilité qui pèse sur lui. Ceux qui
se vantent de -leur facilité de préparation devraient
seulement se rendre compte de la difficulté que l'on a
à les comprendre. Ils devraient bien prendre en consi-
dération ces paroles de ' saint Paul: « ••• ne cum aliis
praedicaverim, ipse reprobus efficiar » (1 0 Corinthiens
IX, 27), et cet ' avertissement de Cicéron: « Quoties
dicimus, toties de nobis judicatur ».
A ces prédicateurs qui se préparent si vite et si aisé-
ment je voudrais rappeler un trait de la viede Lacordaire,
alors à l'apogée de sa réputation d'orateur. Un jour '
qu'il visitait un pensionnat, le directeur lui demanda
d'adresser « quelques mots » à ses jeunes gens. Et
l'illustre prédicateur répondit: « Si vous me l'aviez
demandé plus tôt,j'aurais réfléchi à ce que je devais dire.
Mais j'ai en trop haute estime la parole publ ique que
pour parler sans préparation VoiUl ce que l~on peut
)J.
appeler « le respect pour la majesté de la parole» dont
Mgr Keppler a parlé d'une manière si pénétrante.
Une préparation approfondie est exigée non seule-
ment par le respect dû à la parole de Dieu, mais aussi
par la mentalité de ceux qui aujourd'hui fréquentent
les églises. Où est le temps où l'auditoire écoutait avec
respect et soumission toutes les paroles tombées de la
chaire de ,vérité, même si on les présentait sous une
forme très"simple et sans p"rétention? Le public actuel
gâté par les livres, les journaux, la radio, les confé:.
rences, critique ' plus sévèrement, pèse l es paroles du
prédicateur et s'il est rebuté par des expressions
banales ou des instructions mal préparées, il ne met
plus les pieds à l'église.
AVANT-PROPOS ZI
Celui qui veut prêcher aux hommes d'aujourd'hui
écrasés par les soucis, aigris, mécontents et insensibles
aux choses de l'éternité, sur la vie surnaturelle et ses
vérités, celui-Ià"a besoin de s'y préparer tout particu:.·
lièrement. NOllS d evons donc être bien persuadés que
celui qui de nos jours veut remplir, même avec . un
succès relatif, la tâche difficile de ministre de la parole
de Dieu devant des auditoires devenus fort exigeants,
a besoin d'une préparation approfondie et très soignée.
Pendant 'tout le cours de la semaine, il faut sans cesse
s'occuper de son sujet, observer et juger les événe-
ments mondiaux et ceux ,de sa petite paroisse à ce point
de vue, travailler son sermon, le tourner sous toutes ses
formes et ensuite l'écrire (autant que possible ne pas
se contenter d'un plan) puis l'apprendre par cœur et
s'exercer, - tout cela exige du travail, un travail
fatigant, sérieux - mais c'est la source du succès. Par
contre que personne ne s'étonne si se vérifie aujour-
d'hui encore le vieil adage: «Qui ascendit sine Jabore,
descendit sine honore )).
Tandis que le prédicateur prépare son sujet, réfléchit
sur des questions dogmatiques ou morales débarrassées
de leurs termes techniques et s'efforce de les revêtir de
forme s et d'expressions appropriées aux Besoins des
âmes des auditeurs, il accomplit le même travail qu'un
transformateur électrique qui permet au courant à
haute tension provenant de'la 'c entrale lointaine d'être
utilisé pour la consommation courante journalière. C'est
en cela que réside le côté fatigant ' de la préparation :
passer de la logique à , la psychologie; donner à
des définitions livresques incolores les teintes fraîches
de la vie, pour que le sermon ne soit pas trop doctri-
naire et ne se perde pas dans les nuages de subtilités
 22 AVANT-PROPOS
philosophiques, mais se dégag e des pâles abstractions
pour pénétrer dans la vie réelle.
_On ne peut nier que le ministère pastoral actuel,
avec ses(jœuvres, ses réunions dè toute sorte, absorbe
tellement le prêtre que celui-ci est souvent obligé de
réduire fortemen-t le temps de la préparation indispen-
sable au succès de la prédication. C'est un fait pro-
fondément regrettable. M:ai-s c'est une autre question
de savoir si l~on peut s'en accommoder, si les à-côtés
du ministère pastoral ont le droit de détourner le prêtre
de sa tâche la plus importante, la prédication de la
parole de Dieu. Pour ma part, je crois-que les apôtres
seraient aujourd'hui encore du même avis qu'il y a
dix-neuf siècles, quand ils confièrent aux diacres leurs
occupations ' accessoires en disant: « Nos vero orationi
et ministerio ve!'bi instantes erimus» (Actes VI, 4).
Assurément ùn bon. sermon est toujours le fruit d'un
travail sérieux et fatigant. Be même que l'abeille va
de fleur en fleur, pour en puiser le suc, le transformer
. etproduîre le miel, de même il faut que le prédicateur
lise beaucoup, apprenne beaucoup, pense beaucoup à
son sujet, pour capter des idées, les travailler, les déve-
lopper, leur donner leur forme définÎtive et les trans-
crire. Tant que le sermon Q'est pas au point, nous
éprouvons toutes les angoisses, les fatigues, les peines
d'une action créatrice. Ceux qui écoutent un sermon ne
se cloutent pas le moins du monde des réflexions et deR
lectures, des suew's, de la fatigue intellectuelle et ner-
veuse qu'il !'a cofttées. Cependant pour le prêtr~A zélé
cette prép;tration absorbant~ qui se poursuit de semaine
en, semaine pendant des dizaines d'années n'est pas une
charge ni une contrainte, mais l'occasion de faire un des
sacrifices inhérents à la vie sacerdotale, elle n'est pas
'une source de mauvaise humeur, mais le départ
AVANT-PROPO';
enthousiaste d'une croisade pour ta conquête des âmes,
un des exercices les plus utiles de l'ascétisme sacerdotal ,
contemporain.
•••
Pour mon cycle de sermons sur les Commandements
j'avais écrit une préface intitulée « La prédication nou-
velle ». On comprendra plus facilement la manière de
réaliser les conseils qui y étaient donnés en lisant la
présente préface. ,
Puissé-je réussir par mes sermonnaires à faire avancer,
ne serait-ce que d'un pas, la sainte cause de la prédi -
cation nouvelle, afin que pour chacun de mes frères
dans le ministère et pour l'auteur de ces lignes, se
réalise cette phrase de nos Saints Livres : « Dedit mihi
Dominus linguam mercedem meam et in ipsa laudabo
eum» (Ecclésiastique LI, 30) . .
Et que se réalise a~ssi pour . chacun d: ?~Us qUI
prêchons la parole de Dle\),Ja pnère du brevl~lre ~ue
nous répétons si fréquemment :« Per evangehca dlcta
deleantu,r nostra delicta 1 Il
L'AUTEUR.
 r

(1 DIEU EST .ESPRIT "

Mm; FRÈRES,

Connaissez-vous la légende de la statue voilée de

Saïs? La douloureuse et émouvante légende de l'auda-
cieux jeune homme?
Une vieille légende égyptienne raconte que l'origine
première de toute divinité et de toute vie est la déesse
Isis dont l'image était conservée à Saïs, derrière un
voile de velours et d'or. On rapportait au sujet de cette
image que quiconque soulevait le voile de ,cette statue
saisissait les plus profonds mystères religieux; mais
personne n'avait le droit de l'enlever sinon les prêtres
ehargés du service de la déesse.
Or il y avait un jeune homme qui n'arrivait pas à
apaiser sa soif de savoir ... à tout prix il voulait en savoir
plus long sur la divinité ... Une nuit, il se glissa dans
le temple et d'une main tremblante souleva le voile
de Saïs ...
Ce qu'il vit, il ne le dit à personne; car lorsque le
lendemain les prêtres entrèrent dans le temple, l'auda-
 LE SYMBOLE DES APOTRES
cieux jeune homme gisait sur le sol, blanc comme un
mort, muet et privé de raison. Qu'est-ce qui 'l'en avait
privé ? ~récisém~nt èe qu'il avait réell~ment vu; il avait
pénétré au plus profond de la religion païenne; il avait
vu qu'elle n'était 'qu'un grand mensonge, car derrière
le voile il n'avait déc~>uvert qu'un grand vide béant ...
Eh bien! mes frères, notre sainte religion chrétienne
n'a pas peur que l'on soulève son voile. Non seulement
elle n'a pas peur, mais elle nous y invite expressément:
Approchez-vous de Dieu! Qu'Il ne reste pas pour vous
une image voilée et caçhée dans le lointain! Parlez
beaucoup de Lui, pensez à Lui - autant qu'en est
capable la faible raison humaine -essayez de Le
connaître toujours davantage 1
C'est cette soif de connaître que je voudrais apaiser
dans les instructions qui vont suivn;. Y a-t-tÏ un Dieu?
C'est ,ce que j'ai traité jusqu'à présent. Qu'est-ce que
Dieu? Tel sera désormais le sujet de mes prédications.
Mais n'y aurait-il pas du danger à penser autaQt 'à
Dieu, à réfléchir ainsi à son sujet et à tant en parler?
Ne nous arrivera-t-il pas ce qui s'est produit pour le
jeune homme de Saïs? N'ayez pas peur, mes frères!
Suivons hardiment notre, route! Je sais, par une sainte
conviction, que finalement nous ne subirons pas le
sort infortuné du jeune homme de Saïs, mais que pleins
d'une joie respectueuse, fortifiés dl\ns notre foi, nous
nous prosternerons devant notre Dieu mieux connu et
mieux aimé.
Mais aujourd'hui, avant de faire les premiers pas,
il faut que nous cherchions un guide. Jusque maintenant
c'était la raison, pourra-t-elle continuer ce rôle?
DlhU EST ESPRlT 27
1
QUI SERA NOTRE GUIDE?
Jùsqu'au sermon d'aujourd'hui, c'est la ra·ison toute
seule qui nous a conduits à Dieu. Nous lui avons
demandé : Y a-t-il un Dieu? Et nous avons obtenu
,cette réponse: Il faut qu'existe un ttre suprême et
tout-puissant que nous appelons Dieu~ La raison nous
a amenés tout près de Dieu; ici elle s'arrête, elle est
arrêtée devant le voile qui cache Dieu, et ne peut aller
plus avant.
L'aiguille aimantée indique avec précision à l'explo-
rateur le pôle nord; mais lorsqu'il arrive dans le voisi-
nage du pôle, alors l'aiguille devient folle et lui refuse
tout service; de même la raison humaine perd de son
assurance et se révèle impuissante, dès qu'elle s'approche
du my~tère par excellence, dès qu'elle s'approche de
Dieu.
Les païens les plus sages se rendaient déjà compte
de la difficulté de cette tâche. Le tyran de Syracuse,
Hiéron, ,posa un jour au philosophe Simonide cette
question : « Dis-moi, qu'est-ce que Dieu? » Le sage
demanda un jour de réflexion. La journée passée, il
demanda deux autres jours ... ensuite quatre ... et puis
huit... Finalement il déclara au tyran impatient :
« Plus je réfléchis sur la question, plus je t170uve la
réponse difficile» (Cicéron: De n~tura deorum l, 33).
l ,
28 LE SYMBOLE DES APOTRES
Voyez comme la raison humaine s'efforce de soulever
.le voile et comme, livrée à elle-même, elle en est
incapable! ' /
Alors, il fant se contenter de savoir què Dieu existe,
mais qu'il est impossible de Le connaître de plus près?
Non, mes frères! L'homme ne peut pas se contenter ,
de cette réponse. C'est pour cela que la raison nous
apprend: déjà quelque chose sur les attributs divins.
Là 011 s'arrête la raison, nous arrive l'aide d'une main
ferme pour soulever le voile qui cache la face de Dieu,
c'est la main robuste de la Foi.
a) Qu'est-ce que Dieu? La raison humaine dit son
mot. ,Sans doute, elle ne peut pas dire grand'chose,
toutefois elle dit quelque chose. Non seulement elle
affirme qu'il y a un Dieu, mais elle dit aussi combien
il faut que Dieu soit grand, immense et puissant.
Dieu! Indiquez-moi un seul point du vaste monde
où son nom sacré serait étranger ou inconnu! Dès
l'aube, le paysan lève les yeux vers le ciel pour adorer
Dieu. Le malade crie vers Lui, l'infirme L'implore.
Le méchant Le redoute, le bon met sa confiance en
\
Lui. L'enfant s'agenouille devant Lui et le vieillard
se tourne, vers Lui. C'est de Lui que le pauvre attend
du secours et c'est devant Lui que se prosterne le roi. '
Nous savons 'que pour, tous Dieu est tout.
Dieu! Autant il 'y a d'étoiles dans le ciel, autant de
brins d'~erbe dans les prairies, autant de poissons dans
les flots, autant d'oiseaux dans les airs, autant de feuilles
dans la forêt, autant de fleurs dans les champs, autant
de grains de sable sur le bord de la mer et autant de
gouttes d'eau dans l'océan, autant possédons-nous de
DIEU EST ESPRIT 29
preuves éloquentes de la grandeur de .Dieu. « Inte~roge
les bêtes et elles t'instruiront, les OIseaux du CIel et
ils te l'apprendront; demande à la terr,e et elle t'ensei- ,
gnera; même les poissons de la mer te le raco~teron~.
Qui ne sait 'parmi eux que la main de Jahve a faIt
toutes choses? » (Job XII, 7-9). « Car toute 'maison
est construite par quelqu'un et celui qui a construit
toutes choses, c'est Dieu » (Hébreux III, 4)'
Autour de moi tourbillonne ce merveilleux univers
avec ses millions de corps célestes. Il tourne depuis des
millions d'années avec une régularité parfaite dans son
immense révolution. Les gens sont en admiration devant
la vitrine d~un horloger. Sous un globe se trouve une
pendule avec cette inscription : « N'a besoin d'être
remontée que tous les 400 jours ». Tout le monde
admire la pendule et encore plus celui qui l'a faite.
Or remarquez-le, vous avez sous les yeux l'infiniment
plti s beau et pl\,ls compliqué mécanisme de yunivers
et il n'a pas besoin d'être remonté. CombIen sage,
combien puissant, combien infini doit donc être le
Créateur de l'univers. La raison seule le dit déjà.
« Ne cessez de tourner les pages du livre éternel
de la nature; il renferme l'image de Dieu» (Vorosmarty).
Par ces paroles le poète avertit ceux qui savent voir ,e t
réfléchir qu'il y a dans le monde créé des beautés par
milliers.
b) Mais cette image de Dieu que nous offre la natu~e
est voilée incertaine, insuffisante ... nous avons besom ,
d'une im~ge bien plus claire et plus exact.e. Qu'il y.ait
un Dieu, qu'il faille que Dieu existe, la rals.on humame !
s'en rend compte. Mais ce concept de DIeu est trop,
 DIEU EST ESPRIT 31
3° LE SYMBOLE DES APOTRES

saint qui a le péché en horreur, le Dieu patient qui ne

étroit, trop vague, trop froid et obnubilé. Il y a un Dieu
dit la raison humaine. Mais comment est Dieu il n'y ~
châtie pas immédiatement le pécheur;' le Dieu miséri-
cordieux qui appelle à Lui tous les pécheurs. Sous
que Dieu lui-même qui puisse nous le dire plus exac-
quels nobles traits Notre-Seigneur ne nous a-t-Il
tement. « Et personn.e ne connaît le Père sinon le Fils
pas fait connaître Dieu? Et ces traits nous les étudierons
et celui à qui le Fils veut le révéler» (S. Matthieu XI, 27).
successivement dans les sermons qui suivront; certai-
Voilà donc, mes frères, la main forte et puissante
nement il nous faudra atteindre à des hauteurs verti-
qui nous aidera à soulever le voile : la main secourable
gineuses et sonder des abîmes sans fond; mais ne
de la Joi, la Sainte Écriture nous parlant de Dieu et
craignons rien : le Christ nous tient par la main.
Notre-Seigneur Jésus-Christ parlant de Dieu.
Engageons-nous donc, mes frères, sur cette grande
Dans les points de vue situés à' une certaine altitude
route. Où nous conduisent nos, premiers, pas? A la
il y a généraleinent un télescope et pour quelques sous:
lumière de la Foi, n'avançons aujourd'hui que de
on peut y regarder e~ contempler le panorama et les
deux pas, mais ils nous transportent déjà à des hauteurs
montagnes qui ferment l'horizon. Nous nous trouvons
à côté de celui qui regarde dans l'instrument et qui insoupçonnées.
s'exclame continuellement : « Quelles roches magni-
fiques! Quelles gorges! Quelles profondeurs! Quelle II
beauté! Quelle merveille! » Les autres personnes ne
voient l'ien, de tout cela et croient celui qui a la lunette IL N'y A QU'UN SEUL DIEU.
devant les yeux. Le Christ voit Lui aussi dans l'éternité.
Plaçons-nous donc près de Notre-Seigneur, près de
« Je crois en un seul Dieu ». C'est ainsi que commence
la Sainte Écriture, et écoutons ce qu'ils disent de Dieu.
le Symbole des Apôtres et ce sera aussi notre premier
Notre ' raison nous . dit seulement que Dieu est grand
infiniment puissant,.. mais combien nous en disen~ pas. Je crois en un seul Dieu.
Actuellement nous ne pouvons plus bien nous rendre
davantage à son sujet la Foi et Notre-Seigneur
compte de l'immense valeur spirituelle que renferme
Jésus-Christ. -
cette affirmation : il n'y a qu'un Dieu. Dans les pays
De ce que nous dit Notre-Seigneur nous savons ce
qu'est Dieu. « Celui qui me voit, voit aussi mon Père », , chrétiens, chaque ''î>etit enfant récite : « Je crois en un
seul Dieu »; rien qu'en un, il n'y a qu'un Dieu. « Écoute,
dit un jour Jésus-Christ, et ainsi nous savons que Dieu
est tout' ce qu'est Jésus Lui-même: le Dieu bon qui Israël, le Seigneur est ton Dieu, le Dieu unique»
nous attend dans l'éternité bienheureuse, le Dieu juste (Deutéronome IV, 35), c'est ainsi que Moïse parla à
' llui récompense ou punit , selon les œuvres, le Dieu son peuple et ce petit peuple conserva sa foi en un seul,
32 LE SYMBOLE DES APOTRES
Dieu an milieu d'une mer d'idolâtres et le « Credo in
unum Deum », «. Je crois en un seul .Dieu » est deven u
la vérité fondamentale du Credo chrétien.
y a-t-il une vérité religieuse qui, puisse être regardée
comme plus évidente et plus naturelle? Après combien
d'erreurs pourtant l'humanité a-t-elle pu parvenir
jusqu'à elle? Dans quelle ,a berration l'humanité n'a-
t-elle pas été' plongée durant des siècles, sous le rica-
nement des innombrables divinités du paganisme?
On ne peut actuellement se faire une idée des luttes
et des sacrifices sanglants que se sont imposés les
chrétiens pour arriver enfin il faire entrer une vérité
qui nous paraît si éclatante dans le domaine spirituel
de l'humanité. Le sang des premiers martyrs a coulé
pour la foi en un seul Dieu. Les missionnaires ont
renoncé à leurs familles, aux commodités terrestres,
au repos de leurs nuits et souvent même à leur propre
vie, pour évangéliser les peuples païens, pour leur
enseigner la foi en un seul Dieu.
Si aujourd'hui on admet comme une vérité évidente
la foi \ chrétienne en un seul Dieu, n'oublions pas
cependant de songer avec reconnaissance à ceux qui
par leurs travaux apostoliques ont donné à notre pays
la véritable civilisation; à saint Étienne, à saint Gérard,
à saint · Ladislas. Et n'oublions pas de soute,n ir par nos
prières et par nos offrandes ceux'- qui actuellement
luttent en pays'de mission pour ériger à la place des
faux dieux les 'autels du seul vrai Dieu.
Et surtout n'oublions pas une ,~hosel Sans doute les
idoles de l'ancien paganisme sont. détruites chez nous
depuis longtemps, mais dam combien de cœurs humains
DIEU EST ESPRIT
n'ont-elles pas été remplacées par les idoles du paganisme
moderne,' la cupidité, la luxure, l'orgueil? Or « personne
ne peut servir deux maîtres », on ne peut donc pas
servir à la fbis le seul vrai Dieu et les idoles.
Il n'y a qu'un Dieu.
, Mais poursuivons notre route et soulevons un peu
davantage le voile: Qu'est-- ce que Dieu?
III
DIEU EST ESPRIT.
Notre-Seigneur parcourant la Palestine arriva un jour
à Samarie. Les Juifs évitaient cette localité, car à
l'époque de la captivité de Babylone, les Samaritain:s
avaient contracté des mariages avec les païens et avaient
adopté leurs usages et le peuple juif, de retour de la
captivité, ne les avait plus reconnus comme un peuple
frère. Aussi s'étaient-ils bâti un temple à eux sur le
mont Garizim.
C'est là que se dirige Jésus et que, dans le voisinage
de cette ville, il s'arrête fatigué près du puits de Jacob.
Une Samaritaine arrive pour chercher de l'eau et c'est
alors que s'engage entre le Divin Maître et cette femme
une ' conversation sublime. Il est impossible de lire,
sans être ému, le quatrième chapitre de l'évangile selon
saint Jean qui rapporte tout au long cette conversation.
La femme pose d'un air , angoissé cette question :
« Seigneur, où faut-il adorer Dieu? Nos pères ont
Symb, d. Ap. - T. 1 S
34 LE SYMBOLE DES APOTR~S
adoré Dieu sur cette montagne, mais vous dites que
c'est à Jérusalem qu'il faut L'adorer» (S. Jean IV, 20).
Et Notre-Seigneur prononce alors l'affirmation qui
constitue la base inébranlable de notre foi : « Dieu est
esprit et ceux qui l'adorent doivent L'adorer en esprit et en
vérité » (S. Jean IV, 24).
Qu'est-ce que Dieu? « Dieu est Esprit ». Méditons,
mes frères, sur ce texte. L'enfant l'apprend au caté ..
chi~me et pourtant le plus profond des théologiens est
incapable d'en épuiser le contenu.
1) Dieu'est Esprit: Cela veut d'abord dire qu'il n'a
pas de corps. C'est là une vérité banale pour nous autres
chrétiens. Mais en même temps surgissent devant nous,
comme des spectres, les tristes aberrations des siècles
passés ainsi que les misérables concepts des païens de
notre époque. Aujourd'hui encore il y a des centaines
de millions d'hommes qui reconnaissent et adorent
Dieu dans la pierre, les fétiches, les idoles, le soleil,
le feu. Et parmi eux je ne compte pas seulement les
. nègres ou les Papous de l'Australie, mais aussi ces
païens civilisés qui cherchent Dieu dans la matière et qui
regardent le monde, l'univers, les forces de la nature,
ces forces aveugles, sans cœur et sans âme, comme la
Divinité. Sans doute, elle est puissante la force gigan-
tesque qui ci pu faire sortir des entrailles de la terre des
montagnes jusqu'à huit mille mètres d'altitude~ Mais
cette force a-t-elle une volon 'é, peut-elle être Dieu?
Assurément, il est ravissant le renouveau printanier,
lorsque les chauds rayons du soleil versent leurs ~ourires
sur la campagne, mais un tel Dieu peut-il donu'er une
réponse à un cœur humain qui souffre, peine et lutte?
DIÈU EST !';s PRi1'
Non, mes frères, Dieu est Es-prit. .
2) De ce fait découle, une secor:de leçon, Di~ ~st
Esprit et précisément pour cela, tl nous est diffictle,
à nous qui sommes composés d'un corps ~t d'une âm~,
il est difficile de nous en faire une idée. Dieu est Espnt
et par suite nous avons du mal d'en parler avec clarté.
Le plu~ grand des prophètes de l'Ancienne Loi, .Isaïe,
l'a appris de Dieu lui-même: « De même ~ue le Ciel est
plus haut que la terre, de même Mes VOles sont plus
élevées que vos voies et Mes pensées au-dessus de vos
pensées)) (Isaïe LV, 9)' . . . • . '.
On ne peut donc jamais assez mSlster sur le fait que
Dieu est Esprit, qu'Il n'a pas de corps, si bien qu'il nouS
est impossible de parler clairement de ~ui, ~ nous ~ervant
des expressionsohumaines. Il ne faut JamaiS oubher que
lorsque nous parlons de Dieu, no~ empru~tons nos
termes, nos expressions, nos comparaisons, umquement
à la vie humaine et parce que nous sommes des créatures
humaines, nous ne pouvons ni penser ni parler autre-
ment.Nous devons sans cesse avoir devant les y~ux
que nous nous exprimons gauchement, ~ la ma!,uère
humaine, l~rsque nous parlons de « la mam de Dieu )),
de « l'œil de Dieu )), du « trône de Dieu )l, etc., comme
fait aussi la Sainte Écriture. Elle parle du « trône'~ de
Dieu », pour signifier la majesté divine; elle ?ar~e de
« la droite de'Dieu », du « doigt de Dieu », pour mdlquer
sa puissance; de la « personne » de Dieu, pour. repr~.­
senter son omniscience~ Mais nous devons saVOlr qu 11
ne faut pas prendre ces expressions à l~ lettre, car ~lles
ne sont qu'une manière de parler humatn~ et symboltq~e.
C'est en vain, il faut en être persuade, que la petite,

LE SYMBOLE DES APOTRES
raison humaine cherche à saisir le Dieu infini et s'efforce
d 'en parler avec exactitud~.
Comment, je ne le'- puis pas? Non! L'intelligénce
humaine la plus fine ne le peut pas non plus. A quelle
distance ne sommes-nous pas d'un génie tel que
saint Augustin et pourtant il écrivait ceci: Dieu dépasse
tO'!te expression. Il est plus aisé de dire ce qu'Il n'est
pas que ce qu'Il est. Dieu n'est ni la terre ni la mer.
l Tout ce qui se trouve dans la mer et dans les airs n'est
pas Dieu. Tout ce qui brille dans le ciel, les ~toiles, .
le soleil, la lune, tout cela n'est pas Dieu. Veux-tu savoir
,ce qu'est Dieu ? C'est ce que l'œil .n'a pas vu, ce que
l'oIeille n'a pas entendu, ce que le cœur de l'homme
n'a pas saisi. Mais tout ce que le cœur de. l'homme n'a
pas saisi, comment cela pourrait~il sortir de ses lèvres?
(In Ps. 85, 12).
Si saint Augustin parle de la sorte, nous n'avons plus
qu'à baisser humblement notre front et à reconnaître
que nous sommes incapables de . donner de Dieu une
définition claire et complète, parce que « Dieu est Esprit ».
Nous pouvons mettre en relief tel ou tel de ses attributs,
afin de Le rapprochèi de notre manière de voir, mais
donner de Dieu une définition est absolument impossible.
Alors nOUS ne savons rien de Dieu? Si! Nous ne
connaissons pas Dieu dans l'ensemble, parce qu'Il
réside dans une lumière invisible qu'aucun homme
n'a vue ni ne peut voir (1 Timothée VI, 16), mais ce
que nous pouvons savoir de Dieu à la lumière de la
foi nous met déjà devant les yeux un Dieu dont la
majesté nous donne le vertige.
Tel sera l'objet des instructions suivantes.
DIEU EST ESPRIT 37
•••
Qu'est-ce que Dieu '? Voilà la question qui va nous
occuper désormais et chaque sermon aura pour but
d~ tracer, avec une précision toujours plus grande,
l'image de Dieu dans notre âme.
Notre religion nous présente un tableau majestueux
de Dieu, mais on ne peut pas dire qu'il est complet,
clair et précis jusque dans les détails. L'âme unie à un
corps est incapable de s'approcher tout près de Dieu.
« Maintenant nous voyons dans un mirOIr, d'une
manière obscure» (1 Corinthiens XIII, 12). Mais savez-
vous quand no).lS aurons de Dieu une claire vision,
quand tombera le voile qui Le cache? Ce sera lorsque
luira la lumière éternelle; à cette lumière BOUS pourrons
voir Dieu.
« Que luise pour lui la lumière éternelle! » C'est une
magnifique coutume chrétienne, lorsqu'on dit adieu
à un défunt, tandis que les pelletées de terre tombent
dans la fosse, de lui crier pendant le grand voyage :
« Que luise pour lui la lumière éternelle! » Ce bref
souhait renferme tout ce que nous pouvons souhaiter
à nos morts. La lumière .éternelle! Où il y a de la
lumière, on peut voir; où il · y a la lumière éternelle,
c'est-à-dire, la plus intense des lumières, on voit tout :
on voit Dieu. « Que luise pour lui la lumière éternelle! »
cela veut dire : « Qu'il voie Dieu! » Or voir Dieu
constitue pour l'homme le bonheur suprême, l'éternelle
félicité.
Dans l'Ancien Testament déjà, l'homme ~vait le
i
\
1
 l.E SYM.HOLE DES APOTHES

pressentiment que ce ~erait pour lui le bonheur suprême

de voir Dieu. Aussi Moïse demande-t-il au Seigneur:
« Montrez-moi Votre_lace )) (Exode XXXIII, 13).
Saint Paul va plus loin: il accepte toutes les souffrances II
et .les persecutions pour arriver à voir Dieu~,(2e Corin-
thIens XI). Notre-Seigneur Lui-même ne peut pro-
mettre à ses plus courageux disciples, aux héros et DIEU EST MON PRR.'R
aux martyrs de la chasteté, ).lne récompense plus élevée
IL PREND SOIN DE MOi (1)
que celle-ci: « Bienheureux les cœurs purs, parce qu'ils
verront Dieu! )) (S. Matthieu V, 8).
Mes frères, nous verrons Dieu. Nous autres chrétiens
nous SOmmes des enfants des hommes qui cherchon~
à sortir des ténèbres pour parvenir à la lumière et au
milieu des ténèbres qui nous entourent nous le~ons la
têt~ vers la lumière éternelle, comme la petite fleur
La profession de foi catholique commence par ces
paroles extraordinaire,s : « Je crois en Dieu, le Père
qUI, de la chambre humide et obscure, dirige ses
Tout-Puissant )). Qu'y a-t-il donc d'extraordinaire dans
boutons pâlis vers les chauds rayons du soleil.
cette affirmation? Que nous croyons en Dieu? Pas du
Seigneur ne laissez pas s,e dessécher cette petite fieur!
tout. Que notre raison, notre cœur, notre passé e(notre
Seigneur, ne la laissez, pas se flétrir dans l'atmosphère
viciée d'une vie de péchés! avenir, notre vie terrestre et notre vie future nous
obligent à croire en Lui? En quoi y a-t-il donc quelque
. Seigneur, ne la laissez pas emporter par la tempête
du monde! Qu'à l'heure des adieux, quand je quitterai chose d'extraordinaire? En ceci que nous, chrétiens,
cette terre, on puisse me crier : Frère, puisses-tu voir rious osons appeler Dieu ~( Notre Père )) . .
Dieu et être heureux éternellement! « Que luise pour toi Sans doute, c'est pour nous quelque chose de tout
la lumière étemelle! )) Amen. naturel, une affaire d'habitude, à tel point que nous
avons de la peil).e à nous imaginer qu'il puisse en être
autrement. Mais cette connaissance sublime, nous en
sommes _redevables uniquement à Jésus-Christ, N otre-
Seigneur. La Grèce et Rome n'ont pas reconnu en
Dieu un Père, Boudha ne L'a pas 'vu ainsi/~Mahomet
ne L 'a pas prêché sous ce nom. Même le peuple élu
 LE SYMBOLE DUS APOTRES
de l'Ancienne Loi n'a pas eu 1'idée de l'appeler son
Père. A ses yeux, Dieu était un maître sévère qui
donnait ses commandements au milieu des éclairs et
du tonnerre , et qui en punissait rigoureusement la
transgression, jusque dans les générations à ·'venir.
De là cette terreur, pour nous presque incompré-
hensible, du peuple juif envers Dieu et qui avait pour
conséquence qu'il n'osait même pas prononcer le nom
divin.
Et voici qu'apparaît Notre-Seigneur Jésus-Christ
et sur ses lèvres retentit le mot extraordinaire : Abba 1
Pater! Notre Pèrel
Mes' frères ce fut le moment décisif où tÇlmba le
voile qui cachait la statue de Saïs. Notre-Seigneur
lui-même a écarté le voile qui enveloppait l'image de
Dieu et derrière nous avons vu, nous avons vu la sainte,
la sublime, ,la vivifiante réalité :, Dieu, notre Père.
Notre-Seigneur Jésus-Christ n'a pas cessé d'affirmer
constamment que Dieu n'est pas un maître cruel, qui
nous considère comme ses esclaves, mais qu'II n'est
p~s non plùs un trafiquant avec lequel on pourrait
faIre des affaires à la manière des Pharisiens qu'au
c?ntraire II est un Père qui s'intéresse à nous, q~i nous
aime de tout cœur.
, « Au commencement - Dieu créa le ciel et la terre »,
c est en ces termes que commence le premier livre de
la Sainte Écriture et ces preniières paroles nous montrent
, le Pieu -tout-puissant, infiniment sage, infiniment
fo~t, source' et créateur de toute chose. Cette image de
DIeu trouve son complément dans le Nouveau Testa-
ment : Dieu' n'est pas seulement la force mais aussi
DIEU EST MON PÈRE: ,IL PREND ' SOIN DE MOI
l'amour, Ir n'est pas seulement un juge sévère, mais
aussi un père bienveillant qui nous aide à observer
ses commandements!: « Notre Père» (S. Matthieu VI, 9).
{( Dieu, notre Père n, Quelles sont les conséquenèes
de cet àrticle de foi sublime et spécifiquement chrétien?
Tel sera le sujet des quatre inst,ructions suivantes.
l
, JE N'AI RIEN A CRAINDRE.
La première idée qui se présente à notre esprit et
qui du reste paraît toute naturelle est celle-ci: Si Dieu
est mon Père, alors je n'ai rien à craindre, car certainement
Il prend soin de moi. ' ,
Quelle réconfortante et' encourageante pensée: je n'ai
rien à craindre 1) ni dans la vie 2) ni dans la mort.
1) Je n'ai rien à craindre pendant la vie. Notre vic
est remplie par la crainte: l'écolier craint les examens;
l'adolescent craint de ne pas trouver de place; l'homme
mûr craint toutes sortes de difficultés; le vieillard craint
la maladie et la porte sous laquelle il nous faut tous
passer. Et voilà qu'au milieu de mes craintes, la
Sainte Écriture me dit : « Le Seigneur me conduit et
riellne me manquera; Il me fait reposer dans de verts
pâturages (Ps. XXII, 2).
1)
, « Ne crains pas! n Pourquoi craindrais-je, puisque
à plus de trente passages des Saints Livres je peux lire:
« Ne crains pas! n
 LE SYMBOLE DES APOTRES
Comme il fait bon d'entendre: « Ne crains pas1 Il
Cependant ayons soin de bien comprendre cette
~xpression. Que dit la Sainte Écriture? Ne travaille
pas? Non. Ne t'occupe pas de gagner ta vie? Non plus.
Ne . fais-- pas d'efforts? Non. 'Mais : Ne crains pas!
C'est-à-dire travaille, mais aie confiance en ,· Dieu,
. Aie confiance que la nacelle que tu pilotes durant cette
vie ne fera pas naufrage devant la première tempête.
Ne crains pas de sombrer. Aie confiance en moi,
Aie' confiance dans le Père qui est aux cieux.
Sur qui ou sur quoi pourrais-je du reste compter?
Sur la force de mon bras? Comme il est yite paralysé!
Sur ma jeunesse? Comme elle disparaît rapidement!
Sur ma vigueur? Comme elle est ' fragile 1 Sur les
hommes? Sans· doute sur eux aussi, mais en général
ceux qui sont bien disposés pour nous 'ne peuvent pas
nous aider et ceux qui le pourraient ne le veulent pas.
Et maintenant écoutez ces paroles de Notre-Seigneur,
où il fait allusion à nos préoccupations terrestres :
« Votre Père sait que vous avez besoin de toutes ces
choses »(S. Luc XII, 30). Qui est-ce qui le sait?
Est-ce le sévère Législateur? Est-ce le Juge austère?
N on. Ce n'est pas ce que dit Jésus. Mais bien : « votre
Pere » le sait.
Quel bonheur pour moi d'avoir un Père, un Père
fort et puissant 1
Une tempête furieuse fait rage sur l'océan et le
grand 'navire est ballotté comme une coquille de noix
sur les vagues écumantes. Les passagers épouvantés
perdent la tête, poussent des clameurs; seul un petit
enfant continue à jouer au milieu du turnulte : .c'est
DIEU EST MON PÈRE : IL PREND SOIN DE MOI 43
le jeune fils du pilote. Finalement le vaisseau échappe
au danger. Les passagers demandent alors curieusement
. à l'enfant pour quelle raison il a pu demeurer si calme
dans un si grand péril et pourquoi il n'a pas eu peur.
Avoir peur? Mais c'est mon pere qui tenait le gou-
vernail! répondit l'enfant avec une naïveté déconcertante .
C'est mon père qui tenait le gouvernail. Ah 1 si .je~
. pouvais proférer les mêmes paroles à chaque épreuve
qui me frappe, sur le sombre sentier de la vie que je
dois suivre jusqu'au bout 1 Ah 1 si .seulement je pouvais
m'appliquer à moi-même, aux jours de détresse, ces
paroles de Notre-Stiigneur : « Je ne suis pas seul,
car le Père est avec Moi )l (S. Jean XVI, 32). Ah! si
seulement je pouvais dire avec le "psalmiste : « Seigneur,
j'ai espéré en Vous. J'ai dit: Vous êtes mon Dieu.
Mes destinées sont dans Vos mains)) (Ps. XXX, 15)·
« Le Seigneur est mon guide; je ne manquerai de rien ...
et quand je marcherais dans une vallée d'ombre
mortelle, je ne .craindrais aucun mal, car Vous êtes
avec ' moi )) (Ps. XXII, 1 et 4.).
2) Je n'ai rien à craindre même à l'ombre de la mort.
Si j'ai un père, j'ai aussi une patrie. Une patrie
étern~lle. Dès lors j'ai aussi de quoi répondr~ à l'angois-
S(lnte question de la vie d'ici-bas. Quelle est cette angois-
sante question? .Celle-ci : le monde est une machine
gigantesque qui se meut à grand fracas; tout n'es~
qu'une course précipitée, mais dans quel but? PourquoI
la vie? Pour mourir? Çe n'est pas une réponse. Pourquoi
la vie? Pour rendre servit;:e aux autres ~ Est-ce là uné
réponse? Car je pose cette nouvelle question : les
autres pourquoi vivent-ils? Tous nous nous donnons
 LE SYMBOLE DES APOTRES
du mal, nous travaillons à la sueur de nas fronts :
dans quel but? Progressons-nous ou bien sommes-nous
en décadence ? Sommes-nous optimistes ou bien pessi-
mistes? Notre vie n'est-elle qu'une feuille qui tombe,
une vague qui, disparaît' dans les flots écumants ou
bien la porte de l'éternelle patrie auprès de Dieu
ê'ouvre-t-elle toute grande devant nous?
« Je crois en Dieu le Père Tout-Puissant» c'est-
à-dire: j'ai un Bère qui m'attend. Et devant la mort je
dis ces paroles du Christ: « Je vais chez mon Père »
(S . Jean XVI, 10). Et je dis encore: « Père, je remets
m: n âme entre vos mains» (S. Luc. XXIII, 4 6).
Ah! Quel honheur qlle Dieu soit notre Pere, un Pere
plein de ,ollicltude pour nous!
II
LA .PROVIDENCE,
Ici; mes frères , j'emploie un mot sur lequel j'ai le
devoir d'insister, je veux parler de la «divine Providence».
Il suffit de prendre en mains un journal de n'importe
quelle date et au spectacle des innombrables accidents,
des souffrances et des larmes que nous y décoU\V:ons ,
nous comprenons qu'il n'y a guère un autre article de
foi qui puisse être autant mis en .doute que celui qui
se rapporte à la Providence de notre Père du ciel.
Nous autres 'chrétiens, nous savons bien qu'il nous
faut souvent rassembler toutes les forces de notre âme
DIEU EST MON pfmE : IL PREND SOIN DE MOI 45
pour chasser nos propres doutes: Dieu est-Il vraiment
pour nous un Père qui prend soin de nous? '"'
Que de plaintes l'on entend! Où est le Père, où est
le Dieu-Providence? Du ,fond de l'abîme j'ai crié vers
Lui et Il ne m'a pas entendu. Les mains ' jointes, j'ai
prié devant les marches de son autel et Il n'a pas prêté
attention. Toute ma vie, je Lui ai été fidèle et pourtant
le vaisseau sombre avec moi. J'ai toujours observé ses
commandements et cependant Il ne détruit pas les
baciUes , q':li me rOngent intérieurement. Quand la
foudrè tombe, quand le fleuve déborde et brise ses
digues, quand les hommes meurent par milliers dans
les épidémies, quand cinq petits enfants souffrent la'
faim et de~iennent ,orphelins ... où est donc la Provi- 1
den ce divine? Il n'y a pas de Providence, mais la des-
tinée. Le sort dur et cruel. C'était écrit dans les étoiles.
Mes frères, combien d'âmes meurtries n'ont-elles
pas eu cette pensée: il n'y a. pas de Providence, il n'y
a pas de Providence.
Que faut-il leur répondre? Que faut-il leur dire?
,1) Si je voulais me faciliter la tâche, savez-vous ce
que je répondrais? Je n'aurais qu'à vous présenter
d'autres hommes : ceux qUi proclament avec un cœur
reconnaissant: Oui, il y a une Providence. Nous lan-
guissions dans une misère ineXprimable et au dernier
moment nous est · venu le salut. Le - médecin avajt
abandonné notre mère gravement malade et à la dernièt;e
minute elle a retrouvé la santé. Lors de l'accident de
tramway je suis demeuré sain et sauf et aujourd'hui
encore je ne sais, pas comment cela a pu se faire. Tout
mon travail semblait avoir été fait en vain et finalement
 LE SYMBOLE DES APOTRES
il a été couronné de succès. Il y a une Providence.
Voilà cc que je répondrais.
Cependant je sens bien qu'une semblable réponse
ne résout pas la question. Il ne suffit pas de dire sim-
plement' à ceux qui se plaignent: vous avez tort, car
il y en a beaucoup qui, malgré leurs souffrances, croient
en la Providence. Mais j'ai le devoir de leur dire :
Écoutez, frères malheureux. Je vais vous exposer quel-
q ue~ idées qui vous aideront certainement, au milieu
des maux de cette terre, à entrer dans le camp vainqueur
des croyants. . et la divine Providence prêchée par le Rédempteur.
2) Quelles idées? D'abord l'ordre qui règne dans le
monde, ensuite-vérité qui lui est connexe ---;- l'harmonie
des [où de la natùre. Dieu a créé le monde dans un
ordre magnifique, il lui a imposé des lois et nous ne
pouvons pas exiger (Je Dieu qu'Il brise à cause de nous
l'ordre du monde. Les forces de la nature sont plus
puissantes que l'homnle et le Seigneur n'a pas fait
cette promesse que celui qui croit en Lui ne rencontrera
aucun obstacl~ en ce monde, qu'il sera préservé de
toute souffrance, mais seulement que si nous croyons
en Lui, Il nous dpnnera la force de surmonter la souf-
. france. Dieu n'a pas seulement créé la vie humaine,
mais aussi la loi de la pesanteur. Si une tuile se
détache d'un toit, il faut qu'elle tombe, conformément
à cette loi. Tel est l'ordre du monde. Et si votre petit
enfant qui joue devant la maison est mortellement
atteint par cette tuile qui tombe, vous n'avez pas le
droit d'accuser pour cela la ~rovid ence.
Pour expliquer les mauvais coups du sort, il faut
aussi r~marquer que ce qui est un mal pour les uns
DIEU EST MON PÈRE: IL PREND SOIN DE MOI 47
èst par contre un bien pour d'autres. La tempête a
peut-être endom~agé votre toit, mais en même · temps
elle a purifié l'atmosphère. La pluie a peut-être con-
trarié votre excursion et vous en êtes irrité; mais sans
la pluie il n'y aurait pas de moisson. La sagesse de Dieu
sait mieux que nous ce qu'elle fait.
3) Et maintenant nous voici en présence de cette
grande et lumineuse vérité: la sagesse éternelle de Dieu.
Relisons avec réflexion l'Œdipe-Roi de Sophocle
et nous comprendrons ce que signifient la Rédemption
Quelle poignante tragédie nous présente le drame de
Sophocle: les ple~rs' et les sanglots de l'âme humai~e
avant la venue du Christ. Le poing d'un sort impitoyable
d'un aveugle destin écrasait l'homme qui tendait les
mains vers le ciel, mais le ciel restait muet et impassible.
Le chrétien est aussi écrasé par la vie, lui aussi tend
les mains vers le ciel, mais il sait que notre Père s'y
trouve, et qu'Il écoute les prières de tous ses enfants.
Il les écoute, mais les exauce-t-Il aussi? Mes frères,
réfléchissons bien 1 On peut adresser à Dieu toutes
sortes de prières; que de soucis, que de peines dans
une vie humaine! Le cœur paternel de Dieu écoute
tout patiemment; ensuite sa sagesse et sa toute-science
font un choix parmi ces prières. Celles qu'Il juge suscep-
tibles d'un résultat utile, Il les exauce, com~e nous
l'avions désiré. Celles qu'il voit défavw ables à notre
destinée éternelle, Il ne les exauce pas de la ,manière
que nous l'avions souhaité. Pourtant aucune prière,
aucune lettre adressée au ciel ne demeure sans réponse,
seulement la réponse n'est pas toujours rMigéecomme nous

LE SYMBOLE DES APOTRES
l'avions espéré, ' comme notre raison enfermée dans
son enveloppe terrestre se l'était imaginé, mais de la
manière que notre Père qui veille sur nous depuis
des milliers ,d e siècles dans le cadre de l'éternité, juge
la plus avantageuse pour nous.
Nous devons tous être persuadés que l'aigle royal
qui plane à une altitude de deux à trois mille mètres
voit le monde, les hommes et les événements tout
dift'éremment qu'un coq grattant dans la basse-cour.
4) Et cette sagesse dirige non seulement les individus,
mais aussi les peuples.
Il est vrai que, à l'époque troublée où nous vivons,
notre génération actuelle a beaucoup de mal à découvrir
la pensée sublime qui veille sur le monde et dirige
son évolution et à croire en la divine Providencè.
Si nous détournons nos regards du chaos actuel pour
les reporter sur les siècles passés, il est impossible de
de pas discerner la Pensée divine traçant les voies de
l'histoire du monde. Il nous est impossible de ne pas
apercevoir la main de la Providence par exemple dans
ce fait historique qu'aux tournants décisifs de la vie
de l'humanité est toujours apparu l'homme ou l'insti-
tution qui était nécessaire à l'humanité, à une époque
déterminée, pour poursuivre son développement
historique. , ' Mes frères, nous ne considérerons pas avec défiance
C'est ainsi par exemple, que la civilisation antique
était mûre pou~sa ruine; mais comme il eût été dommage
que ses ,immenses résors périssent avec elle, apparut,
il y a quinze cents ans, saint Augustin qui enferma ces
trésors de la civilisation antique dans les fondements
de l'édifice de la civilisation nouvelle. Lors des grandes
DIEU EST 'MON PÈRE : IL PREND SOIN DE MOI
49
luttes dogmatiques contre les hérétiques des premiers
siècles, la Providence suscita un saint Athanase et un
saint Cyrille : Contre les tentatives césaropapistes de
l'Orient, la Providence établit et consolida le pouvoir
temporel des palles; par la suite pour faire contrepoids
à la puissance temporelle de la papauté parvenue à S011
apogée, la Providence fit naître les ordres mendiants
qui pratiquent à la lettre la pauvreté -évangélique. Il est
impossible de ne pas découvrir dan:s l'histoire la main
directrice de la Providence. '
En voici un exemple tout récent. En 1871, à Versailles,
le peuple allemand vainqueur dictait le traité de paix
au peuple français vaincu. lVloins de , cinquante années
plus tard, le peuple français victorieux dictait à son
tour, à Versailles, la paix aux vairicus. Moins de
cinquante ans plus tard! Dès lors comment oserais-je
me _ dresser devant l'Éternel et Lui demander des
comptes: « Mon Dieu, pourquoi ne m'avez-Vous pas
accordé ceci ou cela, à moi chétive créature, insecte
éphémère dont l'arbre qui lui servira un jour de cercueil
pousse quelque part dans la forêt; pourquoi ne m'avez-
Vous pas donné telle ou telle chose; pourquoi avez-Vous
permis qu'arrive ceci Ou cela; pourquoi n' avez-Vous
pas foudroyé tel ou tel criminel? »
les voies de la divine Providence, si nous ne perdons
pas de vue ces deux grandes pensées de la Sainte Écriture.
L'une est cette éternellement belle expression de
saint Paul : « 0 profondeur inépuisable de la sagesse
et de la .science de Dieu! Que ses jugements sont inson-
dables et ses voies impénétrables! » (Romains XI, 33)'
Symh, d. Ar. - 'l'. l 4
 LE SYMBOLE DES APOTRE:::
L'autre est également de saint Paul, dans la même
épître: « Nous savons que tout concourt au bien dt>
ceux qui aiment Dieu » (Romains VIII, 28).
Le monde est un vaste théâtre dont Dieu est.le directeur.
Il assigne à chacun son rôle et nous ne savons pas
ce qui Le guide dans cette répartition : l'un fait le roi,
l'autre le mendiant.:. peu importe. L'essentiel est que
chacun ait un rôle. Sans doute, . celui qui doit faire
le mendiant toute sa vie en est facilement mécontent.
Celui qui est frappé par le sort, la souffrance, le malheur
en est bouleversé; quand nous voyons le méchant dans
la prospérité, nous nous indignons.
Cependant il n'en est ainsi que parce, que nous
jugeons trop vÙe. Tant que dure la pièce de théâtre,
on ne peut pas en rédiger la critique; il faut attendre
que le rideau soit tombé pour pouvoir porter un juge-
ment. Le rideau de la scène du monde ne tombera
définitivement qu'au jour du Jugement dernier et alors
les flammes du monde finissant mettront en pleine
lumière ces paroles de nos Saints Livres: « Dieu dispose
tout pour le bien de ceux qui L'aiment ». A tous mes
frères dans la souffrance, à tous ceux gui luttent contre
le sort, je ne veux donner que ce conseil : .« Prenez
la Sainte Écriture .et lisez le huitième chapitre de
l'Épître de saint Paul aux Romains: « Nous savons que
tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu »
(VIII, 28). « Que dirons-nous donc après cela? Si Dieu
est pour~nous, qui sera contre nous? » (VIII, 31).
« Qui nous séparera de l'amour du Christ? La tribulation
ou l'angoisse? La persécution ou la faim ou la nudité?
Le péril ou l'épée ?» (VIII, 15). « N; la mort ni la vie . ..
DIEU EST MON PÈRE: IL PREND SOIN DE MOI
ni les choses présentes ni les choses à venir, ni la hauteur
ni la profondeur ni aucune créature ne pourra nous
~éparer de l'amour de Dieu en Jésus-Christ Notre-
Seigneur» (VIII, 39).
Je crois au Père qui prend su,n ut! IIUU~·.
Avec une rapidité effrayante le Trars pacifique
américain dévore l'espace. II fait une nuit s( mbre,
sans étoile. Les nombreux voyageurs dorment paisi-
blement, sans appréhension. Seul le mécanicien fouille
du regard l'obscurité de la nllit. Tout à coup il
lui semble apercevoir comme une forme bhinche qui
flotte devant le fanal de la locomotive ~archant à
toute vapeur et elle lui fait signe : « Halte 1 halte 1 »
Un frisson glacé passe sur le corps du mécanicien,
mais le fantôme s'est évanoui et le train poursuit sa
course folle .
Peu de temps après, le spectre reparaît. Pâle d'épou-
vante, le mécanicièn saisit la manivelle du frein. Mais
l'apparition disparaît encore. Le train continue sa
marche dans les ténèbres.
, Et voilà que le fantôme se montre une troisième fois;
Il agite un bras enveloppé d'un suaire: « Ha/te! haltel»
Le mécanicien est à bout de forces, à tâtons il saisit
. le levier et renverse la vapeur.;. un grincement, le
choc des wagons les uns sur les autres, la chute des
bagages suspendus dans les filets, les cris des voya-
geurs . brusquement tirés de . leur sommeil et saisis
 LE SYMBOLE DES APOTRES
de frayeur. Tout le m~nde se précipite hors des voitures.
Qu'est-il donc arrivé?
Qu'est-il arrivé?
Quelques mètres plus loin la ligne passe sur un pont
. magnifique. Mais au cours de la .nuit le fleuve sauva-
"cment grossi l'a emporté. Et tout près des flots écu-
:~lants, à quelques pas de la rive, est ar~êtée la locomotive
fumante et haletante. . IL P R END SOIN DE MOI (II)
Et le spectre? Le spectre qui a sauvé de la mort des
centaines de personnes?
Ce n'était qu'un petit papillon qui s'était glissé sous
le e Te du fanal et lorsqu'il s'agîtait, se débattait et
déployait ses ailes, son ombre à travers la lumière ,
Ipparaissait comme JIn fantôme devant la machine
lancée à toute vapeur. .. c'était lui qui avait arrêté
le train.
Dans la main de Dieu, une aile de papillon suffit pour
sauver la vie à des centaines et à des millièrs de créatures.
Je crois en Dieu le Père, je crois en sa Providence.
III
DIEU EST MON PÈRE :
MES FRÈRES,
Dans mon dernier sermon je vous ai parlé de la
providence de notre ' Père du ciel, mais le sujet n'est
pas encore ,complètement épuisé. Dieu est notre Père,
tel est le sublime enseignement sorti de la bouche
de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Notre Père qui avec
un amour ardent prend soin de ses enfants et dirige
leurs destipées selon les vues de sa Providence. La
Sainte Écriture parle sans cesse et partout de la
Providence de Dieu.
L'Ancien Testament en parle déjà: « Père, c'est votre
Providence qui gouverne »' (Sagesse XIV, 3). « Les
biens et les maux, la mort et la vie, la pauvrëté et la
richesse viennent de Dieu» (Ecclésiastique XI, 14). ,
« Il a créé les grands et les petits et Il prend soin des
uns comme des autres» (Sagesse VI, 8). '
Le Nouveau Testament nous offre des traits plus
sublimes de la Providence de Dieu qui « soutient
 ' /
. 1
54 LE SYMBOLE DES APO'fRES
toutes choses par sa puissante parole)) (Hébreux 1, 5).
Il Deux passereaux ne se vendent-ils pas un as,
dit Jésus, et il n'en tombe' pas un sur la tèrre, sans
la permission de votre Père ... Ne craignez donc pas,
vous avez plus de valeur que beaucoup de passereaux ))
(S. Matthieu X, 29, 31).
Mais la divine Providence n'est pas seulement une
vérité édifiante de notre religion, elle a d'innombrables
contradicteurs qui s'appuient sur toutes sortes d'événe~
ments. Combien sont fâchés contre Dieu, combien ont
fait naufrage dans la foi, lorsqu' ils ont été surpris au
courl;de la vie par un malheur quelconque, lorsqu'ils
ont été témoins du triomphe dl,! péché et de l'oppression
de la vertu 1 Où est la Providence? demandent-ils aveè
amertume. Où est donc la sollicitude du Père céleste?
Je regarde donc comme nécessaire, mes frères, de
reventr encore une fois plus à fond dans cette
instruction sur la Providence, sur les plans éternels
de Dieu, d'après lesquels Il conduit le monde à sa
fin dernière. Je suis . persuadé "que doutes et
objections disparaîtront, si nous répondons à ces deux
questions suivantes :
1. _.. Quelle idée devons -nous avoir de la . dl'l'me
Providence P
II. - QueLle lde~ ne devons-nous pus en aVUlr?
DIEU EST MON P ÈRE. : IL PREND SOIN DE MOI ss
Il
QUELLE IDÉE DEVO NS-NOUS AV01.R
DE LA DIVINE PROVIDh'NCE?
1) Notre questi~n se ramène essentiellement à ceci :
Que signifient les passages de la Sainte Écriture relatifs
à la Providence? .
. Cette question avait déjà préoccupé saint Augustin
et nous ne connaissons pas de meilleure réponse que
la sienne (De Gen. ad lit. IV, 12).
Voici sa réponse: Dieu n'agit pas à l'égard du monde
de la même manière que l'entrepreneur avec la maison
qu'il a bâtie: la maison continue d'exister sans l'entre-
preneur, mais le monde ne pourrait pas continuer d'exister,
même un seul instant, sans i' activité incessante de Dieu.
Très souvent les artistes ont exprimé cette idée sur
la toile : Dieu représenté sous les traits d'un vieillard
tient le globe en sa main. Sans doute, cette image est
empruntée à une manière de voir trop humaine :
Dieu ne tient pas le monde dans sa main (Il n'a pas de
mains) mais par sa volonté créatrice Il lui conserve
l'existence, Il le maintient.
Que faut-il donc comprendre sous ce nom de Pro-
vidence? Cette activité de Dieu qui dirige ses créatures
vers le but fixé par Lui. Puissions-nous bien le com-
prendre, . mes frères! C' est Die~ Lui-mêr;ze qui no~s
fixe le but que nous devons attemdre et c est la PrOVl-
dence qui nous y conduit et non pas vers un but que
56 LE SYMBOLE DES APOTRES
nous nous serions fi.'{é à nous-mêmes, suivant 'le cercIe
étroit de n6tre manière de voir et notr~ façon terre à
terre d'envisager les choses. « Mes pensées ne sont pas
vos pensées n, dit le Seigneur (Isaïe LV, 8).
Celui qui se fait une idée juste de la Providence non
seulement ne doutera jamais d'elle, mais la découvrira
constamment, dans l'hUlnilité de son cœur, tout .au
cours de sa vie.
2) « Ah! voilà un vrai miracle» s'écrient de temps
à autre des gens qui ont échappé à urie situation difficile
ou ont obtenu un important succès.
N'est-ce pas là aussi un vrai miracle! Il Y a à peine
un homme . d'âge mûr qui puisse, à tête reposée et la
foi au cœur, revenir sur son passé, sans être obligé
de s'écrier: C'est un vàitable miracle que la manière
dont Dieu m'a conduit à travers la vie! Au cours de
mon existence je me suis trouvé en présence de bien
des choses, sans pouvoir alors en soupçon~er le but,
et maintenant j'aperçois clairement ce que Dieu voulait
obtenir par elles.
Quand nous réfléchissons sainement sur notre vie,
nous voyons bien que la divine Providence nous a mis
en contact avec des hommes difficiles, afin que leurs
défauts nous fournissent l'occasion de mûrir et de
perfectionner notré âme. Elle a mis près de moi par
exemple cet homme très gai de caractère, afin d'adoucir
les ' traits trop rudes du mien. Elle m'a fait rencontrer
cet autre 'q ui aimait tant à critiquer, afin qu'il y ait
quelqu'un pour me dire la vérité et m'appreI?-dreà me
connaître moi-même. Et celui-là qui m'a conduit au
péché? Celui-là, c'était pour m'empêcher d'avoir une
DIEU EST MON PÈRE: IL PREND SOIN DE MOI
-C;; M/
confiance excessive en moi et pour me faire voir que
j'étais encore bien loin d'être ce que je devrais être.'
Et cette personne insupportable? C'était pour m'exercer
à me vaincre. Et ce vil calomniateur? C'était pour
montrer si je savais pardonner généreusement. Et ce
malade? C'était afin de me fournir l'occasion de rendre
grâces pour ma santé. Et ce Saint? C'était pour me
faire honte. .
Oui, mes frères, si nous nous habituons à voir dans
chaque homme que la vie nous donne comme compagnon
un envoyé de Dieu, je vais plus loin, si nous nous habi·,
tuons non pas seulement à propos des hommes, mais
en toutes circonstances, dans les peines et le malheur,
à poser cette question : Qu'est-ce que Dieu demande
de moi? Quelle idole veut-Il renverser dans mon
cœur? Quelle déception veut-Il m'épargnér? Quel
penchant au mal veut-Il extirper? Quelle nouvelle
force veut-Il susciter en moi? .. si nous nous posons
ces questions, alors nous sentirons en nous, jour pour
jour, les effets de la divine Providence et nous serons
réellement des chrétiens fidèles qui, dans le bonheur
comme dans le malheur, sauront paiser avec la même
ferveur la main invisible du Père céleste et répéter
loyalement avec l'illustre Pascal : « Seigneur, Vous
n'êtes pas moins Dieu, lorsque 'vous m'éprouvez ou
me punissez que lorsque vous me consolez et me faites
miséricorde ».
3) Les voies du Seigneur sont admirables.
Quelquefois la vie nous paraît terriblement incom-
préhensible et nous éprouvons un sentiment d'angoisse
et d'abandon. Tout est contre nous; il semble que
 LE SY MBOLE DES APOTRES
tout se soit ligué contre nous. Quel bonheur si nous
pouvons pourtant faire cette prière: « Je crois en Dieu
le Père Tout-Puissant». C'est le Dieu qui dirige là-haut
les millions d'étoiles selon ses plans qui dépassent
toute intelligence humaine, c'est Lui qui me dirige
aussi selon ses plans et je ne Le comprends pas. Actuel-
lement je ne comprends pas, mais un jour certainement
je comPTendrai. Les voies du Seigneur sont admirables.
Tant que l'homme est emporté par le fleuve des
événements de chaque jour, la main directrice de Dieu
s'estompe devant ses yeux, Mais après bien des années,
lorsque sa tête a blanchi, il reconnaît que la Providence
paternelle de Dieu l'a merveilleusement conduit.
Je ne veux citer qu'un exemple récent. Au moment
de la Révolution russe, enseignait à l'Université de
Moscou, le célèbre professeur de cristallographie,
Artémjeff. Auparavant il avait été chargé de cours à
Saint-Pétersbourg, puis il était devenu professeur à
l'Université de Varsovie et enfin à l'Université de
Moscou. La Révolution lui fit perdre toute sa fortune
' et l'obligea à fuir à l'étranger.
Mettons-nous dans l'état d'esprit de cet homme qui
venait de perdre sa haute situation, ses biens, sa patrie.
N'avait-il pas sujet de se plaindre? N'avait-il pas sujet
de s'abanqonner au désespoir? 1 fiques, mais aussi parce qu'elles sont très fréquemment
Ceci se passait en 1917.
Quelques années plus tard, pendant l'été de 1929,
un homme d'un certain âge était prosterné au pied
d'un autel devant l'archevêque de Vienne pour recevoir
des mains du pontife ' l'ordination sacerdotale':' C'était
Artérnjeft, l'ancien professeur de l'Université de
DIEU EST MON PÈRE: IL PREND SOIN DE MOI.. . 59
Moscou, que l'exil avait d'abord conduit à Berlin,
ensuite . à Vienne, où il avait appris à connaître le
catholicisme dont il n'aurait peut-être jamais, ou fort
peu, entendu parler, s'il était resté dans son entourage
grec-schismatiqut dans sa patrie. Après de longues
luttes intimes et de mûres réflexions, il devenait
catholique en 1924 et prêtre en 1929. Comme elles
sont merveilleuses les voies du Seigneur: « Mes pensées
ne sont pas vos pensées )J .
. Voilà donc la ' réponse à la première question :
Quelle idée devons-nous avoir de la divine Providence r
Non moins importante çgalement est la seconde
question.
II
QUELLE mÉE NE DEVONS-NOUS PAS
AVOIR DE LA PROVIDENCE?
1 ) Je n'ai pas encore cité les plus belles paroles du
divin Maître relatives à la Providence. Je vais vous
les rappeler non seulement parce qu'elles sont magni ..
contredites.
L'homme moderne s'étonne et ne comprend pas,
lorsqu'il entend dans la bouche de Notre-Seigneur
ces paroles: « Ne vous inquiétez pas pour votre vie
de ce que vous mangerez ou boirez, ni pour votre corps
de quoi vous le vêtirez ... Regardez les oiseaux du ciel.
60 LIl SYMJ30LE DES APOTIŒS
Ils ne sèment pas, ils ne moissonnent pas, ils n'amassent
rien dans des greniers et votre Père céleste les nourrit~
Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux? ..'. Et pour-
quoi vous inquiétez- vous pour le vêtement? Considérez
\
les lis des champs, comme ils croissent ... Si Dieu revêt
ainsi l'herbe des champs, qui est aujourd'hui et qui
demain sera jetée au four, ne le fera-t-Il pas davantage
pour vous, gens de peu de foi? .. Votre Père céleste sait
que vous avez besoin de tout cela. Cherchez première-
ment le royaume de Dieu et sa justice et tout cela vous
sera donné par surcroît» (8. Matthieu VI, 25-33).
Je vous le répète: lorsque l'homme moderne entend
parler ainsi, il s'étonne et ne comprend pas. Où sommes-
nous donc? s'écrie-t-il. Dans un monde féerique, sur
une autre planète? Dans un ermitage du désert?
Au pays de Chanaah où coulent le lait et le miel, où les
fruits dorés et les raisins pendent aux arbres? Ne
sommes-nous pas en pleine forêt de hautes cheminées?
Ne souffrons-nous pas de la faim au cinquième étage
d'une misérable caserne de la grande ville? Ne vivons--
nous pas parmi des millions d'hommes qui n'ont qu'une
seule pensée, un seul problème, un seul souci : Que
mangerons-nous? Comment payerons-lious le ' loyer?
Avec quoi nous habillerons-nous? Et maintenant c'est
l'Évangile qui nous <:lit: Ne vous . préoccupez pas de
tout cela? . aide à leurs parents? Prenez soin de-'vous-mêmes,
Mes frères, est-ce bien ce 'que dit l'Évangile? Pas du
tout. Le Christ veut seulement que nous fassions notre
part, mais que nous nous en remettions à Dieu pour Le
reste, Assurément nous avons le devoir de travailler
à améliorer notre sort, mais avec uile confiance et une
DIEU EST MON pÈnE: IL. PREND SOIN DE MOI 61
foi enfantines en la divine Providence. Si ces deux
sentiments ne sont pas vivaces au dedans de nous,
notre ardeur au travail s'éteindra et notre âme sera
obnubilée par des soucis sans fin.
2) Notre-Seigneur n'est donc pas l'ennemi du travail
assidu? Pas du tout.
Il ne faut pas s'imaginer que le divin M aître éter-
nellement actif a proclamé une indolence qui attend
que les alouettes tombent du ciel toutes rôties ou un
fatalisme musulman, « ce qui est écrit est écrit ». Pas le
moins' du monde. Notre-Seigneur ne critique pas notre
zèle · et notre ardeur au travail, pour gagner notre vie,
mais notre défiance et notre manque de foi à l'égard
de Dieu; Il ne nous défend pas de préparer notre avenir,
mais de nous en préoccuper trop aJ;l.xieusement.
C'est comme s'Il disait: Je vous blâme, si vous
vous laissez totalement absorber par les soucis terrestre~,
mais non pas si vous êtes prévoyants et travailleurs.
N'ai-je pas inséré dans le Pater cette demande: donnez-
nous notre pain quotidien? Et mon apôtre n'a-t-il
pas écrit : « Si quelqu'un n'a pas soin des siens et
surtout de sa famille, il a renié la foi et il est pire qu' tin
infidèle» (1 Timothée V, 8)? Et n'est-il pas prescrit
dans les Dix Commandements que les parents doivent
prendre soin de leurs enfants et les enfants venir en
mais ne soyez pa~) les esclaves d~ vos besoins. Les lis ne
connaissent pas l'industrie de la soie, ils ne suivent
pas de leçons de coupe, ils ne se servent pas de Inachines
à coudre et pourtant quel est l'étalage, si bien assorti
soit-il, d'un grand magasin de soieries qUi puisse
 LE SYMBOLE DES APOTRES
rivaliser avec le calice d'un seul lis? Et votre Père du
ciel vous oublierait?
Travaillez, mais avec confiance'! Luttez, mais avec foi!
La foi en la Providence étouffe-t-elle l'ardeur au
travail chez l'homme? Aucunement. Sans doute Dieu
a donné la manne aux Juifs dans le désert, donc il
prènait soin d'eux, mais ils devaient la ramassec
Il a envoyé les poissons dans le filet des apôtres, donc
li prenait soin d'eux, mais ils durent tirer le filet.
JI assura à l'apôtre saint Paul des succès merveilleux
mais comme celui-ci' dut peiner, travailler et souffrir i si péniblement. Les fleurs s'ouvrent et s'épanouissent
DieU donne la nourriture au petit oiseau, mais Il ne
la lui apporte pas dans son nid. Ciest pourquoi il faut
aussi. qu~ l'oiseau travaille. Croyez-vous que c'est pour
se . dIstraIre que le poisson nage dans la rivière, que '
1'013eau vole dans les airs? Non. Ils cherchent leur
nourriture : ils travaillent.
\ f ous voyez comme~t il ne faut pas- se représenter la
foi en la Providence. Elle ne nous dit pas du tout que
nous ne devons pas travailler. Elle ne nous dit pas
d'attendre, les bras croisés, que les alouettes nous
tombent toutes rôties dans la bouche.
3) Je vais encore plus loin et j'affirme que la pensée
de .la divine Providence, la pensée de Dieu qui
soutIent le monde par une intervention continuelle
Flon seulement ne nous privent pas de la joie a~
travail, mais nous pous~ent au travail et à une incessante
activité.
. « Mon Père agit jusqu'à présent» (S. Jean V, 17).
SI ces paroles sont véridiques - mais elles sortent des
lèvres de Notre-Seigneur - alors le travail est un 'devoir
DIEU EST MON PÈRE: IL PREND SOIN DE MOI
sacré pour l'homme, car nous croyons que l' homme
a été créé à l'image de Dieu.
Voyez comme la pensée de l'activité divine ennoblit
le travail que l'on regarde comme une malédiction pour
l'humanité. Pourquoi le travail? Pourquoi cette activité
mcessante, inquiète, fiévreuse de l'homme? Pourquoi
faut-il que l'homme travaille? Péniblement, à la sueur
de son front? Voilà des questions ardues qu'une
philosophie qui ignore Dieu est incapable de résoudre.
Pourquoi faut-il que l' homme travaille? Et surtout
- et elles ne travaillent pas. Les lis brillent dans leur
robe blanche et ils ne filent pas, ils ne tissent pas :
ils sont heureux. Les oiseaux trouvent leur nourriture
et ne sont pas obligés de s'enfermer dans une noire
usine, ils ne sont pas obligés de se glisser dans les
profondeurs d'une mine - ils chantent, ils volent.
ils vivent et ils sont heureux. Uniquement sur le front
de l'homme rui,sselle la sueur. Seule la main de l'homme
garde les marques de son outil. Seul le dos de l'homme
se courbe sous l'habitude de l'effort. Seuls les poumons
de l'homme respirent la poussière des archives et des
dossiers. Du seul visage dé l'homme disparaît le
bonheur de vivre.
Pourquoi cela, pourquoi? Pourquoi faut-il que
l'homme travaille? Et voici la sublime réponse :
L'homme montre aussi par son travail assidu qu'il est
i'/mage d'un Dieu qui travaille sarts cesse. Du jour où
Dieu plaça l'homme « dans le paradis terrestre pour le
garder et le cultiver» (Genèse II, 15), le travail est
devenu pour nous un devoir, mais si nous observons
 LE SYMBOLE DES APOTRES
que par le travail nous devenons semblables à Dieu
il l'incessan te activité, alors le travail devient pour nous
un grand honneur et un pri'vilège sPécial de l'homme.
Aux yeux du chrétien, le travail est une marque
d'estime de la part de Dieu. L'Ancien Testament
disait déjà : « Vois-tu un homme habile dans son
ouvrage? Sa place est auprès des rois et non pas à
côté des gens obscurs» (Proverbes XXII, 29).
Si amère que soit la sueur du travail, si rude que soit
la main qui s'est fatiguée, l'ouvrier entend retentir à
ses oreilles ces paroles du Sauveur : « C'est bien,
serviteur bon et fidèle, parce que tu as été fidèle en
peu de choses, je t'établirai sur beaucoup: entre dans
la joie de ton maître» (S. Matthieu XXV, 21).
Maintenant je vous le demande : la foi en la divine
Providence fait-elle craindre le travail? Mais alors
comment saint Paul aurait-il pu écrire à .certains
chrétiens indolents et paresseux de Thessalonique :
« Noùs avons appris qu'il y a parn;lÏ vous des gens
déréglés, qui ne travaillent pas et qui ne s'occupent
que de choses vaines. NOl,lS les invitons et nous les
exhortons par le Seigneur Jésus-Christ à travailler
p'aisiblement pour manger un pain qui leur appartienne»
(IIO Thessaloniciens III, 11-12).
Il Y a un travail qui est un travail d'esclave, c'est la
corvée de la génération qui ne connaît pas Dieu; et il y a
un travail qui est un service di7Jin, c'est le travail du
chrétien>'Si je travaille conformément à ta volonté de
Dieu, alors ma table de travail devient un autel, le
fourneau de la cuisine devient un autel, le baquet à
laver devient un autel , la machine à' coudre devient
DIEU EST MON PÈRE: IL PREND SOIN DE MOI
un autel et le travail pénible, fatigant, épuisant· devient
un office divin. Mes frères, ne nous faisons pas d'illu-
sions. Dieu ne nous demande -pas seulement une
demi-heure tous les dimanches, mais il réclame aussi
chaque jour de la semaine . . Je ne dois pas seulement
louer Dieu avec les mains jointes pour, la prière, mais
avec des mains qui tiennent la plume ou le pinceau.
Je ne dois pas seulement Le louer par la prière, mais
aussi par le travail; Il l'exige Lui-même par ces paroles:
« Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur
et de toute ton âme ».
Si j'ai confiance dans la Providence de Dieu, faut-il
pour cela , ne pas : travailler? Non, je dois travailler.
C'est ma pensée dirigée vers l'avenir, c'est mon labeur
pour 'le pain de -chaque jour, ce sont mes plans et mes
projets ... c'est tout cela qui est l'instrument de la divine
Providence. Providence ne veut pas dire paress~.
Providence ne veut pas dire les bras croisés. Providence
ne veut pas dire attendre que le rôti tombe du ciel.
Providence veut dire se livrer au travail pour gagner
sa vie, prendre toutes les mesures de précaution pour
éviter un refroidissement, apprendre consciencieu-
sement son métier, tirer des plans, faire des calculs,
se mettre à l'œuvre, faire des efforts, mais ... mais.
pendant tout cela et encore après, dire cette prière:
« Seigneur, j'ai fait tout ce qui dépendait de moi; main-
tenant je Vous supplie humblement d'être avec moi, Votre
enfant fidèle ll.
Vciilà l'exacte explication de la. tOI en la Providence.
Symb. d. Ap . T. l li
66 LE SYMBOL l' DES APOTREti DIEU EST MON PÈRE; IL PREND SOIN DE MOI

. Seigneur, je crois que Vous êtes mon Père qui prenez

soin de moi. Et si vous n'intervenez pas, tout s'arrêtera.
Si vous n'intervenez pas, mon cOfur ne battra plus.
Si vous n'intervenez pas, les ailes de l'oisea~ tom-
Mes frères, une des figures les plus saiSissantes de beront. Si vous n;intervenez pas, le fleuve cessera de
l'Ancien Testament est celle du vieux Tobie dont il est couler. Si vous n'intervenez pas, pas un vermisseau ne
impossible de lire la vie sans en être ému. Quel zèle, bougera, pas une feuille ne tremblera.
quel ardeur, quel désintéressement, quels sacrifices, Si vous n'intervenez pas,
au péril de sa vie, en faveur de son prochain! Et quelle l~ais vous viendrez à mon aide, car Vous êtes mort Pere.
récompense en obtient-il à première vue? Comme si
Dieu l'avait abandonné, le malheur le frappe dans son
travail charitable ; il devient aveugle. Et maintenant
voici le bel éloge que trace de lui la Sainte Écriture ;
« Même dans son immense malheur il ne se détourna
pas de Dieu ... « immobilis in Dei timore permanslt »•.•
il demeura inébranlable dans la crainte de Dieu ))
(Tob,ie II, 14).
Il resta fort dans la plus pénible des épreuves, parce
qu'il croyait en Dieu. Pourtant ii ne pouvait que dire:
Je crois en Dieu, tandis que ' nous, nous pouvons
ajouter ... le Père Tout-Puissant.
Je crois au Père qui est dans les cieux. C'est ma con-
viction inébranlable que derrière la gigantesque machine
de l'Univers il y a une main paternelle qui dirige tout.
Je crois en la div/ne Providence. C'est ma profonde
conviction que la vie humaine n'est pas une comédie
sans but, que le tombeau n'est pas un terme définitif,
que la corruption n'cst pas une transformation dernière,
mais que dans une autre patrie je suis attendu par un
Père, un Père qui a dit de Lui-même qu'II n'est pas
le Dieu des morts, mais des vivants.

TV
DIEU EST MON PÈRE JE LE PRIE
MES FRÈRES,
/;
" Je crOIS en Dieu, le Père Tout-Puissant ». Dieu
est notre Père du ciel. Cette vérité nous a occupés
déjà ' pendant deux dimanches et je veux encore lui
consacrer deux autres sermons.
Si Dieu est mon Père, alors je n'ai rien à redouter,
certainement Il prendra soin de moi. Pendant mes
deux dernières instructions j'ai parlé de la foi si conso-
lante en la Providence divine.
Mais si Dieu est notre Père, il en résulte quelque
chose de plus que cette confiance en Lui, alors nous
devons nous adresser à Lui avec humilité et respect.
Si Dieu est « mon Père », alors il est tout naturel que
je Lui parle, c'est-à-dire que je Le prie. Un enfant peut-il
aimer son père, si pendant: toute une semaine il ne lui
parle pas? Pareillement aime-t-il son Père du .ciel
l'homme qtli ne Lui parle pas par la prière? C'est là
une façon de penser bien terrestre et bien humaine,
dira-t-on peut-être. Comment Dieu, le Dieu grand ' et
DIEU EST MON PÈRE : JE LE PRIE 6<) .
éternel, prêterait-il attention à nos prières? Comment
attendrait-il nos prières?
Savez-vous ce que je répondrais à mon contradicteur?
Les paroles mêmes de Notre-Seigneur qu'Il adressa
à la Samaritaine : « L'heure approche et elle est déjà
venue où les vrais adorateurs adoreront le Père en
esprit et en vérité; ce sont de tels adorateurs que le
Père demande» (S. Jean IV, 23)' Avez-vous entendu?
Tels sont ceux que le Père demande pour Le prier.
A chaque page, les évangiles nous montrent que
Notre-Seigneur Lui-même nous a donné l'exemple de
la prière. Tantôt Il prie à l'écart, tantôt devant ses
disciples, souvent devant ,tout Je peuple; Il a prié,
quand il a dit adieu au monde, quand Il a lutté avec
la mort, quand .son âme était remplie de joie et quand
les larmes brillaient dans ses yeux.
. Les' apôtres ont suivi ses traces; il est tout à fait
remarquable comme dans leurs écrits ils ont fréquem-
ment exhorté les premiers chrétiens à prier et comme
ils font souvent allusion à leurs propres prières (Actes 1,
24; III, 1; IV, 25; VI, 4; VIII, 15.1° Thessaloniciens 1,2.
Éphésiens ,1, 17. Philippiens ' l, 3. Colossiens I, 3·
Romains XII, 12. 1° Corinthiens VII, s. Ir Corin -
thiens 1, II).
Oui, si Dieu est mon Père,.ie Le prierai.
1. Pourquoi devons-nous prier? et II. Comment devons·
nous prier?
" •.7
 LE SYMBOLE DES APOTHE::i
l
POURQUOI DEVONS-NOUS PRIER?
1) Pour pouvoir répondre à cette question, il nous
faut d'abord tirer au clair cette expression, que signifie
exactement le mot prier? A celui en effet qui connaît
le sens profond de ce terme, il n'est pas nécessaire de
lui recommander la prière, encore moins de l'imposer;
il profitera de lui-même de toutes les occasions pour
prier.
Que signifie donc ce mot : prjer?
a) Prier veut dire converser avec Dieu, c'est-à-dire
nous tourner vers Dieu avec nos pensées, notre volonté,
nos sentiments, tout notre être.
La prière est comme unè corde qui vibre au dedans
de nous. C~'tui qui pri~ sent passer devant lui le temps
et l'éternité, le ciel et la terre. Il sent qu'il se trouve
tout à coup en présence de Dieu. et que s'écoulent
devant lui la joie et la douleur. Voilà pourquoi la
prière est un spectacle sublime. Voilà pourquoi il n'y
a rien de plus beau en ce monde qu'un homme en
prière. « Ne le dérangez pas: actuellement il prie ».
L'empereur Charles-Quint était en train d'entendre
la messe, lorsqu'on lui aimonça qu'un ambassadeur
étranger - venait d'arriver et sollicitait une · audience
immédiate. L'empereur répondit: Dites à l'ambassadeur
que je suis moi-même en ce moment reçu en audience.
b) La prière réalise la véritable égalité. Quand nous
[)lFU EST MON PÈRE : JE LE PRTT' 71
prions, mes frères, nous sommes tous pareils. Quelle que
soit la classe sociale de celui qui prie, qu'il soit savant
ou ignorant, jeune ou vieux, prince ou serviteur, dans
la prière tous se ressemblent : tous sont . des hommes
humbles et faibles. Car il doit s'humilier celui -,qui,
en priant, pense à la grandeur de Dieu; mais il deviendra
fort celui qui sait, par la prière, se cramponner à la
main robuste de Dieu.
La vie terrestre est la vie unie du fond des vallées;
la foi en Dieu est la hauteur vertigineuse des cimes
des montagnes. Des sommets de la montagne les eaux
'.je précipitent dans la vallée et fécondent le sol. Sur les
hauteurs de la foi prend naissance la source dont les
eaux · vivifiantes empêchent notre vie terrestre de se
dessécher. Savez-vous quelle est cette source? C'est la
prière.
2) Celui qui sait cela peut immédiatement répondre
à l'objection formulée précédemment : « Pourquoi
devons-nous prit~r? Le Dieu grand et éternel est-il
réduit à attendre \es prières de l'homme si petit et si
faible? »
Savez-vous ce que je vais répondre?
Vous avez raison. Dieu n'en est pas réduit à attendre
nos prières. Mais cependant nous sommes obligés de
prier, parce que nous, nous avons besoin de Dieu~
a) On peut faire sur Dieu des discours, des livres,
des subtilités, des raisonnements, mais seul peut Le
saisir celui qui sait Lui adresser par delà l'éternité, des
paroles de reconnaissance, de repentir, de demande,
de louange, c'est-à-dire celui qui prie. tl n'est pa~
possible de l'expliquer, il faut expérimenter comment
 LE SYMBOLE DES APOTRES
une bonne prière élève l'âme, fortifie la volonté, purifie
le regard, augmente la patience et, remarquez-le bien ,
calme les nerfs, les nerfs si irrités de l'homme d'aujour-
d'hui. Ne soyez pas choqués" si je vous dis' : L'effet'
d'une bonne prière du soir est bien supérieur à un
cachet de véronal.
Si le chirurgien avant l'opération, le juge devànt
un procès embrouillé, le père de famille avant une
décision grave élevaient un instant leur âme en disant:
« Seigneur, restez près de moi, aidez-moi à bien remplir
~a tâche )), alors ils se sentiraient tout d'un coup ('I I'
pleine possession de leurs forces, ils s'apercevraient qu, 1
leur orientation vers Dieu a fait naître en eux d'une
manière aussi insoupçonnée qu'inexplicable de nouvelles
sources d'énergie.
L'orientation vers Dieu. Aller chercher conseil auprès
de Dieu. Devant les complications de la vie moderne
l'homme se trouve fréquemment, corilplèteII1ent dé sem·,
paré. Alors il cherche de tous côtés, ~l tire des plans,
il écrit, il téléphone, il demande conseil à .droite et
à gauche et finalement la confusion est encore plus
grande dans sa tête qu'auparavant. Mais celui qui .croit
en Dieu ira Lui demander son premier et son dernier
conseils.
Quelqu'un a dit - et il a jugé très exactement la
situation - : « L'homme d'aujourd'hui a beaucoup de
jouissances, mais peu de joies n. Il achète très chèrement
dans les lieux de divertissement tel ou tel plaisir, mais
il ne peut y trouver une joie reposante, réconfortante
ét vivifiante.
Ah 1 s'il connaissait seulement les joies d'une bonne
IJŒU EST MON P}:RE : JE LE PRIE 73
prierel Prier c'est se taire, écouter, se reposer -.:. quel
bienfait- que tout cela déjà! Nos nerfs surexcités se
calment et notre âme abattue goûte le bienfait reposant
de la prière. Dans la tranquillité de la petite chàmbre,
dans le silence de l'église, dans le calme des cimes de 1
la montagne, dans la solitude de la forêt. Voilà pourquoi
on prie mieux le matin, quand notre âme n'est pas
encore troublée par les événements du jour et le soir,
quand on n'a plus besoin de se préoccuper de la
journée écoulée.
Quel bienfait pour nous! Comme nous devons être
reconnaissants il notre sainte religion de ce qu'elle
nous pousse à la prière quotidienne, de ce qu'elle nous
assure chaque jour quelques minutes de tranquillité!
Aussitôt après notre prière du matin en effet, nous
n'avons plus une minute à nous; tout notre temps
appartient au bureau, à notre gagne-pain, à la préci-
pitation, au souci, à la distraction. Nous sommes plus
malheureux que nos machines : celles-ci peuvent au
moÏns se reposer la nuit, mais les soucis continuent à
nous importuner durant notre sommeil. Voici qu'arrive
l ia prière et elle nous dit : Maintenant tu t'appartiens
enfin à toi-même ... à ton âme ... à Dieu.
Comme nous devons être reconnaissants de pouvoir
prier 1
b) Et maIntenant il me faut parler ' d'une caracté-
ristique particulière au véritable christianisme : 1'amour
de la prière. Oui, nous les chrétiens, nous sommes la
génération qui prie sans cesse. Nulle part au monde,
on ne prie a) avec autant de ferveur; ~) aussifréquemment
que dans notre sainte religion.
74 ' LE SYMBOLE DES APOTRES
<x) Personne ne prie avec autant de ferveur que nous.
Car nous ne croyons pas seulement que Dieu est le
souverain Créateur du monde, mais encore qu'Il est
notre Père du.ciel qui dirige la marche du monde et
de l'humanité. Comme Créateur, Il peut nous venir
en aide; comme Père, Il veut nous aider.
Peut~être direz-vous que les autres religions prient
aussi. Sans doute. Mais pas comme les Chrétiens.
Ce n'est pas la même ferveur, pas la même confiance,
pas la même conviction intime. Il n'y a que nous en effet
pour associer, quand nous p~rlons de Dieu, ces deux
termes, en apparence inconciliables : Créateur et Père.
Devant le Créateur infiniment puissant nous nous
humilions dans la profondeur de notre néant; mais
devant notre Père nous reprenons courage, nous nous
serrons sur son cœur et nous Lui parlons.
~) Mais je vais plus loin et j'affirme: Le christianisme
est la religion de la prière, parce que nulle part on ne
prie autant que chez nous.
La première' parole que jadis - puisse-t-'il en être
encore de même aujourd'hui -le petit enfant entendait
prononcer dans la famille chrétienne était les mots de
CI Dieu)) et de « Jésus ». La première leçon, le premier
travail de l'intelligence de cette tendre créature ne
consistait pas en un compliment de fête, mais dans une
petite prière. Et que de fois ne vient-elle pas sur les
lèvres d'une mère vraiment chrétienne cette question :
« Mon enfant, as-tu fait ta prière? » Et lorsque l'enfant
dit adieu à la maison paternelle, il entend cette dernière
recommandation de sa mère: « N'oublie pas de faire
tes prières ».
r
DIEU EST MON PÈRE: JE LE PRIE 75
Nulle part au monde il n'y a de religion pour être
aussi pénétrée du sentiment de la majesté de Dieu
que la religion chrétienne: il est donc tout naturel
qu'elle demande que le culte divin, que la prière ne
cessent pas sur la terre.
La prière du matin et du soir, voilà la belle et pieuse
coutume des chrétiens. Comme il est édifiant de penser
qu'il n'y a pas un seul instant où il n'y ait des hommes
pour se mettre à genoux et prier le Seigneur, car il y a
toujours un endroit de la , terre où se lève le matin,
tandis qu'ailleurs la nuit déploie ses ailes!
Mais, la sainte Église catholique va encore plus loin
dans le culte de Dieu. Elle sait bien qu'à èause de leurs
pénibles occupations terrestres ses fidèles n'ont pas
suffisamment de temps pour prier pendant la journée,
aussi a-t-elle prescrit rigoJ.reusement à ses prêtres de
consacrer au moins une heure chaque jour à la prière.
Cette prière imposée au prêtre c'est le bréviaire.
Le bréviaire du prêtre, la prescription de l'Église
ne nous font-ils pas sentir plus profondément la majesté
de Dieu? Le bréviaire n'est pas la prière personnelle
du prêtre, mais l'hymne de louange qui sort, en tous
les points du globe, des lèvres de la sainte Église catho-
lique, pour monter inlassablement vers le Père qui est
dans les cieux.
Oui, en tous les points du globe. Celui qui voyage
beaucoup et sait observer avec la délicatesse . d'une
âme chrétienne ne manquera pas, je crois, d'en faire
l'expérience, lorsqu'il ,rencontrera un peu partout . un
représentant officiel de l'Église catholique dans sa tâche
d'adorateur perpétuel de Dieu, un prêtre en train de
 LE SYMBOLE OES APOTRES
réciter son bréviaire: dans le compartiment d'un rapide,
sur le pont d'un paquebot, dans le sentier de la forêt
où se promène un aumônier scout, dans le jardin fleuri
d'un cloître, dans la solitude des missidns de l'Uganda
ou de l'Alasca, partout on rencontre le prêtre disant
son bréviaire. Comme la sainte Église sait prier!
Oui, comme , un hymne de fête, la prière retentit
ininterrompue à travers toute l'histoire du christianisme:
au fond des catacombes comme sous les coupoles qui
s'élancent vers le ciel, dans le palais des rois et la
cabane des pauvres, sous la canonnade et dans le tumulte
de la vie quotidienne, sur le lit des malades et à l'autel
nuptial, au confessionnal et à la sainte table ... , partout
on prie. Dieu seul connaît les innombrables prières de
millions de cœurs humains heureux ou malheureux qui
montent chaque jour vers le ciel.
Et cela est bien, mes frères. Cela nous conv.ient à
nous qui affirmons: « Je crois en Dieu, notre Père )J.
Dès lors il ne nous, sera pas difficile de répondre à
la seconde question.
II
COMMENT DEVONS-NOUS PRIER?
A) Actuellement l'enseignement des langues étran-
gères est très répandu. Un peu partout on trouve des
cours de langues vivantes; une foule de personnes
apprennent les langues étrangères, parce qu'elles sont
indispensables dans 'les relations internationales.
DIEU EST MON PÈRE : JE LE PRIE 77
Les relations avec l'autre monde ont aUssi leur langue
officielle : la prière. Dieu sans doute comprend tôutes
les langues~ mais Il n'en exauce qu'une seule: la langue
de la prière. Comme les gens se donnent du mal après
l'anglais, l'italien ou l'allemand! si seulement ils
consacraient autant de temps à apprendre la langue
supra-terrestre! Car il faut aussI l'apprendre et
l' utiliser.
L'apprendre? De qui? Quel est le meilleur maître
de cette langue supra-terrestre? Ne vous étonnez pas,
si je vous réponds : le mendiant et ['enfant.
Le mendiant. Pourquoi prions-nous? Parce que nous
sommes pauvres, mais Dieu est riche; nous sommes
faibles, mais Dieu est fort. Plus on se rend compte,
pendant la prière, que l'on est pauvre devant Dieu,
meilleure sera notre prière, d'autant plus humble,
d'autant plus fervente, d'autant plus persévérante.
Et l'enfant. L'enfant sait très bien exprimer ses
sentiments même sans paroles, simplement par un
geste, un mouvement, un sourire. Le petit enfant parle
déjà bien, avant de savoir se servir de sa langue :
il parle par un regard, par un sourire à sa mère. Et
comme elle est ardente, cordiale cètte conversation
sans parole ... cette prière sans parole! Cette disparition
en Dieu d'une âme qui prie.
Le saint curé d'Ars avait remarqué qu'un de ses
paroissiens passait de longues heures sans bouger devant
le tabernacle. « Que faites-vous donc pendant ce
temps? lui demanda le curé. Je le vise et Il me vise)J.
Quelles paroles magnifiques, pleines de piété et de
ferveur filiales 1 On peut donc prier sans parler, sans
 LE SYMBOLE DES APOTRES
bouger, mais à condition de contempler avec un amour
d'autant plus grand le Très Saint, Sacrement, le crucifix.
B) Pour donner cependant quelques indications utiles
pour faire une bonne priere, je veux vous présenter
brièvement les trois idées suivantes:
a) Nous prions Dieu qui est au-dessus de nous;
b) ' nous prions Dieu qui est au milieu de nous; c) nous
prions Dieu qui est au dedans de nous.
a) Nous prions un Dieu qui est au-dessus de nous.
C'est une marque particulière .de la langue humaine
que l'on appelle « Supérieurs» ceux à qui l'on doit
le respect: Ce nom de supéi:ieurs signifie que nous les
plaçons à un degré plus élevé que nous-mêmes.
L'étudiant voit le professeur dans sa chaire, le juge
siège à une table élevée, le souverain est monté sur un
trône. - Il est donc tout naturel que, lorsque nous
pensons à Dieu, la plus haute autorité, nos yeux se
dirigent spontanément vers le ciel, que le prêtre en
prière pendant la sainte messe élève les mains v~rs le
ciel. C'est d'ailleurs ce que nous a enseigné le Sauveur
Lui-même qui priait le plus souvent ainsi (S. Marc VI,
4 1 ; VII, 34).
Voulons-nous par là mettre en doute que Dieu soit
présent partout? Nullement. Mais par .cette attitude
nous voulons simplement venir en aide à notre âme, '
afin que, durant sa prière, elle soit débarrassée des
soucis de cette terre, qu'elle s'élève au-dessus des choses '
créées, au-dessus des montagnes et des vallées, des
forêts et des océans, au-dessus des millions d'étoiles
ei: qu'ainsi dégagée du monde créé, autant du moins
que cela est possible à un être composé d'un corps,
DIEU EST MON PÈRE : JE LE PRIE
'79
~lle puisse adorer humblement le vrai Dieu qui est
élevé au-dessus de tous les mondes.
Quelqu'un s'approche de son appareil de radio et
essaye de prendre un poste. Il essaye et n'entend rien.
Qu'y a-t-il donc? Les lampes marchent, l'antenne est
bonne, l'accumulateur est chargé et l'on n'entend rien.
Finalement on découvre la cause: l'antenne était mise
à terre. La prière de l'âme attachée à hi terre ne résonne
pas davantage; cette prière ne trouve pas d'écho dans le
ciel. Il faut mettre le contact avec l'antenne et alors
j'entendrai le concert dans mon appareil; de même
quand mon âme prie, il faut couper le contact avec la
terre et alors ma prière trouvera de l'écho dans le ciel.
Voilà comment il faut prier Dieu qui est au-dessus
de nous.
b) Nous prions un Dieu qui est au milieu de nous.
Dieu, au milieu de nous? Mais ne venons-nous pas
de dire qu'Il est au-dessus de nous, au-dessus de
toutes les choses créées.
C'est la vérité. Mais il n'est pas moins vrai que Dieu
est au milieu de nous. Vous connaissez le début de
l'évangile selon saint Jean: « Au commencement était
le Verbe et le Verbe était Dieu » (S. Jean l, 1).
« Et le Verbe s' ~st fait chair et Il a habité parmi nous ))
(S. Jean l, 14), cela veut dire que le Verbe de Dieu,
le Fils de Dieu' a pris un corps comme le nôtre et a
vécu parmi nous, et quand Il est retourné auprès de
son Père du ciel, il ne nous a pas abandonnés, mais
Il est resté parmi nous, sur les autels, dans le Très
Saint Sacrement.
c) Enfin nous prions un Dieu qui est au dedans de nous,
80 LE SYMBOLE DES APOTRES
Comment faut-il l'entendre? Dieu serait au dedans
de nous? Peut-on le croire ?
Si un homme le disait, je ne le croirais pas. Mais je
suis obligé de croire les paroles de Notre-Seigneur.
« Si quelqu'un M'aime, dit un jour le divin Maître,
il gardera Ma parole, et Mon Père l'aimera et Nous
viendrons à lui et Nous ferons chez lui Notre demeure ))
(S. Jean XIV, 23). Ces paroles ne sont-elles pas très
claires? Celui qui aime Dieu et observe ses Conunan-
dements, Dieu habite dans son âme, ,quelle sublime
révélation! Un tel homme est le temple vivant de Dieu,
un vivant tabernàcle. ' Le vieillard ne répondit pas; seulement il laissa
Je prie Dieu non seulement par mes paroles, mais
aussi par ma manière de vivre. La plus belle prier~,
c'est une vie passée dans l'observation des Commandement~·.
Lorsque je dis que par notre vie nous prions le ' Dieu
qui habite en nous, je ne fais que répéter .les paroles
de saint Paul : « Glorifiez et portez Dieu dans votre
corps! )) (1° Corinthiens VI, 20). Il Y a des compositeurs
qui ont choisi pour leurs œuvres ce titre singulier :
« Chants sans paroles )). Un chant et une priere sans
paroles en l'honneur de Dieu, telle est une vie humaine
passée selon la volonté de Dieu.
A la iumière de cette pensée nous comprenons la
louable habitude" de ces fervents catholiques qui ne
lais; ent passer ' aucune fête, sans s'approcher des
sacrements de pénitence et d'eucharistie. En vérité
c'est la plus belle, la meilleure manière de célébrer
une fête que de s'attacher, aussitôt que la poussière
de la vie couvre notr,e 'âme et qu'elle devient la victime
de la ' faiblesse humaine, à f~ire revenir au dedans '
nIEU EST MON PÈRE : JE LE PRIE
cie nous le Dieu de la miséricorde et , du pardon.
Mes frères, prions Dieu qui est en nous.
'II'
* *
Un vieux matelot conduisait un jeune homme dans
son canot. L'une des rames portait ce mot : (( Priere ))
et l'autre: « Travail ». Le jeune homme dit d'u'1 ton
railleur: « Mon br~ve homme, vous retardez. Celui qui
travaille n'a pas besoin de prier )).
tomber la rame sur laquelle était inscrit le mot « prière »
et rama avec l'autre. Il ramait, il ramait... mais la
barque ne faisait que tourner en cercle, et n'avançait
pas. Le jeune homme s'aperçut alors qu'à côté de la
rame « Travail », il fallait encore l'autre, celle de la
cc Prière )).
Par conséquent .ieprie Dieu qui est au-dessus de nous,'
c'est ma prière habituelle du matin et du soir; je prie
Dieu qui est au milieu de nous,' c'est ma priere à l'église;
je prie Dieu qui est au dedans de nous " c'est ma vie
réglée confor'mément à la volonté de Dieu. 11 n'est pas
nécessaire de me prescrire sous peine de p'éché d'aller
à la messe, de me confesser et de communier. Il n'est
pas nécessaire de me commander de prier. Ma force
et ma joie, c'est d'avoir un Père dans le ciel; ma conso-
lation c'est de voir Dieu daigner accueillir mes paroles;'
' pour moi le plus grand honneur, c'est d'avoir le droit
de prier.
Symb. d. Ap , ,- T , T

v la crainte. Par contre, nous les chrétiens, nous regardons
DIEU EST MON PÈRE JE L'AIME
MES FRÈR'ËS,
Voici le quatrième sermon où nous traitons cette
idée sublime: Dieu est notre Pere. Plus nous pénétrons
dans les profondeurs de cette idée, plus notre cœur
bat avec ardeur pour Djeu.
Dieu est mon Père, donc Il prend soin de moi
et j'ai confiance en Lui, tel a été le sujet des deux
premières instructions.
Dieu est mon Père, donc je Le prie, c'est ce dont
j'ai parlé dimanche dernier. .
Aujourd'hui avançons encore d'un pas et ajoutons
des traits nouveaux au portrait que nous avons dessiné
de « notre Père du ciel ». Nous chrétiens nous ne
faisons pas que craindre Dieu, que prier Dieu, que nous
incliner humblement devant Lui, mais nous avons avec
. Lui des rapports, comme les sectateurs des autres
letigions n'en ont pas: nous aimons Dieu. Nous L'aimons
d'un amour admirablement enfantin et avec une
DIEU EST MON PÈRE : JE L'AIME
tendresse sans égale. Nous L'aimons, parce qu'Il est
notre Pere du ciel.
Les païens avaient leurs idoles et les malheureux
n'osaient les regarder qu'en tremblant. Le peuple juif
connaissait Dieu, mais sous sa prière on sentait vibrer
vers Dieu, sans , trembler et sans crainte, avec amour,
avec un amour sans limite.
Comment sommes-nous arrivés à savoir que nous
devons· aimer Dieu? ce sera le sujet de la première
partie de mon ser~on d'aujou~d'hui~ Ensuite nous
examinerons comment nous devons manifester notre
amour pour Dieu. Je peux donc résumer brièvement
en deux questions le sujet · de mon sermon :
I. Pourquoi devons-nous aimer Dieu? et II. Comment
devons-nous aimer Dieu?
1
POURQUOI DEVONS-NOUS AIMER DIEu?
1) A cette question, pourquoi devons-nous , aimer
Dieu, je pourrais d'abord répondre : Nous devons
L'aimer, parce qu'Il l'a commandé.
Les Pharisiens se plaisaient à commenter la Loi
ancienne avec une minutieuse subtilité. Ils avai~nt
ainsi déc9uvert plus de 300 défenses et plus de 200 co~­
mandements; rien d'étonnant si les gens ne savaient
plus quel était le plus important des commandements.
 LE SYMBOLE DES APOTRES
Un jour, ils demandèrent à Notre ·Seigneur, comme
vous venez ,..de l'entendre dans l'évangile de ce
XVIIe dimanche après la Pentecôte : Quel est le plus
grand des commandements? Et la répons~ du divin
Maître les étonna. Parmi la multitude des prescriptions,
des commandements et des prohibitions, Il met au
premier rang ce à quoi ilsl auraient à peine pensé,
un commandement pour ainsi dire enfoui dans la
masse: « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout
ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit»
(S. Matthieu' XXII, 37)~ 0 du m~rveilleux tableau qu'est le monde et j'en suis ébloui.
Il convient de revenir un peu sur cette réponse.
Qui peut le mieux comprendre l'homme? Celui qui
l'a créé: Dieu. Le Dieu Créateur a placé au milieu
du corps humain - chose remarquable - non pas le
cerveau, mais le cœur; Il indiquait par là que dans
l'homme le cœur avait un rôle plus /grand à jouer que
le cerveau.
Et réellement Notre-Seigneur a indiqué comme pre-
mier commandement le commandement du cœur :
l'amour. Quel est le plus grand des commandements?
demandait-on au Sauveur. Et qu'a-t-Il répondu?
Appliquez toute ' votre intelligence à concevoir Dieu?
Non. Mais: Aimez Dieu de tout votre cœur. .,;
Quelle marque de la bonté paternelle de Dieu que
ce commandement qui nous impose de L'aimer!
Oui, l'amour de Dieu est notre plus grand bonheur
e~ la source de notre joie, il est notre honneur et notre
soutien. Ce serait dèjà une faveur incomparable pour
nous si Dieu nous avait seulement permis de L'aimer.
Mais Dieu .est allé ' plus loin. Précisément parce qu'Il
DIEU EST MON PÈRE : JE L'AIME 85
a vu que son am,our devait être notre tâche vitale,
Hon seulement Il' a permis, mais encore Il a prescrit
formellement: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu.
Aimons donc Dieu, puisqu'Il l'a ordonné.
z) Mais si je continue ma réponse à la question,
pourquoi nous aimons Dieu, alors j'ajouterai ceci :
Nous aimons Dieu, parce- qu'Il est la Beauté infinie.
Dieu est beau? Comment le sais-je? Pourtant je n'ai
pasvu Dieu. C'est vrai: je n'ai jamais YU Dieu,mais
j'ai vu les empreintes de ' ses mains; je vois les couleurs
Mes frères, aimez-vous les fleurs, les prairies par-
fumées, les épis qui ondulent sous la brise ? Aimez~vous
la cascade dans la montagne, le bruissement dans la
forêt, les cimes neigeuses, le 'mugissement de la mer?
Les touristes qui viennent voir le lac des Quatre-
Cantons ne manquent pas de faire l'ascension du
Rigi-Kulm pour assister à un splendide lever de soleil.
Il est bon matin ... Les masses des glaciers sont encore
plongées dans une ombre grisâtre. Peu à peu le jour ,'
commence, la clarté augmente. Tout à coup le soleil
se montre et les cimes des montagnes s'embrasent
comme des torches 11amboyantes, les glaciers et les
pentes neigeuses rougeoient comme des fleuves de feu.
Et dans tin silence absolu, on entend plus d'une poitrine
soupirer: 0 Dieu, ô Dieu infini!
Que de beauté n'y a-t-il pas. dans le monde! Mais
d'où vient-elle? S'est-elle faite "Ile-même? Existe-t-elle
de toute éternité? Est-ce là la réponse à la question
que nous avons posée? Quelle doit être la beauté de Dieu,
û son ombre, le monde créé, est si magnifique?
86 LE SYMBOLE DES APOTRES
Je puis donc dire: J'aime Dieu, parce qu'Il est beau.
3) M~is il f~ut encore aller chercher plus loin ma
réponse.;De prime abord, je n'aime pas Dieu, parce
qu'Il est beau, mais parce qu'Il est bon, infiniment bon.
A) Jésus a dit un jour: « Personne n'est bon, sinon
Dieu seul »(8. Luc XVIII, 19).
N'est-ce pas une exagération? N'y a-t-il aucune bonté
dans l'homme? On dit pourtant de bien des gens :
« C'est un bon homme)). On dit aussi: « C'est la bonté
même ».
Oui, mes frères, qui oserait nier que parmi nous aussi,
grâce à Dieu, il y eût de la bonté? Qui oserait ni~r que
les hommes eussent aussi leurs bonnes qualités?
Seulement je n'oserais pas affirmer que l'homme est
totalement bon, qu'il est la bonté mhne. Il peut avoir
été saint Pierre, saint Paul, religieux, prêtre, pape, etc.
mais il était un homme et l'horrime est un mélange de
bien et de mal. Et pour empêcher le mal de l'emporter
en nous, nous devons perpétuellement lutter contre
nous-mêmes. Beaucoup réussissent à remporter une
victoire complète, mais même chez eux il est encore
possible que le mal reprenne le dessus sur 1e bien.
On ne peut donc pas dire d'un homme qu'il est tota-
lement bon. « Personne n'est bon sinon Dieu seul )).
Il est la source de toute bonté, parce que son essence
même est la bonté. Dans l'homme aussi il y" 'a un
fragment' de bonté, mais il l'a reçu de la source de la
bonté, c'est-à-dire de Dieu, tout comme les planètes
reçoivent leur clarté de la source de la lumière: le soleil.
Dans le prophète Isaïe, Dieu emploie une magnifique
comparaison, lorsqu'Il veut montrer sa bonté à l'égard
blEU EST MON PÈRE : JE 1.' AIME
de son peuple: « Je t'ai gravé sur la paume de mes
mains » (Isaïe XLIX, 16). Ainsi parle le Seigneur.
De tous ses membres, c'est de la main que l'homme li!
le plus besoin, ill' a constamment sous les yeux, « graver
dans mes mains» veut donc dire me souvenir sans cesse
de quelque chose, penser sans cesse à quelque (~hose.
Comme il faut que Dieu soit bon, pour promettre ainsi
de penser toujours 'à nous!
Que Dieu soit si bon pour nous et qu'Il nous aime
ta~t, cela fait partie de sa nature. Il ne peut pas retenir
sa bonté, son amour qui se répandent partout . .Est-il
possible d'~mpêcher le feu qui flambe de produire
de la chaleur? Est-il possible d'empêcher le soleil 'qui
brille de diffuser partout sa lumière? Mais ce que le
feu et le soleil font involontairement, Dieu ;Ie fait
librement, en répandant et en manifestant partout sa
bonté.
B) Mais comment Dieu manifeste-t-Il sa bonté?
Comment?
a) D'abord, Il l'a montrée, en donnant l'existence
au vaste univers et en la lui conservant.
Promenons seulement nos regards sur le monde aux
riches couleurs: tout y proclame la bonté du Créateur.
Notre-Seigneur Lui-même a attiré sur ce point notre
attention : « Voyez les lis des champs, regardez les
oiseaux du ciel ». Écoutez le murmure du ruisseau,
parlez au ";'ent qui souffle; tous .chantent : comme
Dieu est bon! « Il donne la nourriture aux petits
de la corneille qui crient vers Lui » dit le psalmiste
(Ps. CXLVI, 9). '
On pourrait répondre : c'est la vieille corneille qui
88 LE SYII'lBOLE DES APOTRES
leur donne la nourriture. Sans doute que c'est la vieille
corneille. Mais qui a donné à la mère l'instinct de nourrir
ses petits?
En vérité, Dieu est bon pour le monde entier.
b) Mais Dieu manifeste encore davantage sa bonté
envers les hommes, parce qu'Il nous aime ('1.) avec
désintéressement; ~) sans mérite de notre part; y) sans
mesure.
IX) Il nous aime avec désintéressement. Dans tout amour
d'ici-bas il se mêle toujours quelque intérêt ou quelque
obligation ou le lien du sang, même dans l'amour des
parents et des enfants. Nous aimons quelqu'un, parce
qu'il a été bon pour nous, parce qu'il nous a aidés, parce
qu'il nous plaît, parce que nous avons besoin de lui.
Mais Dieu aime avec désintéressement. Il n'a pas besoin
de n6us, nous ne pouvons pas Le rendre plus heureux
et pourtant Il a dit: « Je t'ai aimé d'un amour éternel»
(Jérémie XXXI, 3).
~) Deuxièmement Il nous aime sans mérite de notre
part. Car qui oserait dire qu'il a mhité la bonté et
l'amour de Dieu? Les anges? Ils pourraient peut-être
le dire. Les saints? Peut··être aussi.Mais moi, pourrais-je
le dire? Toutes les fautes de ma vie passée me reviennent
en mémoire et je m'écrie avec le psalmiste: « Qu'est- cc
que l'homme, pour que Vous Vous souveniez de lui? ,)
(Ps. VIII, 5). Tou~es les fautes de ma vie passée sont
devant moi et je m'écrie avec le prophète Jérémie :
« C'est une grâce du Seigneur que nous ne soyons pas
an.éantis») (Lamentations III, 22). Tous mes péchés
sont devant moi et je dis àvec saint Paul: « Dieu montre
son amour envers nous en ce que, lorsque nous étions
. '
DIEU EST MON PÈRE: JE L'ATME
encore des pécheurs, Jésus-Christ est mort pour nous»
(Romains V, 8).
En vérité, Dieu nous aime sans mérite de notre part.
y) Et Dieu nous aime sans mesure.
Je n'en finirais jamais, si je voulais vous énumérer
en détail toutes les manifestations de l'amour de Dieu
pour nous. Il nous aime, lorsqu'Il nous donne des
parents pllfins de sollicitude et d'excellents amis.
Il nous aime, quand Il nous donne l'intégrité du corps
et la santé. Il nous aime, lorsqu'Il nous donne les facultés
de l'âme ... Pour le moment je ne parle pas de tout cela.
Je souligne seulement cette pensée: Comme mon Père
du ciel m'a aimé, en envoyant Jésus-Christ Notre-
Seigneur qui « m'a aimé et s'est livré lui-même pour
moi ) (Galates II,20).
Lorsque Abraham, dans son amour pour Dieu,
était prêt au plus grand des sacrifices, à immoler son
fils, un ange retint son bras et lui dit : « Maintenant
Dieu a reconnu que tu L'aimes, maintenant que tu
étais prêt à sacrifier ton plus cher trésor, ton fils
unique ». Nous autres hommes, nous savons aussi,
depuis l'après-midi du Vendredi-Saint, combien Dieu
nous aime, puisque ce ' jour-là Il a sacrifié pour nous,
son plus précieux trésor, . son Fils unique. « Pour
racheter votre esclave, Vous avez livré Votre Fils à
la mort ») affirme saint Augustin. Je vous en conjure
donc, mes frère;, avec saint Jean " : Aimons Dieu
« parce qu'Il nous a aimés le premier » (le épître de
saint Jean IV, 10). Il nous a aimés avec désintéressement
sans aucun mérite de notre part, sans .nesure.
Aimons Dieu! Mais comment devons-nous L'aimer?
 LE SYMBOLE DES APOTRES
II
1 COMMF.NT DEVONS-NOUS AIMER DIEu?
Selon Notre-Seigneur Jésus-Christ, le devoir le plus
sacré de l'homme est celui d'aimer Dieu. Si c'est donc
là pour moi le devoir suprême et qui doit régler ma
destinée, je désin!rais savoir si je possède en moi le
véritable amour de Dieu. Y a-t-il une marque extérieure,
une preuve que j'aime Dieu? Par exemple, mon cœur
bat-il plus vite, lorsque je pense à Dieu? Si je me sens
ému, si des rayons de joie illuminent mon visage,
si je suis pénétré de ferveur dans ma prière, est-ce là
le signe de l'amour de Dieu? ,.
Beaucoup font entendre cette plainte: « Je ne sais
pas ce qui m'arrive. Autrefois je ressentais une douce
ferveur, quand je priais. Maintenant je n'éprouve plus
rien du tout. Est-ce que je n'aime plus le bon Dieu? »
Il n'en est nullement question. Même les sentiments
les plus chaleureux ne sont pas des signes certains
d'un véritable amour de Dieu. On peut se sentit trans-
porté, enthousiasmé, ravi, en présence de Dieu, mais
ce n'est pas la preuve que l'on aime Dieu. Une autre
âme n'est peut-être pas capable d'épro~ver .de pareilles
impressions et cependant elle peut brûler d'amour pour
Dieu.
Saint Paul exhortait les fidèles de Rome à s.'écrier
comme des enfants: « Abba! Pater!» (Romains VIII, 15).
Précisément dans cette exhortation se trouve la réponse
DIEU EST MON PÈRE: JE L'AIME 91
1
à notre question comment devons-nous aimer Dieu.
Exactement comme l'enfant aime son père, d'un amour
r~conllaissant et prit au sacrifice. Qu'il s'agisse d'un
jeune pomme ou d'une jeune fille, peu importe; d'un
vieillard ou d'un homme fait, peu importe : devant
Dieu le vieillard centenaire et le roi puissant ne sont
que des enfants.
Dirai-je donc quel est le signe le plus sûr de notre
amour pour Dieu? Le voilà: il réside dans notre recon-
naissance à l'égard de Dieu et dans notre esprit de
sacrifice à la volonté de Dieu. Là mesure dans laquelle
'lJOUS ites prits · à vous sacrifier pour Dieu et pour votre
prochain par amour de Dieu est la mesure de votre amour
pour Dieu.
1) Par conséquent il faut aimer Dieu: a) d'un cœur
reconnaissant et b) d'un amour généreux.
a) Il faut aimer Dieu d'un cœur reconnaissant.
« Mon Dieu! » que de fois les gens d'aujourd'hui
prononcent ce mot sàns réflexion, sans motif. S'ils
pensaient seulement à ce qu'ils disent! Car si quelqu'un
dit: « Mon Dieu! » il indique par là qu'il a avec Dieu
une relation qui l'oblige à la reconnaissance et à un
amour généreux, à cause de la bonté de Dieu.
Savez-vous comment un disciple de saint François
d'Assise convertit un jeune homme insouciant et léger?
Il le conduisit près d'un homme aveugle et paralytique.
« Dites-moi, si quelqu'un vous rendait la vue et
l'usage de vos mains, n'aimeriez-vous pas cet homme?
Si je l'aimerais? s'écria l'aveugle. Mais je serais son
esclave le reste de ma vie.
Vois tu, fit le religieux en se tournant vers le jeune
 LE _ ~Y MBOLE DES APOTRES
frivole, quelqu'un t'a donné tous tes sens en bon état
et beaucoup d'autres choses en plus, comment lui
manifestes-tu ta reconnaissance? »
b) Il faut aimer Dieu avec générosité. Le Livre de
l'Apocalypse parle de personnes qui portent sur le front
le nom divin (XIV, 1). Que de fois pendant notre vie
nous avons déjà fait le signe de la croix! A chaque fois
nous avons tracé sur notre front le nom de Dieu le Père.
Mais que ce ne soit pas une vaine cérémonie; consacrons
à Dieu le Père to,ut ce qui se trouve derrière notre
_front, c'est-à-dire toutes nos pensées. _ qui se dispensent le plus aisément d'assister à la messe
Dieu est mon Père; s'Il est mon Père, je cherche donc
à Lui · faire plaisir. Comment? En accep~ant ses paroles,
en observant ses commandements. ù Mais ils sont
difficiles. Ils tranchent dans le vif ». Qu'importe!
Lepetit enfant non plus n'aime pas de suivre les ordres
de ses parents et pourtant ils exigent de lui l'obéissance.
L'enfant encore jeune ne comprend pas, il -s'irrite,
il sC? plaint, lorsque ses parents, dans son propre intérêt,
lui défendent quelque chose. S'il était plus raisonnable,
il dirait; Si papa, si maman me refusent cela, ils savent
pourquoi ils ne me le donnent pas ... Ils agissent certai-
nement dans mon intérêt.
Oui, voilà ce que periserait l'enfant, s'il était plus
raisonnable. Et c'est aussi ainsi que l'homme fait
penserait de Dieu, quand Il lui refuse quelque chose
ou quand Il lui demande quelque sacrifice.
Et ne vous étonnez pas, si je descends ici jusque
dans les minuties de la vie de tous les jours et si je vous
di s : Celui qui aime vraiment Dl:eu n'observera pas ses
commandements moins consciencieusement que, comment
DIEU EST MON p Èrm : J E L'AIME 93
dirai-je? les commandements de la mode. Le passé et le
présent nous fournissent à ce sujet bien des exemples
singuliers.
Au XVIIIe siècle, la veille d'une grande fête, le coiffeur
arrangeait en forme de tour de Babel la coiffure de la
dame à la mode et celle-ci était obligée de passer toute
la nuit sur une chaise, sans dormir, sans bouger, pour
ne pas compromettre l'équilibre de sa chevelure .. .
Est-ce que Dieu nous impose de passer des nuits
pareilles? Et ce sont précisément les dames de ce genre
du dimanche, sous toutes sortes de prétextes de « lassi-
tude » et d' « iùdisposition »! Où y a-t-il un comman-
dement imposant un jeûne aussi rigoureux que, par
exemple, les prescriptions d'une cure d'amaigrissement?
Et ce sont précisément ceux qui regardent comme trop
sévères les ordonnances de l'Église et les proclament
une torture pour l'homme moderne, ce sont préci~ément
les mêmes qui, si la mode L'exige, avalent sans résistance
. de la craie dissoute dans le vinaigre, uniquement pour
devenir un peu plus svelte. Les mêmes intelligents jeunes
hommes qui auraient honte de ployer le genou, à
-l'élévation, « qu'est-ce que diraient les camarades? »
ne rougissent pas, le lendemain matin d'une nuit de
carnaval passé à boire, de déambuler sur les boulevards,
un bonnet de .papier sur la tête, un mirliton à la bouche
et un ballon peinturluré dans la main. Et ainsi de
suite. Et ces gens-là aimeraient Dieu? Non : car [Jour
aimer Dieu, il n'y a qu.e celui qui peut faire des sacrifices
pour Lui.
2. Dieu et le prochain. T elle est la seconde marque
 .!
94 LE SYMBOLE DES APOTRES
distinctive du véritable amour de Dieu : Tu mmeras
ton prochain.
. Si j'aime Dieu, si j'aime Dieu réellement, alors j'aime
aussi mon prochain et je rends au mot « aimer » sa
signification primitive. Car savez-voüs pourquoi actuel-
lement il est si difficile de parler de l'amour de Dieu?
C'est parce qu'on a dérivé de lui toutes sortes de contre-
façons de l'amour. . véritable amour de Dieu, ne peut le dissimuler, il le fait
« Aimer ». Dans l'atmosphère sans cœur et frivole
de notre époque, ce mot sacré ou bien ·est tombé en
oubli ou bien, ce qui est encore plus douloureux, a
reçu une signification criminelle.
a) Il est tombé en oubli. La rudesse et la précipitation
de la vie l'ont foulé aux pieds. Aujourd'hui celui qui
est pauvre doit souffrir la faim. Aujourd'hui celui qui
est faible doit disparaître. Celui qui est malade est à
charge à sa famille. Celui qui a travaillé jusqu'au bout
doit mourir. Celui qui meurt aujourd'hui est oublié
demain. L'amour est mort. . et son amour est parfait en nous» (Ire épître saint Jean
b) Si le no~ subsiste, un poison meurtrier se cache
derrière. Le nom existe encore : sur les affiches de
cinéma, dans les titres des pièces de théâtre, dans les
romans il s'étale au long et au large et ne permet pas
que notre jeunesse se conserve chaste et pure. Il
ne sert plus que de manteau aux plus basses convoitises,
ce mot si beau et si noble « aimer ».
Comment l'homme aimerait-il Dieu qu'il ne voit pas
s'il n'a~me "pas son prochain qu'il voit? ' n'était pas si beau. J'aime Dieu, parce qu'Il est bon et
Voulez-vous lui parler de l'amour de Dieu? Parlez ·
à l'aveugle des rayons du soleil de mai. Parlez au mou-
rant du bonheur de vivre. Parlez à un paralytique
DIEU EST MON PÈRE: JE L'AIME - 95
d'un voyage autour du monde. Plantez au pôle Nord
des fleurs tropicales. L'homme méfiant, soupçonneux,
aigri, chicaneur à l'égard des autres est pareillement
méfiant, soupçonneux, renfermé à l'égard de Dieu.
'Il n'aime pas Dieu celui qui est cruel, sans cœur,
sans amour, querelleur, insupportable, hostile envers
son prochain. Mais celui qui possède en lui· même le
rayonner au-dessus de son prochain, tout comme le
soleil éclaire la lune pendant la nuit, mais la lune ne
peut pas cacher, elle renvoie à la terre et aux hommes
plongés dans les ténèbres la douce clarté qu'elle a reçue
du soleil. -
Voulez-vous savoir si vous aimez Dieu? Demandez-
vous à vous-même si vous avez suivi ces paroles de
nos Saints Livres: « Si Dieu nous a ainsi aimés, nous
devons aussi nous aimer. les uns les autres... Si nous
nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous '
IV, II ~ I2).
Mes frères, Dante, le grand poète chrétien, termine
son poème en montrant l'amour divin faisant mouvoir
le soleil et toutes les étoiles. S'il fait mouvoir le soleil
inerte et les froides étoiles, à combien plus forte raison
moi, homme au cœur chaud et vivant: J'aime donc
Dieu et je L'aimerais alors même qu'Il ne me le com-
manderait pas. J'aime Dieu, et je L'aimerais même s'Il
parce que son amour me fait du bien: il ennoblit, élève,
fortifie. « Si ,tu aimes la poussière, écrit saint Augustin
(In 1 Jo. 2, 15. Tr. 2, 14) tu deviendras poussière. Si
 LE SYMBOLE DES APOTRES
tu aimes Dieu, tu deviendras semblable à Dieu n.
J'aime Dieu et précisément à cause de cela, je ne
lève pas vers Lui des regards aigris, maussades, sombres.
Je ne dis pas avec amertume: Si je suis obligé d'aller
à la messe le dimanche, si je suis obligé de faire maigre
le vendredi, si je suis obligé d'aller à confesse une fois
chaque année, je le ferai, puisqu'il le faut. Oh non!
Mais avec tous les soucis, toutes les espérances, tous les
sentiments de mon âme épanouie, je m'écrierai à perdre
haleine: Seigneur, que je suis heureux de pouvoir vous
aimer,. que je suis heureux de pouvoir être à Vous!
Ils sont à plaindre ces hommes d'aujourd'hui, chez
lesquels la foi religieuse est endormie, et qui cherchent
sur les routes nuageuses et sombres de l'occultisme à
satisfaire le besoin instinctif de leur âme en quête de
Dieu. Un système d'occultisme prêche à ses adeptes
qu'il y a dans le corps humain des molécules mysté-
rieuses et inconnues, qui permettent de connaître le
monde suprasensible, ce sont les « fleurs de lotus ».
Celui qui sait les faire se développer en lui, verra des
choses, entendra des mélodies que ni l'œil ni l'oreille
ne peuvent percevoir.
Mais tout cela n'est qu'une pure imagin~tion et un
désir sans espoir.
La vraie fleur sainte qui vit dans notre âme : c'est la
fleur de la foi. Et si nous la soignons, si nous la gardons,
si nous la cultivons et si nous vivons en conséquence,
c'est-à-dire si véritablement nous aimons l)ieu, alors nous
aurons réellement part au bonheur dont parle
saint Paul: « L'œil n'a pas vu, l'oreille n'a pas entendu,
le cœur de l'homme n'a pas saisi ce que Dieu a préparé
DIEU EST MON PÈRE: JE L'AIME 97
pour ceux qui L'aiment Corinthiens Il, 9).
» (10
Et maintenant, mes frères, mettons-nous à genoux et
récitons la magnifique prière de Newman, le grand
cardinal anglais, converti du Protestantisme :
« Seigneur, je suis tranquille dans Vos bras: Si Vous
me gardez,je n'ai rien à craindre; si Vous me quittez,
je perds toute espérance. Je ne sais rien de l'avenir,
mais j'ai confiance en Vous. C'est pourquoi je Vous
prie de m'accorder ce qui ,est bon pour moi; je Vous
supplie d'écarter tout ce qui pourrait nuire à mon salut.
Je compte en tout sur Vous, car Vous savez et moi je
ne sais pas. Si Vous m'envoyez la souffrance et la peine,
faites-moi la grâce de les bien supporter, préservez-moi
de l'agitation et de l'égoïsme. Si Vous me donnez la
force et la santé et le succès dans le monde, rendez-moi
vigilant, afin que Vos dons IT).agnifiques ne m'éloignent
pas de Vous. Faites que je Vous connaisse, que je croie
en Vous, que je Vous aime, que je Vous serve. Puissé-je
vivre pour Vous et mourir de la manière que Vous
jugerez la plus utile à Votre gloire ».
Symo. d. Ail. - T. f 7

VI
LA TRÈS SAINTE TRINITÉ
MES FRÈRES,
L'apôtre saint Paul écrit dans son épître aux
Hébreux : « Sans la foi il est impossible de plaire à
Dieu; car il faut que celui qui s'approche de Dieu croie
qu'Il existe et qu'Il est le rémunératèur de ceux qui le
cherchent)) (Hébreux XI, 6).
.'1
Je dois croire qu'il y a un Dieu « Je crois en Dieu,
le Père Tout-Puissan~ » c'est ainsi que commence le
Credo catholique, et la foi en unseul Dieu est la base
même du christianisme. Mais la foi chrétienne possède
encore un autre article, tout aussi important et 'tout
aussi f~ndamental que l'article relatif à un seul Dieu.
Toutefois il semble à première vue que ce 's econd article
soit en c~rttradiction avec le premier.
« Je crois en Dieu )) ainsi commence le Credo. Mais
nous disons aussi: « Je crois à la Très Sainte Trinité ».
« Je crois au Père Tout-Puissant )). Ensuite « Je crois
en Jésus-Christ, son Fils unique ». « Je crois au Saint-
Esprit )). Les deux vérités ont la même importance.
LA TRÈS SAINTE TRINITÉ 99
Celui qui ne croit pas en Dieu ne peut pas être èhrétien;
mais celui qui ne croit pas à la Sainte Trinité ne peut
pas non plus être chrétien. Sans cette vérité fonda-
mentale, tout le christianisme serait incompréhensible
et inexplicable, car la personnalité et la vie de Notre-
Seigneur Jésus-Christ, sa doctrine et ses souffrances ne
trouvent leur fondement que dans la foi en la Sainte
Trinité. .
N'y a-t-il entre ces deux dogmes aucune contradiction
de telle nature que l'un exclue l'autre?
Sur quoi repose cette doctrine de la Sainte Trinité,
i'épreuve la plus délicate de notre foi? N'est-il pas une
absurdité, un défi à la raison humaine, ce dogme de
la Sainte Trinité? Et s'il est en réalité une vérité de foi
révélée, a-t-:il une répercussion sur notre vie religieuse?
Vollà les questions qui attendent leur réponse du
sermon ' d'aujourd'hui. Tout d'abord · nous étudierons
les raisons pour lesquelles- le christianisme enseigne la
croyance à la Sainte Trinité. Ensuite nous écarterons
les difficultés qui paraissent s'y opposer. Enfin nous exami-
nerons l'importance de ce dogme sur la vie religieuse.
Toui: d'abord il nous faut tirer au clair:
1
POUR QUELLES RAISONS CROYONS-NOUS
A LA SAINTE TRINITÉ?
La foi en la Sainte Trinité.ést une doctrine Spéciale au
christianisme. Elle est la grande porte, la seule flntrée,
roo LE SYMBOLE DES APOTRES
par laquelle doivent passel' tous ceux qui veulent
pénétrer en terrain, chrétien. C'est Notre;..Seigneur
Jésus-Christ Lui-mê-me qui a ouvert cette porte par
laquelle doivent entrer tous ceux qui veulent devenir
ses disciples. « Allez, enseignez toutes les nations,
baptise~-les au nom du Père, du Fils et du Saint-
Esprit» (S. Matthieu XXVIII, 19).
O.n ne peut certainement pas être chrétien, si l'on
n'est pas baptisé. Mais on ne peut être baptisé qu'au
nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. O.n ne peut
donc pas être chrétien, si l'on ne croit pas à la Sainte
Trinité.
La Sainte Trinité! Le plus grand mystère de la foi
chrétienne. Une seule Divinité, mais trois personnes divines.
Le Pere est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu.
Cependant il n'y a pas trois Dieux: il n'y a qu'un seul
Dieu. Un Dieu en trois personnes.
Qui peut le comprendre? Pas la raison humaine.
Qui peut se le représenter? Pas l'imagination
humaine.
Qui le croit? Tout chrétien le croit avec une foi
humble.
Mais pourquoi le croyons-nous? Uniquement parC(;
que Notre-Seigneur Jésus-Çhrist nous ['a enseigné J
Il nous l'a enseigné- avec une telle netteté que nous
sommes obligés de croire à sa parole.
o.ù l'a-t-Il enseigné?
En voici quelques exemples.
Il a enseigné formellement qu'Il est le « Fils de Dieu»
mais dans un sens totalement différent du nôtre, quand
-nous autres hommes nous nous nommons fils de Dieu,
LA TRÈS SAINTE TRINITÉ 101
c'est-à-dire tl1s adoptifs de Dieu. Dieu a donc aussi
un Fils. Mais il dit également une autre fois: « Le Père
et Moi Nous sommes un » (S. Jean X, 30), donc il
n'y a pas deux Dieux. « Dieu» et « Dieu le Fils» ne sont
pas deux Dieux.
La Sainte Écriture ne parle pas seulement du Fils
de Dieu, de la seconde personne divine, mais aussi d'une
troisième personne, le Saint-Esprit. Nous lisons par
exemple que, lorsque Jésus se fit baptiser dans le
Jourdain, le Saint-Esprit descendit sur Lui sous la
forme d'une colombe (S. Matthieu III, 6). Nous
lisons que Jésus a promis le Saint-Esprit, l'Esprit de
vérité, qui demeurera toujours avec les apôtres
(S. Jean XIV, 17). Nous lisons que, le soir du jour
de Pâques, Il souffla sur eux pour leur communiquer
le Saint-Esprit pour remettre les péchés, (S. Jean
XX, 21). Et nous- L'entendons les envoyer baptiser
au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit
(S. Matthieu XXVIII, 19).
Ces passages sont si clairs, si indisCutables qu'il est
impossible de laisser de côté la foi en la Très Sainte
Trinité. ,Comprenons-nous? Non. Croyons-nous? Oui,
avec humilité.
Un des plus subtils théologiens, saint Augustin, se
creusait vainement la tête sur ce profond mystère,
tout en se promenant sur le bord de la mer, vous
connaissez certainement cette scène charmante. Un
petit garçon jouait sur la -rive et mettait dans un petit
trou de l'eau qu'il puisait dans la mer avec une coquille.
Il voulait verser la mer immense dans ce petit trou.
. Le grand penseur lui dit en souriant qu'il ne pourrait
102 LE SYMBOLE DES APOTRES
jamms .y arriver. J'y arriverai avant que la raison
(1
humaine bornée puisse comprendre l'Essence divine
et le mystère de la Sainte Trinité n, répliqua le petit
enfant.
II
OT1FT.U:S SONT LES DIFFICULTÉS'
Mais si ce petit épisode est authentique et s'il est vrai
que nous ne pouvons pas comprendre le mystère de
la Sainte Trinité, nous pouvons cependant y réfléchir
et tâcher de répondre aux difficultés qui se présentent.
Car je sens bien que dans l'homme s'élèvent de
l'inquiétude, des objections, des doutes au sujet de
tout ce que nous venons de dire sur la Sainte Trinité.
« En croyant à la Sainte Trinité, nous sommes
obligés d'admettre quelque chose qui répugne à la
raison humaine :...-. j'entends bien J'objection. Trois ne
peuvent pas être un. Et un ne peut pas être trois ll.
C'est vrai, un ne peut pas être trois et trois ne peuvent
pas être un. Et si la foi chrérienne exigeait de moi de -
croire à une telle impossibilité. moi non plus je ne serais
pas chrétien.
Or, dans le dogme de la Très Sainte 11,.âté, il n;est
pas question de cela. Nous he croyons pas qu'en Dieu
il y a une personne et ensuite qu'i~ yen a trois, nous ne
croyons pas qu'en Dieu il y a une nature et ensuite
trois natures, ce serait une absurdité'- Mais nous croyons
que ce qui l'st un sous un rapport est trois sous un autre
LA TRÈS SAINTE TRINITÉ 1°3
rapport. Dieu est un, si nous considérons sa nature,
mais Il est triple si, dans cètte nature unique, nous
considérons les personnes. -
La~ raison humaine a fait tous les efforts imaginables
pour s'approchèr le plus possible de ce mystère; mais
jamais elle ne pourra complètement le comprendre.
Saint Augustin, ' un des esprits les plus pénétrants, s'est
constamment cassé la tête à ce sujet, 'il a emprunté
aux phénomènes de la nature les plus merveilleuses
comparaisons, Jllais le mystère n'en est pas devenu -plus
clair, finalement il aboutit à la charmante scène' que
nous avons rappelée.
Voici quelques-unes de ces comparaisons de
saint Augustin. Nous n'appelons pas la source fleuve et
nous ne donnons pas au fleuve le nom de source et la
goutte d'eau que nous buvons à: la source, n'est ni la
source ni le fleuve, cependant dans les trois il ya la
même eau. Donc, ~ource, fleuve, gouttelette sont trois
choses, mais une seule eau (De fide et symb. c. IX, 17).
Saint Augustin emprunte une autre comparaison aux
trois facultés de ' l'âme. La mémoire, l'intelligence, la
volonté, trois facultés d'un seul et même être, J'âme
(De spirit. IX, 12),
On a essayé d'autres comparaisons. Trois hommes
peuvent avoir la même pensée : il y a trois pensées, mais
il n'y a qu'une seule vérité, un seul objet. '
Le soleil brille au-dessus de l'eau et à la surface se
réfléchit son image; il donne dans un miroir et son image
y apparaît aussi; donc l'image du soleil est à la fois au
ciel, dans l'eau, dans le miroir; il y a trois images,
un seul soleil.
 LE SY MBOL E DES APOTRES
1
Sur le piano je puis faire un accord avec trois notes,
trois notes, un seul accord.
Je prends en main une améthyste; elle montre, si on
la regarde sur trois faces, trois couleurs différentes,
pourtant il n'yen a qu'une.
Il y a l'eau liquide, il y a la glace, il yale nuage,
l'essence de ces trois choses, c'est l'eau.
L'électricité travaille, chauffe, éclaire, elle est cepen-
dant toujours la même.
Précisément l'ingéniosité déployée par la raison
humaine pour trouver ces comparaisons prouve que
chacune cloche un peu et reste loin de la réalité. Comme
les arts' sont dans l'embarras, quand il s'agit de repré-
senter la Sainte Trinité! Dans les églises du Moyen Age,
on la représentait par un grand Y oU par un grand T;
dans chaque il y a trois barres et pourtant une seule
lettre. La plupart du temps, la Sainte Trinité est
représentée par un triangle avec au milieu l'œil de Dieu
qui voit tout. Assurément ce ne sont que des ébauches
humaines, des comparaisons boiteuses. Et après toutes
ces comparaisons, toutes ces réflexions, je suis obligé
de dire d'une âme croyante: « Je crois, bien que je ne
comprenne pas ».
Mais à propos du mystère de la Sainte Trinité, ne
remarquons-nous pas avec étonnement que Dieu a
répandu à travers le domaine de la pensée humaine
justement ce nombre trois? C'est pourquoi j'ose dire :
Le monde est rempli des traces cachées de la Tres Sainte
Trinité. Tout a un commencement, un milieu et une fin.
Tout être vivant naît, grandit et meurt. Le temps
comprend le passé, le présent et l' avenir. Un proverbe
LA TRÈS
1
SAI NTE TRI N ITÉ 1°5
dit: toutes les bonnes choses sont trois; quel écllo ne
trouve-t-il pas dans ces paroles du Sauveur :' « Personne
n'est bon, sinon Dieu seul» (S. Marc X, 18), le Dieu
en trois personnes!
Pour rtotre raison, la Sainte Trinité est un mystère
que nous ne comprenons pas, mais nous voyons ' du
moins qu'elle n'est nullement contraire à la raison,
comme le prétendent les incroyants, mais seulement
au-dessus de notre raison . Elle lui serait contraire, si
l'on soutenait que trois égalent un. Non, nous ne
soutenons pas qu'il y a trois Dieux et que néanmoins
ces trois n'en sont qu'un, ce serait ridicule, mais qu'il
y a trois personnes divines en une seule Divinité. Donc
il n'y a pas trois natures divines, mais une seule.
\( Je ne comprends pas n, c'est ce que je peux dire;
mais que « cela répugne à la raison n je n'ai pas le droit
de l'affirmer.
Je ne comprends pas. Mais je ne suis pas le seul,
personne ne comprend. Vous avez déjà vu com~ent
les grands artistes cherchent à représenter les anges dans
le ciel? A' genoux devant Dieu, la tête inclinée. A
combien plus forte raison conviendrait cette posture
aux créatures· humaines. Tantum ergo mysterium vene-
remur cernui.
Nous ne comprenons pas, nous ne comprenons pas .
Si nous nous trouvions dans le 'foyer d'un gigantesque
réflecteur, nous aurions l'impression d'être dans un.
océan de lumière, nous ne verrions pas autre chose
que de la lumière et toujours de la lumière. Ce serait
comme si notre cœur voulait s'arrêter. Savez-vous pour··
quoi nous ne comprenons pas? C'est parce que celui qui
 106 LE SYMBOLE DES APOTRES
'VOudrait comprendre la Sainte Trinité devrait d'abord
comprendre l'infinité de Dieu. Il devrait enfermer dans
un petit cerveau humain le Dieu infini, il devrait verser
dans un petit trou la mer immense.
Le diacre Euplius de Catane subit, en 304, le martyre
pour la foi chrétienne. Le juge dit au martyr qui se
tordait de douleur : « Malheureux, prie les dieux.
Adore Mars, Apollon, Esculape ». Le martyr répondit:
« Je prie le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Je prie,la
Sainte Trinité, en dehors d'elle il n'y a pas de Dieu ».
Oui, mes frères, je prie la Très Sainte Trinité, en dehors
d'elle il n'y a pas de Dieu.
III
QUELLE EST L'IMPORTANCE DU DOGME DE LA SAINTE
TRINITÉ POUR NOTRE VIE RELIGIEUSE?
Une autre question peut encore surgir dans notre
esprit et je ne voudrais pas la laisser sans réponse.
Le dogme de la Sainte Trinité est le plus difficile
de la religion chrétienne, l'épreuve la plus pénible pour
notre foi. Avec notre raison nous ne le comprenons pas,
mais nous le croyons, parce que le divin Maître nous
l'a enseigné. Mais, et c'est là _que gît la diffic4lté,
pourquoi Notre-Seigneur nous l'a-t-il enseigné? Ce dogme
est, semble-;t;-il, tout à fait en dehors de la vie religieuse
et nous est, semble-t-il encore, totalement indifférent,
pourquoi le Christ l'a-t-Il révélé,' puisqu'Il savait que
nous ne pourrions pas le comprendre?
LA TRÈS SAINTE TRINITÉ 1°7
Certainement biim d'autres questions nous aur.aient
davantage intéressés et Il n'en a pas dit un mot. Quand
aura lieu la fin du monde? voilà n'est-ce pas une
question importante? Et le Christ ne l'a pas dit. La
plus grande partie 'de l'humanité sera-t-elle , sauvée
ou damnée? Qu'advient-il des enfants morts avant
d'avoir reçu le baptême? On serait curieux de connaître
les réponses et le Christ n'a rien dit.
Mais Il a parlé de la Sainte Trinité. Avec laquelle,
excusez cette expression, nous ne savons pas quoi faire.
Et pourtant comme la chose est tout autre! Assu-
rément nous ne comprendrons jamais le dogme de
la Sainte Trinité; et cependant nous sommes obligés
de remercier Notre-Seigneur Jésus-Christ de nous
l'avoir révélé, car péjà le peu que nous en saisissons
nous dévoile de grandioses vérités religieuses. Par la con-
naissance de la Sainte Trinité, 1) nous comprenons
Dieu beaucoup mieux, 2) nous prions Dieu bien mieux,
3) nous aimons mieux le prochain et 4) nous supportons
mieux , la vie de cette terre. Voilà des conséquences
suffisamment pratiques.
1) D'abord, la fqi en la Sainte Trinité déroule devant
nous en traits magnifiques l'image de Dieu. Si nous
n'avions pas entendu parler de la Sainte Trinité,
combien la face divine serait demeurée davantage
obscure devant nous!
Ensuite?
Essayons seulement par la pensée de nous dégager
de la terre et de nous élever au-dessus du monde créé,
détachons-nous des liens de la mati~re, prosternons-
nous devant le trône éternel de Dieu.
r08 lE SYMBOLE DES APOTRES
Que voyons-nous là? Voyons-nous Dieu éternel
tout seul, dans un éternel isolement?
Cette idée est intolérable. ~tre seul éternellement.
Savez-vous ce que c'est être seul? :Ëtre abandonné,
incompris, vivre sans amour? Situation plus pénible
que toutes les maladies.
Et maintenant croyez-vous que Dieu soit seul éter-
nellement? Qu'II soit incompris éternellement, car
certainement une créature ne pourra jamais Le com-
prendre. Qo'Il restera éternellement sans amour,
car une créature ne pourra jamais L'aimer comme il
convient? Et puis voici les vaines questions des
incroyant~: « Qu'est-ce que Dieu a fait de toute éternité? '
Lorsque le monde n'existait pas, que faisait-Il? Il
s'ennuyait? »
, Et maintenant écoutez la splendide réponse du dogme
de la Sainte Trinité à ces questions. Dieu seul peut
connaître Dieu parfaitement et c' est cette connaissance
que nous nommons « Fils de Dieu ll . Le Père et le Fils
s'aiment d'un amour infini et c'est leur amour réci-
proque que nous appelons le Saint-Esprit. En cet te
connaissance parfaite de Dieu et par ce parfait amour
divin, Dieu est éternellement ' et parfaitement heureux.
o beata Trinitas! 0 bienheureuse Trinité!
Nous ne pouvons donc pas comprendre le dogme
de la Sainte Trinité et pourtant cette croyance nous
ouvre les profondeurs vertigineuses de la vie merveil-
leuse ' qui se déroule éternellement en Dieu. Quelle
force et quelle lùmière la foi en la Sainte Trinité
ne donne-t-elle pas à ces paroles de saint Paul: « Le Roi
des rois et le Seigneur des seigneurs, qui seul possède
LA TRÈS SAINTE TRINITÉ
l'immortalité, qui habite . une lumière inaccessible,
que nul homme n'a vu ni ne peut voir, à qui appar-
tiennent l'honneur et la puissance éternelle » (S. 1°
Timothée VI, 15-r6)!
Combien Dieu paraît ainsi plus grand devant nous!
o beata Trinitas! 0 bienheureuse Trinité!
.2) Je vais encore plus loin: non seulement Dieu
apparaît ainsi plus grand devant nous, mais nous
pouvons aussi mieux Le prier.
Nous ne comprenons pas le mystère de la Sainte
Trinité, nous ne faisons que l'entrevoir, mais ce que
nous en savons doit nous remplir d'une merveilleuse
et sainte vénération. Quand un enfant a perdu son père
de bonne heure et qu'il ne lui reste plus, qu'une petite
photographie déjà jaunie, avec quelle vénération cet
enfant ne contemple-t-il pas les traits pâlis et presque
effacés de son père! Ne devons-nous pas conserver
vivante en nous la même piété, lorsque nous prononçons
le nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit?
Sans doute une vérité de foi aussi profonde nous est
forcément étrangère et elle ne touche guère la sphère
de nos intérêts, si nous ne nous donnons pas la peine
de l'étudier sérieusement et de la mettre en contact
avec la vie de notre âme.
« Il y a trois personnes en Dieu et ces trois personnes
ne font qu'un seul Dieu II voilà ce que nous croyons.
Mais je ne ,m'arrête pas là et 'je continue mon idée.
S'il y a en Dieu des « personnes '~, alors Il est quelqu'un
à qui l'on peut demander quelque chose, que l'on peut
aimer, avec qui on peut avoir « des relations person-
nelles )l. Comme il se l'appl'qche tout d'un coup de moi,
1I0 LE SYMBOLE DES APOTRES
ce grand mystère! J'entre en relations avec le Père,
je Lui parle, je Le remercie de m'avoir donné la vie
l'intelligence,' la raison, le cœur. Je parle avec le Fils:
qui s'est fait homme, qui est devenu mon frère, qui a
immolé son corps pour moi et versé son sang pour moi.
Je parle avec le Saint-Espn't, qui se répand dans mon
âme comme esprit du Père et du Fils et qui fait naître
en moi toutes les bonnes résolutions et toutes les bonnes
actions. Si je prie ainsi avec humilité devant la Sainte
Trinité, je la comprends mieux que n'importe quel
système philosophique.
Et m'aintenant nous comprenons aussi pourquoi la
sainte Église inonde pour ainsi dire de louanges la
Sainte Trinité, C'est par elle que nous commençons
et . que nous terminons nos prières. C'est par elle que
nous commençons et que nous terminons la Sainte
Messe et ,la prédication. L'administration des sacre-
ments lui est étroitement unie et \ l'Église ne peut pas
bénir autrement qu'au nom de la Sainte Trinité. A la
fin des psaumes, des hymnes, des prières, résonne
toujours la louange de la Sainte Trinité: (( Gloire au Père,
au Fils et au Saint-Esprit, comme il était au commen-
cement, maintenant et dans les siècles des siècles ».
o beata Trinitas! 0 bienheureuse Trinité 1
3) Mais essayons encore d'exposer plus en détail
l'insondable · dogme de la Sainte Trinité, de le
rapprocher de notre vie religieuse. Savez-vous ce que
nous apprend encore la foi en la Sainte Trinité?
A nous aimer les uns les autres.
Notre-Seigneur Jésus-Christ a emprunté les plus
nobles motifs de cet amour réciproque à la doctrine
l.A TRÈS SAINTE TRINITÉ III
de la Sainte Trinité. A la dernière Cène, il adressait à
son Père, de toute son âme, cette prière pour ses
disciples: (( ... que tous soient un, comme Vous, mon
'Père, Vous êtes en moi, et moi en Vous, pour que eux
aussi ils soient un» (S. Jean XVII, 21).
Au-dessus de nos têtes se trouve le vivifiant soleil.
Il éveille la vie, il réchauffe, il éclaire et dans cette
triple tâche il reste unique ... C'est encore une compa-
raison pour faire comprendre la Sainte Trinité. Mais
le soleil n'est pas simplement un disque de flammes,
tel qu'on l'aperçoit à travers les nuages, mais un foyer
perpétuel, un volcan monstrueux éternellement en
éruption, sans cesse en activité. Permettez-moi d'appli-
quer cette comparaison à Dieu, à Dieu en trois personnes
et cependant un, qui ne demeure pas dans une paresseuse
immobilité, mais travaille perpétuellement et donne la
vie par la force créatrice et l'amour qui anime tout.
Les vieux siècles chrétiens consacraient de préférence
les hôpitaux à la Sainte Tri~ité. Leur âme profondément
religieuse leur avait fait sentir que l'amour généreux,
pur, dévoué pour le prochain est le plus ardent chez ceux
qui aiment avec le plus de ferveur la Sainte Trinité,
cette Sainte Trinité où l'amour éternel réciproque du
Père et du Fils se nomme le Saint-Esprit. Dieu est le
Dieu de l'amour et seul celui qui aime Dieu aime
aussi le ~ prochain et observe ainsi le grand comman-
dement (S. Marc XII, 30), car « Dieu est amour;
et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu
et Dieu en lui »'(S. Jean, le épître IV, 16).
4) Et enfin le dogme de la Sainte Trinité donne de
la force pour la vie d'ici-bas. Dieu se comprend Lui-
 1I2 LE SYMBOLE DES APOTRES
mêmè et cette éompréhension, c'est le Fils de Dieu.
« Dieu est lumière et il n'y a pas de ténèbres en Lui Il
(S. Jean, le épître l, 5). Si je vis conformément à la
volonté de Dieu, c'est-à-dire si je vis en Dieu;' alors ma
vie aussi s'éclaire, elle se déroule dans la clarté, « je
saisis le sens de la vie »; mais si je devais, suivant les
apparences humaines, passer une vie assombrie dans
les privations et les souffrances, l'existence serait pour
moi une pure énigme.
Le Pere et le Fils s'aiment mutuellement et cet amour
c'est le Saint-Esprit. Il Dieu est amour» (S. Jean
le épître IV, 8); si je vis en Dieu, je possède dans mon
cœur l'amour de Dieu qui vivifie et fortifie, quand bien
même l'amertume et l'égoïsme de la vie terr~stre
m'étreindraient à la gorge.
Vous· le voyez, le mystère d'un seul Dieu en trois
personnes non seulement me permet un aperçu mer-
veilleux de l'essence divine, et projette sur elle la
lumière, mais il fait aussi rayonner force et clarté sur
les douloureuses blessures de la vie humaine.
o beata Trinitas! 0 bienheureuse Trinité!
Mes frères, la croyance populaire raconte que l'aigle
transporte ses petits, à peine âgés de quelques joùrs,
sur des hauteurs vertigineuses et les 'tourne vers le
soleil. S'ils supportent la clarté éblouissante sans
dommage, alors il les reconnaît pour ses enfants, mais
s'ils se mettent à clignoter, il les laisse immédiatement
tomber, ils peuvent périr: ils sont indignes de devenir
sa postérité. . Certainement, je veux croire en Dieu, je veux L'adl r _'-
Notre bonne mère, la sainte Église, fait réellement
ce que la légende raconte de l'aigle. Au baptême, donc
f
LA TRÈS SAINTE TRINITÉ
à l'âge de quelques jours, elle place l'homme nouveau-né
en face de l'article de foi le plus vertigineux, le plus
difficile, la croyance en la Sainte Trinité et elle ne le
reconnaît pour son fils · et ne le compte parmi ses
membres que lorsqu'il a publiquement confessé sa
foi en la Sainte Trinité. Et dès ce moment la foi en la
Sainte Trinité l'accompagnera durant toute sa vie.
Depuis" le premier signe de croix, lorsque nous avons
commencé à faire usage de notre raison, ce;tte foi nous
accompagne jusqu'au dernier instant, jusqu'au moment
suprême, où l'homme, en pleine connaissance, dît adieu
à la vie. Les chrétiens fidèles aujourd'hui encore com-
mencent ainsi leur testament : « Au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit ».
La première idée religieuse qui a frappé notre oreille
ici-bas a été la profession de foi en la Sainte Trinité
à notre baptême. Et- la dernière pensée religieuse que
nous entendrons sera ces paroles du prêtre qui priera
à notre lit de mort : « Partez de ce monde, âme
chrétienne, au nom de Dieu, le Père Tout-Puissant
qui vous a créée, au nom de Jésus-Christ, Fils du Dieu
vivant, qui a souffert pour vous, au nom du Saint-
Esprit qui est descendu sur vous ». Ensuite le prêtre
poursuivra ainsi sa prière: « Nous vous recommandons,
Seigneur, l'âme de Votre serviteur. .. Comblez-le de
joie par Votre présence ... Il a péché, mais il n'a jamais
renié la foi au Père, au Fils et au Saint-Esprit, il a
conservé la foi ... 'e t adoré Dieu fidèlement ».
fidèlement. Lorsque je travaille à la sueur, de mon front,
lorsque je remplis consciencieusement mon devoir d'état
8ym b. ,1. Ap. - 'r. l 8
 LE SYMBOLE DES APOTRES

sur cette terre, alors, je le sais, je sers aussi le Seigneur.

Lorsque je récite mes prières, lorsque je vais à l'église,
lorsque je me confesse et corrpnunie, je Le sers encore
mieux. Mais si je m'efforce d'être aimable, doux, conci-
liant, -:charitable pour tout le monde, . si je m'efforce VII
de vivre sans commettre le péché et d'observer les
commandements, alors je sers le mieux le Seigneur.
Seigneur. C'est au nom de la Sainte Trinité que j'ai DIEU LE CR:i!:ATEUR
reçu le baptême; c'est au nom de, la Sainte Trinité que j e
jais si sou'vent lè signe de la croix; c'est au nom de la
Sainte Trinité que je veux dire adieu un jour à ce monde ... MES FRÈRES,

accordez-moi de contempler face à face la Sainte Trinité

et d'obtenir la félicité éternelle. Amen. Il Y a environ trois mille ans, le poète inspiré du
peuple juif s'écriait dans l'un de ses psaumes :
:c Seigneur, notre' souverain Maître, que Votre nom est
glorieux sur toute la terre! » (Ps. VIII, 1). Pourtant à
cette ' époque les hommes ne savaient pas encore
grand' chose du , vaste monde. Ils ne connaissaient pas
les mystérieux fossiles des temps préhistoriques, ils ne
connaissaient pas le royaume immense des corps célestes
ni la machine à vapeur ni l'électricité ni la raru-o. Sous
nos yeux le monde continue à croître de façon gigan-
tesque, il faut aussi que notre connaissance de Dieu
s'accroisse pareillement. C~ -n'est pas le psalmiste d'il
y a trois , mille ans, mais c'est nous qui devons
nous écrier: « Seigneur, comme elles sont grandes,
Vos œuvres! »
Lorsque le torrent de la montagne se précipite en
mugissant, ' lorsque la tempête fait rage, lorsque le
tonnerre gronde, je m'écrie: « Seigneur, comme elles
sont grandes, Vos œuvres! ))

II6 LE SYMBOLE DES APOTRES
Lorsque se lève le soleil de mai, lorsqu'il jette le soir
ses derniers rayons, lorsqu'il colore de rose les Alpes
aux neiges éternelles, je m'écrie: « Seigneur, comme
elles sont grandes~' Vos œuvres! »
Lorsque je compte mes pulsations, lorsque Je regarde
au microscope les centaines de mille de microbes qui
vivent dans une gou'tte d'eau, lorsque j'observe, ,au
télescope, la course des corps célestes, je m'écrie
« Seigneur, comme elles sont grandes, Vos œuvres! »
« Au commepcement Dieu créa le ciel et la terre »
(Genèse 1, 1). Tels sont les premiers mots de la Sainte
Écriture et toute la Bible est remplie des louanges
décernéès par les prophètes et le psalmiste au Dieu
Créateur (Isaïe XL, 26; XLII, 5; XLIV, 24; Jérémie X,
12; Proverbes XVI, 4). Le psalmiste proclame: « Mon
secours vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre ))
(Ps. CXX, 2); saint Paul dit de Dieu que « de Lui,
par Lui et pour Lui sont toutes choses» (Romains XI,
36) 'et qu' « 11 donne la vie aux morts et appelle les
choses qui ne sont pas comme si elles étaient » (Romains
IV, 17) et qu' « Il a fait le monde et tout ce qu'il ren-
ferme » (Actes XVII, 24). , ,
Dieu est tQut~uissant, voilà ce qu'affirme la Sainte
Écriture en bien des pages (par exemple Esther XIII, 9;
Apocalypse XI, 17; XV, 3; XVI, 7), mais même si elle
ne l'avait pas dit, la toute-puissance est l'un des attributs
divins que l'homme reconnaît le plus aisément et qu'il
constate sans cesse par la considération de la grandeur
du monde et de sa propre impuissancé. Un orage
éclate dans tin ciel d'été et la foudre tombe avec fracas .. .
le sol que nous croyons si ferme tremble sous nos pieds .. .
DIEU: LE CRÉATEUR
l'ourilgan furieux brise et déracine le chêRe robuste ...
la rivière déborde et roule des flots écumants ... tout ,cela
nous offre un spectacle saisissant, mais fait luire devant
n.ous cette réflexion : Comme il doit être puissant k
Créateur qui, par une seule pensée, a donné l'existence
à toutes ces forces! Je crois en Dieu, le Père Tout-
Puissant, le Créateur du ciel et de la terre.
Oui nous le croyons et nous le confessons. Mais nous
sommes··nous demandé quelles conséquences découlent
pour nous de ce fait que le monde entier et tout ce qu'il
contient est l' œuvre de Dieu? Je voudrais consacrer le
sermon de ce jour à montrer quelles édifiantes et récon-
fortantes conséquences découlent de notre foi en Dieu,
Créateur de l'univers.
1
LA JOUISSANCE DE LA ' NATURE.
Si Dieu est le Créateur du monde, il s'ensuit que
la beauté du monde nous procure une joie légitime et
que la jouissance de la nature est une idée foncièrement
chrétienne.
a) Lajouissance de la nature: De nos jours c'est une
maxime en vogue que l'homme doit s'arracher au
monstrueux chaos de la civilisation, à l'asphalte sur-
chauffé des villes, aux rues pleines de poussières et
de fumée, pour chercher un refuge sous le libre ciel
du bon Dieu. Weekend, excursions, ascensions, bains
de soleil, cures d'air, tout cela est bon et nous avons
 Ils LE SYMBOLE DES APOTRES
le droit d'en jouir, seul~ment ... seulement n'oublions
, pas de faire un pas de plus qui nous transportera de la
jouissance purement sensible de la nature SUl' des
hauteurs surnaturelles:":'Lorsque les étoiles scintillent
au-dessus de nous, lorsque l'éclair brille;" lorsque la
forêt murmure' et que les oiseaux lancent leurs roulades,
lorsque la mer mugit et que le torrent tombe avec
fracas, dans toutes ces circonstances nous entendons
résonner un. hymne de louanges à la grandeur de
Dieu.
Mais n'y a-t-il pas là quelque subtilité à mettre ainsi
en relation la jouissance des beautés de l'univers et la
pensée de Dieu?
Pas du tout. Pour nous en rendre immédiate-
ment compte, nous n'avons qu'à évoquer une autre
considération.
b) Je crois en Dieu Créateur. C'est Dieu qui a tout
créé et c'est Dieu qui conserve à tout l'existence, donc
le monde entier est rempli par Dieu; dans le corps, c'est
l'âme qui agit partout: sans l'âme l'œil ne voit pas, sans
l'âme l'oreille n'entend pas, la bouche ne parle pas, la
main ne bouge pas; de même l'univers n'existe et ne
vit qu'autant que Dieu est en lui et vit en lui. Le monde
entier est rempli par Dieu. Celui qui est accessible à
cette idée, celui qui sait marcher les yeux ouverts à
travers la nature, celui-là seul ' sait réellement jouir
de la nature.
La nature n'est pas Dieu, elle n'est pas la Cause
première. Elle est seulement un instrument dans la
main dé Dieu. Quand je dis : « la nature a produit
ceci ou ~la)J, je ne m'exprime pas avec une exactitude
D I EU: L E cnÉ ,\TEUR 119
rigoureuse. Ce serait en effet, n'est-il pas vrai, une
inexactitude de dire, au sujet d'un tableau de Murillo:
ce sont des pinceaux et des couleurs qui l'ont fait.
Ou bien' 'de dire à propos d'une montre: ce sont les
ressorts et les rouages qui l'on faite. Quand je prends
plaisir à contempler une peinture, ai-je le droit d'oublier
le peintre? Et pour la montre l'horloger? Et çlans la
jouissance de la nature le Créateur?
Il Y a une vingtaine d'années, le monde civilisé a fêté
le centième anniversaire de la mort de Beethoven.
Une biographie de ce musicien de génie rapporte une
scène touchante au cours d'une conversation de
Beethoven avec un industriel anglais, pendant une
promenade en plein air. ....
Beethoven s'assit sur le gazon et commença ainsi
l'entretien : « J'aime à rester assis pendant des heures
ici au milieu des beautés de la nature. Mes sens se
plongent dans la contemplation de ce tableau magni~
fique. Il n'y a pas 'de toit, fait de main d'homme, pour
intercepter la lumière du soleil, il n'y a que le ciel bleu
pour s'étendre comme une voûte merveilleuse et infinie
au-dessus de moi. Lorsque le soir je contemple le
ciel et que je regarde les astres, les soleils et les planètes
,qui suivent leur orbite avec une exactitude éternelle '
à des millions de kilomètres de nous, alors mon âm~
s'élance vers la source primitive de toutes ces choses.
Mais quand j'essaye d'exprimer. d'une façon quelconque
par des notes les sentiments qui me pressent, alors
j'éprouve une grande déception. Je sens qu'il n'y a pas
de mortel qui puisse, par la musique, la peinture ou
la sculpture, donner une forme à ces images célestes que,
- 120 LE SYMBOLE DES APOTRES
seule peut pressentir en ces heures bénies une imagi-
nation remplie de Dieu ».
Ensuite ,.Beèthoven, plein d'enthousiasme, s'écria
en montrant le ciel: « Oui, c'est de là-haut que vient
tout ce qui élève le cœur. Sans cela l'homme ne peut que
créer des notes et des corps_sans âme. N'ai-je pas raison? .
L'âme doit remonter vers cette source d'où elle est
sortie 'e t c'est seulement par une incessante actlvite
qu'elle peut vénérer le Créateur, le Protecteur de tous les
êtres et de la nature infinie ».
Voilà une considération religieuse et exacte de la
nature.
Savez-vous ce que me procure cette foi en Dieu
Créateur de l'univers? Elle me donne des yeux comme
des l'ayons X,' des yeux qui pénètrent toutes les écorces
et toutes les enveloppes, qui découvrent les profondeurs
des événements du monde, qui aperçoivent partout la
pensée cachée du Dieu Créate~r. Si mes yeux ont cette
acuité, alors toute ma ",ie entière sera de même. Car
tels yeux telle vie. Le poète contemple les fleurs et cette
vue les transforme en poèmes. Shakespeare se promène
dans la rue et la rue devient pour lui une scène. Le
croyant circulé à travers la vie et ses yeux lui font voir
dans les événements de cette vie, dans les souffrances et
le malheur, la main de Dieu.
« C'est dommage qu'à côté de la rose il y ait des
épines qui piquent )), gémit l'incroyant. « Comme Dieu
est bon d'avoir ajouté la rose aux épines », répond le
croyant.
Voilà une religieuse contemplation de la natur~.
DIEU: LE CRÉATEUR .121
Il
L'ÉTUDE DE LA NATURE.
Du seul fait que, ~omme nous le croyons, Dieu a créé
l'univers, ' découle encore une autre conséquence.
Si le monde est un grand album qui nous parle de Dieu,
alors c'est pour nous un devoir sacré que d'apprendre
à mieux connaître ce livre et de le feuilleter plus souvent,
afin d'augmenter notre savoir sur Dieu.
On entend parfois l'objection que le christianisme
regarde avec anxiété et défiance l'ardeur inlassable
déployée par l'homme moderne pour découvrir les
forces cachées de la nature. « La religion craint la lumière
de la science », telle est la formule brève et impudente
sous laquelle les ennemis du christianisme présentent
cette idée.
a) La religion devrait avoir peur de la science, de
l'étude? Au contraire, elle s'en réjouit. Plus la raison
humaine découvre de lois de la nature, plus s'élargit
devant nous l'image de Dieu qui a créé ces lois admi-
rables. Remarquez-le bien: ce n'est pas l'homme qui
les a données; l' homme. n'a fait que les découvrir. Et si
l'homme d'il y a trois mille ans, qui n'avait pourtant
qu'une bien faible idée de l'œuvre de Dieu, se proster-
nait devant Lui, notre cœur doit être rempli d'une
sainte crainte, dès lors que nous connaissons le ~onde
comme cent fois plus beau, plus . merveilleux, plus
proche de la perfection.
12,2 LE SYMBOLE DES APOTRES
Le concept religieux du monde ne s'oppose donc
aucunement à l'étude scientifique, tout ' au contraire:
il la favorise.
Écoutez ce dialogue qui eut lieu à Munich, chez
un naturaliste qu'un ami trouva en train d'examiner
une patte _de hanneton.
« Je ne comprends pas comment on peut s'occuper
de choses pareilles ". Mais le savant répliqua: « Si Dieu
n'a pas jugé indigne de Lui de créer cet insecte, .l'homme
ne doit pas avoir honte de l'étudier l).
Sages paroles en vérité.
Ma foi en Dieu me stimule donc continuellement
et me pousse à étudier les lois de la nature. Le pré-
curseur de la cosmographie moderne, Copernic, dans
son magistral ouvrage dédié au pape Paul III, s'explique
sur les raisons qui l'ont amené à un nouveau système
et lui ont fait abandopner l'ancien: c'est parce qu'il
n'y trouvait pas assez d'harmonie, c'est parce qu'li le
jugeait indigne de l'infiniment. sage Créateur du
monde. C'est précisément la foi profonde de Copernic
qui a donné l'impulsiop. à son gigantesque travail.
b) Mais par là j'en arrive à une nouvelle conséquence.
Si le monde est vraiment l'œuvre de Dieu, dont la
Sainte Écriture affirme que Dieu l'a donné aux hommes
pour régner sur lui, alors l'activité fiévreuse et la passion
de l'étude de l'humanité s'élèvent bien au delà du cadre
du pain quotidien au niveau de l'observation des comman-
dements de Dieu.
Le travail n'a jamais été facile et il ne l'est pas non
plus aujourd'hui. L'homme le regarde comme une
peine; mais il le supporte plus aisément, s'il sait s'en
, DIEU : LE CRÉATEUR 12 3
faire une idée plus haute. « Remplissez la terre et ,
.soumettez-la )) (Genèse l, 28), tel fut l'ordre du Créateur
à l'humanité; et, pour ma part, je suis_persuadé que
tous nos efforts fébriles et impulsifs; nos exploits
, techniquès, le tour du monde en avion, les sous-marins,
la radio, la: lutte contre les microbes, toutes les machines,
les. appareils, nos microscopes, nos télescopes, toutes
ces choses accomplissent l'ordre de Dieu. Lorsque
l'homme utilise pour sa fin les forces conférées à la
nature par le Créateur, alors il agit suivant la volonté
de Dieu. Qui ne s'aperçoit que cette manière de voir
comporte une profonde estime du travail scientifique
et technique? Si je suis pénétré de cette idée, alors
j'entendrai retentir les louanges divines non ras
seulement dans le chant de l'alouette, l~ murmure du
ruisseau, le sifflement du vent, mais aussi dans les
v.ibr~tiops des dynamos, la trépidation des machines,
hi lueur des hauts-fourneaux. Et de tout ce vacarme
assourdissant, du grincement des rouag~s, du bruit des
métiers, ' du bourdonnement des moteurs s'élève une
symphonie grandiose en l'honneur du Créateur, qui a
fourni l'occasion de toutes ces découvertes pour le bien
de l'humanité ... Je crois en Dieu Tout-Puissant Créateur.
Oui, faisons des recherches, tirons des plans, cOlubons
la nature sous le joug, seulement ... seulement ne nous
laissons pas étourdir,'ne croyons pas que nous sommes
les souverains absolus et les créateur~. du monde.
L'homme est tenté de le croire. Mais lorsque son
orgueil ne sait plus s'arrêter, alors se produit ici ou là
tin tremblement de terre qui engloutit des' centaines
de milliers de personnes sous. les décombres, alors le
12 4 LE SYMBOLE DES APOTRES
Titanic sombre contre un iceberg, un fleuve déborde,
un cyclone emporte les maisons d'une grande ville,
un dirigeable tombe en flammes, avec... ses machines,
ses dynamos et ses cabines de luxe et tout cela est réduit
en poussière. Hommes, ce n'est pas vous qui êtes les
Créateurs du monde. A vous la terre, à vous la mer,
à vous les airs, mais vous restez une créature, un humble
vermi~seau. Le rapide dévore l'espace, l'auto brûle
la route, l'avion fend les airs, mais l'homme reste cendre
et poussière; courbez donc le front devant le Créateur:
Je crois en Dieu, le Père Tout-Puissant, Créateur du
ciel et de la terre.
III
LA FRATERNITÉ HUMAINE.
De notre foi en Dieu, Créateur de l'univers, découle
une autre vérité sublime: la belle doctrine de lafraternité
humaine.
Si Dieu a créé le monde entier, alors Il a aussi créé
l'homme. Et si Dieu nous a tous créés, alors nous
sommes tous frères. Vous le voyez, la sublime vérité
de la solidarité humaine est le fruit de la foi chrétienne?
Aimons-nous les uns les autres, parce que a) nous
sommes tous frères, b) si nous ne nous ai~ons pas,
nous n'aimons pas notre Père.
a) Tous, blancs,et noirs, savants et ignorants, nobles
et roturiers, nous sommes tous frères par rapport les
uns aux autres'i Çombi~n nous avons besoin les uns
DIEU: LE CRÉATEUR 12 5
des autres, je vais vous le montrer par quelques exem-
ples de la vie courante.
Regardez-vous seulement des pi~ds à la tête. Quel
élégant chapeau portez-vous là! Où l'avez-vous acheté?
Chez le grand chapelier du boulevard? Sans doute.
Mais vous êtes-vous un peu demandé comment il est
arrivé jusque dans ' les rayons de ce magasin? Combien
de vos semblables n'y ont-ils pas travaillé, pour le
confectionner, lui donner le coup de fer, l'emballer
et le livrer, ce chapeau, votre chapeau, jusqu'à ce
qu'enfin il soit dans vos mains?
Vous sortez du salon de. coiffure, rasé de frais. Le
rasoir était de Thiers, le savon à barbe de Marseille
et le blaireau de Paris. .
Et votre nouvel habit? Combien de vos semblables
ont travaillé après le tissu, les boutons, le fil et pour le
coudre?
Et le croissant tout chaud que chaque matin vous
émiettez machinalement dans votre café? Combien
d'hommes ont travaillé pour vous le donner: le senieur,
le moissonneur, le meunier, le boulanger. Et votre café
du matin? Le nègre de la plantation qui travaille à
dix mille kilomètres d'ici. Ensuite celui qui a récolté
les grains et les a emballés. Puis le manœuvre qui les
a chargés sur le bateau. Celui qui les a torréfiés. Et le
grand négociant du Havre. Enfin le détaillant chez qui
vous l'avez acheté.
Tous nous avons besoin de notre prochain. Nous ne
pouvons pas faire un pas, nous ne pouvons pas dormir,
nous ne pouvons pas manger, sans avoir besoin du
concours de notre prochain ... Des milliers de mains
 LE SYM130LE DES APOTRES
travaillent pour moi, des milliers de fronts versent leur
:sueur à cause clè moi.
Mais s;il en'-est ainsi, ai-je songé déjà que moi aussi
ie dois travailler pour les autres, que tout service en
demande un en échange? C'est" le commandement
formel du Christ : « Tout ce que vous voulez que les
hommes vous fassent, faites-le aussi pour eux ))
(S. Matthieu VII, 12).
b) Je vous rappelle la maxime que j'ai exprimée
dans mon sermon, il y a quinze jours; on ne peut
jamais assez la répéter: Aimons-nous les uns les autres,
car il n'aime pas Dieu celui qui n'aime pas son prochain.
L'homme moderne a besoin d'entendre fréquemment
répéter ·cette vérité. Il y a un proverbe allemand qui
dit: Aimer Dieu, sans faire les œuvres de Dieu, c'est
faire plaisir au diable et suivre ses conseils.
Cela signifie que celui qui prétend aimer Dieu, mais
n'aime pas son prochain, ne réjouit que le diable.
Quelqu'un peut visiter continuellement les églises, se
faire mal aux genoux à force de prier, garnir sa demeure
d'images saintes, s'indigner de la bassesse et de la
méchanceté humaines, tout cela ne sera que de la fausse
piété, si l'amour du prochain ne vient pas se joindre à
son soi-disant amour de Dieu, si à la maison il se montre
insupportable, capriéieux, querelleur,' s'il se fâche au
moindre mot, s'il ne sait ni oublier ni pardonner, s'il
est autoritaire, s'il donne des coups de langue contre
tout le ' monde, que dirai-je encore? s'il nie que nous
sommes tous les enfants d'un même Père, par consé-
quent frères et sœurs les ùns par rapport aux autres.
DIEU ; LE CHÉAlliUH 12 7
IV
LA VÉRITÉ DE NOTRE FOI.
Avons-nous fini? Vous ai-je dit tout ce qui découle
de l'idée de Créateur tout-puissant? Oh! · pas encore.
Savez-vous ce qui résulte de ce fait que Dieu est
tout-puissant? Il en 1"ésulte la vérité de notre sainte foi.
o Il en résulte , ces faits qui ont dans notre croyance une
importance fondamentale et desq';lels, bien que nous
ne les comprenions pas, nous affirmons avec une foi
inébranlable: Dieu Tout-Puissant peut bien faire qu'il
en soit ainsi.
Le Dieu Tout-Puissant peut faire qu'à l'instant où
1'eau du baptême touche notre front, le péché originel
disparaisse de notre âme.
Le Dieu Tout-Puissant peut faire qu'à l'instant
où le prêtre prononce sur la blanche hostie les paroles
de Notre ..Beigneur, Jésus-Christ devienne présent sous
l'espèce du pain.
1 Le Dieu Tout-Puissant peut faire qu'à l'instant où
le confesseur prononce sur mon âme pécheresse :
(( Je vous absous de vos péchés n, mon âme redevienne
blanche comme la neige.
Et enfin\· quelle consolante pensée pour le jour de
,la Commémoraison des fidèles trépassés! le Dieu
Tout-Puissant peut faire qu'à l'instant où Il pro-
noncera sur eux au dernier jour sa parole vivifiante,
les milliards d'hommes qui ont vécu sur la terre
12.8 LE SYMBOLE DES APOTRES
ressusciteront pour une vie , nouvelle. Chose extra-
ordinaire ... moment inconcevable pour nous ... mais
je le crois, la parole du Christ me suffit : « Aux
hommes cela est impossible, ;nais . non à Dieu : car
tout est possible à Dieu» (S. Marc X, 27).
Le Jour des Morts approche, la pensée de notre
fragilité oppresse notre âme, l'ombre de la mort se
glisse tout près de notre cœur.
Quel soulagement pour l'âme affligée, quel réconfort
pour l'homme tremblant devant la mort, lorsqu'il sait
dire avec une foi inébranlable : « Je crois au Père
Tout-Puissant ». S'il est notre Père, il est tout naturel
que là où est notre Père doive se trouver aussi notre
patrie définitive. « Nous n'avons pas ici-bas de deme~re
permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir »
(Hébreux XIII, 14).
Mes frères, Eichendorff a écrit une poésie ravissante
qui exprime les sentiments suscités dans notre âme
au cours du sermon d'aujourd'hui.
Il est tard dans la soirée, écrit le poète, la nuit est
sombre et orageuse. L'homme et la femme sont assis
dans la chambre, sans mot dire. Leur petit enfant vient
d'être enterré tout récemment. Le vent ébranle les
fenêtres, la tempête secoue les portes. Écoute. On
frappe à la porte. « Regardons vite si ce n'est pas notre
cher petit défunt qui veut rentrer à la maison ». Mais
immédiatement les parents se reprennent : « Rentrer
à la maison ? Mais il y est déjà, c'est nous qui dévons
y rentrer ».
It est déjà à la maison et c'est nous qui devons y rentrer.
Qu'elle eSt vraie cette chrétienne pensée!
DIEU: LE CRÉATEUR
« Bah! C'est 'de la poésie. Le poète a facile de faire
parler ainsi ses personnages. Mais peut-on en réalité
s'approprier ces sentiments "sublimes ? » direz-vous
peut-être. Et je vous réponds : Eh bien 1 Écoutez
cette histoire authentique. Il y a quinze jours, à la fin
du sermon nous avons récité la prière de l'illustre
cardinal Newman. Aujourd'hui je vais vous raconter
les derniers instants d'un autre cardinal, Wiseman,
archevêque de Westminster.
Nous sommes en 1865. Wiseman est arrivé à sa
dernière heure. Les médecins lui ont déclaré qu'ils
étaient au bout de leur science.
Peu après arrive la sœur garde-malade et le cardinal
lui deman~e :
« Avez-vous entendu ce qu'ont dit les médecins? »
(c Non, Éminence, je ne l'ai pas entendu, mais je le
devine ».
« ~ls ont dit, poursuit le malade, que j'allais partir
dans la patrie. N'est-ce pas bien? »
(c Pour vous, Éminence. Mais pour nous? »
« Ne connaissez-vous pas la route? dit le cardinal.
Je m'ell vais chez mon Père. Je suis comme un enfant
qui rentre à la maison, pour rester chez son père ».
Mes frères, ne vous rappelez-vous pas ces paroles
d'adieu du divin Maître? c( Je suis sorti du Père et je
suis venu dans Je monde; maintenant je quitte le monde.
et je vais chez mon Père» (S. Jean XVI, 28).
Ne vous rappelez-vous pas ces paroles du psalmiste:
« Heureux _celui qui met son espoir dans le Seigneur,
son Dieu! » (Ps. CXLV, 5).
Et · qui pourrait se retenir de crier: « Dieu Tout-
Symb. d. Ap. T. 1 9
13° LE SYMBOLE DES APOTRES

Puissant, Créateur, Maître de la vie et de ,la mort,

donnez-nous à tqus une mort aussi paisible et aussi
tr'anquille )J.
Et maintenant mettons-nous à genoux, mes frères,
et récitons avec humilité cette prière : VIII
Dieu Tout-Puissant et Créateur, qui d'une seule
pensee avez donné l'ex:istence au monde immense et
merveilleux, qui allumez au-dessus de nous les flammes DIEU EST SAINT
du soleil et la douce lumière des étoiles, qui avez donné
à la terre sa parure et faites descendre sur elle le
crepuscule, qVi faites tomber la foudre, mais remplacez
MES FRÈRES,
les noirs nuages par les couleurs de l'arc-en-ciel, qui
faites grandir la verte forêt et mûrir les blonds épis,
accordez-nous de reconnaître et de suivre toujours Le prophète Isaïe, au Chapitre VI de son Livre,
et partout votre sainte volonté. Que les yeux craintifs décrit la vision grandiose qu'il eut de Dieu. Il Le
et doux du chevreuil nous parlent de Vous, que le représente sur un trône élevé, parmi les splendeurs
grillon infatigable parle' de vous dans son grésillement célestes, devant Lui se tiennent les Séraphins qui se
inlassable, que tout nous crie le mot du psalmiste : couvrent la face de leurs ailes à cause de la majesté
« Seigneur, notre' Dieu, comme Votre nom est admi- divine et sur leurs lèvres ne cesse de retentir le cantique
rable par toute la terre! )) de louange: « Saint, saint, saint est le Seigneur, Dieu
Père, Créateur, aidez-nous à passer la vie de ce monde des armées 1 )) ,
avec une telle pureté d'âme, un tel amour généreux qu'à Émouvante représentation de la sainteté de Dieu.
notre dernière heure nous puissions incliner avec confiance Mais en bien d'autres passages que dans Isaïe, la
notre tête fatiguée sous Votre main puissante et paternelle. Bible parle à maintes reprises de la sainteté de Dieu.
Amen! En Dieu, non seulement il n'y a pas de péché; comme
l'écrit Moïse (Deutéronome XXXII, 4); non seulement
,II hait le péché, comme chante le psalmiste (Ps. V, 3);
ce ne serait que le côté négatif. Mais du point de vue
positif, « le Seigneur est saint dans toutes Ses œuvres ))
(Ps. '{;XLIV, 17) et « personne n'est saint comme le
., '.
, ,!
• 1 ~ . .: "
Seigneur ) déclare le Livre des Rois (1° Rois II, 2).
13 2 LE SYMBOLE DES APOTRES
En vérité, quand on feuillette la Sainte Écriture,
on voit qu'à part la Toute-Puissance et la Miséricorde,
parmi les attributs divins, c'est la Sainteté qui est
célébrée le plus souvent et le plus fortement ' mise en
relief. Il n'est donc pas extraordinaire que dans la
bouche .... des chr~tiens n'expire jamais le cantique :
« Saint, saint, saint est le Seigneur ».
La sainteté de Dieu!
Si Dieu est saint, alors il est l'ennemi de tout péché.
Le soleil est l'ennemi de la nuit, la clarté de l'ombre,
la chaleur de la glace et la sai!1teté divine du péché.
Voilà la première constatation que nous devons déduire
de la sainteté .de Dieu, et par suite nous devons nous
occuper dans la première partie du sermon d'aujour-
d'hui de la haine dont Dieu poursuit le péché dans l'homme .
Mais la sainteté divine n'a pas seulement un côté
négatif, elle a aussi son côté positif. La 'sainteté de Dieu
n'est pas seulement un avertisseme nt contre le péché,
mais aussi la norme de toute loi morale, la source de
toute sainteté : comme Dieu se réjouit de la bonté
humaine et de nos efforts vers le bien 1 Aussi la seconde
partie de cette instruction sera-t-elle copsacrée à
l'amour de Dieu pour la vertu chez l'homme.
DIEU EST SAINT 133
1
LA HAINE DE DrEU pOUR.LE PÉCHÉ ,
1) La première pensée qui se présente en connexion
avec la sainteté divine est celle-ci: Si Dieu est la Sainteté
même, comme Il doit hair le péché! Si Dieu est la. sainteté
même, comme l'amoncellement des péchés des ho/nm s
Lui fait de la peine! Si Dieu est la sainteté même,
comme· Il doit être irrité contre le pécht;!llr endurci l,
Dieu « hait» le péché, Dieu « est peiné» par le péché,
Dieu « est irrité» contre le pécheur. Je vous en prie,
mes frères , comprenez bien ces expre;;;;i ons humaines.
En Dieu, il n'y a aucune passion, donc ni impatience
ni colère ni douleur, ni haine. Cependant nous parlons
fréquemment, comme la Sainte Écriture le fait
également" à la manière humaine, de Dieu irrité,
haïssant et détestant le péché, afin de nous représenter
d'une façon plus vive et plus forte l'inflexibilité de
Sa sainte volonté.
Que la volonté divine en effet soit inflexible à l'égard
du péché, que la sainteté divine ne puisse demeurer
sous le même toit,.pour parler encore à la manière
humaine, que le péché et l'homme pécheur, nous en
avons une preuve saisissante, angoissante, écrasante.
Savez-vous laquelle? ·
L'enfer. Le Heu 'de la damnation éternelle. Le Lieu des
souffrances éterneLles,
Mes frères , quelle c1'iante opposition faut-il qu'il y ;,.:it

134 LE SYMBOLE DES A,POTRES
entre Dieu et le péché, quelle monstruosité faut-il que soit
le péché pour que Dieu ait été obligé de créer un lieu
de damnation, où seront enfermés les partisans incorri-
gibles du"péché!
L'enfer. Ohl je sais que c'est 'un dogme terrible de
la foi chrétienne, un problème difficile pour le cœur
paternel de Dieu. Ce problème ne sera traité à fond que
dans le prochain sermon, où nous devrons concilier
la bonté dé Dieu avec la damnation éternelle. Mais il me
faüt déjà en dire un mot, parce que pour cOllcilier, puur
expliquer ces deux vérités, il faut savoir que . Dieu
est saint, trois fois saint, qu'auprès de Lui ne peuvent
prendre place ni le péché ni une créature en état de
péché.
Dieu est notre Père. Concept sublime de Dieu. Mais
n'est-il pas en contradiction avec un autre dogme de
notre foi? Lequel? Précisément celui par lequel l'Église
enseigne que Dieu est un Juge sévère, qui peut préci-
piter dans l'éternelle d~mnation et dans des supplices
sans fin le pécheur. , ce serait la fin de toute félicité éternelle. Si par
« Mais c'est un dogme effrayant 1Il disent beaucoup de
gens." Oui, mais ceux-là seulement qui oublient la
sainteté de Dieu. . alors nous n'aurions rien d'autre à faire qu'à nous
. a) Maintenant je pose cette question: Est-il possible
que quelqu'un puisse demeurer toute l'éternité près du
Dieu saint, qui ignore l'ombre du péché, avec ùne âme
souillée, défigurée, maculée? Est-il possible que l'homme,
quelqu'usage qu'il ait fait de so volonté libr,e, puisse
cependant.aboutir au même résultat? Si une âme, pendant
se~ année!> d'épreuve sur la .terre, vit, penst; et agit,
SCIemment et volontairement, autrement que Dieu j'a
DIEU EST gAINT 135
ordonné; si quelqu'un répond à toutes les tentatives de
Dieu pour le sauver par une vie d'impiété et Lui tourne
réellement le dos, quelle doit être la réponse divine?
Dieu ne « plonge Il personne en enfer, mais c'est l' homnu.
qui s'y précipite. Ce n'est pas DieU' qùi l'a repoussé de
Lui, c'est i'homme qui s'est écarté de Dieu.
L'esclave du péché s'est exclu lui-même du royaume
de Dieu. Car l'homme ne tombe pas dans la vie éternelle,
comme le gagnant d'un gros lot; car il faut croître dans
la vie éternelle, il faut y avoir planté des racine!!. Ces
racines nous les plantons dans la vie d'ici-bas et avec
notre fidélité au devoir grandit l'arbre de notre vie
terrestre jusqu"à ce qu'il atteigne la vie éternelle.
b) Et admettons le cas qu'il n'y ait pas de damnation,
mais que tout genre de vie aboutisse à la félicité éternelle,
à Dieu. Quelle en serait la conséquence? Celle-ci, qu'il
n'y aurait plus la moindre différence entre le bien et le
mal. Le pé9hé et la ve.r tu, la honte et l'honneur, l'amour
et l'égoïsme n'auraient plus entre eux de différence,
n'importe quelle voie on arrivait à Dieu, la force morale,
l'honnêteté, le travail n'auraient plus de valeur ...
allonger au soleil et à nous laisser bronzer à ses
rayons. Oui, le dogme de l'enfer épouvante, mais
si nous n'admettons pas les peines éternelles, pra-
tiquement nous ne sommes pas plus avancés que les
incroyants.
L'enfer. Mot terrible. Un Père et un enfer, voilà des '
concepts difficilement conciliables. Mais Dieu n'est
pas seulement le Dieu bon, Il est aussi le Dieu saint
 LE SYMBOLE DES APOTRES
et la sainteté de Dieu réclame Le châtiment de La faute
commise.
2) S'il en est ainsi, alors fen tire pour moi-même
certaines conclusions.
Lesquelles?
Dieu est saint, donc il me faut veiller soigneusement SUt
mon âme, afin que, autant du moins qu'il dépend de moi,
elle ne s'éloigne pas trop de Dieu. Il me faut veiller
sur mon âme, puisque, suivant nos Saints Livres;' aux
yeux de Dieu le ciel n'est pas parfaitement pur et qu 'il
y a des taches dan~ Ses anges (Job XV, 15).
Ces paroles m'émeuvent: Aux yeux de Dieu, le ciel
n'est pas parfaitement pur et les anges non plus. Ah!
Que suis-je donc alors?
Et voici un autre passage de la Sainte Écriture: '
« L'homme ne sait pas s'il est digne d'amour ou de
haine » (Ecclésiastique IX, 1).
Que se passera-t-il pour moi, lorsque je paraîtrai
devant les yeux du Dieu infiniment saint? S'Il me
rejette de devant sa face, parce qu'Il m'avait créé pour
devenir un diamant et que je ne suis devenu qu'un
morceau de charbon, parce qu'Il m'avait créé clair
comme le cristal et que je me suis couvert de suie.
parce qu'Il m'avait créé comme un lac limpide et qu~
je suis devenu une mare fangeuse, parce qu'Il "m'avait
créé comme une verte prairie et que je suis devenu une
terre desséchée?
C'est seulement à la lumière de. la sainteté divine
que je vois que dans toutes mes épreuves, dans .toutes
mes peines, dans toutes mes maladies, il ne peut
m'arriver qu'un seul véritable et grand malheur: le péché.
DIEU EST SAINT 137
Et maintenant je, pm;e encore ' une question. une
question troublante, ap.goissante : Mes frères, si actuel-
lement, à l'instant même, il vous fallait paraître devant
le Dieu saint et juste, pourriez-vous vous mJancer tran-
. quillement l/evant Lui? Devant Dieu que l'apparence
ne peut tromper; devant qui aucun dessein ne peut
demeurer caché. Sans doute, le Dieu Tout-Puisgant
tiendra compte de l'hérédité, des mauvais penchants,
de la corruption de l'entourage, mais il en restera encore
assez à la charge de "notre propre responsabilité. A.ssu-
rément Dieu est. plein de miséricorde. Mais il y a des
aveugles qui n'ont pas voulu voir Dieu, parce qu'ils
se sentaient beaucoup mieux dans les ténèbres. ] 1 Y
a des sourds qui n'ont pas voulu entendre la parole cIe
Dieu, parce qu'ils auraient dü changer de vie. Il y a
des paralytiques qui n'ont pas voulu marcher, parce
qu'ils savaient qu'il leur faudrait sortir de leur mauvaise
voie. Et s'ils paraissaient devant Dieu!
Dieu, trois fois saint, apprenez-nous à hum alJercevolr
Le péché, à pleurer Le péché plus que tout autre. mal, que
toute autre peine, plus que toute maladze, pius que La mort.
L'AMOUR DE DIEU POUR LA VERTU.
MalS de la salIlreté de Dieu découle encore une autre
vérité: Son amour de la vertu, de l'eHort humain vers
l'idéal, de la lutte contre le péché.
 LE SYMBOLE DES APOTRES
La sainteté de Dieu n'est pas · seulement quelque
chose de négatif, une mise en garde contre le mal,
mais elle est "aussi quelque chose de positif, une source
.de forces pour l'essor de notre âme.
« Soyez saints, parce que · Je suis saint », disait déjà
le Seigneur dans l'Ancien Testament (Lévitique XI, 44).
Notre divin Maître le répète: « Soyez parfaits, comme
votre Père céleste est parfait » (S. Matthieu V, 48).
. Cette courte phrase est la Grande Charte de l'ano-
blissement de l'âme humaine, telle qu'aucune autre
n'a eu ericpre de plus bienfaisants effets sur la terre.
Examinons donc : . 1) qu'est-ce que ce commandement
exige de nous? et 2) n'exige-t-il pas trop de nous?
1) Réfléchissons au chemin magnifique qu'ouvre
devant nous le commandement divin.
.Le fleuve ne se repose pas tant qu'Il n'est pas arrivé
à la mer; l'aiguille aimantée ne se repose pas tant qu'elle
n'a pas trouvé le Nord, l'âme humaine ne se repose pas
tant qu'elle n'a pas trouvé Dieu.
La vie est une évolution. Mais il faut donner un but à
cette évolution. A notre évolution Notre-Seigneur
Jésus-Christ a fixé un but unique, digne de Lui,
lorsqu'il a prononcé ces paroles éternellement mémo-
rables : « Soy~z parfaits, comme votre Père céleste .
est parfait» (S. Matthieu V, 4 8).
Y eut-il jamais dans le monde un philosophe pour
avoir su assigner, même approximativement, un but
aussi élevé à l'homme? Qu'est-ce en comparaison que
l'idéal de vie' ·d'un Démocrite, d'un Zénon, d'un
Épicure? Ou même le noble idéalisme d'un Socrate
d'lm Platon, d'un Aristote? · ,
DIEU EST SAINT 139
Devenir semblable à Dieu, quelle .tâche grandl:ose!
La réalisation littérale du vieux mythe grec. Les Grecs
n'ont osé penser à . une telle chose que dans la fable.
D'après eux, Apollon avait déposé un jour sa lyre sur
une pierre et la pierre but les dernières notes sorties
de cette lyre et depuis, lorsque quelqu'un heurte cette
pierre 'merveilleuse et l'approche de son oreille, il
entend le chant divin de l'Olympe. Est-ce seulement '
une fiction poétique, un rêve? Non, ce n'est pas une
fiction, ce n'est pas une fable, mais une sainte réalité
que dans chaque âme humaine sommeille l'image de
Dieu. La mélodie sommeille sur la corde de la lyre,
elle attend la main de l'artiste. La joyeuse sonnerie
sommeille dans la cloche, elle attend le bras du sonneur.
Dans mon âme sommeille l'image de Dieu, elle attend
que je lui donne sa forme. Et si je réussis ce travail,
l'unique travail décisif de ma vie, alors je deviens
l'harmonie vivante annonciatrice de la magnificence
divine et la sonnerie solennelle qui retentit dans
l'infini.· « Soyez parfaits comme votre Père céleste est
parfait », c'est-à-dire: devenez semblables à Dieu.
Dieu est un pur Esprit et je Lui ressemble, si je laisse
en. moi-même la suprématie à l'esprit, à l'âme. « En un
mot: faut-il mépriser le corps? Faut-il fouler le monde
aux pieds? » Non; ce n'est pas ce que je veux dire.
Nous vivons sur la terre et nous sommes enfoncés
dans la matière. Mais · la matiere ne doit pas étouffer
l'âme en moi.
. Je vous en citerais bien un exemple, seulement, mes
frères, il faut bien le comprendre.
De l'argent, de l'argent, tel est l'énervant mot d'ordre
 LE SYMBOLE DES APOTRES
de l'humanité d'aujourd'hui. , Il bat dans les artèrès '
du pauvre, il trouble ies rêves des riches, c'est pour lui
qu'on travaille jour et nuit. Saint Louis de Gonzague
lui aussi ,$ravail1ait jour et nuit. A quoi faire ?"A se
débarrasser de sa fortune. Enfin fut rédigé l'acte par lequel
il renonçait à son marquisat en faveur de son frère.
Quand il l'eut signé il demanda à son frère, le cœur
débordant de joie : « Rodolphe, quel est, crois-tu, le
plus heureux de nous deux? C'est certainement moi. li
Et le jeune marquis entra dans le cloître. En 1591, la
peste ravageait Rome, près de six ' mille personnes
moururent, Le nouveau religieux rencontra dans la rue
un pestiféré abandonné. Il le prit immédiatement sur
ses épaules, le porta dans un hôpital et le soigna, puis
il rentra dans son couvent où il mourut bientôt après à
l'âge de vingt-quatre ans.
C'est une histoire toute simple; mais ne sentez-vous
pas le charme, la p~ésie d'une âme victorieuse, pareille
au soufRe vivifiant qui descend des montagnes? Soyez
parfaits comme votre Père céleste est parfait.
2) Cependant cette histoire fournit peut-être prétexte
à une difliculté et à une échappatoire. _ Cette idée va peut-être vous étonner, mais elle
, « Nous ne pouvons pas en faire autant ». Nous pères '
de famille qui avons le soin , d'élever notre famille,
/lous mères de famille qui souvent n'avons ~as une
minute de repos ... Si c'est cela le chemin de la sainteté,
alors ... » '
Non, non, mes frères, n'ajoutez pas un mot. Je ne
vous ai pas cité cet exemple de saint Louis de Gonzague
pour vous dire d'imiter complètement ce modèle. Nou~
ne sommes pas obligés de copier les actes des saints,
DIEU EST SAINT
mais ... mais de prendre pour exemple les sentiments
héroïques qui les ont amenés à les accomplir. Et ces
sentiments nous montreront comment aujourd'hui
encore on peut devenir des saints.
Maintenant je pose la grande question, la question
la plus importante de l'instruction de ce jour: Comment
peut-on aujourd'hui devenir saint? Car il faut que je le
devienne. Aujourd'hui encore garde toute sa valeur
la parole de Dieu : « Soyez saints, parce que moi aussi
Je suis saint» (Lévitique XI, 44)'
Les peuples primitifs donnaient à leurs chefs des
noms basés sur leurs aptitudes dominantes. Nous
, connaissons par exemple les noms curieux des chefs
indiens comme: « Œil-de-Faucon )J, « Grand Chass'e ur »,
« Grand Serpent », « Cœur de Héros » etc. De tels
noms ne peuvent être donnés que par quelqu'un qui
connaît aussi bien les bonnes que les mauvaises qualités
du sujet en cause. Mais il n'y a que Dieu pour connaître
parfaitement l'homme. Il est donc de mon devoir de
me recueillir et de réfléchir sur le nom que Dieu m'a
donné. ,
n'est pas du tout aussi étrange qu'elle paraît au premier
abord. Écoutez ce passage de l'Apocalypse : « A celui
qui vaincra, je .donnerai de la manne cachée; et je lui
donnerai une pierre blanche, et sur cette pierre est écrit
un nom nouveau, que personne ne connaît, si ce n'est
celui qui le reçoit )J (Apocalypse Il, 17)·
Oui Dieu nous donne à tous un nom, à chacuI;l
" ,
de nous un nom particulier et ce nom marque son
empreinte 'sur toute ma personne, il m'avertit, il attire
14 2 LE SYMBOLE DES APOTRES
mon attention sur la tâche la plus importante dont Dieu
attend de moi la solution au cours de la vie terrestre.
Je he suis pas responsable de la manière dont je suis né,'
mais je deviens déjà responsable du travail que je dois
m'imposer pour ne pas rester tel que je suis né. L'un a
un caractère facilement irritable, un second est suscep-
tible, un troisième paresseux, un quatrième méfiant,
soupçonneux... nous n'y pouvons rien, puisque nous
sommes nés ainsi. Mais nous pouvons nous en ren'd re
compte et ne pas nous en déclarer satisfaits. Celui qui
connaît son défaut dominant connaît aussi le nom caché
qu'il a reçu de Dieu. Dieu en effet ne nous donne pas
de noms, à la manière indienne, comme par exemple :
« Chasseur de scalps » ou « Œil-de-Lynx », mais des
noms tels que « Main Innocente », « Cœur Pur »,
« Cœur de Bonté », « Mairi Secourable », « Vie Coura-
geuse », « Fidélité », voilà comme Il nous' appelle.
Et celui qui fait passer ces noms dans sa vie, celui-là
devient un saint. Oui, ce sont les saInts modernes,
ceux qui combattent courageusement pour acc~mplir
la volonté divine. ' Dieu est saint. Et Lui seul est saint. Tout ce qu'il
, y a-t-il donc encore actuellement des saints? Est-ce
que des saints vivent encore aujourd'hui parmi nous?
Certainement. Peut-être n'yen aura-t-il que très
peu parmi eux pour arriver à la canonisation ' officielle
par l'Église. ~ Mais devant Dieu beaucoup mènent
assurément de nos jours une vie sainte. Ils ont traversé ,
silencieusement la vie et c'est seulement lorsqu'on
revient de leurs obsèques qu'on se rend ordinairement
compte que le monde vient de perdre un bijou précieux.
Ce sont ceux qui, sans un mot de plainte, ont rempli
DIEU EST SAINT
constamment leur devoir, ce sont ceux qui ont travaillé
jour et nuit où Dieu les avait placés, mais qui ont
toujours trouvé encore assez de temps pour leur âme.
Ce sont ceux qui -'ont été dévoués, patients, joyeux.
Ce sont ceux qui ne font pas de miracles mais dont
toute la vie est un miracle : oun miracle vivant de la
grâce divine et de la correspondance à la grâce de la
volonté de l'homme. Ce sont ceux qui portent leur
, croix, sans exhaler une plainte. Ce sont ceux qui passent
à travers le monde corrupteur, mais dont le cœur ne se
laisse pas séduire ... que dirai-je encore? Ce sont ceux
qui, au milieu de la vie misérable et belliqueuse actuelle,
s'efforcent de réaliser la parole du Sauveur: « Soyez
parfaits,. comme votre Père céleste est parfait ». ,"
Mes frères , le sermon d'aujourd'hui a été consacré
à la sainteté de Dieu.
y a de sainteté dans le monde est sorti de Lui; la source
del la sainteté. Tout ce qu'il y a de lumière dans le
monde vient du soleil; le soleil se reflète dans la goùtte
de~' rosée et lui donne un aspect magnifique, le soleil
brille à travers le diamant et lui confère un éclat
précieux, pareillement la sainteté de Dieu se reflète
dans une âme humaine sans péché et la rend plus
magnifique et plus précieuse.
Comme je dois avoir en haute estime la grâce sancti-
fiante en moi-même, comme je dois tenir à elle et
 LE SYMBOLE DES APOTRES DIEU EST SAINT 145

coopérer avec elle, afin de l'aider à remporter la victoire âme, sur ce fragment céleste détaché de Vous, afin que,
dans la lutte contre le péché! lorsqu'il Vous sera représenté, Vous puissiez le mettre
Mais ce n'est pas seulement en moi que je dois à la bonne place, afin que Vous Vous reconnaissiez en
travailler, c'est aussi dans les autres. « Que votre nom moi et que Vous m'accueilliez comme Votre propriété
soit sanctifié! » je ne dois pas seulement réciter cette pour toute l'éternité. Ainsi soit-il 1
formule, mais encore ttgir en conséquence ': afin de
sanctifier la vie de mon entourage et ainsi glorifier
Dieu. Ces saintes mères .de famille dont l'exemple
silencieux répand sur la famille entière une force
sanctifiante. Ces apôtres zélés qui souffrent de voir les
hommes si éloignés de la sainteté et de Dieu, source
de la sainteté, qui mettent tout en œuvre pour rappro-
cher de Dieu une âme qui s'égarait. Et tandis qu'eUes
travaillent à l'embellissement d'autres âmes, eUes
sentent combien leur âme 'à elles devient tQujours de
plus en plus belle, de plus en plus rayonnante et de ,
plus en plus semblable à Dieu. Et c'est là la fin dernière
de la vie de l'homme : devenir sans cesse plus semblable
au Dieu éternellement saint.
Les anciens Romains avaient une coutume étrange.
Lorsque lalvie séparait deux amis, ils brisaient en deux
une petite plaque d'argile, une tessère et quand, après
des années, ils se retrouvaient, ils rapprochaient l'un
de l'autre les deux fragments soigneusement conservés
et ils se reconnaissaient à ce signe que les deux morceaux
joignaient parfaitement . Certainement vous ne vous
tromperez pas sur le sens de mes paroles, si je vous dis: /

Notte dme est unVfragment détaché de Dieu! Puisse-t-il ,

ne pas s'altérer! Puisse-t-il être soigneusement conservé!
Puisse-t-il ne pas être brisé!
Dieu saint et éternel, aidez-moi à veiller sur ' mOIl
R.yrnh. d. Ap. - T. 1 10

IX
DIEU EST BON
MES FRÈRES,
Aujourd'hui je vous parlerai de la bonté de Dieu.
Lorsque l'on veut donner un qualificatif au saint nom
, de Dieu on dit le plus souvent: « Le Bon Dieu ».
En réalité, Dieu est-Il bon? Je pose cette question
et la Sainte Écriture me répond : « Vous aimez toutes
les créatures et vous ne haïssez rien de ce que Vous
avez fait» (Sagesse XI, 25). C'est ainsi que parle de
Dieu le Livre de la Sagesse et par là il révèle le cœur
plein de bonté de Dieu. Mais le prophète Isaïe va
encore plus loin. Et par sa bouche, Dieu dit de Lui-
même : « Une femme oubliera-t-elle son nourrisson,
qu~ elle n'ait pas pitié du fruit de ses entrailles. Quand
les mères oublieraient, moi Je ne t'oublierai point »
(Isaie XLIX, 15). Une mère est pourtant bonne pour
ses enfants. Mais Moi, dit le Seigneur, je suis encore
meilleur pour vous.
Dieu est-Il réellement bon? telle est ma question.
Et le monde entier répond par mille échos : Dieu est
bon, Dieu est bon. ,
, PIEU EST BON
Dieu est la vie éternelle, la source de la vie qui trouve
sa joie à faire germer et croître la vie. « Les yeux de tous
les êtres sont tqurnés vers Vous dans l'attente? Seignei.Jr,
dit le psalmiste, et vous leur donnez la nourriture en
son temps» (Ps. CXLIV, 15). Chaque bourgeon qui
pousse, chaque fleur qui s'ouvre, chaque brin d'herbe
qui verdit, chaque nid d'oiseaux qui chantent et surtout
chaque cœur humain qui bat s'écrient: Dieu est le Dieu
de la vie, qui, dans la munificence de sa bonté, trouve
sa joie dans la vie. Dieu Se suffit à Lui-même, Il n'a pas
bes,oin du monde, cependant Il inonde le monde de
sa bonté en lui donnant la vie.
n a fait encore davantage. « En effet Dieu a tellement
aimé le monde, qu'Il a donné son Fils unique, afin que
quiconque croit en Lui ne périsse point, mais 'ait la vie
éternelle» (saint Jean III, 16). ,
Pour que nous ayons la vie éternelle. Et cette vie
éternelle n'est pas une simple continuation de la vie
terrestre, mais une élévation de la nature humaine vérs
les sommets surnaturels de la vie divine, où sous certains
rapports nous participerons à la gloire éternelle de
Dieu. Aussi je vous le demande, mes frères : Dieu
n'est-Il pas infiniment bon, de nous aimer autant?
Mais il ne suffit pas de croire que Dieu est infiniment
bon pour les hommes,il faut aussi en tirer des conclu-
sions pratiques. La bonté de Dieu a) impose de grands
devoirscet en même temps b) soulève plusieurs pro-
blèmes sur lesquels nous devons diriger nos regards.
1. A quoi no'f.ls oblige la bonté de Dieu? et II. Quels
problèmes pose la bonté de Dieu?
Examinons d' abord:
 LE SYMBOLE DES APOTRES
A QUOI NOUS OBLIGE LA BONTÉ DE DrEu?
I. La première conséquence naturelle de la bonte
de Dieu est celle-ci: Si Dieu est bon pour moi, moi
aussi je dois être bon pour les hommes.
a) Il est d'autant plus nécessaire d'attirer l'attention
sur ce point que la bonté, la complaisance, la prévenance
envers le prochain' disparaissent visiblement de plus
en plus chez les hommes. Elles sont tellement en voie
de disparaître qu'en France, conformément à la mode
des « se.maines », on a institué déjà une « semaine de
bonté ». Pendant la « semaine hongroise )) on ne doit
acheter que des marchandises hongroises, pendant la
(( semaine du livre », il faut acheter des livres; pendant
la (( semaine de bonté », chacun doit rester maître de
ses nerfs, chacun doit se montrer complaisant, patient,
poli et bon.
C'est-à-dire: il en devrait être ainsi. Car cette force
d'âme que manifeste la vraie bonté", il n'y a que l'idée
religieuse ' et la généreuse maîtrise de soi qui puissent
la produire. Seul peut être bon pour son prochain, celui
qui a appris la bonté auprès de Dieu.
b) (( Personne n'est bon, sinon Dieu seul », a ,dit
Notre-Seigneur (S. Marc X, 18). Ce qu'il y a donc
de bonté dans le monde a trouvé sa source dans l'infinie
bonté de Dieu. Comme la vie est amère, comme notre
pèlerinage terrestre est semé de luttes douloureuses 1
DIEU EST BON 149
Comme nous devons bénir les âmes honnes qui, dans le
silence, les yeux rayonnants, le cœur compatissant,
répandent à travers cette vie la gaieté, le calme, comme
autant de rayons de soleil et partout où elles apparaissent
sèchent aussitôt les larmes et donnent une vie nouve"lIe
aux fleurs desséchées du bonheur! Oh! les bonnes
personnes!
Comme il convient que nous autres chrétiens, nous
soyons de leur nombre! Ne laissons à personne ce
précieux privilège ! Je suis bon, parce que Dieu est
infiniment bon. Quelle magnifique réclame pour le
christianisme, si l'on pouvait dire de nous ce que l'on
disait du si aimable et si bon saint François de Sales,
évêque de Genève : « Mon Dieu, comme il faut que
Vous soyez bon, si déjà l'évêque de Genève est si bon! »
c) Je ne veux rappeÎer qu'en passant que la bonté
manifestée à autrui n'est pas un bien perdu, car nous
réalisons notre propre bonheur, en nOus montrant bons
pour les autres.
Un écrivain anglais a composé un charmant récit qui
met en relief cette idée. Un homme possédait un vaste
jardin, où les erifants aimaient à venir jouer et s'ébattre.
Mais cet homme était sans cœur; il était ennuyé àla
pens~e que d'autres pussent jouir des beautés de son
jardin. Il l'entoura donc d'un mur élevé, de sorte que les
enfants en fussent écartés. Mais que se passa-t-il
alors? Les fleurs n'entendirent plus les rires enfantins
et n'ouvrirent plus leurs calices. Les feuilles jaunirent.
Un hiver rigoureux arriva, le froid et la grêle, mais le
1- rintemps ne se montra pas du tout. L'honime attendait,
attendait"pour le voir paraître. Mais il ne vint pas. Il ne
 · LE SYMBOLE DES APOTRES
vint . que lorsque l'homme eut reconnu sa faute et fait
démolir le mur; et lorsque les enfants y eurent recom-
mencé -'leurs ébats , il retrouva immédiatement sa
beauté et tout se mit à verdir. Pareillement notre vie
est d'autant plus heureuse que nous avons procuré
davantage de bonheur aux autres.
Soyons bons les uns pour les autres, puisque Dieu aussi
est bon pour nous.
2) De la bont~ du Dieu Tout-Puissant découle
encore un autre devoir : la tendre confiance du chrétien
dans l'aide de Dieu.
a) Où serait l'utilité pour nous, si Dieu était sim-
plement-bon? Combien de bonnes personnes voudraient
de tout cœur nous aider, mais ne le peuvent pas! Dieu
n'est pas seulement bon, en ce sens qu'Il veut nous aider,
mais Il est aussi Tout-Puissant, de sorte que s'Il veut,
Il peut également nous aider. Dans la Sainte Écriture,
à plus de cent reprises, Dieu est appelé le Tout-Puissant . .
« Je suis le Dieu · Tout-Puissant n, dit le Seigneur à
Abraham (Genèse ~VII, 1). Et Jésus au Jardin des
Oliviers, implore son Père du ciel en disant: « Mon Père,
tout vous est possible)) (S. Marc XIV, 36).
Saint Canut, roi de D'anemark, se promenait un jour
sur le bord de la mer, un courtisan en profita pour lui
adresser des paroles flatteuses, l'appelant souverain
maître des hommes, de la terre et de la mer. Mais
l'humble roi se contenta de s'approcher tout près du
rivage et de crier d'un ton autoritaire: « Vagues, je
vous l'ordonne, n'arrivez pas jusqu'à mes pieds n.
Néanmoins les vagues déferlèrent contre lui. « Comment
avez-vous osé m'appeler so:uverain maître, alors qu'une
DIEU EST BON
simple vague ne ,m 'obéit pas? Le maître tout-puissant
du ciel et de la terre, c'est Dieu. Adorons-Le )). En
vérité, voilà une manière de penser digne d'une âme
chrétienne . . Adorons le Dieu très bon et tout-puissant
et ayons confiance en Lui.
b) Et je dois le dire franchement, cette confiance
filiale dans la bienfaisante bonté divine est beaucoup
plus digne de nous que toutes les superstitions
imaginables.
Si je pars en voyage, si je commence une entreprise
délicate, si je dois résoudre une question difficile, bref
si je suis en présence d'un devoir quelconque de la vie,
je consacre tous mes soins et toutes mes forces à
atteindre ce but, mais j'ajoute ensuite: Seigneur, j'ai
fait tout ce qui dépendait de moi, maintenant aidez-moi
dan$ votre bienfaisante bonté.
Oui, voilà une manière de penser sérieusement
chrétienne.
Avant de monter en avion, j'examine attentivement
le moteur, afin qu'il n'ait pas de panne, je vérifie si les
ailes sont en bon état, je regarde si tous les écrous sont
solidement vissés. Quand j'ai fait tout ce qui dépendait
de moi, j'ajoute: Seigneur, venez à mon aide dans votre
toute-puissante bonté. Et la conscience tranquill~, je
me mets en route, mais sans un petit crocodile, sans
tortue, sans cravache, sans chat noir, sans pièce de cinq
dollars. Ce n'est pas une plaisanterie; tous ces objets
sont les talismans d'aviateurs célèbres qui, sans eux,
ne voudraient pas prendre leur vol pour un championnat
du monde. .
N'est-ce pas une honte que d' aV01~r à poser cette question:
 LE SYMBOLE DES APOTRES
En qui ai-je le plus de confiance? Dans le bon Dl:eu ou
dans une tortue? Dans· le bon Dieu ou dans un chat noir?
Si j'ai confiance dans la bonté de Dieu, alors je ne la
mets pas dans cette ,« ëhaîne de prières » copiée neuf
fois et adressée à neuf personnes différentes, « com-
mencée en Amérique par un colonel distingué et que
je dois transmettre à une autre personne, sous peine
d'un grand malheur ». Mais pas du tout. Si j'ai confiance
en la bonté divine, je n'ai pas à me soucier de cette
superstition, pas plus que des autres. · . difficiles:
Etes-vous superstitieuse, Madame?
Moi? Pensez-vous. J'aurais honte à notre époque
de progrès.
Mais pourquoi avez-vous tout à l'heure frappé
sur la table, lorsque vous disiez que votre mari était
bien portant?
Je vous enpde, c'était pour que la maladie ne
revienne pas.
Très bien. Et pourquoi n'avez-vous pas pris place à
notre table, où· nous étions déjà douze?
Mais voyons. Où trouverez-vous aujourd'hui quel-
qu'un qui oserait -raire le tre~zième à table?
Alors vous êtes donc superstitieuse?
Oh! pas pour cela. Seulement, je me méfie. Car
après tout qui sait si ...
Qu'est-ce que cela, mes frères? Un gros péché? ·
Non. Quoi alors? 'Une foi chétive. Une foi bien faible
en la bonté de Dieu. Car la bonté de Dieu devrait
m'obliger à avoir confiance en Lui.
DIEU EST BON 153
II
PROBLÈMES EN RELATION AVEC LA BONTÉ DE DIEu.
La· bonté de Dieu n'est pas seulement la source des
conclusions pratiques que nous venons d'cudier, mais
elle est aussi en relation avec des problèmes réellement
r) Je commence immédiatement par la question
la plus arslue, par l'objection la plus grave. C'est
l'angoissant problème qui se cache dans les profondeurs
de bien des âmes.
Vous dites: Dieu est infiniment bon. Mais s'Il est
infiniment bon, pourquoi a':'t-Il créé l'enfer? S'Il est
infiniment bon, comment peut-Il précipiter les hommes
dans les effroyables profondeurs de la damnation éternelle?
Mes frères, que répondrons-nous à cette question
qui met l'âme à la torture? Car la foi nous enseigne
que Dieu est infiniment bon. Mais elle enseigne aussi
que t~us ceux qui meurent en état de péché grave sont
frappés de la ,damnation éternelle. Comment concilier
ces deux dogmes? Comment peut-li être « bon », ce Dieu
qui a établi la damnation éternelle?
Essayons de regarder en face ce problème torturant.
a) Tout d'abord je rappelle le sermon précédent où
il a été question de la «sainteté » de Dieu et où nous avons
vu qu'entre la sainteté de Dieu et la malice du péché
il y avait un abîme infranchissable, une opposition
irréductible et que le pécheur ne pouvait absolument
 154 LE SYMBOLE DES APOTRES
pas passer la vie éternelle près du Dieu infiniment
saint, pas plus que les ténèbres ne peuvent exister près
du soleil dt la glace près de la .chaleur.
b) Nous avons encore une autré raison qui ne
permet pas à .la bonté de Dieu de s'évanouir à la
tragique lumière de l'enfer. Et cette raison se trouve
dans deux passages de la Sainte Écriture. L'un rapporte
ces paroles du Seigneur au prophète Ézechiel: « Je ne
veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse
et qu'il vive» (Ézéchiel XXXIII, 2). L'autre est de
saint Pierre: Le Seigneur « use de patience envers vous,
ne voulant pas qu'un seul périsse, mais que tous
, viennent .à la pénitence » (2c ·Épître saint Pierre III, 9).
Savez-vous ce que veulent dire ces paroles? Que
Dieu n'éprouve pas de joie, mais beaucoup de peine, si
quelqu'un est damné. Dieu veut conduire tous les
hommes au salut éternel et Il serait au comble de la
joie, si tous étaient sauvés. Et Il fait tout pour cela.
Son Fils unique a versé dans ce but jusque la dernière
goutte de son sang, qu'aurait-Il pu encore faire pour
nous? Pour favoriser notre salut, Il va jusqu'aux
dernières limites, dans le vrai sens du mot, les dernières
limites, mais après Il s'arrête.
Quelle est cette extrême limite? La liberté de la
volonté humaine.
c) Et ainsi nous rencontrons la véritable solution
du problème: Personne ne se perd, sinon celui qui le veut.
Dieu ne chasse personne, c'est l'hommè qui se séPare
lui··même de Dieu.
ttre un homme signifie choisir entre le bien et le
mal. L'homme peut prendre parti pour le mal, parti
DIEU ES1' BON 155
pour le péché, parti pour les révoltés et les insurgés
contre Dieu. Et il peut se fixer dans cet état, s'endurcir
dans le mal et, si li mort le trouve ainsi, comment
irait-il · 'auprès de Dieu, puisqu'il ne l'a, _ pas voulu,
puisque lui-même ne le voulait pas? Il est resté dans son
obstination et son impénitence, il ne voulait rien savoir
de ·Dieu, qu'est-ce que ' Dieu ferait maintenant de lui?
La vie éternelle est une jouissance de ·la gloire divine;
mais cet homme, durant toute sa vie, n'avait aucune-
ment désiré Dieu.
Oui, Dieu est bon, mais il n'est pas permis d'abuser
de la bonté de Dieu. Et combien en abusent 1 Combien
avalent le péché, se roulent dans la boue, se plongent
jusqu'au cou dans un bourbier et cherchent à apaiser
. leur conscience inquiète en disant: N'aie pas peur, Dieu
est bon. Le bon Dieu te pardonnera!
Ou bien ils disent tout simplement: le Bon Dieu sera
indulgent pour toi.
Ont-ils la moindre idée de Dieu et de sa bonté?
En Dieu la bonté n'est pas une faiblesse de vieille
femme ni l'impuissance ni le manque d'énergie. Dieu
est bon, mais juste. Dieu est Père, mais aussi Juge
sévère. Autant Dieu est bon envers ceux qui ont voulu
Lui appartenir, autant Il est un Juge sévère pour
ceux qui ont abusé de Sa bonté et n'ont pas voulu vivre
conformément à ses commandements.
Dieu est infiniment bon. Avant de précipiter quel-
qu'un dans la damnation', de le jeter dans les ténèbres
comme une étoile éteinte, Dieu épuise tous les moyens
de saiut de son cœur aimant. Si l'on voyait comme III
tente tout pour sauver les âmes, comme Il met en
 LE SYMBOLE DES APOTRES
œuvre toutes les richesses de sa grâce pour attirer,
avertir et aider, alors il ne viendrait à personne l'idée
de mettre en doute la bonté de Dieu, à cause de ce que
réclament sa sainteté et sa justice: à cause de la condam-
nation du mal.
2) Il Y en a d'autres pour faire cette objection contre
la bonté de Dieu qu'Il ne punit pas immédiatement
la méchanceté et l'impiété, et bien des gens se trouvent
ainsi devant un nouveau problème. C'est ùne question
extrêmement difficile que je ne fais qu'efHe~rer main-
tenant, aujourd'hui je vais poser la question et je pense
vous en fournir la solution ' dans mon prochain sermon.
Quelle est cette question? C'est le problème de « la
bonté de Dieu et du mal dans le monde ».
Sans chercher une longue explication, je vais vous
donner un exemple qui mettrà en lumière le nœud de
la question.
Il y avait une fois une .brave femme, honnête et
religieuse, qui fut durement frappée par le sort. C'était
une âme droite, .une épouse modèle, une mère dévouée,
une excellente catholique. En un an elle perdit son
mari et ses deux grands fils, et bientôt après encore
sa fortune.
Alors cette femme perdit l'équilibre de son âme,
à tel point qu'une pensée atroce s'y glissa : Dieu ne se
soucie pas des hommes. Pour Lui nous ne sommes que
des fourmis aussi nombreuses qu'insignifiantes, qui ne
peuvent pas intéresser Dieu assis sur son trône à une
distance infinie. Des peuples naissent et disparaissent,
le printemps arrive, l'hiver meurt, les hommes se
réjouissent et pleurent, la terre poursuit sa course
DIEU EST BON 157
aveugle parmi les astres, Dieu ne s'en occupe pas.
Du moins Il ne le fait pas voir. Car Il se tait. Vous avez
fait le bien, et Il ne s'en montre pas satisfait. Vous avez
commis le péché et Il ne fait pas voir qu'Il en souffre.
Il se tait. Il se tait même encore, lorsque de la poitrine
d'un croyant s'échappe un soupir: Seigneur, comment
pouvez- Vous en supporter la vue?
Mes frères, j'ai commencé en disant: Il y avait une
fois une brave femme qui perdit son équilibre moraL ..
Je ne peux pas donner son nom. Dites-moi, ne serait-ce
pas vous? Ne vous est-il encore jamais venu de pareilles
pensées? Lorsqu'après la guerre survint l'effrayante
détresse matérielle, lorsque après avoir souscrit aux
emprunts de gùerre avec. le peu d'argent amassé pour
vos vieux jours, vous aviez tout perdu; alors que les
gens sans conscience, les frivoles, les vicieux, avaient
toutes leurs aises, que les gens honnêtes étaient dans
l'indigence et traînaient dans l'ombre une existence
misérable; lorsque vous priiez pour votre fils malade
et que cependant il mourut ... etc. Que de péchés, que
de misères! Ou est donc le bon Dieu? Voilà la question
angoissante.
Cette vie est pleine d'incertitudes. Cette vie sombre
d',ici-bas. Cette lutte accablante. Cette masse de pleurs
et de plaintes. Nous entrons dans la vie en pleurant
et nous laJ quittons dans la douleur . Que d'énigmes,
de problèmes, de doutes autour de moi t Si Dieu est
vraiment « bon », comment peut-Il regarder cet1e terre
devenir « une vallée de larmes »?
Question difficile et poignante. Questior à laquelle
il n'est pas aisé de répondre. Question qui se pose à
15 8 LE SYMBOLE DES APOTRES
une foule d'âmes et à laquelle je consacrerai tout mon
prochain sermon. La réponse sera double: a) Dieu ne ,
veut ni le Péché ni le mal; mais cependant Il les permet,
b) Il cherche encore à en tirer du bien.
Examinons rapidement ces deux idées.
a) Dieu ne veut pas le mal. Le monde actuel n'est
plus tel' que Dieu l'avait créé à l'origine. Dans le plan
divin il ne devait y avoir ni le mal ni la souffrance ni
la mort. Mais ce plan a été bouleversé par la libre volonté
de l'homme et le premier péché de l'homme et a été
coffi'plètement gâté. « Par un seul homme le péché
est entré dans le monde et par le péché la mort ))
(Romains V, 12).
Sans doute, cette réponse n'est pas décisive, car je
sais bien qu'elle est insuffisante. La réponse est certai-
nement exacte mais elle ne peut pas dissiper le doute.
Elle explique comment nous en sommes arrivés là,
mais elle n'explique pas comment Dieu, le Dieu infi-
niment bon, peut contempler la misère, la peine, la
souffrance. Ce n'est pas Lui qui les veut, je le vois bien;
mais en tout cas Il en reste le spectateur.
b) Il me faut donc approJondir un peu la question
de la responsabilité et mettre en relation les plans mysté-
rieux de Dieu avec le mal et la souffrance. Oui, nous
croyons que la bonté de Dieu et notre foi en sa bon té
nous rendent plus clairvoyants. Comment cela? Eh
bien 1 voici : Quel que soit le malheur qui puisse
s'abattre sur un croyant, quand bien même il se serait
égaré dans un coin obscur du labyrinthe de la vie, il
relève la tête . et veut, à la lumière de la foi, regarder
à travers les nuages et les ténèbres. Si la souffrance
DIEU EST BON 159
vous étreint, arrêtez-vous un instant et dites simple-
ment: Qu'est-ce que Dieu veut de moi ?
En elfet Dieu, le bon Dieu, ne vous envoie pas la
souffrance unique~ent pour vous faire souffrir. Dieu,
le bon Dieu, ne nous fait pas verser des larmes simple-
ment pour nous voir pleurer.
Pourquoi donc le fait-Il alors? Je vous apporterai
bientôt la réponse. Mais pour l'instant je ne puis
m'empêcher de vous lire quelques lignes d'une lettre
que j'ai reçue ces jours derniers. Elle a été écrite par
quelqu'un qui a été effroyablement meurtri par la vie,
mais écoutez ce qu'il est devenu à la suite des coups
du sort qui l'ont frappé.
Voici sa lettre: ... Je n'allais plus à l'église, ni la
sainte messe ni les sermons ne faisaient d'impression
sur moi; mais lorsque les difficultés m'écrasèrent, elles
touchèrent mon âme; lorsque au milieu de mes soucis
matériels je commençai à regarder la souffrance humaine
avec d'autres yeux, la semence de vos radio-sermons
ne tomba plus sur le bord du chemin, mais dans la
bonne terre. Dès lors je considérai notre malheur
national avec de tout autres yeux, mais j'y vois cepen-
dant la bonté de Dieu qui, par la ~ouffrance, veut nous
réveiller de notre indifférence et nous indiquer le
chemin de la vérité. Maintenant je comprends le Pater
dans sa sublimité et sa profondeur. C'est la plus belle
et la plus désintéréssée des prières. Maintenant je vois
qu'on peut faire l'essai de la république ou du commu-
nisme ou de toùte autre forme de goU\ernement, mais
que la paix et le calme ne régneront sur la terre que
lorsque le royaume de Dieu sera arrivé jusqu'à nous.
160 LE SYMBOLE DES APOTRES DIEU EST BON 16]

Voici une autre lettre écrite par une mère, baptisée Dieu de bonté, aidez-moi à deve~ir bon.
depuis seulement six mois. Elle avait un fils unique Dieu de bonté, aidez· moi à vivre de manière à
qui est mort à l'âge de vingt-deux ans. Je crois n'avoir mériter Votre bonté et à ne pas être obligé de redouter
pas besoin d'eil dire davantage sur l'état d'âme de cette une juste condamnation.
mère en présence du cercueil d'un fils de vingt-deux ans. Dieu de bonté, si Vous me frappez, aidez-moi à
Mais écoutez ce qu'elle écrit. reconnaître Votre sainte volonté. Ainsi soit-il 1
«Je n'aurais peut-être jamais été baptisée, si un grand
deuil n"était pas. venu transformer le cours de ma vie.
Je suis veuve depuis neuf ans et, il y a deux ans et demi,
j'ai perdu un fils de vingt-deux ans. Il n'était pas un
enfant gâté; mais malgré sa jeunesse c'était un garçon •
sérieux ,et travailleur. Tout à fait le jeune homme tel
que vous les aimez: pur de corps et d'âme, jamais assis
à la terrasse des cafés, ne fumant pas; il travaillait et
étudiait et avec cela toujours gai. Et lorsqu'arriva
la nuit où je me trouvai seule, je ne me sentis pas
délaissée, mais je me tournai vers Celui en qui mon âme,
quoique juive, mit toute sa confiance, je repris courage
à la pensée que mon enfant était heureux de corps et
d'âme, vers Ceiui qui vit avec nous et tout près de nous:
Jésus. Et maintenant je sais que j'ai le Christ pour
enfant à la place du mien ». Mes frères, peut-il y avoir
une plus chrétienne explication de la souffrance :
Maintenant je sais que j'ai reçu le Christ pour enfant
à la place du mien?

Je ne donnerai pas de conclusion à mon sermon

d'aujourd'hui : nous étudierons plus à fond encore
la bonté de Dieu et le mal dans le monde.·

"'yrnh . ,1. Ap . T. T

x Ils raillent, ils tiennent des discours pervers,
LA BONTÉ DE DIEU
ET LE MAL DANS LE MONDE
MES FRÈRES,
, Comme je l'avais annoncé dans mon dernier sermon,
aujourd'hui je' vais m'occuper d'un sujet qui tourmente
et torture les âmes, depuis qu'il y a des hommes sur
la terre, tout au moins depuis que nous lisons, dims uri
livre vieux de près de trois mille ans, le psaume soixante-
douze, les lignes où déjà nous sentons la lutte pénible
d'une âme cherchant à s'orienter, à se recomiaître.
Écoutez donc quelques versets de ce psaume:
({ ... J'étais sur le point de tléchir,
Mon pied a presque glissé.
Car je m'indignais contre les impies,
En voyant le bonheur des méchants.
Pour eux "point de douleurs jusqu'à la mort;
Leur corps est plein de vigueur.
Ils n'ont point de part au labeur des mortels, ,
Ils ne sont point frappés comme le reste des hommes.
LA BONTÉ DE DIEU ET LE MAL DANS LE MONDE 163
Aussi l'orgueil est la parure dF. leur cou,
Et la violence, la robe précieuse qui les couvre.
L'iniquité sort de leurs entrailles,
Les pensées de leur cœur se font jour.
Ils profèrent des paroles hautaines.
Leur bouche affronte le ciel même,
Et leur langue s'exerce sur la terre. '
C'est pourquoi mon peuple se tourne de leur côté, .
Il avale l'eau à grands traits.
Il dit: ({ Comment Dieu saura-t-Il?
Comment le Très-Haut connaîtra-t-Il? »
Ainsi sont les méchants :
Toujours heureux, ils accroissent leurs richesses.
C'est donc en vain que j'ai gardé mon cœur pur,
Que j'ai lavé mes ' mains dans l'innocence;
Tout le jour je suis frappé,
Chaque matin mon châtiment est là. »
C'est ainsi que se plaignait l'homme d'il y a trois mille
ans et cette plainte est encore pour nous aujourd'hui un
problème difficile. Dieu est bon, infiniment bon, nous
le savons par le sermon précédent: mais s'Il est bon,
comment se fait-il qu'Il contemple sans mot dire les
souffrances, les péchés et {es crimes dont les flots bourbeux
et écumants couvrent la terre et souillent l'humanité?
Que de crimes, de hontes, de péchés et de souillures ...
et le bon Dieu n'aurait pas son mot à dire? Que de
rudes coups du sort, de souffrances et de douleurs ...
et le bpn Dieu, pourrait regarder cela sans sourciller? ,
Si Dieu est bon, comment peut..Il voir, comment
 LE SYMBOLE DES APOTRES
peut-Il permettre qu~ le mal règne dans le monde :
1. le mal moral, c'est-à-dire le péché, la méchanceté et
2. le mal physique, c'est-à-dire les accidents, les souf-
frances, les douleurs. Le monde est plein ' de péchés
et de peines, le monde d~nf nous àffirmons qu'il est
dirigé par un Dieu saint et bon? Comment peut-on
concilier ces deux choses? voilà le ·difficile problème
du sermon d'aujourd'hui.
Occupons-nous donc de la première question,
celle du mal moral: Comment Dieu peut-Il contempler
tranquillêment la multitude des péchés? ' Pourquoi
Dieu se tait-Il, alors que les flots fangeux du péché
s'élancent presque jusqu'au ciel?
1 fallut-il conférer à l'hommé un sublime privilège :
LA BONTÉ DE DIEU ET l.E PlkHÉ.
Tout d'abord je voudrais vous rappeler un de mes
sermons précédents, où il a été parlé de la « sainteté
de Dieu ». Nous y avons vu clairement, combien lû
sainteté divine était offensée par le péché, combien
Dieu en était peiné, combien Il désirait que le péché
n'existât pas dans le monde. C'est cette idée que nous
'devons placer en tête -'de notre étude d'aujourd'hui,
ca!; c'est uniquement à sa lumière que nous'obtiendrons
la réponse à la question que nous avons posée.
Si Dieu est tellement offensé par le péché et si.
pourtant Il se tait et regarde avec indifférence l'homme
LA BONTÉ DE ·DIEU ET LE MAL DANS LE MONDE 165
commettre le péché, si Dieu ne l'empêche pas par une
continuelle intervention et ne le rend pas impossible,
alors il faut qu'Il ait pour cela une raison t~ès
importante.
1) La première raison est le respect de la nature de
l'homme, de la libre 'Volonté humaine. Dieu a donné à
l'homme en le créant un privilège incomparable, une
volonté libre, afin qu'il ne soit pas soumis aux lois
immuables de la nature, comme les autres choses créées,
mais pour qu'il mérite la subliine fin dernière établie
par Dieu, la vie éternelle, par la libre col/aboration de
sa propre détermination et de sa volonté. Dieu ne veut pas
d~esclaves dans les chaînes, d'hommes poussés vers
Lui par les tremblements de terre, la foudre. les
inondations, l'incendie, la guerre, la terreur, mais des
âmes qui Le servent et Le prient librement. Aussi Lùi
une volonté libre.
La volonté humaine n'est pourtant pas uniquement
un privilège, elle peut aussi devenir pour nous un danger
funeste. C'est une merveilleuse distinction pour
l'homme, _mais aussi un péril inquiétant. Je ' suis
homme, tous les tyrans du monde sont donc incapables
de me faire faire ce .que je ne veux pas. Voilà la lettre
de noblesse de la volonté humaine .: la liberté de cette
volonté. Je ne suis pas obligé de faire le mal-,(car
autrement il n'y aurait pas de péché en ce monde),
mais je ne ,suis pas obligé de faire le bien (car alors il
n'y aurait ni vertu ni mérite). Sans doute, Dieu /
ne
.veut pas que j'abuse de ma volonté et qu'en choisissant
le mal ie fasse descendre ma dignité d'homme au-
166 LE SYMBOLE DES APOTRES
dessous du niveau de la bête et pour que je ne le fasse
pas, Il m'assiste puissamment par sa grâce; cependant
t'homme peut toujours agir . autrement et voilà la
source du péché.
Le monde n'a pas commencé par le péché, Dieu
ri'a pas créé le mal, ni le péché. C'est l'homme qui a
corrompu ses voies terrestres, lorsqu'il a opposé sa
volonté à la volonté divine. C'est l'homme qui a fait
mauvais usage du don magnifique qui l'élevait si haut
au-dessus de toutes les créatures: la liberté.
Voici donc la première réponse: Lé péché existe dans Le
monde, mais ce n'est pas Dieu qui l'a créé 'Iii qui l'a voulu,
c'est l' homme.
Il est possible de faire mauvais usage de sa volonté
libre, il est possible de commettre le péché,. mais ce
n'est. pas Dieu qui est responsable de la faute. Suis-je
responsable si l'élève auquel j'ai enseigné toute sorte
de choses utiles fait plus tard dans sa vie mauvais
usage de ses connaissances?
Combien de souffrances humaines trouvent là leur
origine! Que de fois les hommes sont la cause de leurs
malheurs! Combien d'hommes ne seraient pas venus au
monde paralytiques, aveugles, maladifs, neurasthé-
niques, si un de leurs aïeux, dans sa jeunesse, n'avait
pas mené une vie dépravée, et n'avait pas péché contre
le commandement de la pureté. Si l'on pouvait chasser
du monde toutes les a~ertumes, les catastrophes, les
vols, les meurtres, les 'guerres que l'homme inflige
à l'homme, comme la vie serait supportable! Donc' en
'vérité nous n'avons pas le droit d'en rejeter sur Dieu la
responsabilité. .
LA BONTÉ DE DIEU ET LE MAL DANS LE MONDE 167
« Mais,direz-vous, si Dieu ne veut réellement pas
les iniquités des hommes, si notre méchanceté Le
peine; le Dieu Tout-Puissant pourrait tout au moins
empêcher les péchés des hommes ». C'est· vrai, Il
voudrait bien empêcher les péchés, Il donne sa grâce
pour cela, mais Il n'intervient pas par la force, Il ne
brise pas de force la . volonté humaine, car Il respecte
en nous ce qu'Il a~réé: Il respecte notre « personnalité».
z) Dieu regarde-t-Il passivement le péché? Oh! non.
Dieu ne nous ôte pas le saint privilège inhérent à la
mlture humaine, la volonté ' libre; mais la libre volonté
humaine a pour conséquence le fait qu'il y aura des
péchés dans le monde, tant qu'il y aura des hommes.
Seulement Dieu se sert du péché et sait tirer Le bien du mal.
Qui s'en rend compte? cel.ui qui, les cheveux blanchis
par l'âge, peut reporter ses regards sur sa vie passée
ou bien celui qui a étudié à fond l'histoire. Que de fois
n'est-il pas arrivé dans le passé et que de fois n'arrive-t-il
pas actuellement · que les hommes, tout en se livrant à
leurs bas et grossiers instincts et en accomplissant leurs
œuvres mauvaises, favorisent, sans s'en apercevoir, les
plans divins! Combien d~ hommes, arrivés à un âge
avancé, pourraient dire aux ihtrigants et aux méchants
ce que Joseph vendu jadis par ses frères leur rappelait:
(( Vous aviez dans l'idée de me faire
~ . du mal mais Dieu
a voulu en faire sortir un bien» (Genèse L, zo).
A peine Notre-Seigneur Jésus-Christ était-Il monté
a'u ciel que les Juifs persécutaient ses disciples. Mais
Dieu transforma ce niaI en bien : les chrétiens fuyant
dans toutes les directions portèrent partout dans le
monde la foi chrétienne; la tempête secoue l'arbre,
168 LE SYMBOLE DES APOTRES
mais 'en même temps disperse sa semence et devient
ainsi l'origine de nouvelles forêts.
Dieu veut donc réellement que l'homme n'use pas
pour faire le mal de la volonté libre qu'Il lui a donnée.
Si néanmoins il en abuse pour commettre le mal et
faire des péchés, alors Dieu s'efforce encore à tirer du
péché un peu de bien. . pas seulement bon, mais aussi un juge juste et severe,
3) Assurément ce n'est pas encore une réponse
pleinement satisfaisante à la question : Pourquoi DÎ'eu
garde~t-II le silence? Car la vie est tellement sursaturée
de crimes humains que même des âmes pieuses disent
avec indignation: «( Seigneur, comment pouvez-Vous
actuellement garder le silence? Comment pouvez-Vous
rester simple spectateur? »
Savez-vous pourquoi Dieu se tait, même lorsque
l'homme Lui dit anxieusement: Seigneur, un seul mot,
un seul coup de foudre, un tremblement de terre sous
les pieds des méchants?
Dieu se tait, parce qu'II n'a pas besoin de parler.
Tout ce qu'II devait nous dire pour nous faire connaître
ses pensées, ses plans et Lui-même, Il nous l'a commu-
niqué autrefois par ses prophètes et son Fils unique et
maintenant Il nous l'enseigne clairement par la Sainte
Écriture et par l'Église.
Il se tait, parce que le Dieu éternel a toujours le temps.
Ses moulins moulent lentement, mais sûrement.
Personne ne peut fuir devant Lui et si l'on veut s'enfuir,
tôt ou tard on tombe dans ses bras.
Dieu se tait, parce qu'Il a un messager qui un jour
touche ~chaque homme il l'épaule et l'amène devant
le Seigneur. Mais cette fo, Disieu rompra son silence'
LA BONTÉ DE DIEU ET LE MAL DANS L1<: MONDE 169
\\ Homme, jusqu'à présent J'ai été calme et muet,
maintenant c'est à toi de te taire et d'écouter la sentence
de la bouche de ton Seigneur et de ton Dieu )).
Oui, mes frères, nous ne pouvons concilier les énor-
mités de la méchanceté humaine avec la bonté divine
autrement qu'en faisant cette réflexion que Dieu n'est
devant le tribunal duquel paraîtront tous les péchés
des hommes.
Et cette pensée 'nous conduit à la solution de l'autre
question du sermon d'aujourd'hui.
Jusqu'à présent nous avons parlé du péché et des
maux qùe, par ' suite de la perversité humaine, nous
sommes obligés de supporter. Certainement une grande
partie de nos so'uffrances provient de la méchanceté
humaine, mais pas toutes. Il y a des accidents, des
maladies, des coups du sort dont l'homme n'est pas
cause. Comment peut-on les concilier avec la bonté
de ,Dieu? Telle est la seconde question à laquelie il
me faut répondre dans cette instruction.
II
'
LA BONTÉ DE DIEU ET LA SOUFFRANCE.
(, Dieu est juste dans toutes ses voies ct miséncordieux '
dans toutes ses œuvres» dit le psalmiste (Ps. CXLIV, 17)·
Mais cette affirmation n'est-elle pas contredite par
l'expérience? N'est-elle pas contredite par les maux
17° LE SYMBOLÈ DES APOTRES
sans nombre et les épreuves qui font 'sans cesse monter
des plaintes sur les lèvres des hommes? Le cultivateur
se plaint que la récolte est mauvaise; le pauvre qu e
l'hiver est rude; le malade que la douleur est intolérable;
l'enfant qu'il n'a pas de vêtement; le jeune homme
qu'il ne trouve pas d'emploi; le vicillani qu'il lui fau t
mourir. Ce ne sont que des plaintes et des larmes; du
berceau à la tombe tout est souffrance.
Et les catastrophes! Un cinéma prend feu et soixante-
dix enfants sont brûlés et l'on entend les lamentations
de soixante-dix mères. Une explosion de dynamite se
produit dans une mine allemande et trente hommes
y trouvent la mort. A Lyon le glissement d'une colline
·renverse des rues entières. Et les tamponnements, les
explosions et autres accidents qui se lisent chaq1le jour
dans les journaux! . vertu de la loi de la pesanteur elle tombe avec une force
Ah! mes frères, comment peut-on donner à toutes
ces choses une réponse satisfaisante et consolante?
Combien d'hommes se ruinent malgré leur labeur!
combien sont incompris et persécutés, malgré leur
innocence! Combien de mal,ades et d'infirmes endurent
des souffrances qu'ih ne méritent pas! Que devons-
nous dire à cela? Que devons-nous répondre?
1) Notre première réponse sera celle-ci : Bien des
maux, bien des accidents que l'on peut appeler simple-
ment les maux physiques, proviennent de ce que notre
monde est un monde borné, limité, toujours en évolution
et par c01lf~quent en perpétuelle transformation. Tout
commence, grandit ct vieillit en ce monde et ce
cqangement continuel ~st lié à des souffrance:>
indicibles.
LA BONTÉ DE DIEU ET LE MAL DANS LE MONDE 171
Comment m'expliquerai-je plus clairement? Le mal
tient le monde par la main. Non seulement .,., la vie d'un
petit enfant est une cause de douleurs pour sa mère,
mais chaque vie sur la terre prend naissance dans la
souffrance. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt
pas, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup
de fruit» (S. Jean XII, 24).
2) En outre, la vie de l' homme sur la terre est insérée
dans le cadre des lois physiques. Ces lois sont aussi
l'œuvre de Dieu. Leur observation est donc une louange
divine. Cette louange se réalise même lorsque, en vertu
de ces lois, tel ou tel cœur cesse de battre. Quelqu'un
fait du ski, mais saute maladroitement, il tombe et
se brise une jambe et peut-être restera-t-il estropié
durant toute sa vie. Une tuile se détache du toit, en
de pénétration déterminée. Si un enfant joue préci-
sément au-dessous, il est atteint mortellement et le
cœur de ses parents saignera. Dieu pourrait, par une
intervention spéciale, retenir la tuile qui tombe ou
faire dévier sa trajectoire; mais je vous le demande :
pouvons-nous i'aisonnablement le demander à Dieu?
Si Dieu intervenait dans l'ordre du monde chaque fois
que l'accomplissement des lois de la nature pourrait
. être dangereux ou désagréable pour ' l'homme, alors
l'·ordre actuel ne se transformerait,·il pas en désordre,
n'en résulterait~il.. ,pas une grande insécurité du . fait
que l'homme ne saurait plus ce qui,}'attend? Dieu
pourrait empêcher les méchants ' de coinmettre le mal;
mais le monde ne serait-il pas un théâtre de marion-
nettes où les louanges divines seraient chantées non
17 2 LE SYMBOLE DES APOTRES
plus par des hommes libres, mais par des personnages
mus par des ficelles?
3) Mais avec tout cela nous n'avons pas encore de
solution satisfaisante. Une solution satisfaisante nous
n'en trouverons que si nous regardons vers le ciel, que "
si nous levons nos yeux vers Dieu et que si nous jugeons
les maux qui nous arrivent, non pas sous l'angle de
notre vie terrestre, mais sous celui de la vie éternelle.
Alors, mais alors seulement, nous ne . serons pas
assommés par les coups du sort.
Le petit mousse aussi était désemparé, lors de sa
première traversée. . . Pas les autres? Ah f vous ne pouvez pas plonger vos
« Mon fils» dit le capitaine, « sais-tu bien grimper? »
« Oui, répondit fièrement l'enfant. Chez nous je
grimpais sur les arbres les plus élevés ».
Mais lorsqu'il fut en haut du mât et que le vaisseau se
mit à rouler et à' tanguer, le mousse commença à
trembler et eut peur de tomber. Entre-temps le capi-
taine observait tous les mouvements de l'enfant. Et
quand il vit son visage blême et décomposé il lui cria :
« Petit, regarde en haut, regarde en haut '».
Le mousse obéit. Il regarda en haut et le vertige
disparut, la peur et l'angoisse étaient dissipées.
Oui, regardez en haut et alors vous trouverez un appui
au-dessus de la mer houleuse de la vie. ' l'argenterie, de même qu'il y en a d'autres dont la table
a) Celui , qui regarde en haut connaît la réponse à
cette plainte mille fois répétée : Tout va bien pour les
méchants ici-bas, tandis que les bons sont dans le malheur,
où est donc la bonté de Die~l?
Sans doute un problème angoissant, mais insoluble
seulement pour ceux qui ne regardent pas en haut, vers
LA BONTÉ DE DIEU ET LE MAL DANS LE MONDE 173
la destinée future et éternelle de l'homme 1 En effet
celui qui croit fermement que la vie te~restre n'est pas
la fin dernière et définitive de l'humanité, celui qui sait
que toutes les injustices et toutes les ,inégalités de cette
vie se résoudront harmonieusement le jour où le Juge
impartial et éternel rendra justice à tous, celui-là ne
peut pas être troublé par l'inégale répartition du
bonheur terrestre.
b) Celui qui ' regarde en haut ne murmurera pas :
Pourquoi justement moi? Pourquoi est-ce moi qui dois
peiner et souffrir et pas les autres?
regards dans les profondeurs des destinées humaines.
Des tapis persans, un magnifique appartement de huit
pièces, une auto, des soirées ... vous croyez que là
il n'y a ni malheur ni épreuves, pas d'enfant malade,
pas de mauvaise humeur, pas de soucis, pas de sombres
nuages, pas de tempêtes. Y a-t-il donc des roses sans
épines? Y a-t-il un rayon de soleil sans ombre? Un œil
humain sans larmes?
( Vous êtes si pauvre! )) N'est pas pauvre celui qui
a peu d'argent, mais celui qui a de nombreux désirs.
Il y a des gens qui mangent dans de la vaisselle de terre
et qui sont aussi heureux que s'ils ~angeaient dans de
est couverte d'une riche vaisselle, et qui sont bien plus
malheureux que s'ils mangeaient dans des ustensiles
en terre.
N'avez-vous encore jamais entendu dire que le
bonheur terrestre pèse souvent comme une malédiction
sl)r toute une vie? Quinte- Curce relève à l'éloge
 174 LE SYMBOLE DES APOTRES
d'Alexandre le G-rand qu'il se conduisit très genereu-
sement à l'égard de la mère, de l'épouse et des deux
filles, tombées entre ses mains, du roi des Perses,son
el.demi. Et l'historien ajoute cette remarque : « Son
cœur n'était pas encore corrompu par la chance. Mais
ce bonheur, il ne put pas le supporter longtemps »
et sa vie dépravée le conduisit prématurément au
tombeau (Hist. d'Alexandre III,"'I2).
Combien par contre ont été ramenés par la croix et la
souffrance au Dieu qu'ils avaient totale~ent oublié.
, Les soucis de l'existence avaient écrasé Simon le
Cyrénéen; il rapportait du bois dans sa maison de Jéru-
salem. Et voilà que se présente à ses yeux unlamentable
cortège : c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ traînant
sa lourde croix vers le Calvaire. Les soldats 'romains
ordonnent à Simon de s'arrêter et le forcent à aider le
Sauveur à porter sa croix. Il ne le fit pas de son plein
gré, « ils le forcèrent )) dit l'Écriture. Mais la croix
marqua pour lui un tournant dans sa vie. 0 bienfaisance
de la croix!
A la fin du sermon précédent je vous ai lu quelques
passages de deux lettres. Lettres de deux personnes
grandement éprouvées que précisément la souffrance
a ramenées à Dieu. Maintenant je vous pose seulement
une question : N'y en a-t-il pas des centaines et des
milliers qui pourraient écrire des lettres semblables?
Des milliers qui pourraient dire: J'étais loin de Dieu,
j'étais égaré loin de Lui. Grâces Lui soient rendues!
pour m'avoir rappelé à Lui par l'épreuve et la souffrance. '
Dieu est bon",Oui. Dieu est infiniment bon!
c) Et maintenant les énigmes sont-elles toutes
LA BONTÉ DE DIEU ET LE MAL DANS LE MONDE 175
résolues? N'y a-t-il plus de problème angoissant?
Hélas! non. Qui pourrait donner une réponse pleine-
. ment satisfaisante? C'est ici le problème le plus difficile
de notre foi. En effet d'un côté je considère le monde et
j:y découvre tant de beauté, de grandeur, _,d'ordre,
d'harmonie, de perfection que je n'ai aucune raison
d'être incroyant; mais d'autre part je me trouve en
présence de tant d'énigmes obscures et sans solution
que je suis obligé de dire: Je ne sais pas. Je ne peu.x
pas donner de réponse. Il n'y a que Vous, Dieu , Tout-
Puissant, qui puissiez répondre, Vous qui tissez la trame
de ['histoire du monde.
Qu'est-ce que la vie? L'un dit: une comédie; l'autre
déclare : une tragédie. Celui qui la tient pour une
comédie peut subir un sort tragique; celui qui la regarde
comme une tragédie peut y jouer un rÔle comique?
Qu'est-ce donc que la vie? Un mystère, un secret
auquel nous essayon.- de trouver une réponse et une
réponse adéquate, mais notre seule réponse sera celle
du poète:
Je crots en la bonté du cœur de Dieu qui règle les
destinées du monde.
* *
Mes frères, partout dan~ l'univers règne une harmonie
merveilleuse. Sans doute, tantôt ici ,tantôt là éclate
une dissonance, mais la grande œuvre du Compositeur
n'est pas détruite. Les musiciens de génie peuvent
parfois se permettre d'introdu~re quelques dissonances
dans le cours régulier de leurs partitions; mais les
auditeurs njen sont pas impatientés, ilsn'cxpriment
 LE SYMBOLE DES APOTRES
aucun mécontentement, ils attendent tranquillement
la fin, le moment où la main du maître fera disparaître
toute dissonance et achèvera son œuvre dans une
magnifique harmonie. C'est ainsi que mon âme chrétienne
attend que, dans la vie éternelle, toute dissonance de la vie
terrestre se résolve en un hymne de louanges devant le
trône de Dieu qui dirige la marche du monde.
Pour terminer nous ne pouvons mieux faire que de
recourir encore au psaume LXII; et si, au commen-
cement de ce sermon, j'en ai lu la première partie où
la psalmiste est aux prises avec le problème de la bonté
de Dieu et la méchanceté de l'homme, maintenant je
vais lire la dernière partie et la conclusion de ce
psaume:
Seigneur, je suis toujours avec Vous.
Vous m'avez tenu la main droite,
C'est Votre volonté qui a été mon guide,
,E t Vous m'avez reçu dans Votre gloire.
Qu'y a-t-il en effet pour moi dans le ciel?
Et qu'ai-je désiré de Vous sur la terre?
Ma chair et mon cœur ont défailli :
Vous êtes le Dieu de mon cœur et mon partage pou r
[l'éternité.
Voici que ceux qui s'éloignent de Vous péi'iront;
Vous ayez anéanti tous ceux qui se livrent au mal loin
[de Vous.
Tout mon bien est de m'attacher à Dieu
Et de placer dans le Seigneur ,mon espérance,
Pour publier toutes Vos louanges
Aux portes de la fille de Sion.
XI
DIEU EST VRAI ET FIDÈLE
MES FRÈRES,
.1
Dans la figure bénie de notre Père du ciel se trouvent
des traits auxquels la langue humaine a donné des
noms distincts, bien qu'en réalité ils ne fassent que
présenter deux aspects différents d'un seul et même
attribut divin. Les deux traits du visage divin dont je
veux vous entretenir aujourd'hui, ne sont différents
que par le nom, ils ne le sont pas en réalité.
Mon sermon d'aujourd'hui sera consacré à lavéracité
et à la fidélité de Dieu. Le sujet n'est double qu'en
apparence, car véracité et fidélité sont en Dieu aussi
inséparables que dans un rayon de soleil la lumière et
la chale~r. Si nous pensons aux paroles 'de Dieu, alors
nous disons que Dieu est véridique; si nous pensons
à s~s œuvres, alors nous disons que Dieu est fidèle,
malS ces deux qualités ne sont que les deux faces d'une
même vérité.
Dieu aime la vérité dans les paroles et c'est pour cela
Rymb , d. Ap. - T. l 12
 LE SYMBOLE DES APOTRES
q'tll'on Le nomme Véridique. Il aime aussi la vérité
dans ses œuvres. et c'est pourquoi on L'appelle le Dieu
fidèle~ ·!Qui donc est véridique? Celui dont les pàroles
sont d'accord avec les pensées. Et qui est fidèle? Celui
dont les œuvres répondent aux paroles.
Mais Dieu est-Il réellement vrai et fidèle? A ma
question la Sainte Écriture fournit plus d'une magni-
fique réponse. Les pages de l'Ancien Testament déjà
parlent avec respect et piété de la véracité et de la
fidélité de Dieu. « Le Seigneur est un rocher éternel »,
écrit le prophète Isaïe (Isaïe XXVI, 4.). C'est comme s'il
disait: Ici-bas nous sommes emportés par le tourbillon
d'une vie·· qui change sans cesse; dans le vaste monde
Dieu est le seul point fixe: Dieu est un rocher. Mais les
rochers1 eux-mêmes s'effritent et se brisent, sous lès
coups des années. Dieu est « le rocher éternel .» auquel
l'homme peut se cramponner. Car, comme l'écrit le
même prophète, cc La parole du Seigneur demeure
éternellement » (Isaïe XL, 8).
Notre-Seigneur Jésus-Christ a exprimé la même
pensée sous une forme beaucoup plus solennelle, en
prononçant dans l'évangile de ce jour, ces paroles
sublimes : cc Le ciel et la terre passeront, mais mès
paroles ne passeront pas » (S. Marc XIII, 31). Et avec
quelle conviction écrit saint Paul: cc Dieu est vrai, tout
homme est menteur )) (Romains III, 4)! En JIn mot,
« il est impossible que Dieu nous trompe » (Hébreux
VI, 18).
En réalité, Dieu est vrai, Dieu est fidèle. 1. A quoî
m'oblige la véracité divine? et II. Quelle conso{ation
m'apporte la fidélité de Dieu? C'est en ces deux questions
DIEU EST VRAI ET FIDÈLE 179
que je voudrais résumer les idées de mon sermon
d'aujourd'hui.
Examinons d'abord
l
A QUOI NOUS OBLIGE LA VÉRACITÉ DE DIEu?
1 ) Avant tout elle m'oblige à donner aux paroles de
Dieu une foi sans réserve.
cc Je suis la voie, la vérité et la vie » (S. Jean XIV, 6)
a dit de Lui-même le Sauveur. Donc Dieu est la vérité
même et ma foi entière repose sur le fait que je tiens
pour vraies les paroles de Dieu.
Notre sainte religion insiste sur l'importance de la
foi, sur la force de la foi, sur la foi qui ne laisse pas de
place au doute. Il y a bien des choses que je ne comprends
pas dans la religion et pourtant il me faut les croire.
Pourquoi faut-il les croire? Pourquoi n'ai-je pas le
droit d'en douter? Parce que je ne puis pas mettre en
doute la parole du Dieu vrai. Voilà le premier et le plus
solide fondement de ma foi. Je ne comprends pas telle
et telle chose, mais j'y crois. J'y crois, parce que le Dieu
vrai ne peut pas me tromper.
Dieu seul ne se trompe pas. Nous autres hommes,
nous nous trompons souvent, mais fréquemment contre
notre volonté. .
Lorsque des doutes contre la foi surgissent en moi
et veùlent ronger mon âme tout comme le ver dans une
180 LE SYMBOLE DES APOTRES
pomme vermeille, et personne n'est à l'abri de tels
jours de détresse, comme il fait bon de pouvoir dire :
C'est vrai, je ne comprendspa<: tel ou tel article de
notre foi, mais c'est Dieu qui l'a dit et je Le crois. « Je sais
en qui j'ai mis ma confiance et je suis persuadé ))
(IIO Timothée l, 12).
Je suis dans la vallée, Dieu êst sur la montagne. De
son sommet, Il me dit ce qui se trou~e derrière la
montagne, dans l'a~-delà que je ne peux pas voir, à
cause de la montagne. Je crois à sa parole, parce qu'Il
est véridique.
2) Mais la véracité et l'amour de Dieu pour la vérité
me mettent sous les, yeux un autre· devoir. En ' effet,
de ce que Dieu est vrai, il n'en résulte pas seulement
pour moi l'obligation de croire à ses paroles et toujours
en toutes circonstances, mais aussi cette conviction.
que le mensonge est en contradiction avec l'Essence
même de Dieu, que Dieu hait le mensonge; si je veux
devenir semblable à Dieu, il me faut donc aussi éviter
le mensonge.
a) Le mensonge répugne tellement à Dieu que si la
plus petite ombre de mensonge paraissait en Lui, à
l'instant ~ême Il cesserait d'exister. De quels yeux Dieu
doit donc considérer l' homme menteur!
« Dieu est lumière )), dit la Sainte Écriture, « et il n'y a
point de ténèbres en Lui)) (1° saint Jean l, 5). S'il n'y
en a pas en Lui, Il n'en supporte pas non plus en moi.
A quoi cela sert-il à l'homme de mentir? Un homme
peut tromper un a~fre homme, mais non pas Dieu.
Quelle figure ridicule doit faire l'homme, lorsq~'iî se
présente avec le masque du mensonge devant Dieu
DIEU EST VRAI ET FIDÈLE 181
qui sait tout et qui 'voit tout! Si une vitre sale et cou-
verte de poussière s'avi.sait de dire ~l! soleil: « Regarde
quelle belle glace vénitienne je suis )), le rayon de soleil
répondrait en riant : « Quel toupet! Je passe à travers
toi )). Et si une flaque d'eau disait au soleil: « Regarde
quel lac limpide je suis )), le soleil sourirait : «Quelle
audace! Je vois la boue qui est au fond de toi )).
Mes frères, .!' œil de Dieu nqus pénètre davantage que
le soleil qui luit à travers la vitre, que le rayon au fond
de l'eau.
b) « Oh! je vous en .prie, telle est l'excuse de bIen des
gens, je n'ai pas l'habitude de mentir )). D'abord pas
pour faire du tort à autrui. Ce serait une infamie. Mais,
vous savez, tous ces petÜs mensonges innocents : une
petite exagération, une petite fanfaronnade, un petit
mensonge de politesse, une petite vantardise, une petite
cachotterie, un peu de gloriole, un petit déguisement
de la vérité ... tout cela n'est pas aisé à éviter. Par là je
ne fais de tort à personne. Dites-moi donc comment un
tel mensonge peut être un péché, dès lors que personne
n'en souffre? .
Je vais vous répondre. Un tel mensonge n'existe pas.
Comment cela? Un mensonge innocent et ne faisant
de mal à personne. Il n'yen a pas. Car s'il ne fait de tort
à personne, il en fait certainement beducoup à vous-
mêmes.
Comment cela?
Suivant le précepte de Notre-Seigneur, nous devons
nous efforcer d'imiter notre Père du ciel, de Lui
devenir semblable par la perfection de notre âme
(S. Matthieu V, 48), donc également par l'amour de
182 LE SYMBOLE DES APOTRES
la vérité, par la sincérité, par la loyauté. J~ serai sem- '
blable à Dieu, ' au Dieu vrai, dans la mesure où je saurai
éviter le mensonge.
Dans la vérité, il y ,a un trait divin et celui qui,
volontairement, pèche contre la vérité, pèche contre
Dieu, quand bien même il ne nuirait pas' à autrui.
Nous comprenons maintenant pourquoi saint Paul
donne à ses fidèles d'Éphèse ce ferme avertissement :
« Revêtez l'homme nouveau, créé selon Dieu, dans Ul'le
justice et une sainteté véritables. C'est pourquoi,
renonçant au mensonge, parlez selon la vérité, chacun
selon ses rapports avec son prochain )) (Éphésiens IV,
24)'
Dites la vérité. Pourquoi? Parce que tout mensonge
dresse une barrière entre Dieu et l'âme et mutile l'âme
humaine en lui arrachant ce trait àe ressemblance
divine.
Mes frères, respectez la vérité. L'âme de celui qui
ment est submergée par une vague de boue. Mais celui
qui a l'habitude du mensonge et y vit, celui-là vit comme
dans la Mer Morte, si l'on peut appeler cela une vie, et -,
cette eau corrosive, brûlante, rongera cette âme, jusqu'à
ce qu'elle ne soit plus qu'une ruine.
Et puis ne l'oublions pas: Tels nous sommes pendant
la vie, tels n ôus serons pendant J'éternité. Notre âme
sera éternellement -telle que nous l'aurons formée.
L'âme vraie et loyale brillera comme le diamant, le
menteur par Contre sera dans une obscurité semblable
à celle d'une nuit noire et sans espérance.
Il ' ne me faut pas seulement devenir semblable au
Dieu vrai, en ce sens que je resterai à l'écart du men-
DIEU EST VIlA! ET FIDÈLE
songe, mais il me faut aussi dépasser cette attitude
négative et façonner de façon positive la ressemblance
divine de mon âme: enflammer en moi ['amour de lavérité.
L'amour de la vérité.
C'est un inexprimable bonheur que de pouvoir faire
quelque chose pour la vérité, pour la faire connaître,
la défendre et la propager. Du fait que je dois ressembler
au Dieu vrai et aimer la vérité, s'explique le sublime
enthousiasme des anciens martyrs qui ont donné leur
vie pour la vérité divine. Ainsi s'explique l'enthousiasme
des valeureux missionnaires qui, pénétrés de la vérité
de leur religion, s'imposent des privations et des sacrifices
sans nom pour propager cette vérité chez les peuples
païens. Ainsi s'explique l'enthousiasme de ces âmes
héroïques, qui ne sont pas nées dans notre sainte reli-
gion, mais qui, à un âge plus avancé, ont découvert la
perfection de la vérité chrétienne et lui ont donné leur
adhésion au priX d'immenses sacrifices. C'est ainsi que
s'explique le zèle apostolique de ces saintes âmes qui
ne peuvent tenir enfermé en elles le bonheur de
connaître la vérité religieuse, mais veulent encore faire
partager _ le même bonheur au plus grand nombre
possible d'hommes. '
Savez-vous à quoi je fais en ce moment allusion?
A la joie sainte, à l'instant heureux où un prêtre voit
de telles âmes éprises d'un zèle brûlant pour la vérité
lui apporter cette heureuse nouvelle: « Monsieur l'Abbé,
j'ai un ami à l'Université qui, laissé à lui-même, a lutté
avec d'innombrables doutes contre la foi et maintenant
j'ai pu le décider à venir entendre vos instructions )J,
comme j'en suis content! Mais en arrive un autre :
 LE SYMBOLE DES APOTRES
« Dans mon vOIsmage se trouve une famille dont
l'homme et la femme vivent ainsi depuis douze ans
1
sans avoir été unis religieusement et après bien des
paroles, je les ai fait se marier hier à l'Église» et j'en
suis heureux. Arrive un troisième: « Vous rappelez-vous
ce jeune homme qui est venu vous trouver à la sacristie,
après votre sermon de dimanche dernier, pour vous
exposer les combats de son âme? Je lui ai redonné
courage et aujourd'hui, il m'en est si reconnaissant! »
comme je m'en réjouis! Mais voici un quatrième :
« 1'avais .une ' vieille amie avec qui je suis liée depuis
bien: des années, une belle âme, seulement elle ne s'était
plus confessée depuis déjà longtemps, depuis son
mariage, finale~ent j'ai pu la décider à venir se
confesser demain », et cela me ravit.
Pourquoi ai-je ajouté à chacun de ces récits cette
formule: comme j'en suis heureux? De quoi suis-je
qonc heureux? Pourquoi cette joie sans nom? Mais
parce que votre âme est devenue d'autant plus semblable
au Dieu vrai que vous avez davantage amené les autres
à la vérité, car jamais les vérités religieuses ne sont plus
fortement -ancrées en nous que lorsque nous-mêmes
nous persuadons les autres de leur, vérité. Oui, je veux
'. ressembler à Dieu qui aime la vérité, qui répand la vérité.
Et si je deviens semblable au Dieu vrai, alors j'ai le
droit de compter sur les promesses du Dieu fidèle.
Car Dieu n'est pas seulement vrai, mais aussi fidèle.
Et si sa véracité nOlis impose des devoirs nombreux et
pénibles, sa fidélité nous réconforte par de nombreuses
et encourageantes promesses.
Nous voici donc en présence de l'autre question:
•
DIEU EST VRAI ET FIDÈLE 18 5
II
QUELLE CONSOLATION M'APPORTE LA FIDÉLITÉ
DE DIEU?
1) Du moment qu'il y a dans le monde quelqu'un
qui ne me trompe pas, la fidélité de Dieu n).e fortifie
et me console. Si j'ai éprouvé ici-bas toutes sortes de
déceptions, toutes sortes de désillusions, si je suis
revenu dç mes rêves, il me reste cependant un ami fideLe
qui ne me trompera jamais :. c'est le Dieu fidèle. Dieu
est l'ami parfaüement fidele qui ne nous trompe pas.
« Dieu n'est pas un homme pour mentir, dit la Sainte
Écriture, ni un fils d'homme pour se repentir. Est-ce
Lui qui dit et ne fait pas? qui parle et n'exécute pas? »
(Nombres XXIV, 19).
Et dans Isaïe Dieu dit de Lui-même: « Une femme
peut-elle oublier son nourrisson, qu'elle n'lüt pas pitié
du fruit de ses entrailles? Quand les mères oublieràient,
Moi Je net'o.ublierai point» (Isaïe XLIX, 15).
Celui qui connaît la nature humaine peut sentir
ce que nous disons : Dieu est un amt parfaitement
fideLe qm n'a jamais trompé personne.
Dieu, l'ami fidèle!
Car l'homme n'est pas ainsi. L'homme est capricieux,
versatile, peu sûr, esclave de ses impressions ... l'homme
n'est pas fidèle. Combien de déçus, combien d'aban-
donnés, combien d'exploités seront de mon avis :
en vérité, c'est bien cela; on ne peut pas sc fier à l'homme.
 186 LE SYMBOLE DES APOTRES
Mais le cœur humain est de telle nature qu'il a
soif d'âmes fidèles, de confiance, en qui il puisse se
reposer"- sans crainte d'être déçu. Et s'il en existe
de telles, chose rare, s'il s'en trouve réellement, alors
un . rayon de la fidélité éternelle de Dieu descend
dans ce cœur humain. Car sans Dieu, il n'y a pas
de fidélité humaine. Il y a l'intérêt, il y a la recherche
de ses aises, .il y a la , chasse au plaisir, il n'y a pas la
fidélité.
2) Et voici une autre consolation : Si Dieu est fidèle,
alors Il tient sa parole, alors je puis me baser sur ses
promesses et compter pleinement sur ses promesses.
L'Ancien Testament fait un grand éloge du Seigneur,
. parce qu'Il a veillé avec tant d'amour sur le peuple
élu. « Pareil à l'aigle qui excite sa couvée et voltige
au-dessus de ses petits, Il a déployé ses ailes, Il a pris
Israël et l'a porté sur ses pillmes » (Deutéronome
XXX, 1 1). Sur la route de la vie éternelle; la véracité et
la fidélité de Dieu sont les deux ailes avec lesquelles
Il voltige au-déssus dé nous et nous encourage à ne
pas hésiter.
Si Dieu est fidèle, s'Il tient chacune çle ses paroles,
alors ses consolantes promess<?s ne sont pas comme la
fugitive_ lueur d'un fell d'artifice, mais une vivifiante
réalité,"qui me donne la possibilité de trouver réconfort
dans toutes les épreuves de cette vie. ' quence que je ne puis pas passer sous ·silence. Si Dieu
Ce que promet le Dieu fidèle, Il le tient.
L'homme n'est pas tout-puissant. L'homme oublie
ou ne voit pas ou n'entend pas. Ainsi peut-lI arriver
qu'avec la meilleure volonté il se trompe en parlant
et en agissant. Mais Dieu n'oublie pas, Dieu n'est ni
DIEU EST VRAI ET FIDÈLE
myope ni sourd. Je peux toujours compter sur les
promesses divines.
Je peux y compter même dans la p ej.ne. Le poids
épouvantable de la destinée m'écrase; mais je me
rappelle ces paroles de Dieu: « Notre légère affliction
du moment présent produit pour nous un poids éternel
de' gloire ;) (II O Corinthiens IV, 17). .
Je peux rester ferme dans la souffrance, si je me
souviens de la promesse divine, qu'il y a un lieu où
« Dieu essl,liera toute larme de leurs yeux, et la mort
ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil ni cri ni
douleur » (Apocalypse XXI, 4)'
Que sera la vie éternelle? « Nous verrons Dieu »•
Comme la vue de Dieu infiniment bon nous rendra
heureux, si déjà en ce monde nous .appelons minutes
de bonheur les instants que nous passons en compagnie
d'une bonne et aimable personne! Y aura-t-il pour
1
moi un trop grand sacrifice, si par là j'arrive au souverain
Bien? Puis-je me plaindre d'être obligé de demeurer
fidèle aux commandements de . Dieu, si je sais que la
persévérance me procurera éternellement le souverain
Bien? Certainement je tiendrai bon, parce que Dieu est
fidèle . « 'Sache donc que le Seigneur, ton Dieu, est un
Dieu fort et fidèle» (Deutéronome VII, 9).
3) Dans la fidélité divine se trouve ~~core une consé-
est véritablement fitlèle, s'Il tient sa parole et accomplit
ses promesses, alors Il accomplira aussi ses menaces.
Alors le jugement universei dont parle l'évangile
d'aujourd'hui aura lieu certainement un jour.
Les hommes promettent facilement et plus facilement
188 LE SYMBOLE DES ApOTRES
encore ne 'tiennent pas leurs promesses; ils menacent
facilement, mais souvent n't nt pas le pouvoir de mettre
leur menace à exécution. M ais la S~inte Écriture nous
dit de Dieu : « Le Seigneur est le vrai Dieu; Il est Je
Dieu vivant et le Roi éternel, la terre tremble devant
sa colère» (Jérémie X, 10). Et pour ne pas avoir à
redouter les menaces du ' Dieu vengeu~, il n'y a qu'un
seul moyen : être jidele à Dieu, fuJele en ,observant ses
commandements.
Il est d'autant plus nécessaire d'en parler que nous
sentons tous que les mille soucis et épreuves de notre
vie terrestre nuisent fréquemment à la fidélité envers
Dieu.
Mes frères, est-ce que vit en nous la fidélité ardente
à notre patrie éternelle perdue au loin dans les nuages,
comme vit dans l'âme des émigrés italiens d'Amérique
le souvenir de leur patrie de cette terre? Tout récem-
ment les émigrants américains ont élevé à Rome ' au
Janicule un phare dont la lumière témoignera de
l'amour et de la sainte fidélité de leurs compatriotes
dispersés à l'étranger. Est-ce que vit en moi, en moi
exilé sur cette terre, cette fidélité au Dieu éternel?
Que de fois nous nous lamentons de ce ' que les gens
nous ont trompés, nous ont été infidèles et nous
déclarons que nous sommes désillusionnés à leur
égard. Ne nous ,> plaignons pas tant, mais songeons
à nous-mêmes. Que d'injidélités n'avons-nous pas commises
envers le Dieu éternellement jidete! Que de fois n'avons-
nous pas été injidetes li nos promesses! Pensons à nos
nombreuses confessions où nous avons chaque fois
promis à Dieu fidélité et amendement et qu'est-il
DIEU EST VRAI ET FIDÈLE
advenu de ces promesses?' Souvenons-nous de tant de
résolutions ,d'éviter soigneusement le péché et qu'est-il
advenu de notre ferme propos?
Seigneur, Dieu jidele, enflammez dans nos âmes le feu
d'une sainte jidélité envers Vous.
Et je recevrai la couronne de la vie éternelle que
le Dieu vrai et fidèle a promise à ceux qui L'aiment
(Ir Timothée IV, 8).
Oui, je crois au Dieu vrai et jidele.
... ... .
Mes frères, nous venons de parler de la véracité
et de la fidélité divines. Et maintenant en terminant
je me souviens d'une observation d'un genre particulier
J que j'ai lue je ne sais plus où. Il y a une petite fleur
bleue, qui est le symbole de la fidélité, le myosotis.
Mais les botanistes auraient remarqué que le myosotis
était en voie de disparaître de la terre.
Semblablement le groupe des hommes fidèles à Dieu
diminuerait el ser lit en voie de disparaître, et en même
tempsdimitiueraient à vue d'œil la chaleur et la bonté
de la vie de cette terre. Aussi notre vie devient-elle de
plus en plus froide et désolée; car à mesure que l'homme
s' éloign~ de Dieu, il devient de plus en plus dur et sans
cœur à l'égat d de son prochain. Où la bonté ne se
trouve pas, il ne peut exister ni véracité ni fidélité,
car ces deux vertus sont sœurs et toutes deux sont
filles de la bonté.
Mais Dieu est vrai, je crois en Lui; Dieu est fide/e,
j'espere en Lui: Dieu ~st bon,je L'aime.
 LE SYMBOLE DES APOTRES

« Restons inébranlablement attachés à la profession

de notre espérance; car celui qui a fait la promesse est
fidèle » (Hébreux X, 23), telles sont les paroles de
saint Paul qui retentissent à mes oreilles.
Cette chrétienne espérance . répand une douce
chaleur ·dans mon cœur, alors même que le monde
autour de moi ne serait qu'un bloc de glace. Quand
tous les hommes me tromperaient, Dieu ne me trom- XII
pera pas. Quand tous m'abandonneraient, Dieu ne
m'abandonnera pas. , Quand tous me seraient infidèles, DIEU EST PRÉSENT PARTOUT
Dieu ne le sera pas, seulement ... seulement moi non plus
je ne serai pas infidele envers Lui. Seulement retentira MES FRÈRES,
constamment en moi cet avertissement du Seigneur :
« Sois fidèle jusqu'à la mort et je te donnerai la couronne

de la VIe 1) (Apocalypse II, 10). Amen. Dernièrement je lisais une naïve histoire au sujet d'un
bon petit garçon. Il voyait souvent son papa prendre .
en main l'écouteur du téléphone et engager ainsi la
conversation : « Allo, Allo, ici Monsieur X ... ». Un
soir le papa put voir son petit garçon s'agenouiller
au pied de son lit et commencer ainsi sa prière : « Allo,
Allo,. mon Dieu. Ici le petit Paul. Notre Père qui êtes
aux CIeux ... ».
En entendant cette petite histoire, on ne peut
s'empêcher de sourire. De quoi sourions-nous? De la
naïveté de l'enfant! Téléphoner au bon Dieu? Au Dieu
qui englobe tout l'Qnivers, qui est présent partout et
reriiplit tout (Jérémie XXIII, 24). Appeler Dieu qui,
d'après la Sainte Écriture, est plus haut que le ciel, plus
profond ,que l'enfer, plus long que la terre, ', plus large
que la mer (Job XI, 8-9), et que « ni le ciel et le ciel des
cieux ne peuvent contenir Il (IlI O Rois VIII, 27). Appeler
 ;
• 1
LE SYMBOLE DES APOTRES
Dieu qui « va d'une extrémité du monde à l'autre et
dispose tout avec douceur» '(Sagesse VIII, 1) .
. Oui, c'était de la naïveté, cette façon de penser du
petit enfant. Nous savons bien que Dieu est présent
partout,· que le ciel et la terre sont remplis par Dieu,
que dims le monde entier il n'existe pas un point si
caçhé soit-il, que sur la terre, dan!, le soleil ou les
étoiles qui brillent 'à des distancés vertigineuses, il
n'y a pas un lieu où Dieu ne soit pas présent, où l'on
puisse se cacher devant Lui. Nous savons que pour
mesurér Dieu il n'y a pas d'autre mesure que l'infini et
que Dieu n'a pas d'autre limite que Lui-même. Nous
savons que tout ce qui est dans le monde n'est pas autre
chose que la pensée et l'œuvre de Dieu, donc que
partout où il y a quelque chose, Dieu se trouve nécessai-
rement présent.
Oui, nous le savons bien, nous le reconnaissons par
notre foi, mais vivons-nous aussi selon la foi et réglons-
nous sur elle notre vie? N'agissons-nous pas fréquem-
ment, ne parlons-nous pas, ne pensons-nous pas, comme
si Dieu était bien loin de nous, au bout du monde?
Mais si nous avons une juste idée de l'omniprésence de
Dieu, nous devrons en tirer des leçons et des conclusions
pratiques pour notre vie. Et ce sont ces leçons que nous
devons"cnvisager : tel sera le sujet de mon sermon
d'aujourd'hui.
Tout d'abord, efforçons-nous I. de bien comprendre
cette omniprésence de Dieu; ensuite nous considérerons
II. la force qu'elle nous procure dans les tentations et
III. la consolation qu'elle apporte dans la souffrance.
DIEU EST PRÜSENT PARTOUT 193
1
DIEU EST PRÉSENT PARTOUT.
En premier li~u il nous faut examiner d'un peu pl~s
près comment il faut comprendre cette formule : Dzeu
est présent partout. .
a) Voici notre première questio? : Pouv~ns-nous
nous représenter i' omniprésence de Dzeu? Certamement
non avec notre faculté de penser si limitée. Peut-être
pou~ons-nous mieux comprendre, en pensant à notre
âme qui est présente dans tout notre corps, se trouve
tout entière à la fois dans chaque partie du corps; elle
agit partout et il n'y a pas d'endroit où, pourrait-on
dire elle ne serait localisée que là.
L~ petit enfant se presse contre la~p'oitr!ne de sa mèr~
et demande les yeux grands ouverts : DIS, maman, ou
habite le bon Dieu? Et la mère répond, les yeux levés
vers le ciel : Là-haut, mon enfant, dans le ciel étoilé.
Actuellement des grandes personnes sont devant
moi et demandent: Dites-nous, où est Dieu? Et je ne
peux pas donner de meilleure réponse que celle-ci :
Regardez autour de vous dans l'univers et partout vous
trouverez Dieu;
. Dans le c:J étoilé se meuvent des millions d'astres .
gigantesques. Qui a donné l'élan initial à cette force
titanesque?, Qui a trace les routes invisibles où ils
circulent? Mais surtout, qui a institué les lois d'après
lesquelles ces masses incommensurables de forces et
Sym b. d. Ap. - T. l 13
 LE SYMBOLE DES APOTRES
194
de matières, que nous nommons l'univers! accom-
plissent sans arrêt et sans heurt leurs révolutlOns dans
l'espace depuis des milliers de siècles? ,C'est le Très-
Haut, le Dieu qui est présent partout.. . et l'être n. C'est-à-dire tout être est en Dieu et Dieu est
b) Maintenant surgit une autre réflexlOn : Dleu est
présent dans tout l'univers, mais Dieu est plus grand
que le monde.« Est-ce que Je ne remplis pas le ,ci~l ~t
la terre? II dit le Seigneur par la bouche de Jeremle
(XXIII, 24). Dieu est plus grand que .le ciel etl~
terre, le,.monde entier n'est pas assez grand pour L,m;
Dieu est si grand qu'Il ne trouve assez de place qu en
Lui-même.
Il est donc plus exact de ne pas dire : ~ieu est d~ns
le monde entier mais de dire: le monde entter est en Dteu.
De quelle subÙme manière saint Paul a-t-il exprimé
cette idée devant les Grecs à l'aréopage d'Athènes!
« Le Dieu qui a fait le ~onde et tout ce q~'il r~nfern:e,
étant le Seigneur du CIel et de la terre, n hablte pomt ,
dans des temples faits de main d'homme; Il ~'est p~
servi par des mains humaines, comme s'Il ~valt besom
de quelque chose, Lui qui donne à tous la Vle, le soufRe
et toutes choses ... car c'est en Lui que nous avons la
vie le mouvement et l"être » (Actes XVII, 24, 25, 28).
Paroles inouïes 1 « En Dieu nous avons la vie, le
mouvement et l'être li.- Donc ce n'est pas Dieu qui est
en nous, mais nous qui sommes en Lui. Ce n'est pas
le Grand qui est dans le petit, mais le petit est dan.s
le Grand. Ce n'est pas l'Infini qui est dans le fim,
m ais le fini est dans l'Infini. Dieu est en toutes choses
comme la racine dans· la plante, comme l'âme dans le
corps. Et celui qui voudrait se séparer de Dieu ne
DIEU EST PRÉSENT PARTOUT
195
pourrait le faire que s'il pouvait se créer pour
lui-même un monde entièrement 'nouveau.
« C'est en Lui que nous avons la vie, le mouvement
dans tout être. Remarquez-le bien: ce sont là des termes
très importants. Nous ne disons pas que tout être est
Dieu (c'est l'erreur des panthéistes), mais nous disons
qu'il n'y a rien dans le monde, ni montagne, ni fleuve,
ni mer, ni chant des oiseaux, ni cœur humain derrière
lesquels ne se cache, comme le fruit derrière l'écorce,
comme le visage derrière un voile, le Dieu présent
partout.
En réalité, Dieu se laisse apercevoir à travers le voile
des créatures, quel privilège pour les âmes ferventes et
pieuses! Saint Paul en effet a écrit de Dieu: « Ses perfec-
tions invisibles, son éternelle puissance et sa divinité
sont, depuis la création du monde, rendues, visibles à
l'intelligence par le moyen de ses œuvres» (Romains l,
20).
Quelle sublime pensée: Dieu est partout /Lorsquedans
la nuit calme et constellée d'étoiles, un météore étin-
celant sillonne le ciel, lorsque les feuilles jaunies de
l'automne bruissent sous vos pieds, lorsque vous vous
promenez dans une allée en fleurs, ayez cette pensée :
Dieu est là.
Lorsque .dans le silence et le calme de la nuit une
impression' mystérieusç s'empare de votre"'· âme ...
lorsque le sentiment douloureux de la solitude vous
étreint ... lorsque déçu par tous, abandonné par tous,
vous êtes assis en pleurant sur le bord de votre lit,
pensez seulement: Dieu est là. Vous ne pouvez pas être
 . LE SYMBOLE DES APOTRES
en même temps ici et ailleurs; quand nous voulons
aller n'importe . où, il nous faut changer de place :
Dieu n'est attaché à aucun endroit. Il est impossible
de le mesurer : Dieu est partout.
c) Ceux-' qui connaissent mieux la Sainte Écriture
vont peut-être me faire cette objection : Dans nos
Saints Livres on rencontre des expressions qui contre-
disent ce quia été dit précédemment. Sans doute la
Bible dit q~e Dieu est présent partout. Mais elle dit
également que le ciel est le trône de:pieu (S. Matthieu V,
34) et Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit pareil-
lement : « Notre Père qui êtes aux cieux» (S. 1\1atthieu
VI,9), donc Dieu est dans le ciel. Pour le psaume
CXXXI Dieu est dans le Temple. D'après d'autres
paroles du Sauveur, Il habite dans l'âme 'des justes
(S. Jean XIV, 23)' Comment faut-il comprendre ces
. expressions, si Dieu est partout? Et comment saisir
le sens de la Sainte Écriture disant que Dieu apparaît
\ la prière de celui qui L'implore, tandis qu'Il s'éloigne
J e l'âme pécheresse? Et comment pouvons-nous dire
'lue l'impie s'est détaché de Dieu? « Ceux qui s'éloignent
de VOlis périront » dit en parlant de Dieu le psaume
LXXII (27). Mais peut-on s'éloigner, peut-on s'écarter
de Dieu, s'Il est présent partout?
Ce n'est certes pas possible. Ni cette manière humaine
de parler ni les autres expressions de la Sainte Écriture
ne' peuvent- ' s'entendre comme si Dieu n'était pas
présent en tous lieux. En réalité, Dieu ~st présent
partout, mais il y a des endroits où sa présence est
beaucoup plus sensible, beaucoup plus saisissable, où nous
éprouvons davantage l'ùnpressù?n de sa présence, devant les
DIEU EST PRÉSENT PARTOUT
197
traces palpables de s()n activité. L'âme humaine est
présente dans le corps entier et si quelqu'un parle
avec un grand enthousiasme, ne dit-on pas de lui :
« Regardez comme ses yeux pétillent d'esprit ... les yeux
sont le reflet de l'âme ». Dieu, ~tre infini, est présent
partout, mais sa grâce et ses appels ne trouvent pas
partout une compréhension suffisante.
Dans 1'Église et dans les âmes des justes sa présence
et l'action de sa grâce se font sentir; par contre on dit
de l'âme pécheresse- que « Dieu l'a abandonnée l), non
pas dans le sens que l'homme pourrait s'écarter de Dieu,
s'en éloigner, mais en ce sens que la grâce divine ne
peut plus agir en lui. Nous ne sommes séparés de Dieu
par aucun espace, de même qu'aucuI"! ne nous relie
à Lui, mais nous nous rapprochons de Lui, quand notre
âme Lui ressemble et nous nous éloignons, quand notre
âme ne Lui ressemble pas. La grandeur et la liberté
de Dieu apparaissent précisément en ce fait que, à
certains endroits, bien qu'Il soit partout et puisse être
partout, il accomplit d'une façon particulière ce qu'Il
veut. C'est à propos de ces endroits que l'on dit « Dieu
y habite ».
De la sorte, nous comprenons exactement cette
expression : Dieu est présent partout. Mais si je com-
prends bien, alors cette pensée devient pour moi une
source abondante de fortifiante et consolante énergie.
Cette pensée « Dieu est présent partout» sera une grande
force dans les tentations et une grande consolation dans
la souffrance.
 LE SYMBOLE DES APOTHES
II
LA FORCE DANS LES TENTATTONS.
a) Que de fois le péché nous glisse à l'oreille cette
insinuation perfide: Que crains-tu, de quoi as-tu peur?
Du courage, personne ne te voit, il n'y a personne ici.
En ce moment, la caisse est oUverte; allons, il n'y a
personne. Maintenant il fait nuit noire; courage il n'y
a personne. Te voilà tout seul derrière les portes
fermées, allons, il n'y a personne.
N'y a-t-il réellement personne? N'y a-t-il réellement
personne pour vous voir?
Les grandes cO~lpagnies de chemins de fer américains
tien~ent strictement à avoir des employés consciencieux
et pour cela les font surveiller par une section spéciale
' de détectives. Un jour un employé demanda une
permission à l'occasion d'un décès dans sa famille.
Lorsqu'il reprit son travail le jour suivant, son chef
lui montra une photographie; l'employé en question
y était représenté, non pas dans un convoi funèbre,
mais en joyeuse compagnie. Les détectives l'avaient
photographié. Si l'infortuné avait su que toutes ses
démarches avaient été contrôlées et tous ses faits et
gestes photographiés, il se serait certainement com-
porté tout différemment. - L' œil de Dieu est _plus vif
qu'une plaque photographique; si sur une bonne plaque
le plus petit objet devient visible, combien plus la
1
DIEU EST PRÉSENT PARTOUT 199
moindre de nos bonnes ou de nos mauvaises actions
demeure fixée dans l'œil de Dieu.
Dans le Purgatoire de Dante, Virgile dit au poète :
« Si tu avais un masque devant ta figure, tes pensées
néanmoins ne me seraient pas inconnues lI. Chaque fois
donc que la tentation vous chuchote à l'oreille :
« Courage, il n'y a personne », pensez justement le
contraire: Dieu est là. Le Dieu Tout-Puissant qui m'a ,
créé est là. Le Dieu Saint que le péché offense infiniment
est là. Le Dieu Juste qui sera un jour mon juge est là.
Courage, il n'y a personne. Au contraire, je veux
toujours marcher devant Dieu. Réellement nous vivons
en Dieu comme dans l':lÎr qui nous entoure, comme dans
te rayon de soleil qui nous éclaire. Il n'y a pas une seule
pensée qu'Il ne çonnaisse pas, une seule parole qu'Il
n'entende pas.
Courage, il n'y a personne. Devant la tente,d'Antigone,
raconte Sénèque, deux soldats causaient et maugréaient
contre leur chef. Antigone souleva rapidement le rideau
et dit aux soldats effrayés: « Allez donc un peu plus loin
que je ne vous entende pas ». Le monde de la matière
joue le rôle de rideau entre Dieu et moi. Je ne peux
pas voir Dieu, mais Il me voit et Il m'entend. Et je ne
peux pas aller « un peu plus loin )J. Où pourrais-je fuir,
où pourrais-je me cacher devant Dieu, pour pouvoir
commettre le péché? Nulle part. Le Seigneur connaît
chacune de mes actions, chacune de mes paroles,
chacune de mes intentions, chacune de m~s plus
secrètes pensées.
Lorsque vous êtes tout seul et que la tentation, pour
vous amener à pécher, vous insinue à l'oreille: « Allons,
200 LE SYMBOLE DES APOTRES
commets seulement ce péché, personne ne te voit »,
alors il vous faut dire: « Seigneur, si personne ne me
voit, Vous, Vous me voyez · et je ne, Vous serai pas
infidèle ». ' de la personnalité du poète, si l'on veut que cet ensei-
'L orsque le feu dévorant de la concupiscence s'allu-
mera en vous, baissez la tête et mettez-vous à genoux:
« Sei.gneur, Vous êtes là, Vous voyez mon dur combat,
ne m'abandonnez pas ».
Lorsque vous constatyz que, comme autrefois la
femme de Putiphar, d'impudentes créatures cherchent
à vous entraîner au mal, à l'exemple de Joseph, écriez-
vous: « Comment ferais-je un si grand mal et pécherais-
je devant Dieu? )) (Genèse XXXIX, 9).
Et quand le péché vous attire en vous disant, comme
l'écrivent nos ' Saints Livres : «( Qui me voit? Les
ténèbres m'environnent, les murailles me couvrent et
personne ne m'aperçoit: que craindrais-je? », alors il
faut lui répondre avec ces paroles de l'Écriture :
« Les yeux du Seigneur voient tout... ils sont mille
fois plus brillants que le soleil; ils regardent toutes les
voies de l'homme et .pénètrent jusque dans les lieux
les plus cachés )) (Ecclésiastique XXIII, 25-28).
b) Heureux l'homme qui sent Dieu partout, qui sait
voir en toutes choses l'empreinte des mains de Dieu!
Heureuse la jeunesse _~ui a constamment cette pensée
que partout où elle se trouve, elle est sous les yeux de
Dieu 1 Et je ne regarderais pas comme déplacée la
manière de faire d'un professeur de sciences~natitrelles
qui, en parlant des lois de la nature et du mécanisme
grandiose de l'univers, dirait de temps en temps un mot
du CTéateur.
DIEU EST PRÉSENT PARTOUT 201
Dans les autres matières on trouve cela tout naturel.
Il n'y a pas de cours d'allemand où l'on pqrle de Gœthe
ou de Schiller, sans en même ~emps traiter de la vie et
gnement soit profitable. Et la neuvième symphonie
de Beethoven ne -'sera bien comprise et les œuvres
de Mozart, Schubert, Haydn ne pourront être bien
interprétées que par celui qui connaît la vie et les
efforts de ces compositeurs. N'est-il pas évident que si
l'on veut traiter des merveilles de l'univers, il faut dire
aussi un mot du Dieu Créateur qui remplit le monde
entier et le tient en sa main? èomme la force éducative
de l'école deviendrait alors plus grande! Car. celui qui vit
dans cette croyance que sans cesse il est en présence de
Dieu, qu'il pense, qu'il parle, qu'il agit devant Lui,
possède une grande fOl-ce pour lutter contre la tentation.
III
LA CONSOLATION DANS LA PErNE.
Ce serait s'arrêter à mi-chemin que de rester sur·cette
idée que l'on n'a pas le droit de commettre le péché
devant Dieu présent partout.
Du fait que Dieu est présent partout je ne tire pas
seulement la conclusion que je dois rester fort au
moment de la tentation, mais aussi cette autre sublime
et consolante pensée: si Dieu est présent partout, alors
Je ne suis jamais seul dans 'rI;es peines, je ne suù pas abandonné.
202 LE SYMBOLE DES APOTRES
a) « Notre Vère qui êtes aux cieux» telle est notre
prière dans t~utes nos détresses, dans toutes nos luttes
et dans nos malheurs. Mais maintenant n'est-ce pas,
nous allons bien le comprendre. Aux cieux! Comme les
cieux sont loi~de nous! c'est la pensée de beaucoup
d'hommes. Si loin que l'on ne peut même pas mesurer
cette distance en kilomètres et il nous faut l'évaluer
en années de lumière, et combien en faut-il de ces
années de lumière pour arriver seulement à la Voie
Lactée, à la plus proche nébuleuse? Et c'est là que se
trouve Dieu? demande avec effroi l'homme qui lutte.
Si loin de nous? Comment Dieu viendra-t-il à mon
secours?
Non, mes frères. Une telle façon de penser serait
trop astronomique. Où est le ciel? « Là-haut» disons-
nous et nous n'en savons pas ' davantage, mais ceux qui
vivent aux antipodes disènt pareillement: « Là-haut »,
ce qui pour nous signifie « En bas ». Donç: ni par la
géographie ni par l'astronomie nous ne pouvons déter-
miner le séjour de Dieu. Mais nous le pouvons très
facilement avec ces quelques mots de la Sainte Écriture:
Il n'est pas lo.in de nous, c'est en Lui que nous avons la
vie, le mouvement et ['être.
Paroles surprenantes, doctrine émouvante. Le poisson
vit dans l'eau, c'est son élément. L'oiseau vit dans l'air,
c'est son élément. La rose, le lis vivent au soleil,c'est
leur élément. Et l'homme? L'homme vit en Dieu, c'est
son élément: S'il n'y avait pas de Dieu, je n'existerais pas.
Et de même que l'eau enveloppe le po~sson, que
l'air entoure l'oiséau et que la rose se baigne dans les
rayons du soleil, de même Dieu m'enveloppe, m'entoure
DIEU EST PRÉSENT PARTOUT 20 3
et je me plonge en Lui, c'est en Lui que j'a' la vie, le
mouvement et l'être.
b) Ah! que dites-vous là? gémit le malheureux. Si
seulement je pouvais avoir la sensation d'être entouré
par Dieu? De vivre en Dieu! Si seulement je pouvais
en avoir la sensation!
Mes frères, comment voulez-vous le sentir? Avec un
corps matériel sentir Dieu qui est esprit? Il y en a qui
le voudraient. Ce sont les théosophes, les anthroposophes
qui enseignent l'existence, à côté du corps matériel,
d'un corps astral, d'un corps éthéré, avec lequel il,s
veulent sentir et toucher directement Dieu, mais ou
. bien ils sont victimes d'une hallucination ou bien
ils sont sur le chemin de la folie.
Est-il donc impossible de sentir le voisinage de Dieu?
Ohl non.
Quand vous êtes à votre bureau et que vous avez
un travail difficile et que vous avez de la peine à
rassembler vos idées dans votre tête fatiguée, alors
redresse~-vous et dites en regardant en haut . .. en haut?
mais non; dites à Dieu qui est tout près de vous :
« Seigneur, je sais que Vous êtes ici et que Vous êtes
à moi et que je suis à Vous ». Rien que cela. Quelle .
simple et naïve prière et quelle force sublime en découle 1
Quand un malheur vous frappe, que vous êtes triste
et que votre âme est dans l'angoisse: « Seigneur, Vous
êtes près de moi et, n'est-ce pas, Vous ne me laisserez
pas seul? » .
Lorsque vous êtes sur le point de prendre une décision
importante et ~ue vous ~ema?dez à Dieu: « Seigneu~' 1
voilà ce que Je voudraiS fane. Cela Vous fera-t-il
 LE SYMBOLE DES APOTRES
plaisir? Qui? alors donnez-moi Votre bénédiction )),
et si vous renonciez à tout acte pour lequel vous n'oseriez
pas implorer la bénédic~ion divine, en vérité comme
votre vie serait totalement changée!
Lorsqu'une maladie douloureuse vous retient au lit,
lorsque vous vous agitez fiévreusement et que vous vous
réveillez à deux heures et demie du matin, que tout le
monde dort et que vous sentez vos tempes serrées
com!lle dans un étau, dites alors : « Seign,eur, tous
dorment,· tous m'ont abandonné, mais Vous, Vous êtes
près de moi, Vous êtes ici à côté' de moi ».
Et lorsque vos anciens péchés se dressent devant
vous ... les péchés commis dans la folie de la jeunesse,
que vous avez déjà confessés, mais qui ne vous laissent
pas en paix : « Seigneur, Vous êtes là, maintenant Vous
voyez que je veux être un autre homme que par le
passé. Votre fils perdu, rentré au bercail Vous supplie:
Pardonnez-nous nos offenses ».
Comprenez donc bien ce que signifie ce dogme :
Dieu est partout et je suis toujours et partout en Dieu.
Je suis en Dieu. Même lorsque, d'après les
apparences, Il serait à des milliers de kilomètres de moi.
Parfois le chemin de la vie spirituelle passe à travers un
désert aride. Parfois nous arrivent des jours, des
semaines, des années où tombe sur notre âme le voile
noir de l'abandon et de la désolation. Le passé nous
épouvante,"le présent est sombre ... Personne n'est avec
moi ... la ~prière est machinale, elle ne console pas ...
c'est comme si Dieu m'avait abandonné.
Maintenant, maintenant, mes jreres, soyons sur nos
gardes. Maintenant restons fideles. Maintenaut soyons
DIEU EST PRÉSENT PARTOUT 2°5
persuadés que Dieu est toujours avec nous. Avec nous,
car Dieu est plus près de nous que le vêtement que nous
portons, plus près que l'oinbre qui nous suit, plus près
que l'air que nous respirons.
Saint Jean Chrysostome menacé de l'exil par l'impé-
ratrice Eudoxie, à cause de son inébranlable courage,
répondait: « Vous ne pourriez me faire peur que si vous
pouviez m'exiler en un lieu où Dieu n'est pas présent ».
Quelle force cette pensée ne donne-t-elle pas dans
toutes les épreuves! Quel que soit le lieu où vous vous
trouviez, pensez toujours que votre Père du ciel, que
Dieu est avec vous.
Je crois au Pere du ciel qui est présent partout.
'*' * *
J'ai commencé cette instruction avec la naïve histoire
du petit garçon qui téléphonait au bon Dieu, je vais la
terminer par une autre anecdote enfantine.
Frédéric le Grand visitait une école de village dans
le Brandebourg. On en était justement à la leçon de
géographie et le roi demanda aux élèves où se trouvait
leur village. « En Prusse », répondit un enfant. « Et oÙse
trouve la Prusse? » continua le monarque. « En Alle-
magne .». « Et l'Allemagne? ) « En Europe ). « Et
l'Europe? » « Dans le monde ). « Et où se trouve le
monde? ) questionna finalement ' le roi. L'enfant
réfléchit un instant; puis répondit d'un ton décidé :
« Le monde? Il est dans la main de Dieu ».
Oui, le monde entier est dans la main de Dieu. Et
la majesté infinie de Dieu me domine, me couvre, me
 206 LE SYMBQLE DES APOTRES
cache, m'anime. Il captive mon intelligence, ma volonté,
mon cœur; Il me fascine, il m'enchaîne.
Quand je le voùdrais, je ne pourrais pas me cacher
devant Lui. C'est-à·.dire, je ne le veux pas. Au contraire,
au moment de l'épreuve, je mets ma tête, ma pauvre
tête attristée, dans les mains paternelles de Dieu;
mon cœur, mon cœur affligé, je l'approche du cœur
paternel de Dieu et alors ma vie aura de nouveau un
but; car à celui qui se donne à Dieu, Dieu se donne
Lui-même et rend la vie et le goût au travail. Toujours,
partout, je respire Dieu : j'ouvre mon âme, j'ouvre mon
cœur : Il est mon atmosphère, ma lumière vivifiante.
Puisse-t-lll'être toujours: pas une minute sans Lui, pas
une minute loin de Lui, pas une minute dans le péché!
Mon Père, Vous qui êtes présent partout, faites qu'en
observant vos commandements je puisse être partout et
toujours à Vous. Amen.
XIII
DIEU SAIT TOUT '
M ES FRÈRES,
On lit dans la Sainte Écriture (III O Rois XVIII),
à propos du prophète Élie, qu'il était profondément
peiné de voir son peuple se livrer au culte des idoles.
Et pour l'en détourner définitivement, il provoqua
les prêtres du dieu païen Baal à un combat singulier.
Élevez un autel à Baal, dit-il aux quatre cent cin-
quante prêtres païens, moi aussi j'élèverai un autel au
vrai Dieu; mettons nos victimes sur chaque autel et
l'on verra quel est le vrai Dieu, le Dieu vivant; celui
dont l'autel sera frappé du feu du ciel sera le véritable.
En effet ce sera la preuve que Dieu a accepté le sacrifice.
Tout le peuple se rassembla et les"'prêtres de Baal
dansèrent autour de leur autel depuis le matin jusqu'à
midi et ne cessèrent d'invoquer leur dieu, mais aucune
réponse ne vint. A midi Élie leur cria : Criez plus fort, .
votre dieu est probablement en train de réfléchir ou il
est en voyage ou il dort. Et ils crièrent encore plus fort et
se firent des entailles avec des couteaux et saignèrent,
208 LE SYMBOLE DES APOTRES
mais en vain, aucune réponse n'arriva. Alors le prophète
se mit à prier le Seigneur, le Dieu vivant, le vrai Dieu et
voilà qu'aussitôt le feu tomba du ciel sur l'autel et la
victime fut brûlée ... le peuple se jeta humblement à
genoux devant le vrai Dieu et fit cette prière : « C'est 1e
Seigneur qui est Dieu, c'est le Seigneur qui est Dieu l)
(IlI O Rois XVIII, 39).
. En réalité, mes frères, Dieu ne peut pas être une idole
muette, le vrai Dieu ne peut pas être une statue sourde,
inerte, privée de raison. « Ils ont une bouche et ne
parlent pas; ils ont des yeux et ne voient pas ... ils ont
des mains et ne palpent pas; ils ont des pieds et ne
marchent pas » dit le psaume CXIII avec mépris des
idoles. Le vrai Dieu n'a pas de mains. Il est cependant
tout-puissant; Il n'a pas de pieds, pourtant Il est
'p résent partout; Il n'a pas d'yeux, néanmoins Il sait tout.
Dieu est présent partout, tel a été le sujet de mon
sermon d~ dimanche dernier. Dieu sait tout, tel sera le
sujet de l'instruction d'aujourd'hui.
1. Que sait Dieu? et II. Que voit Dieu? Voilà les deux
questions auxquelles nous allons répondre. Nous allons
voir les traits nouveaux qui feront apparaître la sainte
figure de notre Père du ciel d'une manière encore plus
parfaite. Car nous nous occupons constamment dan~
chacune de nos prédications de cette idée: « Je crois
eri Dieu n, afin d'apprendre à connaître et à aimer
toujours mieux notre Père qui est dans les cieux.
VIEU SAlT TOUT 20 9
1
QUE SAIT DIEu?
Notre première question est donc celle-ci : Que
sait Dieu?
Et il nous faut immédiatement avouer que notre
réponse à cette question est très primitiv~ et très
générale. Que sait Dieu? « Dieu sait tout », répondons ..
nous. Mais qu'est-ce que cela veut dire « tout n?
Essayons d'entrer dans le détail.
1. D'abord voyons le côté négatif. Dieu sait tout,
c'est-à-dire Il n'est jamais obligé de répondre à une
question: Je ne sais pas.
En effet l'homme est souvent obligé de parler ainsi.
Même le plus souvent. Même celui dont on dit qu'il
est le pl~s sava,nt du monde. Emmenez-le à la biblio-
thèque de l'Université et demandez-lui les idées qui
sont contenues dans ces centafnes de mille de volumes,
demand~ z-Iui combien parmi ces idées il y en a de
justes et combien il y en a de fausses, demandez-lui
en combien de mains tel ou tel ouvrage a déjà circulé
et il répondra: « Je n'en sais rien ».
Conduisez-le à l'observatoire du mont Saint-Jean,
montrez-lui la capitale et demandez-lui à quoi pense
en ce moment son million d'habitants, ce qu'ils feront
demain à la même heure et il vous répondra: « Je n'en ;
sais rien ».
Placez l'homme le plus savant du monde sur le bord
Symh. (] Ap. - '1'. r 14
 210 LE SYMBOLE DES APOTRES
de la mer et demandez-lui le nombre des grains de
s~ble 'du rivage, le nombre de gouttes d'eau et des
poissons de l'océan, le nombre des feuilles'~ur les arbres,
le nombre des vermisseaux sur la terre, le nombre des
oiseaux dans l'air, et la réponse sera toujours celle-ci:
Je ne sais pas, je ne sais pas. C'est vrai, mes frères, la
science de l'homme le plus instruit n'est qu'un grain '
de sable sur le bord de la mer, ce qu'il ignore est aussi
vaste que l'océan.
Mais Dieu sait tout : Il n'est pas obligé de dire ;
Je ne sais pas.
2) Regardons d'un peu plus près et du côté positif
ce que ,sait Dieu. D'abord Il se connaît Lui-m~me ' :
parfaitement; Il sait ce qu'Il est et qui Il ~st.
Par suite Il connaît tout ce qui existe en dehors de Lui ;
même les choses les plus petites et les plus cachées.
Dieu connaît le monde entier. « Qui peut compter le
sable de la mer, les gouttes de la pluie et les jours du
passé? Qui peut mesurer la hauteur du ciel, la largeur
de la terre .et la profondeur de .la mer? » demande la
Sainte Écriture (Ecclésiastique l, 2). Di~u ,connaît
l'homme. D'après Jérémie, Il sonde les reins et les
cœurs (Jérémie XVII, 10), Il sait/ tout ce que nous
pensons.
Sa science n'est pas limitée par la distance: « Vous
,découvrez mes pensées de loin » dit le psalmiste
(Ps. CXXXVIII, J). Le temps non plus ne la limite
pas. En effet le psalmiste dit également : « Vous con-
naisse7 toutes choses, les nouvelles et les anciennes »
1 (Ps. CXXXVIII, 5).
En Dieu se trouve la connaissance de toutes choses
R /
DIEU SAIT TOUT 2II
(Esther XIV, 14). « Dieu connaît tôut, Il sait tout, Il
renferme toute science » voilà ce que nou~ disons. Mais
qui peut concevoir, qui peut saisir l'étendue immense
de la science, de la sagesse de Dieu?
Q~elle science et quelles connaissances ne fallait-il
pas pour dresser et exécuter les plans de cette mervèil-
leu se machine qu'est le monde visible! Le royaume
immense des forces motrices du ~onde, les merveilles
géométriques des cristaux, la SplendeUr ,de millions
d'êtres vivants ... tout cela est le résultat des plans et
de la science de Dieu.
Et l'âme humaine! Faite~ asseoir un enfant près de
vous, regardez-le bien dans l~s yeux et vous y apercevrez
l'âme; maintenant regardez au fond de cette âme et
vous y découvrirez Dieu. L'œuvre grandiose de l'esprit
humain, la technique, la civilisation, le progrès... tout
cela n'est qu'une étinceiIe sortie de la science de Dieu,
tout cela n'est qu'un trait de lumière emprunté à la
science infinie de Dieu.
Et maintenant connaissons-nous dans toute sa
plénitude la science divine? Pas du tout. Un jour que
saint Paul réfléchissait sur ce point, de ses lèvres
jaillit ce cri d'étonnement : « 0 profondeur inépuisable
de la sagesse et de la science de Dieu. Que ses jugements
sont insondables et ses voies incompréhensibles 1 »
(Romains XI, 33).
Si saint Paul ne pouvait pas comprendre la science,
infinie de Dieu, à plus forte raison nous faut-il, au lieu
d'une claire réponse, nous contenter de i cette réponse
vague et générale : Que sait Dieu? Dieu sait tout. 1
1J Dieu sait tout? demande quelqu'un, .
2I2 LE SYMBOLE DES APOTRES
Oui, Il sait tout.
Mais alors il en résulte une coose épouvantable. Un
Igrand malheur!
Lequel?
Si Dieu sait tout d'avance, alors Il sait aussi quelle
sera la fin de ma vie terrestre. C'est-à-dire qu'Il sait
si ,je serai sauvé ou damné.
Oui, Il le sait.
Mais alors ma volonté n'est plus libre. Il faut que
j'agisse, il faut que je marche, comme Dieu le sait à
l'avance à mon sujet. Dieu sait sijeserai sauvé ou damné.
Mais s'Il le sait d'avance, alors mes efforts sont vains,
tout est inutile. Alors les hommes ont raison de dire,
avec un fatalisme déprimant : Cela devait arriver.
C'était écrit dans le livre du destin;
Difficile question, mes frères, mais je ne veux pas
l'esquiver. Je ne le veux pas, car le problème de la science
divine et du libre-arbitre chez l'homme a toujours été _
très ardu pour les âmes réfléchies et il l'est encore
aujourd'hui. Elle suffirait à me glacer le sang dans les
veines la pensée que mon sort éternel est réglé d'avance
et que je ne peux rien y changer. Chaque fibre de mon
cœur ne se soulèver~it-elle pas contre une telle idée?
N'arriverions-nous pas ainsi à nier la justice de Dieu?
Pourrait-on appeler juste un Dieu qui à l'avance, sans
nous . entendre, rendrait sa sentence contre nous?
Mais, Dieu soit loué! il n'en est pas du tout ainsi.
Comment alors?
a) L'homme ne sait pas tout, parce qu'il vit dans le
temps. Il ne voit que le m~ment présent, il sait peu de
choses du passé et devine fort peu de l'avenir.
DIEU SAIT TOUT 2I3
Mais aux regards du Dù:u éternel il n'y a ni passé ni
!ûtur, il n'y a que le p1-ésent. Ce que nous appelons futur
'et ne voyons pas encore, Dieu le voit, comme si c'était
présent, mais cette vision divine n'influe pas sur la
marche future des événements.
C'est complètement incompréhensible, direz-vous
peut-être. Une comparaison rendra la chose plus claire.
Représentez-vous un guetteur sur une tour et repré-
sen tez-vous vous-même au milieu d'une longue file
cie gens. Que voyez-vous? Quelques hommes devant
vous, quelques-u?s sur les côtés et quelques autres
derrière vous, c'est tout: du cortège vous ne voyez rien.
Telles sont vos connaissances sur le passé, le présent
et l'avenir. Le guetteur du haut de la tour voit tout le -
défilé : il voit loin devant vous, c'est-à-dire l'avenir;
il voit loin derrière vous, c'est-à-dire le passé. Il voit
le passé, le présent, l'avenir d'un seul ~oup; il voit et
n'est pourtant pas la cause de ce qui arrive. Dieu voit
ainsi tout ce qui existe sur la terre. Aussi saint Jérôme
a-t-il raison de dire: « Ce n'est pas parce que Dieu le
sait d'avance qu'une chose arrive, mais c'est parce
qu 'elle <lrrive qu'Il le sait)) (In Jer. XXVI, 3)' Donc
en vérité Dieu sait tout, Il sait si je serai sauvé ou
damné.
b) « L'avenir n'est-il donc plus dans ma main? ))
' Mais si.
Comment?
Mais parce que Je ne sais pas ce que Dieu sait de moi.
Si je le savais d'avance, alors mon ardeur à combattre
serait paralysée. Mais je ne le sais pas. C'est pourquoi
je travaille, c'est pourquoi je lutte pour mon âme,
 LE SYMBOLE DES APOTRES
c'est pourquoi je fais la guerre au péché: je veux me
sauver et alors Dieu voit que je serai sauvé. Donc je ne
serai pas sauvé parce que Dieu me voit sauvé (ce serait
nier l~ libre-arbitre), mais Dieu me voit sauvé, parce que
je serai sauvé, à cause de ma lutte acharnée.
Quelqu'un dira peut-être: permettez, c'est un simple
jeu de mots. « Une chose n'arrive pas, parce que Dieu
la voit, mais Dieu la voit, parce qu'elle arrivera », au
lieu d'une réponse sérieus~ nous sommes en présence
d'une simple question de mots.
Ce n'est pas un jeu de mots, mes frèTes. Lorsque l'éclair
déchire le ciel, nous savons avec certitude que le
tonnerre va gronder. Nous le savons si bien que cer-
tains se bouchent d'avance les oreilles. Or je vous le
demande : Le tonnerre va-t-il gronder dans le ciel
parce que nous le savons d'avance? Non. Mais alors?
Nous le savons d'avance parce qu'il va faire ' du
tonnerre.
Faites bien attention à ce que je vous dis maintenant.
Quelle heure est-il en ce moment? Il est 10 heures 47.
A I I heures 7 arrive à la gare de l'Est l'express de
Kosice... et maintenant?.. maintenant il est juste
devant Rakos. Je le sais très bien. Mais est-il là parce
que je le sais? Et va-t-il arriver parce que ' je le
sais? Pas du tout. Au contraire: je le sais, parce qu'il
est là-bas, je le sais, parce qu'il va arriver. Et de même '
que personne ne dirait que l'express arrivera à la gare
de l'Est, parce que je le savais d'avance, de même
n'a-t-on pas le droit de dire que l'on arrivera à la
station terminus de la vie éternelle ou de la damnation
éternelle, parce que Dieu le savait d'avance. Oui, Ille
DIEU SAIT TOUT 21 5
savait, puisqu'Il sait tout, 'mais ce n'est pas la science
,divine qui est cause de la damnation.
c) Notre nature humaine tout entière se dresserait
contre une telle idée de prédestination : et l'on remarque
que ceux qui admettent en théorie la do~trine de la prédes-
tination agissent autrement dans la pratique. Un des
plus subtils théologiens du XIIIe siècle, Duns Scot,
rencontra un jour un paysan qui travaillait dans un
champ et lui adressa quelques paroles d'édification. ,
Le paysan lui répondit: « Pourquoi me recommandez-
vous de vivre dans la crainte de Dieu? Si Dieu prévoit
que je suis sauvé, je.le serai aussi, que je sois bon ou
mauvais; mais s'Il voit que je suis damné, alors rien
ne 'pourrait me sauver ». Le grand théologien lui
répliqua : (( Pourquoi travailles-tu et sèmes-tu à la
sueur de ton visage? Si Dieu ,a prévu que du blé
poussera ici, alors il poussera certainement, que tu
sèmes ou non; mais s'Il a prévu qu'il n'en pousserait pas,
alors il n'yen aura pas, malgré tes efforts ». Et le paysan
ne sut que répondre, il se contenta , de continuer son
travail.
Je ne prétends pas que nous puissions résoudre
complètement et clairement ce problème auquel les
esprits les plus pénétrants du christianisme ont cherché
une solution; il en restera toujours quelque chose de
mystérieux et d'impénétrable. Cependant avec notre
petite in~lligence bornée~nous pouvons réussir à
briser les 'pointes les plus aiguës du problème et à '
confier tranquillement notre avenir et notre vie éter-
nelle aux mains bénies du Dieu qui sait tout. 1
Non seulement Dieu sait tout, mais aussi Il voit'

216 LE SYMBOLE DES APOTRES
tout et cette pensée est bien propre il éveiller en nous
de précieuses leçons.
II
QUE VOIT OlIm?
1) Que voit Dieu r telle est la questioù soulevée
et encore une fois notre pauvre langue humaine ne peut
. que donner une réponse générale. Que voit Dieu?
demandez-vous. Mais lisez donc ce que les petits
écoliers hongrois écrivent sur leur règle
« Isten szeme min dent lat :
El ne lopd eléniat! »
L'œil de Dieu voit tout, ne vole pas ma règle.
Ouelle curieuse et instinctive manifestation de l'âme
humaine! Sur quoi donc repose cette conviction?
Sur d'innombrables passages de la Sainte Écriture.
En vérité, nos Saints Livres sont remplis des plus belles
pensées .,ur le Dieu qui voit tout.
\( li n'ya rien de caché devant ses yeux» disent-ils à
un passage (Ecclésiastique XXXIX, 24). Et dans un
autre nous lisons au sujet de Djeu : « Il voit jusqu'aux
extrémités de la terre, Il aperçoit tout ce qui est sous
le ciel» (Job XXVIII, 24). La Sainte Écriture a encore
une expression plus magnifique: « L'œil de Dieu est '
plus clair que le soleil » (Ecclésiastique XXIII, 26).
Pourtant le soleil esr éblouissant de clarté. Et que de
choses voit le soleil en vingt-quatre heures, tandis qu'il
luit sur la terre: que de combats, que de luttes, que de
"
DIEU SAIT TOUT 21 7
bassesses, que de péchés, que de crimes 1. .. malS l'œil'
de Dieu voit plus que cela.
A l'observatoire du Mont Wilson, en Californie, il
y a un télescope géant, avec lequel . on peut même
photographier la surface de la lune. On l'appelle avec
fierté: « l'œil du monde ». Mes frères, lë véritable œil
du monde c'est Dieu qui voit dans le passé, dans le
secret, dans la nuit la plus obscure chaque pensée
et chaque action.
Mais s'il est vrai que « l'œil de Dieu voit tout », il
n'en résulte pas seulement l'avertissement « ne me'vole
pas ma règle », mais tout un ensemble de pensées salutaires,
encourageantes, consolantes et fortifiantes.
2) Avant tout, il en découle cet , avertissement très
grave : Attention, vous êtes partout sous l'Œil de Dieu.
Les anciens aimaient à représenter Dieu sous la forme
d'un triangle avec au milieu un œil grand ouvert : les
trois côtés du triangle signifient les trois personnes
divines, l'œil ouvert représente la Sainte Trinité qui
voit tout.
Quel que soit l'endroit où nous soyons, quoi que nous
fassions, Dieu le voit. Ah! si seulement nous ne l'avions
jamais oublié, que de larmes et que d'amers regrets
auraient été épargnés dans notre vie. Si seulement dans
chacune de nos tentations se présentait cet avertissement
du Seigneur : « Marche devant ma face et sois irré-
prochable }) (Genèse XVII, 1). Si seulement nous
venait cette pensée qui donna à Joseph captif en Égypte
une si grande énergie au milieu de l'attrait du péché:
(( Comment ferais-je un si grand mal et pécherais-je
devant D'i eu? » (Genèse XXXIX, 9).
218 LE SYMBOLE DES APOTRES
Oui, nous sommes toujours sous l'œil de Dieu.
Et lorsque je m'agenouille au confessionnal et que la
honte me serre à la gorge, parce que ce grand péché ...
je n'ose pas le confesser ... quel soulagement pour moi
si je me dis: Je peux tromper c<?confesseur, mais je
ne troJIlperai· pas Dieu qui sait tout et qui voit tout!
Quel soulagement, si je me souviens de ces paroles de
saint Augustin : (( ~u veux pécher? Eh bien! cherche
un endroit où Dieu ne te ' voit pas, là tu feras ce que
tu voudras )J. Cherchez, si vous pouvez.
3) La pensée de Dieu qui voit tout est un avertis-
sement pour le pécheur, dIe est aussi une grande
consolation pour les bons. Quelle consolation de savoir
que Dieu me connaît · bien et me comprend ' toujours!
Car souvent les hommes ne me comprennent pas. Mes
meilleures ihtentions sont mal interprétées. Mais
Dieu qui voit tout ne se trompe jamais sur moi.
Dieu connaît tout mon être, toute ma personne; Il sait
de quoi je suis capable, Il connaît mes défauts contre
lesquels je ne puis rien moi-même, car ils sont issus
de ma nature mauvaise.
Dieu ' me connaît mieux que je ne me connais
moi-même.
De temps à autre je suis abattu par les insuccès :
je ne sais plus prier avec ferveur, comme je le voudrais ...
je ne peux plus avancer dans la vie spirituelle, tout en
faisant mon possible ... je n'arriv~ pas à me débarrasser
de mon défaut dominant, tout en me donnant beaucoup
de peine. Quel bonheur de pouvoir dire alors :
(( Seigneur, Vous le voyez, je n'en puis plus ». Les
homme" ne s'en aperçoivent pas, parce qu'ils ne
DIEU SAIT TOUT 21 9
peuvent pas voir au dedans de mon âme, mâis Dieu voit
et Il voit que je suis à bout.
4) De ce fait que Dieu voit tout je ne puise pas
seulement avertissement et consolation, mais j'en tire
1 - . ,
aussi cette triste constatation. Que dmt vmr en une
heure seulement sur cette terre de péché le Dieu qui voit
tout? « Nulle créature n'est cachée devant Dieu, mais '
tout est à nu et à découvert aux yeux de Celui à qui
nous devons rendre compte» (Hébreux IV, 13), dit
la Sainte Écriture.
Nous sommes donc tous devant Dieu, sans voile,
sans fard. Qu'est-ce que Dieu verra en nous? Quelles
pensées, quels plans, quels désirs? Ah! Seigneur, s~
chaque âme humaine est là sans' voile devant Vous, SI
chaque cœur humain est grand ouvert devant Vous,
que ne Vous faut-il pas voir, jour par jour, minute par
minute, quelle mer tumultueuse de laideurs et de
crimes! (( Je ne connais pas le cœur d'un scélérat,
disait un jour un grand psychologue, je ne connais
que le cœur d'un honnête homme : mais c'est affreux ».
Qu'aperçoit le Dieu qui voit tout, lorsque du haut de
son trône céleste, comme l'écrit la Sainte Écriture sous
une forme imagée (Ps. XIII, 2), Il regarde précisément
en ce moment l'humanité? Quel ' fourmillement
d'hommes! Ils naissent, ils meurent. Üs._,rient, ils
pleurent. Ils prient, ils blasphèment. Ils font le bien,
ils se vautrent dans le péché. Il voit cette jeune fille 1
qui, au lieu d'assister à la messe, part de grand matin
faire une excursion en motocyclette avec un jeune
. homme inconnu. Il voit des matelots s' eniv~'er et faire 1
du tapage dans une taverne d'un port.. Il VOlt ce pares- .
 DIEU SAIT TOUT 221
220 LE SYMBOLE DES APûTRES
sainte communion ... Il voit des centaines et des milliers
seux gui se tourne et se retourne dans son lit, et forge
de mounlnts attacher leurs regards au crucifix ... Il
des plans pour passer la ·nuit prochaine dans le péché.
voit la religieuse adoratrice agenouillée devant le
Que faut-il que Dieu aperçoive en ce moment?
Très Saint Sacrement ... Il voit le missionnaire des
Et Il voit encore autre chose ... et c'est pour moi la
Indes lutter contre la fièvre paludéenne ... Il voit son
chose la plus importante. Il voit encore autre chose.
enfant fidèle lutter héroïquement contre les mille
Il me voit. Il vous voit aussi, mes frères, Il voit l'état
pièges de la tentation. .
présent de votre âme, ses plis les plus secrets, ses
N'est-ce pas, mes freres, Dieu nous fait pitié ... que du
desseins, ses: désirs, ses pensées. Il voit depuis combien
moins quand Il nous regarde, Il trouve en nous consolation
de temps vous négligez votre âme, depuis combien de
et joie, Lui le Dieu qui voit tout.
temps vous ne vous êtes plus confessés et vous n'avez
pas c~mmunié. Dites-moi, pouvez-vous supporter
tranqUIllement le regard de Dieu qui voit tout? Que
voit Dieu en vous? Qu'est-ce qu'Il voit? Il voit un
chaos, un désordre extrême? Il voit l'anarchie des
Mes frères, je viens de parler de Dieu qui voit tout et
passions sans frein? Il voit les colonnes du temple
en terminant mon sermon je me souviens d'un détail
renversées? Il voit l'image de Dieu traînée dans la
bien minime mais intéressant.
boue! Quelques bonnes résolutions et des chutes
N'avez-vous pas remarqué que le nombre des
sans fin!
personnes qui portent des lunettes va en augmentant?
Mes frères, répondez-moi : N'avez-vous pas pitié
Pourtant c'est un fait : plus nos yeux deviennent
de Dieu qui voit tout? Ne voulez-vous pas tout essayer
mauvais plus il y a parmi nous' de myopes et de pres- '
pour faire disparaître de la terre une partie de cette
bytes, et non pas seulement au point de vue physique.
fange et de cette boue que Dieu est obligé de voir?
Il y a encore bien des gens pour avoir une vue normale
Si vous ne pouvez agir sur personne, vous avez toujours
ici··bas : mais il y en a à peine quelques-uns pour avoir
votre âme à vous: occupez-vous au moins d'elle.
des yeux assez bons pour regarder leur âme. La plupart
En effet, Dieu ne voit pas seulement le mal, Il voit
des hommes sont alors myopes ou presbytes. Myopes,
aussi le bien. J'ai d'abord énuméré les péchés que Dieu
ils ne voient en eux aucun défaut, ils ne voient pas qu'ils ,
doit apercevoir en ce moment. Mais l'œil de Dieu voit ,
sont insupportables, capricieux, paresseux po~r le bien,
en~ore . ,autre chose actuellement. Il voit les fidèles qui • ennemis de tout effort, sensuels, orgueilleux... Pres-
pr~ent dans cette église et les centaines de mille qui
bytes, ils ' aperçoivent chez les autres tous les défauts 1
pnent dans toutes les églises du monde ... Il voit avec
qu'ils ne voient pas en eux. .
quelle joyeuse innocence cette petite fille reçoit la
 DIEU SAIT TOUT 223
222 LE SYMBOLE DES APOTRES

Mais Dieu n'est ni myope ni presbyte. Dieu voit tout. Les ténèbres et la lumière sont la même chose devant
[Vous.
Supplions Dieu d'améliorer les yeux de notre âme,
pour que nou's puissions nous voir nous-mêmes avec o Di~u, mettez-moi à l'épreuve et sondez mon cœur;
Ses yeux. Mon Pere, aidez-moi à vivre, à parler, à penser Interrogez-moi et examinez toutes mes démarches.
de façon que Votre œil qui voit tout se repose avec com- Vpyez 's 'il y a en moi des traces d'iniquité
plai$ance sur l'âme blanche comme ' la neige de Votre Et mettez-moi dans le chemin de l'éternité.
enfant qui lutte et combat, mais Vous reste toujours (Ps. CXXXVIII).
fidèle.
Seigneur, Vous me sondez et Vous me connaissez;
Vous savez lorsque ie m'assieds et lorsque je me relève.
Vous découvrez de loin mes pensées,
Vous examinez mes démarches et mes ·pas.
Vous prévoyez tous mes· desseins,
Avant même que la parole soit sur ma langue.
Vous connaissez, Seigneur, tout le passé et l'avenir,
Vous m'avez formé et vous avez mis Votre main sur moi.
Votre sagesse s'est f~it admirer en moi,
Elle est élev~e au-dessus de moi et je ne puis y atteindre. --------
Où irai-je pour me cacher à Votre esprit?
Et où fuirai-je de devant Votre face?
Si je monte au ciel, Vous' y faites Votre demeure,
Si je descends aux enfers, Vous y êtes présent.
Si je prends des ailes pour vO,l er vers l'Orient,
Ou si j'établis ma demeure à l'extrémité de la mer,
Votre main m'y conduira
Et Vous m'y tiendrez toujours de Votre droite.
Je me suis dit: Peut-être que les ténèbres me couvriront;
Mais la nuit même est ' devenue ma lumière dans mes
[délices.
Car les ténèbres ne sont point obscures pour Vous,
La nuit est claire comme le jour à Votre vue;
 DIEU EST INFINIMENT SAGE . 225

que dirons-nous de Dieu, le constructeur de la merveil-

leuse machine qu'est le monde? Comme nous admirons
sa sagesse, lorsque, avec un microscope ou un télescope,
nous pénétrons dans les admirables mystères de l'uni-
XIV vers, nous regardons et nous sommes pris de vertige.
Le décret du roi de Sicile exigeait que chacun considérât
Archimède comme sage. La Sainte Écr~ture et les lois
DIEU EST INFINIMENT SAGE
du mécanisme de l'univers exigent de nous que nous
regardions Dieu, Créateur et Gardien du monde, comme
1 infiniment sage, comme source de la sagesse; COIl).me
MES FRÈRES, la Sagesse parfaite. .
Dieu e st la Sagesse même. Car à qui parmi les
hommes donnons-nous le nom de sage? A celui,
Le roi de Sicile, Hiéron, au me siècle av. J.-C., avait
n'est-ce pas, qui a du monde la conception théorique
fait construire un si grand navire que lorsqu'il fut
la plus exacte, qui sait adapter sa manière de penser
achevé et qu'on voulut le mettre à l'eau une foule
et sa façon d'agir aux valeurs éternelles et conformer sa
d'ouvriers, de chevaux et de machines ne put pas le
vie à ses opinions. Mais lorsque nous donnons à Dieu
déplacer. Dans cette difficulté, il s'adressa à l'illustre
le nom de sage, nous proclamons en Lui l'identité de
mathématicien, Archimède, pour lui venir en aide.
la connaissance théorique et de la connaissance pratique,
Archimède promit de construire une machine agencée
c'est-à-dire que ce qu'Il pense ou fait est toujours la
de manière à permettre à un seul homme de mettre
pensée la meilleure et l'acte le' plus sage.
en mouvement le navire. Les gens secouèrent la tête
Je vais donc parler de la sagesse divine et le 'sujet de
avec incrédulité. La machine fut construite, c'était
cet entretien se divise de lui-même en deux parties :
un palan, et Archimède invita le roi à mettre lui-même
1. Qu'est-ce qui proclame la sagesse de Dieu? et II. Qu'est-
le navire en mouvement. Et le monarque, en présence
ce qui la contredit en apparence?
de tout le peuple, le lança aisément à la mer. Dans sa joie
il promulgua cette ordonnance singulière que chacun
devaü trouver bon et sage tout ce qu'ArchimMe ferait
ou dirait.
Grâce à cette petite machine, Archimède venait l
d'acquérir une distinction extraordinaire. Mais alors

Symb. (1. Ap. - T. T 15

J
226 LE SY1WBOLE DES APOTRES
1
QU'EST-CE QUT PROCLAMF LA SAGESSE DE DIEu?
,< Qu'elles sont grandes vos œuvres,Seigneur!
Vous avez tout fait avec sagesse ) (Ps. CUI, 24), chante
le psalmiste et dans un autre passage il ajoute simple-
ment: « Sa sagesse n'a point de bornes)J (ps. CXLVI, 5)·
En vérité, de toutes les lèvres s'échappe cette merveil-
leuse constatation, si nous savons remarquer de nos
yeux partout les traces de la sagesse de Dieu. Les savants
les plus éminents sont souvent envahis, au cou~s ~e
leurs observations, par un sentiment extraordmalre
analogue à celui dont était dominée l'âme du fonda-
teur de l'électro-dynamique, Ampère; lorsqu'au milieu
de ses recherches, il cachait son visage dans ses mains,
en s'écriant: « Conune Dieu est grand! Comme Dieu
est grand! » . mieux tout arranger )J. Mais c'est un fait : plus on
1) Considérons les êtres les plus petits. Des millions
de petits êtres, invisibles à l'œil nu, fourmillent dans un
verre d'eau et le savant découvre dans la structure et
l'activité mêm.r des plus petits d'entre eux, toute une
série de miracl(!:s de la sagesse infinie. Il est mort
récemment en Allemagne un vieux Père - Jésuite
(Wasmann) qui a laissé un nom connu dans le monde
savant"-et qui a consacré toute sa vie à l'étude des
fourmis; et notre âme est saisie d'admiration à la vue
de la sagesse qui se révèle dans la vie individuelle,
l'organisation sociale et la manière de combattre de
DIEU EST INFINIMENT SAGE 227
ces insectes. Comme il faut qu'JI s.oit sage, Dieu, le
Créateur du monde!
2) Après ces êtres si petits tournons-nous main~
tenant vers la terre et les astres. Les saisons de l'année
ne révèlent-elles pas la plus sage organisation? Au
printemps l'année prend naissance comme un petit
enfant, en été elle se développe en travailleur robuste,
en automne elle récolte les fruits de son activité et
dans sa vieillesse, en hiver, elle descend au tombeau:
quelle aimable variété, quelle sage . et agréable solli-
citude 1 Et tout cela serait anéanti en un clin d'œil, si
l'axe de la terre venait à se déplacer ne fût-ce que
légèrement ou si la position de la terre par rapport ·au
soleil venait à être modifiée même de fort peu. Comme il
faut qu'Il soit sage, Dieu, Créateur du monde qui a
tout organisé pour que chaque chose soit à la place où
elle est!
Sans doute, il y a des hommes qui trouvent à 'exercer
leur critique sur le monde, parce qu'ils « auraient su
examine l'ordre du monde, plus on doit courber la
tête devant la sagesse de Dieu et inversement plus on
!'examine superficiellement, plus on critique facilement
le monde.
Les grands penseurs sont d'accord avec Képler,
l'illustre astronome, qui dans la préface de son ouvrage
( Astronomia nova )J s'adresse ainsi à ses lecteurs :
( Et maintenant, cher lecteur, obéissons à l'invitation du
psalmiste et, nous souvenant de la grande bonté de
Dieu "envers les hommes, faisons l'éloge de sa sagesse ;
et de sa puissance. Moi aussi je veux révéler la merveil-.

228 LE SYMBOLE DES APQTIUlS
leuse sagesse du Créateur, je veux vous montrer que
même dans les mouvements les plus mystérieux de!';
astres, la sagesse toute-puissante de Dieu rayonn sur
nous» (Kepleri. Opera omnia édit. Frisch Ill, 14()).
Oui,-- c'est ainsi que pense le sage. Et l'homme
superficiel, celui qui critique si aisément? Il pense
comme le voyageur de l'histoire.
Exténué de fatigue, un voyageur s'assit à l'ombre
d'un magnifique chêne et se mit à philosopher :
« . Comme ce monde est curieux! Rien n'est bien
organisé. Voilà un chêne gigantesque, quelles branches
solides et pourtant if ne porte que des glands bien
petits. Et voici des melons; leur tige est aussi frêle
qu'une asperge et cependant il leur faut supporter
des fruits énormes. Le monde n'est pas bien organisé )).
Mais comme il en était là de ses réflexions, le vent se
leva et un gland lui tomba sur le bout du nez. Tl sursauta
de frayeur et ajouta: « c'est-à-dire que le monde est
bien organisé, car qu'est-ce qui serait arrivé, si les
melons poussaient sur cet arbre? » C'est vrai, le monde
est bien organisé.
3) Surtout, si . nous poursuivons nos recherches, SI
nous pensons à nous-mêmes, à . la vie humaine, aux
témoins brillants de la merveilleuse sagesse du Créateur,
à l'homme qui se tient debout, à l'homme aux mains
diaphanes, à l'homme aux yeux profonds comme
la mer, à l'homme au regard royal, à l'homme dont le
front -'rayonne d'inte\1igence.
Pourtant nous ne voyons encore que l'extérieur
de l'homme. Que verrions-nous, si nous pouvions
regarder son âme? : la force, les talents, la beauté
DIEU EST INFINIMENT SAGE 229
rayonnante d'un être spirituel semblable à Dieu.
Regardez un petit enfant dans les yeux et vous aurez
aperçu dans ses yeux la sagesse du Créateur.
Si vous êtes frappés d'étonnement par les milliers
de preuves de la sagesse divine dont le monde est
rempli, . alors rappelez-vous l'affirmation d'Aristote
d'après laquelle l'esprit humain n'a qu'une idée. fort
obscure de la sagesse divine, tout ' comme la chauve- '
souris qui vit dans les ténèbres, n'a qu'une bien faible
idée de l'éclat des rayons ·de soleil. Oui, c'est tout ce
que nous apercevons de la sagesse de Dieu. Mais que
peut donc être alors la vérité totale! Que peut donc être
La .\agesse infinie de Dieu?
II
OBJECTIONS A LA SAGESSE DE DIEU.
Cette grandiose considération d'Aristote nous suffit:
je n'ai plus besoin de chanter la louange de la sagesse
de Dieu, mais je dois maintenant m'occuper de sa défense.
En effet, si les paroles de la Sainte Écriture et l'harmonie
de l'univers sont autant d'hymnes de louanges à, la
sagesse divine, nous entendons cependant monter de
la misère, des maux et des souffrances de l'humanité
la plainte l,amentable du « De profundis ». Peut-Il être
infiniment sage le Créateur qui tolère tant de souffrances
sans but, tant de coups du sort incompréhensibles, dans
l'œuvre de ses mains, dans le monde?
23° LE SYMBOLE D'ES APOTRES
Ne vous étonnez pas, mes frères, si je me trouve une '
fois encore en présence du problème de la souffrance
Dans cette série d'instructions, j'ai soulevé, je ne sais
plus combien de fois déjà, cette question, mais je n'y
puis rien. On est obligé de parler le plus fréquemment
dè ce qui préoccupe le plus l'âme humaine actuellement.
0t:-.9 ui ne remarque pas que les vagues de la souffrance
menacent de nous submerger?
1) En réalité l'homme est rempli dl,! pl~intes et
d'objections contre la sagesse de Dieu. Mais à la plupart
de ces plaintes Aristote a déjà répliqué d'avance :
L'âme humaine n'a qu'une idée bien obscure de la
sagesse divine, tout comme la chauve-souris n'a qu'upe
bièn faible idée de l'éc1ar du soleil. Cela veut dire que
nos ' plaintes ,proviennent de ce que nous n'avons que
les faibles yeux humains et que nous ne pouvons pas
voir le flux et le reflux des événements du monde avec les
yeux de Dieu.
Si nous avions des yeux comme cellx de Dieu, to,utes
nos plaintes se tairaiep.t, car nous verrions tout autre-
ment dans le monde. Tout autrement et nous-mêmes
aussi.
Voilà par exemple ma propre destinée. Que d'énigmes
devant moi, que de tristesses, que de sombres nuages'!
Mais tout est clair devant Dieu; Il dirige tout d'une
main bienveillante, Il ~ègle tout avec sagesse.
A êâté de moi vivent des gens frivoles, gais et sou-
riants dans leur frivolité, mais Dieu voit leur cœur
saigner en secret et leur âme soupirer .vers des buts
plus nobles. Voici d'autres hommes, des hommes de
blen qui versent en silence des larmes de sang, maiS;
DIEU EST INFINIMENT SAGE 23 1
Dieu voit chaque goutte de ces pleurs ' acquérir une
valeur éternelle, à la flamme du sacrifice offert à Dieu.
Voilà ce qu'aperçoit l'œil de Dieu; mais comme l'œil
humain voit tout ,autrement !
Le monde est plein de gens qui s'amusent, s'enivrent
et cherchent h:s jouissances, ah! combien les envient!
mais l'œil de Dieu ne voit en eux que des feuilles sèches
tombant de l'arbre. Dans un abandon total une veuve
lutte. héroïquement pour ses cinq enfants au milieu
de privations supportées courageusement, d'innom-
brables jeunes filles persévèrent dans le chemin de
l'honnêteté et de la pureté, ' alors qu'elles pourraient
tout obtenir au prix de leur honneur, ah! combien se
moquent d'elles! mais l'œil de Dieu, cet œil qui ,sait
tout les regarde avec amour. C'est cet œil qui, sous le
frac élégant et le plastron à petits plis, découvre la
pourriture intérieure et s'en détourne, mais se repose
avec un amour chaleureux sur un noble cœur, si déchiré
que soit l'habit et si misérable que soit son extérieur.
Combien de têtes orgueilleuses devraient s'abaisser
devant le pauvre et combien d'épaules harassées se .
redresseraient, si nous avions des yeux comme Dieu .
Si seulement nous avions des yeux comme Dieu qui
mesure tous les événements du monde sur l'horizon
infini de l'éternité 1
2).,C'est seulement si je pense ainsi de la sagesse de
Dieu, si je crois que tout ce que fait Dieu èst toujours
le plus juste et le plus sage, c'est alors seulement que
je pourrai avoir sur l'efficacité de la priere une tou l
autre idée et être préservé de l'illusion d'y trouver un e,
preuve contre la sagesse divine.
 · LE SYMBOLE DES APOTRES
" J'ai prié dans telle ou telle jntentio~; que de fois
j'ai supplié Dieu et Il ne m'a pas exaucé ». « Pourquoi
Dieu a-t-Il or~onné de prier, s'Il ne nous exauce pas? »
Mes frères, ce n'est pas vrai : Dieu nous exauce.
S eulement pas toujours comme votre œil humain à courte
vue 'le voudrait, mais comme le trouve bon sa sagesse
qui travaille en ' fonction de l'éternité. Actuellement la
blessure brûle votre âme, actuellement l'épreuve vous
écrase, mais vous ve~rez tôt ou tard venir le temps où
vous le comprendrez' : en réalité Dieu avait réglé
très sagement ce qui vous était alors arrivé.
« Dieu ne m'exauce pas ». Oui pour celui qui croit
qu'exaucer une prière consiste dans le fait que Dieu
répond à toutes nos demandes comme nous les avons
f?rmulées, celui-là ne sait pas le but de la prière et ne
comprend pas Dieu. (( Mes pensées ne sont pas vos
pensées », dit le Seigneur; l'un des buts de la prière est
précisément celui de reporter sur Dieu nos pensée~
q :1Î s'en écartaient et de rapprocher de no~s la pensée
de Dieu. Un grand malheur me frappe, mon époux est
malade ... je prie. Il est possible que le malheur arrive
quand même; mais je n'ai pas seulement prié pour qu 'il
n'arrivât pas, mais aussi pour que, s'il arrive, j'aie
assez de force, assez de lucidité pour le ranger dans
les plans de Dieu et, les yeux tournés vers le Golgotha
savoir le supporter. '
Vous connaissez, n'est-ce pas, le sentiment d'aban-
don, de. dépression qui pesait sur l'âme des saintes
femmes qui, au matin de Pâques, se rendaie~t' au
tombeau de Notre-Seigneur, pour embaumer son -
' .
cada vre avec c1es parf ums precieux. .1
DIEU EST INFINIMENT SAGE
( 233
N'est-il pas remarquable que le chemin des pieuses
femmes qui se termina dans la joie du jour de Pâques
avait commencé dans l'obscurité de la nuit? L'obscurité
s'étendait enco;e sur la ville endormie d'où elles
sortaient, ' les yeux obscurcis par les larmes elles se
rendaient vers le tombeau obscur. Tout était anéanti,
tout 'é tait désespéré... mais en elles-mêmes vivait
encore une dernière flamme : la foi par delà la tombe.
Et cette foi trouva sa récompense.
Les ténèbres du tombeau du Vendredi-Saint ne
s'amassent-elles pas de temps à autre au-dessus de
nous? Ne croyons-nous pas parfois au-dedans de
nous-mêmes que tout est perdu? D'épaisses téntb ,es _
descendent sur nous et nous ne voyons plus à un pas
devant nous. Il nous semble que la foi ensoleillée de
notre jeunesse est disparue pour toujours. Nous n'avons
plus de joie à prier ni à fréquenter l'église ni à lutter
contre les tentations ni à vivre. C'est comme si Dieu
nous avait abandonnés. Comme si Dieu était mort
encore une fois.
Mes frères, n'avez-vous pas 'déjà vécu des heures,
des journées, des semaines aussi affreuses?
Il faut tenir et tenir bon. Peut-être ne pouvez-vous
plus prier, mais du moins efforcez-vous de croire.
Vous ne pouvez plus croire, mais du moins vivez,
comme lorsque vous croyez, comme si vous étiez
tout autant convaincus au sujet de Dieu, de l'âme,
de la vie ' éternelle - qu'à n'importe quel autre
moment. Et si vous ne le pou'vez pas? Alors pleurez
et dites à Dieu : « Seigneur, que va-t-il m'arriver?
Je voudrais prier et je ne peux pas. Je voudrais
234 LE SYMBOLE DES APOTRES
croire et je ne peux pas. Aidez-moi, Seigneur »,
Les ~ Saintes Femmes passèrent par les mêmes
jténèbres et finalement ... finalement elles arrivèrent au
tombeau vide, glorieux, consolant. « Tout cela n'était
qu'un mauvais rêve » durent-elles penser. Vous aussi
un jour vous direz la même chose, si vous persévérez
dans l'amour du Dieu infiniment sage.
Pour cela il faut un certain temps: Car avec les œuvres
de Dieu il se passe pour nous ce qui se passe avec les
œuvres des grands peintres: de tout près on ne peut pas
bien les contempler et les admirer, il faut se placer à
une certaine distance, pour avoir une bonne perspective.
Les décisions de Dieu paraissent de tout près peut-être
confuses, mais dans la perspective de l'éternité nous
sentons battre derrière elles un cœur paterne1.
3) Lorsque j'étudie dans la souffrance les sages inten-
tions de Dieu, le ciel couvert de nuages s'éclaircit
aussitôt au-dessus de moi. C'est vrai, il y a beaucoup
de souffrahces en ce , monde, mais toute souffrance ne
contredit pas la sagesse divine, seule'. 'u ne souffrance
aveugle, sans but ,la contredirait. Cependant Dieu
permet la souffrance a) par amour et b) parce qu'Il lui
assigne toujours un but.
a) « Comment le Dieu de bonté peut-Il permettre que
je souffre autant? )) telle est la plainte habituelle. Et
savez-vous ce qu'il nous faut répondre? (( Justement,
Il le permet parce qu'Il est bon. );
(( Notre Père »... Donc nous sommes ses enfants. Ses
enfants! ,Quelle tendre et faible chose! Je ne pourrais
pas, faire du mal à un enfant sans motif, sans but.
J'aurais honte d'abuser ainsi de la supériorité de ma
DIEU EST INFINIMENT SAGE 235
force. ' Mais n'est-ce pas un blasphème que de penser que .
Dieu abuse de sa force et livre à la souffrante ses enfants,
sans but ni raison, sans pitié et sans cœur?
Mais en est-if ainsi? Peut-on parç:..amour faire du
mal à quelqu'un? Certainement. Lorsque le petit enfant
court après un papillon et commence à trébucher sur
le bord d'un ravin, comme sa mère le retient vigou-
reusement !Cette pression fait mal à l'enfant, bien que
sa mère ne l'ait exercée que par amour et par elle lui ait
sauvé la vie. Lorsque les parents ôtent un couteau
des mains de l'enfant, il murmure, il boude, il pleure;
pourtant ils ne lui ont fait cette peine que parce qu'ils
. l'aiment. Pendant une opération, la mère tient son enfant
malade. Assurément le petit enfant sans raison se débat
et se fâche contre sa maman, pourtant sa mère ne le
' fait que par amour et son cϝr souffre davantage
que celui de son enfant.
Oui, Dieu ne prend pas plaisir à voir souffrir ses 1
enfants; mais s'Il permet qu'ils souffrent, Il a toujours
un but en vue.
b) Mais quel but Dieu peut-Il poursuivre avec la
souffrance?
N'est-il pas curieux de constater que les animaux,
quand ils prévoient instinctivement de grandes cata-
strophes dans la nature, se glissent doucement auprès
de l'homme, ce qui signifie qu'ils mettent leur dernier
- espoir dans celui qui est, par la naissance~ le roi de la
cr~ation? De même l'homme, lorsque les coups du
sort s'abattent sur. lui, porte ses regards en haut: vers
Dieu, ce qui veut dire qu'aux heures de détresse il ne
peut 'trouver de calme qu'en Lui.
 LE SYMBOLE DES APOTRES
POllrqu~i la souffrance? Si la terre était un paradis.
nous oublIerions le ciel. S'il n'y avait pas la nuit, nous
n'appréci~rions pas la clarté du jour.
Pourquoi l'épreuve? Pourquoi la fraîche vallée?
C'est là que pousse l'humble violette.
Pourquoi le malheur? PourquOi la pente rocheuse et
escarpée? C'est là que mûrit le raisin sous le soleil
brûlant.
Après une humiliation, comme nous savons mieux
prier! ~uand les hommes ont été mauvais pour moi,
comme Je comprends mieux que Dieu est bon! Quand
ia 'terre est désolée, comme le ciel est plus consolant J
. Mes- frères, disons-le: Dieu est infiniment sage. Et
dIsons surtout : les heures de souffrances sont des
heures de la grâce et de la miséricorde divines.
Ah! si seulement je pouvais graver ces paroles dans
mon cœur: Les heures de souffrances sont les heures de la
grâce et de la miséricorde divines, parce qu'elles sont des
heures de réparation.
Le juste tombe sept fois par jour (Proverbes XXIV
16) et sui;rant saint Jean, il .ment celui qui dit qU'ii
est sans peché (le Épître S. Jean I, 8). J'ai donc quelque
chose à rép~rer. ~ssurément, plus j'aime Dieu, plus je
remarqueraI les defauts de mon âme et ce que je dois
réparer. Ceux qui se confessent le plus souvent sont-ils
les plus grands pécheurs? Pas du. tout. Ce sont ceux qui
se, trouv~nt le plus près de Dieu qui remarquent les
plus petItes taches de leur âme.'·' Et précisément ils
supportent avec le plus de courage la souffrance
ceux qui, d'après notre misérable manière de pense;
1
humaine, l'ont le moins méritée. Mais ils la supportent,
DIEU EST INFINIMENT SAGE 237
parce qu'ils croient que Dieu, quoi qu'Il fqsse ou quoi
qu'Il pense, fait tout pour le mieux et veut tout pour
le mieux.
De fait, ceux qui mettent en doute la sagesse divine,
à cause du mal qui existe dans le monde, feraient bien
de lire cette pertinente remarque de saint Augustin . :
« Lorsqu'un profane se promène dans un atelier, il y
aperçoit toutes sortes d'outils dont il ignore la desti-
nation : s'il est très borné, il les jugera même inutiles.
S'il se brûle ou s'il se blesse avec un instrument tran-
chant, il les déclarera nuisibles. Mais le chef connaît
leur emploi, il rira de l'insensé et ne se souciera pas de
ses folles remarques, mais continuera, son travail. Et
voilà la sottise des hommes : quand il s'agit d'un ouvrier
d'ici-bas, on n'ose pas critiquer chez lui ce que l'on ne
comprend pas, mais on croit que tout ce qui se trouve
dans l'atelier a un but défini, Devant le grand œuvre
de l'univers dont Dieu est le constructeur et le gardien
on ose critiquer beaucoup de choses que l'on ne com-
. prend pas: devant le chef-d'œuvreet les instruments du
Tout-Puissant on se pose en connaisseur, alors que
l'ignorance sort pour ainsi dire de tout notre être »
(De Gen. c. Manich. I, 16, 25).
Non, non, nous ne voulons pas juger ainsi. Nous
croyons au cœur aimant et infiniment sage de notre Père
qui est dans les cieux.
'*'
* '*'
Mes frères, il y avait une fois un petit garçon qui/,
avait un beau petit agneau. Le petit agneau folâtra si
 ,
LE SYMBOLE DES APOTRES
longtemps parmi les buissons que finalement il se
déchira à un "arbuste épineux et l'animal ensan-
glanté se mit à bêler lamentablement. Le petit garçon
courut trouver son père et lui dit: « Papa, viens arracher
ce méchant arbuste. Pourquoi a-t-il fait du mal à mon
petit agneau? » Le père alla s'asseojr avec son enfant
tout près de l'arbuste et tous deux se mirent à le
regarder. Bientôt arriva un oiseau qui se posa sur
l'arbrisseau, puis après avoir réjoui le petit garçon par
son chant, il dégagea les brins de laine accrochés aux
épines et les emporta dans son nid.
« Tu vois, mon enfant, dit le père, la -laine de ton
agneau va réchauffer les petits oiseaux qui auraient
froid dans leur nid. Maintenant, dis-moi s'il faut
arracher l'arbuste? , »
Non, l'enfant ne voulait plus que !'on coupât l'arbuste
parce que son petit cœur av~it senti que dans le monde,
même derrière la souffrance et la douleur, se montre
le visage béni de notre Père du ciel infiniment sage.
Père, Dieu de sagesse, faites que moi, votre grand
enfant, je n'oublie jamais ce que Vous avez dit dans la
Sainte Écriture: « Je punis et je châtie tous ceux que
J'aime» (Apocalypse III, 19). Amen.
xv
DIEU EST INFINIMENT JUSTE
MES FRÈRES,
Chaque été arrivent à Salzbourg des milliers
d'étrangers, pour assister aux grandes , représentations '
théâtrales, parmi l,esquelles tient une place remarquable
, l'impressionnant ,mystère de Hugo von Hofmannsthal
« J edermann », spectacle qui, si le temps est beau, est
représenté sur la place devant la cathédrale.
Qu'est-ce que ce « J edermann »? c'est « chacun »,
« tout homme », tout homme riche, qui mène une vie
d'insouciance et de dissipation, lorsqu'un fjour,à une
table'abondamment servie, au milieu de gais com-
pagnons, il entend tout à coup une voix, venant il ne
sait d'où, qui crie avec une lenteur effrayante : « J eeee-
deeeer-maaaaàaaaann ». J edermann écoute. Maintenant
il entend de nouvéau, venant d'un autre côté, tantôt
ici tantôt là, la voix de la mort qui appelle : « J eeee-
deeeeer-maaa:aaaann » . _
C'est Dieu qui a envoyé la mort et Jedermann doit i
paraître devant Dieu. Avec quelle figure épouvantée

LE SYMBOLE DES APOTRES
il implore un délai! Partir ainsi? Paraître devant Dieu
les mains vides? Accorde-moi seulement une paire
de jours de répit. Rien qu'une paire de jours,
demande-t-il à la mort. Finalement il obtient une heurè
de grâce. « Maintenant cherche des compagnons pour
venir avec toi devant Dieu » lui dit la mort.
Et Jedermann commence à chercher; mais quelle
déception! Il demande ·à ses compagnons de plaisir
de le conduire devant Dieu. « Comment? Oh! mais
non» et ils. s'enfuient épouvantés. Il demande à ses
parents les plus proches, il demande à la pécheresse
avec laquelle il vit, elle se sauve au comble de l'effroi.
~( Du moins le coffre-fort bien garni viendra avec moi ».
Non plus. · Maintenant le démon de l'argent aussi lui
refuse ce service.
Pourtant l'heure passe. A peine quelques minutes.
Finalement Jedermann se confesse avec une âme
repentante et voilà que s'avancent d~ux formes bien
faibles et chancelantes, ce sont les deux bonnes œuvres
qu'il a accomplies tant bien que mal pendant sa
vie. Et il n'y a qu'elles, elles seulement, pou.r s'offriT à
l'accompagner devant Dieu, devant Dieu infiniment
juste.
Le drame est terminé ... le public se disperse ... mais
dans toutes les âmes vibre la sainte et apaisante pensée:
En vérité, seule la justice divine infinie peut fournir la
réponse aux angoissantes questions des injustices de
la vie d'ici-bas.
C'est de la justice divine que je veux parler aujour-
d'hui. Le Dieu juste, impartial, qui ne récompense nil
rie punit sur les apparences, d'après la beauté' ou la
DIEU EST INFIN IMENT JUSTE
fortune, mais suivant la valeur interne, d'après le droit
et la justice.
Je vais donc vous entretenir aujourd'hui de Dieu:
1. qui juge sans acception des personnes; II. qui récompense
et III. t)l'nit suivant la justice.
l
DIEU NE FAIT PAS ACCEPTION DES PERSONNES
1) En disant que Dieu est juste, nous pensons
en premier lieu qu'Il ne juge pas d'après les apparences,
mais sur la valeur intérieure de l'âme: non pas d'après
la beauté, la richesse, le bonheur, ni d'après le succès,
mais suivant l'intention qui a dirigé le travail. En
d'autres termes, Dieu ne fait pas aaeption des pt'ysonnes.
Saint Paul l'a clairement exprimé aiusi : " En bieu
il n'y a pas acception des persollnes " (Romains II, 2).
Dieu ne fait pas acception des persollues, cette affir-
mation nous tranquillise. Devant Lui peu importe que
vous soyez mendiant ou millionnaire; faible ou fort,
. malade ou bien portant, ce gui décidera, c'est si vous
avez fait bon usage de ce que vous avez reçu de LUi.
Dieu ne donne pas à tous les hommes dans une
mesure égale, mais Il donne à chacun autant qu'il lui
est nécessaire pour atteindre sa fin dernière dans
l'éternité. Il donne à chacun 'ce qui lui est nécessaire
pour réaliser les plans divins. C'est d'après cela qu'Il
jugera, sans demander à tous la même chose. A celui
~)' ", h d. Ar. - T. T 16
242 LE SYMBOLE DES APOTRES
à qui Il a donné cinq talents, il en réclam~ra ciD q au tres,
Il n'en demandera que deux à celui qui n'en aura reçu
que deux (S. Matthieu XXV, 14). , ment j'ai lutté, pour éviter la chute.
2) Mai~ ' on peut dire dans un autre sens que Dieu
fait acception des personnes, et cela nous tranquillise
encore davantage. Il fait acception des perSOllnes, c'est-
à-dire qu'Il n'organise pas nos affaires suivant un modèle
uniforme, mais qu'Il juge chacun individuellement,
suivant ses mérites. Il sait, et Lui seul le sait, avec
quels penchants vous êtes venu au monde et avec quelle
force et quel héroïsme vous avez essayé de vous débar-
rasser de ces liens héréditaires, et Dieu ne vous deman-
dera compte que de vos propres fautes dont vous portez
la responsabilité. Il sait que dans votre enfance, à la
maison, on ne s'est guère occupé de vous, que votre
éducation a été négligée et tout cela constituera autant
de circonstances atténuantes. Il sait à combien de
tentations vous êtes exposé dans votre emploi, combien
de mauvais discours il vous ' faut entendre, combien
de mauvais exemples il vous faut voir. Il sait tout cela
et le mettra dans la balance, avant de juger.
Le meilleur des juges de cette terre peut se tromper
en jugeant, Dieu ne se trompe pas. Il juge sur tout
avec équité. Il est le seul qui puisse juger nos actes
avec justice. Vous pouvez Ùre injuste à l'égard des
autres, le' confesseur lui -même ne lit pas clairement
dans les âmes... vous-même vous ne pouvez pas
touj () ur~ discerner jusqu'à quel point vous avez péché ...
mais le Dieu infiniment juste juge suivant la vérité et
l'équité.
Quelle consolation pour moi de savoir que Dieu
DIEU EST INFINIMENT JUSTE 243
connaît mieux et juge plus justement mes actes que
n'importe quel homme, que moi-même 1 Il a vu com-
.
La justice de Dieu me console même dan~ mes
égarements. Combien luttent avec un courage surhu-
mai~ contre le péché, ils combattent, ils tombent, ils
se relèvent, ils retombent. Je n'ai pas peur pour eux.
Dieu qui nous demande de pardonner chaque jour
au. repentir de notre prochain non pas sept fois, mais
soixante-dix fois sept fois, Dieu ne se montrera pas
sans' pitié pour nous. Seul celui qui aime le péché,
seul celui qui y attache son âme, seul celui qui défend
le péché, seul celui-là sera abandonné par Dieu dans
son endurcissement.
Dès lors que Dieu ne fait pas acception des personnes,
il résulte que Dieu récompense et punit selon la justice.
II
DIEU RÉCOMPENSE SELON LA JUSTICE.
Le Dieu juste récompense selon la justice. Notre-
Seigneur Jésus-Christ a jugé bon . d'insister sur ' ce point
et sous des formes diverses : Il sait très bien quelle force
confère pour l'observation des commandements de Dieu
la pensée du Dieu rémunérateur. Aussi dans une de
ses paraboles Il parle de son Père du ciel qui, le soir
venu, appelle tous ses ouvriers, pour leur 'verser leur
salaire (S. Matthieu XX, 8). Dans un autre endroit, Il
244 LE SYMBOLE DES APOTRES
fait dire à son Père parlant, lors d'un règlement de
c )mptes" à un serviteur fidèle: « C'est bien, serviteur
bon et fidèle, puisque tu as été fidèle en peu de choses,
je t'établirai sur beaucoup; entre dans la joie de ton
maître )) (S. Matthieu XXV, 21).
)Le divin Maître a encore enseigné cette chose plus
extraordinaire que Dieu n'oublie pas même la plus
petite bonne œuvre, telle qu'un verre d'eau: « Qui-
conque donnera seulement un verre d'eau fraîche à
l'un de ces petits, parce qu'il est de mes disciples, je
vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense»
(S. Matthieu X, 42).
Saint Pay.l aussi exhorte pareillement ses fidèles à
vivre chrétiennement: « Dieu n'est pas injuste pour
oublier vos œuvres et la charité que vous avez montrée
pour son nom )) (Hébreux VI, JO).
Et à la fin de sa vie de labeur, il se console lui-même
ainsi: « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma
course, j'ai gardé la foi; il ne me reste plus qu'à recevoir
la couronne de justice que me donnera e.n ce jour-là
le Seigneur, le juste Juge» (IIO Timothée IV, 7-8).
Mais j'aimerais pàrticulièrement à insister sur ce
dogme si consolant de notre foi qùe Dieu tient compte de
la bonne action la plus minime, accomplie en secret.
Personne ne sait ... ce que vous avez peut-être fait il y
a des dizaines d'années et que vous-même vous avez
oublié, alors que, en silence, vous aviez énormément à
lutter contre votre nature portée au mal Oll'>'contre votre
entourage mauvais .. ;- Dieu sait tout cela et pour tout
cela le Dieu de justice vous récompensera . .Écoutez
encore ces paroles de Notre-Seigneur: « Je connais tes
DIEU EST INFINIMENT JUSTE 245
œuvres, ton labeur et ta patience; je sais que tu ne peux
supporter les méchants)) (Apocalypse II, 2). Et celles-ci:
« Je sais où tu habites, là où se trouve le trône de Satan
mais tu es fermement attaché à mon nom et tu n'a~
. point renié ma foi » (Apocalypse II, 13). Et enfin :
« Je connais tes œuvres, ton amour, ta foi, ta bienfai-
sance et ta patience» (Apocalypse II, 19).
. Voilà notre plus grande consolation: la justice de
Dieu.
N; faut-il pas qu'il y ait un Dieu juste POUl' manifester
un jour la justice de Dieu?
Deux boxeurs se battent et les journaux leur cons a-
crept des colonnes entières ... des milliers et des milliers
de sœurs de charité passent toute leur vie à veiller la
nuit auprès des malades et on n'écrit pas un seul mot
à leur sujet. Ne faut -il pas qu'il y ait un Dieu juste?
Un homme colossalement riche vient à mourir;
toute sa maison, ses propriétés, ses autos sont le fruit
de la tromperie, de la ruse, de l'usure, mais le monde
n'en sait rien et il est enterré en grande pompe. E,n suite
meurt un père de famille qui s'est usé juur et nuit pour
que les siens ne meurent pas de faim. Il n'aurait eu
qu'à fermer un peu les yeux sur le chapitre de
l'honnêteté ... ; mais il est demeuré honnête ... Et main-
tenant il a laissé sa famille dans la pauvreté. Ne faut-il
pas qu'il y ait un Dieu juste?
Oui, quelles que soient les tentations contre lesquelles
nous luttons pendant cette vie, quelle que soit la diffi-
culté d'observer les commandements de Dieu, l'encou-
ragement du Dieu infiniment juste retentit à nos
oreilles : « Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse,
 DIEll EST INFI N IMENT JUSTE 247
LE SYMBOLE DES APOTRES
C'est une chose étonnante de voir les hommes se
cai votre récompense sera grande dans les cieux »
servir en cette question d'une double mesure. Comme
(8. Matthieu V, 12). Oui, je crois en un Die,u infiniment
ils revendiquent leurs droits, même les plus petits, à
juste, c'est-à-dire je crois que toute bonne œuvre que je
J'écrard des autres 1 Comme ils réclament un Jfaitement
fais en cette m'e en union avec'Dieu, que tout renoncement, d l ' M aIS '
équitable,
b (
là où il s'agrt•
e eurs avantages.
que,_ tout acte de ,fidélité au devoir, que toute victoire
lorsqu'il s'agit de Dieu, des droits de Dieu contre eux,
mo~ale brillera un jour comme un dïamant étincelant
comme ils laissent facilement de côté la justice et comme
dans le diademe qui ornera mon front pour la vie éternelle.
ils s'affranchissent facilement des commandements de
Voilà ce que je crois, parce que je crois en Dieu qui
Dieu 1 Si troublante que soit cette troisième partie de
récompense selon la justice.
notre sermon, nous n'avons pas le droit de la passer
sous silence: le Dieu juste 'punit le mal selon la justice.
Notre-Seigneur Jésus-Christ, partout où Il pouvait,
III parlait toujours de Dieu rémunérateur; mais là où Il
DIEU PUNIT SUIVANT LA JUSTICE.
n'estimait pas cette idée assez forte contre les tempêtes
de la tentation ou bien là où Il se heurtait à l'obstination
des pécheurs, avec la même fermeté Il prêchait le Dieu
Cependant, mes frères, ne perdons pas de vue le
qui punit. « Je vous le di~ : au jour du jugement, les
deuxième trait du visage du Dieu de justice et voilà
hommes rendront compte de toute parole inutile qu'ils
pourquoi je suis obligé d'ajouter: je crois en Dieu qui
auront dite» (S. Matthieu XII, 36). Et, ailleurs: « Ne
punit selon la justice.
craignez pas ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer
1) Je sais que ce n'est P liS un sujet agréable.
l'âme; craignez plutôt celui qui peut perdre l'âme et
Il y a en Dieu des attributs auxquels on pense avec
le corps dans l'enfer » (S: Matthieu X, 28). Et nous
respect dans la prière, par exemple sa sainteté et son
savons quelles rudes paroles sont à maintes reprises
éternité. Il y a des attributs auxquels on pense avec
sorties de ses lèvres : « Malheur à vous, Scribes et
amour: la bonté et l'amour de Dieu, Il y ena qui nous
'Pharisiens hypocrites! « (S. Matthieu XXIII, 13-16). Et
remplissent d'étonnement: sa puissance et sa sagesse,
quelle amertume dans ces paroles dites au sujet de
Mais il y a aussi en Dieu un attribut qui fait battre
Judas: « Mieux vaudrait pour lui qu'il ne fût pas né »
le cœur humain , dont le nom éveille dans l'âme humaine
. (S. Matthieu XXVI, 24).
une peur légitime, c'est la justice punitive de Dieu.
Ah! si seulement à chaque tentation passait devant
Beaucoup frémissent devant elle, beaucoup tremblent
moi ~omme un éclair la face du Dieu infiniment juste!
devant elle, on aimerait à la nier ) il la mettre en
Ah! si seulement, lorsque les instants épouvantables
discussion.
 LE SYMBOLE DES APOTRES
de l'attrait pour le péché menacent de l'emportet· sur
moi, lorsque tous les démons à la fois se lancent contre
moi, Iprsque le péché me flatte, me fait des promesses,
chuchote; crie, me fait violence, me persuade, m'attire,
ah! si seulemept alors me revenaient en mémoire c~s
paroles de Notre-Seigneur: « Le Fils de l'homme doit
venir dans la gloire de son Père avec ses anges et alors
Il rendra à chacun selon ses œuvres» (S. Matthieu XVI,
27). Ah! si seulement me venait alors à l'esprit le
moment du Jugement où je serai debout devant le Juge!
Quid sum miser tune dicturus,
Quem patronum rogaturus,
Cum vix justus sit securus?
Que dirai-je alors, qui appellerai-je à mon aide,
lorsque les justes eux-mêmes trembleront devant Dieu
jugeant selon la justice?
2) De cette idée que Dieu juge selon la justice découle ..
aussi une grande consolation au milieu des criantes
injustices de la vie de cette terre. Que de fois on entend
exhaler cette ' plainte : « Dieu est-il réellement juste? »
Pourtant de combien de cruelles injustices la vie est-elle
remplie? Dieu est-Il juste? Mais alors comment est-il
possible que les méchants aient toutes leurs aises, tandis
que les honnêtes gens meurent de faim? Dieu est-Il juste?
Mais alors comment regarde-t-Il avec indifférence le
triomphe du péché et l'oppression de la vertu?
C'est ainsi que se creuse la tête et que se torture
l'esprit, l'homme qui souffre, jusqu'à ce qu'il se sou-
VIenne que Dieu, selon l'enseignement de notre foi,
DIEU EST INFINIMENT JUSTE 249
,
" rendra à c~acun suivant ses œuvres» (Romains II, 6).
Si donc je rencontre un méchant dans la pràspérité
sur cette terre, ma foi n'en sera pas ébranlée: ' Je me
rappellerai que Dieu est juste et que le jugement de
Dieu sur cet homme est reporté dans l'au-delà. Mais il
n'y a pas' d'homme, si méchant soit-il, qui, pendant
sa vie, n'ait fait quelque bonne action et le Dieu juste
le récompense de ce peu de bien en cette vie, puisqu'Il
ne pourra plus le récompenser dans l'autre. Et si je
rencontre un honnête homme dans l'indigence et la
peine, ma foi n'en est pas ébranlée. Je me souviens
qu'il n'y a pas d'homme en ce monde qui n'ait fait
quelque mauvaise action et'le Dieu Ijuste lui fait eXpif'1
ici-bas cette faute, pour pouvoir le récompenser li ns
l'autre vie.
, Oui, chaque fois que je vois un . méchant dans
le bonheur, je me rappelle ces paroles peut-être un peu
dures de Pazmany : « Lorsque vous destinez un bœuf
à la boucherie, vous ne le faites pas travailler, mais
vous le menez paître dans un riche pâturage et vous
le laissez en liberté; mais ceh,ti que vous réservez pour
votre service, vous l'~ttelez assez fréquemment, vous
le mettez à la voiture et à la charrue et vous lui faites
faire toutes sortes de travaux. Ah! si vous saviez pour-
quoi ce riche est dans l'opulence, pourquoi ce seigneur
est puissant! Vous en auriez pitié et vous n'envieriez
pas son sort »• .
Chaque fois que je vois le bonheur du méchant, je
me rappelle ces paroles du psalmiste:
Ne portez pas envie aux méchants
Et ne soyez pas jaloux de ceux qui commettent l'iniquité
 LE SYMBOLE DES APOTRES
Car ils se dessécheront aussi rapidement que l'herbe
Et tomberont bientôt comme les tiges des plantes.
Sois souwis au Seigneur et prie-Le.
Ne porte pas envie , à celui qui réussit sur sa route: '
Encore un peu et le pécheur ne sera plus.
Vous chercherez sa place et vous ne la trouverez pas.
Les pécheurs périront
Ainsi que les ennemis du Seigneur,
Dès qu'ils atteindront les honneurs et la grandeur
Ils s'évanouiront comme la fumée (Ps. XXXVI).
3) Oui, mes frères, si vous étiez tentés un jour, à
cause de l'injustice de cette vie terrestre, de murmurer
contre la justice de Dieu, allez dans un cimetière et là,
au milieu des tombes, votre âme indignée s'apaisera.
En effet la justice divine ne peut véritablement se
comprendre 'que dans le silence impressionnant du
cimetière.
Quels efforts que nous fassions pour concilier les
injustices inouïes de ce monde àvec la justice de Dieu,
qui pourrait dire qu'il a résolu , complètement ce
problème? Nous ne le comprendrons jamais totale-
ment, sinon dans l'autre vie, sinon au tribunal de
Dieu. l '
Car dans cette vie? Ah! nous en avons des questions
restées sans réponse. Pourquoi le soleil luit-il aussi sur
les méchants et non pas seulement sur les justes?
Pourquoi la grêle a-t-elle ravagé les moissons de ce
serviteur de Dieu, tandis que cet avare sans cœur a pu
rentrer une magnifique récolte? Pourquoi cette jeune
mère est-elle morte en laissant cinq orphelins? I;>ourquoi
le sol ne s'ouvre-t~ il pas sous les pieds de ce blasphé-
"
DIEU EST INFINIMENT JUSTE
mateur? et tous nos « pourquoi? » continuels ... qUI
peut leur fournir la réponse?
Personne ne peut répondre sinon la messagère de
Dieu, la mort qui un jour posera sa main glacée sur
l'épaule de chacun de nous et nous criera: Jeeee-deeeer-
maaaaann 1 Qui que tu sois, arrive maintenant... arrive
devant le tribunal de Dieu infiniment juste. Et alors les
pieds qui dansaient si agilement sont paralysés, les
mains avides deviennent rigides, les yeux séducteurs
'et tentateurs deviennent vitreux, les lèvres peintes
blé missent et cela ne compte plus, que vous ayez une
auto, de l'argent, une maison, une propriété, tout cela
ne compte plus, sinon une seule chose : Avez-vous,
pendant votre vie, accompli la volonté de Dieu? Et les
méchants « s'en iront à l'éternel supplice et les justes
à la vie éternelle» (8. Matthieu XXV, 46).
Alors aura lieu la représentation finale, la connais-
sance totale de la justice divine.
""
«=
.
Mes frères, la pensée de la justice divine se présente
au premier coup d'œil, comme un dogme profondément
émouvant et chose extraordinaire: l'âme chrétienne y
trouve en même temps confiance et amour. Notre foi
inébranlable en la justice divine a toujours été la marque
distinctive des chrétiens et des peuples chrétiens.
Chaque fois qu'un chrétien était persécuté, inqujété,
victime d'une injustice, il se consolait ainsi: La justice
de Dieu me dédommagera. « Et chaque fois que l'ennemi
 /
DIEU EST INFINIMENT JUSTE 253 .
LE SYMBOLE DES APOTRES
monde qu'Il a donné son Fils unique, afin que qui-
victorieux traitait cruellement un peuple v~incu, on conque croit en Lui ne périsse point, mais qu'il ait
entendait toujours sur les lèvres du peuple ,dans la
la vie éternelle» (S. Jean Ill, 16).
détresse ces paroles consolantes : (( Le Juge éternel Si parfois la pensée du Juge sévère m'effrayait,
manifestera sa justice envers nous ... Je crois en la je me mettrais à genoux, le cœur plein d'u?e humb~e
justice éternelle de Dieu ». confiance, devant le petit enfant de Bethlehem, et Je
En fait, si j'ai la bonne volonté et si je veux faire tous ferais cette prière : Je crois en Dieu. Je crois en l'éternell.e
mes efforts pour être fidèle à Dieu, alors la justice patrie. Je crois en la divine et éternelle vérité. Je croas
divine ne me fera pas peur, mais elle m'encouragera à la félicité éterneLle q~i m'attend. Amen.
et me donnera un amour enflammé ... voilà une manière
de penser vraiment chrétienne.
Assurément nous connaissons aussi (( la crainte de
Dieu )J, mais elle· ne veut pas dire pour nous (( trembler
devant Dieu ». Il y a des hommes qui tremblent devant
Dieu comme devant un gendarme. Pourtant c'est vrai,
Dieu punit aussi. Et moi aussi je crains Dieu qui punit;
mais je L'aime encore plus, i'aime t'lmt fois plus le Dieu
qui récompens~ selon la justice. J'aime le Dieu juste qui
ne laisse pas sans récompense le verre d'eau donné à
celui qui a soif. Et pendant cette vie. je disperse, je sème
les petites semences d'invisibles bonnes œuvres, avec la
sainte croyance que de la plus petite de ces semences
sortira, à l'aurore de la vie éternelle, une fleur aux
couleurs magnifiques pour la couronne de victoire de
la bienheureuse éternité (Galates VI, 9).
Mes frères, Dieu est juste, Dieu est sévère, mais ...
mais Il n'est pas cruel, il n'est pas impitoyable. Son
visage ne montre pas les traits glacés d'un tyran, mais
d'un Père miséricordieux, prêt à pardonner. Précisé-
ment la fête de Noël qui approche proclame clairement
que le Fils de Dieu est venu Lui-même pour satisfaire
à la justice divine, car « Dieu a tellement aimé le

. maintenant Vous me rappelez à Vous, je ne crains pas
XVI
DIEU EST MISÉRICORDIEUX
MES FRÈRES,
Le 4 avril 397, dans la nuit du Vendre&.. Saint au
Samedi-Saint, rendait son âme à Dieu, l'un des plus
grands hommes et des plus infatigables apôtres de
l'histoire de l'Église, saint Ambroise, évêque de Milan.
Elles sont bien émouvantes les quelques paroles ·
d'adieu qu'il adressa alors aux siens; elle nous offre
une sainte consolation la doctrine renfermée dans ses
derniers adieux. C'était le dernier sermon du grand
évêque : « J'ai vécu parmi vous, de manière à ne pas
être obligé d'avoir honte, si jé devais encore demeurer
un certain temps parmi vous. Mais je ne crains pas la
mort, parce que notre bon Maître est avec nous ».
Mes frères, pourrions-nous souhaiter, lorsque nous
sommes malades, une pensée plus' réconfortante que
celle-ci: « Seigneur, si Vous voulez que je vive plus
longtemps, je veux passer aussi ces · nouvelles annees
sur le chemin pénible, mais béni, de Vos comman-
dements, sur le chèmin de la foi chrétienne, de
DiEU EST MISÉRI CORDIEUX 255
l'amour, de la patience et du combat. Mais si dès
de paraître devant Vous, car Vous êtes mon bon
Maître. Vous n'êtes pas un tyran, propriétaire
d'esclaves, ni un despote cruel, mais mon bon Ma~tre,
mon Dieu plein de Miséricorde ». .
·C'est vrai, notre Dieu n'est pas seulement juste, mais
Il est aussi miséricordieux; et si dans notre dernier
sermon la pensée de la justice divine nous a émus et
même effrayés, je crois que le sujet de cette instruction,
qui traite de la miséricorde dÏ7Jine, nous relèvera, nous
encouragera et nous consolera.
1. Quelle consolation nous apporte la miséricorde de
Dieu? et II. quel devoir nous impose la miséricorde de Dieu?
Telles sont les deux questions que je voudrais tirer au
Clair aujourd'hui. .
Tout d'abord tâchons de pénétrer dans cette première
idée:
1
QUE~LE CONSOLATION NOUS APPORTE LA MISÉRICORDE
DE DIEu?
Je ne sais pas s'il existe en Dieu un attribut qui soit
enseigné plus clairement, dans de nombreuses pages
de la Sainte Écriture et par les événements remarquables
qui y sont rapportés, que la miséricorde; mais il est
certain qu'il n'yen a pas qui soit davantage susceptible
de consoler les hommes qui luttent, peinent et chan-
d
 LE SYMBOLE DJ,<:S APOTRÉS
celle nt que la pensée de la miséricorde de Dieu?
1) fltrè homme est, en effet, une destinée tragique.
~tre ho~me signifie : aimer le bien et pourtant être
incliné au mal. ~tre homme signifie : prendre avec
enthousiasme de nobles résolutions et ne pas avoir la
for~e de les mettre en pratique. ~tre homme signifie:
s'élancer vers Dieu et demeurer dans la fange.
a) Que deviendrions-nous, si Dieu n'était pas miséri-
cordieux?
Que deviendrions-nous, si nous ne lisions pas à
propos de Dieu, dans le livre des psaumes, que « sa
miséricorde s'étend sur toutes ses œuvres» ?(Ps. CXLIV,
9)·
Que deviendrions-nous, si Dieu n'avait pas dit
Lui-même par le prophète Ézéchiel: « Je ne veux pas la
mort du pécheur, mais qu 'il se convertisse et qu'il
vive»? (Ézechiel XXXIII, 2).
Que deviendrions-nous, si, après nos chutes, Dieu ne
demeurait pas notre dernière ancre de salut, Lui don t
saint Paul dit « qu'Il est le Père des miséricordes )l
(lIO Corinthiens l, 3) et qu' « II est riche en miséri-
cordes \) ? (Éphésiens II, 4).
Oui, nous autres hommes qui chance/ons sans cesse,
nous n'avons que cette consolation . Notre consolation,
c'est la miséricorde divine dont nous parle Notre-
.Seigneur Jésus-'christ : « Je vous le dis : il y aura plus
de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent,
que pour quatre-vingt-dix-neuf justes)) (S. Luc XV, 7) .
C'est ainsi que se réjouit le Dieu de miséricorde,
lorsqu'Il retrouve la brebis perdue, et lorsque l'enfant
prodigue revient à Lui.
~
DIEU EST MISÉRICORDIEUX 257
b) Mais cette miséricorde divine nous ne la voyons
pas seulement en paroles, mais- aussi en faits. Que de
moyens Dieu met en œuvre pour sauver le pécheur
de l'endurcissement et par suite" de sa perte! Avant
d'envoyer les flots du déluge sur la terre coupable, Il
délègue Noé pour prêcher aux hommes: si seulement
ils se convertissaient 1 Avant de détruire Sodome et
Gomorrhe, quelle condescendance pour les marchan-
dages d'Abraham! S'il y avait seulement cinquante justes
dans ces villes, ou trente ou vingt ou dix, Il leur ferait
grâce : si seulement ils se convertissaient! Chaque fois
que le peuple d'Israël s'insurge contre Dieu, Il lui
envoie des prophètes : si seulement il se convertissait!
Et comme tout cela ne sert de rien et que l'humanité
s'enfonce toujours davantage dans le péché, Il lui envoie
encore son Fils unique: si seulement elle se convertissait 1
Voilà notre consolation : la miséricorde infinie.
2) Et puisque la lecture de la Sainte Écriture nous
apprend tout cela de la miséricorde divine, puisque nous
pourrions ,encore y lire bien davantage sur ce sujet,
potre âme repentante s'ouvre à l'espérance du pardon
de nos péchés. Aussi la foi chrétienne n'hésite-t-elle
pas à promulguer cette affirmation presque incroyable :
Tout péché peut être pardonné. Il n'y a pas de péché
ici-bas, quand ce serait le crime le plus affreux, que
la miséricorde divine ne veuille pas pardonner au
pécheur repentant. Il n'y a pas d'existence, quand elle
ne serait qu'une longue suite d'années passées dans le
péché,que la miséricorde divine ne veuille pardonner
au pécheur résolu à s'amender. D'un seul pécheur
Notre-~eigneur a dit qu'il ne serait pas pardonné,
Syrob. d. Ap . - 1'. 1 17
 LE SYMBOLE DES APOTRES
c'est le pécheur endurci. Mais celui-ci ne veut pa.t
être pardonné.
Mes frères, notre âme abattue, en lutte avec les
esprits du mal, sent bien quelle puissance vivifiante
sort de cet article de foi : tout péché peut être
pardonné.
En effet quelle âme n'est pas plongée dans la tristesse,
quand elle songe à son passé? Qui' donc, après mûre
réflexion, ne serait pas épouvanté de la masse de folies,
de légèretés, d'erreurs, de faux-pas, de chutes, accu-
mulés au cours de sa vie? Qui n'implorerait pas avec le
psalmiste: « Seigneur, ne Vous souvenez pas des fautes
de ma jeunesse et de ,mon ignorance n? (Ps. XXIV, 7).
Mais lorsque le dégoût de la vie et le désespoir
menacent de nous écraser, alors apparaît devant nou~
la douce figure du 'Dieu infiniment miséricordieux, du
Dieu de miséricorde qui n'a pas jeté la pierre à la
pécheresse repentante, du Dieu de miséricorde qui a
jeté un regard de compassion sùr Pierre qui l'avait
renié; qui n'a pas écarté de ses pieds Madeleine, la
pécheresse en pleurs; ' qui est entré dans la maison du
publicain; qui a accueilli dans son paradis le bon larron
converti à sa dernière heure.
Telle est la miséricorde de Dieu. Un jour un flatteur
disait à César: « Seigneur, tu n'oublies jamais rien dans
ta vie,~'sinon les injures qui t'ont été faites n. C'était
. une flatterie à l'égard de César, mais c'est une sainte
réalité à l'égard de Dieu. Non seulement Il pardonne
le péché, mais Il en efface le souvenir dans la générosité
de son amour. Et si j'y réfléchis, mon âme inondée de
joie s'écrie avec le psalmiste: « Louez, le Seigneur,
r ,
DIEU EST MISÉRICORDIEUX 259
parce qu'XI est bon, parce que sa miséricorde est
éternelle n (Ps. CXXXV, 1).
3) Si nous pensons ainsi, mes frères, au sujet de la
miséricorde de Dieu, alors nous. ne se-rons pas scanda-
lisés"par un article de foi, trop austère en apparence,
de la religion chrétienne. ' .
Bien souvent on entend les gens s'écrier avec indi-
gnation : Il y a dans le christianisme un dogme épou-
vantable : la damnation de ceux qui meurent en état
de péché mortel. Tout dépend de la dernière minute :
ai-je un péché grave ou non? Et si durant toute ma vie,
j'ai été honnête et si j'ai toujours observé les comman-
dements de Dieu, mais si j'ai commis une seule fois
un péché grave et que je meure à cet instant, alors
je suis damné. N'est-ce pas un dogme affreux: être
damné pour un seul péché mortel?
Il Yen a beaucoup pour exhaler ces plaintes indignées,
que . leur répondrons-nous? Que le christianisme
n'enseigne pas ce dogme? Nous n'en avons pas le droit.
Ca~ il l'enseigne réellement ..
Alors quoi dire?
Que quiconque meurt avec son âme en état de péché
mortel est damné.
« C'est donc une doctrine cruelle et injuste, réplique-
t· on:' Si j'ai été honnête toute ma vie et que finalement
je tombe dans le péché mortel... »
Attendez, mes frères, attendez. Je suis obligé de
vous contredire, car vous n'êtes pas dans la vérité.
Vous n'êtes pas du tout dans la vérité. Le péché mortel
n'est pas un piège caché dans lequel on tombe, sans ;
s'en rendre compte. Le p~ché mortel n' est pas un éclair
 DIEU EST MISÉRICORDIEUX
260 LE SYMBOLE DES APOTRES

En réalité que voit de tout cela, même le juge leplus

dans un ciel serein. Le péché mortel n'est pas urie chose
perspicace de la terre? Bien peu de chosès. Parfois
·en l'air. Avant que l'homme ait commis un gros péché,
même rien du tout. C'est précisément pourquoi un
un péché mortel, il y a eu une longue chaîne de fautes
juge consciencieux est souvent en proie au cours des
plus ou moins grandes. Celui-là donc qui a servi Dieu
débat~~à une véritable torture morale, lorsqu'il doit
~oute sa vie, est pour ainsi dire psychologiquement
prononcer un jugement dans une affaire pénale impor-
~ncapable de commettre un péché mortel.
tante. Comme elle est étroite et bornée notre justice
Oui, celui qui meurt dans le péché mortel est damné
humaine! Malheureusement elle appartient à notre
mais seul Dieu qui sait tout peut juger si le péché d;
cet homme était un péché mortel. . humanité bornée elle aussi.
Mais c'est tout autre chose en Dieu « qui sonde les
4) Si nous réfléchissons, nous SatSlssons alors
reins et les cœurs », en Dieu qui sait tout. Précisément
l' ess~n!iel d~ l~ miséri~orde divine et nou~ pouvons
pour cela nous sommes sûrs que, lors de la dernière
conczZzer la }ustzce de Dzeu avec sa miséricorde.
séance du grand procès de l'humanité, au jour du
To~s nous connaissons la représentation de la justice
Jugement Général, il y aura pour le monde de très
humame: c:tte figure aux yeux bandés, par laquelle
grandes surprises Alors nous entendrons porter une
on veut mdlquer que la justice ne regarde ni à droite
condamnation sans appel contre des hommes dont le
ni à gauche, qu'elle est impartiale et ne fait pas acception
nom ici-bas était auréolé de gloire, tandis que resplen-
des personnes.
diront et se réjouiront pour l'éternité ceux que le monde
Mais si 'nous examinons davantage cette reproduction
avait méconnus et méprisés.
symbolique, nous lui trouvons bientôt un grand défaut
auquel, il est vrai, nous .autres hommes, nous n~
Et nous avons une .réponse consolante à opposer à
nos contradicteurs: C'est précisément, parce que Dieu
pouvons rien changer. Nous représentons la justice
rend ses jugements avec justice, en se basarit sur sa
les yeux bandés et pourtant il faudrait plutôt la repré-
science infinie, que Dieu n'est pas seulement juste, mais
se~ter les. yeux grand ouverts : avec des yeux qui
encore miséricordieux. L'homme bien souvent n'est
VOlent clairement, profondément et partout, comme les
pas miséricordieux, ' n'est pas indulgent, parce qu'il
rayons X0En effet seul peut exercer intégralement la
ne connaît pas les circonstances atténuantes. Mais
justice un juge qui discerne tout, qui aperçoit les ressorts
Dieu ,sait tout et eil Lui la justice et la miséricorde
les plus cachés d'un acte, qui voit tous les replis d'une
sont en parfaite harm()nie : Dieu est juste, sans être
âme d'.accu~é : dans quel milieu on a frandi, à'-'quelles
~ar trop sévère, miséricordieux, sans être par trop
mauvaises mfluences on a été expose, contre quelles
mdulgent. Dieu ne juge donc personne plus sévèrement
tendances mauvaises héréditaires il a fallu lutter et après ,
qu'il le mérite, mais plutôt avec une bonté, une chàrité,
t_o~t cela la part de responsabilité personnelle du coupable.
 LE SYMBOLE DES APOTRES
une soI1icitude telles que l'homme le plus miséricordieux
ne pourrait en manifester. ,
5) Notre sainte religion l'a toujours su et proclamé.
. Et parce qu'elle l'a toujours cru et publié, nous com-
prenons cette chose singulière que l'Église catholique
ne s'est jamais prononcée sur la damnatio11; d'aucun homme.
N'est-il pas surprenant, mes frères, que l'Église
catholiqu~ ait proclamé officielle!nent au sujet de
Plilliers et de milliers de personnes qu'elles étaient
certainement dans le ciel, c'est ce que l'on appelle
canonisation, et que cette même Église n'ait encore
déclaré d'aucunhomme qu'ilfût en enfer, qu'ilfût damné?
Cette même Église catholique qui enseigne que ceux
qui meurent en état de péché mortel sont damnés et
qui ne permet pas de célébrer la sainte messe pour les
damnés, cette même Église offre le Saint-Sacrifice pour
n'importe quel défunt, même pour le criminel qui vient
d'être exécuté, parce 'qu'elle laisse à la miséricorde de
Dieu le soin de prononcer le jugement, dans la mesure
où l'homme est responsable de son forfait et son péché
atténué par la naissance; l'éducation, le rriilieu et
l'hérédité. Nous ne le savons pas ... personne au monde
ne le sait ... sinon Dieu qui sait tout. Amenez les plus
grands criminels du 'monde, amenez les tyrans qui se
sont baignés dans. le sang, amenez les bourreaux des
premiers martyrs chrétiens .~t demandez à l'Église :
Ont-ils été damnés? et la réponse de l'Église sera
celle-ci: « Nous ne savons pas, nous ne sav0l,lS pas ».
A Rome ~vivait ' jadis un prêtre fort pieux que le
peuple .appelait « le saint» et qui avait opéré déjà des
miracles, Il voulut un jour entreprendre la conversion
DIEU EST MISÉRICORDIEUX
d'un malfaiteur'condamné à mort, ,mais ce fut en vain.
Pendant trois jours il l'assiégea et fit appel à t~us ses
moyens de persuasion pour l'empêc~er ~e m.ounr ~a~s
l'endurcissement, mais tout demeura mutile: Il ne f~lsalt
que blasphémer davantage et refusait avec des plal~a~­
teries cyniques de se confesser. Comme on le co~dU1sa~t
à la place des exécutions, le prêtre l'accornp~gna, m~s
en vain; là encore il fut repoussé. Alors le pretre perdIt
p~tience et il s'écria : « Venez voir co.m:.nent me~rt
un damné ». Or savez-vous quelle deVait etre la sUIte
de cette apostrophe? Quarante ans plus tard on .intro-
duisit la cause de canonisation de ée prêtre. Les, miracles
qu'il avait opérés furent prouvés et cepe~dan.t il ne
fut pas canonisé, à cause des parole,s; q~e Je vle~s de
vous rapporter. Ces paroles e~ effet n etaient pas dlg~es
d'un saint, ni de la foi catholique (Gratry, La Phtio-
sophie du Credo, Paris, p. 188). " ..
Ah! c'est que Dieu est la miséricorde 11l~me. D~ Jud~s
seulement nous savons, c'est la Sainte Écnture qUI le dIt,
qu'il est damt;lé. Mais si , ce malheureux apôtre, ,à son
dernier moment, avait eu le reg:et de ses peché,~'
jeté la corde avec laquelle il vou,lalt s~ pendre, .et s xl
s'était agenouillé aux pieds de saint PIerre en disant:
« Frère, écoute ma confession. J'ai commis un péché
infini~ent grave. J'ai trahi le Maître », ~avez.-vous ce
que saint Pierre aurait répondu? « Frère, Je SU.IS en~ore
un plus grand pécheur. Je L'ai renié trois fOlS. Ale le
repentir de ton péché. Jete pardonne 'au nom de Jésus j
miséricordi~-qx ».
De Judas seulement nous savons qu'il est damné:)
Il est damné, parce qu'il l'a voulu.
 ,LE SYMBOLE DES APOTR ES
,
Et ces paroles sont pour nous une grande consolation,
un baume et un apaisement pour notre pauvre âme
dans l'angoisse. Oui, Dieu est sévère et juste, mais Il est
aussi miséricordieux, c'est pourquoi ·personne n'est
damné, à moins qu'il le veuille. Comme il est émouvant
d'entendre sur les lèvres de Notre- Seigneur avec quel
amour Il voulait sauver Jérusalem ,! mais Il ne réussit
pas, parce que ses habitants ne voulurent pas. « Jéru-
salem, Jérusalem 1 )) telles sont les paroles de reproche
du Sauveur (ce sont les mêmes pour toute âme damnée)
« que de fois j'ai voulu rassembler tes enfants et tu ne
l'as pas voulu! » (S. Matthieu XXIII, 37).
Dieu de miséricorde, faites que je n'entende pas sur
vos Ievres, au jour du jugement: C'est toi qui n'as pas
voulu, c'est toi qui n'as pas voulu.
II
Nos DEVOIRS ENVERS LA MISÉRICORDE DE DIEU.
Je me suis tellement arrêté, mes frères, sur l'idée
des consolations que nous apporte la miséricorde divine
qu'il me reste à peine encore suffisamment de temps
pour traiter des devoirs que nous impose la miséricorde
. de Dieu. Pourtant, ,s'il est naturel de s'arrêter plus
volontiers sur les consolations de la miséricorde divine,
nous n'avons pas le droit de laisser de côté l'autre
conséquence de la divine miséricorde.
C'est vrai, Dieu est « riche en miséricordes )) (Ephé-
- DIEU EST MISÉRICORDIEUX
siens II, 4), mais cela implique une condition sérieuse
que Notre-Seigneur a proclamée clairement et ouver-
tement dans une _bien saisissante parabole. Et cette
condition la voici : Si nous voulons que Dieu soit
miséricordieux envers nous, alors il faut que nous soyons
nous-mêmes miséricordieux envers noire prochain.
Lorsque le serviteur impitoyable fut jeté en prison,
Jésus en tira cette conclusion: «( C'est ainsi que vous
traitera mon Père céleste, si chacun de vous ne pardonne
à son frère du fond de son cœur )) (S. Matthieu XVIn~,
35). Et j'avoue que je ne peux pas comprendre que
quelqu'un lise' ces paroles décisives et dise pourtant:
« Non, il m'a offensé à mort. Je ne lui pardonne plus )).
N'entendez-vous pas, mes frères? : « C'est ainsi que
vous traitera ' mon Père céleste, si vous ne pardonnez
pas )).
Notre-Seigneur nous fait demander dans nos prières
que Dieu nous pardonne nos off.enses, comme nous
pardonnons aceux qui nous ont offensés (S. Matthieu yI,
I2). Et il y a des hommes qui traînent au dedans
d'eux-mêmes pendant des années, le poison et la flamme
de la colère et de la haine: « Non, je ne lui pardonnerai
jamais ).
Le divin Maître nous dit encore : cc Car si vous
pardonnez aux hommes leurs offenses, Votre Père
céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne par-
donnez pas aux hommes, votre Père ne pardonnera pas
non plus vos off~nses ) (S. Matthieu VI, 12). Et il
y a des hommes qui peuvent dire de leur prochain ;
cc Non, je ne lui pardonnerai jamais ));
Mes frères, ne nous faisons pas d'illusions. Si nous
 LE SYMBOLE DES APOTRES '
voulons que Dieu soit miséricordieux envers nous, alors
nous n'avons pas le droit d' ~tre impitoyables pour notre
, prochain. En ce monde, il n'y a pas de riche qui n'ait
besoin de miséricorde et il n'y él,pas de pauvre qui ne '
puisse pas pratiquer la miséricorde.
Jetons un regard en arrière sur notre vie; que de fois
nous aurions dû humblement nous frapper la poitrine
en disant : Seigneur ayez pitié de moi qui suis un
pécheur. Et il n'est pas nécessaire d'aller chercher dans
notre passé des énormités, comme des meurtres, des
vols, des parjures, des infidélités, des péchés d'impureté.
Non, ce sera suffis'int de nous rappeler nos nombreuses
ingratitudes, nos vanités, nos caprices, notre égoïsme,
nos manquements au devoir, cela suffira à faire baisser
notre tête si fière devant Dieu.
Et quand l'homme se trouve .ainsi devant Dieu,
à découvert, sans voile, dans sa honte, alors osera-t-il
encore s'enorgueillir, juger témérairement les autres,
être susceptible, nourrir de la haine, être impitoyable?
Osera-t-il àpercevoir la paille dans l'œil d'autrui?
Osera-t··il balayer devant la porte des autres? Osera.. t-il
être le crapaud qui remplit les ~irs de ses bavardages
et de son indignation contre la boue et oublie que
lui-même est assis dans la fange? Osera-t-il dire avec
orgueil, comme le pharisien dans le Temple ,: « Seigneur,
je Vous rends grâce de ce que je ne suis pas un pécheur
comme cet homme qui est à cÔté de moi ». Mes frères,
. représentez-vQ\ls quelqu'un qui est vraiment .bon,
vraiment pur, représentez-vous un saint, est-ce qt."il
pourrait parler ainsi? Les saint~ étaient'" toujours
humbles, ils priaient toujours pour leur prochfün,
DIEU EST MISÉRICORDIEUX "
ils étaient toujours miséricordieux, toujours prêts à
!)ardonner.
« Mais je ne suis pas un saint» direz-vous peut-être?
Sans doute vous n'êtes pas un saint. Malheureusement
nous tous nous ne sommes pas des saints. Mais préci-
sément parce que nous sommes de pauvres hommes,
pécheurs et portés au mal, qui avons sans cesse besoin
de la miséricorde divine, soyons aussi indulgents,
prompts à pardonner à l'égard de notre prochain et
souvenons-nous de ces paroles de l'apôtre saint Jacques :
« Car le jugement sera sans miséricorde pour , celui
qui n'aura pas fait miséricorde» (S. Jacques II, 13).
Mes frères, mes deux dernières instructions ont traité
de la justice et de la miséricorde de Dieu. Il y a des
hommes pou~ qui c'est tout un problème que de
concilier la justice de Dieu avec sa miséricorde. Ils se
cassent la tête sur cette question: Quel estJe plus grand
de ces deux ilttributs divins: la justice ou la miséricorde?
Si nous voulons ponner une réponse précise, nous
ne pouvons que dire: l'un n'est pas plus grand que
l'autre, car Dieu est infini en toutes ses perfections.
Mais si nous pensons à la manière humaine, Mors
nous _pouvons répondre : la miséricorde de Di;.u/,,\est
plus grande qu~ sa justice, tout au moins ellè' nous
paraît être plus grande. En effet, lorsque la justice de
Dieu nous punit, et nous remet sur le bon chemin"
elle n'agit ainsi que pour nous faire profiter de saJ
miséricorde.
268 LE SYMBOLE DES APOTRES DIEU EST MISÉRICORDIEUX

Nous avons du reste un signe infaillible de la ffilse- demeu'rer une seule minute en cet état, je ne pourrais
ri corde divine, le fait que le Fils de Dieu s'est fait homme pas y vivre sans rep.entir, dan~ .l'endurc,issement.
pour que Dieu mantfeste sa miséricorde envers nous. C'est pourquoi, Père, Je me préczptte vers - Vous, Je
.
P Ulsque nOlIS avons souleve'1a questIOn, . ' .efforcons-
.. m'attache à Vous. Aidez-moi à arriver jusqu'à Votre
nous d'en tirer une leçon. La miséricorde de Dieu est cœur -si bon et si miséricordieux, où je réciterai éternel-
plus grande que sa justice (tout au moins à nos yeux); lement cette prière: « ' Béni soit Dieu... le Père des
donc je veux ressembler au Dieu de miséricorde, par misériéordes et le Dieu de toute consolation)) (lIO Corin-
ma èonduite à l'égard de mon prochain: je veux plutôt t\liens I, J). Amen.
être miséricordieux envers lui que dur, lui . pardonner
que le haïr, lui témoigner compréhension et indulgence
que l'offenser. « Bienheureux les miséricordieux, car
ils obtiendront miséricorde » (S. Matthieu V, 7), ces
paroles du Maître retentissent à mes oreilles. « Soyez
miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.
Ne jugez pas et -vous ne serez pas jugés... pardonnez
et l'on vous pardonnera» (S. Luc VI, 36). Si je suis
miséricordieux pour mon prochain, alors, mais alors
seulement j'apercevrai, moi . ~ussi, sur la face bénie
de Dieu, un trait comme il n'yen a pas de plus conso-
lant, de plus réconfortant, de plus exaltant pour
l'homme : je verrai le Diep de la miséricorde.
Il n'y a pas de vie humaine, si mauvaise soit-elle,
sur laquelle ne puisse s'exercer la miséricorde divine,
si l'on retourne à Dieu avec le repentir de ses péchés.
Il n'y a pas de pécheur, si vieux et si endurci soit-il,
qui ne puisse obtenir son pardon, s'il se tourne vers
Lui avec un cœur contrit.
Dieu"de miséricorde, je ne demande qu'une seule
chose. Ne permettez pas que la glace du péché mortel
touche mon âme. Mais si un jour d'une manière quel- ,
conque elle venait à la toucher, je ne voudrais pas

XVII
DIEU EST PATIENT
MES FnÈRES,
\ '
Un poète français (Jean Richepin) a publié un recueil
de poésies rempli des plus affreux blasphèmes. Une de
ces poésies a pour titre : « Prière d'un athée )J. '
Qu'y a-t-il dans cette poésie? Une épouvantable
provocation contre Dieu. Ne soyez pas scandalisés,
si je vous en indique brièvement le contenu.
J'entrai dans une église, c'est le poète qui parle,
et là agenouillé sur la froide pierre, j'adressai à Dieu
cette prière :, « Je te nie et je ne courberai jaIl!ais ma
tête sous ton joug. Mais je veux encore t'adresser une
dernière prière. Me voici à genoux devant toi, dans
ta maison. Regarde-moi et mets 'un ,terme aux luttes
de mon"' âme. Si tu existes véritablement, alors fais
descendre un éclair meurtrier sur ma tête, pour me punir
' dignement de mon -' incroyance. J'attends' désormais
ton feu vengeur, fais-le tomber sur moi. Et si la
foudre tombe sur moi et que mon âme se dispose à
abandonner ce corps mortel, mon dernier soufRe sera
l
DIEU EST PATIENT 27 1
pour crier que tu existes en réalité, et que c'était de
ma part une témérité de te nier. Mais la foudre ne
tombe pas, je me relève bien portant et je quitte ta
maison. En un mot: tu n'existes pas )J.
C'est ainsi que blasphème le malheureux poète et
l;âme du lecteur se soulève et s'écrie avec amertume:
i< Seigneur, pouvez-Vous supporter pareilles paroles?
N'avez-Vous plus de foudre, de main vengeresse pour
réduire ce méchant en poussière? )J
Ainsi se manifeste l'indignation de l'homme.
Que pense DieU: de tout cela?
Qu'est-il advenu du poète après avoir écrit ces vers,
nous ne le savons pas. Que lui est-il arriyé pendant
les années suivantes, nous ne le savons pas.
Si Dieu n'était pas aussi extraordinairement patient,
Il l'aurait certainement foudroyé à l'instant même où
. il écrivait ces vers blasphématoires. Si Dieu n'était pas
si patient, cet homme aurait été depuis longtemps
une proie de l'enfer. Lui et, hélas! beaucoup d'autres
avec lui peut-être ... Si Dieu n'était pas patient.
Mais Dieu est patient, infiniment patient, c'est une
grande consolation pour nous et aussi un sérieux
avertissement.
1. Qu' est~ce que ,la patience divine? et II. Quel aver-
tissement nous donne la patience de Dieu? Telles sont
les deux questions auxquelles je voudrais répondre
dans la présente instruction;
 272 LE SYMBOLE DES APOTRES
:agité , nerveux, impatient celui qui manque de temps?
1
QU'EST-CE QUE LA PATIENCE DIVINE?
Soit que nous lisions les paroles de la Sainte Écriture,
soit que nous considérions la longanimité manifestée
par Dieu dans le gouvernement du monde, nous sommes
étonnés de la merveilleuse patience de Dieu et à
tel point que l'homme dans son impatience, s'en scan-
dalise même bien souvent.
1) De fait, la Sainte Écriture ne cesse pas de pro-
clamer la grandeur de la patience divine.
a) Dans le ' livre de l'Exode Moïse parle ainsi de
Dieu: « Dieu miséricordieux et compatissant, lent à
la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve
sa grâce jusqu'à mille genérations» (Exode XXXIV, 6).
Une autre fois Moïse exprime encore la même pensée :
« Le Seigneur . est lent
, à la colère et riche en bonté,,
Il pardonne l'iniquité et le péché» (Nombres XIV, 18).
Le prophète Isaïe dit de son côté : « Le Seigneur
attend pour vous faire grâce» (Isaïe XXX, 18). Le
prophète Jonas à son tour fait cette prière : « Je sais
que Vous êtes un Dieu miséricordieux et clément,
lent à la colère et riche en grâce» (Jonas IV, 2). Mais
toutes ces ..... paroles sont dépassées par celles de
saint Pierre: « Le Seigneur use de patience envers vous
ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent
à la pénitence» (110 S. Pierre 111,-'9).
Nous les hommes, nous sommes impatients, p~rce
DIEU EST PATIENT 273
que nous avons peu de temps. N'est-il pas inquiet,
Mais Dieu est patient, parce qu'Il est éternel. Pour Lui
une seconde a la même durée qu'un siècle pour nous.
b) Ah! quel bonheur pour nous, quel immense bonheur
que Dieu soit aussi patient envers nous! Que deviendrions-
nous, si Dieu était aussi impatient que nous autres
hommes avons l'habitude de l'être?
Voici une mère de famille en pleurs.
« Mon Père, je ne puis plus endurer ce que mon
grand fils me fait souffrir. Toujours la même comedie.
Des dettes, des créanciers... de belles promesses,
je paie et la semaine suivante recommence la même
histoire. Je n'en puis plus ... mes nerfs sont à bout ».
Certes qui n'aurait pas pitié de cette mère désolée?
Nous savons bien quelle destinée lamentable représente
l'obligation de supporter ' le fardeau de la vie avec
quelqu'un dont il faut endurer les mille imperfections,
changements d'humeur et autres défauts. Mais souve-
nons-nous, mes frères, que Dieu endure bien davantage,
en supportant l'homme. C'est ainsi qu'Il endure notre
inconstance, notre versatilité qui pousse notre âme
çà et là, de seconde en seconde, comme un pendule.
Tantôt nous sommes à Dieu, tantôt au péché; tantôt
nous avons la foi, tantôt nous chancelons dans notre
foi. Tantôt nous prenons notre essor, tantôt nos ailes
retombent tristement. Tantôt nous prions devant le
trône de Dieu, tantôt nous nous· écroulons brisés dans
un sombre'-Îlbîme.
Et alors, après cette chute affreuse, nous sommes
saisis d'une grande amertume: « Non, cela ne pt:uL pas
S yrnb. d. Ap . - T. l 18
 274 LE SYMBOLE DES APOTRES
durer àinsi. Je me lèverai et je retournerai chez mon
Père ». Vous changez de conduite et la semaine suivante
vou~ retombez et vous voilà au même point qu'aupara-
vant. Et l'on recommence et toujours pas de succès.
Pour bien des hOrrimes, . le livre de la vie ne fait que
présenter de nouveaux alinéas, des fragme~ts tragiques
inachevés.
En vérité, la patience divine est aussi grande qu'incom-
préhensible, elle est presque inconcevable.
2) Mais si je pense ainsi de moi-même, je ne me
scandaliserai pas de cette patience divine souvent inco~­
prékensible, au contraire je la bénirai.
Beaucoup en effet s'en scandalisent. Nous aurions
voulu anéantir sur place le poète blasphémateur.
Nous aurions voulu que la terre engloutisse les voleurs
d'églises qui dispersent et foulent aux pieds les Saintes
Espèces. Comme les apôtres, nous sommes bien souvent
indignés contre les Samaritains inhospitaliers : « Sei-
gneur, voulez"'vous que nous commandions que le feu
descende du ciel et les consume? » (S. Lu'c IX, 54).
M ais Notre-Seigneur les rappelle à l'ordre: (\ Vous ne
savez pas de quel esprit vous êtes. Le Fils de l'homme
est venu, non pour 'perdre les âmes, 'mais pour les
sauver» (S. Luc IX, 55-56).
Quel bonheur que bieu ne soit pas aussi impatient
, et ne frappe pas le pécheur à l'instant même où il
commet le péché!
Dieu retarde le châtiment dans l'intérêt du pécheur
et dans l'intérêt de son entourage.
a) Qu'adviendrait-il du monde, si Dieu n'était pas
aussi patient? Le publicain Lévi aurait-il pu devenir
DIEU EST PATIENT 275
un saint Matthieu? La pécheresse aurait-elle pu devenir
une sainte Madeleine? Saul, le persécuteur des
chrétiens, ' serait-il devenu saint Paul? Augustin, le
pécheur, serait-il devenu saint Augustin? Mais à quoi
bon poser tant de questions? Que serait-il advenu de
moi; où serait maintenant ma pauvre âme, si Dieu
n'avait pas étépati'ent envers moi et s'Il m'avait châtié
dès mon premier gros péché?
b) Et savez-vous pourquoi Dieu retarde le châtiment?
C'est non seulement dans l'intérêt du pécheur, mais
c'est aussi pour que la punition du méchant ne frappe
pas également des innocents. Il n'existe pas d'homme
qui vive pour lui tout seul dans le monde; chacun fait
partie d'une famille, d'une société. Bons et méchants
vivent dans la même chambre, purs et impurs dans la
même famille; si le Seigneur punissait imqlédiatemeilt
le méchant, il frapperait aussi l'innocent. Il attend donc
jusqu'à la moisson, jusqu'au Jugement. Il préfère dire:
« Laissez croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson, et
au temps de la moisson je ' dirai aux moissonneurs :
Cueillez .d'abord l'ivraie, et liez-hi en gerbes pour la
brûler, et amassez le froment dans mon grenier )\
(S. Matthieu XIII, 30).
Comme elle est grande, presque incompréhensi-
blement grande, la patience de Dieu!
 LE SYMBOLE DES APOTRES DIEU EST PATIENT 277
déchirant jusqu'au sang, mais avec patience et persé-
vérance. Les tentations ne me laissent pas de repos? ..
11 le péché ne cesse de m'épier? tant de choses m'irritent ...
qu'importe, je ne me laisserai pas déconcerter, les
()UELS DEVOTRSNOUS TMPOSE LA PATTENCE DIVTNE? vagues -.{le pé~étreront pas ' dans les profondeurs de
mon âme : je serai patient envers moi-même. '
Ma foi était ferme et un jour, je ne sais pas comment,
Si Dieu montre autant de patience à l'égard de ilOS
je suis assailli de doutes angoissants, mon âme a le
, chutes perpétuelles et de nos imperfections, il nous
sentiment d'être abandonnée. Ma vie morale est pure
faut en déduire deux importantes conséquences.
et un jour surgissent devant moi, je ne sais comment,
Deux leçons qui sont pour nous un grave avertissement.
de~ ima.ges légères. Que vais-je devenir? Mais si je
1) De la longanimité divine découle nécessairement
SUlS patlent envers moi-même, je continuerai"à' réciter
pour nous cette exhortation : Dieu est patient, donc il
tranquillement le symbole des apôtres, au milieu de
faut que je le sois aussi.
ces pensées impies et je détournerai de ces pensées
Il faut que je sois patient a) env~rs moi-même;
légères mon intelligence vers d'autres objets. Mais si
b) envers, mon prochain et c) pour ma propre vie.
je n'ai pas de patience? Alors je sauterai, je tressail-
a) :Ëtre patient envers nous-m€mes. Vous ne pouvez
lirai, je me rongerai, je me torturerai moi-même, et
pas vous imaginer combien l'homme est impatient
mon état d'âme sera encore plus insupportable. Patience
envers lui-même. Pourquoi sommes-nous sur la terre?
envers nous-mêmes.
Quelle est notre tâche en cette vie? Utiliser les mille
Patience envers nous-mêmes, surtout dans la maladie.
événements de la vie en vue de l'éternité, devenir de
Je sais qu'il est facile de dire et difficile de faire, pourtant
#u! ç' plus semblable à Dieu. Je Lui ressemblerai,
il faut bien nous y mettr~. Comme la patience nous
si je considère les possibilités qui me sont offertes par
échappe aisément dans les maladies 1 Cependant
la vie, mon ento~rage, mon épou;>e, mon époux, mes
l'impatience n'a jamais guéri , personne. La patience
enfants, mes connaissances, mon devoir d'ét~t, mes
en à guéri. Elle procure à l'âme calme, consolation et
luttes, mes difficultés, si je considère tout cela comme
joie et par là elle dispose le corps à retrouver la santé.
une matière qui m'a été donnée par Dieu pour en tirer,
U ne âme paisible, calme, gaie a plus vitè rais~n de la
par une longue et grande patience, le chef-d'œuvre de
maladie que celle d'un malade aigri, de mauvaise humeur,
ma vie. Contre tout ce qui pourrait m'en détourner,
mécontent de Dieu et de son entourage. Voyez seule-
contre tout ce qui me pousse au péché, contre tout ce
ment comm~ un grand malade se sént ,tout d'un coup
qui est sans valeur, j'ai le devoir de combattre. Non pa~
soulagé et plus calme, lorsqu'il a reçu les sacrements'
avec rage, non pas avec amertume, non pas en me
 LE SYMBOLE DES APOTRES
de Pénitence, d'Eucharistie et d'Extrême-Onction et
, que son âme a retrouvé la paix.
b) Ensuite patience à l'égard de notré prochain.
Hélas,! l'homme d'aUjourd'hui ne yeut pas le com-
prendre. « La patience c'est de la lâcheté 1) dit-il.
(( La patience c'est de la faiblesse ' Il. Pourtant c'est
précisément le contraire qui est vrai. L'homme qui
sait être patient à l'égard de son insulteur est plus
fort que lui. L'épouse qui sait se montrer patiente
en 'face des mille caprices de son mari est plus forte
que lui et ne peut pas être tout à fait malheureuse.
Les parents qui savent rester patients devant les nom- .
breuses incartades de leur grand fils ne se laisseront
pas dominer par la nervosité. N'est-il pas actuellement
nécessaire de conseiller la patience à l'homme nerveux
et fébrile? La patience au patron à l'égard 'de ses
ouvriers. La patience aux voyageurs qui prennent le
tramway. La patience au sous-officier pour ses jeunes
recrues. La patience aux instituteurs et aux professeurs.
La patience aux époux facilement irritables. La patience
aux parents aisément énervés. La patience à ceux qui
sont toujours prêts à se fâcher, à juger et à critiquer.
« Ne jugez de rien avant le temps jusqu'à ce que vienne
le Seigneur: Il mettra en lumière ce qui est caché dans .
les ténèbres et manifestera les desseins des cœurs Il
(le Corinthiens IV, 5).
c) Enfin patience non seulement à l'égard du prochain
mais aussi en face des viciss~tudes de l'existence. De la
patience à notre époque de records, de vitesse et
d'exploits sportifs? Celui qui sème le matin ne récoltera
pourtant pas le soir. Celui qui se dispose en ce moment
DIEU EST PATIENT Z79
à gravir la montagne n'atteindra pas d'une seule traite
le sommet. Donc patience en face des difficultés de
la vie. ,
Après une longue et 'pénible ascension, le touriste
arrive à la cime de la montagne et là, à une hauteur
vertigineuse, au spectacle de la magnifique nature de
Dieu , son âme est inondée d'une joie telle qu'il n'en .
a encore jamais ressentie. Maintenant il ne se souvient
plus du chemin pénible qu'il a parcouru. Il ne p~nse
plus qu'à toutes les beautés qui s'étendent à ses. pieds;
les ravissantes forêts, les gorges, les rochers, les rUisseaux
ont été de rudes obstacles sur sa route, qu'il lui a
fallu franchir au prix d'unf! grande patience. De tout
cela il ne sent plus rien actuellement. Tout se fond
devant ses yeux en un tableau d'une beauté merveilleuse.
, Tout comme si nous étions sur les hauteurs de la
vie éternelle, ' contemplons notre existence terrestre.
Avec quelle joie nous verrons qu'au milieu d~s amer-
tumes des obstacles et des insuccès de la Vie, notre:
fidélité envers Dieu et notre patience ont réellement
« produit des roses Il : les roses de la couronne inflé-
tris sable de la vie éternelle!
Dieu est patient; moi aussi je serai patient.
2) Mais toujours à propos de la longanimité divine,
il nous faut prendre en considération une autre consé,·
quenc,e fort ,importante. Dieu est pat~ent, c'est. vrai;
mais prenons garde d'abuser de la patœnce de Dzeu. .
Car beaucoup en abusent.
. Que de fois la longanimité divine à l'égard des
- pécheurs nous paraît vraiment ~ncompréhen~ible ~
Que de fois sa puissance, sa justice et sa samtete
 280 LE SYMBOLE DES APOTRES
pâlissent à cause d'elle devant nous! Mais comme il
est terrible le sort de ceux qui abusent de la patience
divine et osent en prendre prétexte pour continuer leur
vie de péché! La Sainte Écriture donne . cet avertis-
sement : « Ne dis pas: La miséricorde de Dieu est
grande, Il pardonnera la multitude de mes péchés;
... ne tarde pas à te convertir au Seigneur, et ne diffère
pas <Je jour en jO,u r )) (Ecclésiastique V, 6-7).
a) Parfois déjà dans "la vie terrestre, on aperçoit des
signes impressionnants du châtiment des pécheurs qui·
abusent dé la patience de Dieu. Dieu en effet n'est pas
seulement patient et miséricordieux. Il est également'
juste et "histoire est remplie de faits qui montrent que
1 la justice atteint déjà te coupable en ce monde. On
pourrait mettre en exergue à l'histoire universelle ces
paroJes ' : -«Les moulins de Dieu moulent lentement,
mais sûrement )). ' . 11 rend justice à toùs. Dieu est patient, .parce qu'il
~e meurtrier Hérode a pu se baigner à sa guise dans -
le sang pendant des années, .mais finalement il fut
atteint d'une maladie tellement affreuse que l'on n'en
connaît guère de cas dans le monde.
-Un des ennemis les plus acharnés du· christianisme,
Voltaire, . écrivait le 25 février 1758 à son ami
d'Alembert : « Encore vingt ans et l'Infâme aura beau
je~ )). Et exactement vingt ans plus tard le même jour,
le 25 février 1778, -le médecin déclarait à Voltaire
gravement malade, quèson état étah'" désespéré. Et
Voltaire demanda qu'on allât chercher un Pliêtre.
Mais son entourage impie ne le permit pas. Et Voltaire
suppliait désespérément qu'on lui amenât un con-
fe~seur, mais en vain. Un cri épouvantable et il mourait.,
DIEU EST PATlENT
Après vingt ans, il avait eu beau jeu.. . maIs qui?
Le bon Dieu? -
Et Chaumette, un des membres les plus fanatiques
de la Commune de Paris, pendant la Révolution fran-
çaise. Il avait, au cours de la fête de {( la déesse Raison ))
proféré ce blasphème: « Dieu, prouve que tu existes,
en envoyant la foudre sur ma, tête )). La foudre
ne tomba pas,mais quelques jours après (le 24 mars 1794)
sa tête tombait sur l'échafaud. ,
Et Napoléon qui s'efforça pendant dix ans de « broyer ))
l'Église de Dieu et finalement c'est lui qui fut broyé
dans le moulin de Dieu à Sainte-Hélène.
Et Nietzsche qui s'écrie: {( Le vieux Dieu est mort,
nous l'avons tué )), et Nietzsche a terminé sa vie dans
la folie!
Oui, Dieu est patient. mais Il est juste et finalement
ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se con~er.,
tüse et qu'il vive (Ézéchiel XVIII, Il). Il est patient
(s'Il ne l'était pas, que serions-nous devenus?) mais
finalement Il règle les comptes. Dieu ne les règle pas
tous les jours, mais Il les tient très exactement et un
jour Il règle tout. '
Tout pour tous.
b) Et ce Dieu qui règle les comptes dans l'autre monde
est la réponse exacte et complète au problème soulevé
au début de ce sermon. Pourquoi Dieu se tait-Il ainsi,
alors q~e l'homme attend qu'il réduise les pécheurs
en poussière?
Jusqu'à présent je vous ai donné plùsieurs réponses,
mais aucune n'était définitive. C'est déjà une réponse
 , LE SYMBOLE DES APOTRES
de dire que Dieu a le temps d'attendre. C'en est une
aussi de dire que Dieu est miséricordieux et veut donner
le temps de se repentir. Qu'il ne veut pas punir les
innocents avec les coupables. Qu'Il ne fai,t pas violence
à la volonté libre ~e l'homme, qu'~l estime trop pour
cela la nature humaine. Oui, tout cela est déjà un~
explication, mais pas complète. Je ne conçois pas encore
tout à fait la longanimité de Dieu. Je ne la comprendrai
que le jour où le Seigneur élèvera la voix et dira le dernier
mot. Quand? Lorsque après notre mort nous serons
devant Lui et que , le Seigneur prendra la parole :
ce ne sera plus le Dieu patient, mais le Dieu juste qui
, dira: Écoute maintenant la sentence méritée par ta vie.
Attendez, attendez, hommes impatients. Attendez.
Le dernier mot n'appartient qu'à Dieu. Noé a mis
presque cent, ans à construire l'arche et à prêcher la
pénitence. Jérémie a annoncé pendant des années la
ruine du royaume de Juda, avant qu'elle n'arrivât.
Dans la parabole de Notre-Seigneur, le propriétaire
du figuier stérile attend plusieurs années avant de
l'arracher. Per:sonne ne peut dire quand arrivera le
jour du règlement de comptes et quand le Seigneur aura
dit son dernier mot, que le jugement de Dieu est
injuste ·pour lui.
e) Et voilà que luit devant nos yeux ce décisif aver-
tissement : Quelle folz"e et quelle témérité de la part de
cel,.. qui abusent de la paûence de Dieu et remettent leur
conversion à lardernière minute!
« Dieu cert~it1ement me pardonnera: c'est son rôle»
disait en plaisantant l€ poète allemand Henri Heine:
Les hommes n'02cnt p as répéter ce blasphème, mais
DIEU EST PATIENT
beaucoup vivent comme s'ils partageaient cette idée.
Parce que Dieu est patient, ils abusent de sa patience,
jusqu'à ce que la mort arrive un jour à l'improviste,
les surprenne dans l'ivresse du péché et les jette dans
les bras du divin Juge.
Oui, Dieu est patient, mais quel sort épouvantable
pour eeux qui abusent de sa patience! '
Qui abuse de sa patience? Celui qui compte sur la
dernière minute pour réparer toute une vie gâchée.
Qui peut garantir que cette dernière heure ne vous
surprendra pas à l'improviste? Qui peut vous assurer
que vous aurez le temps pour tout réparer? Qu'il y
aura quelqu'un pour aller chercher un confesseur?
Et que votre repentir sera une véritable et profonde
contrition.
« Il faut jouir de la vie tant qu'on est jeune» telle est
la funeste maxime que l'on entend sur bien des lèvres.
« Je profite de l'existence, tant que je suis en ce monde.
Quand je' serai un vieillard de quatre-vingt-dix ans à
barbe blanche, alors j'aurai bien le temps de m'adonner
à la piété. L'essentiel est que je me confesse avant de
mourir. L'Église nous enseigne en effet que même
celui qui a mené une vie de péchés, peut être sauvé,
s'il fait pénitence, avant de mourir ». -',
Comment? C'est cela que nous enseigne l'Église?
En vérité,mes frères, elle l'enseigne. EUe enseigne
que Dieu est tellement miséricordieux, si extraordi-
nairement miséricordieux qu'Il pardonne encore à celui
qui au dernier instant, ' se tourne vers Lui; l'âme
repentante, tout commr:: le Christ a pardonné au bon
Larron converti à la fin d'une vie de péchés • .
 LE SYMBOLE DES APOTRES
Oui. le bon Dieu est si miséricordieux. Mais quelle
fulie de s'autoriser de cet enseignement pour continuer à
vivre dans le péché!
Oui, après ~voir vécu dans le péché, vous serez 'sauvé,
si au ,.dernier moment vous pouvez vous repentir,
Si vous pouvez faire pénitence ... Si vous pouvez encore.
Mais c'est presque une impossibilité psychologique.
Dans ma dernière instruction, j'ai rassuré ceux qui
disent avec anxiété: « Si j'ai passé toute ma vie dans
le bien et l'honnêteté et qu'à la dernière minute je
commette par hasard un péché mortel, alors je serai
damné ... quel cruel' enseignement 1 » Ceux-là je les ai
tranquillisés : Si vous avez été toute votre vie fidèles
à Dieu, c'est presque une impossibilité psychologique
qu'au dernier instant vous tombiez dans le péché grave
et soyez damnés. Mais dans le sermon d'aujourd'hui
je suis obligé d'ajouter; C'est vrai, Dieu pardonne
dans sa miséricorde, . même au dernier moment, au
pécheur repentant, mais si quelqù'un toute sa vie a .bu
le péché, a avalé le péché, s'est complu dans le péché,
et s'est pour ainsi dire identifié avec le péché, il est
pre~que impossible psychologiquement que , cet homme,
à ses derniers instants, dans les douleurs de la maladie
et les affres de l'agonie, soit capable d'exciter en
lui-même une véritable contrition. Mes frères, je suis
prêtre depuis vingt ans, j'ai été quinze mois au front,
en' Serbie, dans les Carpathes, en Galicie, en,.,Russie,
j'ai assisté~ une foule de mourants et je tremble de
toute mon âme, quand je pense au sort éternel de
ceux qui veulent se convertir seulement à la dernière
minute.
DIEU EST PATIENT 28 5
Ah! puisson~-no~s ne jamais abuser de la patience
de Dieu qui attend notre conversion! Puissions-nous
ne jamais oublier cet avertissement ~e sai~~ P~ul :
« Méprises-tu les richesses de sa bonte, de sa patience
et de sa longanimité? et ne sais-tu pas que la bonté de
Dieu t'invite à la pénitence? Par ton endurcissement et
ton cœur impénitent tu ,t'amasses un trésor de colère
I~ our le jour de la colère et de la manifestation du juste
jugement de Dieu)) (Romains II, 4)·
01«
0); ..
Mes frères, Notre-Seigneur Jésus·Christ a parlé,
clans une parabole saisissante, de la ,longanimité de
Dieu et aussi de ses limites.
Un homme avait planté un figuier dans sil vigne,
raconte le divin Maître (S. Luc XIII), et étant venu
chercher des fruits il n'en trouva pas. « I~ dit donc au
jardinier: Voilà déjà trois ans que je viens chercher
les fruits de ce figuier et je n'en trouve pas; coupez-le;
pourquoi rend-il la terre improductive? !> Le jardi~ier
répondit ; « Seigneur, laissez-le encore cette annee ...
peut-être donnera-t-il des fruits; sinon vous le ferez
coupe~i'année prochaine ».
Le propriétaire du figuier accorda encore à ~'arbre
ùne année de délai après avoir déjà attendu troIs ans.
Le Seigneur attend peut-être depuis des .dizaines
d'années avec patience que vous portiez des fruits,
mais sa patience durera-t-elle encor\! un an, personne
ne le sait. Elle dure encore actuellement. Et quel que
 DIEU EST PATIENT
LE SYMBOLE DES APOTRES

Que ' ma dernière prière ici-bas s'adresse à Jésus

soit le passé qui est derrière vous, il n'est pas encore trop
crucifié: Seigneur, je me suis efforcé pendant ma vie
tard pour vous convertir. En cette vie terrestre il nous
tenestre d' être ce que Vous vou?iez d'après vos éternels
faut dire bien souvent : M aintenant tout est inutile
maintenant ciest trop tard; 'mais le Dieu des miséricorde~ desseins ... et maintenant je me présente en p azx devant
a eX~lUcé la supplication de repentir du malfaiteur Votre f'ace auguste et miséricordieuse. Amen.
crucifié avec Lui, donc il n'est pas trop tard pour nous
convertir en vue de la vie éternelle, même lorsque notre
tête a blanchi.
Mes frères, que la conversion du bon Larron nous
console, mais qu'elle ne nous rende pas présomptueux 1
La Sainte Écriture parle d'un méchant converti au
dernier moment, afin que personne ne tombe dans le
,désespoir; mais elle ne parle que d'un seul, pour que
personne ne se montre présomptueux.
Ce serait jouer avec le hasard de la vie éternelle, si
l'on comptait uniquement sur sa dernière heure. Si
1'9n ne passait pas chaque journée, comme si elle devait
êtrè la dernière, si chaque soir nous ne déposions pas
notre tête dans les mains de notre Père du ciel si
miséricordieux, comme s'il ne devait plus y aVOIr de
réveil pour nous.
Ce serait de la présomption.
Or ce n'est pas de la présomption, mais une sainte , '
habitude chrétienne de demander chaque jour dans
nos prières la grâce d'une bonne mort. Prions pour
que Dieu ne nous laisse pas mourir en état de péché
mortel, pour -qu'à notre dernière heure Il amène près
de notre lit de mort un bon et saint prêtre qui porte
dans sa poitrine le Cœur aimant du Christ, qui dépose
sur nos lèvres le Corps sacré du Sauveu,r et dirige notre
dernier regard sur la croix, sur Jésus crucifié.
 1 DIEU EST IMMUABLE
XVIII
DIEU EST IMMUABLE
MF.sFRÈRES,
U ne scène magnifique de l'Ancien Testament èst
celle où Moïse gravit lè Mont Sinaï pour y recevoir
les deux Tables des commandements écrits par Dieu.
Au pied de la montagne, les milliers de tentes du
peuple juif. Moïse est invisible en haut de la montagne.
Mais lorsque le Seigneur apparaît au milieu des nuées
et remet à Moïse les commandements, la montagne est
enveloppée d'un nuage de fumée et « la gloire du
Seigneur apparut aux enfants d'Israël comme un feu
dévorant au sommet de la montagne» (Exode XXIV, 17).
Des peintres célèbres ont perpétué sur la toile cette
scène grandiose ": le tableau majestueux de Dieu au
milieu de la foudre et du tonnerre.
Comment? demande l'homme d'aujourd'hui. Est-ce
que Dieu peut se mettre en colère? Les yeux de Dieu
peuvent-ils lancer des éclairs? La main de Dieu peut..
elle exterminer? N'est-ce pas là des façons de parler
trop humaines? Tantôt nous disons « Dieu est en
colère »,puis « Il est apaisé ». « ~e péché lui fait de la
peine » et « Il se réjouit de ceux qui se convertissént ~).
Un jour « Dieu se tourne vers 'nous »; une autre fOlS
« Il se détourne de nous » et ainsi de suite. Alors Dieu
est changeant? Mais c'est, une absurdité d~ penser
ainsi de Dieu, me répondrez-vous.
Et vous aurez raison.
En effet Dieu n'est pas un homme, .tantôt de bonne
tantôt de mauvaise humeur. Dieu n'est pa!) un homme
qui un jour « se lève du pied gauche » et une autre fo~s
est transporté de joie. Dieu n'est pas un homme qUI,
suivant ses caprices, est tantôt sévère .tantôt indulgent.
Non Dieu n'est pas capricieux, Il n"est pas l'esclave
de ses impressions. Il est toujours le même, Il est
immuable.
Mais si Dieu est immuable, nous parlons cependant
des changements d'humeur de Dieu; nous disons que
Dieu se réjouit de la bonté des hommes, qu'Il
s'affiige de leur méchanceté; qu'II est irrité contre le
pécheur mais qu'Il pardonne à celui qui fait pénit:nce;
qu'Il exauce la prière du juste, mais détourne son vIsage
du méchant. Nous parlons à bon droit de tout cela;
néanmoins Dieu est immuable.
Comment est-ce possible? Je voudrais consacrer à
cette étude le sermon d'aujourd'hui. Je voudrais
montrer en premier lieu que Dieu est véritablement
immuable,' ensuite je voudrais exposer que , nous
avons le droit de parler de Dieu « qui se fâche » ou
« pardonne » c'est-à-dire: Existe-t-il en Dieu diversité
de sentiments et de passions?
Symb. d. Ap. - T. l 19
 LE SYMBOLE DES APOTRES
l tirer des plans, car en Lui il n'y a ni avenir ni passé,
DIEU EST IMMUABLE.
1. De tous les attributs divins ['immutabilité est le moins
compréhensible. Nous ne comprenons pas bien que Dieu
soit « éternel )J, mais notre raison exige du moins qu'il
en soit réellement ainsi; Dieu nfl peut pas avdir de
commencement. Si nous, ne saisissons pas bien la
« toute~puissance )J et l' « ubiquité )J de Dieu, nous
comprenons pourtant qu'il faut qu'Il en soit ainsi.
Mais l' « immutabilité )J divine est tellement contraire
à notre essence, à la personnalité humaine, que nous
n'arrivons pas à nous la représenter.
Qu'est~ce donc que l'homme? Un , perpétuel chan~
gement : il naît, grandit et meurt. 'Au bout d'une
minute je ne suis plus ce que j'étais auparavant;
aujourd'hui je ne pense plus à ce à quoi je pensais
hier : je suis un changement perpétuel, une velléité,
un essai, un caprice. Mais ce n'est pas' moi seul qui
suis emporté dans ce mouvement perpétuel, ce sont
aussi tous ceux qui m'entourent. Je me rends dans ma
ville natale où j'ai passé mes années d'enfance où je
,connaissais tout le monde, toutes les maisons, toutes les
rues et '-maintenant? maintenant la même ville me
semble étrangère et une foule de gens inconnus passent
devant moi. Je change, le ~ond~ change autour de
moi, tout change, seul Dieu e~t immuable. Dieu ne
change j>GS, car Il est éternel et infittiment parfait. Il n'est
DIEU EST IMMUABLE
pas obligé de penser anxieusement à' son avenir et de
mais seulement un étçrnel présent.
Nous le disons, nous le croyons, le comprenons~noUfl:
aussi? Pas du tout. Tout ce que je dis de l'immutabilité
divine, n'est qu'un balbutiement, un symbole. Alors,
nous n'en parlerons pas? Mais si. Car si je puis seule-
ment en parler symboliquement, je donnerai par L~
un inagnifique essor aux ailes de mon âme.
Dieu est immuable, je, ne comprends pas. Alors j' e~
cherche des figures dans le monde créé. Il y a def;
montagnes gigantesques que l'on a coutume d'appek,,:
( montagnes éternelles)J; il y a l'océan « la mer
éternelle )J. Je suis debo '-Jt au sommet des montagnes
couvertes de neige et je sens passer le souffle de
l'éternité : des villes surgissent et disparaissent, des
peuples arrivent et s'en vont, mais la montagne demeure
dans son austère grandeur. Je suis sur le rivage de la
mer infinie et immobile : l'immutabilité divine lui
ressemble~t~elle peut~être? Pas , du tout. Pas du tout,
Tout change, la montagne et la mer changent. Les
montagnes s'usent, les forêts vierges disparaissent et
jadis les flots de l' océan déferlaient sur la grande
plaine hongroise. Dans le monde rien ne dure, tout
commerice et finit, tout pousse et se flétrit, tout naît et
meurt, tout'-grandit et vieillit, le seul point fixe de
l'ùnivers c'est' Dieu l'immuable. '
2) M~is comment savons-nous que Dieu est immuable?
, Nous le savons, parce qu'au milieu des mugissements
tumultueux du flot rapide et incessant du monde 1
ietentitl~ parole divine : « Je suis le Seigneur et je
 LE SYMBOLE PES APOTRES
ne change pas » (Malachie HI, 6), retentit la parolé de
l'apôtre saint Paul reprenant celle du psalmiste :
« C'est Vous, Seigneur, qui au commencement avez
fondé la terre; et les cieux sont l'œuvre de Vos mains;
ils périront, mais Vous demeurerez; ils vieilliront tous
comme un vêtement; comme un manteau Vous les
roulerez et ils seront changés; mais Vous, Vous restez
le même et Vos années ne s'épuiseront pas» (Hébreux l,
10-12), retentit la parole de l'apôtre saint Jacques disant
qu'en Dieu « n'existe atlcune vicissitude ni ombre de
changement » (S. Jacques l, 17) . .
Il ne peut y en avoir. Car Dieu possède toujours la .
plénitude de l'être, Il né peut donc devenir ni plus sage
ni meilleur ni plus saint ni plus puissant, parce qujIl
possède toutes ces qualités éminemment depuis toujours.
La Sainte 'Écriture dit de son action et de sa volonté
qu'elles demeureront éternellement. Notre-Seigneur
parle de mêm~ : « Le ciel et la terre passeront, mais
mes paroles ne passeront pas ».
Lorsque le voyageur parcourt les tombeaux et les
couloirs du Panthéon à Paris, le guide s'arrête à une
certaine place et dit en montrant un point : « Sur ce
point repose le poids immense de ce gigantesque
édifice )). Eh bien 1 l'unique point d'appui de l'univers,
c'est Dieu, l'immuable.
Comme elle est encourageante pour moi cette pensée:
Dieu est immuable 1 Avec quelle assurance je puis me
confier en Dieu qui ne change ,pas. En Dieu qui n'a
pas de caprices, qui ne se laisse pas guider par les
dispositions ' et les impressions du moment. Quel
puissant réconfort pour notre faible volonté que de
PIEÙ EST IMMU ABLE 293
trouver au milieu de l'inconstance de notre nature et
des vicissitudes de la vie une île qui domine les flots
écumants des luttes de partis, des passions et des haines 1
Et cette île;\'est l'immutabilité divine.
II '
y A-T-IL DES PASSIONS EN DIEu?
Cependant l'immutabilité de Dieu soulève en noùs
toute une série de questions et d'objections délicates
auxquelles je vals consacrer la seconde partie de cette
instruction. Si Dieu est réellement toujours le même,
s'Il est toujours identique à Lui-même, s'il est toujours
immuable, alors à quel titre attendons-nous qu'Il exauce
nos prières, c'est-à-dire modifie son plan primitif?
Ensuite, de quel droit parlons-nous de passions en Dieu,
de Dieu qui s'afflige de nos péchés, de Dieu irrité
contre le pécheur et de Dieu se réjouissant de sa con-
version? oui, voilà des questions qu'il nous faut
examiner en toute franchise. '
1) La première objection est donc celle-ci : Si Dieu
est vraiment immuable, alors pourquoi prions-nous,
pourquoi L'implorons-nous? Si Dieu ne change pas de
volonté ni d'idée, si Dieu est toujours conséquent avec
Lui-même et ,toujours le même dans ses desseins et
'dans ses voies, alors la masse de prières, de sacrifices,
de mortifications, etc., avec lesquels l'homme se tourne
vers Dieu et par lesquels il s'efforce de modifier la
 LE SYMBOLE DES APOTRES
294
volonté primitive et la pensée de Dieu a-t-elle ' une
signifi ~ation? Bref, si Dieu est immuable, la jJriùe se
comprend-elle?
Chaque jour des mil1io~s et des millions de prières
montent vers Dieu; alors Dieu change-t-Il chaque jour
ses intentions, ses plans et la marche du monde?
nn~en est nullement question, mes frères. Seulement
tout cela nous apparaît à nous qui sommes enfermés
dans le cadre étroit de la pensée humaine comme un
probl( m e très difficile. Si toutefois nous réfléchissons
que Dieu n'est pas seulement immuable, mais aussi qu'Il
sait tout, la question est immédiatement résolue.
Seulement nous ne devons pas envisager la chose d'une
manière enfan~ine, alors la difficulté se dissipera sur- ,
le-champ.
On n'a pas le droit de penser que Dieu est pour
ainsi dire tiré à droite et à gauche par nos prières et que
nous changeons ses intentions. Dieu':'sait tout, Il sait
donc d'avance ce dont nous avons be;üin, Dieu le sait,
avant. même que nous ayons formulé nos prières.
Dieu qui sait tout, a vu d'avance ce que moi, petit
enfant, je Lui demanderai dans le calme d'une prière
du soir, à tel jour et à tel endroit, à l'église ou à la
maison; et dès lors Il a fait une place dans le cours de
ma vie pour la réalisation et l'accomplissement de ma
prière. S'Il a donc toujours su ce que je Lui demande
actuellement et s'il a ainsi réglé d' œoance le plan de mon
existence, en vérité Il n'a pas changé, bien que, pour
employer une expre~~ion humaine, nou~, disions, :
« Maintenant Dieu a exaucé ma prière )l. Pour moi,
c'est comme si j'étais exaucé « maintenant )l, c'est-à-dire
DIEU EST IMMUABLE 295
comme si j'avais fait modifier les pensées et les plans
divins; en réalité Dieu savait à l'avance ce que j4: Lui
demanderais pendant ma vie et Il a disposé d'avance
en conséquence le cours de mon existence.
Dieu ne se décide pas et n'agit pas, comme font les
homme~, Dieu voit tout, d'un· seul regard Il voit tous
les événements du monde; Il règle tout par une seule
décision et fait régner une harmonie parfaite entre le
but et les moyens, entre chaque être et chaque événe-
ment. Aucun épisode ne peut prendre place dans
l'histoire universelle, aucune prière ne peut sortir des
lèvres humaines, sans que Dieu ne les ait prévus, sans
qu'Il n'ait organisé d'avance en conséquencç la marche
du monde, dès le premier instant de la création.
Dieu a tout prévu, tous les beSOIns de l'humanité,
toutes ses demandes, Il n'a donc pas besoin d'améliorer
ou de modifier la marche du monde.
Nous pouvons donc continuer tranquillement d'adres-
ser à Dieu nos prières, nos demandes et 'nos ~uppli­
cations. Comme il est plus chrétien, plus ap;:lisant,
plus humain de nous tourner vers Dieu en chaque
circonstance que de nous livrer à une fureur fataliste
dans le malheur ou d'attendre cyniquement notre ruine!
Un voilier, ayant quitté le Brésil pour se diriger
, vers l'Espagne, fut assailli en cours de route par une
si violente tempête qu'à chaque instant il menaçait
de sombrer. Sur le navire se trouvaient quelques
religieux qui ~e mirent à prier; il y avait .~galemen:
quelques incroyants qui se moquèrent de ceux ql~l
priaient; le vaisseau transportait aussi des oiseaux , qUi,
au milieu de la tempête, sifflaient et chantaient gaiement.
 LE SYMBOLE DES APOTRES
Vous l~ ,:oyez, le ~ême événement prodaisait trois
effets differents. Les OIseaux chantaient dans le malheur
parce qU'!ls ne possèdent pas la raison; les incroyant~
se ~?qu~~e~t,. parcé' qu'ils n'avaient pas la foi; mais les
chret~ens pnaIf(nt, parce qu'ils avaient l'intelligence et
la. fOl. S~n~ doute ils croyaient en l'immutabilité de
1 DieU, maIS ds savaient aussi qu'II 'avait prévu la valeur
de leur prière dans le Cours de leur vie.
2) Ce~te i.dée nqus amène à donner une réponse à une
a~tr~obJectlOn. Je veux parler de la difficulté suivante:
S~ DIeu ne change jamais, comment alors pouvons-nous
~ll:e que ~antôt II « est irrité » contre moi, parce que
J al commIS ~~ gros péché, tantôt II me pardonne mes
fa~tes et « m aIme» de nouveau, si je vais me confesser?
,Hier Il était irrité contre moi auiourd' hui Il ,.
ï r . ' :J m atme,
t J~ut donc .que Dieu change, il faut donc qu'il y ait en
Lut des sentzments changeants et variés.
M Jis celui qui pense ainsi raisonne avec une intelli-
gence humaine très bornée. Car la réalité n'est autre
chose q~e ceci: Si je dis que Dieu est irrité contre moi
et enSUIte qu'II m'aime, Dieu néanmoins n'a pa~
~hang~ . . II n'~ pas .chan~é? Comment? Qui donc a
cIl::nge? ~m. MOI qUI hier aimais le péché et
au!our~'hUI m'en repens et bien que ce soit le même
DI.eu I~m~able qui me regardait hier et me regarde
au~ourd, hu~, le résultat de son regard sera différent
aUJo~rd hUI, parce que c'est moi qui ai changé.
~amL,Augustin disait déjà : « La même lumière
fatlgue un œil faible et réjouit l'œil bien portant »
(Serm. XXII, 6); ce n'est donc pas la lumière qui a
changé, mais l'œil.
DIEU EST IMMUAIlLE 297
Si je sors au soleil, j'ai chaud; si je me mets à l'abri
du soleil, j'ai froid; deux effets opposés du même
soleil, mais le soleil a-t-il changé?
Si les rayons du soleil frappent sur de la cire, celle-ci
devient molle; s'ils frappent un objet mou, celui-ci
devient dur; deux effets opposés du même soleil,
mais le soleil a-t-il changé?
Si je verse de l'huile sur le f~u, le feu devient plus
grand; sij'en verse sur de l'eau écumante, l'écurn,e cesse:
est-ce l'huile qui a changé?
C'est ainsi qu'il faut penser de Dieu.
Dieu demeure toujours le même, alors même que
je suis mauvais, mais son regard devient pour moi un
regard de colère'. Lorsque je me repens de mon péché,
son regard devient un regard de pardon. Tout comme
les mêmes rayons de soleil ont un effet destructeur,
quand ils agissent sur des moisissures ou des microbes,
ou au contraire ont un effet vivifiant, quand ils agissent
sur les boutons dont les feuilles vont former la rose
odoriférante, de même le Dieu qui ne change pas me
regarde, que mon âme soit couverte de moisissures ou
semblable à un bouton qui s'ouvre, mais dans le premier
cas je dis qu'Il est « irrité» contre moi, c'est-à-dire
qu'Il ne peut réveiller la vie au dedans de moi, dans
l'autre, cas qu'Il « m'aime» 'et « est content» de moi,
c'est-à-dire qu'Il peut agir en moi.
DonG. que je sois bon ou mauvais, Dieu immuable
ne cha~ge pas, c'est seulement en moi que change l'action
divine. Nous disons aussi du soleil, aujourd'hui il brille,
u~e autre fois il ne brille pas; pourtant en réalité le
soleil brille toujours, seulement les nuages empêchent
/

LE SYMBOLE DES APOTRES
fréquemment ses rayons de parvenir jusqu'à nous.
L'amour _de Dieu luit toujours, il luirait pareillement
pour tou~ les hommes, mais si le nuage du 'péché
deocend sur l'âme, alors l'amour de Dieu ne peut plus
aller jusqu'à eux : par suite l'âme se refroidit, s'assom-
brit, s'obscurcit, perd la paix et nous disons que
« D ieu est irrité contre nous ». Pourtant Il ne l'est ·pas.
Dieu immuable ne change pas à chaque minute. Il est
le soleil qui brille avec une bonté céleste et un amour
incessa~t. Ce n'est pas Dieu qui change, mais l'homme
par rapport à Dieu. Ce n'est pas Dieu qui se détourne
du pécheur, mais c'est le pécheur qui s'écarte de Dieu.
,Et quand nous demandons ~ quand nous prions, quand
nous faisons des sacrifices, nous ne le faisons pas comme
si Dieu en avait besoin, mais parce que nous, nous avons
besoin de cette lutte, de cet effort, pour mÎ1ri~ notre
âme; tout cela en effet nous conduit au ' soleil éternel'
et toujours le même, de l'amour divin~
3) Après ces considérations, nous pouvons essayer
de répondre à l'objection la plus difficile relative à
« la colère divine ».
a) Il y a des hommes qui s'insurgent et protestent
à la seule pensée qu'on puisse parler de « la colère de
Dieu », de « la vengeance de Dieu» ou des « châtiments
divins ».
Non, c'est là un langage trop humain, disent-ils. '
On n'a pas le droit de parler ainsi de Dieu.
Assurément, mes frères, il y a un,e part de vérité dans
ces protestations. N'est-ce pas une sorte de blasphème,
une tentative d'abaisser Dieu au niveau de l'homme que
de parler de colère, de jalousie, de vengeance de Dieu;
DIEÙ EST IMMUABLl.: 299
mais ce peut être également une expression q~i permet
de mieux comprendre 1'1!tre divin. Tout de pend de
la minière dont nous. employons' ces façons de parler.
En effet elles peuvent nous inc~lquer le com,mandement
inébranlable de Dieu prescnvant que 1 homme ne
s'écarte pas du but qui lui a été fixé e~ ~e but, c'e; t de
donner à notre âme la ressemblance dlvme.
Si nous comprenons ainsi la chose, nous ne ~erons
1·· par cette expression'
pas scand aises .'
des « châtiments
.'
divins », parce que ({ le Dieu qut punzt » et « le Dieu Jut
aime » apparaissent devant nouS comme un seul et ~e~~
Dieu. Nous pouvons donc parler en toute tranq~tll~t~
de « la colère de Dieu », qui est uniquement unte
contre nous parce qu'Il nouS, aime beaucoup. Nous
pouvons parler de la « vengeance» divine, parce q~'Il
. de sa foudre uniquement pour attirer
nous menace .
notre attention sur nos péchés et nous convertir.
, Alors les catastrophes les plus épouvantables . que
l'on appelle « les châtiments de Dieu» seront u~e marq~e
de l'amour de Dieu qui veut nous amener a une VIC
meilleure. . ,
Le « Jahvé» de l'Ançien Testament est le ~eme ~ue
le « Père céleste)) du Nouveau. Et si l'idé.e de ~~eu
présentée par l'Ancienne Loi reste bien lom derr~~re
celle de la Nouvelle Alliance, parce que dans la premlere
l'idée de Dieu qui punü laissait da~s l'ombre celle d,u
Dieu qui aime et parce que. l' Ancle~ Te~tamel~t n a
pas suffisammenL.mis en rehef le falt qu en Dieu le
châtiment et l'amour sont unis dans le.,t~mps, et. ~ue
n
chez Dieu le même acte qui constitue une pumtlo
est en même temps un acte d'a~our. En un mot,

LE SYMBOLE DES APOTRES
le Dieu qui s'ifrite est le même que le Dieu qui aime.
b) De cette conviction découle pour la vie de notre
âme une importante conclusion. C'est le continuel
sourire, la continuelle clarté de l'âme chrétienne.
Pour celui qui pense ainsi de Dieu, la vie ne peut
pas être une ,~ crainte perpétuelle, une perpétuelle
angoisse. « Je VQUS vois toujours sourire, disait
saint Ignace de Loyola, le fondateur de la Compagnie
de Jésus, et je m'en réjouis ». En effet celui qui s'est
consacré à Dieu n'a aucun motif d'être triste mais bien
d'être toujours joyeux.
Quelles réconfortantes paroles 1 Saint Ignace ne
connaissait-il . pas les austères et impressionnantes
vérités chrétiennes? Ne croyait-il pas au Juge éternel
qui exige de chacun des comptes sévères? Ne connais~
sait-il pas le Dieu qui entre en colère et punit? Mais si.
Et pourtant il proclame que celui qui se consacre sérieu-
sement à Dieu n'a pas besoin de craindre ni d'être dans
l'angoisse.
C'est ainsi que nous comprenons le perpétuel sourire
des grands saints, lumineux comme un rayon de soleil.
C'est ainsi que nous comprenons sainte Élisabeth qui
disait au sujet d'un homme religieux, à la figure
maussade, qu'il avait l'air de vouloir faire peur à
Dieu.
Permettez-moi d'adresser quelques mots chaleureux
et réconfortants aux âmes craintives qui travaillent avec
bo~ne volonté à mener une vie qui plaise à Dieu,
qUl prennent leurs devoirs au sérieux, qui sont bien-
veillantes et charitables pour leur prochain et pourtant
ne peuvent pas se défendre contre le scrupule et la peur
DIEU EST IMMUABLE 301
perpétuelle d'être en état de péché, d'avoir abandonné
Dieu d'être damnées. "
Vo~s, mes frères, qui êtes perpétuellement .dans l'angoisse
et la crainte, vous qui tremblez devant Dzeu, ne devene~
pas un sujet de discrédit pour la viC chrétienne. Vous qUl
tremblez constamment, qui vous rendez malades en
vous faisant de Dieu des idées mesquines, lisez donc
les paroles sublimes de Notre-Sei?neur au VIe chapitre
de l'évangile selon saint Jean. LIsez··les et soyez plus
courageux: « La volonté de Celui qui m'a envoyé est
que je ne perde aucun de ceu~ q~'il m'a d~nnés,
mais que je les ressuscite au dermer Jour. Car.c est la
volonté de mon Père qui m'a envoyé queqUlconque
voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle» (8. Jean
VI, 39-40 ). Maintenant votre âme n:est-elle 'p~s
imprégnée par cette force vivifiante de 1 amour dI;I~
miséricordieux qui sort de ces paroles, tout comme 1 an
pur et fortifiant qui souffie d'une f~rêt · de sapins? Ah ~
devant un tel Père il n'a pas besOln de trembler celUl
qui veut être à Lui. ' .
. qUl
C'est vrai , Dieu est un Juge sévère, un Juge . passe
.
tout en revue et qui punit; mais tant que Je SUlS en Vle,
Il n'est pas seulement mon Juge, Il est mon Père
miséricordieux, auquel je puis toujours dire avec le
publicain repentant: « Seigneur, ay:~ piti~ de .moi,
parce"que je suis un p~cheur )}, vers qUl J~ pUlS toujours
me tourner avec ces paroles du bon larron: « Souvenez-
Vous de moi, Seigneur ». ' . '
Mes frères, pourquoi redoutez-vous le ;o~eu ~U1
s'irrite et punit? Jamais personne n'est damne, a mo~ns l
qu'il le veuille. Observez les commandements de, DIeu

302 LE SYMBOLE DES APOTRES
et remplissez les devoirs de votre état et alors vous
n'avez rien à craindre. Peu importe où vous passez
votre vie, mais comme1tt la passez-vous, voilà ce qui
importe. Si Dieu vous a donné cinq t~lents, Il vous ·en
réclamera dix; s'Il vous en a donné deux, Il ' vous en
redemandera quatre; s'Il ne vous en a donné qu'un,
il vous faudra paraître devant Lui avec deux.
Il n'a pas besoin d'avoir peur celui · qui lutte et
combat, celui dont la vie n'est qu'une guerre contre
le péché, celui, comprenez-moi bien, qui trébuche de
temps à autre dans la fatigue du combat; seul a besoin
de craindre celui qili demeure dans la jouissance,
qui se complaît dans sa chute, celui qui, après le péché,
s'essuie la bouche en disant: « Eh bien! que m'est-il
arrivé pe mal? » (Ecclésiastique V, 4)' Oui, qu'il craigne
le Dieu irrité qui punit.
Mes frères, un des plus grands penseurs de l'huma··
nité, saint Augustin, qui pendant trente-trois ans,
n'ayant pas reçu le baptême, s'égara sur des voies
mauvaises, décrit de façon saisissante le chemin par
lequel il sortit des ténèbres dû paganisme pour arriver
à la lumière de la foi. « Je demandais à la terre: es-tu
mon Dieu? Et elle répondait: je ne le suis pas. J'inter-
rogeais la mer -'et ses profondeurs.): Nous ne sommes
pas ton Dieu; cherche-Le dans les hauteurs, cherche
au-dessus de nous. Je démandais au vent, à l'air et à
tous ses habitants et. ils disaient : Nous ne sommes pas
DIEU EST IMMÙABLE
ton Dieu. Cherche au-dessus de nous. Et j'interrogeais
le soleil, la lune, les étoiles : ttes-vous mon Dieu?
Et ils répondaient : Cherche plus haut. Cherche
au-de~sus de nous. Et je criais à tous les êtres que mes
sens pouvaient percevoir : Si vous n'êtes pas mo~ Di~u,
parlez-moi de Dieu. Et ils proclamèrent à hailte VOIX:
C'est Lui qui nous a créés. Monte plus haut. Cherche
au .. dessus de nous. »
Et alors les pensées de saint Augustin s'élevèrent vers
le ciel, au-dessus de toutes les choses créées, jusqu'au
trône de ' Dieu et dans une sainte prière il se prosterna
devant la face majestueuse du Dieu éternel et immuable.
Ah 1 quel bonheur pour moi de pouvoir m'appuyer
sur le Dieu tout-puissant! Les incessantes transfor-
mations du .monde nous ébranlent tous. Des hommes
naissent et meurent. Ils arrivent sur la terre et descendent
dans la tombe. Des peuples surgissent et disparaissent ...
qu'importe. « Le monde passe et sa c~ncupiscence
aussi; mais celui qui fait la volonté · de DIeu demeure
éternellement)) (1° Jean II, 17). Dieu est le commen-
cement et la fin, et la vie de cette terre n'est qu'un
.épisode, un court inter~ède, ~ui se p0.ursuiv~a ~ans
le royaume éternel de DIeu toujours parell à LUl-meme
et qui ne change pas.
« Ceux qui se confient dans le Seigneur sont comme
la -montagne de Sion; ils ne seront pas ébranlés ))
(Ps. CXLIV, 1) dit le psalmiste. Avec une iné~~a~lable
fidélité, je resterai attaéhé à Die~, dans l~s V1Clssltude~
de la vie terrestr~, afin de pomJOlr me temr devant Lm ,
comme une montagne immuable, pendant l'éternité. Amen.

XIX
DIEU EST ÉTERNEL
MES FRÈRES,
Parmi les montagnes les plus élevées de la Suisse
deux se dressent avec leurs têtes neigeuses au-dessus
des autres: la Jungfrau et le Finsteraarhorn, toutes
deux ayant plus de quatre mille mètres d'altitude.
Dans un ouvrage de l'écrivain russe Tourgueniew,
les deux montagnes poursuivent un intéressant dialogue.
Au-dessus d'elles le firmament muet aux reflets
verdâtres, au-dessous un froid mordant et. la neige
scintillante. Sous la neige des amas de pierres couverts
de glace. Un jour la Jungfrau déclara à son VOISIn :
Tu es "'plus ' grand que moi et tu voi~ plus loin.
Dis-moi donc ce qu'il y a de nouveau là-bas?
De sombres nuages Couvrent la terre, répond le
Finsteraarhorn.
Après quelques milliers d'années, qui cependant ne
font ~u'une minute dans la vie del'univers, la Jungfrau
questlOnne de nouveau :
Vois-tu maintenant du changement?
DIEU EST ÉTERNEL .
En bas, c'est toujours comme autrefois, réplique
l'interpellé. La sombre forêt est vieille, aussi les pierres
grises, je ,vois seulement courir çà et là une quantité
de petits insectes à deux pieds.
Et maintenant, quoi de nouveau? interroge la Jung-
frau, -des milliers d'années plus tard. <
Toujours la même chose qu'autrefois, seulement le
nombre des insectes s'accroît. '
y a-t-il du changement? demande-t-elle à nouveau
mille ans ' plus tard. . \
Il me semble que j'aperçois moins d'insectes, déclare
le Finsteraarhorn. Tout s'est éclairci. Les eaux se sont
rassemblées, les forêts sont devenues plus rares.
Dans l'intervalle de nouveaux milliers d'années
s'écoulèrent, jusqu'à ce que la Jungfrau recommença
à questionner :
Et maintenànt?
Maintenant tout est blanc partout, répond le Fins-
teraarhorn. Partout c;est la glace et la neige. Tout est
gelé. Nous n'avons qu'à dormir tranquilles.
Et les gigantesques montagnes retombent dans leur
sommeil; et le firmament étincelant s'éteint pour
toujours. Tout se tait pour toujours sur la terre.
Telle est la conversation des deux montagnes dans
l'œuvrtl.-' de l'écrivain r~sse. Et nous autres hommes
nousselltons un friss'Oll passer ' dans notre corps :
Est-ce un rêve ou une réalité? Le fruit de l'imaginàtion
ou une vérité en voie de réalisation? Nous, les « insectes
à dèux pieds » nous nous remuons, nous nous agitons,
nous construisons, nous détruisons, nous nous que-
rellons, nous nous tuons, nous nous faisons la guerre .. . i
Symb. d. Ap. - '1', J 20
 LE SYMBOLE DES APOTRES
et toujourS ... depuis des siècles ... depuis des milliers
d'années. Mais un jour toutes les horloges s'ari'êteront,
un jour tous les milliers d'années seront finis, un jour
le temps n'existera plus, Oui, tout passera un jour,
mais Dieu vit éternellement.
L'éternité divine. L'éternité de Dieu est le dernier
coup de pinceau que je voudrais donner à l'image de
notre Père du ciel. J'ai conservé cet attribut divin pour
la fin de ma série d'instructions, pour servir de cadre
-au tableau que j'ai tracé de Dieu. Aujourd'hui je vais
parler de l'éternité divine et dimanche prochain je
résumerai tout ce que j'ai dit au sujet de Dieu et par là
je terminerai les instructions que j'ai consacrées au
premier article du Symbole. ,\
L'éternité divine. 1. Que disons-nous de l'éternité de
Dieu? et II. Que nous dit l'éternité de Dieu? C'est autour
de ces deux idées que je grouperai le sujet de mon
sermon d'aujourd'hui.
Notre première question est donc celle-ci:
1 pas de temps ni passé ni futur. Il est un continuel
QUE DISONS-NOUS DE L'ÉTERNITÉ DE DIEU 'JI
A) Si je vou,lais répondre brièvement de façon
négative, il me faudrait dire: Dieu est éternel, c'est-
à-dire le temps n'existe pas pour Lui; l':Ëtre divin n'a ni
commencement ni fin ni succession. Bref, comme nous
l'avons appris au catéchisme, Dieu n'a pas commencé,
DIEU EST ÉTERNEL
Il ne finira jamais; Il a toujours ét-é et Il sera toujours.
Si toutefois je voulais répondre de façon ,positive
alors je dirais brièvement: Dieu est éternel, c'est-à-dire
qu'Il est le Créateùr du 'temps et que tout ce qu'il y a
de positif dans le temps se trouve totalement en Lui.
En d'autres termes, Dieu possède d'un seul coup
parfaitement et complètement une vie sans fin.
« Avant que les montagnes n'eussent été . faites,
que la terre et le morlde n'eussent été formés, Vous êtes
Dieu de toute éternité et à jamais» tPs. LXXXIX, 2)
dit le psalmiste. Dans un autre psaume, il exprime
ainsila même pensée: « Seigneur, Vous avez fondé la
terre dès le commencement et les cieux sont l'ouvrage
de Vos mains. Ils périront, mais Vous, Vous demeu-
rerez; ils ' vieilliront tous comme un vêtement : Vous
les changerez comme un manteau et ils changeront
de forme. Mais Vous, Vous êtes toujours le même
et Vos années n'auront pas de fin » (Ps. CI, 26-28).
Dieu « était, Il est et Il sera » (Apocalypse l, 8) et
« Il vit éternellement» (Apocalypse V, 14).
Dieu est donc au-dessus du temps. En Lui il n'y a
présent. .
Je sens bien, mes frères, que ce concept ne orme
que l'ossature, les bases de la réponse désirée et que
pour faire paraître avec une clarté plus grande la figure
de Dieu éternel je suis obligé de fragmenter ma réponse.
B) Essayons donc de voireri- détail ce que nous
voulons dire, quand nous parlons de l'éternité divine.
, Avant de répondre, nous sommes obligés de nous
livrer à quelques considérations philosophiques.
 LE SYMBOLE DES APOTRES
. Une des caractéristiques particulières de l'homme,
c'est qu'il aime à fouiller les événements passés et à
scruter les événements futurs, pour se former ainsi une
vue d'ensemble sur toutes les époques." C'est là une'
manifestation de notre effort pour ressembler à Dieu.
Mais que savons-nous du passé et que devinons-nous
de l'avenir? A peine peu de chose. Dieu seul possède
une vue complète de l'uni'urs, car non seulement Il voit
ce qui se trouve dans l'espace, mais aussi ce qui se
succède dans le temps. Donc lorsque nous disons que
Dieu est éternel, nous voulons dire que Dieu est le
Maître et le Créateur du temps et de tout ce qui exi~te,
de tous les événements du monde. De même qu'Il est
partout, parce qu'Il a créé l'espace (du fait qu'Il a créé
quelque cho;e), de même Il est toujours, parce qu'Il a
. créé le temps (du fait qu'avec la création s'est produit
dans le monde un événement sur lequel on peut mesurer
le temps),
Et maintenant essayons de nous faire U'ne idée de
l'éternité de Dieu 1) qui n'a ni commencement ni fin
et 2) pour qui le temps n'existe pas.
1) Dieu éternel n'a ni commencement ni fin, matS
possède toujours la plénitude de l'être.
a) Dieu éternel n'a pas de commencement,
Quel que soit le sujet de nos conversations dans le
monde créé, nous sommes obligés de dire à propos de
tout : du commencement à la fin, de la naissance à la
mort. Pour l'homme~ on dit : du berceau à la tombe.
.Pour une tour élevée on dit: de la base au faîte. Du
monde entier on dit: de la création au Jugement dernier.
Nous ne faisons qu'une exception: c'est lorsque nous
DIEU . EST ÉTERNEL
parlons ?e Dieu. La Sainte Écriture parle ainsi
de Lui: « D'éternité en éternité Vous êtes Dieu»
(Ps. LXXXIX, 2). Le prêtre à la messe chante: « •• :per
omnia saecula saeculorum n, « par tous les siècles des
siècles n. Et le chrétieri croyant Lui adresse cette prière:
« Gloire au Père, .a u Fils et au Saint-Esprit, comme
Il était au commencement, qu'Il est maintenant et
qu'Il sera toujours dans les siècles des siècles ».
Dieu éternel, qui a toujours été et avant qui personne
n'a jamais existé. Qui n'a pas eu de commencement,
parce qu'Il n'a jamais été fait, mais a toujours été.
Qui a été, est et sera. Qui n'a été ni enfant ni jeune
homme ni vieillard, mais a toujours été identique à
Lui-même dans la plénitude de sa perfection, qui n'a
pas eu de commencement, parce qu'Il est le commen-
cement de tout, comme Il le dit de Lui-même dans
Isaïe: (l Depuis le commencement Je suis toujours
- le même n (Isaïe XLI, 4).
b) Le Dieu éternel qui n'a pas de fin.
Dieu n'est pas seulement le commencement, mais
aussi la fin, comme Il le dit pareillement dans Isaïe :
« Je suis le commencement et la fin » (Isaïe XLIV, 6).
Mais si Dieu est le commencement et la fin de toutes
choses alors, tout ce qui a reçu de Dieu l'existence,
" . .
par conséquent le monde entIer, retournera un Jour vers
Lui. Quand? Lorsque le monde créé aura atteint la fin
pour laquelle il a été créé : la gloire du Créateur : « afin
que Dieu soit tout en toUS» (JO Corinthiens XV, 28).
c) Le Dieu éternel qui possède toujours la plénitude de
l'être.
« Je suis Celui qui suis n (Exode III, 14), a-t-Il dit
 310 LE SYMBOLE DES APOTRES
DIEU EST ÉTERNEL 3 11
de Lui-'même. Personne ne 'peut donner à Dieu, cruel: sans arrêt,sans trêve, il pousse tout en ,avant ...
persol~ne ne peut ~uiprendre. ' Personne ne peut
pas de ~epos, pas de halte, pas de stabilité .. : tout se
Le . falr~ plus grand, -personne ne~ peut Le faire plus meut, change et disparaît. Et au-dessus de ce continuel
petIt. DIeu ne peut ni croître ni diminuer. Il n'a besoin mouvement, au-dessus de cette fébrile et remuante
de rien, Il ne manque de rien. Dieu est en Lui-même instabilité, au-dessus de ce passé qui s'enfuit se tient
et de Lui-même l'éternelle perfection. Les flots meur- debout le Dieu éternel. Dieu, cc en qui n'existe aucune
triers du déluge mugissent, au milieu des nuages et
vicissitud~ ni ombre de changement» (S. Jacques l, 17).
des éclairs se dresse le Mont Sinaï, les trompettes du « Je suis le Seigneur et Je ne change pas 'i) dit-Il
Juge~en~ dernier retentissent et Dieu demeure toujours de Lui-même par le prophète (Malachie III, 6). cc Non
CelUI qUI est et devant Lui mille années sont comme habet tempus per quem factum est tempus » dit
un instant.
saint Augustin, « Il n'est pas soumis au temps Celui
Voilà le Dieu éternel qui n'a ni commencement ni fin.
par qui le temps a été fait ».
2) Mais l'éternité de Dieu signifie encore autre
b) Mais je puis encore comprendre autrement le
chose. Devant l'éternité divine le. temps n'existe pas.
temps. Je peux le comprendre, comme une durée, comme
, Q~'est-ce que cela veut dire: devant Dieu le temps
l'âge des choses. ,
,n eXIste pas? Il me faut d'abord savoi'r ce que c'est que
le temps. ' Et si je le comprends de la sorte, alors le temps de
, toutes choses en ce monde est limité, la vie est courte.
a) Qu'est-ce que le temps? Qui peut le définir faci- - Elle est brève la vie de l'homme, comme elle est brève!
le me nt ? Est-il quelque chose de tangible, Comme un
Il Y a des étoiles dont la lumière, à cause de leur verti-
objet? Certainement non. Est-il un océan où flotte le
gineux éloignement, met des milliers d'années pour
monde? Est-il un fleuve impétueux qui entraîne tout
arriver jusqu'à la terre, et cependant la durée de leur
vers l'éternité? Non. Tout cela n'est pas une définition
route est limitée. Des cimes couvertes de neige se
exacte. Nous nous rapprochons de la vérité si nous
dressent vers le ciel depuis des milliers d'années, alors
disons que le temps n'est pas une chose ou' quelque
que pas un être vivant n'était sur la terre et pourtant
chose, mais la relation des événements entre eux :
même ces masses de granit s'effritent, les mers se
quelque chose est arrivé ou bien quelque chose aura
dessèchent peu à peu ... tout passe. Mais dans le tour-
lieu. Et peut-être alors comprendrons-nous mieux ,
billon du passé domine ['éternité divine.
si nous disons : Le temps est la succession incessallt~
des choses, allant du présent au passé. c) Je peux encore envisager autrement le temps.
Je peux dire : le temps est cette atmosphere qui nous
cc Tempus rerum imperator » dit un vieux proverbe,
entoure, cet état d'esprit que nous introduisons en nous-
« le temps est le maître des choses ». Oui et un maître
mêmes et qui a pour résultat de nous faire dire de nous-
 ,
LE SYMBOLE DES APOTRES
mêmes que cc nous sommes les enfants de notre temps ».
En réalité, nous ne sommes pas seulement les erifants
de nos parents, mais aussi de notre époque, nous sommes
liés à notre §iècle par des milliers et des millier; de fils.
cc Tel temps, tels gens » dit un proverbe allemand. En
réalité nous qui vivons au milieu des changements èt
en pleine évolution de l'humanité, nous avons de la
peine à constate~ combien notré façon de penser, d'agir,
de nous condUire est pénétrée par l'atmosphère de
notre époque. Comme le Inonde change autour de nous
d:un .siècle ~ l'autre! Comme il est difficile, pour ainsi
dire ImpossIble, aux vieux de comprendre les jeunes!
cc Ils ne sont plus de leur temps» disent les jeunes gens
en parIant des vieillards et eh les regardant comme les
débris d'un autre âge. Mais au-dessus de l'esprit du siècle
~t du cha~gement, au-dessus de toute relation. du temps
zl yale Dteu éternel, qui nous comprend tous, les vieux
et les jeunes, qui ne change pas avec le temps et qui
ne sera jamais emporté avec le temps.
Pouvons-nous dire que Dieu est cc vieux » ou bien
qu'Il est cc jeune»? Nous pouvons dire les deux, mais
seulement à la manière humaine, par rapport à nous-
mêmes. La sainte Écriture dit aussi que Dieu ·est vieux
(Daniel VII, 9), parce qu'Il existe antérieurement
à de~ millions d'années; mais Il est également jeune,
plus Jeune qu'un nouveau-né, parce que de la vie de ce
d.ernier ~nt déjà disparu quelques heures, tandis que
nen ne disparaîtra jamais de Dieu.
Chose étrange : si nous voulons déterminer l'âge
d'un homme, que faisons-nous? rous indiquons le
nombre d'années que le temps a déjà emportées de sa
DIEU EST ETERNEL 3I 3
vie, " un homme de trente ans » veut dire que déjà
trente; années de sa vie appartiennent au passé. Mais
nous rie déterminons pas ainsi l'âge de Dieu. Nous
disons : Il est éterne1, c'est-à-dire à chaque instant
·11 a en Lui la plénitude de l'existence.
Voilà t04l ce que nous affirmons, lorsque nous
reconnaissons que Dieu est éternel.
Et maintenant pouvons-nous dire que nous savons
complètement quelles sont les immenses profondeurs
cachées au sein de l'éternité divine?
Pas du tout. Tout ce que nous avons dit jusqu'ici,
toute la beauté, toute la grandeur que nous avons
rencontrées dans le monde créé n'est qu'une petite
raie de lumière de la grandeur éternelle de Dieu
filtrant par les interstices d'une fenêtre. Quel bonheur
pour moi, accablé par les soucis de la terre et aux nerfs
malades, de pouvoir me reposer dans le calme béni
de l'éternité divine! Quel bonheur pour moi, malheu-
reux petit homme toujours pressé de pouvoir calmer
mes nerfs douloureux et surexcités dans la sainte paix
de l'éternité divine! Mes frères, vous que l'allure
fébrile de la vie consume et écrase, accourez pour vous
reposer sur le cœur placide du · Dieu éternel.
·Mais me voilà parvenu à la seconde question de mon
instruction: Que nous dit l'éternité divine; quelle force
divine, quelle divine consolation nous donne-t-elle?
 LE SYMBOLE DES APOT1ŒS
II '
QUE . NOUS APPREND L'ÉTERNITÉ DE DIEu?
<;j>
Celui qui pense souvent et avec amour à Dieu
Étern~l puise déjà dans cette seule pensée une force
de részstance dans les tentations et une consolation dans
les vicissitudes du monde.
1) La ~ensée de l'éternité de Dieu est une force dans
l~~ ten~a,tlO~s .. L'océan de bonheur infini qui remplit
1 eternlte dIVIne sera un jour notre partage, si nous
passons fidèlement notre vie terrestre. Ne vaut-il pas
la peine déjà pour cela de demeurer fidèle au moment
1 de l.a tentation? Ne serait-ce pas de la folie que de
sacnfier ce bonheur à la jouissance brève et futile
promise par le péché? _ .
Thoma,s, Moru,s, le grand chancelier anglais, fut
cond~m?e a mort a cause de sa fidélité à la foi catholique.
I~e.r?l d An~leterre, Henri VIII, avait répudié sa femme
legItlme et epousé une autre dame. Le chancelier refusa
de reconnaître comme un véritable mariage la liaison
coupable du monarque et de regarder Henri ' VIII
comme chef suprême de l'Église 'd'Angleterre; il fut
enfermé dans la Tour de Londres et condamné à
mort. Le souverain essaya auparavant de briser par les
souffranc~s du cachot la résistance du chancelier
respecté, dans tout le royaume. On lui envoya( même
sa fille préférée, Marguerite, pour le décider à céder.
Ce fut en vain. Finalement avant l'exéc~tion de la
DIEU EST ÉTERNEL :F5
sentence capitale, sa femme vint le trouver dans sa
prison et le supplia avec larmes de pre?dre sa famille
en pitié et de sauver sa vie par amour pour elle.
Thomas Morus lui demanda paisiblement : Dis-moi,
combien de temps pourrons-nous vivre enc,<?re ensemble?
Elle répondit: Au moins encore vingt ans. Vois-tu,
dit son époux, si tu avais dit : au moins mille ans, .
c'eût été quelque chose. Mais pour vingt ans dois-je
sacrifier l'éternité? .
Et Thomas Morus marcha à la mort. La pensée "de
l'éternité l'avait préservé de la chute.
Ah! si seulement moi aussi je pensais souvent à
l'éternité divine! Ici-bas on parle de la « mer infinie ll,
de « montagnes éternelles », mais tout cela, n'est-ce pas,
n'est que de l'exagération humaine. Il n'y a qu'un seul
éternel : Dieu' dont parle ainsi la Sainte Écriture :
« Avant que les montagnes n'eussent été faites, que la
terre et le monde n'eussent été faits, Vous êtes Dieu
de toute éternité et à jamais» (Ps. LXXXIX, 2).
Mais la montagne et la mer sont pour moi un sage
aveh issement. Par le caractère, par l'honnêteté, par la
vertu, il faut que je sois inébranlable, immuable comme
les montagnes « éternelles» et alors je glorifierai:le Dieu
éternel. Des orages arrivent et la montagn~ ne bouge pas;
la foudre tombe et la montagne ne bouge pas. A ses
pieds 'tourbillonrient l'écume et la fange de la vie
quotidienne, mais la boue n'atteint pas son sommet,
comme un autel à la blancheur de neige elle se dresse
vers le ciel. Et la ~er infinie! Que cJe peuples elle a
portés. sur ses flots! Les Phéniciens, les ·Carthaginois,
les Grecs, les Perses, les Romains, les Wikings, les
 LE SYMBOLE DES APOTRES
Normands, les marchands de Venise et de Gênes
[es explorateurs, les missionnaires ... où sont-ils? Et I~
mer infinie continue sa chanson. Je suis sur le rivage ...
Une tempête furieuse balaye l'immense masse liquide
et soulève la surface des flots, mais seulement la surface:
en bas, dans les profondeurs règne .le calme. Comme
-devraient surgir des profondeurs de ma vie, de mon
esPérance en l'éternité divine, -confiance et paix, même
lorsque les tempêtes de la vie font monter à la surface des
vagues écumantes!
.voilà, mes frères, ce que nous apprend l'éteniité de
DIeu: Quel,le force ne donne-t-elle pas dans le pénible
travaIl de 1 ennoblissement de notre âme!
2) Mais elle donne aussi une consolation plus élevée:
une consolation dans les m:cissitudes du monde qui passe.
Au nouvel an je mèts un nouveau calendrier sur mon
bureau. Les jours s'y succèdent de janvier à décembre'
j'y trouve inscrit d'avance, exactement à l'heure et à
la minute précises, qua~d le soleil et la [une se lè'~ent
et quand ils se couchent. Mais les feuilles du calendrier
n~ di~ent rien d~ moi: je ne peux -pas yinscrire ce qui
m arnvera le mOlS prochain ou seulement le lendemain
" .... .
pas -meme SI Je VIvraI Jusqu'à demain.
'
Ah! comme je comprends devant l'éternité di vine
mon instabilité d'insecte éphémère!
Et lorsque d'année en année je constate avec effroi
~ue l~ vie glisse. hors de mes mains, lorsque jour par
Jour Je sens que la vie d'ici-bas est de courte durée
~t q~e le monde entier est rempli de ruines, lorsque
J~, saIS que le monde entier ressemble à un grand cime.
tlere; que la terre sous mes pieds est composée de débris
DIEU EST ÉTERNEL
végétau~ et de cadavres d'animaux, lorsque la crainte
de là mort me rend mélancolique, quel soulagement pour
moi de lever les yeux vers le Dieu éternel! ,
Comme il tremble le rayon 'qui vient du soleil!
Pourquoi a-t-il peur? Il craint le nuage qui peut lui
barrer la route et alors c'est fini pour Jui. Comme il
tremble le petit poussin, quand l'épervier vole au-dessus
de lui! De quoi a-t-il peur? Il a peur des ~riffes meur-
trières, car alors c'en est fait de lui. Comme elle tremble
la feuille, lorsque le vent d'automne souffle à travers
le feuillage! Que redoute-t-elle? Elle redoute le vent
qui siffle, car s'il l'emporte, c'est fini pour elle. Et comme
il tremble l'homme, lorsque la mort frappe à sa porte!
Pourquoi tremble-t-il? ' Parce qu'il craint l'instant
douloureux de ,sa fin. Tout passe, tout d~sparaît ...
mais Dieu vit toujours, Dieu est seul éternel. Dieu seul
'est grand, parce que seul Il est éternel.
Quelqu'un aussi est grand ... Il est grand l'homme
qui sait s'attacher au Dieu éternel et qui imprime ici-bas
dans son âme une image toujours de plus en plus belle
du ,Dieu éternel.
Quel émouvant, quel sublime contraste : le Dieu
éternel et l'homme d'un instant.
Le Dieu éternel. Dans une paix qui ignore le temps
Il est devant mes yeux, dans une paix qui cache une
plénitude dé vie et une richesse d'actes infinis. Des
milliards d'anges et d'âmes humaines transfigqrées
chantent ses louanges à travers la chaîne infinie des
siècles, « per omnia saecula saeculorum ».
Dieu _éternel.
Et je suis là ~~i, l' homme d'un instant, jeté au milieu
 318 LE SYMBOLE DES APOTRES
des flots tumultueux du temps. ' Qu'est-ce que ma
vie? Un tout petit remous sur l'océan sans rives du
temps. Une feuille qui tombe dans l'immense forêt
vierge. Un minuscule grain de sable dans le désert
sans limite. Qu'est-ce que ma vie? ({ Elle est comme
l'h~rbe qui passe un matin; le matin elle fleurit et passe;
le soir elle tombe, se raidit et dessèche ». Chacune de
mes minutes est une vague, chacun des mes jours un
flot, chacune de mes années une section du fleuve qui
un jour, au moment de ma mort, se jettera dans l'océan '
sans fin de l'éternité
Quand? Je ne sais pas, ça n'a pas d'importance.
Mais qu'est-ce qui a de l'importance alors? La maniere,
la manière dont ce fleuve se jettera à la mer. Sera-ce
comme une eau presque évaporée, stagnante, boueuse,
fangeuse, marécageuse qui n'amène à la mer que des
algues et des immondices? Ou bien sera-ce comme
une masse d'eau coulant et se précipitant triompha-
lement, qui transporte à l'océan de précieux trésors
et de riches marchandises?
Comment sera cettt: arrivée à la mer? A la mer
de « l'éternité,,? Mes frères, cela dépend de vous.
Comment vouLez-vous arriver auprès de Dieu, l'Éternel?
Mes frères, nous avons parIé de l'éternité divine,
nous dont la vie n'est qu'une ombre, ulle fumée.
Nous venons de parIer de l'immutabilité divine, nous
dont la vie change comme la lune.
DIEU EST ÉTERN§.L
, ..
Nous sommes emportés par le temps et entraînés
dans le tourbillon de la vie. Où donc? Vers la mer,
la mer de l'éternité, car tous nous sommes' les enfants
de l'éternité.
Lorsque les mercenaires grecs épuisés par un long
et pénible voyage aperçurent la mer, ils s'écrièrent
avec jubilation: Thalatta, Thalatta! « la mer, la mer ».
Mes frères, savez-vous quelle est la plus belle récom-
pense d'une vie passée conformément à la volonté de
Dieu? C'est la joie sainte qui inondera notre âme à
nos derniers instants. Tandis que nos proches se
tiendront, aveé des regards anxieux, devant notre lit
de mort, et que nous comprendrons à leurs .!armes
difficilement retenues que le fleuve de notre eXlstence
est tout près de s~ jeter dans la mer, dans le sein de
l'éternité divine, alors nous nous écrierons ainsi: ,
Salut, mer éternelle, ' que j'ai tant désirée dans les
tempêtes de la vie.
Vie qui n'a pas de fin.
Bonheur sans nuage.
Royaume qui a pour roi Dieu l'Éternel.
« Aû Roi des siècles, immortel, invisible, seul Dieu,
honneur et gloire dans les siè~lesdes siècles 1 Amen »
ua Timothée 1, 17).

xx
TE DEUM LAUDAMUS !
MES FRimES,
Sur la magnifique Place de l'Hôtel de Ville de Vienne
se dressa un jour de l'an dernier une grande croix
portant en lettres lumineuses cette inscription: « Sauve
ton âme».
Comment cette croix se trouvait-elle en plein centre
de Vienne la Rouge? Et d'où venait cette foule qui se
pressait sur la place?
Depuis quelques années existe en Autriche une
société appelée « les Comédiens du Bon Dieu )) qui
représente dans tout le pays des pièces à portée mora-
lisatrice; à l'occasion de . leur millième représentation, (
les. acteurs voulaient jouer devant le grand public en
pleme Place de l'Hôtel-de- Ville à Vienne.
Cette pièce jubilaire (Das Spiel von Satans Welt-
gericht par Lux) représente d'une façon particulièrement
dramatique la lutte acharnée de Satan contre Dieu
Nous son:mes à la réunion générale du Grand Con~eil
de l'Enfer et le diable préside. Il n'est plus comme
au moyen âge : avec des cornes, une queue et des
TE DEUM LAUDAMUS! 321
griffes, mais tout à fait babillé' à la moderne. Autour de
la table siègent ses collaborateurs: l'Orgueil, l'Avarice
et la Luxure etle prand Conseil infernal prend d'abord
la résolution suivante : « La dernière heure de Dieu
à sonné. Dieu est vaincu ». Mais à l'instant même où
le Conseil de l'Enfer prenait cette résolution téméraire,
apparaît Un envoyé de Dieu qui entame avec Satan
une discussion impressionnante.
Tu crois remport~r la victoire? Mais regarde tout
-ce qu'il y a de bien caché parmi les hommes. Quelle
honnêteté! Que de vertu! dit au diable l'envoyé du
ciel.
Et le démon répond d'un ton railleur: C'est en pure
perte. Tout m'appartient: le théâtre, la radio, le disque,
le film, la Bourse, la .presse ... tout est à mon servicè.
La pièce continue. Qui sera vainqueur? se demande
en tremblant l'assistance angoissée. Dieu relU:portera-t-Il
la victoire? Mais lorsque la pièce arrive à sa fin, les
spectateurs respirent largement : Dieu est vainqueur.
Les ivrognes, les débauchés, les assassins viennent à
la dernière minute, les uns après les autres reconnaître,
à ~eur confusion, que Dieu est vivant et ne peut pas
fuir devant l'homme.
Dieu est vivant . Dieu est vainqueur, telle est la leçon
finale de cette pièce, tel est le thème le plus {!trofond
de l'histoire de l'humanité et de l'histoire du monde,
telle est également l'idée fondamentale de mon sermon
d'aujourd'hui.
Il y a dix-huit mois, j'ai commencé l'exPlication du
Symbole et c'est seulement aujourd'hui que nous
,sommes arrivés au ?out d'expliquer l-c premier article.
Symb. d. Ap. - T. [ 21
 322 LE SYMBOLE DES APOTRES
Tout ce que j'ai dit au cours. de ces dix-huit mois se
rap.porte uniquement à cette première phrase du
'Symbole : « Je crois en Dieu ».
Depuis que l'homme est sur la terre, les peuples et
les individus croient tous en Dieu; et bien qu'on
trouve toujours de ces hommés qui voudraient réaliser
la résolution prise par le Grand Conseil infernal de
renverser Dieu, le trône divin aujourd'hui encore
demeure inébranlable et aujourd'hui encore les hommes
s'agenouillent pour prier devant la face bénie du Père
céleste. Aujourd' hui encore il y a des hommes qui
blasphèment Dieu, mais ils vont ainsi à leur perte,
et aujourd'hui encore il y en a qui louent Dieu et
trouvent en Lui leur bonheur. Voilà les deux idées
que je veux développer dans la présente instruction,
je parlerai donc I. De ceux qui blasphèment Dieu et
II. De ceux qui louent Dieu.
l
CEUX QUI BLASPHÈMENT DIEU.
Une preuve saisissante de la méchanceté humaine
c'est la haine féroce dont la flamme s'élance tantôt dan~
un pays tantôt dans un autre contre le culte divin
Il semble que la pièce de théâtre représentée à Vienne
se réalise mot pour mot. II semble qu'en réalité une
foule d'écrivains, d'artistes, que le théâtre le film
'la radio, la presse se soient mis au service' de Sata~
TE DEUM LAUDAMUS! 32 3
le révolté. Car ce n'est pas, seulement celui qui nie
Dieu ou Le blasphème qui combat contre Lui. Mais
Il est combattu par quiconque ruine dans l'âme humaine
l'honnêteté, la pureté et le sentiment du devoir, par
quiconque sape la fo~ religieuse.
Depuis des années nous arrivent de l'est des nouvelles
eJfrayantes qui révèlent la méthode infernale avec
laquelle on fait la guerre à Dieu.
En Russie, au cours des trois dernières années,
quatorze mille églises ont été fermées de force.
L'athéisme est propagé officiellement par une asso-
ciation spéciale « l'union des sans-dieu » qui compte
parmi ses membres dix-sept millions d'adultes et
dix-huit millions d'enfants de huit à quatorze ans,
et dont les journaux ont un tirage d'un demi-million
d'exemplaires. Et en même temps que dans les univer-
sités russes on érigeait trente-cinq nouvelles chaires
pour la propagation de l'athéisme, à Minsk (dans la
Russie-Blanche) on inaugurait une université complète-
ment organisée en vue de combattre exclusivement la
religion; à la même époque (depuis le 1er, novembre 1930)
on a retiré la carte de pain, donc la plus élémentaire
possibilité de vivre, à tous ceux qui sont en relation
d'une manière ou d'une autre avec la religion. Il n'y a
plus de cartes - de pain pour les prêtres (à quelque
religion qu'ils appartiennent), pour les organistes, les
chantres, les sacristains, les réd::tcteurs de journaux'
religieux, ies artistes qui font des \. objets religieux.
En vérité, il semble que l'on voit déjà la victoire de la
résolution du Grand Conseil de l'enfer.
Au même moment où les jeunes membres de « l'union .
 LE SYMBOLE DES APOTRES
des sans-dieu» donnaient l'assaut avec des ricanements
diaboliques aux églises restées ,ouvertes et même
pénétraient dan~ les maisons privées pour traîner les
images saintes-'par milliers dans les rues et les brûler
avec des cris de triomphe, au même moment où dans
les rues, sous les rires de la populace, on profanait par
des or~ies sacrilèges la sainte messe et le baptême et que
l'on chantait sur les antiques mélodies des hymnes
ecclésiastiques des poésies blasphématoires, au même
.moment on faisait exécuter aux prêtres bannis dans les
îles de la Mer Blanche des travaux inhumains d'une
durée de douze à dix-sept heures, avec une demi-
ration de vivres, il ne se pa~se pas de jour où n'en
meurent de six à dix, et le prêtre mourant n'a pas le
droit d'être visité par un autre prêtre, afin qu'il ne
reçoive pas les derniers saérements. Plusieurs prêtres
ayant été surpris à entendre la confession de confrères
moribonds, furent condamnés à des travaux pénibles
en forêt, avec une ration réduite au tiers (Bayr. Kurier
8 août 1930). En vérité il semble que l'on aperçoive
déjà la victoire de la décision du Gra~d Conseil de
l'enfer. La propagande de l'athéisme engloutit une
quantité énorme de papier: c'est pourquoi a été pro-
mulgué l'ordre de livrer et de mettre au pilon tous les
livres religieux, Bibles, Missels que l'on pouvait trouver
dans le pays, et avec la pâte à papier ainsi procurée de '
faire du nouveau papier pour des ouvrages de propa-
gande bolchévique.
Mais les "sans-dieu manquent, semble-t-il, non
seulement de papier, mais aussi de pierres. A Moscou,
les , pavés trop usés sont remplacés par des dalles
TE DEUM LAUDAlVIUS!
arrachées dans les cimetières et sur beaucoup aujourd'hui
encore on peut lire les anciennes inscriptions.
iji' Non loin de nous vit actuellement un peuple nom-
breux qui n'a pas de dimanche (car même la semaine
a été supprimée); des millions d'enfants y viv~n~ ~an.s
rien savoir de ce que c'est ' que Noël. En vente, Il
semble qu'on aperçoive là le triomphe du Grand Consefl
de l'enfer.
Et lorsque jour pour jour on ,lit ces monstruosi:és
qui crient vengeance vers le ciel, on éprouve au premler
mOlnent l'impression ressentie par les spectateurs de
la pièce jouée à Vienne : Que se passe-t-il? Dieu
sera-t-Il vainqueur? '
Mais celui qui connaît l'histoire de l'humanité et
qui sait combien de fois la malice infernale s'est dressée
contre le trône de Dieu, n'a aucune crainte pour l'avenir.
Il sait que tant que vivra sur la terre un peuple pensant
logiquement et sentant humainement, la f~i e~ Die,~
ne pourra pas être arrachée de son âme; 11 sa~t q~ a
la fin de la pièce, à la fin de l'histoire du monde, Dleu
sera pourtant vainqueur. Et avec Lui seront vainqueurs
ceux qui croient en Dieu et chantent les louanges de
Dieu.
Il
CEUX QUI CHANTENT LES LOUANGES DIVINES,
y a-t-il 1un Dieu et qu'est-ce que Dieu? ces deux idées
nous ont occupés pendant dix-huit mois et nous ont
 : LE SYMBOLE DES APOTRES
,fortifiés, nous tous qui croyons en Dieu et chantons
! ses louanges.
, A) Y a-t-il un Dieu? telle est la question que nous
avons étudiée dans la première partie de notre série
de prédications.
1) Nous avons interrogé le monde immense des
étoiles et le monde intérieur de l'âme humaine la
nature vivante et inanimée; l'ordre impressionnan~ et
la finalité de l'univers nous ont répondu en accord
avec les aspirations de l'âme humaine vers la vérité
et la justice: Il y a un Dieu. Ma raison m'oblige à croire
en Lui. La grandeur du monde créé crie vers Dieu
la profondeur de l'âme humaine crie de m ême ver~
Dieu.
En effet s'il n'y a pas de Dieu, la machine de J'univers
qui fonctionne avec une incomparable précision n'a
pas de Créateur; et s'il n'y a pas de Dieu, la vie humaine
n'a pas de but. Mais serait~ce possible? Alors que nous
n'osons pas dire d'une plume à écrire, d'une roue
de machine qu'elles existent par elles-mêmes et n'ont
pas de fabricants, oserions-nous le prétendre du
merveilleux univers? Et si pas une feuille ne pend
à un arbre, sans avoir sa raison d'être, si pas un brin
d'herbe ne pousse dans la prairie, si pas une goutte
d'eau ne se trouve dans la mer, sans raison d'être alors
1'1 n ' y aurait que ,l'homme pour exister sans ' but?
!olstoï luï'-même 's 'était aussi posé cette question et
Il y répondait ainsi : (( Des millions et des millions
d'hommes vivent satisfaits, travaillent, peinent et
lut~.ent sur cette terre et il ne leur vient pas à l'esprit
qu Ils font tout cela sans but. Où puisent-ils donc leur
TE DEUM LAUDAMUS 1
joie, leur force, et leur vitalité? » Et Tolstoï ne voit pas
d'autre raison que celle-ci (( Dans la foi en un Dieu
sage et juste. » Et alors, au cours d'une promenade
printanière, de son âme s'échappa comme une révé-,'
lation cette affirmation : (( Il Y a un Dieu. Vous ne
pouvez vivre vraiment que si vous croyez en Dieu »
(Tolstoï, lUes confessions).
Oui, nous ne pouvons vraiment , vivre que si nous
croyons au bon Dieu.
Le bon Dieu, disons-nous en français. Mais les autres
peuples parlent de même. Adonaï, dit le Juif. Kyrios,
dit le Grec. Dominus, dit le Latin. Il n'y a pas de peuple
qui n'ait pas la notion d'un Dieu Créateur et Provi-
dence du monde. Partout l'homme adresse des prières
à Dieu; c'est ce mot qui est le plus fréquemment pro-
noncé dans tout le globe. Lorsque les rayons du 'S oleil
levant viennent ' dorer la fenêtre de l'homme encore
endormi, celui qui se reposait se réveille pour se
remettre au travail au nom du bon Dieu. Les âmes
pieuses Le prient, les pauvres demandent l'aumône
en Son nom, les malades mettent leur confiance en Lui,
les mourants placent en Lui leur espoir. Il n'existe ni
lieu, ni temps, ,ni circonstance où l'âme humaine puisse
ne pas penser à Dieu, ne pas croire en Dieu. Elle croit,
parce que la raison l'y oblige.
z) Mais c'est._~ussi l'organisation de la vie humaine
qui l'y ob'~ge, car sans la croyance en Dieu la vie en
société serait impossible.
Peut-on construire une vie humaine sur la négation
de Dieu? Peut-on sans la foi en Dieu parler de sentiment
du devoir, parler de devoirs envers la famille, parler
 LE SYMBOLE DES APOTRES
de pr,évenances à l'égard ' du prochain? La société
nous impDs~'-des obligations, d~s devoirs qui bien
souvent éqUlvalent au renoncement et au sacrifice pour
l'individu. La fidélité inviolable, la sincérité, l'amour
du travail, l'honnêteté, la conscience, etc., sont les
bases de la vie sociale qui finalement repose sur la
foi en Dieu. L'athéisme ébranle donc les fondements de
l'ordre so~ial. Quel~u'u~ crie par le monde : Il n'y a
pas de DIeu. CelUl qUl souffre l'entend et s'écrie .
La vie humaine n'a pas de raison d'être. Le criminei
l'entend et s'exclame : Il n'y a pas de péché. La
jeunesse l'entend et répond : Il n'y a pas de vertu.
L'époux l'entend et affirme : La fidélité conjugale
. t ~ ~as. L' enf ant l' entend et s'écrie: Il n'y a pas
n,, eXlS
d autonte paternelle.
Un' ~ays sans Dieu est un pays maudit. Ûn peuple
~n~ ~I~U, èst ~ne horde , sauvage, assoiffée de sang,
mdlsclphnee. L homme peut-il honorer son père et
sa mère s~r la terre, s'il n'honore pas son Père qui est
dans le ciel? L'homme respectera-t-il les lois terrestres'
s'il ne respecte pas le Législateur éternel? Aimera-t-ii
son prochain, celui qui croit que tous nous sommes
venus du néant et que nous retournerons au néant, et
~u~ nous devons en cette vie nous ,procurer le plus de
JOUlssances possibles? \ du Sahara. Lorsque par une claire et tranquille nuit
Et si un jour la:' révélation céleste était incapable de
déJUontrer à l'homme l'existence de Dieu, certainement
la révélation infernale avec la domination du mal
fournirait l~ preuve ,d~ son existence. En effet s'il n'y
a pas .de .DIeu, la venté n'est 'qu'une énigme, le droit
et la Justice sont inexplicables, l'ordre moral est une
TE DEUM LAUDAMUS!
convention et tout homme a le droit d'agir selon son
bon plaisir. S'il 'n'y a pas de Dieu, il n'y a pas de
liberté, car l~ liberté ne repose que sur laC loi, la loi
sur la morale, la morale sur la religion et sur Dieu.
Connaissez-vous l'inscription sur la porte de l'uni-
versité musulmane du Caire? Je répète avec une certaine
envie et un peu de honte, de l'université musulmanli :
« La chimie est importante, Dieu est plus important )),
voilà ,ce qui y est inscrit.
Oui, il faut de la chimie, il faut de la technique,
il faut de l'industrie, il faut de l'agriculture, il faut
du pain, il faut de l'hygiène, il faut du soleil, mais
surtout: il faut Dieu. En effet celui qui n'attend la
lumière que du soleil reste chaque soir dans l'ombre;
celui qui a Dieu pour soleil jouit de la clarté éternelle.
Nous sommes malades; tous nous le sentons bien.
Mais ne croyez-vous pas que le monde actuel est
malade parce qu'il s'est écarté et séparé de Dieu?
Lorsque dans les pays ,du nord les hommes sont privés
pour des semaines du soleil qui s'est incliné sous
l'horizon, l'abattement et la mélancolie s'emparent
d'eux. Cette déprimante mélancolie ronge l'humanité
présente : elle s'est écartée du Soleil de vie.
Les Arabes ont une curieùse légende SUl;. les pleurs
d'été un souffie léger passe sur le désert de sable sans
fin et soulève les milliards de petits grains de sable,
il semble que l'on entend comme le gémissement d'un
gigantesque animal blessé à mort. « Entendez-vous?
dit le guide à la caravane. Le désert qui pleure. Il se
lamente,' parce qu'il est devenu une steppe stÙile.
Sym b. d. Ap. - T. l 21 *
33° LE SYMBOLE DES APOTRES
il pleure les jardins en fleurs, les champs d'épis qui
ondulent sous la brise, les fruits enchanteurs, qu'il
portait jadis, avant d'être devenu cette étendue aride
et desséchée ».
L'homme qui n'a pas la foi porte lui aussi une ' âme
aride et desséchée. Il est possible qu'extérieurement
tout soit en ordre. Mais quand, dans le calme de la nuit
il est assis pensif au bord de son lit, ' son âme, rendu~
aride comme un désert par l'incroyance, sanglote 'e n
pensant à sa fleur flétrie et à ses joies fanées.
Oui, je crois en Dieu ... je croïs en Dieu.
B) Toutefois, mes frères, seule la première partie
de mon cycle de prédications s'est occupée de cette
question: Y a-t-il un Dieu? Dans l'autre moitié nous
sommes allés plus loin et nous nous sommes efforcés,
dans une série d'instructions, de soulever le voile
placé devant la face de Dieu, afin de connaître de mieux
en mieux ce qu'est Dieu.
Et maintenant qu'après avoir tant parlé de Dieu
je voudrais résumer en quelques idées l'ensemble de
mes sermons, je me souviens de l'histoire de Moïse ·et
du buisson ardent. Moïse entend la parole du Seigneur,
mais il ne voit pas Dieu. Il de,mande donc avec un peu
d'hésitation : « J'irai aux enfants d'Israël. Mais s'ils
me demandent: Qùel est son nom? que leur dirai-je? Il
(Exode III, 13).
N'était-ce pas aussi notre question? Partout nous
avons en Dieu la vie, le mouvement et l'être ... mais
nous nous posons la question brûlante: Qu'est-ce que
ce Dieu? Qu'est-ce que ce sublime Invisible? Et le
Seigneur répondit à Moise : « Tu diras aux enfants
TE DEUM l.AUDAMUS! 33 1
d'Israël: Celui qui est m'envoie vers VOUS)) (Exode III,
14)·
Que dirons-nous donc de Dieu pour terminer?
Qu' est~ce que Dieu?
Dieu! Quel mot sublime! Rien qu'à le prononcer,
une me~ infinie passe devant nous : une mer infinie
de majesté, de beauté, de bonté, de perfections. Toute
parole humaine est un impuissant balbutiement devant
Dieu . dont la grandeur est incommensurable, la force
toute-puissante, la durée éternelle et la demeure une
lumière inaccessible (1° Timothée VI, 16).
Qu'est-ce que Dieu? Que dirai-je de Dieu? Dirai-je:
Il est l'Océan infini de tout être? Est-ce suffisant de
parler ainsi? Non.
Dirai-je : il y a en Lui tout ce que le monde créé
renferme de montagnes, de mers, d'étoiles, d'électricité,
d'animaux, d'hommes, d'anges? Aurai-je assez parlé?
Non. '
Dirai-je: Il y a en Lui toute la beauté et l'harmonie
qui rayonnent dans le calme d'une nuit étoilée? Il y a
en Lui ,toute la majesté des cimes neigeuses des mon-
tagnes gigantesques. Il y a en Lui toute la grâce qui
apparaît sur le visage innocent d'un enfant. Est-ce
assez? Non.,
Dirai-je ': Il y ~ en Lui toute justice, toute douceur
et toute bonté telles que nous n'en trouvons qU'e parmi
les hommes dans leur suavité et leur beauté? Ai-je
suffisamment dit? Non.
Qu'est~ce donc que Dieu? Que dirai-je de Dieu?
1 La Sainte-Écriture dépeint en traits magnifiques
laJ>eauté de Dieu; je vais VOUf! en présenter deux qui

33 2 LE SYMBOLE DES APOTRES
résument tous les attributs divins : Dieu est lumière,
Dieu est amour.
, « Dieu est lumière)) (1° St Jean 1, 5). S'Il est lumière,
(
Il voit tout, ,Il éclaire tout, il n'y a pas d<;_ténèbres en
Lui. S'Il est lumière, Il sait tout, il n'y a ' pas d'erreur
en Lui. S'Il est lumière, Il est la sainteté, il n'y a ni
tache ni défaut ni défaillance ni péché en Lui. S'Il est
lumière, Il est l'éternelle harmonie, la source de toute
beauté, la source ,première de la beauté dans la nature,
l'art, l' âme de la beauté morale, de la beauté des cou-
leurs, des tons et des formes. S'Il est lumière, alors
il n'y a en Lui ni tristesse ni peine ni douleur.
« Dieu est amOUr» (1° S. Jean IV, 8). S'Il est amour,
alors vient de Lui tout amour : l'amour maternel,
l'attachement de l'enfant, l'amour généreux du prochain.
S'Il est amour, Il est la bonté, la bienveillance, la
sollicitude. S'Il est amour, alors Il est aussi digne
d'être aimé.
Que dirai-je donc de Dieu finalement en une vue
d'ensemble? Puis-je dire autre chose que ce que
saint Ambroise disait de Lui: « Voulez-vous guérir vos
blessures? Il est le médecin. :Ëtes-vous brûlés par la
fièvre? Il est ta source rafraîchissante. :Ëtes-vous
écrasés sous le poids de vos mauvaises actions? Il est
la miséricorde,'c Avez-vous besoin d'aide?C Il est le
Tout-Puissant. Avez-vous peur de la mort? Il est la vie.
Désirez-vous le ciel? Il est le Seigneur. Voulez-vous
fuir les ténèbres? Il est la lumière. Avez-vous faim?
Il est le pain de vie)) (De virginitate XVI).
Je ""ois en Dieu, le Père Tout-Puissant, Créateur du
ciel et de la terre.
\
TE DEUM LA1:lDAMUS,1 333
"" "" *
Voilà, 'mes frères, la route que nous avons suivie
ensemble durant dix-huit mois. Telles sont les idées
que je' vous ai présentées au sujet de Dieu et maintenant
je termine la série de prédications que j'ai consacrée
au pre~ier articl~ du Symbole. J'ai dit bien ~es ch?se~
sur D1eu. Et mamtenant savons-nous ce qu est Dicu.
Avons-nous ôté le voile de la stàtue de Saïs? Connais-
so~s-nous Dieu complètement?
Comment oserais-je l'affirmèr? Comment oserais-je
contredire la Sainte-Écriture qui nous dit: « Maintenant
nous voyons dans un miroir d'une manière obscure,
mais alors nous verrons face à face II (1° Corinthiens
XIII, 12).
Entendez-vous, mes frères? Alors nous verrons Dieu
face à face. Quand arrivera cet « alors ll? Quand on
ôtera le voile du monument, c'est-à-dire lorsqu'on
ôtera le voile de devant 'Dieu: Lorsque tombera le
voile de mon âme : mon corps. Actuellement le corps
m'empêche de voir Dieu. Mais une fois le voile tombé
et l'âme partie du corps, à cet instant même nous
verrons Dieu. Faites bien attention à ce que je vous
dis ; Tout homme Le verra un instant; mais il y en a
qui ne Le verront qu'un instant. Ce sont ceux qui .~nt
blasphéme Dieu, qui ont blasphémé par leur n:amere
de vivre, leur impiété, leur reniement; après cet 1l1stant
du Jugement, ils iront à la damnation éternelle. Mais
ceux qui ont vécu conformément 'à la volonté divine,
 334 LE SYMBOLE DES APOTRES
ceux qui ont loué et aimé Dieu, ceux-là demeureront
éternellement avec Lui.
Oui, j'aime Dieu.
J'aime Dieu, le Créateur infiniment puissant et sage,
dont le regard peut anéantir ou créer des milliers de
mondes et mesure le fleuve immense du temps.
J'aime Dieu, le Père infiniment bon, dont la majesté
m'écrase, mais ne m'effraye pas; j'ouvre largement
mon âme, j'étends les bras et je m'envole vers Dieu
avec la même confiance que l'enfant va vers sa mère
quand bien même elle serait une reine. ' Les cieux et la terre sont remplis de la majesté de votre
J'aime Dieu, plein de sollicitude pour le monde
je L'aime même lorsqu'Il me conduit à travers la vi;
par des chemins pénibles. ' La troupe vénérable des prophètes,
J'aime Dieu, Océan de vie, d'où proviennent toute
beauté et toute bonté, d'où sort toute âme, où s'enflamme
t~ut . cœur maternel, d'où résonne tout hymne de
VIctOIre.
. J'aime. Dieu,
, je loue Dieu, je vénère Dieu. Je crois
' serviteurs
Je crOIS qu un jour je verrai Dieu pour l'éternité.
Seigneur je suis une plante languissante, mais Vous,
Vous êtes le rayon de soleil vivifiant.
Seigneur, jè suis ' pauvre, Vous êtes la richesse
éternelle.
Seigneur, je suis fatigué, Vous êtes l'éternel Repos. '
Seigneur, je suis faible, Vous êtes la Force.
Je suis pécheur, Vous êtes le pardon.
Je suis abandonné, Vous êtes le bras protecteur.
J~ .sui~ désolé, Vous êtes le Cœur qui compatiL
J al SOIf, Vous êtes la source de l'eau éternelle.
J'ai faim, Vous êtes le Pain de vie.
TE DEUM LAUDAMUS 1 335
Je suis la nuit, Vous êtes le jour qui brille.
Je suis un homme ... un homme ... et Vous, Vous êtes
mon Seigneur et mon Dieu pour i' éternité.
o Dieu, ' nous Vous louons, ô Seigneur, nous Vous
glorifions ..
Père éternel, la terre entière Vous révère.
Tous les anges, les cieux et toutes les puissances, .
Les Chérubins et les Séraphins redisent d'une voix
inlassable:
Saint, saint, saint est le Seigneur, Dieu des armées.
gloire.
Le chœur glorieux des apôtres,
La blanche armée des martyrs Vous chantent :
Par toute la terre la Sainte Église Vous célèbre.
Père d'une majesté infinie.
Daignez donc, nous Vous , en prions, secourir Vos
Que vous avez rachetés de Votre précieux sang.
Qu'ils soient comptés parmi Vos saints dans la gloire
éternelle.
Sauvez Votre peuple, Seigneur, et bénissez Votre
héritage .
Gouvernez-le et protégez-le jusqu'à l'éternité.
Chaque jour, nous Vous bénissons.
Et nous louons Votre nom à jamais et dan!? les siècles
des siècles.
Daignez, Seigneur, en ce jour, nous préserver de tout
péché. .
Ayez pitié de nous, Seigneur, ayez pitié de nous.
 LE SYMBOLE DES APOTRES

Que Votre miséricorde, Seigneur, soit sur nous, selon

l'espérance que nous avons mise en Vous.
En Vous, Seigneur, j'ai espéré, que je ne sois point
~onfondu à jamais 1 . TABLE DES MATIERES
Seigneur, j'ai esPéré en Vous, q1/e je ne sois pomt
confondu... confondu éternellement! Amen. ,1

Avant-Propos: Le secret du succès dans la prédkadon.

1. Dieu est Esprit. . ' . . '. . 2S
II Dieu est mon Père: Il prend soin de mOl (1). 39
1. III: Dieu est mon Père: Il prend soin de moi (II). S3
IV. Dieu est mon Père: Je Le prie 68
V. Dieu est mon Père: Je L'aime 82
VI. La Très Sainte Trinité. 98
VII. Dieu: le Créateur 11 5
VIII. Dieu est saint 131
IX. Dieu est bon . . . . . . 146
X. La Bonté de Dieu et le Mal dans le Monde. 162
XI. Dieu est vrai et fidèle.. . 177
XII. Dieu est présent partout 191
X III. Dieu sail: tout 207
XIV. Dieu est infiniment sage 224
XV. Dieu est infiniment juste .' 239
XVI. Dieu est miséricordieux. 254
XVII . Dieu est patient. 270
XVIII. Dieu est immuable 288
XIX. Dieu est éternel . 304
XX. Te Deum laudàmus 320

Imp~im" par les Etnbl. Casterman, Tournai (Belgique). (D i32}

Printed in Belgit/m.